Fantômes dans l'Extrême-Orient d'hier et d'aujourd'hui - Tome 2

Marie Laureillard et Vincent Durand-Dastès

DOI : 10.4000/books.pressesinalco.2679 Éditeur : Presses de l’Inalco Lieu d'édition : Paris Année d'édition : 2017 Date de mise en ligne : 12 décembre 2017 Collection : AsieS ISBN électronique : 9782858312528

http://books.openedition.org

Édition imprimée Date de publication : 26 septembre 2017 ISBN : 9782858312504 Nombre de pages : 453

Référence électronique LAUREILLARD, Marie ; DURAND-DASTÈS, Vincent. Fantômes dans l'Extrême-Orient d'hier et d'aujourd'hui - Tome 2. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Presses de l’Inalco, 2017 (généré le 19 décembre 2018). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782858312528. DOI : 10.4000/books.pressesinalco.2679.

© Presses de l’Inalco, 2017 Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International - CC BY-NC-SA 4.0 FANTÔMES

DANS L’EXTRÊME-ORIENT

D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

TOME 2 Collection AsieS Directeur.trices de collection Catherine Capdeville-Zeng, Matteo De Chiara et Mathieu Guérin Expertise Cet ouvrage a été évalué en double aveugle Correction et préparation de copie François Fièvre Enrichissements sémantiques Huguette Rigot Fabrication Nathalie Bretzner Maquette intérieure Nathalie Bretzner Maquette couverture Nathalie Bretzner

Illustration couverture Image extraite de l’album Guiqu tu 鬼趣圖 (Plaisirs spectraux) par Pu Xinyu 溥心畬, 1896-1963. Collection privée, tous droits réservés. Licence CC-BY-NC-SA 4.0 Difusion électronique https://pressesinalco.fr

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CC-BY-NC-SA 4.0 2017, Presses de l’Inalco 2, rue de Lille – 75343 Paris Cedex 07 – France ISBN : 978-2-858312-504 FANTÔMES

DANS L’EXTRÊME-ORIENT

D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

TOME 2

Sous la direction de Marie Laureillard Vincent Durand-Dastès

Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès

AVANT-PROPOS

鬼话前言

Marie Laureillard Institut d’Asie orientale/Université Lumière Lyon 2

Vincent Durand-Dastès Asies/Inalco/Sorbonne Paris Cité

Dans le premier volume de notre recueil fantomatique, nous avons déini ce que l’on a pu entendre dans plusieurs pays d’Asie orientale par des termes des langues locales se rapprochant le plus de nos « fantômes » et autres 5 « ghosts », avant de se tourner vers l’analyse d’œuvres littéraires du passé. Avec ce second volume, le lecteur trouvera les articles traitant du problème fantomatique aux époques modernes et contemporaines. Les contributions mettent l’accent sur le phénomène spectral dans la littérature et les arts (roman, cinéma, arts graphiques), s’essayant à dessiner les contours d’une esthétique de la fantasmagorie dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui. Nous invitons néanmoins le lecteur à se reporter à notre préface générale, que l’on trouvera reproduite ci-dessous.

On l’admettra volontiers, le présent volume n’a pas la légèreté diaphane des belles femmes fantômes des histoires chinoises. Nous avons, en écrivant cet avant-propos, pleine conscience du paradoxe qu’il y a à mettre entre les mains des lecteurs un ouvrage dont le poids physique semble en décalage presque grotesque avec l’immatérialité de son sujet. Il est en revanche le signe de la passion qu’ont exercées, tout au long de l’histoire chinoise et, selon leurs propres modalités, dans les pays voisins, les apparitions des êtres revenus du monde des morts. Car cette passion a Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

inspiré tant d’auteurs chinois, coréens ou japonais anciens ou modernes1, qu’elle init par rejaillir sur les universitaires qui étudient les civilisations de ces contrées. Témoin les nombreuses propositions de communications que suscita notre appel pendant l’été 2012 et qui se traduisit par le colloque international organisé les 21, 22 et 23 février 2013 à l’Inalco, en liaison avec l’Institut d’Asie orientale de Lyon. Le présent volume essaiera d’en perpétuer l’apparition.

gui : démons, revenants… ou encore autre chose ? Ce volume s’intéresse principalement, mais non exclusivement, aux revenants. Le terme qui désigne le plus souvent les fantômes des morts, gui 鬼, est, en chinois, d’une redoutable polysémie. Certes, il semble à première vue assez bien correspondre au français « revenant » : si le terme se confondait peut-être, dans l’Antiquité lointaine, avec un homophone signiiant la peur, wei 畏2, la glose qui s’imposa dans la Chine impériale insiste sur l’homophonie du caractère gui « fantôme » et du caractère gui 歸 signiiant « le retour ». Mais dans ces acceptions, le « retour » ne se fait pas en direction du monde des vivants, mais en sens inverse : 6 ce « retour » est celui que la créature fait vers un état antérieur à la vie, vers la in inévitable de tout être. En témoignent bien des expressions anciennes ou modernes : ainsi « le Livre des rites » (Liji 禮記), chapitre « Le sens des sacriices » (« Jiyi 祭義 »), écrit-il : « Tout être vivant est promis à la mort ; lorsqu’on meurt on retourne à la terre : c’est ce qu’on appelle le revenant. » (zhongsheng bi si, si bi gui tu, ci zhi wei gui 眾生 必死,死必歸土,此之謂鬼). Plus tard, le dictionnaire Shuo wen jie zi 說 文解字 précise dans sa glose du caractère gui 鬼 : « [l’état] vers lequel s’en retournent [gui] les hommes, c’est [celui de] revenant [gui] » (ren suo gui wei gui 人所歸為鬼). Lorsque, plus tard, le paradis sera situé

1. Le lecteur s’étonnera peut-être de la place disproportionnée prise par la Chine dans ce volume, et de l’absence marquante de plusieurs provinces du territoire fantomatique extrême-oriental : Vietnam, Tibet, Mongolie, d’autres encore. Nulle volonté d’exclusive ici, mais, plus simplement, hasard des apparitions suscitées par notre appel à contributions. Les deux maîtres d’œuvres de ce volume sont sinologues, et ont fait appel avant tout à leurs démons familiers, tout en assumant le rôle clef de l’Empire du milieu dans la production de bien des concepts qui furent ensuite difu- sés dans toute l’Asie orientale. L’absence ou la présence des autres contrées est, avouons le, plus contingente. Notons cependant qu’un des participants au colloque avait évoqué la Mongolie, mais a publié par ailleurs ses travaux : Grégory Delaplace, 2009, l’Invention des morts ; 2010, “Chinese ghosts in Mongolia”. 2. Voir Lai Guolong, 2015, Excavating the Aterlife: the Archaeology of Early Chinese Religion, p. 37, 204 note 60. Wei et gui sont des prononciations modernes de ces caractères, qui furent homophones dans la langue ancienne. Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès dans le lointain Occident, on dira pour « mourir » guixi 歸西 : « s’en retourner à l’Ouest. » De nos jours encore, on dit shi si ru gui 視死如 歸 – « voir la mort comme un retour » – pour décrire l’état d’esprit de celui qui ne craint pas la mort3. Les « revenus de la vie » que sont les gui ne se manifesteront donc pas nécessairement dans le monde humain. Jusqu’aux Han, le terme pouvait être employé pour désigner les morts en général, pas seulement leurs dangereuses manifestations auprès des vivants. Plus tard, les hôtes du purgatoire chinois, si souvent représentés et évoqués par l’art et la littérature religieuse ou profane, seront bien perçus comme des morts animés, mais, captifs des « geôles souterraines » (diyu 地獄, le nom chinois le plus fréquent pour désigner ce séjour des morts4), ils auraient été bien en peine de pouvoir revenir troubler les vivants. Par analogie, les membres « libres » de l’administration infernale, qui n’ont quant à eux aucune raison de fouler la terre du monde profane, sont d’ailleurs aussi appelés gui. Au terme du séjour infernal, on peut encore renaître gui, en se voyant condamné à se réincarner en preta : un des modes d’existence apportés en Chine par le bouddhisme. Ces êtres-là aussi, qui ne sauraient être considérés comme des revenants, sont dit en chinois être des « gui afamés ». Ainsi tous les gui ne sont pas les manifestations reconnaissables 7 d’une personne trépassée. Si nous avions voulu borner notre propos aux seuls revenants, ce volume aurait dû porter sur la seule catégorie d’êtres nommée en chinois « âmes en peine », yuanhun 冤魂 ou âmes solitaires, guhun 孤魂, ou les plus agressifs « fantômes violents », ligui 厲鬼. Il nous aurait toutefois semblé dommage de nous priver de la luidité et de l’étendue du terme de gui. Devenu une des 214 « clefs » des dictionnaires classiques chinois, le sinogramme gui pose les contours d’un vaste champ sémantique. La clef du fantôme sert à classiier aussi bien des sinogrammes désignant des composantes physiologico-spirituelles de la personne humaine comme les « âmes », hun 魂 et po 魄, que des génies et démons de la nature comme les mei 魅 ou les wangliang 魍魎, des entités démoniaques terriiantes telles que les 魔, ou encore désigner le terme le plus souvent employé pour désigner l’oppression ressentie durant le cauchemar (yan 魘).

3. Pour les conceptions chinoises anciennes du devenir des morts, on pourra se référer à l’article un peu ancien de Yu Ying-shi, 1987, “Oh Soul Come Back! A Study in the Changing Perception of the Soul and Aterlife in pre-Buddhist China”, et pour des travaux plus récents, Poo Mu-chou, 2005, “Aterlife: Chinese Concepts”, ou, idem, 1998, In Search of Personal Welfare: A View of Ancient Chinese Religion, ou encore Lai Guolong, “Death and the Otherworldly Journey in Early China as Seen through Tomb Texts, Travel Paraphernalia, and Road Rituals”, et Excavating aterlife, 2015. 4. On lira avec proit, pour l’histoire des purgatoires chinois, aux nombreux travaux de Stephen Teiser, notamment he Making of Purgatory in Medieval Chinese Buddhism (1994). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Aussi, tout en souhaitant ne pas étendre notre propos à la totalité des êtres fantastiques et prodigieux (notamment ceux que l’on désigne sous le terme générique de yaoguai 妖怪, et qui ont suscité une abondante littérature en propre, notamment dans le domaine japonais5, ou encore les « essences », jing 精, épithète accolée aux noms des animaux ou végétaux ayant acquis le pouvoir de se transformer en êtres humains), nous avons souhaité, en gardant le terme de gui comme mot clef de ce volume, ne pas non plus trop borner a priori notre propos : il serait peu chinois (peu japonais, peu coréen, peu vietnamien…) de séparer trop radicalement le domaine de l’humain et de l’extra-humain, voire de l’âme et du corps, et de ne pas prendre en compte la rélexion sur les mutations et les métamorphoses qui est au cœur de la pensée chinoise classique. En témoignent d’ailleurs les débats autochtones sur les gui dont plusieurs articles du volume se font l’écho, ou le fait que, depuis l’époque des Six Dynasties, les histoires de fantômes étaient systématiquement jointes au corpus littéraire des « Annales de l’étrange » (zhiguai 志怪) qui traitaient tout ensemble des manifestations des âmes des morts et des prodiges de toutes sortes6. Toutefois, si nous évoquerons à l’occasion dans ce volume tel prodige inclassable, ou les démons de la nature, la question du revenant restera pour nous centrale. On nous pardonnera, nous l’espérons, cet anthropocentrisme. Car c’est leur dimension de 8 devenir post-mortem des êtres humains qui fait des gui une question d’importance cruciale pour les vivants, les igures qui incarnent leurs peurs et espoirs, deuils et consolations.

les modalités de l’être gui En prélude à ce livre, et bien qu’une telle tentative soit vouée à la simpliication voire à la caricature, essayons de préciser en quelques mots les modalités possibles de « l’être gui » : • Être gui, c’est se situer en un point précis d’un devenir post-mortem de la personne humaine. Tout le monde devient gui à la mort, mais la plupart des gens qui entrent dans cet état transitoire le seront dans le secret des enfers, dans

5. Voir notamment François Lachaud et al., 2005, Yōkai 妖怪 : bestiaire du fantastique japo- nais ; Michael D. Foster, 2009, Pandemonium and Parade: Japanese Monsters and the Cultures of Yokai. 6. Sur la prise d’autonomie du discours sur les fantômes à l’époque des Six Dynasties, voir no- tamment Robert Campany, 1991, “Ghosts matter: he culture of ghosts in Six Dynasties zhiguai” ; Poo Mu-chou, 1997, “he completion of an ideal world: he Human ghost in early medieval China”, 2000, “Ghost literature: Exorcistic ritual texts or daily entertainment?”. Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès l’attente d’une nouvelle incarnation. Seules les âmes en peine et en grief, revenues hanter les vivants, deviendront des revenants. Les gui dangereux et persécuteurs peuvent être exorcisés et chassés, mais aussi apaisés et ralliés par le culte et les ofrandes. À cet égard, un nombre non négligeable de divinités auxquelles les Chinois rendent un culte sont passées précédemment par l’état de gui, exerçant sur les vivants un chantage qui a résulté dans leur déiication7. • Être gui, c’est être un fantasme. Dans les innombrables histoires de fantômes chinoises8, on ne peut qu’être frappé par la récurrence du personnage de la séduisante revenante. Ce fantasme des lettrés chinois de l’Empire n’eut presque pas de pendant masculin. Ainsi, lorsque, vers le milieu du xviie siècle, Feng Menglong 馮夢龍 compila son « Abrégé thématique d’une histoire des passions » (Qingshi leilüe 情史類略), la totalité des histoires du chapitre « Fantômes de passion » (« Qinggui lei 情鬼類 ») contente la rencontre amoureuse d’un homme et d’une morte. La plupart de ces histoires ne sont pas des histoires de vampires qui montreraient la revenante entraîner son amant dans la mort, mais des rencontres initiatiques et mélancoliques, dont l’homme ressortira ému, mais renforcé. La littérature théâtrale ne fait que renchérir, en ayant pour héroïnes une impressionnante cohorte de 9 belles mortes évanescentes. Cette érotisation de la morte, quintessence du yin, est un des éléments majeurs de l’esthétique du récit fantomatique9. • Être gui, c’est être un relet déformé, une métaphore, une caricature. À l’inverse, les fantômes ont fourni une cohorte pittoresque aux al- légories philosophiques ou politiques. Le peuple des enfers ou des lieux écartés est souvent décrit comme une personniication des travers hu- mains. Sous les Tang, le lettré Han Yu 韓愈 (768-824) prit ainsi pour prétexte un rite d’expulsion des « démons de la misère » (qionggui 窮 鬼) pour, en se comparant à ces pauvres diables porte-malheur, vanter son sourcilleux esprit d’indépendance et son caractère altier. À partir du xvie siècle, on verra se développer dans le roman chinois le genre de « l’allégorie démoniaque », où chaque gui incarne un type de défaut hu-

7. Pour des exemples de transformation en divinités de morts dangereux, voir notamment Jean Levi, 1989a, les Fonctionnaires et le Divin, p. 204-207 (cas de Jiang Ziwen) ; pour le passage de l’état spectral à l’état divin du général des Trois Royaumes Guan Yu, voir Barend ter Haar, 1999, “he rise of the Guan Yu cult: he Daoist connection”. 8. Pour une synthèse sur les fantômes dans la littérature chinoise classique et ancienne, voir l’étude d’Anthony Yu, 1987, “Rest, Rest, Perturbed spirit’: Ghosts in traditional chinese iction”. 9. Voir à ce sujet Judith T. Zeitlin, 2007, he Phantom Heroine: Ghosts and Gender in Seventeenth-Century . Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

main10. Les textes littéraires comme le discours politique contemporain auront très largement recours à ces gui métaphoriques. En langue mo- derne, le suixe gui sert encore à composer toutes sortes de qualiicatifs désobligeants, du pauvre diable à l’ivrogne en passant par le déplaisant étranger. Nous retrouverons chacune de ces modalités au il des articles de notre volume. Tentons maintenant d’en préciser la teneur.

définitions et limites du champ fantomatique La première partie du volume, intitulée « Que sont les gui 鬼 ? Visions et déinition », vise à mieux cerner les contours de la notion de fantôme en Chine et en Extrême-Orient. Le volume donne la parole en premier à un mort illustre, le grand écrivain Han Yu, de la dynastie des Tang, modèle de la prose classique et des vertus du lettré. Le texte ici traduit, « De l’origine des fantômes » (« Yuan gui 原鬼 »), est trop souvent négligé par les exégètes. En quelques brefs paragraphes, Han Yu y exprime la profonde ambivalence des lettrés chinois à l’égard du surnaturel, dans l’esprit de rationalité ouverte qui régissait leur attitude à l’égard des phénomènes diicilement explicables. 10 Han Yu s’y essaye à donner une explication acceptable et morale de la présence dans le monde des apparitions et prodiges : fantômes et esprits (guishen 鬼神) sont normalement neutres, intangibles et invisibles. Mais ils peuvent se manifester pour punir les hommes d’errements dont ces derniers sont seuls responsables : ces esprits-là, sans aucune malice, n’apparaissent qu’en réaction aux fautes des vivants ; on retrouve là, sans surprise, un point de vue maintes fois exprimé dans les textes des lettrés (ru 儒), du moins depuis le renforcement de la cosmologie corrélative sous les Han. Pourtant, Han Yu ne s’arrête pas à cette interprétation classique, et, dans sa probité intellectuelle, admet encore, en un ultime paragraphe, l’existence de prodiges non explicables par la raison morale : ce sont les wu 物, les phénomènes étranges, qui « arrivent en leur temps » et amènent tant léaux que bienfaits sans qu’on puisse leur donner cause ou motivation précises. Malicieusement, Han Yu commence d’ailleurs son texte comme s’il allait raconter une des histoires de fantômes en vogue de son temps. Vincent Goossaert a le redoutable honneur d’être le premier auteur vivant à s’exprimer dans le recueil. Il met en garde d’emblée le lecteur contre une confusion possible entre le terme chinois de gui et notre

10. Sur l’allégorie démoniaque, voir Danielle Éliasberg, 1976, le Roman du pourfendeur de dé- mons ; Roland Altenburger, 2001-2002, “Chains of ghost talks” ; Vincent Durand-Dastès, 2008, la Conversion de l’Orient, p. 302-305. Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès

« fantôme ». Le sens fondamental du terme gui est de désigner l’état que connaît le mort entre son trépas et l’obtention d’un nouveau statut ontologique, divinisation ou nouvelle incarnation. Tous les humains en passeront donc par l’état de gui sans pour autant se manifester comme revenants. Le lieu par excellence de destination des gui, dans la Chine impériale tardive, est le purgatoire, les « prisons souterraines » où sont jugés et punis les morts. Goossaert présente au lecteur un des principaux guides des enfers chinois, le Yuli baochao 玉歷寶鈔 ou « Précieux manuscrit du Calendrier de Jade », texte à la date incertaine quoique sans doute tardive (in xviiie siècle ?), mais qui connut une très large difusion. Les morts sont présentés par le « Calendrier» » comme des « âmes coupables » (guifan 鬼犯) qui ont à faire face à un monde bureaucratique et judiciaire souterrain qui examinera leur vie passée avec sévérité tout en préparant leur transition vers un nouvel état. Un des buts que se ixe cette administration infernale est précisément d’empêcher les gui de se manifester comme fantômes pendant cette dangereuse période transitoire : seul un très petit nombre d’âmes victimes d’injustices manifestes se verront autorisées à hanter leurs bourreaux, et ce sous la stricte supervision des agents infernaux. En ce sens, le « Calendrier de Jade » se situe dans la droite ligne de maints textes taoïstes anciens voués à la protection des vivants contre les démons et les morts dangereux. 11 Costantino Moretti nous emmène à travers le dédale d’une vertigineuse taxinomie, celle que dresse des preta un sūtra bouddhique ancien. Ces « fantômes afamés » ne sont pas des revenants, mais une catégorie d’êtres à part. Ils peuvent cependant, nous le rappelle Moretti au début de son chapitre, constituer un devenir possible de la personne humaine si ses fautes karmiques risquent d’entraîner celle-ci vers une renaissance dans cette peu enviable condition. Les preta vivent soit parmi les hommes, invisibles d’eux, soit dans une lointaine région vouée aux soufrances, assez comparables aux enfers. Les catégories de preta réunies composent une sorte d’encyclopédie des soufrances physiques possibles et imaginables : ils sont des corps brimés, dont les frustrations sont en rapport avec les nourritures qui leurs sont imposées, ou le plus souvent refusées. Les preta vivant à proximité des hommes se comportent à leur égard comme des sortes de parasites souvent inofensifs, mais parfois dangereux, tirant parti des faiblesses ou des vices humains. Leur nom et leur comportement correspondent également à tel ou tel défaut humain, et ils constituent la vivante menace d’une réincarnation terriblement punitive pour ceux qui ont la faiblesse de s’y abandonner. D’une certaine façon, la liste baroque des catégories de preta annonce peut-être, dans le domaine de la littérature profane, les listes de gui correspondant aux défauts humains des allégories démoniaques satiriques des xviie et xviiie siècles. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

François Macé nous entraîne dans les débats au sujet des « dieux et esprits » (guishen/Kishin 鬼神) dans le Japon des xviiie et xixe siècles. Il restitue, notamment par le jeu de nombreuses traductions, la voix de lettrés qui refusèrent avec énergie l’idée de l’existence des divinités, même à l’époque lointaine du « temps des dieux ». Ces lettrés, conservant leur hostilité viscérale à l’égard du bouddhisme, manifestent de surcroît une grande méiance à l’égard des innovations théologiques du shinto. Intéressés par la science occidentale, c’est toutefois chez les confucéens chinois qu’ils vont chercher les fondements de leur refus de l’existence des esprits. Se livrant à une lecture sélective, coninant souvent à la mauvaise foi, des textes de Confucius, Mencius, Zhu Xi ou Zhang Zai (ils ne semblent pas avoir connaissance des célèbres déclarations d’incroyance de Wang Chong à l’époque des Han), ils reconstruisent en quelque sorte un confucianisme athée leur semblant le mieux convenir au Japon des temps modernes. Le problème de la croyance ou de l’incroyance est également le sujet du chapitre de Michel Chambon. À partir du récit d’une rencontre fantomatique faite par une Taïwanaise convertie au catholicisme, il montre comment les idèles taïwanais concilient rites et croyances hérités de leur fond culturel propre avec leur foi chrétienne en agissant, tout en se débrouillant pour ne rien nier ni airmer de trop précis. Au 12 bricolage du idèle répond celui du théologien catholique qu’est aussi l’auteur, qui, ier de ne pas renvoyer, comme ses collègues protestants évangéliques, les fantômes à la sphère du démoniaque, valide comme compatibles avec la foi questions et incertitudes des idèles. Au fond, comme les clercs de l’Occident médiéval contraints de faire évoluer la position de l’Église sur les fantômes face à la multiplication des récits de rencontres spectrales faites par des idèles voire des condisciples jadis étudiés par Jean-Claude Schmitt11, les prêtres catholiques agissant en milieu taïwanais et leurs idèles montrent une grande liberté d’invention des fantômes et de leur univers. Les six chapitres suivants abordent des régions du champ sémantique du mot gui qui ne se confondent pas avec le territoire fantomatique, mais sont susceptibles d’aider à en préciser les contours. Dans son chapitre, Anika Pissin se livre à une première exploration de la littérature médiévale des « Annales de l’étrange » à la recherche de la présence des apparitions surnaturelles d’enfants. Certains d’entre eux, émissaires infernaux ou messagers divins, viennent transmettre aux hommes des présages – souvent funestes, comme sont aussi funestes les enfants personniiant les maladies qui apparaissent près des agonisants. D’autres enfants personniient des dieux du corps ou des embryons

11. Jean-Claude Schmitt, 1999, les Revenants : les vivants et les morts dans la société médiévale. Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès issus de pratiques alchimiques taoïstes. Ces derniers, issus du corps de vivants, apparaissent fugitivement, tels des fantômes, bien que n’étant en rien issus du monde des morts. Pissin nous invite à nous intéresser plus avant à ces étranges apparitions enfantines qui, jouant un rôle subalterne, mais troublant dans le monde des esprits, sont sans nul doute propres à grandement améliorer notre compréhension du fait fantomatique. Les enfants étaient également nombreux parmi les médiums de la Chine médiévale qui sont le point de départ du chapitre de Pan Junliang. Celui-ci revient sur le statut ambigu de ceux qu’on appelait parfois « ceux qui voient des fantômes » (jiangui zhe 見鬼者). Le médium, mais aussi le malade menacé de périr, font en efet partie de ceux que l’on dit être susceptibles d’apercevoir des spectres. Si tous les fantômes signes de pathologie ne sont pas des revenants, les apparitions de spectres vengeurs préludent souvent à une maladie fatale pour qui a sur la conscience la mort d’un être humain. Mais la vision des fantômes, qui est faiblesse ou danger chez l’homme ordinaire, devient pouvoir et clairvoyance chez le médium. Pourtant, celui-ci a dû bien souvent traverser l’épreuve de la maladie, maladie qui est parfois folie, avant que ses pouvoirs ne s’afermissent. En revanche, les adeptes taoïstes revendiqueront une capacité de visualisation et d’extériorisation des divinités internes ou externes au corps qui les met en rapport avec la voyance des possédés tout 13 en les en distinguant radicalement. Rania Huntington nous parle de rencontres avec les morts qui ne relèvent ni de l’irruption efrayante du surnaturel ni de l’expérience religieuse de la visualisation : la rencontre avec un mort à l’occasion d’un rêve. Comme elle nous le rappelle, le rêveur, souvent décrit comme une âme hun 魂 échappée momentanément à son corps, n’est pas sans analogie avec l’être désincarné qu’est le revenant. Mais corollairement, le mort que l’on voit en rêve n’est pas lui-même un revenant : son apparition, coninée au moment du sommeil, ne relève pas de la transgression que représente une apparition fantomatique vue à l’état de veille. À partir des écrits laissés par la famille du grand lettré Yu Yue 俞樾 (1821-1907) depuis le milieu du xixe siècle jusqu’aux années 1930, Rania Huntington reconstitue pour nous une poignante tranche d’histoire familiale scandée par des rencontres oniriques avec des mortes, les épouses tôt décédées de Yu Yue et de son petit-ils, puis d’une jeune femme de la famille dont le trépas prématuré est suivi par de nombreux rêves où elle apparaît aux siens. Ces rêves qui inspireront aux membres du clan récits, poèmes et même peintures montrent l’importance de cette présence prolongée des morts, qui apportent aux vivants, selon les cas, révélations, prophéties ou consolations. Dans son chapitre sur les fantômes des objets, Judith Zeitlin revient sur un paradoxe : pour apparaître à un être humain sous une forme Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

également anthropomorphe, un être inanimé doit auparavant « mourir » en connaissant la décrépitude ou la destruction. Elle analyse plusieurs contes Tang où des hommes ou femmes rencontrés de nuit se révèlent être au matin des objets (une lute, un balai, une pierre à encre, une lampe…) brisés, ou tout au moins abandonnés par leurs propriétaires, eux-mêmes depuis longtemps disparus. Ces objets faits hommes sont en quelque sorte aussi des objets faits spectres. Dans un des récits, le protagoniste donnera d’ailleurs une sépulture à l’objet inalement identiié, tout comme on donne le repos aux restes d’un mort inapaisé. Au-delà de leur dimension ludique (les objets incarnés récitent des poèmes en forme d’énigme ou possèdent des traits physiques qui révèlent de façon détournée leur identité réelle), ces récits sont, comme les histoires de fantômes classiques, porteurs de la mélancolie liée aux êtres et temps disparus. Le chapitre d’Alice Bianchi est une étude sur un rouleau de peinture dû à l’artiste Zhou Chen 周臣, ayant vécu à Suzhou des environs de 1455 jusqu’après 1536. Le sujet de l’artiste n’a en principe rien de surnaturel puisque sa composition de 1516 est intitulée « Mendiants et personnages de la rue ». Pourtant, comme le démontre Bianchi, Zhou Chen se réfère constamment pour représenter ses mendiants à des codes graphiques employés de longue date dans la peinture des gui, depuis les images des faméliques preta jusqu’à la igure tragi-comique du Wuchang gui 無常鬼, 14 émissaire du monde des morts, en passant par les âmes en peine péries de malemort des peintures murales monastiques. Comme les possédés de la Chine médiévale qui pouvaient se faire exorcistes, les mendiants de Zhou Chen tiennent des objets rappelant les parades démonifuges auxquelles ils étaient susceptibles de prendre efectivement part. En dépeignant ces igures quotidiennes au moyen d’un vocabulaire graphique plus souvent associé à l’extraordinaire et à l’étrange, Zhou suscite à leur égard tant l’efroi que la compassion. Si les fantômes peuvent être des doubles métaphoriques des gueux, les renards seraient quant à eux leurs proches parents, habitant les mêmes lieux et soumettant les vivants à des hantises similaires. Solange Cruveillé dresse dans son chapitre un méthodique état des lieux des points communs entre renards métamorphosés et morts ranimés. Creusant son terrier dans les cimetières, se repaissant parfois de la chair des cadavres, le renard sorcier est capable de s’assimiler à un mort au point de pouvoir comme lui hanter les vivants. C’est surtout pendant les derniers siècles de l’ère impériale que les thèmes érotiques de la renarde séductrice et de la séduisante revenante apparaissent assez systématiquement en parallèle. Mais, comme les renards sont dits occuper une position intermédiaire entre morts et vivants, le personnage de l’amante renarde, qui tient à la fois de la courtisane, de la bête et de la revenante, est dépeint comme plus libre que la ille fantôme igée dans la mort. D’où sans doute les Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès développements spécialement riches et imaginatifs des amours vulpines dans la littérature d’imagination en langue classique des Ming et des Qing. une esthétique de la fantasmagorie La deuxième partie de notre ouvrage s’attache à retracer l’histoire artistique et littéraire des gui depuis l’A sie prémoderne jusqu’à l’époque contemporaine. Il s’ouvre par une étude de Min Sook Wang-Le et Frédéric Wang sur le recueil coréen peu connu de Kim Si-seup 金時習 (1435-1493) le Geumo sinhwa 金鰲新話 (« Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or »). Inspiré, comme plus tard au Japon les Contes de pluie et de lune (Ugetsu Monogatari 雨月物語) d’Ueda Akinari 上田 秋成 (1734-1809), par deux des recueils de nouvelles classiques chinois qui relancèrent au début des Ming la vogue des histoires de fantômes, les « Nouvelles Histoires en mouchant la chandelle » (Jiandeng xinhua 剪 燈新話 et leur « Suite » (Jiandeng yuhua 剪燈餘話, dus respectivement à Qu You 瞿佑 (1341-1427) et Li Zhen 李禎 (1376-1452), le recueil de Kim constitue un très intéressant jalon dans la transmission de l’imaginaire des fantômes et des esprits chinois dans les pays avoisinants. Compilés assez peu de temps après leur modèle chinois, les « Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or » ») coréanisent systématiquement les 15 situations et les personnages, mêlant idélité aux esprits chinois et souci d’ancrer les récits dans leur pays d’adoption. Frank Kraushaar se tourne quant à lui vers un poète des Tang resté célèbre pour avoir possédé un « talent spectral » (guicai 鬼才), Li He 李賀 (791-817) : à travers une analyse méticuleuse d’une suite de trois poèmes de Li He inspirée des « Élégies de Chu », Shenxuan qu 神 絃曲, Shenxuan 神絃 et Shenxuan bie qu 神絃別曲, Kraushaar montre comment Li He parvient avec une grande originalité à brouiller les distinctions entre espace humain et divin, et atteindre à une dimension du surnaturel peu égalée dans la littérature de son temps et d’après, justiiant ainsi sa réputation de prince des poètes de l’étrange et du spectral. Dans son chapitre, Sandrine Marchand part d’un constat : l’anthologie de Qian Zhonglian 錢仲聯, qui fait actuellement référence pour la poésie des Qing, le Qing shi jishi 清詩紀事, classe dans son 22e et dernier volume les poèmes de femmes, les poèmes de rêve, les chansons populaires et les nursery rhymes, mais aussi les poèmes de revenants. S’interrogeant sur le sens de cette mise en parallèle des femmes, des revenants et du peuple, Marchand essaye de dresser une petite typologie des poèmes de revenants et de les caractériser esthétiquement. Ces poèmes peuvent être révélés au cours d’un rêve, alors récité par le revenant qui apparaît au rêveur (transmission orale), ou être retrouvés Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

écrits sur des supports divers, comme les poèmes de Ye Peixiang 葉佩纕 retrouvés écrits sur des feuilles par des chenilles vivant près de la tombe de la jeune poétesse. Les poèmes de revenants sont sobres et délicats, et témoignent d’un rapport particulier à la nature. Parmi eux, on remarque que les poèmes féminins sont très proches par leur tonalité des poèmes à chanter – ci – de poétesses vivantes, à cela près que les poèmes de spectres sont invariablement des poèmes réguliers shi. Dans son chapitre, Vincent Durand-Dastès s’intéresse à l’histoire dramatique et textuelle d’une pièce du xviie siècle, « Sanlang saisi vivant », Huozhuo Sanlang 活捉三郎. Après avoir retracé l’histoire des scènes de possession spectrale au théâtre chinois, il montre comment Huozhuo Sanlang init par devenir au il du temps la scène de hantise amoureuse par excellence, éclipsant d’autres pièces jadis plus connues. Le succès de cette pièce tint sans doute au fait qu’elle parvenait à combiner thématique érotique et mise en scène de l’horreur spectrale. À la diférence d’autres scènes de possession, la protagoniste fantomatique n’est pas ici une revenante vengeresse, mais une morte amoureuse, uniquement soucieuse d’emmener avec elle son amant. Toutefois, ce dernier, joué par un clown, réintroduit par son jeu la dimension de la terreur et de l’horreur de la mort, se transformant sur scène, dans les bras du fantôme, en un pantin désarticulé au visage décomposé. Les 16 modiications progressivement apportées par les comédiens à un texte initialement rédigé dans une langue savante, presque pédante, jouèrent sans nul doute un rôle majeur dans la création d’un objet théâtral fascinant et unique, qui réussit à traverser en gardant sa force expressive les nombreuses restrictions et interdictions inligées par la censure du xxe siècle. Le chapitre de Kenny Ng traite également du devenir contrasté du personnage de la femme fantôme dans le théâtre traditionnel, mais en se concentrant sur ses avatars dans le cinéma cantonais moderne. Il commence par rappeler comment, dès les années 1930, des studios liés aux milieux progressistes avaient eu grand soin de dépouiller le cinéma chinois naissant de ses tares « superstitieuses » en bannissant les histoires de fantômes. Après-guerre, on put voir ainsi à Hong Kong d’assez nombreux « ilms de fantômes sans fantômes », souvent inspirés de productions hollywoodiennes, où l’atmosphère fantastique du début de ilm se voyait réduite à néant par une explication rationnelle apportée à la in. Pourtant un studio hongkongais décida en 1956 de porter à l’écran une histoire d’amour spectrale canonique, le « Pavillon aux pivoines » de Tang Xianzu (1550-1616) avec le ilm A Beautiful Corpse Comes to Life (Yanshi huanhun ji, dir. Li Chenfeng), 1956. Dans ce ilm, la dimension surnaturelle n’est pas niée, mais c’est sur les aspects érotiques de la rencontre spectrale que s’exerce la censure : les amours fantomatiques des Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès protagonistes deviennent strictement platoniques. En cela, le ilm de 1956 rejoint d’autres adaptations ilmiques de littérature traditionnelle qui refusaient toute description de relations sexuelles entre morts et vivants, en procédant systématiquement à la réincarnation des héros avant tout contact intime. Le progressisme de rigueur chez les cinéastes de gauche qu’étaient les auteurs du ilm est servi par l’introduction d’un conlit totalement absent de la pièce Ming, avec l’ordre patriarcal incarné par le père de la jeune morte. En dépit de ses pudeurs, A Beautiful corpse comes to life, sans doute une des premières adaptations cinématographiques du « Pavillon aux pivoines », n’est pas sans originalité, et correspond assez parfaitement au lieu et à l’époque qui l’a vu naître, le Hong Kong colonial des années de guerre froide. les auteurs incrédules, mais hantés de la littérature moderne et contemporaine Comme le montrait déjà le chapitre de Kenny Ng, les intellectuels de la génération du 4 mai 1919 avaient été à l’origine d’un violent rejet des fantômes, jusque dans leurs dimensions esthétiques. Georges Bê Duc décrit au début de sa contribution le jeune Zhou Zuoren, reniant au nom de la « littérature humaine » l’esthétique fantomatique du passé chinois. Mais le même Zhou, au nom d’un souci anthropologique qui 17 ne vise d’abord à décrire la « pensée sauvage » que pour mieux hâter l’avènement des lumières, devient au il du temps de plus en plus fasciné par des prodiges auxquels il accorde tout au moins du « piquant » (quwei 趣味), et auxquels, de fait, sous forme d’enquêtes folkloriques comme de métaphores nourries de littérature tant occidentale que chinoise, il donne de plus en plus de place dans son œuvre. Fasciné par les lettrés de la in des Ming qu’il a redécouverts, se sentant en décalage croissant avec son temps, Zhou n’est pas loin de se peindre lui-même en fantôme, signe d’une fascination irréductible, qui reste inentamable par l’esthétique des temps nouveaux. On trouve un même type de dédoublement, voire de duplicité, dans l’analyse que mène Victor Vuilleumier d’une nouvelle de Wang Yiren (1902-1926), « L’oie sauvage solitaire ». Identiiable selon un premier niveau de lecture comme appartenant à la littérature de la « génération romantique » des auteurs chinois modernes, ce récit cache, sous sa dimension psychologisante et son introspection pessimiste, une histoire de hantise et de possession faisant directement référence à la littérature spectrale chinoise. Une scène située près du lac de l’ouest de Hangzhou permet de convoquer dans le récit, via les références et le vocabulaire, un moi intérieur hanté par les fantômes du passé chinois. C’est un peu plus tard (1935-1937) que furent écrits les récits de Yan Zongling étudiés par Colette Girard. Revenant vers la Chine après Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

un long séjour européen, le jeune écrivain évoque des spectres apparus à lui lors de rêves ou de visions : fantômes mélancoliques de femmes abandonnées (l’épouse que lui imposèrent ses parents) ou vision presque allégorique du spectre d’un amour perdu, mais aussi morts héroïques de Pékin attaquée en son absence par les Japonais, donnant une couleur résolument fantomatique au voyage de l’exilé. La variation sur le thème de l’amour avec une femme fantôme que donna le populaire écrivain Xu Xu (1908-1980) en 1937 propose au lecteur un jeu à plusieurs niveaux, où l’auteur prend un malin plaisir à composer une œuvre hybride, métissant les thématiques fantastiques chinoises et occidentales, les scènes urbaines, rurales ou banlieusardes, les expressions de la tradition et de la modernité, le récit réaliste et métaphorique. Chen Qin montre comment Xu Xu, jouant avec les codes de l’histoire de fantômes traditionnelle, fait inalement basculer son récit hors de la sphère du surnaturel en incluant des allusions voilées à la situation politique des années 1920 et 1930 : celle qui se faisait passer pour une revenante est une révolutionnaire qui a adopté l’identité fantomatique par deuil de ses espoirs politiques comme de ses anciens compagnons exécutés par le pouvoir. Comme dans les contes traditionnels, l’identité spectrale, fut-elle comme ici usurpée, magniie l’héroïne. 18 Le point de départ de l’article de Marie Laureillard, en tête de la section consacrée aux images modernes et contemporaines (tant celles des arts graphiques que du cinéma), est un texte du peintre, dessinateur et écrivain de l’époque républicaine Feng Zikai. Rouvrant à sa façon un débat qui remonte à l’Antiquité chinoise, sur la diiculté ou la facilité qu’il y aurait à représenter les fantômes, Feng, que sa foi bouddhique fait douter dans d’autres écrits de l’existence même de ces esprits, livre ici une rélexion, où tout en rappelant à son souvenir des terreurs d’enfance, il fait de la représentation des fantômes une sorte d’exercice de mise en image de la malice du monde, choisissant pour sa part de ne pas se risquer à l’exercice. Les contributions de Christophe Comentale et d’Emmanuel Lincot nous font rencontrer des artistes chinois travaillant à l’autre extrémité du xxe siècle. Les graveurs Chen Pao-pao, Yin Xin, ou Lin Xijian, ou le peintre Wu Guoquan, dont le nom d’artiste est Heigui, rendu en français par Lincot comme « le Diable noir », traduisent tous dans leur art, au terme de la période maoïste, la même obsession pour les thèmes fantastiques ou macabres. Ces contributions sont également des témoignages sur ces artistes que les auteurs ont eu l’occasion de fréquenter, et sur leur vision des thèmes fantastiques anciens ou contemporains. Le chapitre de Jacline Moriceau analyse les ilms réalisés dans les années 1960 par le cinéaste japonais Teshigahara. Pour le réalisateur, les êtres fantastiques (revenants, mais aussi animaux ou objets hantés) étaient Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès les meilleurs auxiliaires qu’ils pouvaient trouver dans son entreprise de dévoilement des réalités contemporaines cachées de la société japonaise d’après-guerre. Plus proche de nous, le réalisateur taiwanais Tsai Ming-Liang signe une œuvre habitée par la question de la mémoire et de la mort. Corrado Neri nous montre comment Tsai transforme, par un jeu d’allusions et de citations, les ilms célèbres du cinéma de Hong Kong et en véritables fantômes d’un monde en train de s’évanouir. Le chapitre de heeraphong Inthano nous ramène dans la sphère d’œuvres romanesques et cinématographiques plus populaires. Après avoir rappelé les conceptions siamoises sur les revenants, il présente les nombreuses histoires d’amours spectrales très en vogue chez les écrivains comme les cinéastes thaïs contemporains. Le lien entre désir et manifestation spectrale, selon Inthano, ne peut se comprendre que par référence à la culture bouddhique qui marque très fortement la société thaïlandaise. Avec l’article de Mary Picone, nous demeurons dans la sphère de la culture populaire. Au Japon, un véritable tourisme des lieux hantés existe, qui a donné naissance à des guides de voyage recensant les sites où paraissent revenants anciens ou modernes, et se mêlent récits historiques et légendes urbaines contemporaines. L’exploration de l’espace spectral 19 s’est traduite plus récemment par la production et la difusion de vidéos de lieux hantés, et, plus récemment encore, de mini-ilms réalisés par des téléphones portables, dont les images loues et ambiguës constituent pour leurs très nombreux amateurs autant de preuves de la présence de « vrais » fantômes. La dernière section de notre ouvrage est consacrée à la période que David Der-wei Wang a baptisée « seconde hantise12 », et qui signait selon lui le retour des fantômes dans la littérature chinoise au tournant du xxie siècle, une centaine d’années après leur expulsion par les intellectuels révolutionnaires du début du xxe siècle. Dans son article, Xu Shuang analyse un roman, « l’Impératrice Phénix », qui rencontra un très large public sur internet avant de voir sa difusion prolongée sous forme livresque. La jeune auteure de ce best-seller réalise une hybridation réussie de plusieurs courants de la culture populaire contemporaine : le fantôme, concubine impériale assassinée, traverse, via des réincarnations successives, le temps et l’espace pour se livrer à une véritable enquête policière ayant pour but de démasquer son assassin. Si l’auteure sait parfaitement employer les codes de la science-iction comme du roman policier, il est frappant de voir comment la description des personnages spectraux reprend avec idélité la rhétorique des apparitions fantomatiques du roman et du théâtre chinois anciens.

12. David Der-wei Wang, 2005, “Second haunting”. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Femmes écrivains et fantômes sont également au cœur de la contribution de Cécile Sakai. Elle analyse les œuvres de Kawakami Hiromi, qui appartient à un groupe d’auteures à succès nées vers le début des années 1960. Plusieurs de ses œuvres emploient le fantastique pour se livrer à une transformation du quotidien. Les héroïnes de Kawakami sont hantées par des êtres surnaturels qui les accompagnent à travers des épreuves (deuils, séparations). Ces « médiateurs de l’au- delà » apportent inalement plus d’aide et de réconfort que de peur ou d’angoisse, et expliquent le succès de ces récits initiatiques féminins auprès des lectrices japonaises. Elles apportent aux femmes un rêve d’autonomie fantasmée, qui, au bout du compte, loin d’être une littérature féministe, console les femmes des inégalités de leur condition sans les pousser à s’en échapper. Shao Baoqing s’intéresse quant à lui à une vaste saga familiale publiée en Chine au début des années 1990 et qui rencontra également un grand succès, le Pays du cerf blanc (Bailu yuan). De nombreux éléments fantastiques (présages, rêves révélateurs, esprits animaux, et aussi plusieurs passages mettant en scène des fantômes) émaillent ce long récit à la tonalité essentiellement naturaliste. Pourtant, lorsque l’auteur fut comparé par des critiques aux écrivains du « naturalisme magique » sud- américain, qu’il connaissait pourtant, il refusa tout net la comparaison 20 et défendit la nature essentiellement réaliste de son récit, jusques et y compris dans son évocation des êtres fantastiques. Rosa Lombardi analyse quatre nouvelles écrites entre 1989 et 1996 par le célèbre écrivain Su Tong, toutes marquées par le fantastique, le plus souvent via la reprise modiiée de thèmes de la littérature traditionnelle. Pour Lombardi, l’emploi du fantastique par Su Tong ne relève pas de traductions voilées de préoccupations morales ou politiques, comme on a pu le dire pour d’autres auteurs. Il s’agit pour Su d’un choix avant tout esthétique, une façon d’exprimer le pouvoir d’invention et de création de la littérature, en entraînant son lecteur hors du monde quotidien vers un ailleurs qui ne saurait exister que par l’acte créateur de l’écrivain. Annie Curien évoque dans sa contribution la mémoire du poète et romancier hongkongais Leung Ping-kwan (1949-2013). Grand voyageur, Leung composa lors d’une résidence d’écrivain à Saint-Nazaire une nouvelle hantée par l’évocation des esprits de noyés. Dans un commentaire à sa nouvelle, Leung expliqua comment se bousculaient alors dans son esprit son goût pour les récits fantastiques chinois anciens (dont il voyait Hong Kong comme une sorte de conservatoire à l’époque de la censure maoïste), le souvenir lointain des morts de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne et celui, à la douleur plus vive, des clandestins chinois qui venaient de périr lors d’une tentative de traversée vers l’Angleterre. C’est presque naturellement que surgit sous sa plume le fantastique et qu’errances et fantômes, Chine et Europe se rencontrèrent dans sa nouvelle. Avant-propos Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès

Zhang Yinde clôt notre recueil par un chapitre consacré à Beaux seins, belles fesses, du récent prix Nobel de littérature Mo Yan. Les éléments tératologiques traditionnels, modernisés et contextualisés, abondent dans l’œuvre de Mo Yan. Dans ce livre, il puise librement dans la démonologie chinoise pour créer des personnages de femmes remarquables aux pouvoirs démoniaques. Ces femmes sont au cœur de la peinture d’une utopie grinçante, dans laquelle on reconnaît la vision travestie de l’histoire chinoise et de la violente refondation du monde chinois par les communistes. Via le personnage d’un garçon bâtard et incapable, véritable antimessie qui trahira les espoirs des fortes et impitoyables femmes du récit, le roman semble vouloir mettre en garde contre le revanchisme messianique et le désir de puissance nationaliste qui hante la Chine de l’époque du « Rêve chinois ». fantômes silencieux ou bavards, maigres ou replets Les fantômes sont, c’est bien connu, dotés d’une certaine ubiquité linguistique. Aussi ce recueil, qui comporte une majorité de chapitres en français, rassemble aussi un nombre signiicatif de contributions en anglais. Les esprits qu’on y a rencontrés ne sont pas en reste, et s’expriment en chinois, mais aussi japonais, coréen, ou thaï. Les fantômes sont aussi connus pour être hétéromorphes et, pour certains d’entre eux, caractérisés 21 par leur diformité. Aussi n’avons-nous pas cherché à faire rentrer les contributions de ce volume dans un format trop strictement prédéini. Certains articles sont fort longs, d’autres très courts ; la plupart déploient une érudition précisément calée sur un abondant appareil critique, mais d’autres se laissent aller à une relative subjectivité. L’épaisseur du volume s’explique aussi par notre souci de laisser de la place, aux côtés de savantes analyses, à d’assez nombreuses traductions, ain que notre volume contienne, aussi, une petite anthologie des discours de et sur les fantômes venus de l’Extrême-Orient. Ce volume n’a donc pas pour but de devenir un manuel des études fantomatiques extrême-orientales, aux chapitres soigneusement pesés et équilibrés. Il assumera au contraire un aspect un peu chaotique, celui d’un pandemonium savant où, nous l’espérons, le lecteur saura faire, au gré de son parcours du multiforme « Continent des esprits » d’A sie orientale, bonnes et funestes rencontres !

UNE ESTHÉTIQUE DE LA FANTASMAGORIE

AUTEURS HANTÉS DE LA LITTÉRATURE MODERNE

Résumé : Si lors du mouvement du 4 Mai, le personnage du fantôme est chassé de la littérature, sa métaphore est couramment utilisée par ses promoteurs – parmi lesquels Zhou Zuoren – pour dénoncer l’arriération culturelle ou bien ceux qui s’opposent au changement. Pourtant, ce dernier en fait un usage peu orthodoxe en s’en servant éventuellement contre ces mêmes promoteurs. Mais pour lui, bien plus qu’une igure rhétorique commode pour dénoncer les tares des contemporains, le fantôme est le révélateur d’une pensée sauvage enfouie dans nos sociétés, un objet anthropologique digne d’étude. C’est à ce titre qu’il entreprend de consigner des récits de revenants, ou de tenter des comparaisons. Le fantôme en littérature l’intéresse aussi. Les deux approches – anthropologique et littéraire – se complètent : l’anthropologie (de type frazérienne) dévoile l’arriération des hommes (« le démon au fond de l’homme »), l’approche littéraire exprime les aspirations humaines (« l’homme au fond du démon »). Que cela soit pour désigner (les adversaires, les tares des contemporains) ou bien pour révéler (la pensée sauvage, les aspirations humaines), il s’agit toujours d’un usage transitif du fantôme. C’est autre chose que l’on vise. Mais là ne s’arrête pas l’intérêt de Zhou Zuoren pour les revenants. On peut même dire qu’avant même cette approche intellectuelle, il y a chez lui un goût (quwei 趣味) une attirance, un penchant pour eux. Aussi les fantômes prennent-ils deux aspects sous sa plume : hauts en couleurs lorsqu’il s’agit de dresser des typologies et d’amorcer des comparaisons, réduits à l’appellation générique gui (鬼) ou au verbe substantivé chonglai (重来) « [celui qui] revient ») lorsque est exprimée une fascination pour le revenant. Pour Zhou Zuoren en efet, le fantôme n’est jamais aussi efrayant que mêlé incognito aux humains, et le seul acte transgressif de « revenir » suit à susciter l’efroi. Mots-clés: Zhou Zuoren, fantômes, sanwen Zhou Zuoren and Ghosts Abstract: During May Fourth Movement, although as a ictional character, ghost was expelled out of literature by the promotor of the New Culture movement, it was requently used as a metaphor. It itted perfectly to denounce cultural backwardness, or those who were reluctant to change. As a prominent leader of the movement, Zhou Zuoren practised this metaphor too. But ghost (gui) was for him much more than a simple igure of speech: it reveals a permanent savage thought lying in the depth our modern societies. Much more than an easy way to stigmatize adversaries, it is an anthropological object. his is why he undertook to sample stories, collect legends rom Chinese or foreign origin and oten tried to compare them. But beyond anthropology, ghost in literature also aroused his interest. In fact, (razerian) anthropological and literary approaches are complementary. he irst one reveals backwardness of mankind (“the ghost inside of man”), and the latter expresses human aspirations (“the man inside the ghost”). Whether he uses this igure to designate (adversaries, feudalism…) or to reveal (savage thought, human aspirations…), ghost is but a medium. But beyond this transitive usage, ghost is an interesting (you quwei 有趣味) literary object per se. Above all, Zhou Zuoren has a real penchant, even a fascination for supernatural beings. In his writings, ghosts are either depicted with picturesque details when Zhou Zuoren is trying typologies or comparisons, or on the contrary, is scarcely sketched, even reduced to a bare naming of it: “ghost!” In doing so, Zhou Zuoren expresses a deep fascination for revenants. he more rightening of both kinds of evocations is undoubtedly the latter: when it comes back, incognito among humans. his is why, as an alternative to gui, Zhou oten refers to it only through the transgressive act of coming back: chonglai 重来. Keywords: Zhou Zuoren, ghost, sanwen

周作人與鬼 摘要:五四運動時期,民間文學常見的“鬼”,同一切怪物一樣已 不是文學人物了。雖然如此,提倡新文化的知識分子依然用鬼字來 比喻當時的封建思想或反對社會變化的複古勢力。作為新文化運 動的主將之一,周作人並不例外,不過與同輩知識分子不同,他不僅 罵反動派為鬼,就連提倡新主義的同輩,也偶爾被他一樣罵為鬼。 在周作人的文章裡,妖鬼和怪物不只提供一些比較方便的用來形容 當時的種種弊端的詞彙,它們更是反應現代社會裡面深藏著的野 蠻思想,是人類學必須研究的對象。周作人幾十年間收集起來的, 來自各地的亞洲傳說、習俗和迷信等都屬於此種人類學探索。與 (弗雷澤式)人類學的探索相比,文學裡的鬼常常含著一種人道的 意念。前者主要揭露人類的落後,難於逃脫自古遺留下來的野蠻思 想(“人中有鬼”),而後者顯示出鬼的形像後面個人的想往與希求 (“鬼中有人”):人類學的鬼與文學裡的鬼都反映著人類心理的兩 面 。以上 說 的鬼 ,不管 是 為了指 名對 手 還 是 為了反 應 人 的 心 理 ,都是 作者用它的形象來指責對手或暗示人心深處隱藏著的一面,都是藉 助於鬼來暗示其他東西。而周作人對鬼的興趣遠不限於這種傳遞性 的鬼。作為文人,他認為鬼是文學裡很有趣味的文學對象。在他筆 下,鬼可以分為兩類。一種是文化上的鬼,即他在中外傳統文學、傳 說、民間文化里蒐集起來的種種怪物。這些鬼神妖怪,他描寫得形 形色色、栩栩如生。另一種鬼呢,在他筆下可能出現最多,可是他從 不描寫它,只是寥寥幾筆地提起它,簡單的叫它“鬼”,至多說它“重 來”。這種鬼的可怕不在它的奇怪形象,恰恰相反,不肯呆於陰間, 反而隱匿地返回人間,從外貌上看與人沒有任何區別,這樣的鬼才 是最可怕的鬼。這種鬼反映著周作人心裡深處的對人類的失望與對 命運的恐懼。 關 鍵 詞:周 作人 , 鬼, 散文 Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

ZHOU ZUOREN ET LES FANTÔMES

Georges Bê Duc Université de Picardie-Jules Vernes

Dans ses « Dix Leçons sur le roman chinois moderne1 », Wang Dewei airme que dans la littérature du 4 Mai, il n’y a plus de place pour des fantaisies comme les démons (gui 鬼)2. Cette expulsion des personnages fantasmatiques hors de la iction, clairement revendiquée par Zhou Zuoren, l’un des porte-parole du mouvement, marque ainsi une rupture brutale avec une vieille tradition littéraire. Pourtant, dans la même leçon, Wang Dewei relève la fascination de ces auteurs d’inspiration naturaliste pour ces mêmes démons : Le plus troublant, chez les écrivains du 4 Mai, c’est que non contents d’avoir chassé les démons, ils n’ont de cesse de les invoquer3. 29 Le paradoxe n’est en fait qu’apparent : chassés en tant que personnages, les fantômes reviennent comme métaphores. C’est ainsi que tout ce qui s’oppose aux Lumières va être diabolisé : la religion, la superstition, les mœurs féodales, le système éducatif, le système politique, etc. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la formule de Hu Shi, « capturer et frapper les démons » (zhuo yao da gui 捉妖打鬼) ou encore cette déclaration de Zhou Zuoren : Qui sont nos ennemis ? Ce sont les fauves et les fantômes qui hantent de nombreux vivants4. Cette attitude apparemment contradictoire peut être observée aussi bien chez Zhou Zuoren que chez Hu Shi, Lu Xun et bien d’autres encore. Mais Zhou Zuoren fait un usage obsessionnel de la igure du fantôme. Il use et abuse de la métaphore sans craindre de l’user. C’est cette obsession qui nous intéressera ici.

1. Voir Wang Dewei [王德威], 2003a, Xiandai Zhongguo xiaoshuo shi jiang 現代中國小說十 講, p. 354. 2. Gui semble être le terme ayant l’acception la plus large pour désigner à la fois démons et fan- tômes. C’est aussi celui qu’utilise le plus fréquemment Zhou Zuoren. Aussi le traduirons nous tantôt par « démon », tantôt par « fantôme » en fonction du contexte. 3. Wang Dewei [王德威], 2003a, p. 369 : « 五四文人最迷人之处,是赶鬼之余,却也无时 不 在 招 魂 。» 4. Wang Dewei [王德威], 2003a, p. 354. Voir « Nos ennemis » (« 我们的敌人 »), p. 62. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

le rejet des fantômes

Comme on vient de le rappeler, Zhou Zuoren compte avec Hu Shi et Chen Duxiu parmi les principaux promoteurs de la Nouvelle Culture (xin wenhua 新文化). Son manifeste « La littérature humaine5 » a joué pendant le 4 Mai un rôle décisif en proposant à la fois un contenu et un programme pour la nouvelle littérature. Ce sont précisément ces idées que l’Association pour la recherche littéraire (Wenxue yanjiuhui 文学 研究会), dont Zhou Zuoren rédigera la proclamation, se donnera pour mission de concrétiser6. Zhou Zuoren introduit le concept de « littérature humaine » (ren de wenxue 人的文学). Derrière l’apparence consensuelle de la formule – qui souhaiterait que la littérature ne fût pas humaine ? – il y a un choix radical que révèle son double sens : 1) la « littérature humaine » est une littérature humaniste (humane literature), 2) mais aussi une littérature de l’espèce humaine (human literature), autrement dit une littérature qui fait de l’homme son sujet exclusif (renjian benweizhuyi 人间本位主义 7). Cette option d’une « littérature humaine » entraîne le rejet de toute littérature qualiiée d’inhumaine ou de non-humaine (feiren de wenxue 非人的文学), parmi lesquelles Zhou Zuoren range les romans de fantômes et d’esprits. Conformément à cette logique binaire, des classiques comme les Pérégrinations vers l’Ouest de Wu Cheng’en ou 30 les Contes étranges du studio Liao de Pu Songling sont écartés sans état d’âme de la « littérature humaine ». Ce radicalisme peut surprendre, mais il est en phase avec l’esprit iconoclaste du 4 Mai.

le retour des fantômes Le retour des démons et fantômes ne se fait pourtant pas attendre, et précisément dans le sens indiqué par Wang Dewei, c’est-à-dire sous une forme métaphorique. Il est vrai que les discours radicaux adoptent facilement une telle igure qui permet d’exclure à bon compte du monde des humains les adversaires idéologiques8. On observera cependant que Zhou Zuoren continue de l’utiliser longtemps après la retombée de

5. Voir « 人的文学 ». Pour une traduction en anglais par Ernst Wolf de ce texte capital, voir Kirk A. Denton, 1996, Modern Chinese Literary hought, p. 151-161. 6. « 文学研究会宣言 » (28 novembre 1920) {N} (Zhou Zuoren, 2002, Zhitang huixianglu 知堂回想录). Voir Zhang Juxiang [張菊香], Zhang Tierong [張鐵榮], 2000, Zhou Zuoren nianpu 1885-1967 周作人年譜 1885-1967, p. 168. 7. La formule complète pourrait être traduite par « anthropocentrisme individualiste » (ge- renzhuyi de renjian benweizhuyi 个人主义的人间本位主义). 8. Pour s’en convaincre, il suit de penser au slogan de la Révolution culturelle : « À bas les dé- mons et les monstres ! » (« 打倒 牛 鬼 蛇 神! »). Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc la ièvre révolutionnaire. Au début des années 1920, les intellectuels prennent conscience de la diiculté d’inverser le cours de l’histoire. Dans une Chine sous l’emprise des seigneurs de guerre, l’idéal de science et de démocratie semble s’éloigner et les intellectuels eux-mêmes sont divisés sur les chemins pour l’atteindre. Ils se rendent compte que le débat intellectuel ne se résume pas en une confrontation entre progressistes et conservateurs rétrogrades. C’est dans ce contexte qu’advient en 1922 un événement mineur, mais signiicatif9. Le onzième congrès de la World Student Christian Federation (WSCF) doit se tenir cette année-là à Pékin. Deux associations sont presque aussitôt mises sur pied10 pour dénoncer les « agissements » supposés de la WSCF) et s’en prendre très violemment à la religion chrétienne. D’éminents intellectuels tels que Cai Yuanpei, Chen Duxiu et Li Dazhao acceptent de les patronner. Zhou Zuoren met alors en garde ces intellectuels : La vieille rancune des Chinois à l’égard du christianisme est bien connue. Il est donc inutile d’en rappeler les faits11. Mais cette fois-ci, avec ce mouvement de révolte lancé par l’intelligentsia, il ne sera sans doute pas diicile de parachever cette œuvre vieille de vingt ou trente ans : « extirper les démons [chanchu emo 铲出恶魔] jusqu’au dernier »12. 31 Ne voit-on pas ici les intellectuels éclairés du 4 Mai poursuivre l’œuvre des Boxers incultes, comme hantés par leurs fantômes ? Au-delà de l’ironie inhérente à la prose polémique, le texte exprime l’angoisse, lisible dans de nombreux textes de Zhou Zuoren dès cette époque, de voir se raviver les vieux rélexes, les vieilles pratiques. Mais pour être à même de la percevoir, il faut dépasser la dimension purement rhétorique de la métaphore, s’interroger sur ce qu’évoque la igure pour l’écrivain, le rapport que ce dernier entretient avec ce produit de l’imaginaire. Au début des années 1920, le démon reste une igure commode non seulement pour s’en prendre aux aspects encore vivants de l’ancienne culture, mais aussi pour stigmatiser les adversaires idéologiques suspectés

9. Voir Qian Liqun [錢理群], 1990, Zhou Zuoren zhuan 周作人傳, p. 251-258 ; et Susan Daruvala, 2000, Zhou Zuoren and an Alternative Response to Modernity, p. 200-202. 10. La Ligue étudiante antichrétienne (Feijidujiao xuesheng tongmenghui 非基督教学生同盟 会) et la Fédération antireligieuse (ou laïque : Feizongjiao damenghui 非宗教大盟会). 11. Zhou Zuoren fait allusion au mouvement qui s’est cristallisé à la in du xixe siècle avec les Boxers. 12. « Juste rétribution » (« 报应 », 29 mars 1922) {R} (Zhou Zuoren, 1995b, Zhou Zuoren jiwaiwen 周作人集外文). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

de la défendre. En 1923 a lieu un débat entre Ding Wenjiang13, Hu Shi, partisans du positivisme de la Nouvelle culture), et des penseurs comme Liang Qichao et surtout Zhang Junmai (Carsun Chang14) qui défendent une forme d’intuitionnisme inspiré de Bergson et de Eucken, et réhabilitent certains aspects du confucianisme. Liang et Zhang se voient alors taxés de « fantômes mystiques » (xuanxuegui 玄学鬼 15) ou de « fantômes aux pieds droits » (zhijiaogui 直脚鬼 16). Bien sûr, ces désignations métaphoriques n’échappent pas à Zhou Zuoren dont la réaction comporte une légère mise en garde : Il y a depuis quelque temps en Chine une tendance à s’en prendre aux fantômes [da gui 打鬼] – en l’occurrence les « fantômes mystiques » et les « fantômes aux pieds droits ». Globalement, j’approuve aussi, mais je ne puis cautionner complètement cette attitude. Chasser les démons et esprits dans leur totalité, c’est chose impossible, et il est à plus forte raison totalement ineicace de frapper comme on fait sur une plaque de commandement [lingpai 令牌17] ou de réciter des incantations exorcistes [tuiguizhou 退鬼咒]. Cela montre tout au plus que les Chinois sont résolument adeptes de la sorcellerie et il pourrait même en résulter une causalité néfaste [eying 恶 32 应]. Ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire, c’est de chercher à rendre inofensifs les fantômes mystiques ou aux pieds droits. Car pour moi, tous les démons sont malfaisants et si on les laisse faire, pourquoi nos « fantômes aux pieds tordus18 » [qujiaogui 曲脚鬼] ne se mettraient-ils pas, eux aussi, à faire le mal19 ?

13. Ding Wenjiang (1887-1936). Voir son article « Science et mysticisme » (« 科学与玄学 »), de 1923. 14. Zhang Junmai (Carsun Chang, 1886-1969). Une conférence intitulée « Conception de la vie » (« 人生观 ») entraîna la réaction de Ding Wenjiang – « Science et mysticisme » (« 科 学与玄学 »). Il s’ensuivit un débat auquel participèrent pas moins de onze intellectuels, dont Hu Shi et Liang Qichao. Voir Chen Mingshu [陳鳴樹] (dir.), 1996, Ershi shiji Zhongguo wenxue dadian 二十世紀中國文學大典, p. 565. 15. Plusieurs traductions sont possibles pour xuanxue qui désigne un mouvement philosophique qu’A nne Cheng traduit par « étude du Mystère » (1985, Histoire de la pensée chinoise, p. 309 et suiv.). 16. Cette pittoresque appellation repose sur un jeu de mots : selon certaine prononciation dialec- tale, « intuition » (dialectalement zhijiao 直觉) se prononce comme « pieds droits » (zhijiao 直脚). 17. Instrument utilisé dans les rites taoïstes. 18. Zhou Zuoren vise bien sûr Hu Shi et Ding Wenjiang. 19. « Sur la route de Jinan » (« 济南道中 », 31 mai 1924) {B} (Zhou Zuoren, 1987b, Yutian de shu 雨天的書). Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

Les deux polémiques mettent en évidence un décalage entre Zhou Zuoren et les positivistes zélés du 4 Mai. Le cadre de la métaphore du démon est détourné de l’usage habituel : dans le premier cas (l’afaire de la WSCF), les zélateurs sont présentés comme suspects, et dans le deuxième cas (positivistes vs intuitionnistes), ils deviennent des apprentis-sorciers jouant avec le destin par leurs incantations avant de devenir à leur tour des fantômes ! On peut donc se demander quel rôle joue cette métaphore chez un Zhou Zuoren qui prend ainsi ses distances avec les autres défenseurs des Lumières et qui accuse les accusateurs. Mais aussi, le fantôme n’est pas un objet quelconque pour lui. Avant de revenir sur l’usage de la métaphore des démons chez Zhou Zuoren, il nous faut donc explorer son intérêt, peut-être même son attachement pour l’objet culturel que sont les démons. le fantôme, objet d’étude et objet littéraire Soulignons en efet que sous la plume de Zhou Zuoren, les fantômes ne sont pas d’abord des métaphores. D’une manière générale, les objets culturels produits par l’imagination populaire et véhiculés par les mythes, les légendes, les croyances ou incarnés dans des pratiques rituelles sont 33 avant tout pour lui les révélateurs d’une « pensée sauvage20 » toujours présente dans l’homme moderne, et dont il convient de faire l’inventaire. Cette approche anthropologique, où Zhou Zuoren s’inscrit dans la lignée de James Frazer et d’Andrew Lang21, est relativement ancienne. Une note écrite en 191522 expose ainsi quelques stratagèmes mis en œuvre lors des funérailles pour éviter qu’après la in de la cérémonie, les fantômes des défunts n’accompagnent leurs proches sur le chemin du retour au

20. La « pensée sauvage » ou « primitive » est un concept développé notamment par Edward B. Tylor et surtout James Frazer, tous deux maîtres à penser de Zhou Zuoren. On le re- trouve dans de nombreux textes comme « Rentrer des funérailles et acheter de l’eau » (« 回葬 与买水 », décembre 1926) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園地) ; « Le chien gratte le tapis » (« 狗抓地毯 ») (1/12/1924) {B} (Zhou Zuoren, 1987b, Yutian de shu 雨天的 書) ; « Les règles éthiques des peuples sauvages » (« 野蛮民族的礼法 », 17 septembre 1927) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集) ; « Parler des démons » (« 说鬼 », no- vembre 1935) {J} (Zhou Zuoren, 1987d, Kuzhu zaji 苦竹雜記) ; « La pensée ritualiste du cha- manisme » (« 萨满教的礼教思想 », 14 septembre 1925) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集) ; etc. Voir « Mes études hétérodoxes » (« 我 的 杂 学 七 、八 ») {N} (Zhou Zuoren, 2002, Zhitang huixianglu 知堂回想錄). 21. Notamment Custom and Myth (1884). Zhou Zuoren est aussi un lecteur assidu de la revue 风 土 de l’ethnologue japonais Yanagita Kunio (1875-1962). 22. La note complétée en 1926 par un appendice qui en précisera les circonstances et l’idée direc- trice. Voir « Rentrer des funérailles et acheter de l’eau » (« 回葬与买水 », décembre 1926) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園地). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

lieu de rester dans leur sépulture. Derrière les craintes et les angoisses humaines se proile souvent un fantôme : ainsi celui de la malaria (nüegui 虐鬼23), le huasha (huoasaa 花煞24) qui proite de l’inattention des humains pour les piéger, et de préférence le jour (et la nuit) des noces… Tous ces articles que Zhou Zuoren écrit sur le sujet permettent d’ainer la typologie, voire d’esquisser des liens de parenté. Dans « Chose sous l’eau 25 », il fait le rapprochement entre les fantômes aquatiques de Shaoxing (dialectalement : ghosychiü 河水鬼) et les kappa 河童 japonais, tout en indiquant les limites de ce rapprochement : « [le Kappa] difère radicalement du ghosychiü car c’est un être vivant, proche de la sirène ou du moine de mer (hai heshang 海和尚). » Zhou Zuoren rappelle plus d’une fois la inalité de ces enquêtes26. Il ajoute même un appendice à la note « Rentrer des funérailles et acheter de l’eau » pour préciser sa démarche27 : dévoiler la face sombre et primitive de la civilisation. Initiées plusieurs années avant le 4 Mai, ces études participent du combat des Lumières et constituent pour lui une base documentaire utile. Il n’y a donc aucune contradiction entre elles et le discours radical de « La littérature humaine » qui expulse les démons hors de la littérature. Mais au début des années 1920, Zhou Zuoren inléchit ce discours. Désormais, le militantisme littéraire de « La littérature humaine » 34 non seulement lui semble illusoire, mais lui paraît surtout détourner la littérature de sa raison d’être comme espace voué à l’expression individuelle. Alors que « La littérature humaine » plaçait la littérature en première ligne du front culturel, « Mon jardin28 » l’arrache à tout embrigadement. La littérature devient un espace préservé où se croisent les subjectivités, se rencontrent les « goûts » (quwei 趣味29) et où auteur

23. « Le démon de la malaria » (« 虐鬼 », 16 août 1926) {A} (ibid.). 24. « Huasha » (« 花煞 », 1ermars 1926) {A} (ibid.). 25. « 水里的东西 » (12 mai 1930) {H} (Zhou Zuoren, 1988b, Kan yun ji 看雲集). 26. Par exemple : dans le texte qu’on vient de citer, il invite à poursuivre l’inventaire (« Je ferais volontiers de ces ghosychiü des pionniers »). 27. La note est écrite en 1915 et l’appendice en 1926. 28. « 自己的园地 » (22 janvier 1922) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園地). 29. Le quwei désigne une prédilection, un goût ainsi que la qualité de l’objet qui les suscite (« intéressant », « piquant », « savoureux »). Ce concept relie une réalité subjective (le goût) à une réalité objective (l’intérêt). Le théoricien de l’esthétique Zhu Guangqian, considérant sa face subjective, l’assimile d’ailleurs à la notion occidentale de goût (« Du goût » – « 谈趣 味 », 1935 –, in Zhu Guangqian [朱光潛], 1993, Zhu Guangqian xuanji 朱光潛選集, p. 68- 71). Cette notion centrale chez Zhou Zuoren va vite devenir l’emblème de la littérature centrée sur l’expression de la subjectivité (quwei wenxue 趣味文学). Sur l’importante notion de quwei chez Zhou Zuoren, voir Susan Daruvala, 2000, Zhou Zuoren and an Alternative Response to Modernity, p. 12 et passim ; E. David Pollard, 1973, A Chinese Look at Literature, p. 72-80 ; Georges Bê Duc, 2010, Zhou Zuoren et l’essai chinois moderne, p. 11, 97, 111 (note 116), 423 et passim. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc et lecteur parviennent à se comprendre, à « communier » (gongming 共鸣). Désormais, la littérature ne peut plus être considérée comme une continuation de l’anthropologie dans une perspective positiviste. Paru trois mois après « Mon jardin », « Les fantômes en littérature30 » propose un examen du « mort-vivant » (jiangshi 僵尸) dans les littératures chinoise et occidentales. Cette revue générale permet à Zhou Zuoren de suggérer la complémentarité (plutôt que la continuité) des points de vue anthropologique et littéraire dans l’étude du folklore : Les coutumes populaires reposent en grande partie sur la croyance aux démons [jingling xinyang 精灵信仰] (animism31), ce qui en réalité est une entrave au développement de la civilisation. Mais en les considérant sereinement du point de vue de l’art, nous pouvons entrevoir dans les récits étranges les peines et les terreurs communes à l’humanité. Le programme anthropologique de la littérature humaine est donc toujours d’actualité pour mettre au jour les superstitions comme autant d’entraves au développement humain. Mais il revient à la sensibilité littéraire d’appréhender, derrière ces mêmes superstitions, les « sentiments humains [renqing 人情], habituellement diiciles à connaître32 » : si la première approche, anthropologique, vise à démasquer 35 « le démon à l’intérieur de l’homme » (ren libian de gui 人里边的鬼), l’autre, littéraire, donne accès à « l’homme à l’intérieur du démon » (gui libian de ren 鬼里边的人)33. Zhou Zuoren prévient cependant que ces explorations du folklore sur deux niveaux, pour « passionnantes » (you quwei)34 qu’elles soient, n’en sont qu’à leur début et que la tâche est immense. Aussi, c’est une véritable démonologie qu’il appelle de ses vœux – une démonologie qui ferait partie des sciences de l’homme : Je crois que si quelqu’un se lançait dans une recherche sur « la vie après la mort », il ferait un travail sans précédent dans le monde scientiique et mériterait les louanges. Au Royaume-Uni, le Dr Frazer a fait un livre où il traite spécialement de la terreur

30. « 文艺上的异物 » (16 avril 1922) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園 地). Le dictionnaire encyclopédique Cihai (上海辞书出版社, 1989) précise, p. 1214 à l’article « yiwu异物 » : « 4- désigne les morts ; utilisé pour éviter le terme “fantôme”. » 31. En anglais dans le texte. 32. Zhou Zuoren, « Parler des démons » (« 说鬼 », novembre 1935) {J} (Zhou Zuoren, 1987d, Kuzhu zaji 苦竹雜記). 33. Zhou Zuoren, « Parler des démons », 1935. 34. Notre insistance sur cette expression est celle de Zhou Zuoren lui-même. Dans « Parler des démons », l’expression apparaît quatre fois, dont une sous la variante you qu 有趣 (ibid.). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

des diférents peuples face à la mort35. Aujourd’hui, rien qu’en se limitant à la Chine, décrire en détail la vie des démons serait une tâche lourde et ardue valant bien une thèse de doctorat, mais ô combien intéressante [you quwei] et salutaire, car cela donnerait à voir la pensée authentique des Chinois […]36.

Sans nul doute, Zhou Zuoren mériterait ce titre de docteur en démonologie. Il a en tout cas bien conscience de faire œuvre de pionnier. Ainsi, c’est dans cet esprit qu’avec une curiosité toute littéraire (wenxue quwei 文学趣味37) il se penche sur un problème qui ne manque pas de piquant : les morts continuent-ils de grandir puis de vieillir une fois devenus fantômes38 ? Cette question ludique est l’occasion de confronter de longs extraits de Ji Yun 纪昀 (1724-1805) et de Shao Bowen 邵伯温 (1057-1134) à l’appui de l’une ou de l’autre thèse. Finalement, c’est un curieux « Journal de conversations au moyen de la planchette39 » – une retranscription de conversations entre un père et ses enfants morts – qui sert à les départager. Tous ces extraits où l’on voit que les fantômes s’aiment, se marient, enfantent, éprouvent de l’afection iliale, meurent et reçoivent même des funérailles permettent à Zhou Zuoren de conforter l’explication psychologique des fantômes comme « projection » (touying 投影) de nos sentiments. « Entendre quelqu’un parler de fantôme », 36 ajoute-t-il, « c’est comme l’entendre nous faire des conidences. »

le quwei 趣味 des fantômes On peut être frappé par la fréquence du terme quwei dans les écrits de Zhou Zuoren sur les démons. C’est dire l’importance qu’il accorde à cet objet culturel pour accéder à une meilleure compréhension de la société

35. Zhou Zuoren fait-il allusion au recueil de conférences he Fear of the Dead in Primitive Religion dont le premier volume venait d’être publié deux ans avant la parution de l’article, soit en 1933 ? 36. « Parler des démons » (说鬼, novembre 1935) {J} (Zhou Zuoren, 1987d, Kuzhu zaji 苦竹 雜記). 37. Cette expression d’« intérêt littéraire » (wenxue quwei) apparaît assez tôt chez Zhou Zuoren (par exemple dans « 儿童的文学 » (23 octobre 1920) {F} (Zhou Zuoren, 1989a, Ertong wenxue xiaolun 兒童文學小論) pour distinguer l’approche littéraire d’un texte de l’analyse an- thropologique ou culturelle de son contenu. 38. « La croissance des démons » (« 鬼的生长 », 17 avril 1934) {I} (Zhou Zuoren, 1988c, Ye du chao 夜讀抄). 39. « 乩谈日记 » de Qian Hecen [钱鹤岑]. Ce journal est lui-même inséré dans « Supplément aux chroniques de mes douleurs du pavillon Wangxing » (« 望杏楼志痛编补 »). Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc chinoise, des Chinois et plus généralement de l’âme humaine. Le quwei représente la valeur d’un objet culturel (l’intérêt), mais peut désigner aussi l’appréciation subjective voire l’attachement esthétique qu’il fait naître (le goût). L’intérêt pour les êtres de l’au-delà chez Zhou Zuoren résulte sans doute de leur signiication anthropologique ou psychologique. Mais très manifestement, ce n’est pas uniquement cette fonction de truchement qui intéresse Zhou Zuoren. Ces objets l’intéressent aussi pour eux- mêmes. Plus encore, ils semblent l’intéresser d’abord pour eux-mêmes. Les deux approches anthropologique et littéraire esquissées par Zhou Zuoren dans des textes comme « Les fantômes en littérature » ou « Parler des démons » sont bien complémentaires, mais elles restent par nature transitives : elles permettent de mieux comprendre l’homme et la société. Elles ne rendent pas entièrement compte de intérêt de Zhou Zuoren pour les démons mêmes. On peut aussi les trouver quelque peu suspectes, tant elles sont souvent évoquées sans amener d’analyses ou de commentaires plus précis sur les phénomènes relatés. Le texte « Parler des démons » peut nous fournir un exemple. Zhou Zuoren y donne de très longs extraits descriptifs de prose Qing. Il donne notamment deux descriptions précises que les auteurs prétendent devoir à des médiums. Dans la première, extraite des « Écrits du pavillon Gaoxinyan » (髙辛砚斋杂著) de Yu Chengde 俞承德, on apprend que 37 les fantômes sont généralement de couleur grise, mais que s’il leur arrive d’avoir une apparence jaunâtre, c’est que la ruine va s’abattre sur un foyer. Leur taille grandit quand ils font le bien, mais rapetisse lorsqu’ils font le mal. Certains deviennent même minuscules, et il ne leur reste plus qu’une paire d’yeux tournoyant sur le sol ! Quant à la seconde description, extraite de « Nouveaux propos sur les Notes du pavillon des Lettres » (重论文斋笔录) de Wang Duanlü 王端履, la voici suivie du commentaire de Zhou Zuoren : « Les fantômes se déplacent en adhérant aux murs sans pouvoir s’en détacher. Il en est de même pour les fantômes de la peste [yigui 疫鬼]. Lorsque les fantômes sont devant un mur, il leur faut ramper comme des vers avant de pouvoir entrer. Généralement, ils ont l’apparence d’un soule noir et on ne peut distinguer leur visage. Ceux qui ont un visage et peuvent se détacher des murs, ce sont des fantômes malfaisants [ligui 厉 鬼] qu’il faut éviter.

« Le frère [N. D. T. : le médium] dit encore que les fantômes craignent plus que tout le vent : lorsqu’il vente, ils s’agrippent aux plantes et aux arbres ou bien s’accroupissent ou se plaquent au sol, sans bouger. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

« Il ajoute que d’après le Zuozhuan40, les vieux fantômes sont petits tandis que les jeunes sont grands, et qu’ils ne changent pas. À l’inverse, chez les fantômes de noyés, les jeunes sont petits tandis que les vieux sont grands. Ces fantômes peuvent monter sur le rivage. Lorsqu’ils sont surpris, s’ils disparaissent en fumée, ce sont des jeunes. Les vieux ont l’apparence d’arbustes desséchés. Lorsqu’ils aperçoivent des humains, ils plongent dans l’eau. Celle-ci fait un bruit, mais sans se répandre, sans produire de cercles. » Ces propos [N. D. T. : de Yu Chengde et Wang Duanlü] ne concordent certes pas entre eux, mais n’en sont pas moins très intéressants en ce qu’ils s’éclairent mutuellement. Quand je dis ici « très intéressants », je veux dire en réalité « qu’ils ont du piquant » [you quwei]. Car efectivement, le démon est quelque chose de vraiment savoureux [you quwei], qui regorge de sens. Si l’on aime connaître ce qui se rapporte à la vie et la condition des fantômes, si l’on mène l’investigation à travers les coutumes et les textes, c’est pour en savoir un peu plus sur les sentiments humains [renqing 人情] généralement diiciles à connaître.

Comme on voit, Zhou Zuoren se borne à juger « intéressantes » 38 les descriptions. Le ton devient ensuite général : une fois de plus, il propose une double exploration des êtres surnaturels pour connaître « l’homme à l’intérieur du démon » et « le démon à l’intérieur de l’homme ». Les longs extraits descriptifs (dont nous n’avons donné qu’une partie) ne débouchent sur aucune analyse : quel sens donner à ces apparences d’ombres (formes obscures rampant sur les murs), à ces variations de couleurs, de taille, à ces apparitions frêles, craintives, sans consistance ? Que nous apprennent-elles sur les « sentiments humains » ? Zhou Zuoren ne suggère-t-il pas, en esquivant ces questions par des considérations générales, que c’est le seul « piquant » (quwei) des descriptions qui importe ? On peut donc s’interroger sur ce besoin qu’éprouve Zhou Zuoren de justiier presque systématiquement l’intérêt qu’il porte aux démons, comme si l’intérêt seul était suspect ou indécent. Nous avons vu plus haut qu’il a ajouté un appendice en 1926 à sa note « Rentrer des funérailles et acheter de l’eau » écrite en 1915 ain d’en préciser la inalité. N’était-ce pas pour éviter, au moment de la publication de la note, de se voir taxer d’oisif41 et camouler ainsi son penchant pour les « êtres surnaturels » ? Au contraire, dans « La croissance des démons », écrit à un moment où

40. Commentaire classique de la chronique des « Printemps et Automnes » (« 春秋左传 »). 41. L’oisiveté (xianshi 闲适) de Zhou Zuoren est une cible de choix des écrivains de gauche. Voir par exemple Xu Jie [许杰], « Sur Zhou Zuoren » (« 周作人论 ») (1934) in TAO (1987), p. 32-65. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc l’atmosphère intellectuelle s’est légèrement détendue42, Zhou Zuoren airme par trois fois son intérêt pour l’étude sur les démons. Certes, il n’omet pas non plus d’en rappeler la inalité. La première phrase de l’article suggère pourtant la gratuité de cette passion : J’ai toujours envie de connaître ce qui se rapporte aux fantômes. Mais quel bénéice tirer de cette connaissance ? Il n’y en a pas forcément. Ce n’est probablement que de la curiosité. La contradiction demeure cependant au cœur d’un texte où se lit par endroits certaine contorsion intellectuelle : une passion gratuite, mais justiiée par son utilité43. Dans « Des discussions sur les fantômes »44, écrit pour le numéro spécial sur les fantômes de la revue Lunyu45, l’aveu devient plus net, quoique toujours mesuré : Pour ce qui est des histoires de fantômes, ma prédilection repose sur deux points de vue diférents : l’un est littéraire, l’autre historique. Concernant le premier point, ce que je demande, c’est une bonne histoire. Elle ne doit pas forcément avoir une signiication originale ni une construction complexe, mais il faut qu’elle soit bien écrite, avec un style concis et vigoureux. Pour ce qui est du contenu, il n’est pas limité aux fantômes : tout est possible de l’univers à la mouche, et cela 39 comprend naturellement les fantômes. Quant au genre, le zhiguai [志怪] me paraît supérieur au chuanqi [传奇]46. Pour citer un exemple, les écrits courts de « Notes de la chaumière Yuewei »47 sont préférables aux longs récits48 des « Contes étranges du pavillon Liao »49.

42. L’année 1934, déclarée par certaines revues « année du xiaopinwen » (voir notre épilogue) voit triompher à Pékin et à les idées esthétiques de Zhou Zuoren. 43. Par exemple dans cette surprenante suite de trois phrases concessives : « Je ne crois pas aux fantômes mais il me plaît de connaître ce qui s’en rapporte, ce qui est assez contradictoire. Bien que je ne crois pas que les hommes deviennent des fantômes après la mort, je pense que derrière les fantômes il y a les hommes. Je ne comprends rien à la capacité innée des deux qi [er qi zhi liangneng 二气之良能 ; N. D. T. : la théorie du philosophe Zhang Zai] mais je ne tiens pas pour absurde que les fantômes soient la projection des joies, des craintes et des espoirs des vivants. » 44. « 谈鬼论 » (juin1936) {O} (Zhou Zuoren, 1987e, Zhitang xuba 知堂序跋). Voir Zhang Juxiang, Zhang Tierong, 2000, Zhou Zuoren nianpu 1885-1967 周作人年譜 1885-1967, p. 498. 45. 论语, la célèbre revue dirigée par Lin Yutang. 46. Les zhiguai sont des anecdotes plutôt courtes, alors que les chuanqi sont des contes, forcé- ment plus longs. 47. « 阅微草堂笔记 » de Ji Yun. 48. Longueur relative bien sûr ! 49. « 聊斋志异 » de Pu Songling. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Quant au second point, l’« historique », il serait plus clair de parler d’intérêt [xingwei 兴味] ethnologique.

L’expression de Lin Yutang (« de l’univers à la mouche ») permet ici de banaliser l’attirance de Zhou Zuoren pour les démons. Il ne s’agit pourtant pas d’un sujet banal pour lui : un simple relevé statistique du caractère gui 鬼 dans ses textes suit pour prouver le contraire. Mais dans cet article qui fait le bilan de plus de vingt ans de démonologie, Zhou Zuoren admet bien pour la première fois une prédilection (aihao 爱好) gratuite pour les démons. Il est vrai qu’on admet diicilement ses propres obsessions. Les indices que nous avons évoqués ne sont-ils pas en efet les symptômes d’une obsession, ou au moins d’une fascination ? D’ailleurs, comment expliquer, sinon par une forme de fascination pour les démons, la typologie de la littérature inhumaine, non humaine (feiren de wenxue 非人的文学) exposée dans « La littérature humaine » où trois des dix catégories – livres sur les esprits (guishen 鬼神), livres sur les immortels (shenxian 神仙) et livres sur les démons (yaoguai 妖怪)50 – concernent les êtres surnaturels ? Une classiication rationnelle n’aurait-elle pas regroupé les êtres surnaturels en une même classe ? L’idéologie positiviste du 4 Mai n’aurait-elle pas englobé ces sous-genres sous la rubrique 40 « livres superstitieux » ? À côté des traductions habituelles (interest, taste, lavor…), le sinologue américain Charles Laughlin a proposé une déinition audacieuse du mot quwei51 : fascination. Nous ne discuterons pas ici de la pertinence de cette traduction. Mais ce terme semble bien décrire la forme d’attachement que Zhou Zuoren ressent pour la igure du démon.

le retour des fantômes et l’histoire cyclique Jusqu’à présent, nous nous sommes penché sur les vrais fantômes chez Zhou Zuoren, objets d’étude comme objets de fascination. Zhou Zuoren n’échappe pas non plus, comme nous l’avons montré, à l’utilisation du fantôme comme métaphore. Dans nos deux exemples (afaire de la WSCF, polémique sur l’intuitionnisme), un léger écart par rapport à l’habituelle

50. Les dix catégories de livres (shulei 书类) exposées dans « La littérature humaine » (1922) qui « freinent le développement humain et détruisent la paix entre les hommes » sont les sui- vantes : 1. les livres pornographiques, 2. les livres sur les esprits, 3. les livres sur les immortels, 4. les livres sur les démons, 5. les livres sur la servitude (c’est-à-dire la tyrannie impériale, pa- triarcale et conjugale), 6. les livres de brigands, 7. les livres sentimentaux, 8. les livres comiques vulgaires, 9. les livres d’intrigues et de scandales, 10. le théâtre ancien, qui « cristallise toutes les idées susnommées ». 51. Charles Laughlin, 2008, he Literature of Leisure and Chinese Modernity, p. 71. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc diabolisation par la métaphore du démon permet, sinon de renouveler le cliché, du moins d’inverser son utilisation. Les accusateurs éclairés ne sont-ils pas suspectés dans les deux cas, qui (Chen Duxiu et Cai Yuanpei) de réincarner les rustres Boxers, qui (Hu Shi et Ding Wenjiang) d’être des fantômes pratiquant la sorcellerie ? Fort d’une telle science des démons, d’une telle passion pour eux, Zhou Zuoren peut-il se satisfaire d’un cliché ? Quel usage fait-il de cette métaphore ? Cette question revient à s’interroger sur le comparant (les démons et fantômes) comme sur le comparé (quel est-il ?). Retrouve-t-on au niveau métaphorique la même diversité que dans les études sur les démons et ces démons sont-ils les mêmes ? À quelle réalité renvoient-ils ? Pour répondre à ces questions, il peut être utile de refaire le cheminement de Zhou Zuoren, et observer comment se forme la métaphore du fantôme. Un texte comme « La grandiose quête de vent52 » semble là pour nous montrer le chemin. On y lit : Les démons ordinaires se divisent en deux espèces. La première comprend les « démons morts » [sigui 死鬼], appelés par certains « âmes errantes » [youling 幽灵]. Ils sont la métamorphose de morts et sont susceptibles de renaître en humains selon le cycle des existences sans in [lunhui buxi 轮回 不息]. La deuxième comprend les « démons vivants » [huogui 41 活鬼] qu’il convient d’appeler « morts-vivants » [jiangshi 僵 尸] : sortis de la tombe, ils reviennent parmi les vivants. Dans les « Contes étranges du pavillon Liao », il y a un certain nombre d’histoires de « morts-vivants ». Cette deuxième catégorie était bien connue autrefois, mais récemment, on en a découvert une nouvelle espèce, le « petit démon53 » [xiaogui 小鬼] de Sologoub qu’il conviendrait d’appeler, selon l’usage populaire, Seigneur Esprit de l’hérédité [yichuan Shenjun 遗 传神君]54, encore plus efrayant que les autres. Dans sa pièce les

52. « 伟大的捕风 » (30 mai 1929) {H} (Zhou Zuoren, 1988b, Kan yun ji 看雲集). 53. Nous optons ici pour la traduction littérale à partir du chinois plutôt que pour une des traductions existantes : « démon mesquin », « petty demon »… Le Démon mesquin, roman de Fiodor Sologoub, est publié en 1909. Deux traductions existent en français : le Démon mes- quin, Gallimard, 1949 et Un démon de petite envergure, L’Age d’homme, 1977. Dans ce roman, le protagoniste, Peredonov, est harcelé par une petite créature grise gesticulante qu’il est seul à apercevoir. 54. Le démon de Sologoub est en fait une production de l’esprit de Peredonov, en proie au dé- lire de la persécution. Le démon de l’hérédité correspondrait mieux aux revenants d’Ibsen. Zhou Zuoren rattache-t-il le « petit démon » de Sologoub à ses homologues chinois ? Ce concept d’hérédité, qu’il ne limite pas au biologique, est source d’angoisse pour Zhou Zuoren : « Je suis accablé par le concept d’hérédité et crains le retour des fantômes. » – « Préface de Recueil de Zhitang » (〈知堂文集序〉序, 20 février 1933) {N}(Zhou Zuoren, 2002, Zhitang huixianglu 知堂回想录). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Revenants, Ibsen fait dire à son personnage Mme Alving : « J’ai l’impression que nous sommes tous des revenants [gui 鬼]. Ce n’est pas seulement ce que nous a légué nos parents qui vit en nous, mais il s’y mêle aussi toutes sortes de vieilles pensées et croyances. Elles ne vivent pas vraiment, certes, mais elles s’y cachent, ce qui revient au même. Jamais nous ne pourrons nous en délivrer […]55. »

La première partie de ce texte n’est pas métaphorique : on aurait très bien pu la trouver dans une étude comme « Les fantômes en littérature » par exemple. On constate que Zhou Zuoren ne s’intéresse pas aux âmes errantes et ne s’y arrête pas. Son attention se porte sur les revenants. Mais là aussi, la présentation est sommaire : les liens esquissés sont pour le moins hasardeux, voire cavaliers. Quel lien de parenté peut-on trouver entre les fantômes de Pu Songling et les apparitions furtives produites par l’esprit perturbé de Peredonov d’une part, entre la « petite créature grise » de Sologoub et les revenants d’Ibsen d’autre part ? Cette présentation quelque peu incohérente a pour efet d’annihiler les distances culturelles et temporelles, et semble avoir pour seule fonction d’introduire la tirade de Mme Alving. Celle-ci nous livre six éléments déterminants qui fondent la métaphore du fantôme : 1. elle sait que 42 les fantômes n’existent pas et qu’il s’agit d’une impression : c’est donc métaphoriquement qu’elle-même les évoque ; 2. ils ne se distinguent pas extérieurement des vivants ; 3. d’après elle, tout le monde est fantôme, ou peu s’en faut ; 4. on est fantôme sans le savoir, et on ne le découvre, comme Mme Alving, qu’après une soudaine prise de conscience ; 5. s’en délivrer est diicile, voire impossible ; 6. cette emprise représente la permanence en nous de pensées et de croyances d’un autre âge. Cette formule ainsi prononcée par un personnage de iction suit pour installer pour de bon la métaphore du démon dans la suite du texte : « l’existence de ce petit démon [xiaogui 小鬼] ne peut pas être mis en doute. » Ibsen et Zhou Zuoren accordent à peu près la même valeur métaphorique aux fantômes : même comparant (corps habités par des fantômes à l’insu de leur hôte), même comparé (vieilles idées, vieilles croyances empêchant de penser et d’agir librement). Il n’est dès lors pas étonnant que de toutes les formes démoniaques disponibles dans les traditions chinoise et occidentales et dont Zhou Zuoren fait déiler un bataillon impressionnant dans « Les fantômes en littérature », c’est à celle-ci que revient le plus souvent Zhou Zuoren pour exprimer sa hantise de la permanence des tares ancestrales.

55. Nous avons préféré traduire d’après la traduction donnée par Zhou Zuoren (traduction qu’il doit à Pan Jiaxun [潘家洵]) plutôt que de reprendre une traduction française existante. Il existe en efet des divergences qu’il serait dommage de gommer. Pour une traduction en français des propos de Mme Alving, voir Henrik Ibsen, 2005, Drames contemporains, p. 320-321. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

À l’acte III de la pièce d’Ibsen, Mme Alving s’exclame, « saisie » : « Des revenants56 ! » Il s’agit d’un cri d’efroi et d’impuissance accompagnant la prise de conscience du personnage. Particulièrement touché par cette exclamation parce qu’elle exprime la conscience soudaine de la condition tragique des hommes, Zhou Zuoren la cite à de nombreuses reprises57 : Ibsen s’exclame dans une pièce :« Des revenants ! Des revenants ! » Comme cela est efrayant ! Hélas, l’homme ne peut échapper à son destin, combien même les scientiiques s’obstinent à l’appeler hérédité58. Dans le sanwen allégorique « Nos ennemis59 », Zhou Zuoren se met en scène pour décrire la sensibilité de qui aurait pris conscience de la présence des fantômes autour de lui et saurait les démasquer, situation qui n’est pas sans ressemblance avec celle du narrateur du « Journal d’un fou60 » de Lu Xun : Quelqu’un me dit : « Cher ami, faites attention. Si vous continuez à être hypersensible comme cela, j’ai bien peur que vous ne deveniez fou – peut-être même, à parler comme vous faites, l’êtes-vous déjà un peu. » Ne vous inquiétez pas. Quelqu’un d’aussi détendu que moi pourrait-il être fou ? 43 Suspecter que la personne qu’on regarde possède une queue ou bien que son corps est recouvert d’un pelage blanc, certes, c’est bien le comportement d’un fou. Mais ce n’est pas mon cas : c’est au moyen de lunettes d’un nouveau genre que je voudrais reconnaître les fantômes [yiwu 异物] dans la foule ain de les chasser. D’ailleurs, cette méthode n’est pas compliquée et n’a rien de mystérieux. Il suit d’observer une personne : si elle montre les dents quand elle a quelqu’un en vue, qu’elle ravale sa salive comme si elle voyait de la nourriture, alors il s’agit bien de « la chose », peu importe si dans la société on l’appelle

56. Op. cit., scène III, p. 353. 57. Dans « En guise d’exprès » (« 代快邮 ») {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集) ; « Le destin » (« 命运 », 9 avril 1927) {R} (Zhou Zuoren, 1995b, Zhou Zuoren jiwaiwen 周作 人集外文) ; « L’histoire » (« 历史 », 17 septembre 1928) {D} (Zhou Zuoren, 1988a, Yongri ji 永日集), par exemple. 58. « Le destin » (« 命运 » », 9 avril 1927) {R} (Zhou Zuoren, 1995b, Zhou Zuoren jiwaiwen 周作人集外文). 59. « 我们的敌人 » (22 décembre 1924) {B} (Zhou Zuoren, 1987b, Yutian de shu 雨天的書). 60. « 狂人日记 » (1918), in « Cri d’appel » (« 呐喊 »). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Grand Manitou [Tiandijunqinshi61], arsouille [chaibaidang 拆 白党62] ou moraliste.

Comme dans le « Journal d’un fou », c’est le narrateur qui est suspect aux yeux du lecteur. Et comme dans cette nouvelle de Lu Xun, tandis que le mal gagne la société entière, c’est de la génération montante que vient l’espoir : dans « Les revenants63 », Zhou Zuoren se demande qui au juste n’est pas un revenant : Commençons par nous poser la question : qu’est-ce qui n’est pas « revenant » [chonglai 重来] ? D’après les théories populaires, ce n’est pas le cas des morts devenus pourriture ou charognes. Mais on parle alors de vrais revenants. Si l’on use de la métaphore, on peut dire que ceux qui ont l’esprit iconoclaste ne le sont pas. Les vieillards sont bien sûr des revenants. Pourtant, bien que cela soit une évidence d’après leur manière de se déplacer comme des morts-vivants [jiangshi shide 僵尸 似的], nul n’est besoin de leur chercher noise : ceux qu’il faut redouter, ce sont les jeunes revenants, comme Oswald64. Et c’est bien cela, la tragédie de notre monde. Ce dernier point montre que Zhou Zuoren est inalement plus 44 pessimiste que le personnage de Lu Xun. La suite du texte montre même que sa vision est plus noire encore que celle d’Ibsen : Je n’ai jamais dit que les jeunes Chinois étaient devenus fous comme Oswald à force d’alcool et de illes, ce qui serait bien sûr impossible. Mais je sais que de nombreux jeunes gens parlent au nom du code éthique [lijiao 礼教], et cela est tout aussi triste. La diférence est qu’Oswald connaît son malheur et se tient prêt à absorber de la morphine en prévision des crises alors que nos revenants [chonglai 重来] le sont de gaîté de cœur. Le reste du texte est très explicite et semble extrait de son livre de chevet, he Psyche’s Task de James Frazer65. Selon le savant anglais, les institutions qui constituent le fondement même des sociétés civilisées

61. Nous osons cette traduction risquée de la formule chinoise utilisée sur les autels et qui signi- ie littéralement : « Ciel, Terre, Monarque, Parent, Maître ». 62. Autre traduction approximative pour ce terme shanghaien qui désigne des voyous qui es- croquent les gens après les avoir fait séduire par des personnes du beau sexe. 63. « 重来 » (14 juin 1923) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集). 64. Le ils de Mme Alving dans la pièce d’Ibsen. 65. Zhou Zuoren est un lecteur très attentif de Psyche’s Task, discours sur la superstition pro- noncé en 1909 par James Frazer qu’il évoque fréquemment. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

– avec en leur centre le mariage – reposent sur un fond ancestral de superstitions qui survivent dans les sociétés modernes comme des survivances des sociétés primitives. Zhou Zuoren fait le même constat : en défendant le lijiao – ce code éthique traditionnel sur lequel repose la société chinoise moderne, les jeunes Chinois ne font que reproduire à l’identique, tels des revenants, l’attitude de leurs aïeux. Ainsi, Zhou Zuoren trouve un fondement théorique du retour de croyances et d’idées mortes chez James Frazer. Gustave Le Bon conforte aussi, du côté de la psychologie sociale, le principe d’inertie frazérien. Zhou Zuoren est un lecteur attentif des Lois psychologiques de l’évolution des peuples (1894) et de la Psychologie des foules (1895) 66. Selon le penseur français, la foule – et par extension, dans l’esprit de Zhou Zuoren, le groupement humain constituant la société chinoise – est caractérisée par l’« évanouissement de la personnalité consciente67 ». La stagnation de la société chinoise et la vitalité du lijiao après le 4 Mai ne font que consolider, dans son esprit, ces pensées du xixe siècle68. En efet, quelques années après l’apparente victoire de la raison, la Chine semble toujours en proie à ses vieux démons dont les manifestations sont tant politiques (seigneurs de guerre…), que sociales (permanence du lijiao…). Après l’instauration de la république et le mouvement pour une Nouvelle Culture), de quels progrès substantiels peut-on véritablement se 45 réjouir ? L’histoire n’est-elle pas une machine qui déroule indéiniment le même scénario ? Zhou Zuoren écrit à son propos : [L’histoire] nous donne certes l’espoir qu’il y aura du progrès dans les milliers d’années à venir, mais elle jette sur le présent l’ombre des milliers d’années écoulées. Dès lors, on ne peut réprimer un sentiment de terreur devant le pouvoir des fantômes [sigui 死鬼]. J’ai lu l’histoire de Chine et j’ai perdu les neuf dixièmes de foi et d’espoir dans le peuple chinois et dans moi-même. « Morts-vivants ! Morts-vivants [jiangshi 僵尸] ! » Ces mots de Mme Alving, je les comprends parfaitement. Si un retour à la vie par une possession des corps [huanhun duoshe 还魂夺舍] n’est pas avéré, je pense qu’en tout cas la réincarnation est une réalité. Si quelqu’un voulait représenter une pièce d’époque Chongde-Hongguang69, il

66. « Lettre à un ami sur la littérature nationale » (« 与友人论国民文学书 » 1er juin 1925) {B} (Zhou Zuoren, 1987b, Yutian de shu 雨天的書) ; « En guise d’exprès » (« 代快邮 », 27 juil- let 1925) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集). 67. Gustave Le Bon, 1995, Psychologie des foules, p. 19. 68. Zhou Zuoren reste hermétique aux pensées freudienne et durkheimienne, plus modernes. 69. Soit le dernier empereur Ming et le premier empereur Qing : 1636-1645. Période de change- ment de règne comparable aux yeux de Zhou Zuoren à la période contemporaine. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

ne serait pas nécessaire d’inviter des acteurs : on pourrait faire venir les personnages de toute la société et les faire jouer eux-mêmes70.

L’apparence de progrès n’est donc qu’une illusion. Zhou Zuoren met ainsi en garde ceux qui voient dans le 4 Mai un an zéro de la modernité : Depuis le 4 Mai, certains s’extasient devant l’élan patriote comme s’il était sans précédent dans l’histoire, et pensent que cela présage la prospérité à venir. En fait, cela a toujours été. Les Partisans sous les Han71, les grands lettrés Song, le Donglin sous les Ming72 : les précédents ne manquent pas. La situation actuelle rappelle surtout l’époque Ming : la lutte des factions, l’arrogance des militaires, le banditisme, les ennemis extérieurs. Qu’en est-il sorti ?… en tout cas, pas une renaissance littéraire. Si Sun Zhongshan [N.D.T. : Sun Yat-sen] n’est pas forcément Chong Shi73 revenu se venger, de nombreuses personnalités actuelles de tout bord me paraissent faire revivre telle société disparue74, réincarner Gao Jie et Zuo Liangyu75, Li Zicheng et Wu Sangui76. Le formidable sursaut intellectuel du 4 Mai ne serait au mieux que 46 la renaissance de la Société du Renouveau (Fushe 复社), elle-même résurgence du Donglin. Mais si même les esprits porteurs des Lumières sont des réincarnations, que peut-on attendre d’eux, et d’où viendrait le salut ? À quoi servent les eforts humains puisque les hommes sont dépossédés de la maîtrise de leur propre histoire ? Devant l’emprise universelle des démons, on ne peut que prendre conscience de la vanité

70. « L’Histoire » (17 septembre 1928) {D} (Zhou Zuoren, 1988a, Yongri ji 永日集). 71. Dangren (党人) : les Partisans, ou la Ligue des lettrés, sous les Han postérieurs. Voir István Balázs, 1988, la Bureaucratie céleste, « La crise sociale et la philosophie politique à la in des Han », p. 70-81. 72. Donglin shuyuan (Académie de la Forêt de l’Est, 东林书院) : académie privée fondée sous les Song et rétablie sous les Ming en 1604. Voir Anne Cheng, 1985, Histoire de la pensée chinoise, p. 525. 73. Nom de règne (1627-1644) du dernier empereur Ming, Sizong, qui se pendit à l’arrivée de Li Zicheng dans Pékin. 74. « L’esprit de l’académie Donglin, rasée en 1626, renaît de ses cendres dans la « Société du Renouveau » (Fushe). » (Ibid., p. 528). 75. Chefs militaires Ming, le premier au service du rebelle Li Zicheng, le second au service des Ming. Ils participèrent à la répression du Donglin. 76. « En guise d’exprès » (« 代快邮 », 27 juillet 1925) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談 虎集). Li Zicheng : rebelle qui mit in à la dynastie Ming en 1644. Wu Sangui : commandant Ming qui capitula devant l’armée des Qing et les aida à renverser Li Zicheng. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc des gesticulations humaines. C’est ce qu’il dit dans « La grandiose quête de vent77 » : Il suit d’être capable d’un peu de recul et d’examiner sommairement la marche du siècle pour comprendre que tout ce qui se dit et se fait dans la Chine d’aujourd’hui igure ligne par ligne dans le diabolique livre des comptes [gui zhangbu 鬼 账簿] que sont les « Vingt-quatre histoires78 ». Les amulettes et les incantations ne sont-elles pas les procédés des sorciers de l’Antiquité ou des chamanes des régions sauvages ? Mais leur vitalité est véritablement sans bornes : ne les retrouve- t-on pas aux bras et à la bouche des jeunes comme des vieux, des ils et illes de bonnes familles comme aux hommes de toutes conditions ? Et ces lignes que je gribouille, pourquoi ne seraient-elles pas aussi des exorcismes graphiques [guihuafu 鬼 画符79]. On le voit, la métaphore se prête assez à la dramatisation, surtout quand elle est ilée en allégorie. Elle permet, mieux qu’un discours argumenté, d’exprimer comme de susciter des sentiments. Cela est particulièrement frappant dans « L’histoire » où Zhou Zuoren clôture le bref sanwen en se mettant lui-même dans la peau d’un revenant : 47 J’ai bien peur d’appartenir moi-même à je ne sais quelle société de la in des Ming. Mais il faut ajouter que je suis prudent et que, comme les lépreux, j’agite ma clochette pour que les gens s’écartent à mon passage, ce qui est toujours mieux que mes congénères jamais repus de chair humaine. autoportrait de Zhou Zuoren en fantôme Ces sombres allégories (histoire conisquée par des fantômes, conscience d’être soi-même un revenant, littérature devenue « exorcismes graphiques » ou clochette de lépreux traduisent l’état d’esprit d’un intellectuel conscient de l’impuissance des hommes devant le cours des choses. On peut se demander dans quelle mesure la dépression qu’on

77. « 伟大的捕风 » (30 mai 1929) {H}(Zhou Zuoren, 1988b, Kan yun ji 看雲集). 78. Les histoires dynastiques. 79. Guihuafu : calligraphies illisibles collées aux portes des maisons ain de chasser les démons. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

lit dans ces textes ne traduit pas aussi un sentiment d’impuissance personnel, une crainte de ne pas être soi-même à la hauteur80. Dans un autre contexte, Zhou Zuoren s’est déjà servi d’une allégorie mettant en scène des démons de type socratique (daimôn) pour exprimer justement une incapacité personnelle à garder la maîtrise de sa propre écriture : il dit ainsi être possédé tour à tour par deux démons se disputant sa plume, l’un voyou (liumanggui 流氓鬼) et l’autre gentleman (shenshigui 绅士鬼)81. Dans la « Postface à Propos sur le tigre », Zhou Zuoren a l’impression de venir d’un autre siècle. Plutôt que de l’impuissance, c’est l’impression d’être dépassé qu’il veut donner : J’ai bien peur que mon cerveau ne soit pas très moderne. Je ne sais pas si cela tient à un style confucéen ou classique trop prononcé, peu compatible avec l’atmosphère exaltée d’aujourd’hui. À vrai dire, trop regarder les dessins de Beardsley82 me fatigue, et honnêtement, je crains d’être dépassé. Mais cela n’a aucune importance. Probablement, des gens ayant un air de ressemblance avec moi, il n’y a guère qu’au xviiie siècle qu’on peut en trouver. Seulement, je ne suis pas aussi optimiste qu’eux, car enin je suis né après Darwin et Frazer : la pensée des sages est tombée par terre et ils sont 83 48 devenus des hommes ordinaires . L’autoportrait intellectuel est plutôt réaliste et n’a rien de métaphorique. Zhou Zuoren se considère comme un homme des Lumières assagi par le positivisme. Homme aux innombrables lectures, il reste hermétique aux pensées modernes (marxisme, psychanalyse, philosophie occidentale notamment) et s’interdit une compréhension profonde de son siècle. Cette lacune essentielle lui vaudra d’ailleurs des critiques de l’aile gauche de l’intelligentsia84. Quant au portrait de la personne, Zhou Zuoren se donne efectivement un style suranné

80. C’est un sentiment que Zhou Zuoren ressasse telle une rengaine dans de très nombreux textes, de « Être à la hauteur » (« 胜业 », 30 juillet 1921) {H} (Zhou Zuoren, 1988b, Kan yun ji 看雲集) à « Écrits des deux démons » (« 两个鬼的文章 », 16 novembre 1945) {L} (Zhou Zuoren, 2001, Yaotang zawen 藥堂雜文). 81. « Les deux démons » (« 两个鬼 », 9 août 1926) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談 虎集). 82. Le dessinateur anglais, comme Frazer, comme Ellis, comme Le Bon, appartient pourtant, l’homme comme le style, au xixe siècle ! 83. « Postface à Propos sur le tigre » (« 谈虎集后记 », 25 novembre 1927) {C} (ibid.). 84. Un certain nombre de ces critiques sont contenues dans Tao Mingzhi [陶明誌], 1987, Zhou Zuoren lun 周作人論 (1987). Voir aussi la critique de Hu Feng : Hu Feng [胡风], 1987, Hu Feng zawen ji 胡风杂文集, p. 20-21. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc qui est en cohérence avec son portrait intellectuel. Manifestement, Zhou Zuoren se complaît à se présenter comme un homme d’un autre temps. L’autoportrait est réaliste, mais compte tenu des mises en scènes allégoriques que nous avons évoquées, il est diicile de ne pas y voir aussi aleurer le portrait d’un revenant. On peut relire dans cet esprit son portrait comme lettré de « je ne sais quelle société de la in des Ming85 » : il ne manque pas de cohérence non plus. Zhou Zuoren devient en efet, quatre ans après ce texte de 1927, le principal artisan de la redécouverte de l’école Gong’an 86 de la in des Ming, notamment grâce à un cycle de conférences où il présente cette école comme le premier mouvement de révolution littéraire, précurseur de la Nouvelle Littérature) (xin wenxue 新文学)87. Les deux portraits ne sont-ils pas contradictoires entre eux ? De quelle époque revient au fond Zhou Zuoren ? Du xviiie siècle européen ? Des Ming ? La « Postface à Propos sur le tigre » (le premier autoportrait), écrite pour les deux volumes du recueil de zawen88 s’étendant de 1919 à 1927 fait le bilan d’une décennie d’articles écrits dans un esprit militant. « L’histoire » (le second autoportrait) part d’un constat amer : cette activité militante est vaine puisque l’histoire est appelée à se reproduire. « L’histoire » inaugure une série de textes préparant une retraite relative – Zhou Zuoren interrompt quasiment son activité d’écriture en 1929 – 49 ainsi qu’un recentrement sur la littérature classique : il prépare déjà les années 1930. À l’occasion de son cinquantième anniversaire en 1934, Zhou Zuoren publie un autoportrait rimé sur le mode dayoushi 打 油诗89 dont le retentissement est immédiat : plusieurs écrivains de renom (Shen Yinmo, Lin Yutang, Hu Shi, Cai Yuanpei, Yu Pingbo, Shen Jianshi, Liu Bannong…) s’empressent d’en reprendre les rimes en lançant, au milieu des années 1930, une joute spontanée à l’ancienne. Les deux premiers vers disent : J’étais moine dans une vie antérieure, mais je n’échange pas ma robe de lettré contre une robe de bonze.

85. Voir section précédente. 86. L’école Gong’an (Gong’anpai 公安派) it la promotion du xiaopinwen (小品文), genre de sanwen court et très personnel. 87. « Les Origines de la Nouvelle littérature chinoise » (« 中国新闻学的源流 », 1932) {G} (Zhou Zuoren, 1989c, Zhongguo xinwenxue de yuanliu 中國新文學的源流). 88. Le zawen (杂文) est un sous-genre du sanwen à visée critique ou satirique. 89. Dayoushi : poème au contenu plus ou moins humoristique ou ironique rédigé sur le schéma de la poésie régulière. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

J’écoute à longueur de journées des histoires de fantômes au bout de la rue, et je m’applique toute l’année à dessiner des serpents90.

Sur le manuscrit de ce poème igure une note pour le premier vers : « Selon une légende familiale, je suis un moine réincarné. » Dans ses « Mémoires de Zhitang », il revient plus en détails sur cette légende du « vieil homme à barbe blanche » qui serait apparu à son oncle paternel pendant un instant vers minuit, la nuit même où naquit Zhou Zuoren91. Le quwei des fantômes évoqué au deuxième vers est ainsi directement lié à la légende familiale qui le distingue de la communauté des « hommes de première naissance » (toushiren 头世人). Sans doute avons-nous là une clef précieuse pour comprendre la fascination de Zhou Zuoren pour les êtres de l’au-delà.

de l’évocation à l’invocation Nous avons vu que Zhou Zuoren exprime cette fascination à travers deux catégories de textes : des textes érudits qui se penchent sur le démon comme objet d’étude et des textes où il revêt une valeur métaphorique. 50 Ces textes communiquent occasionnellement entre eux comme on a pu le constater avec la typologie esquissée dans « La grandiose quête de vent92 ». Les études anthropologiques sur les fantômes, menées dans un esprit frazérien, permettent de mieux comprendre l’origine psychologique de la superstition, et partant l’inertie des sociétés humaines, le retour cyclique de l’histoire. Or, c’est précisément ce perpétuel retour que personniient les démons. On peut donc se demander dans quelle mesure la richesse des investigations sur les démons se relète dans les métaphores. Cette interrogation est d’autant plus pertinente que par nature, la igure de la métaphore tend à renforcer le pittoresque d’un discours93. L’examen des métaphores du démon dans l’œuvre de Zhou Zuoren permet de faire deux constats. Le premier est que Zhou Zuoren ne tient pas forcément compte de la typologie mise au jour dans les études. Celui-ci a même tendance à brouiller les liens de parenté, de nature ou d’appartenance culturelle.

90. « Deux poèmes d’autocélébration pour mon anniversaire » (« 自寿诗两章 », 13 et 15 jan- vier 1934) {Q} (Zhou Zuoren, 1995a, Zhou Zuoren shi quanbian jianzhu 周作人詩全編箋註). L’expression « dessiner des serpents » décrit l’acte d’écrire. 91. Le vieil homme réincarné » (« 老人转世 ») {N} (Zhou Zuoren, 2002, Zhitang huixianglu 知堂回想录). 92. « 伟大的捕风 » (30 mai 1929) {H} (Zhou Zuoren, 1988b, Kan yun ji 看雲集). 93. Voir Georges Molinié, 1992, Dictionnaire de rhétorique, p. 216. Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

Dans « La grandiose quête de vent » par exemple, il classe ensemble et sans état d’âme un démon produit par un esprit atteint du délire de la persécution (le démon de Sologoub) avec les fantômes-renardes de Pu Songling. Dans « Les deux démons », il fait parler en dialecte de Shaoxing un être d’abord présenté comme un daimôn socratique. Mais ce brouillage est moins surprenant encore que le deuxième constat, qui est la rareté et l’indigence relatives des descriptions. S’il doit introduire une description, Zhou Zuoren semble en efet les limiter à l’imagerie populaire. Pourtant, ce constat est moins paradoxal qu’on pourrait le croire de prime abord : la tirade de Mme Alving censée introduire la métaphore du démon n’implique-t-elle pas qu’ils se confondent avec les vivants ? C’est dans « Nos ennemis94 » que nous avons trouvé la description la plus élaborée : D’après les darwiniens, tigres, loups et autres renards partagent avec nous quelque lointaine parenté. Quant à nos ancêtres, tous sont inscrits dans le registre des fantômes [guilu 鬼箓]. C’est pourquoi nous ne sommes pas sans quelque accointance avec ces diférentes espèces. Mais parenté ou accointance, ils n’ont pas à prétexter ces maigres liens pour venir nous harceler. Si nos chers parents lointains veulent 51 entretenir ces liens de parenté, qu’ils le fassent dans les bois une fois la saison venue, en caressant leur barbichette et en remuant leur queue. Ils n’ont pas besoin d’eniler leur squelette pour se fauiler parmi nous. Que ces vieux amis de la famille reposent en paix à l’ombre des plantes et viennent nous visiter de temps à autres dans les rêves, cela peut encore être amusant. Mais qu’ils viennent comme aujourd’hui changés en revenants [chonglai 重来] (revenants95) étaler leur vraie nature au grand jour, voilà qui est tout à fait efrayant. Ce n’est pas ces attributs pittoresques qui rendent les fantômes terriiants, mais leur intention transgressive de se fauiler parmi les vivants. Même le squelette (kulou 骷髅) n’est plus qu’un accessoire. Finalement, les fantômes les plus efrayants sont ceux qui passent inaperçus et que seuls des yeux exercés (par la lecture de l’histoire) peuvent démasquer : L’histoire oicielle est comme ces portraits de défunts : ils sont peints avec un certain décorum, mais on peut toujours y reconnaître les traits des descendants. Quant aux histoires privées, elles ont plus d’intérêt : ce sont des miniatures qui

94. « 我们的敌人 » (22 décembre 1924) {B} (Zhou Zuoren, 1987b, Yutian de shu 雨天的書). 95. En anglais dans le texte. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

conservent plus complètement la physionomie réelle. Elles laissent le spectateur frapper la table de stupéfaction devant la merveille d’héritage. Tels des monstres hideux [zhangtou shumu 獐头鼠目 96] ressuscités après dix générations, les personnages historiques réapparaissent souvent dans l’arène du monde actuel, terriiants comme des revenants [duoshe chonglai 夺舍重来]97.

Les fantômes ne se distinguent pas des vivants, mais leur retour incognito les rend aussi efrayants que des « monstres hideux ». C’est pourquoi la plupart du temps Zhou Zuoren se borne à évoquer les fantômes sans les décrire. Inutile de leur ajouter une touche efrayante : la simple évocation de leur retour suit à susciter la crainte. Tout comme le dragon qui se passe de description, le fantôme est plus terriiant lorsque ses contours ne sont pas délimités. Zhou Zuoren recourt donc aux termes les plus courants pour les nommer – gui (鬼, « démon », « fantôme ») et ses dérivés ou jiangshi (僵尸, « mort-vivant ») et plus rarement mo (魔, « esprit malfaisant ») –, plutôt que de puiser dans le réservoir fourni par ses études : hanba 旱魃98, jian 聻99, huowuchang 活无常100, huasha 花煞 (ou huasoaa)101, etc. Pour les décrire en action, Zhou Zuoren se limite généralement à deux 52 verbes : « manger » et « revenir ». « Manger » (chi 吃) dénote sans doute un syndrome remontant au « Journal d’un fou » de Lu Xun : Je sais maintenant que l’homme sera mangé par les fantômes. Savoir cela est quand même un peu plus lucide que de se croire capable de dompter les esprits malfaisants [mo 魔] en traçant des signes exorcistes, assis en souriant, puis d’être soudainement dévoré102.

96. L’expression chinoise dit littéralement « à tête de chevrotain et yeux de rats ». 97. « De la lecture porte close » (« 闭户读书论 ») {D} (Zhou Zuoren, 1988a, Yongri ji 永日 集). 98. « Les fantômes en littérature » (« 文艺上的异物 », 16 avril 1922) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園地). 99. « La croissance des démons » (« 鬼的生长 », 17 avril 1934) {I} (Zhou Zuoren, 1988c, Ye du chao 夜讀抄). 100. « Des processions » (« 关于祭神迎会 », juillet 1943) {L} (Zhou Zuoren, 2001, Yaotang zawen 藥堂雜文). 101. « Huasha » (« 花煞 », 1er mars 1926) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的 園地). 102. « Postface à Propos sur le tigre » (« 谈虎集后记 », 25 novembre 1927) {C} (Zhou Zuoren, 1987c, Tan hu ji 談虎集). Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

Quant à « revenir » (chonglai 重来), c’est le terme qui suscite le plus la terreur, s’agissant des fantômes. Il est commun aux deux traditions occidentale – « le revenant » – et chinoise – duoshe chonglai 夺舍重来 : « revenir prendre possession d’un habitacle [corporel]103 ». Ce verbe est celui que Zhou Zuoren utilise le plus volontiers, toujours mis en valeur par des guillemets et généralement souvent utilisé substantivement. Zhou Zuoren laisse donc de côté sa savante démonologie quand il s’agit d’évoquer métaphoriquement les fantômes : une simple évocation suit. Il ne craint pas non plus de lasser ses lecteurs par une métaphore déclinée en si peu de variantes, et répétée indéiniment comme une incantation. Il faut dire que les lecteurs et lui n’accordent probablement pas la même valeur aux fantômes : pour les lecteurs, il s’agit la plupart du temps d’un cliché, tandis que pour Zhou Zuoren, il y a entre lui et eux comme un lien de prédestination. Ce qui pour les premiers n’est qu’une évocation ressemble fort, pour lui, à une invocation.

épilogue Il n’est donc pas sûr que la métaphore des fantômes ait été comprise dans toute sa profondeur. Vers le milieu des années 1930, alors que bat son 53 plein la vogue de la prose Ming (le xiaopinwen104) dont la réhabilitation est en grande partie l’œuvre de Zhou Zuoren, alors que les rééditions se succèdent et que les revues consacrées au xiaopinwen se multiplient, Zhou Zuoren s’essaie à une forme d’écriture inédite qui laisse tous ses contemporains perplexes. Au il du temps, il se sent de plus en plus porté vers la prose classique Ming et Qing : ses lectures occidentales se raréient tandis qu’il se plonge dans l’exploration de textes rares des anciennes dynasties. Ses écrits regorgent de citations d’auteurs pour la plupart oubliés. La citation – cette voix des morts – prend une importance considérable pour bientôt occuper la plus grande part de ses écrits. Zhou Zuoren reconnaît alors qu’il n’est qu’un « copiste » (wenchaogong 文钞公105). Il n’intervient plus désormais dans ses textes que pour coudre ensemble des extraits entiers de textes anciens. Ces patchworks textuels deviennent illisibles pour la plupart des

103. « Les Revenants » (« 重来 », 14 juin 1923) {C} (ibid.). Lire en particulier le premier pa- ragraphe où il est question de la traduction du titre de la pièce les Revenants d’Ibsen. Voir aussi « Les fantômes en littérature » (« 文艺上的异物 », 16 avril 1922) {A} (Zhou Zuoren, 1987a, Ziji de yuandi 自己的園地). 104. Le xiaopinwen (小品文) est une forme de sanwen très court et au ton très personnel. 105. « Postface de Notes du thé amer » (« 苦茶随笔后记 », 1er juin 1935) {O} (Zhou Zuoren, 1987e, Zhitang xuba 知堂序跋). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

contemporains. Sous la plume du copiste se font de nouveau entendre des voix oubliées par les siècles.

À force de peindre les dragons, le sieur Yegong de la fable reçut la visite d’un vrai dragon. Zhou Zuoren ne devint-il pas un vrai fantôme, à force de les invoquer ?

Œuvres de Zhou Zuoren citées L’année igurant entre parenthèses est la date de la première édition. Celle qui igure entre chevrons est celle de l’exemplaire utilisé (si diférente). Sauf indication contraire, ces ouvrages sont publiés par Yuelu shushe chubanshe, Changsha (岳麓书社出版社, 长沙).

{A} (1923) <1987a>« Mon jardin »[自己的园地]

{B} (1925) <1987b>« Livre des jours de pluie » [雨天的书]

{C} (1928) <1987c>« Propos sur le tigre » [谈虎集] (2 vols), 北新书局, 上海, 上海书店, (fac-similé de l’édition de 1936)

54 {D} (1929) <1988a>« Jour sans in » [永日集]

{E} (1931) <1989b>« l’Art et la Vie » [艺术与生活]

{F} (1932) <1989a>« Précis sur la littérature enfantine » [儿童文学小 论]

{G} (1932) <1989c>« Les origines de la Nouvelle littérature chinoise » [中国新文学的源流]

{H} (1932) <1988b>« En contemplant les nuages » [看云集]

{I} (1934) <1988c>« Copies de lectures nocturnes » [夜读抄]

{J} (1936) <1987d>« Notes du bambou amer » [苦竹杂记]

{K} (1937) <2002>« Courges et haricots » [瓜豆集], 河北教育出版社, 石家庄

{L} (1944) « Zawen de Yaotang » [药堂杂文], 河 北 教 育 出 版 社 ,石 家 庄 Zhou Zuoren et les fantômes Georges Bê duc

{M} (1959)<2002>« Labeur passé » [过去的工作],河北教育出版社, 石家庄]

{N} (1974) <2002>« Mémoires de Zhitang » [知堂回想录] (2 vols.), 河 北教育出版社, 石家庄

{O} (1987) <1987e>« Zhitang : préfaces et postfaces » [知堂序跋], 钟 叔河编 (Zhong Shuhe éd.)

{P} (1988) « Inédits de Zhitang – après 1949 » [知堂集外文 – 四九年 以后], 陈子善编 (Chen Zishan éd.)

{Q} (1995a) « Œuvre poétique complète de Zhou Zuoren, annotée et commentée » [周作人诗全编笺注], 王仲山评注 (Notes et commentaires de Wang Zhongsan), 学林出版社, 上海

{R} (1995b) « Inédits de Zhou Zuoren » [周作人集外文] (2 vols.) – 陈 子 善 、张 铁 荣 编 (Chen Zishan, Zhang Tierong éd.), 海南国际新 闻出版中心, 海口

55 Résumé : La Nouvelle Littérature chinoise revendique une modernité en référence à la rationalité occidentale et contre la «tradition» présen- tée comme aliénant le nouveau sujet moderne à construire. Les histoires de fantômes classiques sont ainsi perçues comme l’un des répertoires de la littérature ancienne qui est vectrice de cette tradition, et donc à rejeter. Pourtant, on peut trouver dans la Nouvelle littérature des cas d’histoires de fantômes réinventées, dans lesquels les fantômes ne sont pas explicites, mais qui ne sont pas non plus uniquement des allégories rationalistes. Le recueil de nouvelles de Wang Yiren, l’Oie sauvage solitaire (1926), en est un exemple : les fantômes sont l’incarnation d’un imaginaire littéraire chinois ancien qui revient hanter le texte moderne. Mots-clés : Wang Yiren, littérature chinoise moderne, littérature du 4 Mai, intertextualité chinoise classique, corps et âme, fantômes, kumen, mythologie, psychologie

Phantoms of the Soul, and Spectre of the Body in Wang Yiren’s Solitary Goose (1926) Abstract: he Chinese New Literature professes a modernity in relation to the Western rationality, and directed against the Chinese “tradition”, represented as alienating the new modern subject to be built. Classical ghost stories are thus regarded as a repertoire of the ancient literature, which carries this rejected tradition. However, one may encounter in the New literature such reinvented ghost stories, in which ghosts are not explicitly represented, and yet don’t only work as a rationalist allegory. Wang Yiren collection, he Solitary Goose (1926) is an example : in it, the igure of the ghost embodies the ancient Chinese literary imagination haunting the modern text. Keywords: Wang Yiren, modern Chinese literature, May Fourth

王以仁短篇小說〈孤雁〉(1926)當中精神的靈魂與肉身的幽 靈之再現 摘要:中國新文學召喚一種以西方理性為基礎的現代化,對抗被 表現為會把待建構的現代的新主體加以異化的中國“傳統”。因此, 中國古典志怪小說成為承載著許多現代文人所反對的傳統的中國 “舊”文學的素材庫之一。然而,在新文學當中,也有這類的可以被重 寫的小說,只是其中的幽靈和鬼類的形象並不直接再現,而不只體 現為理性的寓意。王以仁的短篇小說《孤雁》(1926)正 是 這 樣 的 例子:在這部作品裡,鬼的形象體現縈繞著現代文本里對舊中國文 學的想像。 關鍵詞:王以仁,中國現代文學,五四文學,中國古典文學互文 性,身心觀,鬼,苦悶,神話,心理學 Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier

FANTÔMES DE L’ÂME ET SPECTRE DU CORPS DANS « L’OIE SAUVAGE SOLITAIRE » (1926) DE WANG YIREN

Victor Vuilleumier CRCAO/Université Paris-Diderot

La Nouvelle Littérature (xin wenxue 新文學) chinoise, en particulier à ses débuts durant les années 1920, revendique des thèmes, des personnages, des références littéraires et intellectuelles occidentalisantes. Le sujet humain que la Nouvelle littérature du 4 Mai (c. 1917-1925) tend à exprimer et représenter est opprimé, aliéné, en lutte contre la société, la famille et sa propre corporalité. Ce mode d’imagination de la personne établit un individu soufrant de « dépression » (kumen 苦悶), produite par le conlit avec ce qui s’oppose à son élan vital et ses aspirations1. C’est donc symboliquement une lutte dualiste entre son âme et son 57 corps. Cette littérature de l’âme mélancolique, en grande partie initiée par Yu Dafu 郁達夫 (1896-1945), importe et réécrit ainsi entre autres le thème romantique occidental du promeneur solitaire, atteint de la maladie romantique, souvent aux prises avec son ombre, c’est-à-dire son double et son âme2. Cette nouvelle littérature de iction se veut moderne et éclairée, didactique, et donne assez peu de place aux fantômes et au code fantastique chinois classique, précisément pour s’en démarquer, ou si

1. Le concept de kumen (« dépression », « mélancolie » ou « angoisse »), est présenté dans Kumende xiangzheng 苦闷的象征 (le symbole de la mélancolie, traduit du japonais Kumon no shōchō, 1921), du critique littéraire japonais Kuriyagawa Hakuson 厨川白村 (1880-1923), intro- duit en Chine dans les années 1920, essentiellement par Lu Xun 鲁迅 (1881-1936). Ce concept, faisant référence entre autres à Freud, Bergson ou Nietzsche, explique toute expression artistique comme symbole de la dépression ressentie par l’opposition entre l’élan vital et les obstacles ren- contrés par celui-ci. C’est une référence importante de la Nouvelle Littérature du 4-Mai. Sur l’introduction du concept de kumen en Chine, voir Tsu Jing, 2005, Failure, Nationalism, and Literature, p. 195-221 ; Zhang Jingyuan, 1992, Psychoanalysis in China, p. 57-68. 2. Sur la « maladie romantique », voir Susan Sontag, 1993, la Maladie comme métaphore. Sur Yu Dafu « romantique », voir Wolfgang Kubin, 2005, Die chinesische Literatur im 20. Jahrhundert, p. 55-66 ; Lee Leo Ou-fan, 1973, he Romantic Generation of Modern Chinese Writers, p. 81-123. Sur l’ombre comme double inquiétant de soi-même et représentation de l’âme, voir Otto Rank, 2001, Don Juan et le double. Sur le double dans la littérature chinoise, voir Zhang Yinde, 2008, Littérature comparée et perspectives chinoises, p. 251-264. Plusieurs textes chinois modernes mettent en scène le double ou l’ombre. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

elle le fait, c’est le plus souvent sous une forme très convenue, lexicalisée ou métaphorisée3. Pourtant, cette « matière de fantôme » ofre des ressources auxquelles les auteurs modernes savent recourir à l’occasion. Certains produisent ainsi durant les années 1920 et 1930 des récits fantastiques, inventant une nouvelle étrangeté littéraire volontairement psychanalysante, tel Shi Zhecun 施蟄存 (1905-2003) 4. Les codes du surnaturel chinois classique sont ainsi soit remplacés par de nouvelles conventions, comme par exemple le gothique occidental, ou de manière plus discrète sont réécrits et fusionnés. L’expression de l’étrangeté prend en ce cas une forme plus « intellectualisée » ou « dérivée », revendiquant explicitement l’allégorie ou la métaphore, préférant mettre en avant des thèmes comme ceux du dédoublement de la voix ou de la conscience. Parmi ces auteurs modernes de la Nouvelle Littérature qui n’ont pas oublié les fantômes, ou que ceux-ci n’ont pas oubliés, Wang Yiren 王以仁 (1902-1926)5 a donné un court roman épistolaire, qui présente l’intérêt, et c’est la lecture que je propose ici, d’écrire de façon « clandestine » une histoire de possession et de malemort sous couvert d’un récit occidentalisant moderniste et psychologique, sinon psychanalytique, à la Yu Dafu. Ce roman associe pour ce faire diférents codes littéraires : pour simpliier, l’un moderne occidentalisant, l’autre, classique chinois. Nous 58 verrons comment le texte moderne interagit avec les codes classiques et le lexique du fantôme littéraire chinois, en les redéinissant à partir d’un nouveau contexte culturel et intellectuel.

3. Dans le discours des « Lumières » du 4 Mai et de la Nouvelle Culture, le « fantôme » de- vient le repoussoir de la raison moderne, quoique non sans ambiguïté de la part de certains au- teurs chinois progressistes (comme cela a pu l’être d’ailleurs pour des penseurs européens mo- dernes, voir Daniel Sangsue, 2011, Fantômes, esprits et autres morts-vivants, p. 162). Il en va diféremment de la littérature « populaire » (tongsu wenxue 通俗文学) moderne, qui perpétue sans complexe la tradition littéraire fantastique chinoise (voir Zhang Zhenguo [張振國], 2011, Wan Qing Minguo zhiguai chuanqi xiaoshuoji yanjiu 晚清民國志怪傳奇小說集研究). Sur les fantômes dans la littérature chinoise moderne, voir Hsia Tsi-an, 1968, he Gate of Darkness, “Aspects of the power of darkness in Lu Xun” ; Maruo Tsuneki [丸尾常喜], 2006, Ren yu guide jiuge: Lu Xun xiaoshuode lunxi “人”与“鬼”的纠葛 : 魯迅小說論析 ; Wang Dewei [王德 威], 2003b, « Hun xi gui lai 魂兮歸來 ». 4. Voir Lee Leo Ou-fan, Shanghai Modern, p. 153-88 ; Liu Lydia, Translingual Practice, p. 133- 143 ; Zhang Jingyuan Psychoanalysis in China, p. 110-116. 5. Wang Yiren, Meng’ou 盟鸥 de son prénom, venait d’une grande famille sur le déclin de Tiantai 天台, province du Zhejiang 浙江. Il est dit avoir eu une bonne connaissance de la lit- térature et de la poésie classiques. Il vient enseigner à Shanghai en 1923, où il écrit des textes littéraires en « langue moderne » et commence à publier en 1924 ; il est membre de la Société d’études littéraires – Wenxue yanjiuhui 文學研究會 – (fondée en 1921, qui décline après 1925). Au printemps 1926, il disparaît par dépit amoureux ; ses proches apprennent plus tard qu’il s’est jeté à l’eau depuis le bateau pris à Haimen pour Shanghai. Sa biographie ne nous est connue que très succinctement, à partir de quelques brefs témoignages écrits (voir Wang Yiren [王以仁], 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, p. 305-310). Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier

« L’Oie sauvage solitaire » (Gu yan 孤雁6), publié à Shanghai en octobre 1926 dans la collection de la « Société d’études littéraires » (« Wenxue yanjiuhui congshu 文學研究會叢書 »), se présente comme un recueil de lettres écrites par le narrateur ou épistolier à un ami, Jiang Jingsan 蒋經三7. La plupart de ces textes ont d’abord été publiés individuellement en revue8. Ces lettres constituent de fait un roman épistolaire, ne faisant entendre, à la façon des Lettres portugaises, que la seule voix plaintive du narrateur. Le recueil est précédé d’une « déposition » ou « confession » épistolaire de l’auteur, qui se défend d’être un poseur, et explique soufrir de la société, être obsédé par la mort, et reconnaît être inluencé par Yu Dafu9. La dernière lettre du recueil est celle du frère du narrateur adressée à Jingsan, qui rend compte de la mort du narrateur supposé, probablement à cause de la tuberculose, et joint un « manuscrit » censé rapporter les dernières paroles du mort10. Ce roman épistolaire relate dans un mouvement allant crescendo la dégradation du narrateur, racontée par lui-même : il quitte sa terre natale, vient errer à Shanghai puis Hangzhou. Très vite à court d’argent, il erre comme une âme en peine, en vient à escroquer un hôtel, puis à dormir dehors ; il init par devenir alcoolique et joueur, pour mourir rapidement de maladie. Le narrateur soufre de sa déchéance physique, sociale et morale, ainsi que d’un sens aigu de culpabilité. Il est par ailleurs 59 sentimentalement et sexuellement frustré, tenant un discours oscillant entre misogynie et idéalisation des femmes, et se sent humilié, objet de persécution universelle. Enin, il est suicidaire, déployant à diverses reprises des recours imaginaires à diférentes formes de suicide, espérant ainsi pouvoir libérer son âme des pesanteurs de son corps, tenu pour responsable de tous les maux qui l’assaillent. Le narrateur est un personnage errant, exilé, qui ne peut revenir chez lui, chez sa mère en particulier, point sur lequel il insiste particulièrement.

6. Wang Yiren [王以仁], 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, p. 33-139. 7. C’est le nom d’un ami proche de Wang Yiren dans la réalité (qui pour la petite histoire meurt accidentellement en 1936 au bord du lac Xihu) : ce type de littérature mêle iction et autobiographie. 8. Cinq des sept chapitres du roman ont paru comme nouvelles indépendantes dans le Short Story Monthly ou Mensuel de la iction (Xiaoshuo yuebao 小說月報) entre décembre 1924 et décembre 1926 (chap. 2 : décembre 1924 ; chap. 3 : janvier 1925 ; chap. 5 : mars 1926 ; chap. 6 : mai 1926 ; chap. 7 : décembre 1926 – ce dernier d’abord dans « l’Oie sauvage »). 9. Wang Yiren [王以仁], 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, Ibid., p. 34-39. 10. Wang Yiren [王以仁], 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, Ibid., p. 120-139. Cette vogue de la forme littéraire de l’édition ictive de lettres exprimant le tourment intérieur d’un diariste mort tragiquement doit beaucoup également à la publication en 1922 de la traduction réalisée par Guo Moruo 郭沫若 (1892-1978) des Soufrances du jeune Werther (Shaonian Weite zhi fannao 少年維特之煩惱) de Goethe. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Il ne trouve pas sa place, et cherche un réconfort dans les paysages solitaires : c’est un anti-héros comme ceux de Yu Dafu, soufrant de maladie romantique, et de kumen, la dépression moderniste. Le roman de Wang Yiren est l’illustration typique des trois « binômes » qui, selon Kubin, sont propres à la littérature du 4 Mai : la « dépression » (kumen), la « solitude » (gudu 孤獨) et « l’errance hésitante » (panghuang 彷徨)11. Or cette nouvelle de la dépression ou frustration s’exprime en recourant également à des éléments anciens (citations et références classiques chinoises). Mais surtout, il s’agit d’une histoire de fantômes qui ne dit pas son nom. Par ce biais, le roman se lit aussi comme un récit fantastique, au sens où la réalité familière représentée par le narrateur prend à ses yeux une coloration d’étrangeté12, et semble déterminée par un destin malveillant causé par une punition divine, qui fait de lui un « cruciié comme Jésus », ou un « agneau prêt à être égorgé13 », tandis qu’à un autre niveau, le lecteur interprète ce discours comme la marque d’un délire provoqué par la faim, l’alcool ou la névrose, ceci selon une lecture psychologique dont tous les éléments sont fournis par le texte. Parmi les diférents éléments qui rendent possible une lecture fantastique du roman, je vais m’intéresser en particulier à ceux qui relèvent du thème général de l’autre monde, de l’illusion, et des diférents éléments 60 qui produisent un efet d’étrangeté. L’analyse d’un passage particulier démontrera ce dernier aspect. Ce thème « pneumatologique14 » apparaît sous diverses formes. D’abord au niveau lexicologique. Le narrateur recourt à plusieurs reprises au champ lexical du « fantôme » (gui 鬼) et des créatures surnaturelles. Dans le texte on rencontre des binômes, entre autres des « (esprits) renards » (huli 狐狸), « esprits, revenants » (guiling 鬼靈 ou guihun 鬼魂), « démons » (guiyu 鬼蜮), parfois composés à partir de « diable, malin » (mo 魔) ou « démon, spectre » (yao 妖). Cependant l’emploi en est métaphorique : les « autres » que le narrateur voit ou croise sont « comme », ou « ont l’air » de spectres ou de démons. Le narrateur lui- même se représente comme doté de l’allure repoussante d’un spectre. Dans plusieurs composés, « fantôme » (gui) renvoie même à un sens afaibli

11. Voir Wolfgang Kubin, 2005, Die chinesische Literatur im 20. Jahrhundert, p. 30. 12. Laissant de côté les aspects psychanalytiques, « l’inquiétante étrangeté » est ce qui présente un objet connu sous un jour en même temps inconnu et déroutant, révélant ainsi un élément caché ou refoulé par le sujet (Sigmund Freud, 2005, « L’inquiétante étrangeté »). 13. Ces références libres au christianisme sont fréquentes chez les auteurs chinois modernes : voir Muriel Détrie, s. d., « La Bible dans la littérature chinoise » ; Victor Vuilleumier, 2010, « La Cruciixion et l’écriture du corps déchiré dans la Nouvelle Littérature chinoise ». 14. C’est-à-dire ce qui relève de « l’imaginaire littéraire des fantômes » et esprits (Daniel Sangsue, 2011, Fantômes, esprits et autres morts-vivants, p. 22-23). Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier et lexicalisé, comme dans « pleurer à chaudes larmes » (littéralement « pleurs de fantômes », gui ku 鬼哭), « faire des grimaces, grimaçant » (littéralement « visage de fantôme », gui lian 鬼臉), ou « présence ou soules étranges et pernicieux » (gui qi 鬼氣). Le thème spectral est également évoqué par des jeux de mots implicites : on relève plusieurs occurrences de composés, comme youye 幽咽 (« léger sanglot » ou « murmure »), basés sur you 幽 qui présente une grande polysémie, allant de « retiré, caché, tranquille, sombre, enfermé » à « monde des morts ». Or, les bruits de la nature que le narrateur entend sont souvent présentés comme ayant une origine étrange : la signiication de you comme « sombre », « monde des ombres », est activée et fonctionne comme signe d’étrangeté. Ailleurs, on retrouve également un écho probable au jeu de mot classique glosant par homophonie le « fantôme » (gui 鬼) par « retourner, revenir » (gui 歸)15. Ces jeux de mots avec gui et you ont pour fonction de mimer un efet d’étrangeté dans le langage : le jeu homophonique convoque dans le même signiiant deux sens diférents, parallèlement à la volonté de faire tenir ensemble une lecture réaliste et surnaturelle du monde, normale et surdéterminée ou hallucinée – c’est-à-dire fantastique16. Le même procédé consistant à évoquer le sens littéral oublié par la lexicalisation se retrouve dans le fait que tous les composés lexicalisés avec gui peuvent alors se lire au sens 61 premier, comme réactivés en sous-main : l’étrangeté c’est, encore une fois, lorsque quelque chose d’oublié, de caché, de refoulé, revient hanter le sens iguré établi du langage, donc du monde. Le bruissement d’un arbre, une voix, une personne deviennent alors ambigus, étranges, et des manifestations possibles de possession ou de présence des esprits, dans une double lecture proposée au lecteur. En plus de cette dimension lexicale, relevons à un niveau davantage thématique des fantômes « implicites », qui ne sont pas nommés. Ce sont si l’on veut des métaphores in absentia, des fantômes de fantômes. En premier lieu, le narrateur présente toutes les caractéristiques des « fantômes errants et afamés » (egui 餓鬼) – le terme n’apparaît pas dans le texte de Wang Yiren. Il erre, revient un moment dans son pays natal ; il se décrit lui-même comme un revenant, comme incarnant le rôle

15. « J’aimerais m’engloutir dans une grande crevasse pour que ma honte et mon cadavre s’y anéantissent [lit. « retournent au néant ») ensemble » (tong gui yu jin 同歸於盡) : Wang Yiren, 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, p. 60. Sur ces gloses anciennes de gui, voir Wang Dewei, 2003b, « Hun xi gui lai 魂兮歸來 », p. 357. 16. Pour un autre texte moderne produisant un efet similaire à partir des mêmes procédés, voir Xu Dishan [許地山], 1922, « Gui zan 鬼贊 » (« Éloge des fantômes »), Mensuel de la iction, no 13.5 – Xu Dishan, 1998, Xu Dishan wenji 許地山文集, vol. 1, p. 39-40. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

théâtral du « fantôme d’un pendu » (diaoshagui 吊殺鬼)17. Il est ainsi suggéré en diférents endroits que le narrateur est poussé et attiré vers la mort par de mauvais esprits qui le hantent ou qui cherchent à se saisir de lui. Le narrateur croit aussi voir dans son propre visage une ressemblance avec celui de sa grand-mère morte ; il lui semble d’ailleurs que celle-ci vient lui souler des reproches sur son comportement et son avilissement moral. C’est-à-dire qu’elle lui apparaît. Le narrateur fait aussi des rencontres étranges avec des personnes, sans que l’on sache s’il s’agit de rêve ou d’hallucination – mais sans qu’il soit dit non plus qu’il s’agisse littéralement de « fantômes ». Le récit ne décrit pas d’apparition à proprement parler de ces entités surnaturelles étranges ou inquiétantes : leur présence est suggérée par les signes indirects de leur manifestation (murmures et plaintes). Enin, le thème surnaturel est également signalé par des éléments « gothiques » dans le décor (proximité des tombes, lieux déserts et inquiétants). Cette dimension pneumatologique ou spectrale implicite du roman permet de décoder le récit de déchéance du narrateur de la façon suivante : victime d’une malédiction pour ses fautes, celui-ci a été attiré et possédé par de mauvais esprits, essentiellement des femmes séductrices et démoniaques18, et est devenu progressivement hanté, réduit à un état 62 de mort-vivant, pour inalement mourir, emporté par des revenants ou ses fantômes. Cependant, ce bestiaire d’entités spectrales ne se compose pas uniquement de gui et de mauvais esprits, qui s’attaquent au corps martyrisé du narrateur. Une autre entité, plus spirituelle, relève aussi du surnaturel : celle de « l’âme (spirituelle) » (hun 魂), et de « l’âme » (linghun 靈魂) que possède le narrateur, en opposition à l’existence matérielle et corporelle, et dont le souci l’obsède. Nous allons lire en détail le passage suivant, central dans le recueil, qui concentre tous ces éléments d’étrangeté et de dédoublement, et exemplaire par son insistance sur le registre de l’âme. Ce passage est tiré de la troisième lettre, ou chapitre, « Errance » (« Liulang 流浪 »). Le narrateur a raconté ses errances, le fait qu’il ait à dormir à la belle étoile et qu’il n’ait presque plus rien à manger. Il est arrivé de Shanghai 上海 à Hangzhou 杭州, et se trouve à présent au bord du célèbre lac Xihu 西湖.

17. Dans le roman, le narrateur cite et fait référence plusieurs fois à des poèmes classiques chinois et à des pièces du répertoire de l’opéra ; il s’identiie également à des personnages dans des pièces. 18. Qui sont les héritières des renardes et incarnations d’esprits animaux de la tradition litté- raire fantastique. Sur les renardes et le thème de la « morte amoureuse », voir Jean Levi, 1995, la Chine romanesque, p. 220-301. Pour d’autres exemples dans la littérature moderne, voir une nouvelle ultérieure de Yu Dafu, 1928, « Miyang 迷羊 » (« La brebis égarée »), qui donne un récit implicite de possession d’un narrateur par une renarde (Yu Dafu [郁達夫], 1996, Yu Dafu xiaoshuo quanji 郁達夫小說全集, vol. 2, p. 454-542). Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier

Le [« vrai »] lac Xihu était en in de compte empreint d’une même beauté étrange [huanmei 幻美] que le Lac idéal [que j’avais formé dans mon esprit]. – Tu penseras peut-être que les propos contradictoires que je tiens ici ou là révèlent que ma psychologie a déjà sombré dans une situation de dédoublement de personnalité […]. J’avais mangé dans une petite auberge un bol de nouilles sans accompagnement (yangchun mian 陽春麵) et des pains farcis ; une lune pas tout à fait pleine éclairait le chemin, quelques étoiles clairsemées clignotaient comme les yeux noirs d’une jeune ille dans le irmament vert sombre. Passant la tombe de Yue Fei19, je courus jusqu’au pied du mont Ge (Geling 葛岭20) ; un vent d’ouest soulait dans mes cheveux en désordre longs de deux pouces en les faisant osciller. L’ombre des arbres au bord du chemin dansaient solitairement et doucement sous la lune et dans la lumière électrique : je trouvai que de cette nuit calme se dégageait une atmosphère lugubre et hantée (yin sensende gui qi 陰森森的鬼 氣). Je chantonnai faux quelques airs de la scène « Réconfort pour le regret [de la séparation] » (« Bu hen 補恨 ») du « Palais de l’Immortalité » (Changshengdian 長生殿21) tout en me dirigeant sans m’arrêter vers le sommet, quand soudain un murmure [youye] emporta mon âme [linghun]. Je me 63 demandai si ce murmure était produit par le bruit des feuilles tombant sous l’efet du vent, ou si c’était le gémissement triste d’une revenante (nü gui 女鬼) dans la montagne. Ce son était délicat comme des ils de la vierge lottant gracieusement sous la lune. Jingsan, à ce moment, tous mes sens (zhijue 知覺) furent suspendus, comme si j’avais été hypnotisé (cuimian 催 眠). J’oubliai mes soufrances coutumières, j’oubliai la faim que j’endure depuis que je suis sans travail, j’oubliai que mon corps (shenti 身體) est une chose si impure, j’oubliai ce clair de lune froid et solitaire, les ombres lottantes des arbres. Ah, Jingsan ! J’avais l’impression que l’univers entier était empli du son délicat de ce murmure, que cette lune comme de la fonte souriait, que les étoiles semblables à des éclats de diamants s’étaient mises à danser.

19. Yue fen 岳墳 : il s’agit probablement du Yue Wang miao 岳王庙. Yue Fei 岳飛 (1103-1142), général des Song qui passe pour avoir été sacriié par son empereur alors qu’il menait la lutte contre les Jürchens qui menaçaient la Chine, est une igure héroïque. 20. La colline du taoïste Ge Hong 葛洪 (283-343), ou Baopuzi 抱樸子, le « Maître qui embrasse la simplicité », sis au-dessus du temple de Yue Fei. 21. Pièce du xviie siècle du dramaturge Hong Sheng 洪升 (1645-1704). Traduction anglaise : Hong Sheng, 1955, he Palace of Eternal Youth. Sur la pièce, voir plus bas. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Je continuai en avant à la recherche de ce murmure, qui devenait toujours plus distinct, pénétrant toujours plus dans ma conscience (xinling 心靈). Si mes sens ne m’avaient pas été ravis, à ce moment certainement j’aurais éclaté de rire ou alors me serais mis à pleurer follement. Finalement je trouvai devant une tombe un jeune homme, les cheveux aussi ébourifés que les miens, vêtu des mêmes haillons, qui jouait de la lûte (de bambou ; dongxiao 洞簫22). Ah, Jingsan, je ne pensais pas trouver en un tel endroit quelqu’un partageant les mêmes inclinations que moi. Comme j’entrais dans l’enceinte de la tombe23, la lûte interrompit soudain sa plainte24.

À la suite de ce passage, le narrateur accompagne ce personnage jusqu’au sommet de la montagne, au lieu-dit « La Terrasse du début du Printemps » (« Chuyangtai 初陽台 »). Il écoute cet homme lui raconter ses malheurs : amoureux d’une jeune tante ou cousine germaine, ce jeune homme a été chassé de son village natal, tandis que la jeune femme s’est suicidée par désespoir. Ce personnage apparaît de fait comme un double du narrateur : par leur ressemblance physique, leur situation, mais aussi leur histoire proche – le narrateur a également dû s’exiler de son pays natal à cause d’un revirement amoureux (p. 75-76). 64 Reconstituons l’argument de ce passage. Le narrateur se promène en montagne, dans un lieu connoté comme étrange, le mont Ge, là où la légende veut que le taoïste Ge Hong ait développé, pratiqué et réalisé la recherche alchimique de l’immortalité. Le narrateur est ensuite saisi, comme ravi ou possédé par un son étrange, qui reçoit dans un premier temps une connotation surnaturelle. Le choix de la référence à cet endroit célèbre vise à inscrire le récit dans un cadre réaliste pour mieux en faire ressortir l’étrangeté. Mais plus encore, il s’agit d’un lieu surdéterminé de la géographie littéraire et culturelle classique chinoise à caractère « romantique ». Diférents codes suggèrent dans un premier temps que le son est produit par une entité surnaturelle féminine (une « revenante », nügui), en référence peut-être à la légende des amours entre la femme-Serpent blanc Baishe 白 蛇 et le lettré Xu Xian 許仙, auquel on peut associer le narrateur : cette histoire folklorique a pour décor le lac Xihu25. Plus encore, le passage

22. Flûte droite ; dong signiie littéralement « grotte », pouvant ajouter au contexte taoïsant du passage, car les grottes sont des lieux dans lesquels se réfugier ou dans lesquels trouver des ingré- dients minéraux pour les recettes d’immortalité. 23. Fentang 墳堂 : temple attenant ? 24. Wang Yiren, 1984, Wang Yiren xuanji 仁選集, p. 74-75. Ma traduction. 25. Sur l’histoire de Serpent blanc, voir Jean Levi, 1995, la Chine romanesque, p. 302-329. Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier fait explicitement référence à une scène du « Palais de la Vie éternelle ». Dans cette pièce, l’empereur Minghuang 明皇 (685-762) des Tang 唐, Xuanzong 玄宗 (r. 712-756), est obligé de laisser ses soldats tuer sa concubine favorite Yang, la célèbre Yang Guifei 楊貴妃 (719-756). Finalement, après s’être laissé mourir de faim par désespoir, l’empereur peut retrouver le fantôme de sa concubine, ou plutôt son double éthéré et immortel (hun), qui l’a attendu26. Dans l’acte mentionné dans le passage (le 47e), la Tisserande, divinité qui réunit les amants, informe Yang Guifei, devenue entre-temps une Bienheureuse immortelle, que l’empereur, encore vivant à ce moment, envoie partout un magicien chercher son âme (hun). Émue par leur amour réciproque, la Tisserande promet à Yang Guifei d’intercéder en leur faveur auprès de l’Empereur de Jade, pour que les deux amants puissent se réunir sur la lune, après la mort de Minghuang27. Comme pour signiier davantage encore la présence de ce regard surnaturel surplombant le monde des vivants, il est fait mention d’étoiles qui sont « comme des yeux de jeune femme », rappelant ainsi Yang Guifei (ou même la Tisserande), dont l’âme regarderait le narrateur depuis la lune28. Le passage joue donc avec le topos classique de la rencontre du jeune homme noctambule avec une créature surnaturelle, incarnation d’un esprit animal ou malin, qui l’attire en un lieu étrange. En fait, le récit 65 attribue surtout au narrateur un tel désir sublimé et idéal. Mais quel est l’objet de sa quête ? La montagne dans l’imaginaire littéraire est en particulier un lieu où s’efectuent des métamorphoses et des rencontres, soit spirituelles avec des immortels taoïstes (voir plus loin) qui peuvent transmettre leurs secrets de longévité, soit érotiques avec des créatures féminines surnaturelles29. Dans ce passage, le narrateur connaît une expérience de modiication ou de transe, celle d’un envol extatique permettant à son âme de se libérer de son corps, qui symbolise et incarne les tourments de l’existence. La montagne ofre au narrateur un espace permettant une expérience

26. Sur le hun, voir la note 36. 27. Voir Hong Sheng [洪升], 2007, Changshengdian 长生殿, p. 211-213. 28. On trouve les thèmes similaires de l’étrangeté dans le familier, de dédoublement, et du ciel nocturne qui observe le poète, dans un poème en prose de décembre 1924 de Lu Xun, « Qiuye 秋夜 » (« Nuit d’automne ») – Lu Xun [魯迅], 2006, Yecao 野草, p. 4-6. 29. Un « archétype » en est « Gaotang fu 高塘赋 » (« Le mont Gaotang ») attribué à Song Yu 宋玉 (c. iiie siècle av. J.-C.), faisant récit de la rencontre onirique entre le roi de Chu et la déesse du mont Wu, qui se manifeste dans la montagne comme « nuage et pluie » (voir Jean Levi, 1995, la Chine romanesque, p. 407). De nombreux poèmes reprennent ensuite ce thème de l’apparition surnaturelle d’une déesse, ou du poète à sa recherche. Ce mélange des essences yin et yang est par ailleurs cohérent avec le thème taoïste du passage : il est toujours question de transformation. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

« privilégiée » de suspension du temps30. Le lexique renvoyant au registre de l’âme ou de l’esprit est appuyé dans ce passage, et apparaît ainsi en parallèle avec celui du surnaturel (you, hun, ling, qui peuvent se lire indépendamment comme signes du surnaturel). Le registre de l’âme prend le relais et le prolonge pour en déterminer la signiication. Mais ce faisant, la « valeur » du surnaturel change : de yin 陰, elle se métamorphose en yang 陽31. Le hun, « âme spirituelle », se diférencie de « l’âme corporelle », po 魄, qui relève du corporel et du monde des fantômes ou revenants, gui. Ce passage est également signalé par le glissement s’efectuant littéralement, au niveau du lexique : du yin – yinsensen, « lugubre » – au yang – yangchun mian, littéralement « nouilles printanières32 », et Chuyangtai, « La Terrasse du début du Printemps » »). Le passage est illustré encore thématiquement par les processus de transformation dont le personnage fait l’expérience, du corporel au spirituel (passage du yin au yang), et l’élévation physique vers le sommet. Cette métamorphose rappelle le processus de sublimation de l’alchimie intérieure taoïste neidan 内丹, consistant dans certains cas, pour simpliier, en l’extraction du principe yang à la base du corps, du « champ de cinabre » inférieur (incarné par les nouilles et se logeant dans le ventre – bel exemple d’imaginaire dérivé du processus physiologique du métabolisme), qui est ensuite rainé et progressivement 66 déplacé et acheminé vers la tête, vers le « champ de cinabre supérieur », pour être sublimé en esprit, ce qui permet ensuite de transformer l’ensemble du corps en lieu de salut et d’immortalité, d’en faire un corps

30. Voir dans un autre contexte Jean-Yves Tadié, 1994, le Récit poétique. 31. Pour un autre exemple d’imaginaire du paysage symboliquement et dynamique- ment déterminé selon le yin, le yang ou les cinq éléments dans la littérature moderne, voir Victor Vuilleumier, 2012, “he decaying and dynamic scenery in some texts of Lu Xun, Xiao Hong, and Dai Wangshu”. 32. Dans une nouvelle de 1924 de Guo Moruo 郭沫若 (1892-1978), Yangchun bie 陽春別 (« Adieux au Printemps »), un jeune homme chinois désillusionné sur son pays mange de telles nouilles, les appréciant de façon antiphrastique comme exemple de la coutume qui consiste à appliquer de beaux qualiicatifs à ce qui ne vaut rien, ironisant ainsi sur la « civilisation spi- rituelle orientale » (dongfangde jingshen wenming 東方的精神文明) – avant de partir pour la Russie, « le Paradis futur » (weilaide tianguo 未來的天國). La nouvelle est publiée initia- lement dans la revue d’inspiration « révolutionnaire » Gujun 孤軍 (« l’Armée solitaire »), no 2.8, décembre 1924, puis reprise dans Ta 塔 (« Pagode »), à Shanghai en janvier 1926 ; voir Guo Moruo [郭沫若], 1985, Guo Moruo quanji. Wenxue bian 郭沫若全集文學編, vol. 9, p. 163-169. Les nouilles de Wang Yiren symbolisent également un état à dépasser, mais dans une perspective bien moins politique que celle de Guo Moruo. L’association entre les « nouilles printanières » et l’idée de pureté originelle est encore attestée par exemple dans un texte bien ul- térieur, en 1970, de l’essayiste Ye Lingfeng (1905-1975), « Yangchun mian zhi yi 陽春麵之憶 » (« Souvenirs de nouilles printanières ») : Ye Lingfeng [葉靈鳳], 2003, Ye Lingfeng sanwen 葉 靈鳳散文, p. 140. Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier spiritualisé33 – même si par ailleurs le récit de Wang Yiren semble dualiste sur ce point, et rejette le corps comme lieu de sainteté. C’est précisément Ge Hong qui est dit, d’après la légende, avoir développé cette technique d’immortalité en ces lieux. Les paysages extérieur (qui plus est naturel, et hors de la ville, en rajoutant en cela à la connotation d’espace marginal) et intérieur se juxtaposent alors, la montagne étant symboliquement un corps (l’athanor dans lequel s’efectue cette transmutation34). Or, l’âme que recherche l’empereur dans « le Palais de la Vie éternelle », et donc le narrateur également, est celle de l’Immortelle Yang. L’â me accouche inalement d’un double masculin (voir plus bas), de nature yang (avatar de l’enfant d’immortalité des taoïstes), relétant ainsi un lointain désir d’immortalité (et de facto de génération purement masculine). Le passage de ce texte moderne rejoue donc deux topoi classiques, que l’on aurait pu croire aux antipodes de l’imaginaire de la Nouvelle Littérature moderne : la rencontre amoureuse avec une divinité (ou une renarde maléique), et l’obtention de l’immortalité. Mais ces thèmes prennent un nouveau sens, ils sont « psychologisés », se transformant dans la recherche d’une transmutation et d’une spiritualisation du corps, d’une élévation de la personne, par une rencontre avec une femme-esprit, soit avec sa propre âme. Le narrateur est en efet à la recherche de son âme (yang, hun), que 67 dans un premier temps son attente a féminisée (l’objet de sa quête est d’abord présenté comme une revenante, et l’on a vu le réseau de références avec Serpent blanc et la favorite Yang). C’est peut-être aussi son anima, que le narrateur voit dans la scène extérieure, qui le fascine et dont il ne peut se détacher35. Ce paysage est étrange précisément parce

33. Voir par exemple Henri Maspero, 1971, le Taoïsme et les Religions chinoises, p. 295-317. Par ailleurs, pendant la période républicaine, certains groupes efectuent une résurgence et une « modernisation » des techniques taoïstes de recherche alchimique, en particulier à Shanghai (voir Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 128-132). Ces références taoïsantes chez Wang Yiren constituent un exemple supplémentaire de leur réma- nence dans l’imaginaire chinois moderne. On trouve d’autres références aux techniques du corps taoïsantes dans la littérature chinoise moderne, ou au thème du désir de sublimation et de trans- formation. Il n’est pas nécessaire de chercher des correspondances terme à terme, mais à titre d’exemple, voici les mots attribués à une nonne taoïste pour exprimer son désir de libération, dans sa pratique de culture de « l’esprit yang » (yangshen 阳神) et d’un corps spiritualisé : “Over the Realms with three thousands merits attained; / I soar, delighted and ree of this yin-yang sack. / Roaming unfettered far and wide, in and out of sight, / My Spirit, intoxicated, will never return to Ninghai.” (cité dans Liu Xun, 2009, Daoist Modern, p. 77). 34. Sur le corps imaginé et visualisé comme un paysage et une montagne, voir Christopher Schipper, 1997, le Corps taoïste, p. 137-153. 35. Sur l’anima, voir Carl Gustav Jung, 1990, Dialectique du moi et de l’inconscient, p. 143-199. Dans le roman, le narrateur est confronté à diférentes images féminines, certaines séductrices, d’autres oppressantes voire destructrices. Les « fantômes » qui le poursuivent ou l’attirent sont en grande partie des femmes. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

qu’il est double, c’est-à-dire surgissement soudain dans le monde familier d’une dimension autre ou cachée. L’apparition de l’autre jeune homme énigmatique, double du narrateur, devient alors cohérente, malgré la surprise du narrateur : dans l’économie du récit, la double lecture d’une hallucination ou d’une apparition reste possible pour le lecteur. Cette expérience est dissociante et dédoublante, d’où la structure duelle qui organise ce passage : le double (l’autre jeune homme), la mention de deux lacs Xihu, la dissociation et l’opposition entre corps et âme (accentuée encore par l’élévation). Les connexions entre « l’âme éthérée », hun, et « l’âme », linghun36, se font ainsi plus claires : hun dans linghun est l’âme éthérée libérée du corps, mais aussi le double hun d’une personne, son alter ego37. Le narrateur a réalisé sa quête : il est sorti brièvement de son corps et a trouvé son âme. Mais à la suite de ce passage, le narrateur va connaître une descente spleenétique, exprimée par l’énoncé brutal et avilissant de sa misère sexuelle et de ses instincts les plus bas38. Ce dédoublement est également culturel. Le roman de Wang Yiren montre une conscience littéraire hybride et multiple, qui utilise des

36. Dans les textes modernes et contemporains, linghun tend à signiier « l’âme » dans un sens 68 occidentalisant et dualiste – cette connotation remonterait-elle aux premières traductions du concept d’âme en chinois par les Jésuites ? Voir Jacques Gernet, 1991, Chine et christianisme, p. 198-203. Selon le dictionnaire 汉语大词典, son locus classicus apparaît dans le poème « Ai Ying 哀郢 » (« Lamentations sur (ma ville de) Ying ») de l’anthologie des Chuci 楚辭 (Élégies de Chu) : Qiong linghun zhi yu gui xi/he xuyu er wang fan 羌靈魂之欲歸兮/何 須臾而忘反 (« Mon âme spirituelle tant aspire à rentrer ! / Ce retour, un instant, l’ai-je jamais oublié ? » (trad. de Rémi Mathieu : Qu Yuan, 2004, Élégies de Chu, p. 122). Il est remarquable que linghun accompagne l’aspiration à un retour gui, exprimée par une âme qui voyage hors de son corps, ou un esprit en songe (voir Hong Xingzu [洪興祖] (éd.), 2006, Chuci buzhu 楚辭補 注, p. 134 ; Qu Yuan, 2004, Élégies de Chu, p. 122 note 2). Nous retrouvons les thèmes du jeu homophonique revenant/revenir, et du fait que ce désir ne peut se réaliser qu’à condition de se détacher du corps : la liaison est irréductible entre le monde du hun et le monde du gui, c’est-à- dire entre l’âme et le corps, signalant l’impossibilité de l’envol déinitif. 37. Dans la pièce, le hun de la concubine Yang est moins un fantôme qu’un double. C’est une qualité des hun littéraires d’être comme des alter ego réalisant les aspirations de leur original absent (mort, endormi ou plongé dans un coma profond), impossibles dans le monde réel : voir par exemple la nouvelle de Chen Xuanyou 陳玄祐 « Li hun ji 離魂記 » (« Mémoire sur la sépa- ration de l’âme ») – Zhang Youhe [张友鹤] (éd.), 1979, Tang Song chuanqi xuan 唐宋傳奇選, p. 13-15 ; trad. d’André Lévy, 1998, Histoires extraordinaires et récits fantastiques de la Chine ancienne, p. 71-75 –, ou la pièce de Zheng Guangzu 鄭光祖 (1265 ?-1330 ?), Mi qing suo Qiannü li hun 迷青瑣倩女離魂 (Qiannü se dédouble par amour) – Gu Xuexie [顧學頡] (éd.), 1998, Yuanren zaju xuan 元人雜劇選, p. 375-399 ; trad. Isabella Falaschi : Zheng Guangzu, 2001, le Mal d’amour de Qiannü). Les hun mènent une vie paradoxale : ils sont matériels car ils ont un corps, et « spirituels » car ils réalisent une aspiration précisément interdite par les réalités phy- siques ou sociales. En un sens ils sont des corps glorieux ou sublimés, comme celui de l’immortel taoïste (sur le « corps glorieux », voir Giorgio Agamben, 2012, Nudités, p. 129-145). 38. Wang Yiren, 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, p. 77-78. Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » Victor VuiLLeumier matériaux diférents, chinois classiques et occidentalisants : le roman écrit une histoire de kumen « classique » de la littérature du 4 Mai d’un individu jeune, soufrant de frustrations diverses, qui sont symbolisées ultimement par un dualisme entre âme et corps. Ce récit de kumen prend la forme d’une iction épistolaire, pour mieux faire entendre la voix d’un moi singulier, et chercher à suggérer une certaine véracité autobiographique – c’est l’écriture du moi telle qu’introduite en particulier par Yu Dafu ou Guo Moruo. Et en même temps une histoire de fantôme, de possession et de mort est racontée « en sous-main » : la « matière de fantôme » sert ici à nourrir la discrète étrangeté du récit, ain de déployer des signiications « modernes » (duplicité de la conscience, et structure dualiste de la personne). Ainsi, à la possible opposition ancienne entre « fantôme » gui (qui relève des « esprits terrestres », po) et « esprit éthéré » hun, se juxtapose la tension moderne et occidentalisante entre le « corps » shenti et « l’âme » linghun. Si l’on associe les deux séries de termes modernes et anciens, on obtient l’équation suivante : une série hun et yang exprimant l’envol et la libération de l’âme linghun, et une série po et yin exprimant l’aliénation du corps par le corps même, réduisant la personne à une existence corporelle et fantomatique gui. Le corps demeure une entité potentiellement négative, dont l’âme essaie de se défaire comme les âmes 69 hun qui se dissocient des âmes po, ces dernières étant susceptibles de devenir des revenants : le narrateur, qui se décrit comme un gui errant et misérable, soufre de son corps, entité autant sociale qu’individuelle – on savait le corps sépulcral, on le découvre également spectral ! et c’est in articulo mortis que le narrateur croit enin pouvoir laisser s’envoler son « âme » linghun, tel un « papillon », à la rencontre de la « Fille du roi dragon » (longnü 龍女), selon ses derniers mots39. Cet exemple démontre que des thèmes littéraires chinois anciens fantastiques reviennent hanter la conscience littéraire moderne (rencontrant l’intérêt de celle-ci pour « l’âme » au sens occidentalisant et psychologisant, comme parole du moi divisé), et montre la prégnance de certains concepts, représentations et jeux de mots, et du réseau lexical ou homophonique qui l’accompagne, dans l’élaboration de l’imagination moderne du sujet et de ses aspirations. Le lexique classique et ses connotations animent en grande partie la pneumatologie du texte moderne, et s’y maintient toujours active. Est-ce l’âme de la culture niée par la « modernité » qui revient hanter le corps de celle-ci, alors réduit

39. Wang Yiren, 1984, Wang Yiren xuanji 王以仁選集, p. 139. La référence au dragon perpé- tue l’imaginaire de la femme surnaturelle, toujours avec une connotation érotique, car associée au yin et aux « jeux des nuages et de la pluie » (voir note 29). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

à un état de fantôme40 ? Dans tous les cas, l’imagination s’exprime en renouvelant cet ancien substrat, qui sait se transformer pour nourrir la modernité littéraire. L’individu moderne, ainsi confronté à une crise existentielle, cherche à l’exprimer par ce double sens basé sur le lexique fantastique classique, en évoquant ses fantômes41.

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40. Cette étude de « l’hantologie littéraire » (voir Daniel Sangsue, 2011, Fantômes, esprits et autres morts-vivants, p. 160-161, à propos de Derrida) dans le domaine chinois moderne a été ouverte par Hsia T. A. et David Der-wei Wang (ou Wang Dewei). 41. La littérature est après tout une forme d’évocation (Daniel Sangsue, 2011, Fantômes, es- prits et autres morts-vivants, p. 30).

Résumé : Le séjour en Suisse de Yan Zonglin débouche sur plusieurs publications. En 1937, au terme de ses études à l’Université de Fribourg, celui-ci décide de rentrer en Chine ain d’y occuper un poste de profes- seur à l’Université franco-chinoise de Pékin. Durant les années 1930, lors de deux voyages en bateau qui l’emmènent vers la Chine, Yan écrit des textes qu’il publiera dans la revue Nouvelle étoile polaire. Dans ces deux séries de textes intitulés Fantômes d’encre (1935) et Brumes noc- turnes (1937), l’auteur évoque son appréhension du retour au pays et ses relations sentimentales à travers des récits de rêves impliquant des appa- ritions fantomatiques. Au-delà de la dimension surnaturelle et fantoma- tique de ces trois textes, ceux-ci utilisent le biais du compte-rendu de rêve comme prétexte pour parler des préoccupations de l’auteur. Mots-clés : : Romain Rolland, Yan Zonglin, Suisse, Jing Yinyu, Œuvre St-Justin

Stories of Dreams and Ghosts by Yan Zonglin (1905-1978) Abstract: During his stay in Switzerland, Yan Zonglin wrote seve- ral publications. In 1937, ater studying at the University of Fribourg in Switzerland, he decided to return to China to be a teacher at the French- Chinese Peking University. In the 30s, he returned twice to China by boat and wrote some works he published in a journal called New North Star. In Ghost Ink (1935) and Night Myst (1937), the author expresses his anguish to go back and his sentimental relationship through stories of dreams in- volving ghost apparitions. Beyond the supernatural and ghostly dimension, these texts appear as pretexts to discuss the author’s concerns. Keywords: Romain Rolland, Yan Zonglin, Switzerland, Jing Yinyu, Œuvre St-Justin

閻宗臨 (1905-1978) 對夢與魂的論述 摘 要:1937 年閻宗臨在瑞士弗里堡大學取得博士學位後。他決 定回中國,在當時在北平的中法大學任教。閻宗臨留歐期間,1925 到1937, 在新北辰雜誌發表了不少文學作品,其中1935的墨魂和1937 年的夜煙是代表作品。他用超自然的表現手法通過對話與獨白表 達他的靈魂世界主旋律。這三篇文章表現了作者不同的思想境界, 有懺悔,有憤恨,有幻影,有徘徊,也有奮鬥和追求。 關鍵詞:羅曼羅蘭, 閻宗臨, 瑞士, 敬隱漁, 聖猶斯定宗教事務 Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin Colette Girard

HISTOIRES DE RÊVES ET DE FANTÔMES CHEZ YAN ZONGLIN (1905-1978)

Colette Girard Université de Fribourg

En 1937, au terme d’études de lettres à l’université de Fribourg en Suisse, Yan Zonglin rend une thèse de doctorat intitulée Essai sur le père Du Halde et sa description de la Chine1 sous la direction d’Eugène Dévaud2, et décide de rentrer en Chine ain d’y occuper un poste de professeur à l’université franco-chinoise de Pékin. Yan Zonglin prend aussi congé de son ami Romain Rolland, dont la collaboration3 débouche sur la traduction chinoise de la Vie de Michel-Ange qu’il souhaite faire publier à Shanghai à son retour4. Le séjour en Suisse de Yan Zonglin débouche sur plusieurs publications. En efet, durant ses études en Suisse, Yan Zonglin

73 1. Yian Tsouan Lin, 1937, Essai sur le père Du Halde et sa description de la Chine, dont la traduc- tion chinoise du titre est 杜赫德的著作及其研究. 2. Sa thèse se base sur l’étude de la Chine faite par les jésuites français au cours de la première moi- tié du xviiie siècle. Ces derniers, tout comme le père Vincent Lebbe, se conforment à la langue et à la culture chinoise pour mieux convertir les Chinois. Grâce à cela, les jésuites deviennent très vite les guides de la Chine vers l’Europe. Yan Zonglin décrit au cours de six chapitres les rapports entre les lettrés chinois non-catholiques, les relations entre l’empereur Kangxi et les religieux, les domaines intellectuels dans lesquels les jésuites eurent une inluence. Il y ajoute l’inluence qu’eut la Description de la Chine du père Du Halde sur Montesquieu dans l’Esprit des Lois, où ce dernier décrit la Chine comme un gouvernement despotique, sur Voltaire dans les Lettres phi- losophiques et sur Quesnay dans le Despotisme de la Chine . Yan Zonglin conclut que les publica- tions des jésuites ont autant d’écho chez les athées que chez les croyants. L’intérêt pour la Chine est le fruit d’une évolution de la pensée européenne qui idéalise cette contrée. 3. Durant son séjour en Suisse, Romain Rolland explore la culture asiatique et s’intéresse à la Chine. Il collabore d’abord avec Jing Yinyu 敬隐渔 (1901-1931) qui efectuera la première tra- duction française de l’Édiiante Histoire d’a-Q de Lu Xun en 1926, que Romain Rolland publiera dans les nos 41 et 42 de la revue Europe. Puis, suite au décès de celui-ci, il demande à l’université de Fribourg de lui trouver un étudiant chinois capable de lui expliquer l’œuvre de l’écrivain Lu Xun et la culture chinoise. C’est avec l’étudiant Yan Zonglin 阎宗临, qui connaissait Lu Xun, que Romain Rolland entretiendra des échanges de 1929 à 1937, qui déboucheront sur la traduction chinoise de sa Vie de Michel-Ange en 1937. Voir Girard Colette, 2013, les Étudiants chinois à l’université de Fribourg, p. 44-58. 4. En 1937, il rentre en Chine avec sa femme avec la certitude de pouvoir publier sa traduction à Shanghai, mais malheureusement tout est détruit avec le déclenchement de la guerre sino-japo- naise, lors du bombardement de la maison d’édition Commercial Press à Shanghai, où il avait déposé le manuscrit de sa traduction chinoise. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

retourne une première fois en Chine, en 1933 après sept ans d’absence, et y retourne déinitivement en 1937. Lors des deux voyages en bateau en 1933 et en 1937 qui l’emmènent vers la Chine, Yan écrit des textes qu’il publiera dans la revue Xin beichen 新北辰 (« Nouvelle Étoile polaire ») 5. Ses textes semblent reléter les inquiétudes et les angoisses du retour avant même l’arrivée dans l’Empire du Milieu. Dans ces deux séries de textes intitulés « Fantômes d’encre » (« Mohun 墨魂 », 19356) et « Brumes nocturnes » (« Yeyan 夜烟 », 19377), Yan Zonglin y évoque notamment son appréhension du retour au pays mais aussi ses relations sentimentales à travers des récits de rêves impliquant des apparitions fantomatiques. L’aspect du corps comme il ressort à la lecture de quelques textes de Yan Zonglin, est le fruit d’un univers onirique et étrange, représenté sous des formes et des états divers. Les passages principaux traitent de personnages qui sont à l’état de cadavres, de squelettes et qui agissent comme des êtres vivants dans un environnement morbide. Le corps représenté dans ces rêves est mort- vivant, le récit a pour décor la Chine, peut-être la Suisse, et les interactions entre l’auteur et les revenants se font surtout sous forme de dialogues ou de monologues. La représentation d’un corps mort ou malade, et qui fonctionne paradoxalement comme un corps vivant dans cet au-delà onirique, sera le 74 il conducteur pour construire une analyse sur la narration d’un monde des rêves où les morts-vivants viennent parler de réalités qui touchent le monde des vivants, et plus particulièrement celui de l’auteur. La question posée sera de savoir si ces récits sont de simples comptes rendus de rêves, ou s’ils dépassent ce stade et prennent ce prétexte pour parler de thèmes beaucoup plus profonds. Mon analyse replacera d’abord les productions dans leur contexte, puis s’attachera à découvrir si elles n’utilisent pas le monde de l’imaginaire et du surnaturel pour exprimer des pensées qu’il aurait été plus compliqué d’exprimer sous une autre forme, notamment quand il s’agit de questions comme les relations sentimentales ou le retour au pays. Pour mieux comprendre le contexte des productions de Yan Zonglin, il faut s’arrêter tout d’abord sur sa biographie. Yan Zonglin naît en 1905 dans une famille de paysans pauvres dans la sous-préfecture de Wutai dans la province du Shanxi. Très tôt, il travaille dans les champs et les mines pour aider sa famille à survivre. Il travaille aussi auprès du temple

5. La revue « Nouvelle Étoile polaire » paraît de 1935 à 1937 sous la direction de Mgr Yu Pin 于斌 (1901-1978), qui publie des articles d’étudiants chinois ayant séjourné à l’étranger. Dans cette revue, on trouve les articles des étudiants « fribourgeois » Yan Zonglin, Liu Xiaohui 刘 小惠 (1913-?) et Yuan Yuan 袁渊 (1909-?). 6. Yan Zonglin [阎宗临], 1935a, « Mohun 墨魂 » (« Fantômes d’encre ») . 7. Yan Zonglin [阎宗临], 1937a, « Yeyan 夜煙 » (« Brumes nocturnes ») . Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin Colette Girard bouddhique local où il va chercher de l’eau, en paiement de quoi on lui permet de suivre l’école primaire. En 1922, il emprunte de l’argent pour ses études secondaires et ressort de ces dernières diplômé. En 1925, ses parents lui imposent un mariage arrangé. Deux jours après la cérémonie, ne pouvant supporter cette situation, il quitte sa famille et part à Pékin. Il y travaille comme correcteur dans un journal, entre dans le mouvement littéraire Ouragan (狂飙), ce qui lui permet de rencontrer Liang Shuming et Lu Xun (1881-1936) qui le cite dans son journal. Sur les conseils de Lu Xun, il quitte la Chine in 1925 pour partir dans le mouvement Travail-Études à Lyon. Il y travaille en usine de nylon jusqu’en 1929, mais ne pourra pas se payer les études à l’Institut franco-chinois de Lyon. C’est par le bouche-à-oreille qu’il entend parler de l’Œuvre Saint-Justin à Fribourg et, muni de ses économies, il part en Suisse où, boursier de l’Œuvre Saint-Justin, il s’inscrit à l’université de Fribourg et obtient une licence de lettres en 1933 et son doctorat en 1937. En 1929, le doyen de l’université Marck de Munninck demande à Yan Zonglin d’aller chez l’écrivain Romain Rolland (prix Nobel de littérature en 1915) pour l’aider à comprendre la littérature chinoise. Il se rend presque chaque semaine chez Rolland jusqu’en 1937, dont il traduit en chinois le roman Vie de Michel-Ange. Il prend en cela la suite de Jing Yinyu 敬隐渔 (1901- 1931), qui avait traduit les romans Jean-Christophe et l’Édiiante Histoire 75 d’a-Q de Lu Xun que Rolland avait publiés dans la revue Europe le 15 juin 1926. De retour en Chine en 1937, Yan Zonglin souhaite publier le roman de Rolland, mais le manuscrit déposé à l’imprimerie à Shanghai est détruit par les bombardements japonais.

« Fantômes d’encre » et « Brumes nocturnes », miroirs des préoccupations de l’auteur Les textes de Yan Zonglin relatifs au thème du retour sont composés entre autres de deux séries de textes intitulés « Fantômes d’encre » (1935) et « Brumes nocturnes » (1937), qui sont écrits sur le bateau à vapeur qui ramène Yan Zonglin en Chine. Tous deux relatent et décrivent les étapes du voyage vers la Chine et sont composés de pensées personnelles et de récits de rêves qui font parfois penser au recueil la Mauvaise Herbe (Yecao 野草, 1927) de l’écrivain Lu Xun8. Si ces deux suites de textes sont écrites lors d’un retour en Chine, leur contexte est à chaque fois diférent. En efet, « Fantômes d’encre » est écrit lors du premier retour au pays en 1933 et est publié en 1935, tandis que « Brumes nocturnes » paraît lors du retour

8. Ce recueil est composé en partie de récits de rêves et, à l’intérieur de ces derniers, le récit com- mence comme souvent par 我梦见 (« J’ai rêvé que ») et évoque régulièrement la mort. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

déinitif de 19379. Ces recueils évoquent les villes où le bateau fait escale mais aussi les préoccupations au sujet du retour en Chine. L’analyse que nous nous proposons de faire est basée sur un choix de trois textes dont le thème principal est la représentation fantomatique de Pékin d’une part, et de femmes que Yan Zonglin a aimées d’autre part. Le premier poème en prose « Le sourire du squelette » (« Kulou de weixiao 骷髅的微 笑 ») paraît en 1937 dans le recueil « Brumes nocturnes10 ». Le recueil paraît sous la forme d’épisodes où l’auteur utilise le récit de ses rêves pour évoquer son angoisse du retour : Quand il fait nuit, entouré de fumée légère, j’atteins les frontières d’un nouveau monde, et je peux rêver librement. J’aime les volutes lisses de la brume nocturne et encore plus quand celle-ci s’évanouit par magie, parce qu’elle symbolise la vie et me fait méditer sur la destinée. […] En ce qui concerne le sens de « Brumes nocturnes », j’ai pris les scènes du passé, j’ai sélectionné celles qui se sont envolées silencieusement. 深夜时,随着清淡的烟云,我走到一个新的境界,自由 地做梦。我爱夜烟缭绕的没纹,更爱夜烟奇幻的消逝,因 为他象征一切的命运,给我以深思的机缘。[…] 至于叫做 11 76 “夜烟”之意,取作时之情景,亦取其无声之消逝 。 L’auteur fait allusion aux rêves qu’on fait la nuit et qui s’envolent comme de la fumée. Au il des textes, il y exprime sa nostalgie et ses peurs, notamment à travers la représentation de personnes mortes qui parlent avec lui. Pour mieux comprendre l’intrigue dans « Le sourire du squelette », il faut préciser tout d’abord le contexte. Avant de quitter la Chine, les parents de l’auteur lui avaient imposé un mariage arrangé et Yan Zonglin

9. Un autre recueil intitulé Bodong 波动 (Changements) fera l’objet d’une publication en 1934. Ce recueil débute par l’évocation de la nostalgie qu’éprouve Yan Zonglin pour sa vie à Fribourg : « Je suis balloté par la vie. Je m’en rappelle avec nostalgie, parce qu’elle est déjà derrière moi. Les brumes de la Sarine, le son des cloches de la cathédrale Saint-Nicolas […], tout cela nourrit mes sentiments, comme si je ne les avais jamais quittés. » (« 我的生活在波动着 . 我留恋他, 因 为我留恋我已逝去的生命。沙里纳河上的薄雾,尼可拉大教堂的钟声,[…] 一切的一切, 都成了我感情生活上的滋养品,似乎是片刻不可分离的。», Yan Zonglin [阎宗临], 1934, Bodong 波動, p. 1). Le titre évocateur Bodong 波动) peut avoir deux sens en chinois, il peut signiier le « mouvement des vagues » mais il peut dire aussi « changement ». L’auteur dit clairement dans ses textes qu’il est balloté durant sa vie entre la Chine, l’Europe, les événements politiques, de la vie de ils de paysan pauvre à celle d’étudiant à l’université. 10. Yan Zonglin [阎宗临], 1937b, « Kulou de weixiao 骷髅的微笑 » (« Le sourire du sque- lette »), p. 904. 11. Yan Zonglin, 1937a, « Yeyan 夜烟 » (« Brumes nocturnes »), p. 893. Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin Colette Girard avait quitté la maison deux jours plus tard12. Face à cette attitude, ses parents lui avaient sévèrement reproché son manque de piété iliale. Après un départ houleux et des années d’absence, Yan Zonglin est nerveux, car la première chose qu’il souhaite faire en voyant sa famille est de lui annoncer sa volonté de divorcer. Certaines allégories dans ce texte semblent représenter l’anxiété et le dégoût que lui a inspiré ce mariage forcé, ainsi que l’appréhension du retour. Au début du texte, l’auteur fait la découverte d’un squelette dans le lit où il était en train de dormir. La scène se déroule comme suit : J’ai rêvé qu’au cours d’une interminable nuit, je me suis réveillé sur un lit en fer et j’y ai vu un squelette allongé. Du corps de celui-ci se dégageait un soule froid, comme le vent du nord en hiver, ce qui me glaça le sang. Je savais que c’était l’incarnation de mon épouse. 我梦见:在无尽的阴夜中,从铁床上醒来,我看见一具 骷髅卧在塌上。她身上的冷气,像冬夜的朔风,是我的血 凝结为冰。我晓得这是我爱人的化身13。 L’apparition d’un squelette de sexe féminin sur le lit en fer est clairement précisée. Cette apparition féminine inquiétante fait très vite 77 découvrir à l’auteur que ce squelette appartient en fait à sa première femme, notamment par la présence de celle-ci dans un lit commun qui évoque la situation maritale entre un homme et une femme. Cependant le dégoût et la frayeur provoqués par l’aspect morbide du squelette semblent être le début de l’explication d’une situation que l’auteur semble vouloir révéler. En efet, la mort qui est symbolisée par ce crâne représenterait une relation qui est terminée depuis longtemps, comme par exemple celle du mariage auquel Yan Zonglin a été forcé, et a mis in en revenant en Chine en 1933 pour divorcer14. Je ne me suis pas forcé non plus à me rappeler de sa belle apparence d’antan, ni de ses cheveux noirs, comme du vieux

12. Comme le veulent les traditions de l’époque, Yan Zonglin doit se plier à un mariage arrangé. Deux jours après son mariage, il quitte son village pour partir à Pékin, puis en Europe. C’est en 1933, lors de son premier retour en Chine, qu’il décide de retourner dans son village pour divorcer et éprouve probablement les sentiments d’angoisse qu’il évoque dans « Le sourire du squelette ». Plus tard, il se mariera à Fribourg en 1937 avec sa compatriote Liang Peiyun. L’évocation de ce moment de sa vie semble sensible, c’est pourquoi il ne le publie que d’une ma- nière allégorique en 1937 dans le recueil « Brumes nocturnes ». Cependant, par souci de chro- nologie, nous l’évoquons en premier dans cette analyse. 13. Yan Zonglin, 1937b, « Kulou de weixiao 骷髅的微笑 » (« Le sourire du squelette »), p. 904. 14. Un neveu de Yan Zonglin a avoué que celui-ci se cachait dans le village lors de son retour et avait demandé si sa femme était encore en vie. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

satin, se désagrégeant, un à un, sur le lit. […] À la lumière fugace, à travers la fenêtre, je vis l’expression anxieuse sur son visage et je me sentis sombrer dans un désespoir profond. 我不追想她曾有过的美貌,她的黑发,如积年的旧缎, 一根一根风化在床上。[…] 我看到她脸上深刻的愁容,像 落在无可补救的失望中15。

La référence à la « belle apparence » dont l’auteur ne se souvient plus ajoute à la notion de temps écoulé depuis cette époque révolue. Le protagoniste est cependant inquiet face à cette présence, notamment en voyant l’aspect triste de l’apparition qui fait resurgir une certaine culpabilité. En efet, s’il a divorcé après huit ans de « mariage » auquel il n’a consacré que deux jours, il pense probablement à la vie de cette femme, qui est restée au service de sa famille durant tout ce temps et qui, à son retour, s’est vue répudier, et dont peut-être l’honneur et les chances de se remarier seront entachés pour cela. Si dans ce cas-ci, le fantôme est symbolisé par un squelette qui exprime la frayeur de l’auteur envers son ancienne épouse et la in de cette relation, la igure présente dans le texte suivant symboliserait plutôt l’apparition d’une personne aimée dont le fantôme semble errer. Cette situation de divorce est courante 78 dans la Chine de l’époque. En efet, le système des mariages arrangés est une résurgence de l’ancienne société chinoise, et nombre d’étudiants chinois ayant fait des études à l’étranger divorcent à leur retour en Chine, refusant les mariages arrangés, comme par exemple Lu Xun, qui dort dans la bibliothèque durant sa nuit de noce. Ce texte fait aussi écho à celui de Jing Yinyu, intitulé « Un divorce », dont le contenu est peut-être autobiographique et fait référence au retour d’un étudiant chinois souhaitant divorcer de sa « femme », qui l’a pourtant attendu patiemment et qui a servi sa famille : Ni exhortations ni menaces ne convertissaient le ils rebelle : il répondait qu’il ne pouvait pas vivre avec sa femme […] [ce qui faisait réagir sa famille comme cela] le père, […] s’écriant, par intervalles, en branlant la tête : – Eh, les jeunes gens d’aujourd’hui ! les jeunes gens d’aujourd’hui !… […] Elle regarda pour la dernière fois, à travers la portière de sa chaise, de la maison du mari les bambous agités par le vent de l’automne, qui silait comme un génie malfaisant. Quelques jours après, la triste nouvelle de la mort […] parvint à la famille […]. Si idèle, si dévouée à ses vieux beaux-parents malades, injustement renvoyée, elle pleurait sans cesse, ne mangeait plus, ne dormait plus… La troisième nuit, à trois heures et à la troisième minute,

15. Yan Zonglin, 1937b, « Kulou de weixiao », p. 904. Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin Colette Girard

quand le monde des vivants se taisait, la femme héroïque se pendait, sous le travers de son lit, avec sa rouge mousseline de noces, les yeux ouverts encore après la mort […] et au dernier moment, elle invoquait encore le nom de son mari qu’elle attendrait sous la terre16.

Le deuxième poème en prose, « Rui Mei, souvenir d’un rêve triste» (« Yi kumeng dai jinian 以苦梦代纪念 17 ») paraît dans le recueil « Fantômes d’encre » publié deux ans plus tôt en 193518. Au cours d’un rêve, Yan Zonglin décrit sa rencontre avec Rui Mei dans un cimetière. De cette rencontre, plusieurs choses ressortent. Il rencontre une ille qu’il dit en rêve ne pas avoir revue depuis dix ans et qu’il semble reconnaître comme un ancien amour : En arrivant aux tombes, je vis une ille assise avec un brassard noir, la tête baissée, perdue dans ses pensées. […] – Bien que je ne t’aie pas vu depuis dix ans, tu ne me reconnais plus ? […] Ta Rui Mei est morte depuis longtemps ! 走到墓前时,我看见坐着一位披黑纱的女子,低头沉 思。[…]– 虽 然 十 年 不 见 ,你 已 不 认 识 我 了 吗 ?[…]– 你梅儿 19 早死了 ! 79 Cette ille ne semble pas le reconnaître et elle erre parmi les tombes, comme si elle l’avait oublié. Elle est assise sur sa propre tombe sur laquelle elle vient se recueillir. Si elle apparaît être son ancienne amie, cependant celle-ci n’est plus la personne douce qu’il a connue. Rui Mei déclare qu’elle vient se rendre hommage à elle-même sur sa propre tombe. Elle semble faire partie de l’au-delà, mais elle déclare cependant ne pas savoir ce qu’est la mort ni n’avoir jamais entendu de témoignage sur l’expérience de la mort. Cela révélerait peut-être qu’il pourrait simplement être question de la in d’une relation :

16. Kyn Yn Yu, « Un divorce », in Kyn J. B. Yn Yu (éd. et trad.), 1929, Anthologie des conteurs chinois modernes. p. 61-62. 17. Yan Zonglin [阎宗临], 1935b, « Yi kumeng dai jinian 以苦梦代纪念 » (« Rui Mei, souve- nir d’un rêve triste »). 18. Le texte sera repris dans le recueil 夜烟 (Brumes nocturnes en 1937, tout comme le texte « 古 城 » (« Cité ancienne »). Le choix des textes ne respecte pas l’ordre chronologique des publica- tions, car les événements biographiques de Yan Zonglin n’y apparaissent pas de manière chrono- logique. Ce choix été motivé en fonction de la situation de Yan Zonglin qui décrit d’abord dans « Le sourire du squelette » son mariage forcé, puis dans « Rui Mei, souvenir d’un rêve triste », la séparation d’avec une personne aimée qui semble prendre place dans les années 1933-1934. 19. Yan Zonglin [阎宗临], 1935b, « Yi kumeng dai jinian 以苦梦代纪念 » (« Rui Mei, souve- nir d’un rêve triste »). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

– Si Mei est morte, qu’est-ce que tu as à voir avec elle, pourquoi viens-tu ici ? – C’est moi, je viens me rendre hommage à moi-même. – Alors Mei, ne suis-je pas mort aussi ? Comment n’aurais-je pas réalisé que je suis mort ? La mort, c’est quoi exactement ? – Je ne sais pas ce qu’est la mort. Je n’ai jamais réléchi à ce que pouvait être la mort. Sur vos lèvres, vous vous questionnez souvent sur la vie et la mort, je n’en sais rien du tout. […] Ici il n’y a ni vie, ni mort. Quand elle eut ini de parler, elle disparut dans la tombe. Après m’être réveillé, je ressentis une grande mélancolie et je calculai en comptant sur mes doigts que Rui Mei était morte depuis quatorze mois. – 梅儿既死,你是她的什么,为何你也来此凭吊她呢? – 我是她,我来凭吊我自己! – 那么,梅儿,我不是也死了吗?怎么我没有觉着呢死?死 究竟是个什么东西呢? 我不知道死是什么东西。我从来也没有想过死是什么东 西。在你们嘴里,常是追问死生,我什么也不明白![…] 我 这里生不存在,死也不存在. 80 她 说 完 后 ,消 失 在 墓 中 。 醒后,我感到万分的惆怅,屈指计算,瑞梅死了已有十四 个月。这个苦梦,将永留在我的心中,一直到记忆的毁灭20. Yan Zonglin a quitté la Suisse en juillet 1933 et y revient en octobre 1934, ce qui fait exactement quatorze mois. Cette femme fait aussi étrangement songer à Juansheng, son pendant probable dans la nouvelle « Regrets » que Lu Xun écrit en 1925, où son ami Zijun déclare, à la mort de celle-ci : Je veux oublier, pour moi-même et parce que je ne veux plus penser à comment j’ai enseveli Zijun dans l’oubli21. L’apparition fantomatique de Rui Mei se fait de manière très calme. Elle semble nager dans la mélancolie, mais ne semble pas dangereuse. Le cadre dans lequel elle apparaît se fait dans un cimetière, en automne, parmi les feuilles de peupliers emportées par le vent. Il est diicile de savoir où se passe l’action, que ce soit en Chine ou en Suisse, car on trouve des peupliers dans la province du Shanxi tout autant qu’en Suisse. Concernant le nom de famille Rui 瑞, celui-ci peut être un nom chinois

20. Yan Zonglin [阎宗临], 1935b, « Yi kumeng dai jinian 以苦梦代纪念 » (« Rui Mei, sou- venir d’un rêve triste »), p. 1080. 21. Lu Xun, 2004, Errances, p. 166. Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin Colette Girard mais aussi la transcription d’un nom étranger, suisse par exemple. Il est fait référence aux croyances concernant la mort dans la tradition chinoise, mais le nom de cette femme semble poser problème. Au cours de l’analyse de ces deux textes, les passages y traitent de deux femmes-fantômes qui agissent comme des êtres vivants dans un environnement morbide, ayant pour décor la Chine, et peut-être la Suisse. Concernant la référence à la Chine, le poème suivant annonce le décor morbide dans lequel semble se projeter Yan Zonglin. Cette description lugubre de Pékin semble faire écho aux craintes que Yan Zonglin a de rentrer là-bas, en pleine guerre sino-japonaise. Ce poème en prose apparaît sous le nom de « Cité ancienne » (« Gucheng 古城 ») et paraît dans « Brumes nocturnes » en 1937. Yan Zonglin décrit Pékin en ces termes : J’ai rêvé que je retournais dans cette cité triste où il n’y a pas de soleil et que de la poussière. J’ai rêvé que je retournais dans cette cité désolée, où les cadavres étaient empilés et où il n’y avait que poussière. J’ai rêvé que je retournais dans cette cité détruite, où il y avait des chaumières qui avaient brûlé et carbonisé. J’ai rêvé que, oh, j’étais emporté à Peiping, là-bas, qu’il y avait un cimetière, que les rues étaient remplies des tombes des héros. 81 我 梦 见 回 到 依 恋 的 古 城 ,那 里 没 有 红 日 ,那 里 却 有 暮 烟 。 我梦见回到荒凉的古城,那里堆积着死尸,都是仇人毒物 的惠品。 我梦见回到破碎的古城,几所茅屋,燃烧着,变为一块焦 原。 我梦见,唉!回到飘摇的北平,那是一所秋坟,街上满列着 壮士的荒冢22。

L’auteur fait allusion à la ville de Pékin au moyen du terme « Peiping », car il s’agit du nom de Pékin lorsque Nankin l’a remplacée comme capitale. La référence à une ville détruite, remplie de poussière et comparée à un cimetière rempli de héros, avec l’évocation de conlits ayant dû y avoir lieu, fait vraisemblablement référence à la guerre sino- japonaise, mais aussi à la guerre civile qui a eu lieu entre les nationalistes du Guomindang et les communistes.

L’analyse des deux premiers textes montre que les passages cités traitent de deux femmes fantômes qui agissent comme des êtres vivants dans un environnement morbide, tandis que le troisième texte fait référence à Pékin et symbolise la peur du retour dans une ville-cimetière.

22. Yan Zonglin [阎宗临], 1937c, « Gucheng 古城 », (« Cité ancienne »). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Au-delà d’une dimension surnaturelle et fantomatique, ces trois textes semblent utiliser le biais du compte rendu de rêve, et apparaissent comme des prétextes pour parler de préoccupations touchant l’auteur. Le monde de l’imaginaire et du surnaturel semble présent pour exprimer des pensées qu’il aurait été plus compliqué d’exprimer sous une autre forme. Les relations entre l’auteur et les fantômes féminins semblent être celles de relations sentimentales terminées. Si, dans le cas présenté plus haut, le squelette symbolise la frayeur et la culpabilité de l’auteur envers sa première épouse répudiée, la igure présente dans le deuxième texte symboliserait l’apparition d’une personne aimée dont le fantôme semble errer dans la mort ou l’oubli. Ces fantômes agissent comme des vivants, et la représentation de leur corps mort ne semble être qu’un prétexte pour évoquer de manière indirecte des préoccupations que l’auteur ne souhaitait pas exprimer de manière directe.

82 Abtract: As one of the most popular writers of the Republican period, Xu Xu (1908-1980) is famous for iction characterized by a cosmopolitan atmosphere, exoticism, and fantastic encounters. Ghost Love, his irst well-known work, presents the traditional narrative of “a man encountering a female ghost” and ofers serious contemplation about the nature of reality from the perspective of psychology, philosophy, and politics. In examining the intertextuality between Ghost Love and traditional ghost narratives, this essay demonstrates how Xu Xu intentionally alludes to and diverges from the stereotypes and scenarios of the zhiguai tradition, tactically combines that tradition with elements of Western gothic iction, and sets this ghost story in a modern city involving modern issues. By contextualizing Ghost Love in the broader social context from 1927 to 1937—in relation to Bai Wei’s famous drama Breaking Out of Ghost Pagoda (1927) and Ma-Xu Weibang’s horror ilm Song at (1937), as well as discussing the political connotations of Longhua, a setting repeatedly referred to in Ghost Love—the essay also unmasks the fallacy that Xu Xu’s writing is apolitical, and points to the complexity, ambiguity, and ambivalence in the binary trope of human/ghost in the Republican period. he essay also challenges the conventional idea of Xu Xu as a neo-Romantic writer, by examining his unique view of the ghost, as well as the themes of illusion and disillusionment. Keywords: Xu Xu, Ghost Love, illusion, disillusionment, human/ ghost

Illusion et désillusion au nom du « Fantôme » : une étude d’Un amour de fantôme de Xu Xu Résumé : L’un des écrivains les plus populaires de la période républicaine, Xu Xu (1908-1980) est célèbre pour ses écrits ictionnels caractérisés par l’atmosphère cosmopolite, l’exotisme et les rencontres fantastiques. Un amour de fantôme, sa première œuvre connue, présente le récit traditionnel d’ « un homme rencontrant un fantôme féminin » et ofre une rélexion sérieuse sur la réalité d’un point de vue psychologique, philosophique et politique. En examinant l’intertextualité entre Un amour de fantôme et les récits de fantômes traditionnels, cet essai démontre comment Xu Xu fait intentionnellement allusion aux stéréotypes et aux scénarios de la tradition zhiguai tout en s’en écartant, combinant tactiquement cette tradition avec certains éléments de la iction gothique occidentale, et comment il situe son histoire de fantôme dans une ville moderne impliquant une thématique moderne. En contextualisant Un amour de fantôme dans l’environnement social de 1927 à 1937 – en relation avec la célèbre pièce de théâtre de Bai Wei l’Évasion de la pagode des fantômes (1927) et le ilm d’horreur de Ma-Xu Weibang Le Chant de minuit (1937), tout en traitant des connotations politiques de Longhua, un cadre auquel Un amour de fantôme se réfère à plusieurs reprises – l’essai met en lumière l’idée erronée selon laquelle les écrits de Xu Xu sont apolitiques ainsi que la complexité, l’ambiguité et l’ambivalence du trope binaire être humain /fantôme à l’époque républicaine. L’essai remet également en cause l’idée conventionnelle selon laquelle Xu Xu serait un écrivain néo-romantique en examinant sa vision du fantôme ainsi que les thèmes de l’illusion et de la désillusion. Mots-clés : Xu Xu, Un amour de fantôme, illusion, désillusion, humain/ fantôme

以鬼之名,幻覺與幻滅:讀徐訏《鬼戀》 摘要:作為民國時期暢銷作家之一,徐訏(1908-1980)以其作 品展現的大千世界風貌、異國情調以及筆下主人公的奇遇而著 稱。《鬼戀》作為他的成名作,在講述一個傳統的“書生艷遇女鬼” 故事的同時,反映了徐訏從心理學、哲學和政治角度對現實的嚴 肅思考。通過考察《鬼戀》和傳統誌怪小說的互文性,本文分析了 徐訏是如何有意援引,又有意悖離誌怪傳統中的常見人物形象和 故事場景,將這一傳統和西方哥特小說標誌性因素有機融合,講 述了一個發生在現代都市的“倩女幽魂”式故事。其次,通過將《鬼 戀》置於1927年至1937年這一更為廣闊的社會語境中,考察它與白 薇的著名戲劇《打出幽靈塔》(1927)和馬徐維邦的恐怖電影《夜 半歌聲》(1937)間的互文性,以及文中反復出現的地點“龍華”的 政治內涵,本文在揭示徐訏小說所含的隱晦政治性之外,進一步 闡釋了民國時期“人/鬼”二元對立修辭所內含的復雜性、模糊性和 矛盾情感。借由考察徐訏對“鬼”的獨特理解,以及其作品中復現 的“幻覺”與“幻滅”主題,本文也重新審視了徐訏在中國文學史中 被定義為“新浪漫派”作家的身份。 關鍵詞:徐訏、鬼戀、幻覺、幻滅、人/鬼 Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin

ILLUSION AND DISILLUSIONMENT IN THE NAME OF THE “GHOST”: A STUDY OF XU XU’S “GHOST LOVE”

Chen Qin Ohio State University

As one of the most popular writers during the Republican period, Xu Xu (徐訏) (1908–1980) is famous for iction characterized by a cosmopoli- tan atmosphere, exoticism, and fantastic encounters. “Ghost Love” (Gui lian 鬼恋), his irst well-known work, was irst serialized in the January and February issues of the journal Yuzhou feng 宇宙風 (Cosmic Wind) in 1937, while Xu Xu was studying in Paris.1 he story was later published in book form by Yechuang shuwu 夜窗書屋 (Night Window Bookstore) in 1938 ater Xu Xu returned to Shanghai.2 his novella immediately attained great popularity both in Shanghai and the interior during the 85 Second Sino-Japanese War, and by March 1947 had gone through its ni- neteenth print run.3 “Ghost Love” presents the traditional narrative of “a man encountering a female ghost” and ofers Xu Xu’s serious contemplation about the nature of reality from the perspective of psychology, philosophy and politics. In examining the intertextuality between “Ghost Love” traditional narrative and traditional ghost narratives, this essay demonstrates how Xu Xu intentionally alludes to and diverges from the stereotypes and scenarios

1. Xu Xu obtained a bachelor’s degree in philosophy from Peking University in 1931 and stu- died psychology there for two more years. He then went to Shanghai, where he worked as an editor for the Analects School (Lunyu pai 論語派) journals. In March 1936, Xu started his own bi-monthly journal, Tiandi ren 天地人 (Heaven, Earth and Man), which unfortunately folded ater ive months. In the fall of the same year, Xu let Shanghai for Paris to continue his studies. 2. he original version was in Yuzhou feng 32 (1937), pp. 444–448 and Yuzhou feng 33 (1937), pp. 488–493. In the book version, Xu made some alterations to the original text, changing the chronology in some places and adding length to the dialogues, e.g. an embedded ghost story narrated by the male protagonist when he accompanies the female protagonist to Xietu Road. he text I am referring to in this essay is the book version based on the Yechuang shuwu version, published by Huaxia chubanshe in 2008, unless otherwise stated. 3. See Schyns Joseph 善秉仁 et al., eds., 1966, 1500 Modern Chinese Novels and Plays, Hong Kong: Lung Men Bookstore, p. xxi; the original edition was published by the Catholic University Press in Beijing in 1948. See also Rabut Isabelle and Pino Angel, eds., 1996, le Fox- trot de Shanghai et autres nouvelles chinoises, Paris : Albin Michel, p. 308. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

of the zhiguai (志怪) tradition, tactically combines that tradition with elements of Western gothic iction, and sets this ghost story in a modern city involving modern issues. By contextualizing “Ghost Love” in the broader social context from 1927 to 1937—in relation to Bai Wei’s famous drama Breaking Out of Ghost Pagoda (Dachu youling ta 打出幽 靈塔; 1927) and Ma-xu Weibang’s horror ilm Song at Midnight (Yeban gesheng 夜半歌聲; 1937), as well as discussing the political connotations of Longhua (龍華), a setting repeatedly referred to in “Ghost Love”— the essay also unmasks the fallacy that Xu Xu’s writing is apolitical, and points to the complexity, ambiguity and ambivalence in the binary trope of human/ghost in the Republican period. he essay also challenges the conventional idea of Xu Xu as a neo-Romantic writer by examining his unique view of the ghost, as well as the themes of illusion and disillusionment.

a Chinese ghost story in a modern city As its title suggests, “Ghost Love” is a “ghost story”. Its storyline is based on the traditional romance/stereotype of “a man encountering a female ghost”. On a chilly winter night, the irst-person narrator—whose name, 86 Xu 徐, is identical to the author’s—encounters a beautiful young woman dressed in black in a tobacconist’s on Road, and she approaches him with the following words: “Human being, please tell me the way to Xietu Road.” he narrator is astonished by her beauty and the manner in which she addresses him. Yet she insists that her way of addressing him as “human” is appropriate, since she is indeed a ghost. Full of curiosity, he agrees to accompany her to Xietu Road and persuades her to meet him again. In the following year, they meet at night every three days. he narrator becomes more and more infatuated with this nameless woman, though he remains suspicious of her claimed “ghostly” identity. he turning point comes with a sudden rainstorm, in which the woman inally invites him into her house in a village on the outskirts of the city. here, he inds some men’s clothing that she claims belonged to her husband when she was still alive. hen he confesses his love to her, but in return, is mocked by her. For her, love is an absurdity of the human world, and it is ridiculous for there to be love between a man and a ghost. Frustrated but still clinging to some faint hope, the narrator returns to the house during the daytime, trying to learn more about her true identity. He inally inds out that the woman who lived there died three years ago. he irst installment suddenly terminated at this point, keeping readers in suspense as to whether or not the woman was really a ghost. In Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin a manner, reminiscent of traditional Chinese storytellers and huaben 話 本 iction, the publisher announced that the second part would appear in the next issue. In the second installment, the narrator meets the woman again, still sufering from the same obsessive love. Ater he and the woman inally make a compromise to maintain a platonic love, he accidently meets her one day during the daytime dressed as a Buddhist nun. He questions her ghostly identity again, and this time she has to admit that she is a human being—a woman who used to be a revolutionary assassin yet feels disillusioned with this human world and prefers to be a ghost. At the end of the story, the woman hopes the narrator will go on with his life as a human (haohao zuoren 好好做人), and she disappears from his life forever as a “ghost”. he basic storyline of this novella is apparently not new since records of encounters with supernatural phenomena can be traced back as early as in the zhiguai 志怪 (accounts of the strange) anecdotes of the Six Dynasties. his tradition later develops into Tang chuanqi 傳奇 (tales of the strange and the bizarre), then Song zhiguai stories, and most spectacularly, Ming and Qing biji 筆記 (jottings) of ghosts and phantoms. To this day, among various supernatural phenomena and spectral images, the female ghost remains as much a source of fascination 87 in Chinese media, including iction, movies and television series, as the vampire or werewolf in Western popular culture. A prominent example is the Hong Kong ilm A Chinese Ghost Story (Qiannü youhun 倩女幽 魂), directed by Ching Siu Tung 程小東 and produced by Tsui Hark 徐克 in 1987, which is an adaptation of “he Magic Sword and the Magic Bag” (Nie Xiaoqian 聶小倩), a ghost story in Strange Stories rom a Chinese Studio (Liaozhai zhiyi 聊齋志異, hereater referred to as Liaozhai).4 his hit ilm perfectly visualizes this traditional stereotype of the female ghost (Fig. 1).5 herefore, in this paper, when I use the term “a Chinese ghost story” to refer to Xu’s novella, I apply it not only for its literal meaning in Chinese, but also for its cultural implication in terms of the intertextuality between Xu’s story and the Chinese zhiguai 志怪 narrative tradition visually epitomized by the ilm A Chinese Ghost Story.

4. See Pu Songling 蒲松齡, “he Magic Sword and the Magic Bag,” in Strange Tales rom a Chinese Studio, trans. John Minford, 2006, London: Penguin, pp. 168-179. 5. Judith Zeitlin. also uses this ilm as a typical presentation of traditional ictional narratives of the female ghost. See Zeitlin Judith T, 2007, he Phantom Heroine: Ghost and Gender in Seventeenth-Century Chinese Literature, Honolulu: University of Hawaii Press, pp. 1–2. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Figure 1 : A man encounters an enchanting woman (a ghost); they fall in love with each other. From the Hong Kong ilm A Chinese Ghost Story (1987)

Intriguingly, when the male protagonist in “Ghost Love” accompanies 88 the female protagonist home, he tells her a traditional Chinese ghost story to prove his courage.6 It is about a fearless man who encounters a beautiful female ghost in a valley at midnight, and pursues her despite her attempts to scare him away with her horrible appearance. here is an interesting and salient correspondence between this embedded story and the frame story. Both stories start with an encounter at night between a man and a beautiful woman. he man pursues the woman and falls in love with her; she claims to be a ghost and tries her best to scare him away, but fails to get rid of him; she has to bring him back home and serve him with food and drink; he demands shelter for the night; yet inally when he wakes up from this “dream”, he inds that everything has been an illusion and cannot ind her. he man in the embedded story confesses that he “really wants to meet the female ghost again, but he can only ind a tomb during the daytime, whereas he can never ind her place at night”.7 Likewise, at the end of the frame story, the irst-person narrator—the protagonist— sighs: “Now it is winter… Winter comes again, yet the encounter in

6. In the book version, Xu made some alterations to the original text, changing the chronology in some places and adding length to the dialogues. For example, he adds an embedded ghost story narrated by the male protagonist when he accompanies the female protagonist to Xietu Road. 7. Xu Xu 徐訏, 2008, Gui lian 鬼戀 (Ghost Love) , 2nd ed. Beijing: Huaxiang chubanshe, p. 11. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin winter will never come. I always miss her, and yearn for everything about her all the time. However, in this vast earthly world, where can I meet her again?”8 What interests me most is that the protagonist himself clearly realizes this correspondence between the embedded story and his own story. When he is telling the traditional ghost story, he feels that he himself is “seemingly involved in this story with the woman at his side in the role [of the ghost]”.9 And when he lights a cigarette for her, his hands are actually trembling because he is afraid that she may suddenly change her appearance to that of a horrible ghost in the light of the match, much like the female ghost does in the embedded story. When he inally successfully enters her house, he notices that her curtains have three layers: the one closest to the window is white, the next is grey-green, and the innermost one is made of black wool, which coincides with the color of the tomb in the embedded story. He wonders, “Is it really a tomb? I guess the white one should be the stone fence, the grey-green one the grass, and the black one the dirt.”10 Furthermore, what makes him decide to return to her house during the daytime also comes from his knowledge of traditional ghost stories in which “houses made by ghosts through magic in the night become tombs during the day”.11 herefore, he believes that he can prove her to be a human being if her house does not change into a tomb 89 during the day. Yet his test fails with the news that she died three years ago, and he continues to sufer in his hopeless love. When he becomes so gaunt that all his friends and relatives begin to worry about his health, he recalls that it is a typical symptom for “men bewitched by ghosts” in stories in Liaozhai.12 In this sense, the ending of the embedded story actually becomes a prediction of the tragic ending of the frame story. On the one hand, the narrator cannot help making allusions to traditional ghost stories to analogize his experience; yet, on the other hand, he tries to get rid of this stereotype through such eforts as arguing that his illness is not caused by her bewitching him, and that she lives in a house rather than a tomb, etc. However, all his eforts turn out to be useless. He inally repeats the same disillusionment of the man in the embedded story, who wakes up in the morning “inding himself sleeping near a stone fence in front of a tomb”, since he also wakes up one day outdoors, “dabbling in the dew”,13 and never has a chance to meet the female “ghost” again.

8. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 43. 9. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 11. 10. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 17. 11. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 22. 12. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 28. 13. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 11, p. 35. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Despite conscious allusions to and appropriations of some typical scenarios of the zhiguai tradition, some divergences can also be found between “Ghost Love” and traditional narratives. It is a modern ghost story set in a national metropolis, and the protagonist encounters the woman in a tobacconist’s on one of the busiest commercial streets in the city. As the protagonist says, even if one day he will believe in ghosts, “it certainly will not be on Shanghai’s Nanjing Road, and in a beautiful woman who walks into a tobacconist’s asking for Era cigarettes and then has the courage to ask a stranger for directions”.14 Yet the erudite ghostly woman solves this ridiculous dilemma with an interesting binary: for her, Nanjing Road represents the “bustling” (renao de 熱鬧的) human world (renjian 人間), while the area west of the Xietu Road represents the “secluded” (pijing de 僻靜的) ghost world (guiyu 鬼域). She can wander in the human world at night if she so desires, but during the day lives only in the ghost world, where she refuses his company. herefore, whereas in traditional narratives the two worlds coexist in the same geographic area but are separated temporally—day belongs to human beings and night belongs to ghosts (a principle applied to both ghosts in Chinese culture and vampires in Western culture)—the distinction between the human world and ghost world in Xu Xu’s novella is embodied through the distinction between the urban and suburban spaces. he former is 90 the area represented by Nanjing Road or Avenue Jofre 霞飛路, which is full of shops, tobacconist sellers, cafés and other modern icons, and the latter is the area to the west of Xietu Road as well as the Longhua (龍華) area, which was at the time secluded from the modernized city. But at the same time, these two worlds are not absolutely incompatible. Readers may notice that in their nocturnal meetings, the protagonist and the woman either roam about the deserted area, enjoying the beautiful night landscape, or sit in a café downtown, drinking cofee, smoking cigarettes, and chatting through the night. heir shuttling between the human world and the ghost world suggests a movement between modernity and tradition. Furthermore, in the plot development, readers get the opportunity to visit the woman’s house through the protagonist’s eyes. he reader is perhaps surprised to ind that the layout and the decoration of her “secluded” house is a mixture of Chinese and Western (traditional and modern) styles. Above the traditional redwood bed there is a round black bed-curtain, the likes of which he had never seen before (whereas it is a typical gothic-looking decoration in the West, Fig. 2); a Bible is laid on the redwood bookshelf next to a piano and a violin; and Chinese-style and Western-style pictures hang together on the wall. When the woman comes out, she serves him whiskey, hot

14. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 5. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin cofee, milk with sugar, and cake—a series of exotic and fashionable Western food and drinks.15 his hybrid lifestyle is also embodied in her knowledge, since “she almost knows a little of everything, whether metaphysics or physics, astronomy or entomology”,16 which indicates that she has received a modern education. All of these make the story more like an urban (Westernized) gothic romance, in which facts “are not given, but must be discovered” through the protagonist’s active, intentional investigation,17 rather than a traditional Chinese narrative, in which protagonists usually accidently ind the horrible truth ater being bewitched, or know the identity of the ghost from the beginning through common knowledge. he protagonist’s encounter with the woman during daytime further breaks the boundary between the human world and the ghost world, and suggests the story’s departure from traditional ghost narratives. his serious violation of the norms enhances the male protagonist’s suspicion of the woman’s identity, and inally dispels the mystery around her—she has to confess that she is actually a mortal who would rather live as a ghost. She not only insists on the diference between the human being and the ghost, but also complains “Why can’t you forgive me? [Why do you] insist on arguing that I’m a human being, pulling me out from being buried in a tomb up to the human world, and forcing me to be a 91 mortal in this ghostly human world?”18 his complaint obviously reverses the traditional hierarchy of beings in the world, in which deities go irst, followed by human beings, with ghosts at the bottom.19 While human beings are associated with essence of yang 陽, something bright, elevated, good and beautiful, ghosts represent yin 陰, the dark, base, evil and ugly. hat is why female ghosts in traditional

15. Interestingly, if we examine the embedded story in “Ghost Love” again, we ind that in this seemingly traditional ghost story, when the man visits the ghost’s family, what her mother serves him is also “cofee”—something which by no means existed in traditional Chinese culture. his small “law” challenges the integrity of this embedded story as a “pure” traditional ghost story, which can also be viewed as an intentional literary tactic adopted by Xu Xu to indicate its pecu- liarity as a reinvention of the traditional ghost story. 16. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 15. 17. Haggerty George E., 1989, Gothic Fiction/Gothic Form, University Park and London: Pennsylvania State University Press, p. 1. 18. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 31. 19. “All the living must die, and dying, return to the ground; this is what is called kwei [ghost]. he bones and lesh, moulder below, and, hidden away, become the earth of the ields. But the spirit issues forth, and is displayed on high in a condition of glorious brightness.” See Liji 禮 記 (Book of Rites), Chapter XXI “he Meaning of Sacriices” (jiyi 祭义). See also Confucius, Legge James, Chʻu Chai and Winberg Chai, 1967 [1885], Li Chi: Book of Rites: An Encyclopedia of Ancient Ceremonial Usages, Religious Creeds, and Social Institutions, New Hyde Park, NY: University Books, 1967, Book XXI “he Meaning Of Sacriices” (Kî Î), http://www. sacred-texts.com/cfu/liki2/liki221.htm Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

ghost stories usually try to hide their ghostly identity and pretend to be human beings in their relationship with men, especially when they are in love with a man. he most typical and horrible story of this sort might be “he Painted Skin” (Hua pi 畫皮) in Liaozhai, in which a female ghost has created the perfect disguise of a painted human-skin, which she has removed from her victims, in order to project an identity as a mortal woman. In addition, a recurrent repertoire in traditional Chinese ghost- cum-love stories is the fantasy of a ghost’s resurrection or rebirth with the help of her beloved man. he Liaozhai tales entitled “Twenty Years a Dream” (Lian Suo 連鎖) and “Lady Wu Qiuyue” (Wu Qiuyue 伍秋 月) contain detailed descriptions of this resurrection procedure as well as the celebration of the happy ending when the ghost inally turns into a human being and lives together with her lover.20 Yet in the logic of the female protagonist, the ghost is superior to the human being, and the ghost is not necessarily the same as an ugly corpse and base nature. Rather, the corpse is the inal material form of any beautiful human being in this world. In other words, there is no beauty in the human world.21 his reversed dichotomy should be read in its relation to other binary tropes of human/ghost in the Republican period.

92 20. he embedded story narrated by the protagonist in the novella may be the only exception in this sort of ghost-cum-love story, since the female ghost has no interest in the identity of the human being, and tries to drive away the man with her horrible ghostly appearance. However, it is a reinvention by Xu Xu, and one which combines several archetypes of traditional ghost stories. he zhiguai narratives I have examined so far do not feature a story exactly the same as this one. hese include Soushen ji 搜神記 (In search of the supernatural), (c.350); Youming lu 幽明錄 (Records of the hidden and the visible world) (403–444); Youyang zazu 酉陽雜俎 (Miscellaneous Morsels from Youyang) (803–863); Jiandeng Xinhua 剪燈新話 (New stories written while trimming the wick) (1378); Jiandeng yuhua 剪燈餘話 (More stories written while trimming the wick) (1420); Strange Stories rom a Chinese Studio [Liaozhai zhiyi 聊齋志異] (1679); Zi buyu 子不語 (What the master would not discuss) (1781); Yuewei caotang biji 閱微 草堂筆記 (Jottings from the thatched cottage examining the epigrammatic utterances) (1800); and Yeyu qiudeng lu 夜雨秋燈錄 (Writings done in the rainy nights and under the autumn lamp) (1877). 21. Obviously, this idea resonates with the Buddhist metaphor of the human body—gelang zhonghui 革囊眾穢 (“a leather bag holding various [kinds of] ilth”)—and also embodies cer- tain common views in neo-Romanticism that we also ind in Wumingshi (無名氏), a popular writer and imitator of Xu Xu’s style in the 1940s. In a memoir by a friend, Wumingshi) is shown as having a special interest in collecting skulls and views them as a kind of mirror for human beings: no matter how pretty when they are alive, once dead, the brain will be evacuated, the eyes will become two holes, the face will be like a clif and the enticing mouth will become a horrible black hole. Quoted in Yan Jiayan 嚴家炎, 1995, Zhongguo xiandai xiaoshuo liupai shi 中國 現代小說流派史 (A history of schools in modern Chinese iction), 2nd ed., Beijing: Renmin wenxue chubanshe), pp. 304–305. Actually, this association between beauty and the skull is a traditional metaphor—hongfen kulou 紅粉骷髏 (“beautiful skeleton”)—in Chinese ghost sto- ries such as “Mudan deng ji” 牡丹燈記 (he peony lantern) in Qu You’s Jiandeng Xinhua 剪燈 新話 (New stories written while trimming the wick). Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin

Ghost Pagoda, deserted tomb and haunted theatre: revolution and revulsion in 1927 and 1937

As David Wang points out, “although ghosts appear to have been kept at bay by enlightened literati, chances are that they still lurked not far behind the façade of the new literature. More intriguingly, modern Chinese writers and intellectuals cannot carry on their enlightened discourse without invoking, or even inventing, new ghosts.”22 A haunted house, an evil ghost or a cannibalistic banquet can be used as icons in the May Fourth period to symbolize oppressive society, cannibalistic traditional culture, or even the damnable national character. Hu Shi’s condemnation of the “ive ghosts” in the 1930s—poverty, disease, ignorance, corruption and chaos—can be viewed as one of the most representative discourses about ghosts at that time.23 Similarly, in Bai Wei’s Breaking Out of Ghost Pagoda (Dachu youling ta 打出幽靈塔, hereater Ghost Pagoda), a drama with references to both the Chinese legend about the White Snake imprisoned by the Leifeng Pagoda 雷峰 塔 and to Ibsenian ghosts, the traditional patriarchy is compared to a ghost pagoda that suppresses the whole family and inally breaks down at the expense of the life of the heroic daughter.24 he drama develops its 93 plots around how the female protagonist ights against, and inally ights her way out of, the “ghost pagoda” when she kills her “father”. By contrast, in “Ghost Love”, the aforementioned binary discourse is completely reversed. he female protagonist was a revolutionary assassin before she meets the male protagonist; she did secret revolutionary work and killed several people with her dagger in the name of the revolution. Yet when she returned from exile abroad one day, she irst found her lover executed, and then discovered that most of her revolutionary companions had betrayed the revolution. She gradually felt disillusioned with her love, her work, her belief, and indeed with the entire human

22. Wang David Der-wei, 2004, “Second Haunting: he Meaning of Ghost is ‘hat Which Returns’”, in he Monster hat Is History: History, Violence, and Fiction Writing in Twentieth- Century China, Berkeley and Los Angeles: University of California Press, p. 275. 23. Hu Shi 胡適, 1986, “Zhengli guogu yu dagui” 整理國故與“打鬼” (Sino-logical learning and “subduing the ghosts”), in Zhixue de fangfa yu cailiao 治學的方法與材料 (he method and materials of learning), Taibei: Yuanliu chuban shiye gufen youxian gongsi, p. 160. For more in- formation about the attitude of the May Fourth and post-May Fourth literati and intelligentsia towards the ghost and supernatural phenomena, see Zeng Yu 曾煜, ed., 1996, Liaokan gui yu shen 聊侃鬼與神 (Random notes on ghosts and gods), Changchun: Jilin renmin chubanshe. 24. Breaking Out of Ghost Pagoda was written in 1927 and published in 1928. See Bai Wei 白薇, “Breaking Out of Ghost Pagoda (1928)”, in he Columbia Anthology of Modern Chinese Drama, ed. Xiaomei Chen (New York: Columbia University Press, 2010), pp. 165-226. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

world.25 hus, the novella tells us a story of how a human being is turned into a ghost, and willingly buries herself in a “deserted tomb”. And the ghost in this story is not the symbol of evil, as in the play Ghost Pagoda and most works of the Republican period. Intriguingly, Bai Wei used a similar trope to depict herself in a letter to her beloved in 1924: You are just occasionally like a ghost emerging from a deserted tomb, yet the deserted tomb is where I rest forever. I don’t know how long I have been here and I don’t care what year this is. I meant to completely forget this human world where the pretty and the ugly are competing with each other. It makes no sense to inquire about my past. Who do you take me for? Why do you like me? You may have made a mistake. Are you in a dream? he diference between you and me is that between life and death.26 his similarity between the two confessions in Xu Xu’s “Ghost Love” and Bai Wei’s love letter deserves our attention on two levels. On the one hand, Bai Wei’s Ghost Pagoda has usually been viewed as a typical allegory of the ghost in Republican-era literature, which is totally reversed in her early self-confession. On the other hand, the year 1927 is 94 also remarkable. For Chinese readers who are familiar with Republican- era history, this year is the watershed of the Great Revolution when the Kuomintang (hereater KMT) breaks with the Chinese Communist Party (hereater CCP) in the Northern Expedition.27 Coincidentally, both Ghost Pagoda and “Ghost Love” ) set their stories in 1927.28

25. An interesting combination of both themes in “Ghost Love” and Breaking Out of Ghost Pagoda is Wumingshi’s Ta li de nüren 塔里的女人 (he woman in the tower) (1944), in which a woman willingly secludes herself from her former lover and society as well. At the end of the story, the narrator argues that: “Women are always in the tower, which was probably built by others, or by themselves, or by some unknown power!” 26. Bai Wei 白薇 and Yang Sao 楊騷, 1999, Zuo Ye 昨夜 (Last night), Shijiazhuang: Hebei jiaoyu chubanshe, pp. 3–4. his is a collection of love letters, which was irst published by Shanghai Nanqiang shudian in 1933. In Bai Wei’s words, “it is extremely senseless and miserable to sell love letters because of poverty”. 27. he Northern Expedition (beifa 北伐), also known as the Great Revolution (da geming 大 革命), was a military campaign led by the KMT from 1926 to 1928. Its main objective was to unify China under the KMT banner by ending the rule of local warlords. It led to the demise of the Beiyang 北洋 government and the Chinese reuniication of 1928. he KMT and the CCP formed an alliance at the beginning of the expedition, yet Chiang Kai-shek decided to purge all Communists from the KMT in 1927. In the Shanghai massacre on April 12, 1927, thousands of Communists were executed or went missing, while others were arrested and imprisoned. he purge caused a confrontation between the KMT and the CCP, as well as a split between the KMT’s let and right wings. 28. According to the lashback by the protagonist—“it was ten years ago”—the setting of the story in “Ghost Love” starts in 1927 approximately. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin

Bai Wei confessed that she oten asked herself “Am I a ghost or a human?”, and sometimes felt that she had a certain Buddhahood (foxing 佛性), a term also used by the female protagonist in “Ghost Love”, gained through her harsh life and meditation in prison.29 But the diference lies in the fact that Bai Wei’s self-portrait as a ghost is more self-pitying and that she still has a faint hope to return to the normal human world from her “deserted tomb”, with the help of her “angel-like” lover. On the contrary, the female protagonist in “Ghost Love” is more strong-willed. She retreats from human society and lives a ghostly life by her own volition. Even though the male protagonist swears that he loves her and she inally admits that she also loves him, she still refuses to return to the human world, which is as dizzying as the ghost world, since the ghost can easily be lost due to rendaqiang 人打牆 (man building the wall), an ironic parody of the term guidaqiang 鬼打牆 (ghost building the wall).30 To her, the ghost world is at least as good, if not better, than the human world. Sometimes, the former is even easier to understand. his diference between the woman in “Ghost Love” and Bai Wei further leads to their diferent attitudes towards disillusionment. If we compare the former’s claim in the story with the latter’s claim in her later autobiographical iction “My Tragic Life” (Beiju shengya 悲劇生 涯)—which was a response to her lover’s betrayal and desertion ater 95 their “honeymoon” period—we ind that while these texts again share dramatically similar expression of disillusionment at the beginning, they contrast sharply in their endings (the italicized part): But since then, we failed time ater time. Some of them betrayed, some of them informed, some of them worked as government oicials, whereas others were arrested or executed, and I am the only one let in my company! I thoroughly experienced this world, absolutely exhausted my life, and totally recognized the human heart. I want to be a ghost, a ghost… Yet I don’t want to die—death will make me lose everything, but I want to dispassionately witness the change of this human world. So I live in the guise of a ghost here.31 Xu Xu, “Ghost Love” Humanity loses its heart, and the universe is in chaos. I can no longer stand the blows of a stormy life.

29. Bai Wei and Yang Sao, 1999, Zuo ye, p. 6; Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 33. 30. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 5–6. Guidaqiang 鬼打牆—“ghost building the wall”—is an idiom in Chinese folk culture. It is said that people easily get lost in suburban or deserted areas at night. No matter how far they walk, they ind that they still stay in the same place. he ex- planation for this phenomenon is guidaqiang—the ghost(s) build(s) an invisible wall to enclose human(s), so the human(s) circle around the same site. 31. Xu Xu, 2008, “Ghost Love”, p. 33. Italics mine. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

I am going crazy … I feel sufocated, I weep, I jump, I want to die. Death, no! I want to declare war against all the evils in the world. I want revolution, I want revolution, and I swear that I will dedicate my life to revolution!32 Bai Wei, “My Tragic Life”

Both of them declare that they will not die. But the female protagonist in “Ghost Love” rejects death only because it will make her lose the chance to witness the vicissitudes of society.33 For her, living as a ghost is the best remedy for her past spiritual scars. Yet for Bai Wei, who feels disillusioned with love only at that moment, revolution remains efective as a good remedy and becomes an alternative expression for her wild passion. She does not want to die, because she wants to ight against all the evils in the world. Her life trajectory conirms a Republican critic’s presentation for depressed youth at that time: “[F]or those who do not wish to be trapped by lack of sexual fulillment, they had better heighten their desire to a love for truth, goodness, and beauty, to a love for family, society, and nation, so that they will contribute to academic construction and Nationalist Revolution.”34 Ironically, although Bai Wei zealously declares in her autobiographic iction that she will completely devote herself to the revolution, she 96 actually harbors certain suspicions about it as well. hrough the accusation from Ling Xia 凌俠, a revolutionary who has been set up by the villain in Ghost Pagoda and betrayed by his revolutionary companions, Bai Wei expresses a similar disillusionment to what the female protagonist feels in “Ghost Love”: Previously, I could not stand the darkness and oppression in society. I fought back and ran away, ran into the group of rebels, jumped into the revolution. Now I cannot stand the darkness, oppression and ilth in the revolution. I ight back and I want to escape and jump again. But the whole human world is totally dark and ilthy, where can I escape to?35

32. Bai Wei, 1936, Beiju Shengya 悲劇生涯 (My tragic life), Shanghai: Shenghuo shudian, p. 217. Italics mine. 33. his easily reminds us of the story of Wu Zixu 伍子胥, who swore before his execution that he would witness the collapse of the state of Wu through his eyes hung on the city wall. See the biography of Wu Zixu (722–481 BC) in Sima Qian 司馬遷, c.145 or 135–86 BC, Shiji 史記 (he Grand Scribe’s records). 34. Hong Ruizhao 洪瑞釗, 1928, Geming yu Lian’ai 革命與戀愛 (Revolution plus love), Shanghai: Minzhi shuju, p. 51. 35. Bai Wei, 1985, Breaking Out of Ghost Pagoda [Dachu youling ta 打出幽靈塔] , Changsha: Hunan renmin chubanshe, p. 303. Trans. Paul B. Foster, 2010, in Xiaomei Chen, ed., he Columbia Anthology of Modern Chinese Drama, New York: Columbia University Press, pp. 165–226. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin

he victory at the end of Ghost Pagoda is therefore an illusionary one because the death of the villain does not mean the end of darkness in society. If we take into consideration the story’s setting, we may ind that the historical background of 1927 can be viewed as a hidden political connotation in both Ghost Pagoda and “Ghost Love”. What I want to point out is that although Xu Xu did not explicitly write about his disillusionment with the KMT government, as Frederik Hermann Green points out, he was “just as disillusioned with the proto-fascism of Chiang Kai-shek’s government as he was with communism”.36 A pivotal clue as to Xu Xu’s disillusionment is the repetition of the setting of Longhua in “Ghost Love”, as a site (in addition to Xietu Road) where the ghost lives, an important landmark for the ghost world. On the one hand, Longhua had been famous for the Longhua Temple and related legends of spirits since the Ming dynasty, thus making it a natural setting for a supernatural fantasy.37 On the other hand, Longhua had been occupied by warlords since the Xinhai Revolution in 1911, and taken over by the KMT government in 1927, becoming the site for the Shanghai Garrison Command and an execution ground to kill letists.38 On the night of 7 February or the morning of 8 February 1931, twenty- four letist writers, who had been arrested by the KMT government in January, were secretly executed in Longhua. In a mourning essay for 97 those martyrs, “In Memory of the Forgotten”, Lu Xun expressed his sorrow and frustration: for him, Longhua was a place where he had lost his friends, a place full of sorrowful memories, an icon of the dark world and the long night, thus he would not go to there, though he liked the peach lowers for which Longhua was famous.39 Undoubtedly, it is arbitrary to say that Xu Xu had exactly the same feeling as Lu Xun, and expressed the same indignation when he mentions Longhua in his writing. But we need to take into consideration the remarkable year that

36. Green Frederik Hermann, 2009, “A Chinese Romantic’s Journey through Time and Space: Cosmopolitanism, Nationalism and Nostalgia in the Work of Xu Xu (1908–1980)”, PhD disser- tation, Yale University, p. 117. 37. See Chen Boxi 陳伯熙, 1999, “Longhua zhi shenhua” 龍華之神話 (he legend of Longhua), “Longhua si ta zhiyi” 龍華寺塔志異 (Records of the bizarre in Longhua Temple and Longhua Pagoda), Shanghai yishi daguan 上海軼事大觀 (he grand view of anecdotes in Shanghai), Shanghai: Shanghai shudian chubanshe, p. 369. he original edition was published by Taidong shuju in 1924. 38. Chen Boxi, 1999, “Longhua cangsang tan” 龍華滄桑談 (On vicissitudes of Longhua), “Longhua dao shang zhi jinxi” 龍華道上之今昔 (he past and present Longhua), Shanghai yishi daguan 上海軼事大觀 (he grand view of anecdotes in Shanghai), Shanghai: Shanghai shudian chubanshe, p. 128–129. 39. Lu Xun, 1976, “Zhi Yan Limin” 致顏黎民 (A letter to Yan Limin), Lu Xun shuxin ji 魯迅 書信集 (he collected correspondence of Lu Xun), 2 vols., Beijing: Renmin wenxue chubanshe, ii, pp. 982–983. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

was 1927 (the setting of the story) and the plot elements in “Ghost Love”, such as the revolutionary past of the female protagonist: her lover, also a revolutionary, was executed by the government, and she then found that most of her revolutionary companions had betrayed the revolution. It is therefore reasonable to conclude that the setting of Longhua has decided political connotations in the story. his execution ground is not only the perfect setting for ghosts and haunting, like the site of the massacre in the Liaozhai tale “he Ninth Daughter of the Gongsun Family” (Gongsun jiuniang 公孫九娘), but also a memorial place for those spirits who died for their ideals, though Xu Xu only generally and vaguely calls them “revolutionaries”. Is it possible that the female protagonist wanders in this deserted and macabre place because her beloved had been executed here? Does she believe that she can meet his spirit some day? Or does she hope to become one of those real ghosts, secluded from this ugly human world? Ironically, despite her wish and declaration live as a ghost, the female protagonist actually fails to be a ghost who only dispassionately witnesses the change of this human world. his “fake seclusion” reminds us, in a sense, of Shanghai in 1937. Ater Japan launched its all-out war against China on 7 July, half the territory of Shanghai was occupied by Japanese troops in November, while the other half enjoyed a certain 98 safe “seclusion” under the auspices of the International Settlement and the French Concession. Yet it was only a fake seclusion. In December 1941, Japanese troops stormed in immediately following the attack on Pearl Harbor, which spelled the end of the so-called Solitary Island period in Shanghai. Yet at the beginning of 1937, before the outbreak of the war, people in Shanghai still enjoyed a relatively leisurely urban lifestyle. In January and February, Xu Xu’s “Ghost Love” was serialized and quickly became a bestseller; at the same time, on 20 February, the Chinese ilm world saw its irst horror ilm: Song at Midnight (Yeban gesheng 夜半歌聲) was released and would become the most proitable ilm of the year. As such, literary and ilmic texts are inevitably interwoven with history, violence, monstrosity and traumas. As David Wang argues, “iction may be able to speak where history has fallen silent”.40 Little scholarly attention has been paid to the similarity between the novella and the ilm, despite their shared fascination with the macabre and the ghostly: how the dark society distorts human nature and makes a woman or man a living “haunting ghost”, a trope that was later picked up by the CCP in the play White-Haired Girl (Baimao nü 白毛女) (1945): “he old society turned human beings into ghosts, the new society turns

40. Wang David Der-wei, 2004, he Monster hat is History, p. 1. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin ghosts into human beings.”41 I do not give a comprehensive comparative study here, since abundant attention has been paid to Song at Midnight.42 Rather, I focus on the semiotics of the culture that both the novella and the ilm relected in 1937. In the 1930s, there were two prominent trends in the literary ield— indeed, they pervaded the entire cultural atmosphere. On the one hand, the romanticism that lourished in the May Fourth period had ebbed since the late 1920s. Realistic “revolutionary literature” and letist thought began to occupy both literary and ilm circles. Remarkable events such as the “Let Turn” of the Creationists, the formation of the League of Let-Wing Writers as well as the famous polemic between sot ilms (ruanpian 軟片) and hard ilms (yingpian 硬片) and the intensive attack on the ilms Humanity (Rendao 人道) (1933) and he Pink Dream (Fenhongse de meng 粉紅色的夢) (1933) by letist ilm critics, all indicated the great inluence of letism and realism at that time.43 On the other hand, the nostalgia and imagination of revolution ater the failure of the Great Revolution in 1927 led to the lourishing of the “revolution-plus-love” (geming jia lian’ai, 革命加戀愛) formula from the late 1920s to the 1930s. As Liu Jianmei argues, “love contains irreducible components of the individual’s sexual identity and bodily experience, relationship between man and woman, and a sense of self-fulillment; 99 revolution is related to the trajectory of progress, freedom, equality, and emancipation. hese two categories constitute, clash with, or otherwise inluence each other in the mainstream narrative of modern Chinese literature.”44 his “revolution-plus-love” formula not only ofers a chance

41. his statement was irst made by He Jingzhi 賀敬之, one of the co-writers of the Yan’an version of Baimao nü. See Meng Yue 孟悅, 1993, “Baimao nü yanbian de qishi: jianlun Yan’an wenyi de lishi duozhixing” 《 白 毛 女 》演 變 的 啟 示 — 兼論延安文藝的歷史多質性 (he transformation of “White-Haired Girl” and its signiicance: On the polyphony of history in Yan’an literature), in Tang Xiaobing 唐小兵, ed., Zai jiedu: dazhong wenyi yu yishi xingtai 再 解讀:大眾文藝與意識形態 (Rereading: Mass literature and ideology), Hong Kong: Oxford University Press, pp. 68–69. 42. For example, Braester Yomi, 2000, “Revolution and Revulsion: Ideology, Monstrosity, and Phantasmagoria in Ma-Xu Weibang’s Film Song at Midnight”, Modern Chinese Literature and Culture, 12/1, pp. 81–114. 43. For more information about the League of Let-Wing Writers, see Wong Wang-chi, 1991, Politics and Literature in Shanghai: he Chinese League of Let-Wing Writers, 1930–1936, Manchester and New York: Manchester University Press. For the polemic between “hard ilms” and “sot ilms”, see Meng Jun 孟君, 2005, “Huayu quan, dianying benti, guanyu piping de piping: ‘yingxing dianying’ yu ‘ruanxing dianying’ lunzheng de qishi” 話語權·電影本體: 關於 批評的批評 — “硬性電影”與“軟性電影”論爭的啟示 (he right to discourse, the essence of ilm: A criticism on criticism: he apocalypse of the controversy between the “hard ilms” and the “sot ilms”), Dangdai dianying 當代電影 (Contemporary cinema), 2, pp. 79–82. 44. Liu Jianmei, 2003, Revolution Plus Love: Literary History, Women’s Bodies, and hematic Reception in Twentieth-Century Chinese Fiction, Honolulu: University of Hawaii Press, p. 3. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

for writers and readers to both reminisce about the past and look forward to the future,45 but also links gender identiication to class identiication, in that “the subordinate position of women in the binary sex/gender system is reconsolidated through a pre-established position or a uniform entity on the political landscape.”46 Obviously, Song at Midnight does not depart from the “revolution- plus-love” formula. Song Danping’s 宋丹萍 love for his beloved Li Xiaoxia 李曉霞 is as strong as his hatred for Tang Jun 湯俊, a symbol of the evil power in society. he scar on Song’s face is both evidence of his sacriice for love, and an icon of revolutionary virtue, marking his struggle against the feudal forces. Although he claims that “I am a demon, I am a beast, I can no longer stay together with you!”—just as the female protagonist in “Ghost Love” insists that the barrier between her and the male protagonist is the diference between ghost and human being—he does not thoroughly seclude himself from the outside world, since he always sings at midnight, causing Sun Xiao’ou’s 孫小鷗 investigation of the phantom in the theater. he process of unmasking his identity is, as Yomi Braester points out, both a process of expressing his love for his beloved through Sun Xiao’ou and of communicating the revolutionary message and his ideological authority to the younger generation.47 At the end of the ilm, he perishes together with the villain in the raging lames, 100 recapitulating the last scene of Ghost Pagoda, in which the good daughter and the evil father die together. Sun Xiao’ou’s explicit declaration can be viewed as the elevation of the theme of the whole ilm: “We must strive harder to struggle against these dark forces, smash them, and ight for the freedom of the masses.” As such, this horror ilm won appreciation both in terms of ideology as well as box-oice success. “Ghost Love” presents a diferent take on the “revolution-plus- love” formula. Xu Xu subverts the motif by plotting the story in an “anti-revolutionary-plus-anti-love” mode. he story reveals not only the disillusionment of the male protagonist with love, but also the disillusionment of the female protagonist with revolution. Where Song Danping secludes himself in the theater’s attic because of his facial deformity, the female “ghost” in “Ghost Love”, who is as beautiful as a deity, also willingly secludes herself from the outside world. Again, compared with Song Danping, she not only loses hope for love, but also

45. For more information, see Xiong Quan 熊權, 2007, “Lun Dageming yu zaoqi zuoyi wenxue de xingqi: yi dui ‘geming jia lian’ai’ chuangzuo fasheng de kaocha weili” 論大革命與早期左翼 文學的興起 — 以對“革命加戀愛”創作發生的考察為例 (he Great Revolution and the rising of the early letist literature: he example of the writing of “revolution plus love”), Zhongguo wenxue yanjiu 中國文學研究 (Research of Chinese literature), 1, pp. 97–101. 46. Liu Jianmei, 2003, Revolution Plus Love, p. 104. 47. For more analysis about the ilm in terms of ideology, see Braester Yomi, 2000, “Revolution and Revulsion”. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin for the revolution. he ending of the story leaves much space for readers to freely imagine whether she will come back one day or whether she will rekindle her hope for love and revolution. Readers are let as empty and lost as the male protagonist in the story. his anti-revolutionary tendency, which irst appeared in “Ghost Love” and lourished in Xu Xu’s later writing, clearly does not match the standard of “revolutionary literature” at that time, and the escapism lurking under various romantic encounters with the cosmopolitan was also criticized by letist critics as inviting readers to “enter a world of illusion”.48 conclusion hrough a close analysis of the human/ghost trope in “Ghost Love”, in comparison with ghost–human relations in the Chinese zhiguai narrative tradition as well as in other ghost-themed works by Xu Xu’s contemporaries, this essay has demonstrated the complexity, ambiguity and ambivalence in the binary trope of the human/ghost in the Republican period. Xu Xu has been labeled as a “neo-Romantic” writer in some studies of 101 the history of modern Chinese literature, yet unlike his earlier Chinese Romantic predecessors, Xu Xu’s iction does not only emphasize individualism, but also tries, as Novalis put it in a very diferent context, to “give a loty meaning to the vulgar, a mystical countenance to the events of the everyday, the dignity of the unknown to the known”.49 In other words, he romanticizes the quotidian and builds a “world of illusion” for the reader. What is more, since most of his stories are narrated by the irst-person narrator “Xu”, it is easy to read the narrator as the author himself. In this sense, Xu Xu not only romanticizes the object he wants to depict, but also romanticizes himself—the subject in his writing. he “world of illusion” is not only a world for readers, but also a refuge for himself from the real world, in which he had an ordinary appearance, an unfortunate marriage with a disloyal wife,

48. Shi Huaichi 石懷池, 1945, “Bangxian de mengyi Ghost Love): Xu Xu de shu zhi yi” 幫 閒 的 夢 囈《 鬼 戀 》 — 徐訏的書之一 (he trashy rigmarole in “Ghost Love”: One of Xu Xu’s books), in Shi Huaichi wenxue lunwenji 石懷池文學論文集 (Shi Huaichi’s anthology on litera- ture), Shanghai: Gengyun chubanshe, p. 152. 49. Novalis, 1978, Werke, Band II, ed. Hans-Joachim Mahl, Munich: Heimeran, p. 334. Quoted in Green Frederik Hermann, 2009, “A Chinese Romantic’s Journey through Time and Space”, p. 97. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

had been rejected by his dream girls,50 and felt disillusioned with both Communism and the proto-fascism of KMT government at that time, as well as with the mainstream enlightenment and utilitarian role for literature. In Unwelcome Muse, Edward Gunn categorizes Eileen Chang 張愛玲 (1920–1995), Yang Jiang 楊絳 (1911–) and Qian Zhongshu 錢 鐘書 (1910–1998) as “anti-Romantic” writers, because “no idealized conceptions appear in their works, not of heroic characters, revolution, or love. Instead there are disillusionment, the exposure of fraud, and compromise with reality.”51 his argument ofers another avenue to understand Xu Xu’s “Ghost Love”, which expresses a similar sense of disillusionment with heroism, revolution and love. Nevertheless, Xu Xu chose a diferent way to confront disillusionment through constructing a romantic illusionary world to comfort and/or entertain common people struggling with a reality interwoven with war, violence, death and fear. His iction shares, to a certain extent, the function of earlier Mandarin Ducks and Butterly iction, which, as Perry Link argues, ofered a form of comfort to the overwhelmed modern subject.52 From another perspective, as Xu Xu argued, “illusions and reality are very diicult to tell apart, for reality may consist of the common illusions of the majority, while an illusion can be one person’s reality”53. Who can declare that the “world of illusion” in Xu Xu’s iction is not the 102 embodiment of the real world, or one person’s reality? Who can deny that there are also some serious concerns in the guise of entertainment, in the name of ghost and fantasy? As Xu Xu argues at the end of his 1938 poem “Confession” ], “now I become a madman / because I suddenly realize that / all the colorful dreams are lives / and all the bizarre stories are aural and visual histories”.54 “Ghost Love” hence not only challenges

50. Unlike those male protagonists who have the same surname as him in his iction, Xu Xu is not a charming prince in real life. Xu once had a romance in France with Asabuki Tomiko 朝吹 登水子, a Japanese girl. In the fall of 1937, Xu proposed to her, but she declined and reminded him of the fact that their countries were at war, and that he was going to return China to join the war of resistance against Japan. Xu divorced his wife in 1941 when he found her having an afair with Su Qing’s 蘇青 (1917–1982) husband when they were neighbors. He remained single be- fore he met Shao Xiaohong 邵綃紅, the daughter of his friend Shao Xunmei 邵洵美. He tried to chase Shao Xiaohong, who was twenty-four years his junior, yet was rejected by her and severely blamed by Shao Xunmei when he found out. 51. Gunn Edward M., 1980, Unwelcome Muse: Chinese Literature in Shanghai and Peking 1937–1945, New York: Columbia University, p. 198. 52. Link Perry, 1981, Mandarin Ducks and Butterlies: Popular Fiction in Early Twentieth- Century Chinese Cities, Berkeley: University of California Press. 53. Xu Xu, 1966, “Huanjue” 幻覺 (Hallucination), Xu Xu quanji 徐訏全集 [he complete works of Xu Xu], 15 vols., Taibei: Zhengzhong shuju, iv, p. 145. 54. Xu Xu, 1966, “Zibai” 自白 [Confession], Xu Xu quanji, 15 vols., Taibei: Zhengzhong shuju, xii: 305–308. Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost” chen Qin the traditional dichotomy of illusion and reality, but also endorses Xu Xu’s unique view of illusion and disillusionment in the name of ghosts.

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IMPRESSIONS D’OUTRE-TOMBE ET OMBRES ÉLECTRIQUES

Résumé : À une époque prônant le réalisme et où certaines croyances traditionnelles étaient battues en brèche par une foi nouvelle dans la science, l’artiste chinois Feng Zikai (1898-1975) s’est interrogé dans un essai de 1936 sur la représentation des fantômes. Un conte qu’il a écrit une dizaine d’années plus tard vise à prouver qu’il ne s’agit que d’une su- perstition. Si les fantômes restent invisibles sous son pinceau, est-ce parce qu’il a véritablement opté pour la mouvance réaliste ? Il conçoit pour- tant la possibilité d’une réalité qui échapperait à la science et imagine les fantômes comme des êtres narquois et menaçants. Il se remémore des récits entendus dans son enfance dont il lui reste d’efrayantes visions. Leur pouvoir maléique ne s’accorde en rien à sa philosophie de vie tour- née vers la quiétude et le détachement. Adepte d’un bouddhisme prônant la préservation de la vie et la non-violence, Feng Zikai ne semble guère goûter l’esthétique « démoniste » de certains artistes qu’il a côtoyés à Shanghai, tel Ye Qianyu, dont les femmes fatales peuvent évoquer les lé- gendes spectrales chinoises. Dans ses dessins au style peu émotionnel et dénué de toute dramatisation, Feng Zikai se contente donc de montrer à quel point ces croyances restent ancrées dans la population en représen- tant des dévots dans un temple ou des enfants célébrant joyeusement la fête des fantômes. Mots-clés : caricature, essai familier, peinture de fantômes, démo- nisme, époque républicaine, bouddhisme, Feng Zikai, Ye Qianyu, Shao Xunmei, Shi Zhecun

How to paint a ghost in the time of Feng Zikai? Abstract: In an era which emphasised realism and seriously challenged some traditional beliefs through a new faith in science, the Chinese artist Feng Zikai (1898-1975) pondered the issue of painting ghosts in a familiar essay written in 1936. A tale he wrote about ten years later aimed to prove it was only a superstition. If ghosts remained invisible under his brush, was it because he had deinitely opted for a realistic approach? While he ad- mitted the possibility of another reality beyond science, he imagined ghosts as malicious, mocking and threatening beings. He remembered the stories he had heard in his childhood years, which had let rightening visions in his mind. heir evil power was not in line with his philosophy of life, fo- cused on peace of mind and mental detachment. Follower of a branch of Buddhism advocating preservation of life and non-violence, Feng Zikai did not appear to appreciate the “demonist” aesthetics of some artists he had met in Shanghai, like Ye Qianyu, who painted “ femmes fatales” reminding of traditional ghost legends. In his works painted in a little emotional style, Feng Zikai simply showed how those beliefs were rooted in the population by depicting pious persons in a temple or children joyfully celebrating the ghost festival. Keywords: cartoon, familiar essay, painting of ghosts, demonism, Republican China, buddhism, Feng Zikai, Ye Qianyu, Shao Xunmei, Shi Zhecun

在豐子愷的時代怎麼可以畫鬼? 摘要:在一個提倡現實主義、某些傳統信仰受到科學信念挑戰 的時代, 中國藝術家豐子愷 (1898-1975) 於1936年寫的小品文中考慮 怎 麼 畫 鬼 。他 十 余 年 後 寫 的 一 則 故 事 試 圖 證 明 這 只 是 一 種 迷 信 。他 不畫鬼是不是意味着他真正加盟現實主義派? 然而他認同有超乎 科學的現實,想象鬼是狡黠、吓人的。他記得他小的時候聽見的故 事在其心頭引起可怕的感觉。鬼的邪惡的力量完全不符合他那主 張精神超脱與內心寧靜的人生哲學。作為提倡護生、非暴力的佛教 的信仰者,他似乎無法欣賞某些他在上海交往的藝術家的’鬼魔“美 學,如葉淺予畫的絕色女子讓人想到中國的女妖傳奇。豐子愷畫的 風格很少表露感情、缺乏戲劇性,他通過所畫的廟裡的信徒或者愉 快過鬼節的孩子告訴我們這些傳統信仰根深蒂固。 關 鍵 詞:漫 畫 , 小品文, 鬼畫, 惡魔派,民國, 佛教, 豐子愷, 葉淺予, 邵洵美,施蟄存 Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

COMMENT PEINDRE UN FANTÔME À L’ÉPOQUE DE FENG ZIKAI ?

Marie Laureillard Institut d’Asie Orientale/ Université Lumière-Lyon 2

Feng Zikai 豐子愷 (1898-1975) se distingue des autres caricaturistes chinois de la période républicaine par son goût pour la peinture et la poésie classiques ainsi que par sa croyance dans le bouddhisme. Il tire son inspiration à la fois de la peinture des lettrés et d’un nouveau mode d’expression populaire, le dessin de presse. Il transforme peinture et poésie traditionnelles en un langage populaire à l’aide d’un tracé dépourvu de modulation se prêtant parfaitement à la reproduction par impression lithographique. Il se rapproche en même temps des autres caricaturistes par sa volonté de reléter le vrai visage de la société dans ses dessins, comme en témoigne son intérêt pour les scènes de rue ou 109 pour les enfants. Longtemps considéré en Chine comme déiant toute classiication, ni tout à fait caricaturiste ni tout à fait peintre de style traditionnel, Feng Zikai a inalement été consacré comme un artiste à part entière à l’occasion d’une grande exposition qui s’est tenue en 2012 au musée d’art de Hong Kong. héoricien de l’art et essayiste apprécié, Feng Zikai s’est exprimé à maintes reprises sur son esthétique. Il a mené une rélexion approfondie sur ce qu’il convenait de garder de la peinture traditionnelle chinoise dans ses manhua 漫畫, dessins à l’encre et au pinceau sur papier à mi- chemin entre caricature et bande dessinée, parfois enrichis de lavis. Il s’est également interrogé sur l’apport de la science, sur l’inluence occidentale ou japonaise et sur la question du réalisme pictural. Son essai « Peindre les fantômes » (Hua gui 畫鬼), écrit en 1936 pour la revue « Entretiens » (Lunyu 論語1) tente précisément de résoudre une question diicile : quel traitement réserver au surnaturel à une époque prônant le réalisme et où les croyances traditionnelles sont battues en brèche ? Quelle position adopter ? Si les fantômes demeurent absents sous son pinceau, est-ce parce qu’il se revendique comme un adepte du réalisme ? En déinitive, les fantômes sont-ils pour lui si invisibles qu’il y paraît ?

1. No 92 de la revue Lunyu, éditée par Lin Yutang 林語堂 de 1932 à 1948. Chen Pingyuan [陳平原] (dir.), 2004, Shenshen gui gui 神神鬼鬼 (Esprits et fantômes), p. 198-206. Voir notre traduction à la suite de cet article. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

fantômes invisibles

À l’époque du 4-Mai, la foi dans la science triomphe face aux croyances religieuses, qui sont largement remises en cause, voire rejetées. Cet enthousiasme nouveau pour la science est associé à l’essor du nationalisme. L’efort pour réformer et moderniser le pays menace alors les activités religieuses traditionnelles. De nouveaux termes sont empruntés au japonais pour traduire des notions occidentales, tels que zongjiao 宗 教 pour « religion » et mixin 迷信 pour « superstition », popularisés dès 1901. La science devient le critère décisif permettant de distinguer la « religion » de la « superstition » : la notion d’antisuperstition apparaît, prenant pour cible tout ce qui « ne se limite pas strictement au perfectionnement de soi spirituel et moral, tel que déini par les écritures d’une religion mondiale (confucianisme, christianisme, islam, bouddhisme2 ». Si la science peut s’accommoder de la religion, la superstition, en revanche, semble antiscientiique et constitue dès lors un obstacle à la modernisation du pays. Un roman comme « Le balai pour balayer les superstitions » (Saomi zhou 掃迷帚), publié sous forme de feuilleton en 1905, énumère et dénonce les superstitions chinoises : divination, écriture inspirée, culte des ancêtres et des divinités locales. Sont également remises en cause les croyances suivant lesquelles « les 110 hommes morts deviennent, selon les circonstances, des ancêtres, des dieux ou des démons3 » et « les hommes ayant été victimes d’une mort non naturelle et ne recevant pas de sacriices posthumes deviennent des fantômes, voire des démons, et constituent une cause majeure de désordre4 ». À partir de 1927, le gouvernement nationaliste cherche à éradiquer plus vigoureusement encore ces pratiques traditionnelles. Un décret de 1930 ordonne à ceux qui vendent des « marchandises superstitieuses » telles que l’encens, les monnaies d’ofrande ou les bougies de changer d’occupation5. L’État instaure de nouveaux rituels funéraires qui ne font « aucune référence à une âme nécessitant de l’aide sur sa voie vers l’au- delà, ou ayant besoin d’être apaisée pour empêcher son retour en tant que fantôme maléique6 ». Ce triangle « religion-science-superstition » constitue désormais une donnée essentielle de la vie spirituelle chinoise7. Feng Zikai illustre d’ailleurs en 1949 le discours oiciel par l’un de ses

2. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 59. 3. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 28. 4. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 28. 5. Yang Ch’ing K’un, 1961, Religion in Chinese Society, p. 367. 6. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 242. 7. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 91. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

dessins où un petit diable cornu, tout de noir vêtu et sur lequel est écrit le mot « superstition », est chassé d’un temple par deux moines bouddhistes, dont l’un brandit un sabre, l’autre un bâton d’éveil en direction du malheureux, qui s’éloigne piteusement, la tête entre les mains. La légende indique : « Sabre et bâton d’éveil unissent leurs forces (Jiedao chanzhang qizheli 戒刀禪杖齊著力) [ill. 1]. Dans le discours sur les arts et les lettres largement modelé sur les canons du réalisme européen du xixe siècle qui prévaut à l’époque républicaine, les fantômes et autres êtres surnaturels n’ont donc plus de place. Zhou Zuoren Illustration 1 : Feng Zikai, « Sabre et 周作人 (1885-1967) proclame 111 bâton d’éveil unissent leurs forces » l’importance d’une « littérature (1949) humaine » (ren de wenxue 人的 文學) en 1921 et s’en prend à tout ce qui peut être lié aux fantômes. Comme le rappelle Georges Bê Duc dans le présent ouvrage, il fut probablement l’auteur le plus proliique de son temps sur le sujet8. Du fait qu’il a été membre à ses débuts de la Société d’études littéraires (fondée en 1921) qui cherchait à ne pas dissocier la vie littéraire de la vie sociale, et qu’il a publié régulièrement, dès 1925, dessins et essais dans l’« Hebdomadaire littéraire » (Wenxue zhoubao 文學週報), important organe de cette société, on pourrait penser de prime abord que Feng Zikai se rapproche davantage de cette orientation réaliste. Dans un essai consacré à sa conception personnelle des manhua, il explique l’importance de la technique dite « réaliste » (xieshi fa 寫實法) : l’artiste doit, selon lui, repérer dans la vie quotidienne un phénomène riche de signiication et le représenter conformément à la réalité, ain de mettre l’accent sur un problème universel à partir d’un cas particulier dans une

8. Wang David Der-wei, 2004, he Monster that is History, p. 264-265. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

visée didactique ou moralisante9. Se réclamant à la fois de l’art pour la vie et de l’art pour l’art, il préfère s’en tenir à ce qu’il a vu de ses yeux, tout en laissant une certaine place à l’imagination. Mettant volontiers en scène des enfants en train de jouer ou des gens du peuple (ouvriers, artisans, paysans) dans leurs activités quotidiennes, Feng Zikai peut donc apparaître comme un artiste réaliste, en particulier par le choix de ses sujets. Adepte de la peinture d’après nature, Feng Zikai déclare que représenter des fantômes pose problème dans la mesure où on ne peut les avoir devant les yeux au moment où on les peint, ce qui semble conirmer ce parti pris réaliste. Dans son essai « Peindre les fantômes », il cite de prime abord une célèbre anecdote tirée du Hanfeizi 韓非子 (iiie siècle av. J.-C.) : le roi de Qi demande à un peintre qu’il a engagé à son service ce qui est le plus diicile à peindre. Ce dernier répond que ce sont les chiens et les chevaux, contrairement aux fantômes, qui sont sans forme. Feng Zikai commente l’anecdote ainsi : Si l’on peint des chiens ou des chevaux, on pourra les comparer à leurs modèles et l’on saura au premier coup d’œil s’ils sont ressemblants, c’est pourquoi on peut prétendre qu’ils sont diiciles à peindre. Mais si on peint des fantômes, on ne 112 peut les comparer à aucun modèle et la ressemblance importe peu : ainsi, on peut penser qu’il est facile de les représenter. En efet, les gens de l’époque du Hanfeizi ne s’accordaient guère sur l’apparence des fantômes, qu’ils qualiiaient d'« informes ». Pourtant, pour la plupart d’entre eux, ces derniers revêtaient un aspect humain ordinaire, si l’on en croit les exemples donnés par le Lüshi chunqiu ou le Mozi10. Selon l’auteur du Hanfeizi, le monde sensible paraît plus contraignant, plus diicile à restituer que l'« informe », que le peintre peut représenter comme bon lui semble. La diiculté varie donc en fonction du degré de visibilité de l’objet. Feng Zikai cite ensuite Zhang Heng 張衡, auteur du deuxième siècle de notre ère, qui reprend l’idée selon laquelle« il est bien plus diicile de peindre les choses réelles que celles qui relèvent de l’imaginaire ». Feng Zikai prend le contre-pied de cette théorie : Lorsqu’on réléchit en fermant les yeux, le visage surgit aussitôt, mais il s’échappe dès qu’on saisit un crayon pour le dessiner. Aussi ne suis-je pas en accord avec l’idée selon laquelle

9. Feng Zikai 豐子愷, Manhua de miaofa 漫畫的描法 [Techniques de dessin des manhua], in Feng Zikai [豐子愷], 1990, Feng Zikai wenji 豐子愷文集, vol. 4, p. 259-315. Première édition : 1943, Guilin : Kaiming shudian. 10. Poo Mu-chou, 2004, “he concept of ghost in ancient Chinese religion”, p. 179. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

il serait « plus facile de peindre des fantômes ». […] Il est facile de tracer quelques traits au hasard ou de renverser une bouteille d’encre en déclarant avoir peint un fantôme sans la moindre preuve ou fondement. Mais il ne s’agit dans ce cas que de « signes » et non de véritables « peintures ». Pour pouvoir être qualiiée de peinture, l’œuvre doit reposer sur un fondement solide.

L’essai de Feng Zikai peut être comparé à celui de Shi Zhecun 施蟄存 (1905-2003), novelliste et essayiste de l’école de Shanghai, également paru en 1936 dans la même revue Lunyu et intitulé « Paroles de fantômes » (Gui hua 鬼話). Shi Zhecun, reprenant l’argument bien connu avancé dans le Hanfeizi, airme à son tour qu’il est facile de représenter les fantômes à sa guise, dans la mesure où l’on ne peut vériier si l’image est conforme à l’original. Selon lui, le célèbre peintre de fantômes Luo Ping 羅聘, dit aussi Luo Liangfeng 羅兩峰 (1733-1799), opte pour une solution de facilité en leur conférant l’apparence d’êtres humains : Si l’on analyse la peinture de Luo Liangfeng, on constate qu’il cherche à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, car il airme représenter des fantômes, alors que ce sont des hommes […]. Le Liaozhai zhiyi, qui contient, dit-on, 113 les meilleures histoires spectrales, nous présente des fantômes qui n’en sont pas. S’ils ne sont pas déjà réincarnés, alors ce sont des hommes qui ne sont pas encore morts. Conteurs et auditeurs reconnaissent que les bonnes histoires de fantômes valent par le fait qu’elles nous montrent des hommes. Cela s’appelle la satire, qui relève, dit-on, du réalisme[…]. Moi, quand je vois représentés des êtres humains sur une peinture, quand j’entends que sont évoqués des êtres humains dans un conte, mais que le peintre et le conteur s’obstinent à prétendre qu’il s’agit de fantômes, je suis perplexe. Car je sais bien que les fantômes, s’ils existaient, se distingueraient des hommes par leur aspect et leur esprit […]. Si l’on prétend raconter des histoires de fantômes, alors il faut en évoquer de véritables, car si l’on reste toujours attaché aux hommes lorsqu’on les décrit, alors c’est de la perversion11. Judith Zeitlin souligne l’originalité de Luo Ping, ce peintre du xviiie siècle qui prétendait avoir vu des fantômes de ses yeux. Elle attribue le succès de ses « Plaisirs spectraux » (Guiqutu 鬼趣圖) à la

11. Shi Zhecun, Gui hua 鬼話 (Paroles de fantômes) , in Chen Pingyuan (dir.), 2004, Shenshen gui gui 神神鬼鬼, p. 208-211. Essai originellement paru dans Lunyu 論語, no 91, 1936. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

vogue des conversations sur le surnaturel qui animaient alors les cercles de lettrés fascinés par l’au-delà et la notion de réincarnation. Selon elle, l’œuvre de ce peintre se distingue de l’iconographie plus commune des dix rois des enfers et de Zhong Kui, le chasseur de fantômes, par la vision énigmatique qu’elle ofre d’étranges créatures éthérées ou anamorphiques parfois réduites à l’état de squelettes, exprimant sur leurs visages angoisse ou désespoir12. À l’époque républicaine, la perception que l’on a de ce peintre a changé. Ainsi Shi Zhecun tient-il son œuvre pour mensongère, comme le suggère le jeu de mots du titre, gui hua 鬼話 signiiant à la fois « paroles de fantômes » et « mensonges ». Feng Zikai, quant à lui, ne mentionne pas explicitement Luo Ping, mais songe très certainement à lui lorsqu’il fait observer la rareté des peintres abordant le sujet. Les représentations de fantômes se caractérisent souvent par un contenu satirique, comme le constate Shi Zhecun à propos de celles de Luo Ping. Le chercheur contemporain Gan Jianfeng n’hésite pas à classer les peintures anciennes traitant de ce thème dans la catégorie des manhua dans son ouvrage sur le sujet. La dimension satirique du « Squelette maître de marionnettes » de Li Song 李嵩 (1166-1243), du « Voyage de Zhong Kui » de Gong Kai 龔開 (1222-1307) et des « Amusements de fantômes » de Luo Ping (1733-1799) lui suit à considérer ces 114 œuvres comme les premiers exemples du genre13. Alors que la caricature d’inluence occidentale se développe à partir de la in du xixe siècle, un artiste comme Dan Duyu 但杜宇 (1896-1972), dessinateur et réalisateur de cinéma de la génération de Feng Zikai, représentera efectivement les impérialistes japonais sous les traits de fantômes dans son ouvrage Guochi huapu 國恥畫譜 (Manuel de peinture de l’humiliation nationale), publié aux presses Minquan de Shanghai vers 1919-1920, comme nous le précise Gan Jianfeng. Un dessin y met en scène une jeune femme accueillant aimablement d’un geste de bienvenue un squelette qui franchit une porte entrouverte, sur laquelle on peut lire « Ouvrir la porte aux fantômes » (Yin gui ru men 引鬼入門). Au lendemain du mouvement du 4-Mai, cet ouvrage de 47 pages connut un certain succès du fait de la clarté du message politique qu’il véhiculait. La signiication métaphorique du fantôme, considéré comme un être malfaisant, ne faisait pas de doute : l’image dénonçait les envahisseurs japonais et les seigneurs de la guerre chinois acquis à leur cause14.

12. Zeitlin Judith T., 2009, “Luo Ping’s Early Ghost Amusement Scroll”. Il s’agit du catalogue d’une grande exposition rétrospective organisée au musée Rietberg de Zurich en 2009. 13. Gan Jianfeng [甘險峰], 2008, Zhongguo manhuashi 中國漫畫史 (Histoire des manhua chinois), p. 20-21, 30-31. 14. Gan Jianfeng, 2008, Zhongguo manhuashi, p. 76-77. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

En retraçant l’histoire des manhua dans l’un de ses essais, Feng Zikai se garde, quant à lui, de mentionner les visions surnaturelles pourtant si présentes dans la Manga, malgré l’hommage appuyé qu’il rend à Katsushika Hokusai 葛飾北斋 (1760-1849)15, admiratif qu’il est face à la profusion des dessins du maître japonais, qui croquait ses personnages d’un trait vif dans toutes les attitudes imaginables. Les 4 000 motifs tricolores noirs, gris et rose pâle disposés pêle-mêle sur près de 800 pages, reproduits par impression xylographique et réunis en 15 volumes publiés entre 1814 et 1878 avaient connu un succès populaire considérable. Hokusai aimait à détailler les scènes de la vie, rendant les moindres gestes des paysans et des artisans campés dans leurs activités quotidiennes avec leurs outils de travail, s’attachant également à en transcrire les mœurs et coutumes. Observateur attentif, tout à la fois précis et concis, suggestif et naturaliste, il parvenait à donner à ses dessins un maximum d’expression avec un minimum de moyens16. On pourrait commenter l’œuvre de Feng Zikai pratiquement dans les mêmes termes. Pourtant, ce dernier ne retient de la Manga que l’instantané de la société japonaise qu’elle nous ofre. Face à cette encyclopédie visuelle aux multiples facettes, où réel et fantastique se mêlent étroitement, il ne s’arrête à aucun moment sur les célèbres spectres aux longs cheveux dénoués de jeunes femmes qui ont péri de malemort, 115 et dont l’esprit vengeur a été exorcisé par des moines. Cette omission laisse penser qu’il se soucie décidément bien peu de démonologie. Jugeant les fantômes de Luo Ping par trop humains, Shi Zhecun a lui- même abordé ce thème dans ses écrits ictionnels, comme « Le yaksha » (1931). Dans cette nouvelle, le protagoniste masculin aperçoit une femme habillée de blanc se dirigeant en bateau vers un ancien temple. Ensorcelé par cette vision évanescente, il la poursuit à la clarté de la lune. Ce récit, tout en révélant une inluence occidentale (Edgar Allan Poe, Jules Barbey d’Aurevilly, etc.), s’inspire clairement des recueils de mirabilia (zhiguai 志怪) de la littérature chinoise traditionnelle et du théâtre chanté des Ming17. Le narrateur associe cet avatar de fantôme à l’image d’un yaksha, démon maléique de la religion bouddhique. Son imaginaire forgé par la lecture d’« anciens romans fantastiques » le conduit à penser qu’il s’agit d’une séduisante revenante qui menace de le mener à sa perte pour se venger d’une mort injuste et faire de lui « la victime torturée d’un amour contraire à la nature ». Il comprendra trop tard qu’il avait attribué à tort une identité de yaksha à quelques rencontres

15. Feng Zikai, « Tan Riben de manhua 談日本的漫畫 » (À propos des manga japonais), in Feng Zikai, 1990, Feng Zikai wenji 豐子愷文集, vol. 3, p. 411-412. Essai originellement paru dans Yuzhou feng 宇宙風 (le Vent cosmique), no 26, 1er octobre 1936. 16. Jocelyn Bouquillard, Christophe Marquet, 2007, Hokusai : Manga, p. 10-11. 17. Lee Leo Ou-fan,1999, Shanghai Modern, p. 180-181. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

fortuites. Il se croyait traqué par cette igure démoniaque alors qu’il s’agissait en réalité de plusieurs personnes diférentes. Les deux passages suivants décrivent la fascination et l’exaltation suscitées par l’apparition. Sur le chemin en contrebas, à la clarté d’une lune brillante, j’aperçus comme la silhouette d’une femme de blanc vêtue qui marchait sous cette froide lumière. Ma surprise était grande. Que pouvait bien faire cette femme sur un sentier de la vallée ? J’en vins à me demander si c’était un être humain ou un fantôme, ce qui, dans le même temps, raviva ma mémoire. Un yaksha rôdait dans les parages depuis un siècle. Il s’était transformé en femme dans une barque près du Temple aux roseaux tressés, en oiseau, en lièvre, et à présent, m’ayant attiré jusqu’ici, il s’était à nouveau métamorphosé en femme vêtue de blanc. En fantasmant de la sorte, j’eus la sensation que les montagnes vert sombre qui m’environnaient formaient un mur magique m’enserrant dans le labyrinthe d’un palais hanté d’aspect magniique, mais efrayant, en vérité. Je ixais sans le vouloir la femme vêtue de blanc, qui avançait toujours à vive allure.

116 […] Je savais qu’en aimant un yaksha, quelques minutes ou quelques heures après, je serais la victime torturée d’un amour contraire à la nature, mais en attendant de subir ce cruel châtiment, de quelle saveur étrange ferais-je l’expérience ? Ainsi mon cœur brûlait-il soudain d’un désir absurde. Je cherchais à vivre les faits relatés dans les anciens romans fantastiques, je voulais élargir pour l’humanité le champ de l’amour, découvrir la beauté naturelle dans un acte surnaturel. Je perdais la raison18. La nouvelle démontre à quel point toutes ces croyances peuvent à elles seules faire sombrer un homme dans la folie, que l’auteur cherche à appréhender d’un point de vue psychanalytique. Ainsi se rattache-t-il ostensiblement à un courant réaliste. Un conte pour enfants écrit par Feng Zikai en 1947, intitulé « Le professeur voit un fantôme » (Boshi jian gui 博士見鬼), paru dans la revue « Histoires pour enfants » (Ertong gushi 兒童故事) l’année suivante, relève également d’une veine réaliste révélant une certaine méiance à l’égard des « superstitions19 ». Ce conte, qui souligne

18. Shi Zhecun, « Le yaksha », trad. Marie Laureillard, in Shi Zhecun [施蟄存], 2011, le Goût de la pluie, p. 106-107. 19. Paru en 1948 aux éditions Ertong shuju, Shanghai, in Feng Zikai, 1990, Feng Zikai wenji 豐 子愷文集, vol. 6, p. 259-265. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard la contradiction entre croyances chinoises traditionnelles et science occidentale, campe le personnage du professeur Lin, brillant scientiique ayant étudié en Occident, qui s’est rendu célèbre en inventant une formule mathématique. « Pourtant, il vit un fantôme dont il subit les multiples assauts, annonce d’emblée le narrateur ain de susciter la curiosité du lecteur. Si vous ne me croyez pas, veuillez écouter ce récit. » Le professeur épouse une certaine mademoiselle Wang, également versée dans les mathématiques et pour qui il éprouve un amour profond. Tous deux conviennent qu’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Hélas, un an après leur mariage, la jeune épouse meurt de la typhoïde. Très afecté, le professeur Lin jure de rester idèle à son souvenir. Cependant, s’apercevant bientôt qu’il ne supporte pas la solitude, il décide de se remarier trois mois plus tard. À la fois érudite et vertueuse, sa nouvelle femme l’entend alors gémir en rêve. Persuadée que le fantôme de la défunte vient le tourmenter (zuo sui 作祟), elle éprouve une jalousie doublée de tristesse et d’appréhension, « ne pouvant se débarrasser complètement de toute superstition » (bu neng wanquan pochu mixin 不能完全破除迷 信). Elle en vient à regretter son mariage. Le professeur Lin et sa femme, à plusieurs reprises, croient voir tantôt un visage dans un coin de la pièce, tantôt une silhouette dans l’escalier. Une autre fois, ils entendent des sanglots. Ils rêvent tous deux d’une femme aux cheveux dénoués, le 117 visage en sang, qui cherche à les entraîner dans l’autre monde. Ils invitent alors un moine à réciter des sutras et se rendent sur la tombe de la défunte pour se recueillir pieusement tout en s’excusant de leur crime. Mais à trois reprises, ils constatent que la tablette funéraire s’est retournée vers le mur. Persuadés que la défunte refuse de leur accorder son pardon, ils allument des bâtonnets d’encens, multiplient les prières. Rien n’y fait, le visage de madame Wang, la première épouse, leur apparaît sans cesse sous un aspect « féroce » (zhengning 猙獰). Madame Li, la seconde épouse se consume d’inquiétude. Croyant voir jour et nuit le fantôme vindicatif, elle init par tomber gravement malade et déclare juste avant de rendre son dernier soule : « Elle est venue réclamer une vie (taoming 討命) en échange de la sienne ! » Le professeur Lin, de nouveau veuf, cherche alors à rassembler ses esprits. S’interrogeant sur l’existence des fantômes, il décide de veiller près des deux tombes. Remarquant incidemment que les voisins sont occupés à battre le riz, il voit alors les deux tablettes osciller au rythme des coups. La lumière se fait soudain dans son esprit, réduisant à néant l’objet de son appréhension : « Les fantômes ne peuvent échapper aux lois physiques ! » s’exclame-t-il. Deux dessins accompagnent le texte, l’un représentant une table sur laquelle sont posées tablette funéraire, bougies et bâtonnets d’encens, l’autre montrant deux hommes occupés à battre le riz dans une grande cuve. Les deux scènes, bien réelles, sont placées en regard ain de montrer l’origine de ce qu’on avait attribué à tort à la colère Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Illustration 2 : Feng Zikai, illustrations du conte « Le professeur voit un fantôme » (1947)

d’un fantôme : un simple phénomène physique [ill. 2]. Ce dénouement inattendu vise à prouver que l’existence des fantômes n’est fondée que sur une superstition à laquelle on ne doit pas prêter foi, car elle peut être nocive. La seconde épouse est ainsi conduite à sa perte par la seule conviction qu’elle est aux prises avec un fantôme mû par le ressentiment. 118 Ce conte cherche à détourner les jeunes lecteurs de croyances jugées obscurantistes en leur démontrant la supériorité de la science occidentale, à l’instar de l’« Autobiographie » de Guo Moruo 郭沫若 (1892-1978), publiée la même année, en 1947, où les cris de fantômes qu’a perçus le père du narrateur trouvent une justiication scientiique. En proie à une fatigue excessive, celui-ci aurait été victime de troubles hallucinatoires20. Pour Feng Zikai, le doute semble donc levé. Les fantômes demeurent en efet invisibles dans son œuvre peint, même si l’invasion japonaise le fait songer à la mort et l’y confronte. On en voit une évocation mélancolique dans « Ainsi était l’arbre » (Shu you ru ci 樹猶如此, 1934), où les ossements, les vêtements d’un soldat et divers ustensiles lui ayant appartenu sont posés au pied d’un arbre qui se dresse devant un il de fer barbelé. La nature, inchangée, est opposée à la folie humaine, responsable de tant de morts inutiles. Feng Zikai représente également des maisons dévastées que l’on devine hantées par des fantômes que, à la

20. Kouo Mo-jo, 1970, Autobiographie, p. 43. Trad. Pierre Ryckmans. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard diférence d’un Situ Qiao 司 徒乔21 (1902-1958), il choisit de ne pas montrer, comme dans son dessin « Là où nous avions partagé de joyeux repas pousse maintenant un grand arbre » (Xinian huanyan chu shu gao yi san zhang 昔年歡宴處樹高已 三丈, 1946). Un lettré en longue robe, songeur, se tient face à une maison en ruines au toit entièrement détruit [ill. 3]. Dès 1937, Feng Zikai a été contraint de fuir sa demeure de Shimenwan, qu’il avait fait construire quatre ans auparavant dans son village natal du Zhejiang et qui a été bombardée peu de temps après son départ. 119 Il traduit ici l’état d’âme Illustration 3 : Feng Zikai, « Là où d’un intellectuel aligé par nous avions partagé de joyeux repas pousse les efets dévastateurs de maintenant un grand arbre » (1946) la guerre, mais qui puise consolation et réconfort dans la vigueur et la permanence de la nature. Pourtant, s’il ne les représente pas, Feng Zikai va-t-il jusqu’à nier l’existence des fantômes ? On peut en douter en lisant les lignes suivantes : Dans le monde réel, je n’ose airmer que les fantômes existent, pas plus que je n’ose prétendre le contraire. J’ai lu ou entendu tant d’histoires de fantômes que je ne peux nier leur existence, mais n’en ayant jamais vu de mes yeux, je ne peux en avoir la certitude non plus. Pourtant, dans le domaine de l’imagination, leur existence ne fait pas de doute, parce que j’en aperçois souvent, c’est-à-dire qu’à chaque fois que je

21. Wu Hung, dans A Story of Ruins (2012, p. 167), montre que le thème des ruines, quasiment absent de l’art pictural chinois traditionnel, devient de plus en plus fréquent à l’époque mo- derne avec l’inspiration post-romantique adoptée par certains artistes comme Gao Jianfu 高劍 父 (1879-1951), visant à susciter l’empathie du spectateur. Wu Hung cite aussi l’exemple d’une encre sur papier de 1946 intitulée « Ombres de fantômes dans une pièce vide » (Kongshiguiying tu 空室鬼影圖), œuvre amère où l’on aperçoit plusieurs igures fantomatiques évoluant le long du mur d’une pièce désertée, meublée d’une seule chaise, où un squelette tient un enfant mort dans ses bras. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

lis ou entends un récit de fantômes de la bouche de gens qui en ont rencontrés, je me igure aussitôt l’attitude du spectre en fonction de son caractère ou de son comportement. Pour peu que je ferme les yeux, il m’apparaît sur le champ. Parfois, je m’empare d’un pinceau et d’une feuille de papier ain de dessiner le héros de l’histoire, mais le plus souvent sans succès, parce que les impressions perçues les yeux fermés dans le monde imaginaire sont beaucoup plus fugitives que celles que nous laisse le monde réel, quand nous ouvrons les yeux.

fantômes visibles La position de Feng Zikai n’est donc pas si claire. Les arguments qu’il avance ne sont pas ceux d’un réaliste convaincu : il ne se prononce pas. Il se refuse à représenter les fantômes parce que leur image évanescente lui échappe, qu’elle est fuyante, et qu’il doit imaginer ce que d’autres ont vu et ressenti. La représentation doit susciter en outre terreur, épouvante, et exprimer la duplicité en traduisant le caractère et le comportement de l’apparition :

120 Malgré toutes nos tentatives, nous parvenons diicilement à représenter un fantôme dans une attitude conforme à son tempérament et à son comportement. La ressemblance formelle (xingsi 形似) lui paraît en efet insuisante pour réaliser une peinture digne de ce nom : La ressemblance formelle constitue certes un objectif important de la peinture, mais il y en a un autre, qui est celui de la transmission de l’esprit. Si la peinture est dotée de ressemblance formelle, mais qu’il y manque l’esprit, cela revient à dire qu’elle est pourvue de chair, mais qu’elle est privée d’âme, tout comme un cadavre. S’imaginant lui-même à la place du chien qu’il veut représenter, il semble se référer à la notion de fusion de l’esprit et de l’objet que décrivait Su Shi 蘇軾 (1037-1101) à propos de Wen Tong 文同 (1018-1079) : « Lorsque Wen Tong peignait un bambou, il voyait un bambou et ne se voyait plus lui-même, […] il délaissait son propre corps, se transformait et devenait bambou22. » Ainsi Feng Zikai déclare-t-il : « S’il veut peindre un chien qui aboie, par exemple, le peintre devra s’imaginer lui-même à sa place en train d’aboyer furieusement. »

22. André Kneib, 1992, « Su Shi : esthétique ». Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

Comme ceux qui, depuis Su Shi, ont toujours tenu pour un enfantillage la recherche de ressemblance formelle, Feng Zikai estime en efet que la mimesis n’est pas le but recherché23 : en insistant sur la nécessité de rendre « tempérament et comportement » (xingge xingwei 性格行為) des fantômes, il adhère pleinement à cette conception de la peinture comme un dépassement de la forme visant à la transmission de l’esprit (biaoxian shenqi 表現神氣). Pour la rendre conforme à l’esprit plutôt qu’à la forme, il faut donc conférer à l’image une certaine exagération qui permettra de lui donner davantage de piquant, de saveur picturale (huaqu 畫趣). C’est ainsi qu’il agrandira la gueule du chien qui aboie et allongera les pattes de celui qui court. L’embarras de Feng Zikai face à ce motif peu conventionnel rappelle le propos du penseur Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072), qui, dès l’époque des Song, décrit le désarroi suscité par l’étrangeté de ces apparitions et de leur représentation : Les connaisseurs en peinture disent souvent qu’il est facile de représenter démons et divinités, considérant qu’en peinture, c’est la ressemblance formelle qui est diicile et que les démons et divinités ne se voient pas. Pourtant, n’est-ce pas diicile de saisir leur aspect sombre et menaçant lorsque, transformés en un surgissement soudain, ils parviennent au summum de la bizarrerie (qi) et du grotesque (guai), en sorte que le spectateur 121 soit frappé de stupeur et que, lorsque enin il arrive à se ressaisir pour regarder posément, il découvre d’innombrables formes et attitudes peintes d’un seul coup de pinceau, simples mais parfaitement achevées24 ? La dialectique entre forme (xing 形) et esprit (shen 神) a fait l’objet d’un riche discours théorique depuis la dynastie des Song. Feng Zikai songe probablement à la « communion d’esprit » (shenhui 神會) évoquée au moment de l’émergence de l’art lettré par le théoricien de la peinture Guo Ruoxu 郭若虚 (vers 1023-vers 1085) des Song du Nord, intimement liée à la « résonance du soule qui donne vie et mouvement » (qiyun shengdong 氣韻生動25). Feng Zikai se montre précisément très attaché à cette dernière notion, qu’il interprète comme la faculté de l’artiste à ressentir le monde26.

23. Yolaine Escande, 2001, l’Art en Chine, p. 168. 24. Cité et traduit par Yolaine Escande, 2001, l’Art en Chine, p. 167. 25. Yolaine Escande, 2001, l’Art en Chine, p. 200. 26. Sur la notion de qiyun shengdong telle qu’elle est interprétée par Feng Zikai, voir Marie Laureillard, 2015, « La perception sensible du peintre et théoricien chinois Feng Zikai à l’époque républicaine ». Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Dessiner des fantômes lui apparaît donc à tous points de vue comme trop diicile. Il souligne qu’il n’est guère aisé non plus de igurer les sphinx ou les anges, qui relèvent eux aussi du domaine de l’imagination. Les hommes n’ont pas d’ailes, mais l’imagination peut leur en donner pour en faire des anges. Les lions sont dépourvus de tête humaine, mais les artistes peuvent leur en conférer une pour les transformer en sphinx. Les anges et les sphinx, qui au départ sont « invisibles et sans forme », se sont transmis et conservés de l’Antiquité à nos jours : qui pourrait dire que ce genre de création artistique est plus facile que la représentation de chiens et de chevaux que nous avons « du matin au soir sous les yeux » ? En évoquant ces motifs quelque peu exotiques que sont les sphinx et les anges, puis Jésus, Feng Zikai témoigne d’une perception globalisante de l’art. Ainsi, malgré la diiculté de représentation, il intègre 122 parfois inopinément une igure d’ange à ses dessins, produisant une sorte d’« hybride chinois », pour reprendre la formule employée par Danielle Elisseef dans un lumineux petit ouvrage analysant les phénomènes de métissages intellectuels et artistiques propres à la Chine27. Le dessin intitulé « Je voudrais me transformer en ange pour arrêter les Illustration 4 : Feng Zikai, Wo bombes dans les airs » ( « Je voudrais me transformer en ange pour yuan hua tianshi, kong zhong arrêter les bombes dans les airs » (1940) shou zhadan 我願化天使空 中收炸彈, 1940) matérialise ainsi le rêve naïf de mettre in à la guerre grâce à un angelot protecteur veillant sur un groupe de fugitifs en plein exode [ill. 4]. Ainsi, bien que non formé à la peinture chinoise traditionnelle, Feng Zikai la « réinvente » à

27. Danielle Elisseeff, 2011, Hybrides chinois. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard sa manière en la simpliiant et en lui ajoutant des éléments stylistiques ou iconographiques glanés ailleurs28. Le débat à propos de la transmission de la forme et de l’esprit s’est prolongé à l’époque moderne. Les deux approches, dont l’une privilégie la ressemblance formelle et l’autre un rendu plus afectif, plus « lyrique », plus « spirituel », ont été opposées dans le cadre d’une célèbre controverse entre Xu Beihong 徐悲鴻 (1895-1953) et Lin Fengmian 林風眠 (1900-1991) au sujet du réalisme. De leurs études respectives à l’École des beaux-arts de Paris, les deux artistes ont tiré des conclusions diférentes. Xu Beihong reste proche du réalisme illusionniste européen du xixe siècle, qui deviendra la norme esthétique de la Chine nouvelle à partir de 1949, tandis que Lin Fengmian, qui reconnaît lui aussi que l’inspiration doit se fonder sur l’expérience du réel, recommande d’accorder une plus grande place à la fantaisie et à l’émotion29. Feng Zikai, quant à lui, ne tient pas en grande estime le réalisme académique tel que le prône Xu Beihong. Il rejette en efet ce qu’il tient pour une approche « scientiique » de l’art. L’art réaliste académique à l’occidentale, fondé sur une observation directe de l’objet, apparaît en efet, aux yeux des Chinois de l’époque, comme une manifestation de la science. Feng Zikai a lui-même été initié par son professeur Li Shutong 李叔同 (1880-1942) aux techniques de la peinture occidentale, dont celle 123 du dessin sur le motif. Il a raconté comment il s’était entraîné à copier au fusain des statues de plâtre30. Tout en s’éloignant délibérément de toute exigence illusionniste, il en gardera un goût non démenti pour le dessin sur le motif. Bien que n’ayant pas pris part à la controverse sur la science et la métaphysique de 192331, Feng Zikai n’accorde guère de foi dans la première, qui lui paraît incompatible avec l’art, prenant par là même ses distances avec cet art réaliste auquel on prête des vertus scientiiques : « La science, matérialiste, détruit l’art, le désagrège et le prive de sa nature véritable », déclare-t-il sans ambages dès 192832.

28. John Clark a bien montré à quel point la peinture de style traditionnel guohua 國畫 était une reconstruction essentialiste de l’époque moderne, alors que les codes visuels occidentaux sont parfaitement assimilés. John Clark, 2012, “Modern and contemporary Chinese art: Main issues”. 29. Wang David Der-wei, 2015, he Lyrical in Epic Time, p. 237-270. 30. « 我的苦寫經驗 Wo de kuxuejingyan » (« Mon diicile apprentissage », in Feng Zikai, 1990, Feng Zikai wenji 豐子愷文集, vol. 5, p. 77-89. Rédigé en 1930, paru originellement dans Zhongxuesheng (le Lycéen), 1er janvier 1931, no 11. 31. Il s’agit d’une controverse née d’un appel lancé par un idéologue, Carsun Chang, à la jeu- nesse de la nation pour qu’elle se détourne d’une philosophie de vie exclusivement fondée sur la science, voir Geremie R. Barmé, 2002, An Artistic Exile, p. 247-248. 32. « Yishu de kexuezhuyihua 藝術的科學主義化» (« L’évolution de l’art vers la science »), in Feng Zikai, 1990, Feng Zikai wenji 豐子愷文集, vol. 1, p. 352. Paru à l’origine dans Yiban (Universel), avril 1928, vol. 4, no 4. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Il conçoit ainsi la possibilité d’une réalité qui échapperait à la science, mais que l’imagination permettrait d’appréhender. Cette réalité-là est évoquée dans son essai « Peindre les fantômes », où il traite de l’apparence des fantômes et de leur éventuelle malveillance. Il se souvient d’un récit de sa mère ayant trait à des « fantômes écrasant le dormeur » (guiyaren 鬼壓人)33. Le bruit courait alors qu’une bande de fantômes avait envahi notre région. Le soir venu, ils entraient dans les maisons pour y écraser les dormeurs. Dans chaque foyer, on évitait que tout le monde dorme en même temps, préférant poster des veilleurs de nuit pour monter la garde. Ces derniers, lorsqu’ils percevaient les grognements d’un dormeur, savaient qu’un fantôme cherchait à l’écraser et se précipitaient à son secours. Ils le trouvaient le visage écarlate, les yeux exorbités, la bouche écumante, la poitrine en proie à de violentes secousses, la respiration haletante, les poings serrés ou les mains agrippées à leurs cuisses, comme si leur corps avait été enseveli sous des dalles de pierre. Le guiyaren 鬼壓人 décrit en réalité un trouble de sommeil ou parasomnie, que l’on nomme « paralysie du sommeil », qui se manifeste 124 par l’incapacité du sujet, sur le point de s’endormir ou de s’éveiller, à efectuer tout mouvement volontaire. Feng Zikai imagine ces redoutables fantômes. S’il n’en a dessiné aucun, il les décrit avec une certaine précision : l’inquiétante pâleur spectrale contraste avec le rouge de la bouche et des cheveux et le vert du corps. À ces mots, je m’extirpais de mon lit, me réfugiais dans les bras de ma mère et de là, jetais un regard vers les coins sombres de la pièce, sous le lit, sous la table, comme si j’y avais aperçu un fantôme évanescent à la igure blême et aux longues canines. Son corps vert, ses cheveux et sa bouche rouges, ses dents et ses yeux blancs, tout était redoutable. Cette blancheur me frappait particulièrement. D’où me venait cette impression ? Probablement d’un rouleau de peinture représentant les dix rois des enfers que j’avais vu dans un temple lors des obsèques de ma grand-mère paternelle. La croyance dans les fantômes est entretenue par le bouddhisme populaire, selon lequel les six voies post-mortem et les trois sortes d’enfers

33. Cette sensation d’oppression de la poitrine mêlée à l’évocation d’un fantôme n’est pas sans rappeler l’étymologie du terme français « cauchemar », formé de caucher et de mare : caucher dérive de cauchier (« presser », « fouler aux pieds »), croisement d’ancien français, de latin et de picard, et de mare, mot picard emprunté au moyen néerlandais (« fantôme nocturne »). Voir Jacqueline Picoche, Dictionnaire étymologique du rançais, Dictionnaire Le Robert, 1979, p. 127. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard sont réservées aux âmes après la mort. Les rois des enfers évoqués ici dirigent un petit personnel de démons pourvus d’une face animale, chargés de capturer les âmes des méchants et de tourmenter les damnés. À l’issue de leur peine, parfois très longue, les âmes rejoignent le cycle des réincarnations après absorption d’une potion d’oubli. Feng Zikai nous livre encore un précieux témoignage de son imagination enfantine, marquée par les récits qu’il entendait alors : Il m’arrivait, à moi aussi, d’apercevoir dans les coins sombres un visage rieur, blanc, large et plat qui se déplaçait lentement. Livide, ondoyant, aplati, ses rires ressemblaient à des pleurs. Peut-être l’image venait-elle d’un mort dans son cercueil. Plus tard, quand j’ai entendu parler de fantômes rieurs, c’est cette vision qui m’est apparue. Toutes mes tentatives picturales m’ont pourtant laissé insatisfait, parce que je ne parvenais pas à exprimer leur fourberie, en tout cas celle que je discernais en fermant les yeux. Impressionné par ces visions, l’artiste tente a posteriori de leur donner une explication rationnelle. Il s’agirait d’images aperçues sur une peinture ou du souvenir d’un mort qu’il aurait entrevu. Il conçoit ainsi les fantômes comme des êtres menaçants, narquois, dotés d’un 125 visage blafard et de canines proéminentes, faisant preuve de cupidité, de cruauté ou de sournoiserie. Il y a moyen de se défendre de ces « fantômes écrasant le dormeur » ou ricanant en sonnant le gong ou en allumant des bâtonnets d’encens. Si la « troisième tante » tâche de ne pas perdre contenance, alors qu’au fond d’elle-même elle n’en mène pas large, c’est pour ne pas donner prise à ces êtres qui la tourmentent. Il s’agit à n’en pas douter de revenants plutôt que de ces démons gui d’animaux ou d’objets prenant forme humaine, telles ces renardes emblématiques des contes de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715), auxquelles l’artiste songe certainement lorsqu’il déclare qu’il « a lu ou entendu tant d’histoires de fantômes ». Il explique qu’il ne représente pas les fantômes parce que leur image lui échappe et par crainte de ne pouvoir en transmettre l’esprit. À l’évidence, il les associe au concept du Mal et les oppose au Bouddha, symbole du Bien : les peintres chinois, dit-il, « repéraient les traits les plus parfaits pour former dans leur esprit une image idéale, qu’ils supposaient être celle du Bouddha ». À l’inverse il faudrait, pour rendre toute la peridie des fantômes, accomplir une tâche presque insurmontable : lire des milliers de livres, parcourir des milliers de kilomètres, étudier d’innombrables visages malveillants et sournois, pour choisir et garder dans sa mémoire leurs caractéristiques les plus frappantes. Ce n’est qu’en efectuant une synthèse de tous ces faciès fourbes et cruels que l’on pourra le mieux se conformer à la vérité. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

La revue Modern Sketch (Shidai manhua 時代漫畫), publiée entre 1934 et 1937 et que Feng Zikai connaissait puisqu’il y participa très occasionnellement34, présente également les fantômes comme des êtres hostiles et redoutables sous la plume d’un certain Huang Jiayin 黃嘉 音. Dans un article intitulé « Hommes, animaux, fantômes » (« Ren, chusheng, gui 人, 畜牲, 鬼 ») paru en 1934, le propos fait écho à celui de Feng Zikai : Quant à l’existence des fantômes, c’est encore un problème actuellement insoluble. […] Sur leur apparence, nous ne pouvons pas encore tirer de conclusion, mais si je me ie à l’intuition de mon enfance, ils doivent ressembler à des êtres humains terriiants, noirâtres, pourvus de membres grifus. L’article est agrémenté de plusieurs caricatures, dont l’une montre des silhouettes dansantes aux longs doigts crochus, au nez pointu et aux cheveux ébourifés évoluant d’un pas pressé sous la lune et les étoiles devant un skyline urbain [ill. 5]. Un autre dessin, légendé « Fantômes d’ici-bas » (Renjian de gui 人間的鬼), vient illustrer la théorie, énoncée dans l’article en regard, selon laquelle hommes, animaux et fantômes peuvent parfois se confondre. Un fumeur d’opium décharné est surmonté de quatre visages, dont l’un est une tête de mort et les trois 126 autres, hirsutes, laissent apparaître une langue pendante et des canines proéminentes35.

Illustration 5 : Modern Sketch, no 9, 20 septembre 1934

34. Voir par exemple le numéro 10, 20 octobre 1934. 35. Modern Sketch (Shidai manhua) 時代漫畫, no 9, 20 septembre 1934. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard

Feng Zikai, quant à lui, craint de ne pouvoir exprimer le pouvoir maléique du fantôme, de banaliser la représentation et de ne montrer que le grotesque de l’apparition. En outre, la malveillance ne correspond guère à la philosophie de vie qui émane de ses peintures ni à son goût pour la poésie, l’harmonie et la beauté. Son style simple, peu émotionnel, dénué de toute dramatisation, paraît peu approprié à ce type de sujet. Son esthétique fondée sur la quiétude et le détachement, le dépassement de la tragédie, le rejet de la laideur, ainsi que sur la compassion, corollaire d’une vision distanciée, évoque bien davantage l’esprit de l’école de Pékin que de l’école de Shanghai, même si les écrivains qu’il côtoyait se rattachaient généralement à cette dernière, à l’instar de Shi Zhecun36. Portant un regard rétrospectif sur l’ensemble de son œuvre en 1946, Feng Zikai juge d’ailleurs sévèrement la dérive « démoniste » de plusieurs de ses dessins inspirés par la guerre tels que « Panique » (Canghuang 仓慌, 1935), où l’on voit toute une famille chargée de bagages fuire précipitamment sous les bombes, ou encore « Bombes » (Zhadan 炸彈) : ce titre correspond à plusieurs scènes peintes entre 1938 et 1945, où l’on voit tantôt des femmes mortellement blessées, tantôt des hôpitaux ou des écoles sous la menace de bombes tombant du ciel. Parfois, lorsque je les regarde, je les trouve choquants, me demandant si je n’aurais pas moi aussi versé dans le démonisme 127 [emopai 惡魔派]. Alors je songe à la beauté de l’art, à la noblesse de la vie humaine, à la grandeur de la nature : à quoi bon ces œuvres si amères, si tragiques ? Les Anciens ont dit : aux époques troublées, les poètes n’écrivent plus de beaux vers [惡歲詩人無好語]. Se pourrait-il que j’aie été moi-même poète de la soufrance ? Mon regard a ensuite délaissé la soufrance pour l’éternité et mon pinceau s’est détourné de la vie humaine pour embrasser la nature37. Qu’entend Feng Zikai par le terme « démonisme » ? Sans doute songe-t-il à la poésie romantique de Byron et de Shelley, dont l’écrivain Lu Xun 魯迅 avait fait l’éloge dans un célèbre essai publié en 1908, intitulé « Du pouvoir de la poésie de Mara » (魔羅詩力說). De cette poésie, qualiiée tantôt de « démoniste » – ou « satanique » – (emopai 惡魔 派), tantôt de « poésie de Mara » (moluoshi 魔羅詩), Lu Xun chante la puissance, l’esprit de lutte, de destruction et de révolte, qu’il assimile

36. Isabelle Rabut, « L’esthétique du jingpai », in Isabelle Rabut, Angel Pino (dir.), 2000, Pékin-Shanghai, p. 93-121. 37. « Manhua chuangzuo ershi nian 漫畫創作二十年 » (« Vingt ans de création de man- hua »), in Feng Zikai, 1990, Feng Zikaiwenji 豐子愷文集, vol. 4, p. 387-391. Paru à l’origine en 1946 dans Shuaizhenji 率真集 (Écrits sincères), Shanghai : Wanyeshudian. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

au dynamisme révolutionnaire38. Feng Zikai, quant à lui, ne semble pas attacher une connotation aussi positive à ce courant, dont le pessimisme morbide ne le séduit guère. Le terme « démonisme » pourrait également se référer à l’esthétique décadente dont se réclamait le poète Shao Xunmei 邵洵 美 (1906-1968), qui fut associé de près à la publication de revues telles que Shanghai Sketch39 (Shanghai manhua 上 海漫畫) (1928-1930) ou Modern Sketch (Shidai manhua 時代漫畫, 1934- 1937), qu’il inança ou édita lui-même. Le poète esthète, grand admirateur de Baudelaire, de Swinburne et de Verlaine, fréquentait de nombreux artistes, parmi Illustration 6 : Shanghai Sketch lesquels Ye Qianyu 葉淺予 (1907-1995) no 15, 20 juillet 1928, illustration et Zhang Guangyu 張光宇 (1902-1965), de couverture par Ye Qianyu qu’il invitait régulièrement dans sa somptueuse résidence40. En revanche, 128 Feng Zikai, qui de toute évidence ne partageait pas ses goûts pour « la sensualité, le symbolisme, l’imaginaire de l’amour létal41 », ne semble pas avoir fait partie de son cénacle. Une illustration de couverture réalisée par le jeune Ye Qianyu en 1928 pour Shanghai Sketch fait directement écho à la fascination du poète pour le thème de la femme fatale, l’un des motifs majeurs de la revue, qui était aussi une métaphore de la décadence urbaine. Le titre Shanghai manhua tracé dans un style géométrique typiquement Art Déco accompagne un dessin coloré de style très occidentalisé : une élégante aux formes sinueuses à demi-nue, pourvue de bracelets de jade et de lourds pendants d’oreilles, se disloque sous nos yeux. Son visage est tombé comme un masque, dont on aperçoit les débris, pour révéler son squelette, tandis qu’elle renverse la tête en arrière en cachant ses yeux de la main dans une attitude de désespoir [ill. 6]. Pour le lectorat de

38. Le terme « Mara » provient du terme sanscrit Mara signiiant « démon céleste », esprit tentateur qui tenta d’empêcher le Bouddha d’atteindre l’Éveil. Wang Pu, 2011, “Poetics, poli- tics, and Ursprung/yuan”. 39. Il s’agit du titre anglais de la revue, qui igurait à côté du titre chinois. Pour les revues aux- quelles a été attribué un titre bilingue, nous ne traduisons pas le titre en français, mais indiquons le titre en anglais. 40. Zhang Yinde a bien reconstitué la riche sociabilité de Shao Xunmei, féru de discussions avec écrivains et artistes (2010, « Le cas de Shao Xunmei »). Voir aussi à ce sujet Lee Leo Ou- fan, 1999, Shangai Modern, p. 241-254. 41. Zhang Yinde, 2010, « Le cas de Shao Xunmei », p. 631. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard l’époque, que l’on devine aisé, urbain, cultivé (si l’on examine les articles d’information ou les publicités de la revue), cette efrayante vision ne pouvait que renvoyer aux légendes chinoises bien connues de fantômes revêtant l’aspect trompeur de séduisantes jeunes femmes. Il n’est donc guère étonnant que Shao Xunmei ait pris position en faveur de la thématique spectrale qui, selon lui, aurait favorisé la création littéraire et artistique en Chine comme à l’étranger. Dans un essai intitulé « Histoires de fantômes » (Gui gushi 鬼故事), publié en 1936 dans la revue Lunyu, le dandy aux goûts exotiques se remémore ainsi avec nostalgie les captivantes légendes que lui narrait son oncle dans son enfance ainsi que les contes de Pu Songling qu’il a lus par la suite. Il estime les histoires de fantômes aussi faciles à écrire, à comprendre, à mémoriser que propres à émouvoir et à plaire. Déplorant leur disparition progressive au proit d’une écriture ictionnelle qui aurait perdu de ses qualités narratives, il attribue ce déclin au rejet oiciel des superstitions. À travers cette apologie de la littérature zhiguai, le poète « décadent » oppose la tradition classique à une modernité littéraire trop réaliste, voire déjà trop politisée à ses yeux. Il souligne par contraste l’importance des fantômes dans l’imaginaire mondial ainsi que l’essor du spiritisme (linghunxue 靈魂學) : ces ombres nous ont-elles vraiment quittés ? s’interroge-t-il, dubitatif42. 129 C’est sans doute son adhésion à un bouddhisme épuré, qui est celui de son mentor Li Shutong, qui éloigne Feng Zikai d’une inspiration aussi macabre. Li Shutong avait souscrit à une forme de bouddhisme réformiste mettant l’accent sur la discipline personnelle, l’École disciplinaire (Vinaya), fondée sur le Sūtra du ilet de Brahmā. L’idéal de préservation de la vie et de la non-violence que promeut l’ouvrage a inspiré à Feng Zikai 450 dessins illustrant poèmes et légendes bouddhiques dans le recueil « Protéger la vie » (Husheng huaji 護生畫集), publié en six volumes entre 1929 et 196943. Feng Zikai et Li Shutong, qui a calligraphié les textes de sa main, incitent le lecteur à respecter l’un des enseignements les plus fondamentaux du bouddhisme : ne pas tuer. Les enfants y apparaissent comme les principaux défenseurs de la doctrine44. Feng Zikai se contente donc d’évoquer indirectement ces croyances encore profondément ancrées dans la population. Un dessin datant de 1948 témoigne ainsi de la foi de deux dévots dans un temple. Un homme à genoux, une femme inclinée tournée dans une autre direction, prient tous avec ferveur des portraits de divinités surmontant des autels où sont

42. Lunyu, no 91, 1936, in Chen Pingyuan (dir.), 2004, Shenshen gui gui 神神鬼鬼 (Esprits et Fantômes), p. 228-234. 43. Geremie R. Barmé, 2002, An Artistic Exile, p. 175. 44. Francesca Tarocco, 2007, he Cultural Practices of Modern Chinese Buddhism, p. 71-75. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

posés bougies et bâtonnets d’encens. On lit sous l’image : « La jeune femme du pont de Yangzhou et le marchand de la cité de Changgan, restés trois ans sans nouvelles, prient chacun les fantômes et les dieux » [ill. 7]. Un autre dessin intitulé « La fête des fantômes » (guijie 鬼節), de 1950, illustre un poème de Zhou Zuoren, écrivain connu pour son point de vue antispectral : l’artiste s’attache surtout à y décrire la joie des enfants équipés de lanternes sous des guirlandes de lotus lors de cette cérémonie d’ofrandes d’origine bouddhique destinée à apaiser les revenants afamés. Mais n’y a-t-il pas une autre raison à ce refus délibéré de peindre des Illustration 7 : Feng Zikai, fantômes ? Feng Zikai aurait pu tenter « La jeune femme du pont de par amusement une représentation de ce corps vert, de ces cheveux rouges, 130 Yangzhou et le marchand de la cité de Changgan, restés trois ans de ce visage blême, « rieur, large et sans nouvelles, prient chacun les plat » et de cette bouche écarlate aux fantômes et les dieux » (1948) longues canines. Reculerait-il devant la peinture du surnaturel ? N’y a-t-il pas chez lui un certain degré de superstition, une crainte inavouée de susciter leur apparition en les dessinant ? Cette idée de l’eicience des images et de la puissance du signe, si ancrées dans la tradition chinoise, Feng Zikai l’a abordée dans l’un de ses essais, où il suggère la possibilité d’attirer les nuages en les peignant. Je me demande si mon dessin « Couleur de nuage » pourrait avoir une utilité réelle. […] Je sais bien que non car les nuages que j’ai dessinés ici sont trop rares et trop menus. Comment pourraient-ils suire à produire une pluie abondante ? Je crains qu’ils ne puissent être appréciés qu’en vain et ne se dissipent à leur tour à l’horizon45 ! L’essai « Peindre les fantômes », sous l’apparence d’une conversation informelle ou de notes au il de la plume, propre à l’essai familier (xiaopinwen 小品文) en vogue dans les années 1930, possède en réalité une structure relativement élaborée. Mêlant discours et récit, le

45. Feng Zikai. 2010, Couleur de nuage, p. 145, trad. Marie Laureillard. Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? Marie LaureiLLard raisonnement progresse en se fondant sur une série de comparaisons : chiens et fantômes, peinture igurative et peinture d’imagination, Bouddha et Jésus, fantômes malveillants et fantômes moqueurs, monde spectral et monde humain. Il se conclut par une chute qui révèle le fond de la pensée de l’auteur : les hommes, qui revêtent par moments certains traits fantomatiques, seraient en déinitive encore bien plus efrayants que ces êtres insaisissables que sont les fantômes. Ainsi, à une époque où le rationalisme prend le pas sur les apparitions surnaturelles qui ont peuplé l’univers des Chinois pendant des siècles, les artistes et les intellectuels semblent ne plus croire aux fantômes, mais les « superstitions » restent tenaces et le doute plane encore. Si Feng Zikai ne les représente pas, c’est que sa manière de peindre s’appuie plutôt sur le tangible, le quotidien, même s’il lui est arrivé de dessiner des anges ou des bouddhas : « Aux Anciens qui disaient qu’il est bien plus diicile de peindre les choses réelles que celles qui relèvent de l’imaginaire, je rétorque que le réel est bien plus facile à imiter que l’imaginaire », déclare-t-il dans son essai « Peindre les fantômes ». Les fantômes sont évanescents, alors que Feng Zikai aime dessiner sur des fondements solides et non pas mouvants et par trop fugitifs. Par ailleurs, sa foi bouddhique le rattache fondamentalement à la vie, tandis que l’univers spectral, lié au monde des ténèbres et à la mort, ne l’inspire guère. La philosophie de vie 131 de celui qui porte pour nom religieux Yingxing 嬰行 (« Innocent et sans malice ») s’oppose à tant de noirceur. En déinitive, peindre des fantômes lui apparaît comme trop diicile et même détestable : il choisit de ne pas s’y risquer, là où d’autres, comme le peintre classicisant Pu Xinyu 溥 心畬 (1896-1963), son contemporain, ont fait preuve d’une véritable fascination pour ce thème46. On peut le regretter, car il nous prive ainsi de quelques images précises, suggestives, hautes en couleurs, telles qu’il les a si bien décrites dans ses textes.

46. Voir illustration de couverture : image extraite de l’album Guiqu tu 鬼趣圖 (Plaisirs spec- traux) de Pu Xinyu, 1959, encre sur papier, 22,2 x 14, 5 cm.

Peindre les fantômes Feng Zikai

PEINDRE LES FANTÔMES

Painting ghosts

畫鬼

Feng Zikai Traduit par Marie Laureillard Institut d’Asie Orientale/ Université Lumière-Lyon 2

Selon la « Biographie de Zhang Heng » dans le « Livre des Han postérieurs », « les peintres détestent peindre les chiens et les chevaux, mais aiment à représenter les fantômes, car il est bien plus diicile de peindre les choses réelles que celles qui relèvent de l’imaginaire1. » D’après le Hanfeizi, « les motifs de chiens et les chevaux sont ceux qui présentent le plus de diicultés pour les artistes et les fantômes le 133 moins. Les chiens et les chevaux sont connus des hommes, qui les ont sous les yeux du matin au soir : il n’est donc pas évident de les peindre avec exactitude. Les fantômes, en revanche, sont invisibles, impossibles à observer, donc plus faciles à représenter. » Si ces deux propos semblent logiques, ils ne sont pas très pertinents en réalité. Les peintres « qui aiment à peindre les fantômes » sont en efet plutôt rares. Sans doute ont-ils existé jadis, mais, de manière générale, ils représentent tout de même une minorité. L’airmation selon laquelle « il est facile de peindre des fantômes » me rend perplexe. D’un point de vue technique, les fantômes sont tout aussi diiciles à représenter, à tel point qu’on pourrait même déclarer le contraire : « Les chiens et les chevaux sont faciles à peindre, contrairement aux fantômes. » Pourquoi ? Dire que « les fantômes sont plus faciles à peindre que les chiens et les chevaux », est, d’un point de vue technique, un propos fondé sur le critère de la « ressemblance formelle ». La « ressemblance formelle » suppose de « peindre avec exactitude ». La ressemblance implique la présence d’un objet : ainsi, si on compare la peinture à l’objet, on saura si elle lui ressemble ou pas. Si l’objet représenté et l’objet réel sont similaires, c’est que la peinture est ressemblante et qu’elle est irréprochable sur le plan formel. Mais si ce n’est pas le cas, c’est que la

1. Publié dans la revue « Entretiens » (Lunyu), printemps 1936. Traduction de Marie Laureillard. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

peinture n’est pas ressemblante et qu’elle trahit une maladresse formelle. Si l’on peint des chiens ou des chevaux, on pourra les comparer à leurs modèles et l’on saura au premier coup d’œil s’ils sont ressemblants, c’est pourquoi on peut prétendre qu’ils sont diiciles à peindre. Mais si on peint des fantômes, on ne peut les comparer à aucun modèle et la ressemblance importe peu : ainsi, on peut penser qu’il est facile de les représenter. C’est considérer la ressemblance comme un critère important de la critique picturale. Or, ce critère, même s’il n’est pas faux, semble par trop supericiel, parce que si l’on s’y iait, la photographie serait devenue la meilleure peinture qui soit. Depuis son invention, on aurait pu renoncer à toutes les techniques picturales et les peintres auraient pu jeter leurs pinceaux. Mais l’invention de la photographie a beau dater d’il y a une centaine d’années, on constate que l’art pictural existe toujours et que les peintres sont toujours en activité. Ceci prouve que la photographie ne peut remplacer la peinture, c’est-à-dire que la peinture jouit d’avantages indéniables par rapport à la photographie : elle ne repose donc pas seulement sur la ressemblance formelle, mais sur d’autres critères. Lesquels ? En un mot, « la peinture a pour chair la ressemblance formelle, et pour âme la transmission de l’esprit ». La ressemblance formelle constitue certes un objectif important de la peinture, mais il y en a un 134 autre, qui est celui de la transmission de l’esprit. Si la peinture est dotée de ressemblance formelle, mais qu’il y manque l’esprit, cela revient à dire qu’elle est pourvue de chair, mais qu’elle est privée d’âme, tout comme un cadavre. Si l’on peint par exemple un chien en se conformant à sa taille, à sa couleur, à son anatomie, on peut faire preuve d’une exactitude et d’une ressemblance indéniables, mais il s’agit alors d’un dessin naturaliste, d’une « peinture scientiique », et non d’une œuvre d’art, car il y manque l’esprit. Si l’on veut faire œuvre artistique, il faudra, au-delà de la ressemblance formelle, observer attentivement l’allure du chien, s’eforcer de repérer les modiications de son apparence lorsqu’il se tient debout, assis, qu’il court ou qu’il aboie, et d’en exagérer un peu les spéciicités sur le papier. L’exagération peut en fausser quelque peu la taille, la couleur ou l’anatomie. Ainsi, la gueule du chien sera légèrement agrandie s’il aboie ; ses pattes pourront être allongées s’il est représenté en pleine course, comme il pourra avoir l’air de sourire s’il est en train de jouer. Pourtant, les spectateurs ne lui reprocheront pas de s’écarter du réel et en apprécieront au contraire la saveur. Ainsi, bien souvent, la peinture de paysage chinoise, la peinture occidentale de style nouveau ou encore la caricature, pour mieux exprimer l’attitude du sujet représenté, n’hésitent pas à le déformer au point qu’il ne correspond plus guère à la réalité et ne lui ressemble même plus du tout. Certaines œuvres, Peindre les fantômes Feng Zikai parce qu’elles recourent à une exagération excessive et s’éloignent par trop du réel, entrent dans le domaine de la fantaisie et atteignent le pur formalisme, perdant la nécessaire objectivité de l’art pictural. Une certaine déformation est cependant autorisée, et même nécessaire, car c’est là que réside l’âme de la peinture. C’est pourquoi, dans la peinture authentique, il faut se garder d’imiter servilement le réel, en ajoutant à l’aspect formel de l’objet une touche de fantaisie, ce qui suppose de faire preuve d’une certaine imagination. S’il veut peindre un chien qui aboie, par exemple, le peintre devra s’imaginer lui-même à sa place en train d’aboyer furieusement (pardonnez-moi ces propos prosaïques, mais je dois m’exprimer ainsi par souci de clarté) : c’est ainsi qu’il pourra le mieux reproduire son allure. Le travail d’imagination est essentiel en peinture. Il peut modiier l’apparence visible et donner forme à l’invisible. Ainsi, les hommes n’ont pas d’ailes, mais l’imagination peut leur en donner pour en faire des anges. Les lions sont dépourvus de tête humaine, mais les artistes peuvent leur en conférer une pour les transformer en sphinx. Les anges et les sphinx, qui au départ sont « invisibles et sans forme », se sont transmis et conservés de l’Antiquité à nos jours : qui pourrait dire que ce genre de création artistique est plus facile que la représentation de chiens et de chevaux que nous avons « du matin au soir sous les yeux » ? 135 C’est pour cette raison que je considère qu’il n’est pas facile de peindre des fantômes. Dans le monde réel, je n’ose airmer que les fantômes existent, pas plus que je n’ose prétendre le contraire. J’ai lu ou entendu tant d’histoires de fantômes que je ne peux nier leur existence, mais n’en ayant jamais vu de mes yeux, je ne peux en avoir la certitude non plus. Pourtant, dans le domaine de l’imagination, leur existence ne fait pas de doute, parce que j’en aperçois souvent, c’est-à-dire qu’à chaque fois que je lis ou entends un récit de fantôme de la bouche de gens qui en ont rencontré, je me igure aussitôt l’attitude du spectre en fonction de son caractère ou de son comportement. Pour peu que je ferme les yeux, il m’apparaît sur le champ. Parfois, je m’empare d’un pinceau et d’une feuille de papier ain de dessiner le héros de l’histoire, mais le plus souvent sans succès, parce que les impressions perçues les yeux fermés dans le monde imaginaire sont beaucoup plus fugitives que celles que nous laisse le monde réel, quand nous ouvrons les yeux. Malgré toutes nos tentatives, nous parvenons diicilement à représenter un fantôme dans une attitude conforme à son tempérament et à son comportement. Nous nous retrouvons dans la situation d’un détective amené à décrire de mémoire la physionomie d’un brigand qu’il a à peine entrevu, ou d’un employé de banque essayant de se souvenir tant bien que mal de l’aspect d’un imposteur venu réclamer indûment une grosse somme d’argent. Lorsqu’on réléchit en fermant les yeux, le visage surgit aussitôt, mais il Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

s’échappe dès qu’on saisit un crayon pour le dessiner. Aussi ne suis-je pas en accord avec l’idée selon laquelle il serait « plus facile de peindre des fantômes ». Il est probable que les tenants de cette thèse ne cherchent pas à rendre compte idèlement de leur tempérament et de leur comportement, ni du domaine de l’imagination, et dessinent comme bon leur semble un prétendu « fantôme ». Ainsi, il est facile de tracer quelques traits au hasard ou de renverser une bouteille d’encre en déclarant avoir peint un fantôme sans la moindre preuve ou fondement. Mais il ne s’agit dans ce cas que de « signes » et non de véritables « peintures ». Pour pouvoir être qualiiée de peinture, l’œuvre doit reposer sur un fondement solide, provenir du monde de l’imagination et se conformer au tempérament et à l’attitude du fantôme. C’est pourquoi j’adopte le point de vue inverse en déclarant que « les chiens et les chevaux sont les plus faciles à peindre et les fantômes les plus diiciles ». Les chiens et les chevaux, nous en avons tous les jours devant les yeux, en les peignant nous pouvons nous fonder sur le réel et y ajouter une note de fantaisie, mais pour les fantômes, qui sont invisibles, il n’est pas d’élément concret sur lequel nous puissions nous appuyer, nous ne pouvons que nous ier à notre imagination pour les shape (je recours ici à un mot anglais, car aucun mot chinois approprié ne me vient à l’esprit). N’est-ce pas plus diicile que de peindre des chiens et des chevaux ? C’est pourquoi, aux Anciens qui disaient qu’« il est 136 bien plus diicile de peindre les choses réelles que celles qui relèvent de l’imaginaire », je rétorque que « le réel est bien plus facile à imiter que l’imaginaire ». Les fantômes que j’ai pu voir durant ma vie (qui relèvent bien sûr du domaine de l’imaginaire) sont de deux sortes : les fantômes malveillants et les fantômes moqueurs. Ils m’ont laissé deux souvenirs très précis. Dans mon enfance, par une calme nuit d’été, vêtu d’un dudou2 rouge, j’étais allongé sur le lit. Ma mère était assise à côté de moi, à la table, occupée à rembourrer des semelles de chaussures. Elle me racontait des histoires de « fantômes écrasant le dormeur3 » qu’elle avait entendues quand elle était petite. Le bruit courait alors qu’une bande de fantômes avait envahi notre région. Le soir venu, ils entraient dans les maisons pour y écraser les dormeurs. Dans chaque foyer, on évitait que tout le monde dorme en même temps, préférant poster des veilleurs de nuit pour monter la garde. Ces derniers, lorsqu’ils percevaient les grognements d’un dormeur, savaient qu’un fantôme cherchait à l’écraser et se précipitaient à son secours. Ils le trouvaient le visage écarlate, les

2. Sorte de tablier. 3. Le guiyaren décrit en réalité un trouble de sommeil ou parasomnie, que l’on nomme « paraly- sie du sommeil », qui se caractérise par le fait que le sujet, sur le point de s’endormir ou de s’éveil- ler mais tout à fait conscient, se trouve dans l’incapacité d’efectuer tout mouvement volontaire. Peindre les fantômes Feng Zikai yeux exorbités, la bouche écumante, la poitrine en proie à de violentes secousses, la respiration haletante, les poings serrés ou les mains agrippées à leurs cuisses, comme si leur corps avait été enseveli sous des dalles de pierre. Un moyen de les sauver était de sonner le gong. Dès que résonnait l’instrument, les veilleurs des maisons voisines lui répondaient et toute la ville s’emplissait bientôt de la musique du gong. Alors on s’empressait de relever et d’emmener le dormeur qui s’éveillait peu à peu. Ses mains aux ongles profondément enfoncés dans les paumes ou dans les cuisses y laissaient des traces de sang. Ceux qui avaient subi ce sort racontaient qu’un fantôme à l’aspect efrayant s’était assis sur leur poitrine, avait posé une main sur leur cou et les avait gilés de l’autre, ce qui les avait terriiés. À ces mots, je m’extirpais de mon lit, me réfugiais dans les bras de ma mère et de là, jetais un regard vers les coins sombres de la pièce, sous le lit, sous la table, comme si j’y avais aperçu un fantôme évanescent à la igure blême et aux longues canines. Son corps vert, ses cheveux et sa bouche rouges, ses dents et ses yeux blancs, tout était redoutable. Cette blancheur me frappait particulièrement. D’où me venait cette impression ? Probablement d’un rouleau de peinture représentant les dix rois des enfers que j’avais vu dans un temple lors des obsèques de ma grand-mère paternelle. De ce jour, à chaque fois que j’ai entendu parler de fantômes, je les ai imaginés ainsi. J’ai tenté à plusieurs reprises d’en 137 dessiner, mais le résultat n’a jamais été à la hauteur parce qu’ils n’avaient pas un aspect suisamment malveillant. Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais réussi à leur donner une apparence comparable à celle qu’ils avaient lorsque je les imaginais les yeux fermés. Écolier, je rendis un jour visite à des parents à la campagne. Le soir venu, notre hôte, une vieille dame, que j’appelais « troisième tante », demanda à son ils, dit « le cinquième oncle Jiang », de me raccompagner chez moi. Elle insista pour allumer un bâtonnet d’encens qu’elle me remit, ce dont je m’étonnais. Elle resta coite. Plus tard, un soir, lors d’une visite à notre domicile, la troisième tante me révéla la raison de son geste. Un fantôme moqueur rôdait dans les environs. Par un soir d’été, la troisième tante se tenait assise seule sur un fauteuil à bascule devant sa porte, un bâton d’éveil doré de tiges de blé tressées dans une main, récitant « Namah Amitābha », comme elle le faisait tous les soirs jusque tard dans la nuit avant d’aller se coucher. Un jour, entendant un soudain ricanement, elle se retourna, mais ne vit personne et le rire cessa. Tout en reprenant ses prières, un nouveau rire lui parvint. La vieille femme, qui ne craignait pas les fantômes, ne songea pas à prendre la fuite. Ces derniers irent même preuve de sollicitude à son égard en lui tapotant les reins et en lui caressant le dos : elle se contenta de fermer les yeux. Ils osèrent même venir devant elle pour lui palper les jambes et lui masser le cou. Tous les soirs, ils répétèrent leur manège, auquel elle init par Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

s’accoutumer. Elle pensait qu’ils cherchaient à s’attirer ses bonnes grâces pour obtenir d’elle de l’argent. Elle pria à l’aide du bâton d’éveil tout l’été, mais celui-ci perdit peu à peu son éclat doré et pâlit. Toutes ses récitations permirent de dédommager ses masseurs, donnant au bâton un aspect de plus en plus terne. Un soir du début de l’automne, lassée de la cupidité de ces fantômes moqueurs, elle prit sur elle d’allumer un bâtonnet d’encens qu’elle planta dans la terre près de son fauteuil. Ce soir-là, efectivement, elle n’entendit pas de rire et aucun fantôme ne vint l’importuner. Mais lorsque l’encens cessa de brûler, elle sentit qu’on lui arrachait soudain le bâton des mains. Apporté par un courant d’air froid, un rire fusa à son oreille, puis se dissipa. En frissonnant, elle empoigna le fauteuil et se réfugia à l’intérieur de la maison. Le lendemain, un jeune faucheur ramassa par hasard un bâton d’éveil sur lequel étaient enroulés des morceaux de papier rouge. Devinant qu’il appartenait à la troisième tante, il le lui rapporta. De ce jour, elle n’osa plus prier le soir à sa porte, mais elle entendit souvent des éclats de rires retentir à sa fenêtre. En éteignant la lampe à huile, elle entrevoyait souvent un faciès rieur, indécis, large, plat et blanc. Ces récits me donnaient la chair de poule : je cherchais alors la compagnie des autres. Il m’arrivait, à moi aussi, d’apercevoir dans les coins sombres un visage rieur, blanc, large et plat qui se déplaçait lentement. Livide, ondoyant, aplati, ses rires ressemblaient 138 à des pleurs. Peut-être l’image venait-elle d’un mort dans son cercueil. Plus tard, quand j’ai entendu parler de fantômes rieurs, c’est cette vision qui m’est apparue. Toutes mes tentatives picturales m’ont pourtant laissé insatisfait, parce que je ne parvenais pas à exprimer leur fourberie, en tout cas celle que je discernais en fermant les yeux. Ainsi, j’estime que les fantômes sont bien plus diiciles à représenter que les chiens et les chevaux et que cette diiculté est du même ordre que celle qui consiste à représenter un bouddha. Dans un cas, on cherche à montrer la bonté, dans l’autre la méchanceté, aussi diiciles à rendre l’une que l’autre. Je déplore souvent le fait que les bouddhas nés sous le pinceau de certains peintres ressemblent trop aux gens du commun et que ces derniers échouent à en exprimer la suprême beauté. Il en va de même pour les fantômes, dont la laideur n’est pas suisamment manifeste. Je suis moi-même plus doué pour peindre les hommes. Au Moyen Âge, les peintres occidentaux, pour peindre Jésus, prenaient souvent pour modèle un homme du peuple dont la physionomie se rapprochait le plus de celle de la représentation idéale qu’ils s’en faisaient, puis le peignaient d’après nature. Les peintres chinois, pour la igure du Bouddha, ne recouraient pas à une technique aussi primitive. Ils lisaient des milliers de livres, parcouraient des milliers de kilomètres, observaient les physionomies des gens, chez qui ils repéraient les traits les plus parfaits pour former dans leur esprit une image idéale, qu’ils supposaient être celle Peindre les fantômes Feng Zikai du Bouddha. Je pense qu’il faudrait en faire de même pour représenter les fantômes : lire des milliers de livres, parcourir des milliers de kilomètres, étudier d’innombrables visages malveillants et sournois, pour choisir et garder dans sa mémoire leurs caractéristiques les plus frappantes. Ce n’est qu’en efectuant une synthèse de tous ces faciès fourbes et cruels que l’on pourra le mieux se conformer à la vérité. Mais c’est une tâche très ardue, aussi est-il rare de trouver des peintures de fantômes réussies. Pour ma part, je n’en perçois que des bribes dans la multitude humaine. Enfant, les fantômes maléiques à la igure blême et aux longues canines me semblaient les plus efrayants. Une fois devenu adulte, mon impression a changé, et ce sont les fantômes moqueurs au faciès blanc, large et plat, qui m’ont paru les plus redoutables, car les premiers sont francs, révèlent pleinement leur nature, tandis que les seconds semblent duplices, impénétrables : il n’est rien de plus à craindre en ce monde ! Dans mon enfance, je voyais des fantômes se manifester furtivement sur le visage de toutes sortes de gens : les fantômes malveillants y étaient bien plus nombreux que les fantômes moqueurs. Devenu adulte, ma vision a changé aujourd’hui : les seconds ont pris le pas sur les premiers. C’est pourquoi le monde m’apparaît aujourd’hui bien plus terriiant qu’au temps de mon enfance. C’est ainsi qu’en tant que peintre, contrairement aux artistes de jadis, « j’aime à peindre les chevaux et les chiens » et 139 « déteste peindre les fantômes ».

Résumé : Le Soushen houji, recueil de mirabilia attribué à Tao Yuanming (ive siècle), a inspiré plusieurs artistes contemporains, qui ont illustré le texte avec des gravures sur bois dans un ouvrage publié au Chêne-Voyelle en 1990 : l’artiste taiwanais Chen Chao-pao, l’artiste chinois Yin Xin ou encore le sculpteur français Jean-François Ferraton. Nous prenons l’exemple ici du récit intitulé « La tête de mort », où un décès est annoncé par certains phénomènes insolites, parmi lesquels l’apparition de la tête d’un mort, que l’on enterre mais qui ne cesse de refaire surface : le texte, calligraphié par l’artiste chinois Li Kuanglang et traduit en français par Li Tche-houa et nous-même, est accompagné d’étonnantes visions au trait élégant et sinueux de Chen Chao-pao ou au style plus naïf de Yin Xin. Certains êtres fantastiques tracés au crayon de couleur par Li Xinjian, avec lequel nous avons réalisé un livre d’artiste en 2013 sur le motif propitiatoire du svastika, peuvent s’en rapprocher. Mots-clés : Soushen houji (Suite d’À la recherche des esprits), gravure sur bois, Chen Chao-pao

Chinese Ghosts in the Twentieth and Twenty-first Centuries Abstract: he Soushen houji, collection of mirabilia attributed to Tao Yuanming (4th century) has inspired several contemporary artists, who have illustrated the text with woodcuts in a book published by Chêne- Voyelle in 1990: the Taiwanese artist Chen Chao-pao, the Chinese artist Yin Xin, and the French sculptor Jean-François Ferraton. I take here the example of the story entitled “he dead man’s face”, where a death is announced by strange phenomena, among which the appearance of a dead man’s face, which is burried but which emerges again and again: the text, calligraphed by the Chinese artist Li Kuanglang and translasted into French by Li Tche-houa and myself, is supported by astonishing visions with winging and elegant lines by Chen Chao-pao or in a naive style by Yin Xin. Some fantastic beings drawn with colour pencils by Li Xinjian, with whom I have realized an artist’s book in 2013 about the propitiatory motif of swastika, can be compared with it. Keywords: Soushen houji (Supplement to In Search of the Spirits), wood engraving, Chen Chao-pao, Yin Xin, Li Xinjian, artist’s book

中國鬼神二十、二十一世紀再 現 摘要:柯孟德主編及譯文,以公元四世紀六朝時期陶淵明所著 《搜神後記》為依托,諸多當代藝術家參與其中,從中獲取靈感, 由台灣藝術家陳朝寶、大陸藝術家尹欣、李新建和法國雕塑家讓· 弗 朗 索 瓦 · 菲 哈 侗( Jean-François Ferraton)以木刻形式作插圖, 台灣書法家李匡郎手書某章節。一九九0年 ,由 法 國 里 昂 出 版 社 (Chêne-voyelle)宣厚紙鉛版印刷出版,再現中國鬼神之說。 以其中一章節《死之頭》為例,展現的是一個被埋葬了的死者的 頭顱,從地下浮出。此章節漢字文字由台灣書法家李匡郎手書, 譯文法文與李哲華一同完成,配以陳朝寶典雅婉轉的筆觸, 亦或尹欣那簡樸線條風格的插圖,使得此章節圖文並茂。 此藝術創作書中一些奇幻怪離插圖由李新建彩色鉛筆勾勒,與他 於2013年還合著一藝術創作書,以他數年苦心“卐”萬字符的研究為 主題。 關鍵詞:《搜神后记》, 木刻, 陳朝寶, 尹欣, 李新建,藝術創作 書 Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe

DES FANTÔMES CHINOIS AUX XXe ET XXIe SIÈCLES

Christophe Comentale Musée de l’Homme

Traiter des fantômes, apparitions, visions ou illusions conçues comme la manifestation surnaturelle d’une personne décédée – et qui plus est des fantômes en Chine en cette deuxième décennie du xxie siècle –, relève soit d’un besoin d’exotisme soit d’une volonté pédagogique, soit encore d’une nécessité personnelle ou extérieure drainée par la curiosité d’aller au-delà des apparences. Certes, essayer de déinir ce que peuvent être des esprits revenant dans le monde des vivants aux yeux desquels ils sont visibles, et qui savent se manifester pour le plus grand plaisir et jusqu’à la plus grande frayeur de 143 ces derniers, reste une entreprise séduisante et non dénuée de mystère. Ces créatures – appelons-les donc fantômes – montrent alors qu’elles sont aussi gouvernées par des passions, et retenues par des émotions qui nous échappent parfois, tout en nous faisant nous sentir concernés par leurs ressorts secrets. J’ai eu, il y a une vingtaine d’années, une expérience tout à fait singulière : celle justement qui a consisté à vouloir me pencher sur ces êtres a priori irrationnels. La lecture de ces histoires de fantômes, notamment celle de « Suite d’À la recherche des esprits » (Soushen houji 搜神後 繼), m’a comblé d’aise quant à la profusion des exemples apparus au il des récits de longueurs variables, et donc choisis selon l’impact qu’ils avaient sur mon imaginaire, en liaison avec des situations présentées, décrites comme des séquences de vie, de souvenir, des évocations brèves. Cet ensemble a conservé son lot de paradoxes, de conclusions ou ins sans rationalité apparente ou véritablement énigmatiques : ces paradoxes sont devenus des éléments du domaine du possible. Pour mémoire, le Soushen houji 搜神後記 est attribué au poète Tao Qian 陶潛 (ou Tao Yuanming 陶淵明) qui a vécu sous la dynastie des Jin de l’Est 東晉 (317-420). Le livre est aussi connu sous le titre de Xu Soushenji 續搜神記 ou Soushen xuji 搜神續記, étant alors considéré comme une suite au Soushenji 搜神記 (À la recherche des esprits) de Gan Bao 干寶. Bien que Tao Qian ait traditionnellement été cité comme l’auteur du recueil, des doutes se sont fait jour sous les Ming à Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

l’initiative du lettré Shen Shilong 沈士龍. D’une part en raison de dates controversées sur l’auteur, d’autre part à cause du style jugé inégal selon les textes, si bien que, par ailleurs, certains sont jugés d’époques diférentes. Un ensemble de 117 histoires et de 6 fragments forme le corps de ce recueil. Les histoires permettent de dégager quatre grands types de fantômes : histoires d’immortels et de magie, phénomènes inexpliqués, mariages dans l’au-delà, esprits et animaux étranges… J’ai, pour la curiosité, l’édiication et le plaisir du lecteur, retranscrit ci-après le texte d’un de ces récits1 : « La tête de mort2 »

Yu Jin habitait Xinye. Sa mère étant malade, ses trois frères étaient à son chevet. Le jour, le feu était souvent allumé. Ils s’aperçurent soudain que la moustiquaire s’enroulait seule : la chose se répéta quatre fois. Puis un moment après, ils entendirent devant le lit une voix de chien fort étrange. Ils levèrent d’abord la tête, sans voir de chien, mais, par terre, la tête d’un homme mort : il restait un peu de sang, les yeux cillaient encore : un spectacle vraiment répugnant. 144 Toute la maisonnée était efrayée, mais, comme on ne voulut pas la sortir à l’extérieur de la maison, la tête fut enterrée dans une arrière-cour. Ils repassèrent voir le lendemain : les deux yeux dépassaient du sol. Ils l’enfouirent à nouveau. Deux jours après, elle avait reparu. Ils la mirent une nouvelle fois en terre. Elle ne reit plus surface. Quelques jours après, la mère de Yu mourait.

Comme ce sont les images qui guident mon attention, la canalisent, la fascinent aussi, c’est donc nécessairement en partant de cet axe que j’ai entrepris de traduire un lorilège de nouvelles, choisies – encore une fois – par leur impact sur mon imaginaire. Cependant, m’en tenir uniquement à une traduction maintiendrait, en fait, une frustration : les mots qui constituent le il de ces récits qui s’enchaînent, qui captivent, malgré le savoir du ou des auteurs, ne restent le plus souvent que des mots manipulables selon tant de critères subjectifs.

1. Pour les dates de composition et d’édition de ce recueil, les éléments synthétisés ci-avant sont tirés des données bibliographiques citées dans la partie Bibliographie. 2. Texte de la nouvelle « La tête de mort », parue dans le recueil dont la notice bibliographique est donnée en note 7. Chen Chao-pao et Yin Xin ont réalisé l’un une, l’autre une série de six gravures. Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe

J’ai demandé à diférents créateurs, un Taïwanais, Chen Chao-pao3, un Chinois, Yin Xin4 et à l’éditeur de l’ouvrage, Jean-François Ferraton5, tous trois artistes, de traduire ce que leur inspirait le texte pour les deux premiers et sa traduction pour le troisième. Autre prolongement tout à fait agréable et concret pour cette édition, la calligraphie tracée par Li Kuanglang6, rendue et reproduite sous une forme sérigraphique [ill. 1] réduite par l’imprimeur7. des histoires de fantômes en Chine Loin de moi la tentation de vouloir donner ne fût-ce qu’une esquisse anthologique sur ce séduisant sujet que constitue l’essence du fantôme et de ses manifestations. Le Soushen houji – présenté ci-avant – livre un monde aussi riche de réel que de prolongements vers l’imaginaire avec des créatures appartenant souvent à un monde autre. Je m’en tiendrai à quelques notes synthétiques glanées ici et là, par exemple à la lecture du « Classique des monts et des mers » (Shanhaijing), une continuité de versions manuscrites aboutissant à sa publication

3. Né en 1948 à Changhua (Taiwan), Chen Chao-pao (Chen Chaobao en phonétique ) 145 est diplômé de l’Université nationale des arts de Taiwan (Taipei). Il est illustrateur au quotidien Lianhebao 聯合報 durant les années 1980. Il arrive en 1984 à Paris où il vit jusqu’en 2000. Il est depuis lors enseignant dans son université d’origine. Il a enchaîné depuis 1970 les expositions d’abord collectives puis personnelles à Taiwan, en Asie et en Europe (1984, exposition person- nelle à l’espace Union de Banques à Paris ; 1985, Musée national des beaux-arts, Taipei ; 1986, Musée de l’estampe et du dessin original, Gravelines ; 1997, Musée national d’histoire, Pékin…). 4. Né en 1959 à Kashgar dans le Turkestan chinois, la Révolution culturelle (1966-1976) interrompt sa scolarité. Sa famille migre en 1970 – il s’agit en fait d’exil politique – vers la frontière de la Mongolie. Le tout jeune homme commence alors la copie des peintures de propagande politique. En 1977, il est étudiant au département des Beaux-Arts de l’Université normale du Xinjiang. Il entreprend ensuite un cursus à l’Institut des beaux-arts de Xi’an puis, en 1986, est enseignant à l’Institut des arts du Xinjiang. Il quitte la Chine en 1988 pour aller en Australie étudier à la faculté des arts de l’Institut royal de technologie de Melbourne. Cette première pérégrination est suivie en 1991 d’un cycle de voyages à travers l’Europe et de réalisations artistiques entre Taiwan, Hong-Kong, Beijing et Paris. En 1994, il se ixe à Paris où il travaille depuis lors et enchaîne les expositions individuelles. 5. Né en 1949 à Lyon, il est élève du peintre fresquiste et vitrailliste René-Maria Burlet à l’aca- démie du Minotaure de Lyon de 1978 à 1989. Il sculpte pendant quelques années de nombreux bas-reliefs sur bois, crée en 1985 son propre atelier à l’enseigne du Chêne-Voyelle, et édite jusqu’en 1995 une douzaine de livres d’artiste xylographiés. Il édite également à cette époque des estampes de grands formats et des gaufrages. Il consacre depuis lors son temps à des travaux d’art sacré. 6. Calligraphe taiwanais de la génération de Chen Chao-pao apprécié pour son style délié. 7. Soushen houji, 1990, Rochetaillée : le Chêne-Voyelle. Ill. de 18 xylographies originales de Jean-François Ferraton, Chen Chao-pao ; 18 calligraphies de Li Kuang Lang ; trad. de Christophe Comentale, revue par Li Tche Houa ; [74] f. ; 35 cm. Tiré à 80 ex. (et non 100) numérotés et signés sur chine Xuanzhi. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

xylographique, fruit de la contribution de lettrés, de peintres, de graveurs qui se sont succédé durant les périodes des Royaumes combattants et des Han pour rassembler des données relatives à la géographie et aux légendes de l’Antiquité chinoise. Parmi ces contributeurs si diférents, la tradition a retenu les noms de Liu Xiang 劉香 et de son ils Liu Xin 劉歆, contemporains des Han occidentaux. Ces deux clercs, archivistes, font remonter les sources de cette somme à Yu le Grand ou à son assistant Bo Yi 伯益. La version actuelle est essentiellement celle des Han, commentée sous les Jin par Guo Puzeng 郭璞曾 (276-324) puis sous les Qing par Bi Yuan 畢沅 (1730-1797) (Shanhaijing jiaozheng 山海經新校 正) et He Yixing 郝懿行 (Shanhaijing jianshu 山海經箋疏). D’aucuns considèrent que des éléments pourraient en outre avoir été ajoutés à l’ensemble du temps de Guo Puzeng. Pour ce qui a trait aux illustrations, celles contemporaines des Six Dynasties et des Song, ont disparu ; elles ont été remplacées par d’autres images contemporaines des Ming et des Qing. La structure de l’ensemble obéit à une division extrêmement formalisée. Les 39 textes de l’œuvre sont répartis en 18 fascicules, pour un total de 31 000 caractères. Les données de cet univers ainsi créé présentent 40 pays, 550 montagnes, 300 leuves et cours d’eau, plus de 100 personnages historiques, et 400 animaux aux formes étranges sur 146 fond de récits mythologiques. Un autre recueil d’histoires de fantômes, les « Contes étranges du studio du loisir » (Liáozhāi zhìyì 聊齋志異), est dû à Pu Songling (蒲松 齡, 1640-1715), écrivain de la dynastie des Qing. Ces histoires surnaturelles sont traduites à l’aide d’éléments pris au merveilleux et à l’extraordinaire, par exemple l’union entre un lettré et une créature qui est femme par son enveloppe charnelle, ses réactions, son comportement étant irrationnels et plus ceux d’un être de type fantôme, âme errante qui se manifeste au gré de ses vouloirs. À travers ces histoires se détache le personnage de la femme-renarde, très présente dans les contes populaires chinois. Elle devient ici une justicière qui apporte la paix, tout comme, par ailleurs, l’homme qui s’unit à elle connaît le véritable amour et la réussite aux examens. Outre ces recueils, le « Corpus des livres anciens et modernes » (Gujin tushu jicheng 古今图书集成), est une vaste encyclopédie comprenant 10 040 chapitres et 5 020 fascicules couvrant des sujets obéissant à une classiication spéciique. Pour chacun, des citations ou textes entiers d’œuvres. Elle est compilée sous les Qing sous l’autorité d’un lettré, Chen Menglei ; à sa rédaction commencée en 1706 fait suite une édition en 1726-1728 ; elle constitue une excellente source de textes relatifs aux fantômes. Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe fantômes et création graphique

Ce qui me séduit davantage, c’est de m’étendre sur la traduction visuelle de ces fantômes, même si la tradition les matérialise par une ou plusieurs formes igées d’images devenues des référents parfois sans que cela soit vraiment intéressant. Là encore, les récits multiples qui nous font plonger dans l’iconographie de Zhong Kui8 font heureusement naître des modèles qui inspirent encore l’époque actuelle et diférentes tendances artistiques. Il faut la puissance d’un ego de créateur pour se colleter à ces destructions d’idoles… Ainsi en va-t-il des images que Chen Chao-pao a créées pour accompagner les textes où des images intégrées à ses diférents contextes imaginaires changent alors le registre de l’iconographie produite. de l’insularité au continent : les gravures sur bois de Chen Chao-pao et Yin Xin Pour des raisons objectives, liées à la complexité de la géopolitique, j’ai pu durant la in des années 1970 séjourner plusieurs années à Taiwan, j’étais alors en poste au Musée du vieux palais. Sous la houlette de chercheurs comme Wu Zhifu, homme de lettres et chef du Département 147 des livres rares dans cet établissement, j’ai pu avoir accès à des collections importantes d’images, alors que, parallèlement, des amitiés sont nées d’échanges constructifs. les neuf gravures sur bois de Chen Chao-pao 陳朝寶的 九張木刻 Ainsi en va-t-il de la rencontre avec Chen Chao-pao qui a, alors, opté pour une image ouverte, et puisant à la perfection d’une technique provenant de la formation lente reçue à l’université de Zhenghua. Enfant, explique Chen, j’ai écouté les histoires traditionnelles, tant des romans de cape et d’épée que des histoires destinées à nous émerveiller avec une variété de créations des plus diverses. J’ai vécu une enfance diicile, dans la pauvreté, et souvent, faute de matériel, j’avais tous les pigments naturels possibles à ma disposition lorsque je gardais les poules.

8. Rappelons pour mémoire que, d’après la tradition chinoise, Zhong Kui 鍾馗 a vécu sous la dy- nastie des Tang (618-907) ; ce jeune homme talentueux était très laid. Reçu major aux examens impériaux, sa laideur lui vaut d’être éliminé par l’empereur qui ne le juge pas apte à faire partie de la fonction publique. Zhong Kui se suicide à la suite de cette mesure arbitraire ; à titre posthume l’empereur lui ofre une robe de fonctionnaire et le roi des enfers le nomme chef des fantômes. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

La proximité des animaux a été un marqueur fort pour le développement de thèmes qui ont enthousiasmé son imaginaire. Les beautés traditionnelles deviennent d’une laideur aligeante. « Pourquoi ? » se demande Chen, « Sont-elles de simples créatures ou bien des fantômes qui ne livrent d’eux-mêmes qu’une enveloppe éphémère ? » Il a, outre ces images, réalisé d’autres œuvres, comme cette « Nuit d’été », une lithographie en couleurs où il traite des rapports intimes et imbriqués du yin et du yang comme cela se vériie entre cette beauté alanguie qui forme une sinuosité sur la partie inférieure de l’œuvre alors que, formes sombres sur une pleine lune, un pigeon se rengorge… Chen Chao-pao utilise des papiers diférents, du krat pour les épreuves d’essai, du Rives pour l’édition inalisée. Sur le krat, les tons jouent en la faveur d’un jour plus intense comme d’une matité qui renvoie les personnes à une autre heure de la journée déjà avalée par la puissance du crépuscule tombant. La scène permet la confrontation d’un binôme pour le moins inattendu et antithétique. 148 Pour la série de gravures sur bois réalisées pour le Soushen houji, l’expression graphique de Chen Chao-pao, qui a fait sienne des thèmes principaux comme les personnages, les animaux, un paysage structuré de montagnes et de cours d’eau, un tel vocabulaire va tout à fait convenir à la réalisation d’histoires restituées à un nombre restreint de gravures [ill. 2-6] Illustration 1: Li Kuanglang, 1990, sur bois de il, à 80 exemplaires9 calligraphie d’un texte du Soushen pour l’édition en reliure à icelle, houji, « La tête de mort », interpréta- ainsi que quelques exemplaires tion sérigraphique, 32 x 24 cm rehaussés hors commerce. Les diférentes matrices sont en bois de poirier que Chen Chao-pao grave avec ses gouges et ciseaux. Les premiers tirages d’essai sont autant de tentatives de mise au point dont les rares épreuves vont être rehaussées, maroulées pour devenir des œuvres quasi uniques sur lesquelles les impressions en

9. La notice bibliographique de la Bibliothèque nationale de France précise que l’édition inale a été exécutée à 80 et non à 100 exemplaires comme cela était prévu initialement… Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe

Illustration 2 : Chen Chao-pao, 1990, Illustration 3 : Chen Chao-pao, le Chien jaune, gravure sur bois sur pa- 1990, le Devin tartare, gravure sur pier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, Soushen houji ill. réalisée pour le Soushen houji 149

Illustration 4 : Chen Chao-pao, 1990, Fils de dragon, gravure Illustration 5 : Chen Chao-pao, 1990, la sur bois sur papier xuan, Tête de mort, gravure sur bois sur papier 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée Soushen houji pour le Soushen houji Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

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Illustration 6 : Chen Chao-pao, 1990, Mademoiselle Zhang, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji

ombre noire constituent une ossature qui sait rester dure et dominante, sait devenir une tonalité qui s’eface sur l’intensité contrôlée des couleurs rapidement passées à la brosse ou au pinceau. les deux séries de Yin Xin 尹欣的兩套木刻 Yin Xin, originaire de Kashgar où il naît en 1958, est très inluencé par les modèles iconographiques véhiculés par la propagande révolutionnaire. Son style assez massif sait être descriptif, aller à l’essentiel avec quelques objets, personnages… Tous les sujets sont bons : Dans mon esprit, les fresques des temples et les bannières porteuses de propagande politique se sont mêlées pour former une histoire étrange et vivante. Ces images m’ont ser vi d’enseignement et ont nourri mon intérêt – poursuivi avec candeur – à peindre, quand je réalisais des slogans politiques sur les murs sans en comprendre la signiication10.

10. Notes prises lors d’un entretien avec l’artiste en 1991. Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe

Il réalise lui aussi un ensemble comprenant deux séries de six gravures sur bois de il11, reprend des images qui lui sont familières entre les objets qui se sont imposés. Les personnages sont nés de résurgences aussi lointaines que les modèles igés par le « Classique des monts et des mers ». À propos de l’utilisation de cette technique, il déclare : J’ai choisi la gravure sur bois, cette technique directe, simple, sans ioritures, car c’était le meilleur médium qui me permette de m’exprimer. J’ai utilisé les qualités distinctives du noir et du blanc pour combiner la gravure sur bois traditionnelle chinoise et la gravure occidentale expressionniste. Deux motifs récurrents de mon art sont la culture tibétaine et le bouddhisme12.

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Illustration 7 : Yin Xin, 1993, Illustration 8 : Yin Xin, 1993, la Tête de mort, 2, gravure sur bois la Tête de mort, 5, gravure sur bois sur papier vergé, 32 x 24 cm, ill. sur papier vergé, 32 x 24 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji réalisée pour le Soushen houji

Là encore son plaisir, vif et constant, à mêler des images d’œuvres anciennes à des formes qui sont les siennes, font naître un ensemble d’images qui accompagnent, présentées sous forme de portfolio, les diférentes créatures se succédant dans le Soushen houji [ill. 7 et 8].

11. Suite d'À la recherche des esprits[Soushen houji 搜神後記, 1993, Paris : chez les auteurs, in- troduction et nouvelles traduites par Christophe Comentale, 12 gravures sur bois de Yin Xin. Présentation en portfolio, 32 x 24 cm. Trois exemplaires. Ce tirage très limité est extrêmement fréquent pour ce type de réalisation entre un auteur et un artiste : voir Christophe Comentale, 2010, « le Livre d’artiste d’Est en Ouest ». 12. Christophe Comentale, 2010, « le Livre d’artiste d’Est en Ouest ». Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

les Svastikas de Li Xinjian 李新建的的卐字符 En 2013, j’ai, en collaboration avec Li Xinjian13, réalisé un manuscrit d’artiste à cinq exemplaires14. Li Xinjian m’a proposé des images liées au svastika [ill. 9] tel qu’il l’envisage dans le monde, notamment son pays natal. Son travail de recherche sur ce motif propitiatoire court depuis plus d’une dizaine d’années et est relativement inédit, seules des œuvres, installations, performances en gardant trace. Ainsi, les reliures en accordéon choisies pour cette évocation sont d’un format qui permet une prise en compte assez longue de la narration, en l’occurrence un périple à

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Illustration 9 : Li Xinjian, 2013, Svastikas, crayons de couleurs sur papier xuan, 32 x 46 cm

13. Li Xinjian naît en 1954 dans la province du Sichuan, province du Centre-Ouest de la Chine. Il se tourne tôt vers les beaux-arts. Diplômé de l’Institut des beaux-arts du Sichuan en 1982, il ef- fectue ensuite diférents voyages, notamment au Tibet où il expose dès 1985 ; l’art devient alors une succession de réalisations-performances dans la nature. Il réside ensuite à Paris, s’inscrit à l’Institut des beaux-arts de Paris en 1992, y termine un cursus en peinture mais s’intéresse aussi à d’autres formes artistiques dans le domaine du dessin et des arts graphiques. L’installation dans la capitale s’accompagne de participations à des expositions collectives et individuelles, notamment le salon Jeune Peinture. Il est aussi présent à certains événements internationaux : à Shanghai avec la Biennale du Moca (Musée d’art contemporain) ; à New York, où il participe à Sculpture Space (雕塑的空间展). Il vit depuis quelques années entre Paris et Pékin, où il a son atelier. En novembre 2008 a lieu une exposition d’œuvres récentes, notamment de grands formats en peinture à l’huile, à la galerie sino-taiwanaise Guanxiang. Chercheur infatigable, il travaille activement au thème du svastika, considéré comme un motif permanent au sein de la création. Ce travail a donné lieu à diférents travaux d’écriture encore inédits. 14. Christophe Comentale, Li Xinjian, 2013-2014, Svastikas, Pékin et Paris : chez les auteurs. 20 plis, leporello, édition manuscrite à cinq exemplaires, 32 x 23 cm. Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles Christophe comentaLe travers les siècles et les continents. Il m’a laissé le plaisir et la latitude d’y ajouter mon texte. Au il de ces années, dont la succession s’est égrenée sur les 20 plis d’une reliure en accordéon en papier xuan, nous avons pu évoquer des créatures venues d’ailleurs. Comme pour tous ces êtres fantasmatiques ou réels qui peuplent l’univers de Li Xinjian, chacun a son poids, celui qui inluence nos émotions, tout comme celui qui suscite celles, aussi nombreuses, de ceux qui les regardent. Là encore, les données traditionnelles sont parfois devenues l’expression d’une création personnelle qui viviie, régénère les symboles… Au terme de cette présentation très personnelle de ce que peuvent être des fantômes chinois, il apparaît que les jeux des formes constituent un univers de plaisir, d’émotions aussi, qui rentrent forcément dans l’Histoire, dont l’un des rôles est de léguer les esthétiques successives, celles qui sollicitent l’imaginaire des êtres fugaces que nous sommes…

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Résumé : Wu Guoquan – Hei Gui (吳國全-黑鬼) est un artiste originaire du Hubei vivant à Wuhan. A la in des années quatre-vingt- dix, sa peinture devient un champ exploratoire pour un questionnement des mémoires, sous un angle encore inédit dans le domaine de l’art contemporain chinois, celui de la démonologie et du dialogue analogique avec le monde des bouddhas et des esprits. L’intérêt de sa démarche en tant qu’artiste est double : non seulement, il se réapproprie une tradition qui avait été largement bannie sous la Révolution culturelle, mais il l’étend à d’autres igures de l’art par un envahissement de ses propres codes visuels. La rencontre avec cet artiste s’inscrivait dans une enquête participative qui conduisit son auteur à la création d’une revue trilingue, Avant-garde chinoise, la première à avoir été publiée en Chine continentale depuis 1949. Elle visait à répertorier - sous la forme de monographies - la création sous toutes ses formes à Wuhan, foyer important de la création visuelle en Chine. Hei Gui ouvre, enin, de nouvelles orientations pour la compréhension de l’aléatoire dans l’art mais aussi du rapport au religieux. Mots-clés : Wu Guoquan, Hei Gui, démonologie, Wuhan

Wu Guoquan or Hei Gui, “Black Devil”: the Painter and his Ghosts Abstract: Wu Guoquan — Hei Gui (吳國全 - 黑鬼) is an artist rom Hubei living in Wuhan. In the late nineties, his painting becomes a ield for exploratory questioning memories, even under a new angle in the ield of Chinese contemporary art, that is demonology, an analogy dialogue, with the world of Buddhas and spirits. he interest of his approach as an artist is twofold: not only he reclaims a tradition that was widely banned under the but it extends to other igures of art by an invasion of his own visual codes. he meeting with this artist was part of a participatory investigation that led the author of this article to the creation of a trilingual magazine, Chinese Avant-garde, the irst to be published in mainland China since 1949. It aimed to identify —as monographs— the creation in all its forms in Wuhan, a major focus of visual creation in China. Hei Gui opens, inally, new directions for understanding randomness in art, but also the relationship to religion. Keywords: Wu Guoquan, Hei Gui, demonology, Wuhan

吳國全或黑鬼,一位畫家與他的鬼 摘 要:吳 國 全 ( 黑 鬼 ) 是 一 位 來 自 湖 北 的 藝 術 家 ,生活 在 武 漢 。9 0 年代,藝術家以鬼神學及與佛陀、鬼神模擬對話這一中國當代藝術 領域中新穎獨特的視角,使繪畫成為質詢記憶的探索場域。他的藝 術方法具有雙重意義:藝術家不僅重新啟用文化大革命下被大範圍 驅逐的傳統,且通過蔓延其自身特有的視覺符號,將傳統拓展至藝 術的其它對像中。筆者與藝術家的接觸是互動性質的:對藝術家的 調查作為緣,筆者創立了自1949年起在中國大陸出版的第一本三語 雜誌《中國前鋒藝術》。該雜誌以藝術家專題的形式,旨在編錄作 為中國視覺創作重鎮的武漢市所有的藝術形式。總之,黑鬼開啟了 理解藝術中的偶然性以及與宗教關係的新方向。 關鍵詞:吳國全, 黑鬼, 鬼神學, 武漢 Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot

WU GUOQUAN OU HEI GUI, LE « DIABLE NOIR » : LE PEINTRE ET SES FANTÔMES

Emmanuel Lincot Institut catholique de Paris

L’homme en son milieu. Hei Gui, que nous connaissons et qui compte parmi nos amis les plus véritables, ne peut être natif que du Hubei. Nous l’aimons pour sa forte voix, ses rires, sa perspicacité, sa sagesse qui est aussi folie. Wu Guoquan 吳國權, depuis 1986, est mieux connu des critiques sous le nom de Hei Gui 黑鬼 ou « Diable noir »1. Par nuits de grand froid, il nous invitait fréquemment à deviser sur la peinture. L’alcool aidant, son imagination devenait plus fertile que celle de dix Pu Songling2 réunis. Le contexte a son importance, car c’est à Wuchang, dans une bâtisse sordide où demeurait Hei Gui, que nous avons, pour la première fois, rencontré l’univers des esprits chinois. L’atelier, en clair- 157 obscur, abritait plusieurs dizaines de toiles, des bouteilles d’acrylique et de bière, un matelas enin où, souvent, dormait le ils de Hei Gui. Il y avait là un trésor que nous contribuâmes, modestement, à faire connaître en organisant, en janvier 1997 à Pékin, une exposition destinée initialement à une communauté d’expatriés. Hei Gui se it un nom auprès de personnalités importantes : Gilles Campion, directeur de l’Agence France Presse, Uli Sigg, ambassadeur de Suisse qui possède à ce jour la collection d’art contemporain chinois la plus importante dans le monde3. Hei Gui a, par ailleurs, participé à une aventure éditoriale franco- chinoise singulière, en concevant à nos côtés la maquette et la calligraphie

1. Hei Gui est le ils d’une famille lettrée et révolutionnaire. Le pseudonyme de « Hei Gui » est né lors des rencontres qui ont eu lieu entre le critique et l'artiste. Lire à ce sujet : Peng De, in Gao Minglu [高名潞] (ed.), 2000, Ershiyi shiji zhongguo yishujia 二十一世纪中国艺术家 (Artistes chinois du xxie siècle), p. 115. 2. André Lévy, 2005 (1996), Chroniques de l’étrange (Liaozhai zhiyi 聊齋誌異) ; « Pu Songling », in Dictionnaire de la civilisation chinoise,1998, p. 581. 3. La résidence diplomatique d’Uli Sigg était transformée en véritable musée d’art contempo- rain, le seul digne de ce nom en Chine à la in des années 1990. Uli Sigg procédait à une rotation des œuvres adaptée à ses visiteurs de passage. Rappelons qu’Uli Sigg a joué un rôle important auprès du commissaire Harold Szeeman dans la préparation de la 48e exposition de la Biennale de Venise. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

du titre de notre revue trilingue Avant-garde chinoise.En la matière, Hei Gui bénéiciait d’une réelle expérience. De formation complète, il est aussi éditeur d’art spécialisé dans la publication d’ouvrages portant sur l’archéologie funéraire des Chu (689-278 av. J.-C.)4. Du Hubei, donc. Et l’œuvre comme l’artiste sont indissociablement liés à l’histoire d’une région qui compte d’innombrables légendes et igures de renom contestant, depuis la plus haute antiquité, le pouvoir établi. Le souvenir de Qu Yuan 屈原 (ive-iiie siècle av. J.-C.)5, Guanxiu 貫休 (832-912)6, Su Dongpo 蘇東坡 (1037-1101)7, celui des révoltés de 19118 fait aussi de cette province natale de la Chine l’un des foyers les plus libertaires avec, en son milieu, Wuhan, ville ouvrière, ière de ses traditions sidérurgique, portuaire mais aussi universitaire, et c’est notamment en référence à ce prestige des lettres que Wu Guoquan s’est auto-désigné du nom Guiqui revenait aux candidats ayant réussi leur concours mandarinal9. L’ hom me est grand, solide, parle un dialecte de Wuchang entre deux éclats de rire, heureux de sympathiser avec les « Guizi » les « diables d’étrangers » que nous sommes, vous, lui et moi ; étrangers à nous-mêmes et de passage. Chinois en somme. Hei Gui fut très tôt remarqué par le grand critique Gao Minglu 高名潞 qui, en 1988, reproduisit sa toile s’intitulant Oraison des esprits en enfer dans « l’Histoire des beaux-arts de la Chine contemporaine »10, édité par la Maison du peuple de Shanghai. Hei Gui 158 est, sans doute aujourd’hui, l’un des artistes majeurs de sa génération. Sa rélexion par la poésie et le choix de ses lectures sur la démonologie et le monde surnaturel font de Hei Gui un artiste incontournable en même temps qu’une igure des plus attachantes, poursuivant inlassablement la

4. Le musée de Jingzhou, à l’ouest du Hubei, montre de magniiques spécimens de l’art des Chu (689-278 av. J.-C.) et en particulier le mobilier funéraire du noble Sui. Hei Gui est profondément inluencé par l’art des Chu. Lire à ce sujet : Gao Minglu, in Gao Minglu [高名潞] (ed.), 2000, Er shiyishijizhongguo yi shujia 二十一世纪中国艺术家(Artistes chinois du xxie siècle), p. 170. 5. David Hawkes, 1998, « QuYuan », p. 593. 6. Guanxiu a par ailleurs peint de très nombreux arhats en un temps où le bouddhisme était en- core persécuté. Lire à ce sujet : Barnhart Richard M., 2003, « Les cinq dynasties (907-960) et la dynastie des Song (960-1279) », p. 89 ; Max Loehr, 1980, he Great Painters of China, p. 54. 7. Yves Hervouet, 1998, « Su Dongpo », p. 666. 8. Marie-Claire Bergère, 1994, Sun Yat-Sen. 9. Voir l’interprétation qui est donnée du terme Gui à partir de l’œuvre de Ma Dazhao, conservée sous la forme d’une signature idéographique à la forêt des stèles (Beilin) de Xi’an : Yang Limin [杨立民], 1986, Xi’an Beilin 西安碑林. 10. Emmanuel Lincot (dir.), 1995, Avant-garde chinoise [Zhongguoxianfengyishu 中國先鋒藝 術], no 1 : « Revue trilingue d’art contemporain chinois ». Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot rélexion première de Han Feizi 韓非子11. Notre regard, jamais, n’est fortuit. Ce que nous voyons n’est, sans doute, pas étranger aux images du groupe expérimental CoBrA12. Pure forme. Car, si Hei Gui connaît ce courant artistique pour avoir exposé son œuvre en Belgique, il ne s’inspire pas moins de l’art des Chu, dont la secrète beauté lui a été révélée par son mentor Shi Hu (1942) 13. Ces peintures à forte charge afective communiquent des émotions qui vont de l’émerveillement à la terreur, du dégoût même à la laideur14. Nous, Européens, nourris que nous sommes d’une culture où, pour parler le langage de Marie-José Mondzain, « la lisibilité, l’intelligence du sens, l’accès à la vérité s’appuient sur une économie de la profondeur15 », avons, sous nos yeux, une œuvre d’une opacité dont les signes sont là, cachés dans l’intériorité d’une culture empruntant des chemins singuliers. Déroutants, ces portraits aux mains, doigts, seins et corps mêlés, éreintés, brisés, faits et défaits, jouent avec notre regard. Ces visages fugitifs ont une histoire qui, dans un va-et-vient sans résidu du tableau à l’histoire et de l’histoire au tableau n’a d’autre valeur que d’épreuve ou de déi. Les signes de cette histoire, signes expressifs, expressions, gestes, mouvements, attitudes qui sont les signes exacts des afects, des passions d’une seule famille, naissent et se nourrissent d’un même sol mental, celui de la Chine. Et cette famille, proclame l’artiste, est incestueuse ; 159 son commerce sexuel d’hier ou d’aujourd’hui craignant celui qui est à venir, qui survient, qui est venu, est accueilli dans une permanente excitation d’échanges, de paroles silencieuses, d’images, de caractères, de nombres, de sacriices s’adressant aux dieux, aux démons, aux héros. Le résultat de ces échanges est la contraction de l’esprit en lui-même, de manière que l’esprit se transforme en instrument dont l’artiste serait le maître et magicien. Et nous pouvons envisager, au vu de cette image,

11. Han Feizi (280-233 av. J.-C.) est connu pour ses rélexions sur le légisme. Il est aussi l’auteur d’un texte portant sur la relation au réel. Comme le remarque Yolaine Escande (2001, l ’A r t en Chine, p. 167), ce texte dénote « une diférence fondamentale entre Chine et Occident en ce qui concerne les références esthétiques » : « Il était une fois un voyageur qui faisait des pein- tures pour le roi de Qi. Celui-ci lui demanda : “Qu’est-ce qui est le plus diicile à peindre ? – Les chiens et les chevaux sont les plus diiciles, répondit-il. – Et qu’est-ce qui est le plus facile ? – Les esprits et les démons sont les plus faciles. Car les chiens et les chevaux sont connus des hommes. Nous les avons sous les yeux du matin au soir. On ne peut pas les rendre parfaitement conformes [lei], c’est pourquoi ils sont diiciles. Alors que les esprits et démons n’ont pas de forme. Nous ne les avons pas sous les yeux. Ainsi, ils sont faciles à représenter. » 12. Robert Atkins, 1990, Petit lexique de l’art contemporain, p. 56. 13. Selected paintings of Shi Hu, 1989. 14. Rappelons que le choix d’utiliser le laid ou le bizarre comme moyens d’expression est une constante dans l’art des lettrés, particulièrement à l’époque des Ming avec Xu Wei (1521-1593), Fu Shan (1606-1685) et Shitao (1641-1707 ?). 15. Marie-José Mondzain, 1999, Transparence, opacité ? Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

de faire l’économie de cette fresque de l’étude des signes que le monde de ces portraits, devenus esprits, adresse à celui des hommes pour les avertir, gao 告, des choses passées et futures. Une des dimensions de cette étrangeté, qiguai 奇怪, de cette altérité, réside évidemment dans l’espace du cadre qui se présente à nous, une autre dans le temps. La distinction est classique, et pas seulement chinoise16, dans la théorie de la connaissance et ses modes de transmission : on cherche à connaître le lointain à partir du proche, mais le proche peut être diicile à saisir précisément en raison de son aveuglante proximité. Cette logique qui opère par un mécanisme transitif, que Rémi Mathieu a analysé dans son étude sur les xiaoshuo 小說17, peut aisément se superposer à la pratique du talisman et à son interprétation spirituelle. Regardons au plus près ces igures : pour être troublantes, elles ne nous adressent pas moins, à présent que nous touchons leur réalité, un message irénique en même temps qu’elles sont utilisées comme instrument de prophylaxie. Protéger, tel est le rôle ici de l’image comme du mur, le sanctuaire et l’histoire dans l’espace de la scène représentative qui se déroule sur elle-même en appropriant ses sujets, les fantômes18. Qui sont-ils ? Les membres d’une très vaste bureaucratie céleste, aux attributs divers. Leur nom, gui, est l’homonyme d’un mot signiiant « retourner à la maison » pour désigner, en particulier, les esprits des mal-morts venus perturber la communauté des vivants. Ces 160 morts très spéciaux, dans l’imperfection plus que dans la sainteté, se rebellent en apparence contre la volonté d’oubli. Tenter de comprendre historiquement l’imaginaire social des Chinois auquel nous devons lier ici la notion du croire19, dans la matérialité même de l’image qui nous est donnée à voir, tel peut être aussi l’enjeu, pour l’historien, de cette analyse, ain de mieux comprendre la relation que nous avons au pouvoir de cette apparition onirique et obsédante sur laquelle est fondée le principe et l’œuvre de ce grand artiste, Hei Gui. Nous avons là une série de cartes à jouer aux eigies diverses, procédé qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Chen Hongshou 陳洪綬

16. Ioan Couliano, 1984, Éros et magie à la Renaissance 1484, p. 188. 17. Rémi Mathieu, 2000, Démons et merveilles dans la littérature chinoise des Six Dynasties ; 1989, Anthologie des mythes et légendes de la Chine ancienne. Pour une connaissance plus appro- fondie sur le système des croyances, des fantômes en particulier, lire Judith T. Zeitlin, 2007, he Phantom Heroine. Notons que le thème des démons, et de Zhong Kui les poursuivant en particulier, est récurrent auprès d’un certain nombre d’artistes de la Chine impériale : Gong Kai (1222-1307), Dai Jin (1388-1462) mais aussi Luo Ping (1733-1799) s’en sont inspiré. 18. Kristofer Schipper, 1971, Génies, anges et démons, p. 403. Voir aussi Jacques Pimpaneau, 1999, Chine. Mythes et dieux. 19. À l’inverse de l’ethnologue ou du sociologue, l’historien n’atteint qu’indirectement les in- terprétations et les représentations données par la culture du temps. C’est en s’inspirant de cette démarche que le médiéviste Jean-Claude Schmitt a exploré la notion du croire à travers l’histoire iconographique des gestes en Occident : Jean-Claude Schmitt, 1990, la Raison des gestes dans l’Occident médiéval. Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot

(Chen Laolian), mort en 1652 qui dessina des cartes à jouer représentant les personnages du roman Au bord de l’eau (Shuihuzhuan 水滸傳, 1651) 20. L’on y trouvera Bell, Hitler, Bach, Mahomet, saint Paul… Autant d’identités que de règles, d’enjeux, de stratégies dont l’utilisation ou l’interprétation – qui n’est pas sans rappeler celle des bagua 八卦21 – dépend de ce qu’en font les joueurs : le peintre, ses spectateurs, le Dao. Il y aura les perdants contre les vainqueurs ou les tricheurs – qui sont parfois les mêmes – mais aussi, plus rarement, ceux qui parviendront à briser la muraille de l’entendement quand, en apparence, chaque joueur ne dispose que d’un nombre ini de tactiques élémentaires et que la carte à tirer est tirée parce qu’elle devait l’être, non parce que les conditions déterminées rendraient cet acte inéluctable par raison de causalité mais bien parce qu’une surdétermination non causale, le Dao 道, régit l’univers, les rapports sociaux où l’imprévisible du phénomène peut- être anéanti dans un système d’interprétation logique comme dans son irréductibilité phénoménale. Nous savons que l’analyse des jeux de société ou de stratégie, en Chine, conduit à ne pas considérer le hasard comme un ennemi de la rationalité, dont il convient de réduire l’importance, mais comme l’allié de la raison quand il faut décider en face d’un adversaire plus intelligent22. « Jouer » la carte de Bach, de Mahomet ou de tout autre, au pouvoir intrinsèque, à la suprême vertu, ce De 德 des écrits 161 taoïstes, qui ne saurait être interprété non plus comme un qualiicatif, un attribut du Dao, c’est rechercher, à qui le possédera ou sera possédé par elle, un biais à la pensée tactique, un moyen habile donné au procès des échanges, sans s’enferrer dans la dualité que masque l’emploi de toute détermination. Une carte seule n’explique rien, ne vaut rien. Elle se valorise dans le jeu des échanges régis par une spontanéité de fait, ziran 自然. Chaque carte, chaque igure en appelle une autre, et c’est dans cet échange d’identités, semble nous dire l’artiste, que s’opère la présence prégnante du présent, de notre identité propre inscrite dans la réalité du présent, sur le passé et le futur. Regardons, au plus près, ces igures peintes à l’encre. Elles sont bordées d’un cadre rouge, de nombres ou d’emblèmes qui, pour parler le langage de Marcel Granet, sont remarquables « par une polyvalence propice aux manipulations eicientes23 ». Les nombres, à la façon des emblèmes ou des couleurs, expriment les qualités de certains

20. Au bord de l’eau : lire le commentaire qui en est fait par Jacques Pimpaneau, 1989, Histoire de la littérature chinoise, p. 163. 21. Lire à ce sujet Peng De, in Gao Minglu (ed.), 2000, Er shiyishijizhongguo yi shujia 二十一 世纪中国艺术家, p. 125. Sur les interprétations plus savantes des Bagua et du Yijing : François Jullien, 1993b, Figures de l’immanence. 22. Élisabeth Papineau, 2000, le Jeu dans la Chine contemporaine ; Johan Huizinga, 1988, Homo ludens. 23. Marcel Granet, 1999, la Pensée chinoise, p. 127. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

groupements ou indiquent une ordonnance hiérarchique24. En plus de leur fonction classiicatoire et liée à elle, ces signes ont une fonction protocolaire, conservatoire, qui dure, mais rien ne dure qui ne change et ne devienne. Chaque carte signale la puissance, l’histoire de la igure (xiang 象) comme son prestige et son rang dont la logique hiérarchique inspire tout le système des classiications emblématiques et numériques. Celles-ci nous renvoient à une doctrine forte et profonde qui, faute de pouvoir lui donner une déinition, est un contexte d’expériences concordantes et analogiques ou, plus simplement dit, une façon de voir l’homme en son univers. Ces relations d’emblèmes, de dénominations, loin d’être abstraites, sont pour l’artiste la réalité même, rendue évidente à travers l’ininité d’exemples qui la manifestent. Classer, choisir ces exemples est, pour celui qui les manie, une façon d’inléchir le cours des choses. Leur transformation se donne à lire en une physionomie cosmique marquetée d’innombrables lèches comme le sont l’emblème de ces tarots que l’artiste démiurge, Hei Gui, maîtrise ici avec la virtuosité d’un homme cultivant à la fois l’ironie et une frivolité profonde. Hei Gui ne possède-t-il pas ce curieux pouvoir de dédoublement du moi que Baudelaire jugeait indispensable à l’art25 ? En peinture, il n’a de cesse de déier les commodités de l’habitude en cherchant, dans le choix des formes, et le faire de la peinture, un perpétuel ressourcement dans le 162 divorce. Il se découvre par un dérèglement systématique de tous les sens. Ainsi que l’expliquait Edgar Wind dans Art et anarchie : C’est là un trait de psychologie : lorsque les couleurs, les formes, les tons ou les mots apparaissent en disjonctions ou collisions hardies, et sont ainsi libérés de leur milieu habituel, leur qualité de sensations brutes s’éprouve avec une intensité nouvelle26. Et nous avons là des œuvres qui ne sont que le cadre d’une attente de sens venant des spectateurs. Leurs interprétations sont multiples et jamais l’artiste, dans l’humilité de sa personne ou l’intériorisation des diverses censures, ne coniera, de vive voix, le sens à donner au déploiement de ces énigmes, de ces limites, de ces secrets qui nous relient néanmoins dans un vivre-ensemble que nous n’espérions plus. Pourtant, les œuvres sont face à nous. Choses vivantes, elles respirent, pleines d’énergies tandis que nous vivons aussi en interrogeant cette mémoire visuelle qui forme un anneau intermédiaire entre l’éros de nos fantasmes et la magie du

24. Michel Pastoureau, 1993, Traité d’héraldique. 25. « L’artiste n’est artiste qu’à condition d’être double et de n’ignorer aucun phénomène de sa double nature » : Charles Baudelaire, 1976, Œuvres complètes. II, « De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques », p. 543. 26. Edgar Wind, 1988, Art et anarchie, p. 45. Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot peintre. Du fait que les perceptions aient ici un caractère intrinsèquement fantastique, étant par cela facilement mémorisable, n’importe quel contenu linguistique – mettons des poèmes – peut être superposé à une suite d’images. C’est ce que it, par ailleurs, Hei Gui dans sa collaboration avec le poète Ye Niu 野牛27. Ces images sont des fantasmes produits par la faculté imaginative. Celles-ci participent, au fond, d’une traduction en langage imaginaire du monde environnant pour que notre âme puisse en prendre connaissance. Elles deviennent par là même le lieu inaliénable de l’hospitalité et d’une possible communion. Interrogeons-nous : le collage – que l’on ne confondra pas ici avec le découpage – est-il une pratique courante dans l’art chinois ? Non, pas plus qu’il ne l’a été dans l’art européen avant la réalisation, en 1912, de la Nature morte à la chaise cannée par Pablo Picasso. Ce geste était révolutionnaire dans son procédé. L’artiste avait incorporé dans la surface du tableau un morceau de toile cirée dont le motif imitait un cannage de chaise. La toile cirée, dans son principe et avec son motif en trompe-l’œil, renvoyait à la réalité même du tableau ; pratique qu’expérimentèrent de son côté Wu Changshuo 吳昌碩 (1844-1927) au début du xxe siècle en juxtaposant des images, collées, de tripodes Shang et des textes composés de caractères anciens qu’un Wu Dacheng 吳大澂 (1835-1902) se plaisait à reproduire à une époque où la philologie des premières écritures 163 entreprises par Wang Guowei 王國維 (1877-1927) suscita dans les milieux artistiques une passion d’antiquaire28. Pour Hei Gui qui nous coniait que le collage était « avant tout une pratique de mise en forme et non, comme pour les dadaïstes, une destruction des codes de la peinture29 », le recours à l’encre et la juxtaposition de matières non nobles doivent être compris dans l’acception d’une agression poétique. Nous sommes ici très proches du matiérisme déini par Jean Dubufet30 dans les années 1950, qui par l’association insolite de deux réalités incompatibles à première vue – l’encre, le collage – obtient des efets de relief hétérogènes. Signe d’une réalité a-picturale, c’est par le biais du découpage, de l’appropriation de lambeaux autonomes de la grande rumeur organique et permanente de la cité que Hei Gui entreprend sa démarche appropriative de la nature urbaine. Songeons-y : Hei Gui est un enfant du communisme et de la Révolution culturelle. Né en 1957, au cœur de Wuhan, cette ville ouvrière

27. Ye Niu [野牛], 1993, Ye Niuzai Zhongguoyijiujiuer 野牛在中國 [Jours d’hiver : Ye Niu dans la Chine de 1992]. 28. Lothar Ledderose, 2001b, “Aesthetic appropriation of ancient calligraphy in modern China”, p. 235 ; Nancy Berliner, 1992, “he ‘Eight Brokens’: Chinese trompe-l’oeil painting”, p. 61 ; Gu Tinglong [顧廷龍], 1965, Wu Kezhaixianshengnianpu 吳愙齋先生年譜 (Biographie chronologique de Wu Kezhai). 29. Entretiens, novembre 1996. 30. Marcel Paquet, 1993, Dubufet. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

que Mao Zedong aimait appeler « la petite Hongrie31 », Hei Gui et sa génération ont été longtemps frustrés d’images. Les murs de la Chine maoïste, les – rares – magazines n’étaient bavards que lorsqu’ils étaient porteurs des mots d’ordre du régime et des images de propagande. Les efacer ou les déchirer était une opération ardue, diicile et périlleuse. Il est facile d’imaginer la révolution du regard qui s’est produite en Hei Gui, au début des années 1980 quand, encore étudiant à l’école des beaux-arts du Hubei, il découvrait avec avidité, dans le chaos visuel d’une nature urbaine en pleine reconstitution, les premières publications étrangères de mode féminine, les premières revues érotiques, l’art européen enin. Hei Gui, nous le savons pour l’avoir vu à l’œuvre, a une tendre sympathie mêlée de respect pour les images qu’il découpe. À la manière d’un Mimmo Rotella32 ou d’un Roman Cieslewicz33, il jaillit du caractère de ces fragments du réel urbain une signiication intrinsèque, la découverte d’une latence expressive généralisée. Sait-il que le procédé du collage en Europe – aboutissant à celui plus anonyme de l’image lacérée – éreinté par les Hains et Villeglé, est depuis longtemps institutionnalisé ? Le medium est le même. Seulement, le rapport à l’invisible est diférent. Regardons au plus près de cette œuvre, répartie en quatre registres sur un grand format à fond noir. Le portrait de Marilyn domine. Sur son buste d’autres igures sont empruntées à Delacroix et Courbet ; l’une vue de 164 proil, l’autre vue de dos. Le regard de la première guide le nôtre au-delà de la frontière du tracé peint à l’encre qui enveloppe dans sa volute d’autres images, dont un Vermeer. L’ensemble est en surplomb. Il se trouve à la verticale d’une frise longitudinale où nous sont données à voir, sur la gauche, des cartes à jouer, qu’accompagnent des portraits de chanteurs dont un est remplacé par la igure historique du Père, peinte en 1980 par Luo Zhongli 羅中立34. Avec une intensité et comme un cynisme particuliers, le collage ofre les traits nouveaux d’un art privilégiant le goût de l’ébauche et de l’inachevé. Le dédain de la beauté, la pauvreté des matériaux, leur fragilité, sont-ils synonymes de l’efondrement d’un monde ? On ne peut éviter de penser avec Aragon qui, un siècle plus tôt, s’interrogea comme le it Jean Paulhan pour l’Occident sur le sens de cet oubli des problèmes esthétiques, sur le sens à donner au métier du peintre qui, peut-être, écrivait ce dernier, « n’aura plus à dessiner dans l’avenir,ne fera même plus étaler par d’autres la couleur35 ». Qu’est-ce que le collage pour Hei Gui ? Une nouvelle liberté. Celle d’une perception de l’œuvre se laissant voir dans son entier. Une

31. Siwitt Aray, 1973, les Cent Fleurs. 32. Pierre Restany, 1999, Gilbert Perlein, Éric Troncy, Mimmo Rotella. 33. Roman Cieslewicz, 2001. 34. China Art in the 20th Century, 2000, p. 145. 35. Jean Paulhan, 1990, la Peinture cubiste, p. 160. Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot conception autre de l’espace animée du va-et-vient d’un mouvement se rapprochant jusqu’à toucher l’œuvre ou au contraire s’enfuyant. L’espace demeure dans les pliures du papier, et le vide noir qui joue l’illusion d’un second lieu chimérique est voyageur et mouvant. Nous y entrons. Nous y sommes. Cet espace, réunissant tous les espaces informels – d’une sphère dont le centre serait partout et la circonférence nulle part – nous est du premier coup donné avec l’œuvre et l’artiste, qui nous y conduit sans qu’il y soit, dirait-on, volontaire. Se libère dès lors ce que nous voyons par ailleurs dans l’art funéraire des Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.)36 une étendue dans ce qu’elle a de plus immédiat, de plus innocent, mais de plus indiscutable : une étendue d’avant les espaces qui ne serait soumise au déroulement du temps, en concevant l’origine de toutes choses, qu’à partir d’un dispositif immanent. Le souci de l’artiste ne suit aucunement la préoccupation d’une tradition européenne de la peinture visant à créer un rapport espace-temps. Son œuvre se présente comme une mise entre parenthèses du temps. La perspective, culturellement obsédante en ce qu’elle épuise la conscience dans les retranchements soumis à la question aporétique du « mystère », de l’« absurde », du « néant », y est absente, et le contemplateur que nous sommes n’indexe plus son regard sur le temps passé à l’interprétation de l’œuvre : celle-ci ne s’ofre à aucun enjeu immédiat, excepté le rôle de l’artiste qui, par l’adoption d’une technique 165 nouvelle, reste attaché à la revendication d’une énergie signiiante, d’une force d’éveil tendue vers un horizon libérateur. Concernant Hei Gui, nous avons le souvenir d’un artiste dont la disponibilité et l’ouverture d’esprit nourrissent autant son imagination que la valeur des rélexions qu’il avait coutume d’échanger avec ses interlocuteurs étrangers et chinois. Son succès, qui ne s’est pas démenti auprès des galeristes européens et australiens, n’a pas altéré cette fondamentale fraîcheur qui le caractérise. L’humour, la joie du travail qui est un plaisir et, comme le rappelait souvent Hei Gui, un artisanat, trouve sa justiication dans le seul bonheur du geste, d’un faire qui a aussi valeur d’un exister. Œuvrer c’est vivre. Vivre n’est pas une donnée sociale mais une énergie physiologique à cultiver. Yangsheng 養生, « nourrir la vie », est un principe de sagesse jamais interrompu, le fondement d’une réalité naturelle autant que surnaturelle faisant communiquer de part en part, sans césure ni blocage, une limpidité qui s’enracine dans l’invisible, à partir duquel, et derrière le masque de l’œuvre, se déploie le foisonnement des sensibilités. Ces œuvres n’ont pas de formes particulières. Elles contiennent en elles toutes les concrétisations possibles. Bien qu’elles ne soient pas accompagnées d’un titre, leur indiférenciation, dans l’ordre visuel, semble être en mesure de communiquer avec quoi que ce soit. Ici Marylin est à la sensualité ce que l’image du Père est à la gravité. Leur union, dans l’espace de

36. Wu Hung, 1994, “Beyond the great boundary: Funerary narrative in the Cangshan tomb”. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

l’œuvre, semble répondre à l’adage taoïste qui recommande de ne rien exclure de la pensée ni de la culture qui ne puisse être conçu sans une complémentarité, une confusion primordiale. De là ce parti pris d’une dé-représentation du phénomène, de l’image. Celle-ci ne nous accapare ni ne nous obnubile par sa présence. Bien loin de nous soumettre à une excitation visuelle et imaginative, elle nous libère des inquiétudes éphémères. Elle est déinitivement et positivement fadeur, en ce que sa beauté ne saurait être immobilisée, isolée ou possédée. Nous ne pouvons l’éprouver que globalement et fugitivement, dans le déplacement d’un regard qui échappera à la quête méthodique d’une connaissance rompue à l’exercice de l’analyse. Le matériau est simple : encres et reproductions, sur de petits formats, des gravures bouddhiques de facture Ming réalisées par Wu Bin 吳彬 (1573-1620) 37. Celles-ci illustrent la vie des arhats, du sanskrit arhant signiiant « destructeurs des passions ». Mieux connus en Chine sous le nom de luohan 羅漢, ils sont dans la tradition du bouddhisme mahayana au nombre de 18. Disciples personnels du Bouddha, 16 d’entre eux sont, d’après la tradition, d’origine indienne, auxquels s’ajoutent 2 autres d’origine chinoise. Leur image igure fréquemment à l’entrée des monastères chinois. Les arhats sont dotés de pouvoirs surnaturels et identiiables par un ou plusieurs attributs qui leur sont propres. L’histoire 166 de chacun fait l’objet d’innombrables versions régionales. Hei Gui les a convoqués dans l’orbe d’une perception globale qui enveloppe par la courbe des tracés anthropomorphes, par endroits inachevés38, chacune des scènes où se déroule la légende de ces personnages auxquels, par le biais d’un montage, l’artiste a joint des représentations inversées. Pour interpréter l’œuvre et en déceler la inalité, il convient de s’arrêter sur l’histoire générale de ces igures légendaires à qui les habitants de Wuhan ont dédié un temple célèbre39. Il est une croyance selon laquelle, lorsque Maitreya reviendra parmi les vivants, les arhats rassembleront toutes les reliques de Shakyamuni pour édiier une pagode en son honneur avant de rejoindre eux-mêmes le Nirvana. Chaque luohan est habituellement entouré de plusieurs centaines de disciples. Une très belle série de stèles à

37. Yang Xin, 2003, « La dynastie des Ming », p. 197. 38. L’inachèvement d’une œuvre est signe d’une possible continuité créatrice dans un univers en perpétuel changement. Ainsi, Zhang Yanyuan (810?-880?) explique : « Lorsqu’on peint, il faut surtout éviter de représenter l’aspect extérieur à l’aide des couleurs et de contours nets, de montrer les moindres détails avec minutie, de façon pointilleuse, comme de faire apparaître ou- vertement son adresse. C’est pourquoi ce n’est pas de l’inachevé (guliao) dont il faut se déier, mais bien de l’achevé (liao). Car inachevé ne signiie pas inaccompli. Le véritable achevé est dans l’inachevé, alors que ce que l’on appelle achevé ne l’est pas », cité dans Yolaine Escande, 2001, l’Art en Chine, p. 157. 39. Il s’agit de Guiyuansi, monastère bouddhique fondé sous le règne de Shunzhi (1644-1662). 500 arhats y furent sculptés durant la première moitié du xixe siècle. Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot leur eigie peut aujourd’hui être vue au musée provincial de Hangzhou au Zhejiang40. Voici les principaux : • Le premier de ces arhats est Binduluo 賓度羅 (sanskrit : Pindolabharadraja). La tradition rapporte que sa voix était aussi forte que celle d’un lion. Ses pouvoirs surnaturels lui permettaient de s’envoler à la manière d’un oiseau. Durant une vie antérieure, c’était un ils cruel et méchant. Il dut purger une longue peine d’expiation en enfer où il ne put manger que des briques et des pierres. On le représente d’un air hagard. Ses attributs sont un livre laissé ouvert sur la cuisse et un bâton noueux de mendiant. • Le deuxième est Jianuojia Facuo Zunzhe 迦諾迦伐 蹉尊者 (sanskrit : Kanakavatsa). Originaire du Cach e mire, doué d’une science prodigieuse, il maîtrisait tous les systèmes philosophiques. On le représente sous la forme d’un vieillard chauve et ridé, en méditation avec un bâton de pèlerin. • Jianuojia Baliduoshe 迦諾迦跋釐堕闍尊者 (sanskrit : Kanakabharadraja), ou Pindola dit « le deuxième », appelé encore Kanaka Bharadvaga. Établi dans la région de Purvavideha, il porte une large boucle d’oreille à son lobe gauche. • Supintuo Zunzhe 蘇頻陀尊者 (sanskrit : Nandimitra). Également connu sous le nom de Subhindra, il est établi dans la région de 167 Kuru ; iguré assis un livre à la main gauche tandis que ses doigts de la main opposée montrent au spectateur qu’il a atteint l’éveil avec diligence. Un encensoir brûle à ses côtés. • Nuojuluo Zunzhe 諾距羅尊者 (sanskrit : Vakulaou Nakula). Établi à Jambudvipa en Inde, converti à l’âge de 120 ans au bouddhisme, et l’un des disciples les plus proches du Bouddha. Après avoir choisi une longue et diicile ascèse, il redevient jeune et heureux. On le représente méditant avec un rosaire. À ses côtés est un de ses disciples jeunes. • Batuoluo Zunzhe 跋陀羅尊者 (sanskrit : Bodhidruma). Originaire de Ceylan (Tamrâdvipâ) et ayant, d’après la tradition, un lien de parenté avec le Bouddha, on le représente agenouillé et tenant un chapelet. • Jialijia Zunzhe 迦理迦尊者 (sanskrit : Kâlika). Originaire de Sinha (Ceylan ?), on l’identiie parfois au roi-lion Kâla qui a atteint la voie de la sainteté. Assis en méditation, on le représente les sourcils longs et touchant le sol.

40. La tradition rapporte que le moine Guanxiu, à l’époque des Cinq Dynasties, a été le premier à portraiturer les Lohan. La série des stèles à Hangzhou a été exécutée en 1764 à l’époque des Qing. La description qui suit doit beaucoup aux annotations de Jacques Dars dans Shi Nai’an, 1997, Au bord de l’eau, p. 1058. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

• Fashenafuduo Zunzhe 伐闍羅弗多尊者 (sanskrit : Vijraputra). Il règne sur le Polana à Parnadvîpa. On le représente toujours voûté, amaigri, chevelu et méditant. • Jiebojia Zunzhe 戌博迦尊者 (sanskrit : Gobakale Protecteur). En ascèse dans les montagnes de Grandhamâdana, il est toujours représenté contemplatif, un éventail à la main. • Banduojia Zunzhe 半託迦尊者 (sanskrit : Panthaka, dit Pantha l’ancien). Établi à Trayastrimsat. Frère aîné du seizième Luohan, Chota Panthaka, son nom signiie « né sur la route ». Le nom des deux frères fut donné par leur mère alors en voyage. Le nom Panthaka peut aussi signiier « continuer son chemin » dans le sens de propager la doctrine du Bouddha. Ses capacités surnaturelles sont illimitées : traverser les solides, se changer en feu, en eau et réduire ses dimensions jusqu’à disparaître entièrement. Assis sur un rocher, on le représente comme un gros homme lisant un rouleau. • Luohuluo Zunzhe 羅怙羅尊者 (sanskrit : Râhula), ils du Bouddha, est assigné au Priyangu-dvîpa, un champ de noisetiers et d’herbes aromatiques. Il fut un étudiant zélé de la Loi et un strict défenseur de la Doctrine. Son destin est de mourir et de renaître 168 sept fois en tant que ils du Bouddha. On le représente le crâne rasé « en forme d’ombrelles », c’est-à-dire très bombé avec d’énormes sourcils et un nez crochu. • Najiaxina Zunzhe 那迦犀那尊者 (sanskrit : Nâgasena). Maître de la montagne Pandava à Magadha, on le représente hilare, le crâne cabossé et doué d’un esprit vif. • Yinjietuo Zunzhe 因揭陀尊者 (sanskrit : Angida). Établi dans la montagne Vipulapârsva, on le représente âgé, maintenant des écrits canoniques. • Fanaposi Zunzhe 伐那婆斯尊者 (sanskrit :Vanavâsa). Représenté les paupières closes, agenouillé à l’entrée d’une grotte où il médite. • Ashiduo Zunzhe 阿氏多尊者 (sanskrit : Asita). Vivant dans la montagne Grdhrakuta (les monts du Vautour), on le représente avec de larges sourcils, la tête dans les épaules et retenant son genou droit. • Zhucha Bantuojia Zunzhe 注茶半託迦尊者 (sanskrit : Chota- Panthaka, dit Panthale Jeune). Vivant dans la montagne Ishadhara (chaîne des Sumeru), on le disait stupide et de ce fait, il se voyait méprisé par les autres disciples du Bouddha. Il développa néanmoins, avec l’aide du Bouddha, des facultés intellectuelles exceptionnelles et des pouvoirs surnaturels lui permettant de revêtir n’importe quelle forme désirée. On le représente assis au pied d’un arbre mort, un éventail à la main, prodiguant des conseils. Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot

De l’immixtion de ces igures fantasmatiques aux tracés noirs dans l’espace conventionnel des confréries et de l’histoire bouddhique, il faut donner à l’œuvre, exécutée par Hei Gui, la dimension d’une présynthèse des processus d’éclatement simultanés des langages visuels mais aussi une appropriation des écritures du Bouddha, ce qui est en soi une façon de renouer avec une pratique analogique entre les croyances taoïstes et les rituels bouddhiques dont les échanges s’établissent, comme l’a montré Michel Strickmann, dès le Haut Moyen Âge. Ainsi : La démonologie taoïste, quant à elle, présente des parallèles avec la littérature proto-tantrique, et ofre même certaines convergences… Comme dans les textes proto-tantriques, l’ambivalence des démons est mise à proit. D’agents pathogènes menaçants, les démons principaux sont devenus de puissants alliés. Entre les mains d’un maître de la Loi compétent, leur venin se transforme en antidote41. Et nous avons, sous nos yeux, des jeux caricaturaux, des ghiribizzi pour parler le langage des Italiens à l’époque de la Renaissance, et qui caractérisent si puissamment l’œuvre du milanais Arcimboldo. Qui dit jeu entre des images contraintes à une correspondance, dit nécessairement imitation propitiatoire inspirée de la démonologie taoïste, 169 contre les invectives profanes pour exercer leur pouvoir de prophylaxie ou d’oniromancie42 sous une forme analogue aux sutras psalmodiés. L’image relète ici le rôle de véhicule de la parole divine que jouent les graphies exotiques, comme les joutes oratoires en milieu monacal que l’on prononcera pour se prémunir d’une présence diabolique néfaste ou, au contraire, garantir la participation vivante des divinités au grand festin d’une existence immunisée. Celui qui me contemple, semble dire l’image, n’aura jamais à craindre les entraves à son bonheur. Arhats et fantômes sont solennellement attachés à sa personne par la solidarité d’une image dont les préceptes lui confèrent ici le rôle de talisman omnipotent à partir duquel se reconstitue un œil − monde virtuel ouvert sur l’inini43.

41. Michel Strickmann, 1996, Mantras et mandarins, p. 119. 42. Nous pouvons établir ici un parallèle avec les rélexions de Michel Soymié, 1959, les Songes et leur interprétation en Chine, p. 275. 43. Le regard de Hei Gui prend la carte à jouer ou d’autres motifs comme modèles artistiques d’une esthétique nouvelle qui n’est pas sans rappeler celle des artistes que commente Christine Buci-Glucksmann dans sa remarquable étude de 1996, l’Œil cartographique de l’art. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

biographie

Hei Gui est né en 1957. Après une période estudiantine frondeuse, il obtient en 1983 son diplôme à l’école des beaux-arts du Hubei. Il s’établit sur l’île de Hainan (lieu refuge d’un certain nombre d’intellectuels) pour entreprendre des activités commerciales, puis il enseigne au Département d’art de l’université Jianghan de Wuhan. Membre de l’Association des beaux-arts du Hubei, il est éditeur et artiste indépendant. Hei Gui a fait l’objet d’un ilm (encore non monté) réalisé par Alain Moreau et Marie-José Mondzain (Pékin/Wuhan, août 1997) avec l’assistance d’Emmanuel Lincot en tant que guide et interprète.

iconographie

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Illustration 1 Hei Gui, 1996, Portraits de famille : inceste pur, huile sur toile, 175 x 120 cm, collection privée Reproduction à partir d’Emmanuel Lincot (dir.), 1995, Avant-garde chinoise (Zhongguoxianfengyishu) Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot

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Illustrations 2-3 Hei Gui, 1992, Le jeu de cartes : Bach, Mahomet, encre sur papier Reproduction à partir de Hei Gui de pokepai (Le jeu de poker de Hei Gui), Wuhan meishu chubanshe, 1993 © Avec l’autorisation de l’artiste Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

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Illustration 4 Hei Gui, 1996, Sans titre (encres et collages), collages et encres, 100 x 50 cm. © Avec l’autorisation de l’artiste Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » Emmanuel Lincot

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Illustration 5 Hei Gui, 1997, Arhats et fantômes. Série, papier et encres, 30 x 20 cm © Avec l’autorisation de l’artiste

Résumé : Bien que certains ilms de Teshigahara mettent en scène des fantômes, ils ne sont jamais considérés comme des ilms de fantômes à proprement parler. Pour quelles raisons ? Comme chez d’autres réalisa- teurs (Mizoguchi, Kobayashi, Kurosawa (Akira) ou Kurosawa (Kiyoshi) entre autres), les fantômes dans le cinéma de Teshigahara s’enracinent dans la mythologie et la culture japonaise et se font également l’écho d’autres inluences : ce sont autant de représentations traditionnelles, religieuses et culturelles (littérature, théâtre, cinéma). Les fantômes peuvent prendre forme humaine, animale, devenir objet-créature, voire être invisibles. Ils peuvent être tout puissants ou devoir tout subir. Mais en y recourant, Teshigahara propose en fait la radiographie d’une société en pleine mutation, une réactivation du trauma provoqué par la « catas- trophe » de la guerre et une méditation métaphysique sur le monde mo- derne, la solitude, la mort, la mémoire et l’oubli. Mots-clés : Teshigahara, fantômes, société, trauma, catastrophe, mémoire

Under the Sign of the Mask: what are ghosts the sign of in the cinema of Teshigahara Hiroshi? Abstract: Although some movies of Teshigahara stage ghosts, they never are considered as ghosts’ movies. For what reasons? As at other directors (Mizoguchi, Kobayashi, Kurosawa Akira or Kurosawa Kiyoshi among others) the ghosts in the cinema of Teshigahara take root in the Japanese mythology and culture, and also echo other inluences: they are as much as traditional, religious and cultural representations (literature, theater, ci- nema). he ghosts can take human, animal shape, become objects-creatures, even be invisible. hey can be quite powerful or have to undergo everything. But by resorting to it, Teshigahara proposes in fact the radiography of a fast-changing society, a reenactment of the trauma caused by the “catas- trophe” of the war, and a metaphysical meditation on the modern world, the solitude, the death, the memory and the oblivion. Keywords: Teshigahara, ghosts, society, trauma, catastrophe, memory

仮面に隠れた意味 要約:勅使河原宏のいくつかの映画において、幽霊が登場する が、それは決してゴーストフィルムとはみなされない。それは何故か? 他 の 監 督( 溝 口 、小 林 、黒 澤 明 、黒 澤 清 など )と 同 様 に 、勅 使 河 原 の映画の中の幽霊が基礎としているのは日本神話や文化であり、そ の他の影響も受けているからだ。それらは文学、演劇、映画などに みる文化的な表現であり、伝統的、宗教的である。亡霊は見えない にもかかわらず、生きた物の対象になり、人間や動物の姿で現れる ことができる。彼らは非常に強い力を持っていて、何もかも可能であ る。しかし、勅使河原は実際には 戦争の不幸において引き起こされ たトラウマや社会の性急な変化、そして現代社会、孤独、死、忘却の 記憶におけるX線(見えないものを見えるようにするもの)を提案し ているのである。 キーワード: 勅使河原宏キーワード, 幽霊, 社会,トラウマ, 大 惨事, 記憶 Sous le signe du masque Jacline moriceau

SOUS LE SIGNE DU MASQUE : DE QUOI LES FANTÔMES SONT-ILS LE SIGNE DANS LE CINÉMA DE TESHIGAHARA HIROSHI ?

Jacline Moriceau

En novembre 1961, la compagnie indépendante Art heater Guild (ATG) ouvre à Tokyo ses salles de cinéma destinées à distribuer des ilms étrangers et expérimentaux. Soutenue par la major Toho, cautionnée par des autorités comme Kobayashi Masaki, Kurosawa Akira et Kinoshita Keisuke, elle succède à Cinéma 57, créé par un groupe de jeunes cinéphiles, cinéastes, producteurs, critiques, qui avaient franchisé une petite salle pour projeter des ilms étrangers d’avant-garde. En 1962, ATG programme le premier ilm japonais Traquenard 177 (Otoshiana, 1962) de Teshigahara Hiroshi. C’est la première iction du jeune directeur du Sōgetsu Art Center (SAC) (1959) 1, un espace de programmation et de création, ouvert à tous les jeunes artistes d’avant-garde japonais et étrangers (musique, cinéma, théâtre, danse, peinture, performances). Partie prenante de Cinéma 57 (puis 58, le chifre changeant avec les années), il a déjà tourné des documentaires : Hokusai en 1954 (HK), Ikebana en 1956 (IK), José Torrès en 1959 (JT) et travaillé comme assistant avec Kinoshita Keisuke et le documentariste Kamei Fumio. Traquenard (TR) s’ouvre sur la fuite d’un homme et de son ils, dans une nuit noire angoissante traversée de bruits rauques étranges (chien, train), ponctuée de la lumière aveuglante d’un phare de moto ou de scooter ? Des fantômes sont-ils déjà là2 ?

1. Le Sōgetsu Art Center) s’ouvre en novembre 1959 dans l’école d’arrangement loral (Sōgetsu) créée par Teshigahara Sofu, le père du cinéaste. 2. Les fantômes sont souvent cachés : voir Bernard Frank, Démons et jardins, 2011, p. 14. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Illustration 1 : Traquenard. Le fantôme du mineur assassiné

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Illustration 2 : Traquenard. L’entrée dans le village fantôme

De fuite en fuite, l’homme, un mineur, abusé par de fausses promesses d’embauche, et son ils se retrouvent dans un village désert où ne vit qu’une femme qui trompe sa solitude en noyant, une à une, les fourmis qui grouillent sur les gâteaux de sa boutique. En quittant le Sous le signe du masque Jacline moriceau village, pendant que l’enfant joue avec un têtard, l’homme est suivi et assassiné sauvagement par un mystérieux homme en blanc. L’enfant, de loin, assiste au crime, reconnaissant le tueur qu’il avait vu auparavant en train d’observer son père au téléobjectif. Sitôt mort, le fantôme (yūrei) du mineur se relève, se palpe pour se convaincre de son nouvel état3 et se retrouve dans le village où vaquent tranquillement ses habitants. Mais ceux-ci ne le voient ni ne l’entendent : terriié, il comprend que ce sont aussi des fantômes. Il essaie en vain de communiquer avec son ils. Il n’y réussit pas davantage avec les autres vivants qu’il croise, et tout particulièrement avec un responsable syndical dont il est le sosie et qu’il tente en vain de prévenir du traquenard dont il a été la première victime. En revanche, il pourra communiquer avec le fantôme de la vendeuse, quand celle-ci sera également assassinée. À la présence de ces esprits semblables aux vivants et qui circulent invisibles parmi eux, s’ajoute l’existence d’un bestiaire diégétisé – dans le cas des fourmis ou du têtard – ou extérieur à la diégèse, coupant chaque fois le il narratif : la récurrence d’un corbeau en insert, et à la in du ilm, l’insertion d’un plan qui s’attarde sur des chiens errants à la crête d’un terril, alors qu’en contrebas deux syndicalistes se livrent une lutte mortelle. Ces éléments suisent à poser la question d’autres présences indétectables, « esprits », « êtres à transformations », « mutants4 » 179 (bakemono, oni) qui brouillent les genres, venus à la fois du fonds traditionnel de la culture japonaise et de l’inluence du fantastique occidental et du surréalisme. Pour explorer cette dimension, j’élargirai ma recherche à l’ensemble des œuvres de Teshigahara, depuis son premier documentaire jusqu’à ses dernières réalisations, trente ans plus tard. En efet, la conjonction de ces inluences dans l’utilisation de formes problématiques, le traitement cinématographique qu’en donne le réalisateur produisent un faisceau d’indices concourant à faire de TR une sorte de création programmatique : en l’occurrence Teshigahara ne vise pas tant à communiquer un sentiment d’horreur – sinon très insidieusement, comme nous le verrons – qu’à ouvrir la question de la nécessité du recours au point de vue des fantômes et autres formes et forces surnaturelles, masques, vent, sable. Parce qu’« agents libres, métaphores lexibles, à utiliser pour toutes sortes de ins5 », ils s’avèrent le meilleur auxiliaire du dévoilement des réalités contemporaines, cachées : tensions historiques, économiques, politiques, perversion d’une société

3. Ces gestes vers un corps présent-absent sont repris dans Sixième Sens par l’acteur Bruce Willis. Ils prouvent au protagoniste qu’il était, sans le savoir, un fantôme, semblable à ces fantômes japo- nais qui circulent parmi les vivants et ne peuvent être en paix qu’après avoir achevé leur mission. D’autre part, comme dans Traquenard, seul l’enfant est capable de voir les fantômes. 4. Bernard Frank, 2011, Démons et jardins, p. 38. 5. “Free agents, pliable metaphors, to be used for all sorts of purposes”: Michael D. Foster, 2009, Pandemonium and parade, p. 72. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

fragmentée, en perte de repères, incompréhensible et « mauvaise », réactivation du trauma lié à la peur de la guerre et du bombardement nucléaire.

les fantômes comme autant de représentations traditionnelles Au Japon (et plus largement en Asie), il n’y a pas de frontière entre un genre réaliste ancré dans une vérité historique et le récit fantastique6, le réalisme n’exclut pas le surnaturel. Les « esprits » circulent d’un genre à l’autre, contes, théâtre et iconographie sont inséparables, issus d’un triple héritage : l’héritage religieux du shintoïsme et du bouddhisme, inséparable de l’héritage culturel transmis oralement ou par l’iconographie, les récits et le théâtre, enin la tradition occidentale du fantastique littéraire et cinématographique, proche du surréalisme. l’héritage religieux Toutes les mythologies sont remplies de récits de métamorphoses : dieux se transformant ou transformant d’autres êtres en humains ou en animaux, en oiseaux, en arbres, en leurs, en rivières, en montagnes, en îles, 180 en rochers, en statues7. Ces « êtres mutants » sont doués du pouvoir de se rendre invisibles8, d’adopter des formes anthropomorphes ou des traits aberrants, de se transformer (bake-mono, « êtres à transformations », « mutants »). Ils prêtent à l’occasion les apparences de la vie à des créatures dont on découvre, après coup, la nature trompeuse. L’inluence bouddhiste se conjugue à l’héritage chinois où se manifeste la tradition de la peur des démons, des esprits vengeurs9, qui se retrouve dans les histoires de fantômes (kaidan) reprises aussi par le théâtre kabuki et représentés souvent au début du mois d’août autour des fêtes de l’O-bon. Celles-ci célèbrent, tous les étés depuis des siècles, le retour du fantôme des morts familiers (yurei). l’héritage culturel Mythes, légendes et contes japonais

Identiiés, nommés, les « esprits » constituent un véritable réservoir de personnages, certains très connus, comme par exemple la femme

6. Stéphane Du Mesnildot, 2011, Fantômes du cinéma japonais, p. 19. 7. Voir Hartmut O. Rotermund (dir.), 2000, Religions, croyances et traditions populaires du Japon. 8. Bernard Frank, 2011, Démons et jardins, p. 22, 25, 26, 28, 38, 39. 9. Michael D. Foster, 2009, Pandemonium and parade, p. 6. Sous le signe du masque Jacline moriceau d’Oiwa déigurée et assassinée par son mari Iemon et qui revient se venger. Le récit, réactualisé au xixe siècle dans les Histoires horriiques de Yotsuya, est décliné en romans, contes, drames, iconographie ; dès 1925 il est adapté au cinéma par Yamagami Norio, puis inspire quantité de réalisateurs, de Kobayashi Masaki à Kinoshita Keisuke, de Kato Tai à Kurosawa Kiyoshien passant par Nakagawa Nobuo, entre autres. Popularisé par Hokusai auquel Teshigahara consacre ses premiers essais cinématographiques10, son fantôme s’inscrit dans la tradition japonaise qui veut que l’esprit des morts revienne et puisse se manifester sous toutes les formes vivantes et aussi sous forme d’objet. Le fantôme de la femme déigurée relève d’une légende tenace. Deux occurrences de sa présence semblent bien se manifester dans le Visage d’un autre (Tanin no kao, 1966 – VA), adapté du roman éponyme d’Abe Kōbō. Je résume l’intrigue : à la suite d’une mauvaise manipulation, un ingénieur, Okuyama, gravement blessé au visage, décide de se dissimuler sous un masque. Progressivement, celui-ci, véritable objet-créature, prend possession de son Moi. Alors que l’homme se compare à un monstre (bakemono), émane de son cerveau, dans une bulle, une jeune et jolie femme aux cheveux noirs, marchant dans une rue en protégeant son visage du vent. Lorsqu’elle se retourne, les garçons qui la suivaient reculent tétanisés en découvrant un visage à moitié dévoré de chéloïdes. Un gros plan ixe qui paraît interminable 181 – véritable image- afection11 –, traduit l’efroi et l’horreur qu’elle suscite : signe de la puissance des mots, de l’eicacité de ces esprits inhérents aux paroles (tama) qui dûment prononcées engendrent un résultat conforme à leur contenu12. Quand elle renvoie un ballon aux enfants, son « visage Illustration 3 : Le Visage d’un autre. horrible » (hidoikao) Masque-créature oni les terriie. Dans le

10. Bien qu’il ait largement modiié ce documentaire, Teshigahara ne l’a jamais revendiqué comme son premier ilm, et il en attribuera toujours la paternité à Takiguchi Chuzo, introduc- teur du surréalisme au Japon en 1930, qui n’avait pu l’achever faute de inancement. 11. Gilles Deleuze, 1983, Cinéma 1. L’Image-mouvement, p. 126-127. Voir plus bas note 36. 12. Hartmut O. Rotermund (dir.), 2000, Religions, croyances et traditions populaires du Japon, p. 79 et 86. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

laboratoire futuriste (VA), une autre femme aux longs cheveux noirs semble surgir lentement du vide, à l’arrière-plan de l’image, dans le dos du couple sans doute adultère du docteur et de son inirmière. L’image surréaliste se met au service du fantôme de la femme trompée, laisse planer la menace d’une vengeance, contribuant à l’étrangeté du lieu où s’expérimente un masque « dangereux ». Certains fantômes peuvent prendre de plus en plus d’importance au il du temps, comme le rapporte un autre récit : ainsi de Taira no Masako qui vécut au xe siècle, « le plus rancunier » des esprits guerriers tou- jours craint et honoré, qui it plier hommes d’état, hommes de théâtre et jusqu’à l’armée américaine après la guerre13. C’est à cette catégorie que semble appartenir le protagoniste central du Visage d’un autre, plein de haine envers l’humanité. Ces présences surnaturelles perdurent également, comme nous l’avons vu, dans les formes théâtrales traditionnelles pratiquement inchangées depuis des siècles, où masques, démarches, attitude corporelle, efets spéciaux, (des fantômes ont pu se manifester sous forme de lammes14) contribuent à la création d’une atmosphère d’épouvante. Ainsi du nō dont le principal protagoniste, le shite, généralement masqué, est souvent un revenant. Celui-ci (souvent le fantôme d’un personnage historique célèbre) revient parmi les vivants réclamer vengeance pour avoir été trahi 182 et assassiné. L’argument de la pièce consiste à l’aider à trouver la paix. Les fantômes du Traquenard sont à la fois proches des shite parce qu’ils ont été assassinés sans savoir pourquoi, mais ils s’en distinguent parce qu’ils ne cherchent pas à se venger mais à comprendre, voire à aider les prochaines victimes. Inversement, l’homme déiguré du Visage d’un autre, possédé par son masque, ne songera qu’à se venger.

Inluence occidentale La persistance de thèmes surnaturels des âges anciens, signe d’une acceptation familière de certaines croyances, et d’une conception du réalisme qui inclut la présence quotidienne du surnaturel15, vont trouver un écho profond dans le fantastique anglo-saxon et le surréalisme. Teshigahara est un cinéphile averti. À la tête de la cinémathèque de la Sōgetsu, il programme toutes sortes de ilms : ilms d’animation, ilms russes, ilms muets, cinéma d’avant-garde européens et américains. Il a sans doute vu Dracula, « versant cauchemardesque de l’usine à rêves16 »

13. Mary Picone, 2012, « Fantômes du Japon au il de la vie ». 14. Mary Picone, 2012, « Fantômes du Japon au il de la vie », p. 245. 15. Diane Arnaud, 2010, « L’attraction fantôme dans le cinéma d’horreur japonais contem- porain », p. 123, cité par Stéphane Du Mesnildot, 2011, Fantômes du cinéma japonais, p. 19. 16. Yves Calvet, 2013, « L’âge d’or du fantastique ». Sous le signe du masque Jacline moriceau mis en scène par Tod Browning en 1931, comme le Frankenstein de Mary Shelley, suivi de la Fiancée de Frankenstein par James Whale en 1935. Teshigahara retrouve aussi dans la pensée et l’œuvre de suspense et d’horreur d’Edgar Poe une symbolique liée aux corbeaux déjà présents dans certains mythes et œuvres japonais. Or un corbeau, voire plusieurs, igurent en gros plans dans tous les ilms de Teshigahara, le plus souvent de manière extradiégétique. Romans et ilms posent la question de la monstruosité, question sous- jacente dans le Visage d’un autre, et de l’ambivalence humaine entre horreur et humanité. L’invisibilité du protagoniste Okuyama (VA), l’ingénieur au visage invisible, renvoie à l’Homme invisible, réalisé par James Whale en 1931à partir du roman de Herbert G. Wells. Là, masque ou bandages ne servent pas à cacher l’invisibilité, mais la trop grande visibilité qui les a motivés. Mais c’est à l’Orphée de Cocteau (1950) que renvoie le mineur mort qui se relève. En mettant l’inconscient au premier plan17, le surréalisme, introduit au Japon autour des années 193018, rejoint les fondements mêmes de l’imaginaire et du fantastique de l’art japonais contemporain. « Des images surprenantes surgissent inattendues et imprévisibles dans des raccourcis qui abolissent les distances, réduisent à zéro les diférences d’échelle, dans la nature, l’homme et l’objet 19. » Teshigahara recourt 183 à des images surréalistes : tête coupée, corps morcelé, plans de formes extradiégétiques : porte ouverte sur une longue chevelure de femme – comme celle d’Oiwa – ou de femme descendant dans le vide le long d’un immeuble, sculpture géante et personnages minuscules, multiplication de morceaux de corps, d’oreilles, décalque d’un visage derrière un dessin, bœuf écartelé après un lash éblouissant, métamorphose d’un être humain ou forme surnaturelle du désespoir d’un monde à l’envers20 (TR, VA)… abolissent les repères du temps et de l’espace.

17. La scission conscient-inconscient est européenne. Voir Věra Linhartová, 1987, Dada et le surréalisme au Japon, p. 216. 18. Takiguchi Chuzo traduit Breton en 1930 (ibid., p. 185). Il crée le Club des artistes d’avant- garde en 1936. Avec Yamanaka Chizū et Fukuzawa Ichirō (peintre), il se consacre à l’anima- tion du mouvement surréaliste japonais. Mentionnés par Eluard et Breton dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme (1936) ; voir Michael Lucken, 2001, l’Art du Japon au vingtième siècle, p. 118-119. 19. Věra Linhartová, 1987, Dada et le surréalisme au Japon,« Le surréalisme et les formes ja- ponaises », p. 189. 20. « Revenus d’un simple fundoshi blanc sur les reins, deux [danseurs] font le poirier, tandis qu’un troisième, suspendu, la tête en bas et les bras en croix, cheveux répandus, vient à leur ren- contre du haut. Étonnante mise en scène acrobatique où tous les protagonistes sont à l’envers, invitant à renverser la reproduction pour les retrouver à l’endroit dans un monde à l’envers ? (Marc Dachy, 2002, Dada au Japon, p. 84) Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Illustration 4 : Le Visage d’un autre. Illustration 5 : Le Visage d’un autre. L’éclair blanc L’animal écartelé

Ezra Pound déinit ainsi l’image : « Une image forme un tout intel- lectuel et émotionnel complexe qui surgit en un instant […] c’est la pré- sence d’un tel « tout » qui procure ce sentiment de liberté soudaine : une libération des limites du temps et de l’espace »21. Ces quelques exemples suisent à justiier une lecture plus ine des ilms de Teshigahara pour constater la diiculté à identiier des fantômes- esprits au-delà des apparences, et à s’interroger sur les raisons du recours à ces formes traditionnelles dans son cinéma. 184

présences anthropomorphes Rien ne distingue les fantômes anthropomorphes des vivants. Ils circulent parmi eux, présents-absents, invisibles (TR) et parfois visibles – ils n’ont alors pas d’ombre (VA) – tantôt réduits à l’éternelle réitération de leurs derniers gestes, muets et sourds, ixés dans une éternelle et déinitive permanence, tantôt migrant dans l’espace et le temps (TR). Qui sont ces villageois-fantômes, terriiants par leur simple présence et qui ne communiquent pas avec les autres fantômes ? Certains morts peuvent devenir des démons, et certains vivants souhaitent le devenir, dans un enfer préférable à la vie (TR, VA), mais la plupart sont condamnés à errer,

21. An image is that which presents an intellectual and emotional complex in an instant of time. […] It is the presentation of such a “complex” which gives that sense of sudden liberation: that sense of freedom from time limits and space limits. (A Few Don’ts by an Imagist, cité dans Věra Linhartová, 1987, Dada et le surréalisme au Japon, p. 14. Sous le signe du masque Jacline moriceau

Illustration 6 : Traquenard. Je voudrais devenir un démon

185 amnésiques ou en proie à la faim22, la misère ou l’amertume. Sans réponse à leur questionnement, sans déchifrement de l’opacité des signes. Dans Traquenard, certains indices suggèrent que, malgré les appa- rences, d’autres personnages sont en fait des fantômes ou des igures surnaturelles : l’enfant et le tueur en blanc. En efet, l’enfant dispose de pouvoirs qu’ont (perdu ?) les adultes. C’est le seul à repérer le tueur en blanc armé de son téléobjectif. Loin de nous montrer dans un contre- champ ce qu’observe l’homme, c’est brusquement un gros plan du tueur vu – comme au téléobjectif – par l’enfant que nous livre le plan suivant. Le ilm met en place des strates d’espace-temps étanches, entre lesquelles ne passe aucune communication. À l’égal des autres misérables fantômes du ilm, l’enfant voit tout (ou presque, car il ne voit pas le fantôme de son père) : meurtres et viol, mais il ne parle pas, ne prévient pas son père, constate, mesure le danger mais n’agit pas et pas plus qu’eux ne pourra empêcher les crimes. Quant au tueur, celui qui doit amener les respon- sables de deux syndicats de mineurs, opposés sur la question de la grève, à s’entretuer, qui est-il ? Dans son costume occidental, sa toute-puissance opérationnelle contre laquelle les hommes, même prévenus, ne peuvent

22. Le type de transformation le plus fréquemment cité est celui d’une transformation en démon post-mortem, parfois mort de faim. Une telle renaissance est quelquefois volontaire, provoquée par « la force rémanente du vœu » (Noël Péri), Bernard Frank, 2011, Démons et jardins, p. 52, note 25. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

rien, l’absence inale de tout donneur d’ordre, c’est le seul qui agit, et en toute impunité. On ne sait et on ne saura pas qui manipule ses complices, à quel commanditaire sont destinées les notes qu’il prend à mesure de l’exécution d’un contrat dont nul ne connaîtra les clauses. Parle-t-il tout seul ? ou seul un fantôme pouvait-il entendre ceux qui, à la in, lui de- mandent des comptes et auxquels il répond : « Tout s’est passé comme prévu. » Tous les fantômes n’ont pas le même pouvoir, ni de se téléporter dans l’espace et le temps, ni d’agir. Soit ils sont spectateurs et témoins et ils ne peuvent rien faire – sorte de chœur antique qui au mieux déplore – soit ils sont vengeurs, animés par la haine du genre humain ou l’indiférence, et peuvent agir sur le monde qui les entoure, victimes et criminels à la fois (VA) . Yūrei, oni et autres bakemono se manifestent partout, dans le village de mineurs – un paysage sinistre de terrils, de pierrées, de mares et de boue (TR) – dans le laboratoire futuriste (VA) où ils ont perdu leur ombre, ou dans le désert de sable, comme dans les rues des villes où 186 nul ne les remarque car ils peuvent se métamorphoser ou avancer masqués.

Illustration 7 : Traquenard. Les chiens

métamorphoses : un bestiaire inquiétant Un bestiaire inquiétant habite les œuvres de Teshigahara, indice de la porosité des genres et de leurs tensions. La Femme des sables (FS) ofre un ensemble de propositions sur les changements d’état de la matière, les formes thériomorphes qui peuvent résulter d’une métamorphose. « On n’est pas des bêtes », « Je ne veux pas crever ici comme un chien » crie l’homme au fond du puits de sable avant de dire avec autant de force plus tard : « De toutes façons on est des animaux. » Les insectes occupent le premier plan dans le champ des métamorphoses : dans une estampe d’Hokusai ilmée par Teshigahara, il suit d’une loupe posée sur le visage d’une geisha par un visiteur coquin pour la transformer en insecte (HK). Ils igurent en gros plan dans la bande-annonce de Traquenard avant les planches de l’entomologiste (FS) pris dans le piège de la femme-insecte, femme-araignée, mante religieuse, ou fourmi-lion, comme le dit clairement le roman d’Abe Kōbō. Sous le signe du masque Jacline moriceau

L’homme n’échappe pas à la confusion des genres, insecte épinglé au fond du trou ou rampant à quatre pattes sur les parois de sable, glissant comme ses prises dans le tube d’où il essaie vainement de sortir. Il est aussi ambivalent que les fourmis qu’une instance toute puissante et indiférente noie par désœuvrement, comme seront froidement « liquidés » les syndicalistes tombés dans le traquenard (TR) . Fourmis à la fois ces « êtres étranges, des esprits, des fées » dont parle Lafcadio Hearn23 et citation du Chien andalou (Buñuel, Dalí), à la fois métaphores de l’homme, du mal, mais aussi, quand on sait combien l’œuvre de Dalí a compté pour Teshigahara, signe de l’inini. L’homme-insecte, animal limité, incapable de voler, tente en vain de séduire un corbeau (FS) . La récurrence des oiseaux dans presque tous les ilms de Teshigahara de Hokusai (1954) à la Femme des sables (Sunna no onna, 1964) et Gohime (1993 – GO) en passant par le Visage d’un autre (1966) – parfois haut dans le ciel en bandes bruyantes, parfois, dans un plan ixe, réduit à un œil en gros voire en très gros plan – en fait une i- gure problématique. Posé sur la queue d’un poisson (HK), ou volant hors de portée, lointain ou très proche face à la caméra, sa présence rompt le il narratif à des moments clés de la diégèse. Un œil perçant – est-ce le même, est-ce un autre – scrute les scènes qu’il domine ou observe sans qu’aucun plan ne l’associe à la dié- 187 gèse – hormis dans FS. Il matérialise le « regard à vue d’oiseau » caractéris- tique de l’esthétique japo- naise24, et que l’on trouve souvent dans les plans de cinéma avec ce regard oblique sur les lieux et les êtres, cette mise à dis- tance qui est aussi celle du spectateur. « Voler », 25 ce rêve de Teshigahara , Illustration 8 : La Femme des sables. c’est ce que peut l’oiseau afranchi de ces frontières Le devenir-animal

23. Lafcadio Hearn, 2007, Fantômes du Japon, « Le rêve du papillon et de la fourmi », éditions Le Rocher, Motifs, n° 284, p. 58. 24. « Les scènes sont regardées obliquement, de haut en bas et de droite à gauche selon le mou- vement naturel de l’œil lorsque le rouleau se déroule de la droite vers la gauche. » (Akiyama Terukazu, 1977, la Peinture japonaise, p. 70-73.) 25. Teshigahara a fait de nombreuses calligraphies du signe « Voler ». Voir Teshigahara Hiroshi, 1927-2001, Catalogue de l’exposition, Saitama, 2007, Catalogue de l’Exposition 1927-2001 Teshigahara Hiroshi 2007, Musée de Saitama, p. 46-47, accompagné de ce cartouche :« Tout ce qu’on a appris il faut le jeter chaque fois (l’oublier) pour pouvoir voler. » (Furuta Oribe 1992) Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

que ne peuvent dépasser les possibilités physiques ou intellectuelles de l’homme. Son vol lent conduit l’œil du spectateur au-delà du puits de sable, juste au milieu de la fosse, jusqu’à l’œil démesurément agrandi de la femme (FS). Il est l’image de la liberté, par opposition à l’insecte qui glisse sur les parois du tube à essais26. En gros plan immobile ou inquiet (GO) il impose sa présence – témoin, messager des dieux, instance énon- ciatrice ou relais du spectateur qui s’interroge. Dans la Femme des sables Nikki, dans Traquenard la vendeuse crient leur peur d’être transformés en chiens. Ceux-ci reconnaissent ceux qui sont masqués (VA)27, leurs aboiements dénoncent la fuite de l’homme, mais lui sauvent ainsi la vie (FS) . Mais le plus problématique concerne leur présence à la in de Traquenard : leurs aboiements en « forme » de cris, le contrechamp inattendu sur ces chiens errant en bande28, remontant la crête du terril qui domine la mare où deux hommes s’entretuent. Teshigahara a avoué à ceux qui s’étonnaient qu’il ne savait pas lui- même pourquoi il les avait ilmés. L’attitude apparemment improvisée, brouillonne du réalisateur lors du tournage de Traquenard entraîna le départ de ses deux assistants. Cependant, au montage, Teshigahara reprend ces plans, les insère en contrepoint de la lutte à mort des deux syndicalistes, ainsi que le rapporte Hisashi Igawa, interprète des deux rôles du mineur et de son sosie29. S’agit-il de fantômes ? souvenir de fantômes 188 traditionnels ou résurgence de fantômes « personnels » ? S’agit-il de ces esprits qui hantent les montagnes et dont tout moine shintō vous dira qui ils représentent30 ? Serait-ce le retour du refoulé, le souvenir de plans de chiens dans Life is good (Ikkite te yokatta, 1955), le documentaire consacré par Kamei Fumio aux irradiés et auquel Teshigahara a participé ? Nous en reparlerons, car d’autres indices vont dans ce sens. À côté des igures anthropomorphes et thériomorphes, les ilms mettent en scène d’autres présences surnaturelles, celles d’objets « magiques », dont le plus important est le masque que nous avons déjà évoqué. masques La forme est présente dès la première réalisation de Teshigahara avec un masque à l’œil grand ouvert au générique d’Hokusai (1954). Dans Tokyo

26. Lafcadio Hearn, 2007, Fantômes du Japon, « Celui qui voulait rencontrer Bouddha », p. 78-83 : vautour-moine du conte. 27. Ce qui était déjà le cas dans l’Homme invisible de James Whale. 28. L’un de leurs lieux d’élection est la montagne où ils demeurent seuls ou en bandes (où l’on doit d’ailleurs également prendre garde à la redoutable présence des kami) : Bernard Frank, 2011, Démons et jardins, p. 45. 29. Entretien à Atami avec l’auteur, 9 avril 2010. 30. Fujiya Hotel, 1934-1949, We Japanese, p. 498. Sous le signe du masque Jacline moriceau

1958 (1958) 31, il peut prendre une valeur ludique ou bien, associé au maquillage, un sens plus dramatique, comme ce sera le cas dans le Visage de l’autre. Les lunettes font partie intégrante du masque, elles révèlent une peur maladive d’être réellement vu, mais elles sont également un signe de duplicité. Elles pendent dans la boutique de Traquenard et les complices du tueur en portent32. Dans la Femme des sables c’est tout le village qui prend des masques rituels dans une séquence qui ne igurait ni dans le roman d’Abe Kōbō (sinon de manière très elliptique), ni dans le scénario. C’est un renvoi à des scènes de kabuki, à un sabbat de sorcières, aux terriiants tambours Gojinju33 signes de mort et de renaissance, ou encore aux danses religieuses populaires du bungaku. Le blanc des masques évoque la pureté des dieux, ou la mort (VA). La mascarade, considérée par Teshigahara comme un rite d’initiation34, signe l’intégration de l’homme à la communauté villageoise et ouvre les portes d’un autre monde35.

C’est d’un autre masque qu’il s’agit dans le Visage de l’autre : terriiant et mortifère, il init par investir – anonyme et insoupçonnable – le monde des vivants. Parce qu’il se vit – et se voit – comme un monstre, l’ingénieur Okuyama décide d’adopter un masque pour cacher son visage « explosé ». « Certains monstres veulent ressembler aux gens et 189 vice versa », dit-il, et tandis qu’il continue à parler à sa femme, émerge dans une bulle l’image d’une très jolie jeune femme de proil, générant un récit second qui rompt la linéarité narrative. Tandis que l’homme continue à parler à sa femme, la caméra va suivre l’inconnue jusqu’au gros plan ixe de son visage, aux stigmates terriiants. Silence et arrêt

31. Tokyo 1958, documentaire collectif réalisé dans le cadre des projets du groupe « Cinéma 58 » auquel appartenait Teshigahara. mais aussi Susumu Hani, Yoshiro Kawazu, Sadamu Maruo, Zenzo Matsuyama, Kanzaburo Mushanokoji, Masahiro Ogi, Ryuichiro Sakisaka, Cast D. Richie. Musique Hirô Hara, caméra Yoshikata Fuji, Shee Kikuchi, Hiroshi Segawa. 32. Les lunettes constituent un substitut du masque face à « l’alternative : prendre un masque et vivre sa vie, ou montrer au monde un visage humain et en tirer les conséquences ». Keiko MacDonald, “Stylistic Experiment: Teshigahara’s he face of another”, 2000, From Book to Screen, p. 271. 33. Ashton Dore, 1997, he Delicate hread, p. 96. 34. Joan Mellen, 1975, Voices rom the Japanese Cinema, p. 164. 35. Voir le catalogue de l’exposition Jacques Pimpaneau, Sylvie Pimpaneau, Michel Le Bris (dir.), 2006, Visages des dieux, visages des hommes. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

sur une pure surface de visagéiication36 de l’image afection – « c’est le gros plan et le gros plan c’est le visage », donnant « une lecture afective de tout le ilm37 ». Le gros plan a « le pouvoir d’arracher l’image aux coordonnées spatio-temporelles pour faire surgir l’afect pur en tant qu’exprimé 38 », fait du visage un fantôme et le livre aux fantômes ».En contrepoint d’Okuyama, livré totalement à l’inhumanité du masque, « la ille de Nagasaki » est emblématique de l’ambivalence entre horreur et humanité : elle aussi tente de masquer son proil déiguré à l’aide de ses cheveux, mais le vent, comme une force irrépressible, une balle qu’elle ramasse, l’obligeront à dévoiler son visage et la révèlent alors comme « monstre », pour des Japonais réfugiés dans la mauvaise foi et l’amnésie. Figure ambivalente elle aussi l’incarnation et la mémoire du mal, quand on voit qu’elle laisse derrière elle un univers uniformément gris comme la poussière des bombes, ôtant au monde ses couleurs et sa vie. Ainsi les monstres habitent les villes, démasqués ou invisibles quand le masque s’empare du vivant, ou quand le masque permet, croit-on, d’échapper à soi-même, voire de transformer un vivant en démon39. Car le masque ne s’utilise ni ne se manipule jamais impunément, il entraîne une double vie. Lorsqu’on le lui pose, Okuyama remarque : « C’est étrange, comme si quelqu’un m’avait supplanté… » Il peut encore croire : « Mais je suis moi, rien ne peut changer cela », alors que 190 le médecin annonce : « Je savais que c’était dangereux. » Le masque qu’il s’est obligé à porter et qu’il ne peut plus retirer init par le posséder – « Certains peuvent ôter leur masque facilement, d’autres non », dit le médecin –, captant sa force vitale, créant un être anonyme, dangereux et incontrôlable, livré aux pulsions les plus primitives et les plus meurtrières,

36. Gilles Deleuze, 1983, Cinéma 1. L’Image-mouvement, p. 126-127 : « L’image-afection a pour limite l’afect simple de la peur et l’efacement des visages dans le néant. Elle a pour subs- tance l’afect composé du désir et de l’étonnement qui lui donne vie, et le détournement des visages dans l’ouvert, dans le vif. Tantôt : qu’est-ce que tu as, qu’est-ce que tu sens ou ressens ? et vaut alors par la série intensive que ses parties traversent successivement jusqu’à un paroxysme, chaque partie prenant une sorte d’indépendance momentanée. Traits de visagéité. À quoi penses-tu ? […] le visage pense à quelque chose, se ixe sur un objet, c’est bien le sens de l’admira- tion ou de l’étonnement (wonder). Le visage vaut alors par son contour enveloppant, son unité réléchissante qui élève à soi toutes les parties. Surface de visagéiication. » 37. Eisenstein repris dans ibid., p. 125, cité dans Sylvie Rollet, 2011, Une éthique du regard, p. 99. 38. Gilles Deleuze, 1983, Cinéma 1. L’Image-mouvement, p. 187, cité dans Sylvie Rollet, 2011, Une éthique du regard, p. 77. 39. Bernard Frank, 2011, Démons et jardins, p. 53. Sous le signe du masque Jacline moriceau une force du mal, un oni40, capable d’imposer sa pure et efrayante liberté, et auquel , qui venait d’incarner Iemon dans Illusion of blood (Yotsuya Kaidan, 1965) de Shirō Toyoda, prête son regard désespéré et vide : désormais capable de contaminer la foule, la métamorphosant en autant de fantômes qui débordent l’écran. Écho des photos d’identité du générique, la foule innombrable, ininie, irrespirable, totalement anonymisée, ne libère aucun espace. Les visages aux masques blancs fantomatiques, images de la massiication et de la technologie, aboutissent à la foule sans identité. La foule animée des premiers plans de Hokusai, qui se rendait au spectacle de kabuki, est devenue une décennie plus tard une foule de morts-vivants. Le masque sera-t-il la dernière solution pour survivre dans le monde issu de la « catastrophe », « vérité » (réalité- apparence) mortifère et dernier avatar du Japon ? Contrairement à la igure de l’oiseau, le masque ne reviendra pas – du moins sous une forme explicite – dans les ilms de la seconde carrière de Teshigahara. N’était-il plus nécessaire ? Il conviendra d’y réléchir.

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Illustration 9 : La Femme des sables. L’œil du corbeau

40. Le sens de base du terme oni est celui de « l’âme d’un mort qui revient ». Il aurait pour éty- mologie le mot verbal kakuru, « se cacher », voire « mourir ». Le terme peut également désigner un « esprit irrégulier et obscur » (ibid., p. 15-16 et p. 17 note 3). Les oni sont considérés comme dotés du pouvoir de se rendre invisibles (ibid., p. 22, 25), d’adopter des formes anthropomorphes ou des traits aberrants (ibid., p. 26), de se transformer – bake-mono : « êtres à transformations », « mutants » (ibid., p. 38). Ils prêtent à l’occasion les apparences de la vie à des créatures dont on découvre, après coup, la nature trompeuse (ibid., p. 39). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Masque, corbeau, vent, chiens entre autres présences surnaturelles, autant de fantômes qui relèvent à la fois d’un recours à un vaste fonds tra- ditionnel et culturel mais également d’une intention plus profonde. Les esprits se montrent parce qu’une transgression des normes sociales ou un malheur individuel les condamnent à rester « attachés » à ce monde41. Teshigahara y recourt comme à autant de masques derrière lesquels il faudra voir les tensions historiques, économiques, politiques d’un Japon en voie d’acculturation, la radiographie d’une société incompréhensible, fragmentée, en perte de repères, la nécessaire réactivation du trauma d’une société qui chasse les « monstres », pressée d’oublier la guerre et les bombardements nucléaires.

les fantômes comme témoins un monde en pleine mutation

Les pressions politiques, économiques, esthétiques, institutionnelles et interpersonnelles pèsent sur le Japon d’après-guerre. Intellectuels et artistes contemporains livrent une vision très noire de la société, de la place de l’homme dans le monde nouveau créé par la guerre et le désastre 192 atomique. « Placés devant la défaite quand nous devenions des hommes, nous avons dû renaître et changer la manière dont nous avions été éduqués », dit un jeune réalisateur à Georges Sadoul42. Documentaires et ilms tentent de rendre la réalité ambivalente de cette période fascinante et trouble marquée par des grèves, des tensions violentes et des afrontements meurtriers avec les forces de l’ordre sur fond d’occupation américaine, d’emprise de grands groupes industriels anonymes épargnés par peur du communisme, et d’ambiguïté des syndicats (TR, FS). Le développement des grandes villes – trains, autoroutes urbaines, nouvelles richesses, publicité, débauche de lumières et de bruits – entraîne l’anonymat, la solitude, la perte d’identité. Dans Tokyo 1958, l’utilisation de collages, les gros plans de maquillage et de masques, métaphorisent le jeu des apparences qui cachent l’envers de la nouvelle prospérité du Japon. La frénésie de plaisirs côtoie la misère, ignorant la procession du tableau ancien qui traverse la ville. Dans le décor réaliste de Traquenard se lit la in des mines de charbon au Japon et ses conséquences : villages abandonnés, chômage, misère, peur, privation de liberté, exploitation et oppression des masses misérables par des puissances anonymes, masses abandonnées par le dieu du bonheur dont le masque semble se moquer des victimes du

41. Mary Picone, 2012, « Fantômes du Japon au il de la vie », p. 246. 42. Georges Sadoul, 1964, « Autour d’une indépendance », p. 35-40. Sous le signe du masque Jacline moriceau drame qui se joue sous ses yeux dans la boutique de bonbons. Les yeux de l’acteur de kabuki (T 58) migraient-ils sur les yeux du curieux occidental pour l’obliger à voir cette nouvelle réalité ? Dans les longs métrages qui suivent, le désespoir est total car la mort ne règle rien43. La faim pour toute l’éternité, l’impossibilité d’échapper à la misère, un enfer pire que la vie. C’est le triomphe de la mort, la solitude, l’incommunicabilité. Le tout-autre – et le mort c’est le tout-autre – me regarde et me regarde en m’adressant, sans toutefois me répondre, une prière ou une injonction, une demande ininie qui devient la loi pour moi : elle me regarde, elle me concerne, elle ne s’adresse qu’à moi, tout en m’excédant à l’inini et universellement44. radiographie d’une société déshumanisée « Je sais qui vous êtes ? – Comment êtes-vous sûre que je ne suis pas un autre ? », s’exclame Okuyama furieux (VA). Face à l’opacité des signes, Teshigahara tente une radiographie des tensions parfois violentes entre la société et l’individu : c’est pour trouver un monde dévasté par la perte. La perte d’identité consécutive au refus, au rejet de son identité originelle entraîne des disparitions, produit des êtres interchangeables. Le thème du double développé avec le sosie et le fantôme du mineur dans Traquenard 193 s’ampliie dans le Visage de l’autre au point d’envahir toute la société : la multiplication à l’inini de visages s’agrège en une foule de fantômes qui déborde l’écran, l’envahit à la in et semble danser au son d’une valse légère qui contraste avec le traitement de l’image en noir et blanc. Avec la perte de repères, la société devient incompréhensible. Plus l’homme essaie de comprendre les raisons de son enfouissement (FS), de son meurtre (TR), ou de sa disparition (le Plan déchiqueté –Moetsukitachizu, 196845 – PD), moins il y arrive, et les gros plans inissent par efacer l’identité des êtres et des choses au point de confondre les genres. Misère, corruption (FS, PD), aliénation enchaînent sur la perte de la solidarité d’une société désormais impuissante, indiférente, amnésique. Enin, l’homme morcelé init par perdre son ombre même dans le laboratoire futuriste tout en transparences et en relets du Visage de l’autre. Tout est faux, et les apparences sont trompeuses. Teshigahara confère de la visibilité à l’interrogation centrale de son scénariste, le romancier Abe Kōbō : comment l’homme

43. Kurosawa ne dit pas autre chose dans les Sept samouraïs. Lorsque la vieille paysanne espère être délivrée par la mort de la faim et de la misère, un samouraï intervient brutalement pour dire que rien n’est moins sûr. 44. Jacques Derrida, Echographies de la télévision, Paris, Galilée, 1996, p. 135-137, cité dans Sylvie Rollet, 2011, Une éthique du regard, p. 81 45. Le Plan déchiqueté : un détective privé chargé de retrouver un disparu init par disparaître lui-même. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

contemporain peut-il trouver un accord avec lui-même et la société ? Ruptures narratives et sauts de raccords, images surréalistes traduisent l’incohérence du monde. Son équipe, Segawa Hiroshi, Awazu Kiyoshi, Imai Naotsugu, Takemitsu Toru, entre autres, souvent idèles d’un ilm à l’autre, utilise toutes les ressources du noir et blanc, expérimente les efets spéciaux – images superposées, surexposées, juxtaposées, négatifs, changements d’échelle parfois dans le même plan, passage du plan d’ensemble au très gros plan qui rendent parfois l’image inidentiiable46. Le choix de lumières violentes, agressives, voire aveuglantes (FS, VA) ou de l’obscurité s’accompagne du rôle du silence et de l’apport des sonorités inconnues du « piano préparé47 » initié par John Cage, bruits grinçants ou valse guillerette en décalage permanent avec l’image. Dans Traquenard, Takemitsu Toru charge ses musiciens, Ichiyanagi Toshi et Takahashi Yūji de traduire au « piano préparé » l’étrangeté efrayante du monde d’Abe Kōbō que Teshigahara rend avec plus de force. Le grand éclair blanc qui eface tout, déjà utilisé dans le documentaire consacré à son père, Ikebana (1956), est repris dans la Femme des sables, où l’homme le revit comme un choc qui le rejette à l’intérieur de la cabane ; et plus violemment encore à la in du récit encadré du Visage de l’autre, quand le suicide de la femme déigurée génère un lash qui vaporise l’écran, eface l’image tandis qu’un hurlement de terreur accompagne le plan stupéiant 194 d’un bœuf mort, embroché, sans tête, métamorphose du frère incestueux, métaphore d’un monde à l’envers et souvenir de l ’Â g e d ’o r de Buñuel et de Guernica de Picasso. En accord avec le monde désespérément vide des mineurs, du désert où l’homme lutte tel Sisyphe, aussi inhumain que la grande ville anonyme du Plan déchiqueté qui s’achève sur le cadavre d’un chien écrasé. Les dieux sont morts, ne restent que des insectes, des serpents et des fantômes. Disparition, efacement de toute vie comme à Hiroshima. Car l’explosion qui détruit le visage d’Okuyama détruit également son identité à l’image du Japon. Qu’est-ce qu’un homme ? Une ombre, un multiple, un masque derrière un masque, juste une photo, un fantôme (TR), un animal (FS) , un insecte (FS et VA), interchangeable comme le détective du Plan déchiqueté qui se confond avec le disparu qu’il recherche, condamné à toujours fuir, toujours mourir, à se masquer et à tuer pour tout efacer ?

46. Les exemples abondent. Pour n’en prendre qu’un : dans FS, le plan d’un gros ver blanc qui occupe tout l’écran s’avère être le cou d’une femme, illustrant ainsi la porosité des genres. 47. Le « piano préparé » introduit au Japon par Ichiyanagi Toshi est un piano dont le son a été altéré par divers objets placés dans ses cordes Sous le signe du masque Jacline moriceau réactivation du trauma Tout le monde tente d’efacer de sa mémoire Hiroshima et l’absolue tragédie… les adultes et les manuels scolaires ne font rien pour transmettre aux enfants la mémoire d’Hiroshima… oublier les morts et ceux qui luttent vers la mort48. Le trauma « tire sa présence obsédante de son absence même à la surface de la conscience » analyse Marc Amfreville49. Pour lutter contre l’amnésie, dans le Visage d’un autre, la brûlure accidentelle du visage d’Okuyama fait revivre la blessure du trauma initial – le temps arrêté pour toujours de l’horloge de Nagasaki50. Car « la perturbation [est] induite par le trauma […] un état de détresse, de manque qui justement insiste sur la perte, le démuni, l’irrémédiablement triste51 ». Un trauma se grefe sur une faille antérieure, une béance. Dans un texte posthume publié lors de sa mort (avril 2001), Teshigahara écrivait : « hat sense of catastrophe emerged rom the destructions of war and the social upheaval ater it ended. he inluence that era had upon me was tremendous ». Dans le Visage d’un autre la brûlure, accidentelle, réveille la blessure du trauma initial, la bombe A, et convoque la igure de la femme de Nagasaki, expliquant le surgissement de ce que l’on n’identiie pas clairement, ilm, rêve, souvenir ? et le comportement radical du protagoniste dans sa 195 volonté d’efacement de tous les visages, sa violence, son désir mortifère, associé à une quête ou tentation du vide52. « Le traumatisme historique » n’est pas une « abstraction métaphorique » mais l’« addition physique incarnée, de la somme des traumas individuels53 ». Marc Amfreville étudie les efets du trauma sur les liens qui l’unissent à la violence54 et à l’inceste, éléments que l’on trouve dans le Visage d’un autre. Le temps chronologique, chronos, disparaît au proit d’un temps de l’occasion, de l’événement, kairos, […] avec un brouillage chronologique, l’efacement du temps linéaire au proit de la répétition du surgissement, « reenactment » de la délagration dans la Femme des sables. Les fantômes refont toujours les mêmes gestes, igés dans leur dernière activité, imprimés comme les victimes des bombardements atomiques ; les plans sur l’enfant irradié

48. Oé Kenzaburo, 1996, Notes de Hiroshima, p. 130. 49. Marc Amfreville,2009, Écrits en soufrance. 50. Cette horloge bloquée à 11h02, heure du bombardement de Nagasaki, n’apparaît pas dans le corps du ilm mais dans la bande-annonce. Pour une analyse approfondie de cette image et de cette époque, on se reportera à Mickael Lucken, 2001, l’Art du Japon au vingtième siècle, p. 85 ; 2004, « Les montres brisées », p. 125-153. 51. Marc Amfreville, 2009, Écrits en soufrance, p. 38 52. Marc Amfreville, 2009, Écrits en soufrance p. 170. 53. Marc Amfreville, 2009, Écrits en soufrance, p. 35. 54. Marc Amfreville, 2009, Écrits en soufrance, p. 89 et 140. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

au ventre gonlé, sur un serpent, ont été choisis pour la bande-annonce réalisée par Awazu. Traquenard s’ouvre sur une éclaboussure circulaire noire qui explose ensuite, noire dans son centre et blanche autour, comme une bombe ilmée en plongée. Split screen, écran morcelé, déchiré verticalement ou horizontalement, donnent à voir la simultanéité, ce que voit l’enfant, meurtres, viol, ruines, tracé des morts au sol, insecte, serpent, incendies dans les ruines, dans un ruissellement noir sur blanc, tandis que des mains sans corps tentent d’agripper le vide55. L’image d’une main surgie du néant qui broie un crâne igure dans un dessin d’étudiant56 de Teshigahara et dans une de ses peintures ultérieures57 ; enin, elle occupe l’essentiel de l’aiche du ilm (TR) réalisée par Awazu. Les fantômes du Visage de l’autre incarnent la réponse violente au rejet, au déni et à l’horreur voire la haine que voue la société aux gens déigurés que sont les hibakusha, les irradiés. Le spectateur est amené à s’interroger sur la démarche de l’ingénieur, Okuyama, chez qui ne se manifeste que le refus de son visage déiguré et son désir de le masquer à jamais. Il comprend qu’il s’agit là d’une représentation métaphorique du bombardement nucléaire à partir du moment retardé jusqu’à la in de la première demi-heure de projection, où se met en place le récit second, celui de la femme déigurée. Malgré l’opposition de son scénariste Abe Kōbō, Teshigahara donne de l’ampleur à ce récit au statut indéterminé, 196 dans lequel une jeune femme au proil irradié, couvert de chéloïdes, échappe au viol d’un de ces soldats rendus fous par la guerre. Le temps s’est aussi arrêté pour eux. L’homme à la fois monstre, fantôme et animal, mais comme les fourmis minuscule, impuissant et inini, comme la femme de Nagasaki victime et monstre. C’est donc le récit enchâssé dans un montage parallèle qui donne à revisiter rétrospectivement le récit premier. « Efacement » profond et « dévoilement » retardé sont des représentations de l’importance du traumatisme. « Les spectres, écrivent les époux Maruki, sont le visage de la civilisation du xxe siècle. » Le progrès et la science sont déinitivement du côté de la mort : seule une nouvelle forme de culture pourra rendre aux hommes la conscience de la beauté des choses, écrit Mickael Lucken dans l’ouvrage qu’il consacre aux images d’Hiroshima58.

55. Ce motif fantastique a des antécédents « Au début de l’Étrange créature [Jacques Arnold, 1954], la scène où celle-ci sort de l’eau rappelle celle de Dracula [Tod Browning, 1931] sortant de son cercueil » : Yves Calvet « L’âge d’or du fantastique », 2013, p. 99. 56. 1951, réserves du musée de Chiba 57. « Sans titre » (1952), Autre titre « Sublimation de l’esclavage » également au musée de Chiba. On en trouve la reproduction dans le Catalogue de l’exposition Teshigahara Hiroshi 1927-2001, Saitama, Japon, 2007 p. 80-81 58. Mickael Lucken, 2008, Hiroshima, p. 150. Sous le signe du masque Jacline moriceau conclusion

Un horizon métaphysique surplombe le cinéma de Teshigahara, méditation sur la solitude moderne, la mort, la mémoire – et l’oubli59. Il oblige à penser la relation entre le trauma, la création etla iction. Les individus traumatisés ont besoin pour guérir, de connaître et de se souvenir des événements dont ils ont soufert, et de les intégrer dans leur vie actuelle. Ces événements doivent être élaborés plutôt qu’emmurés au fond de leur psychisme. Chaque individu devra découvrir une signiication personnelle à ces événements pour éviter d’attribuer le traumatisme à un coup de malchance, au destin ou à un accident dénué de signiication60. Les fantômes-esprits sont la métaphore d’une société, une société de fantômes voués à la disparition ou au meurtre : le tueur en blanc, allégorie de la mort, le masque d’Okuyama, autre porteur invisible, impuni, de la mort. Mais peut-être avec le Visage de l’autre, Teshigahara allait-il vers une aporie. Le ilm suivant, le Plan déchiqueté (1968), commence et s’achève sur une disparition et signe la in de la collaboration cinématographique avec Abe Kōbō. Il faudra 17 ans pour que Teshigahara revienne au cinéma. 197 Est-ce qu’une nouvelle culture a pris forme dans les décennies qui séparent le dernier des quatre ilms réalisés avec la collaboration d’Abe Kōbō, et les derniers opus ? Teshigahara est-il sorti des murs qui enserraient la société vide de sens des années 1960 ? Constatons que la guerre, la mort, les massacres continuent, que les puissants ont tout pouvoir sur la vie et la mort de leurs sujets qui ne viennent pas hanter leurs nuits, même si on leur a coupé la tête. Un dernier fantôme : un oiseau en gros plan – une chouette plutôt qu’un corbeau – s’agite derrière des barreaux (GO). Il n’appartient pas à la diégèse, pourtant il s’inquiète. Les derniers ilms, Rikyu (1989) et Gohime (1993) 61, célèbrent à travers deux igures historiques exemplaires les vertus traditionnelles du Japon : cérémonie du thé – préiguré dans le choix de l’homme62 à la in de la Femme des sables – pivot narratif de Gohime, arrangement loral, calligraphie, sculpture. Le cinéma de Teshigahara convoque toutes ses ressources pour relier ses fantômes du passé Rikyu, Furuta Oribe, la princesse Go, Usu aux igures

59. Yves Calvet, 2013, « L’âge d’or du fantastique », p. 99. 60. Caroline Garland, 2001, Comprendre le traumatisme, p. 15, citée dans Marc Amfreville, 2009, Écrits en soufrance, p. 186-187. 61. Rikyu et Gohime mettent en scène deux célèbres maîtres de thé au service d’un shogun : Sen no Rikyu et Furuta Oribe, que leur idélité à une éthique exigeante conduira à la mort. Derrière ces fresques du passé c’est du présent que parle Teshigahara : militarisme, tyrannie. 62. Jacline Moriceau, 2008, « La disparition d’une femme », Cinémaction no 129 p. 186-193. traditionnelles des esprits, et les inscrire dans la modernité d’un Japon en pleine mutation où sa caméra « intranquille » continue à questionner les réalités contemporaines et leur ancrage dans l’histoire. Abtract: his article will analyze the representation of ghost in Taiwanese visual culture, focusing on the work of Tsai Ming-liang. In 2003, in a dialogue of Goodbye, Dragon Inn, he already declared the “death of cinema”—Tsai’s cinema is apparently becoming a ghost itself. But probably, the epitaph for cinema was enounced too early. In Taipei the venues for appreciation of cinema are more and more rich: museums, cofee shops, cinema festivals.... Ater the presentation in Venice Mostra of his ilm Stray Dogs, which was announced as his last one, the director fused moving images with artistic installations, and worked on the memories of cinema by creating an art that is displayed in museums. Filmic ghost, insubstantial presence, Tsai’s cinema is disincarnated like a ghost, pervasive of Taiwanese culture, both scary (is it revengeful?) and reassuring (ater death, something still lingers between the living). Analyzing his work helps us relect on the future incarnations of the cinema medium and its interactions with new media. Keywords: cinema, Tsai Ming-liang, installation, device

Tsai Ming-liang : d’un cinéma de fantômes au fantôme du cinéma Résumé : Cet article analyse les igures fantomatiques de la culture visuelle taïwanaise à travers l’œuvre de Tsai Ming-liang. Tsai lui-même a déclaré la mort du cinéma dans le dialogue de Goodbye, Dragon Inn en 2003, comme si son propre cinéma devenait lui-même fantôme. Pourtant, il semble que l’épitaphe du cinéma ait été prononcé trop tôt. Ces dernières années, les possibilités cinéphiles à Taiwan se sont multipliées : musées, cafés, festivals de cinéma, Tsai lui-même, après la présentation de son travail le plus récent, Stray Dogs (2013), à la Mostra de Venise, annonce qu’il arrête le cinéma, mêlant images mouvantes et installations, et travaille pour la mémoire du cinéma en créant un art exposé dans les musées. Fantôme ilmique, présence intangible, le cinéma de Tsai, désincarné comme un fantôme, imprègne la culture taïwanaise, à la fois efrayant (vengeur ?) et rassurant (après la mort, quelque chose subsiste entre les vivants). Analyser son œuvre nous aide à réléchir aux futures incarnations du médium cinématographique et à ses interactions avec les nouveaux médias. Mots-clés : cinéma, Tsai Ming-liang, installation, dispositif

蔡明亮 : 從鬼神的電影到電影的鬼神 摘要:這片文章通過蔡明亮導演的例子來詢問在臺灣視覺文 化神鬼的形象.在2003拍»不散»,蔡明亮已經透過電影人物的對 話說出»電影已死».但是,那時為電影寫下墓志銘可能是一件太 早的事.其實,十多年後,在臺北享受的機會很繁榮富強:藝術和商 業電影院,電影展覽,咖啡廳也會放映電影,還有網路上發行的... 蔡明亮郊游之後的作品,都在網路上放映/發行的,還是在博物館. 這個轉變包括拍攝的方法,也包含觀看的地點或媒介多元...還 有,我們無法想象的可能性,只可以依靠科幻小說作家的想象力. 蔡明亮展覽是一個很好例子,因為雖然是一個美術館的展覽,但沒有 電影這個展覽就不成立.分析蔡明亮»電影鬼性»的作品會讓我們探 索當代視覺文化的緊急問題:電影與裝置,視覺作品跟觀影者的互動 的可能性,放映的平臺:電影院,網路,博物館...甚至還沒發明的新銳 媒介. 關鍵詞:蔡明亮, 博物館, 電影, «不散» Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema Corrado neri

TSAI MING-LIANG: FROM CINEMA OF GHOSTS TO THE GHOST OF CINEMA

Corrado Neri Université Jean Moulin-Lyon 3, IETT

Malaysian-born, Taiwanese-based Tsai Ming-liang 蔡明亮’s movies have always been obsessed with death and memory—and as a consequence, with ghosts. His highly intellectual, self-referential, auteur ilms are not a variation on popular genre movies, but present instead a representation of ghosts that is both abstract and realist. Realist because he uses minimal signs to let the public perceive, suspect or imagine the presence of 201 supernatural beings infesting the screen. Abstract because these entities can be assimilated to memories, fragments of time past and déjà vu as well as to regrets, thoughts or hopes. Tsai’s cinema is apparently becoming a ghost itself: ater winning the Venice Grand Jury Prize for Stray Dogs (Jiaoyou 郊游) (2013), he announced that he was not going to make any more feature ilms. Yet he probably won’t stop working on the idea and incarnations of cinema, namely by presenting moving images in artistic installations, or working on the memories of cinema by creating art that is exhibited and displayed in museums—as he did in the long hiatus between Stray Dogs and Visage (Lian 臉) (2009). One recent example is the Taiwan pavilion at the Venice Architecture Biennale (2012) where, in between a display of architectural projects, images of a short movie by Tsai were projected. A second relevant example that will be analyzed in the following pages is he heater in the Boiler Room (Guolu li de juchang 鍋爐裡的劇場), an installation by Tsai himself where cinema is represented, evoked and dissected. In this work Tsai uses previously unreleased moving images that cannot fail to evoke his past narrative production, but which are completely dissolved in the apparatus of the installation. As though it were an echo of the forthcoming disappearance of 35-mm analog ilm, Tsai’s cinema is slowly dying and singing its own requiem, while evoking the everlasting Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

presence of what we used to call cinema for the here and now, and for the next generations who perhaps will not know the magic of the cinema experience.

real ghosts in real cinemas: Goodbye, Dragon Inn his subtitle is obviously provocative, since it is beyond the scope of this article to deine “real” cinema, let alone “real” ghosts. Yet Tsai’s feature movie portfolio, though it consists in highly experimental and subversive ilms, remains inscribed in the context of what can be called “global art cinema”,1 a form of art that circulates in international ilm festivals and has a speciic pattern of distribution and exhibition (the cinema screen then DVD or VOD), a normative mode of consumption (being viewed from beginning to end in a quiet, darkened environment), and a narrative which, even if largely elliptical or evocative, can still be described as iction. Tsai Ming-liang’s movies have always been obsessed with love, death and memory—and, as a consequence, with ghosts. His highly intellectual, self-referential, auteur ilms are not a variation on popular 202 genre movies—we won’t ind Sadako-like scary girls with dirty long hair, as we do in the J-Horror fantasies of the 1990s. hey display instead a representation of ghosts that is both abstract and realist. hese three terms require a brief deinition. In many interviews, Tsai speaks of gui 鬼 and shén 神, alternating the two terms. Without hiding his beliefs in the Buddhist religion, when dealing with ghosts the director does not refer to the horror genre in terms of menacing entities from the otherworld seeking revenge. Rather, he situates his representations of supernatural entities in the realm of allegory and religion, switching between the meaning of “spirit” and “presence”, “entity” and “divinity”: the presences that are perceptible in his movies are symbols or ideas of memories, legacies, souls and/or spirits, and they can be read in multiple, overlapping ways—namely, as something “really” lingering in this world ater it dies, but also as the memories that our ancestors leave in this world. He is dealing both with “real” ancestors (mothers and fathers), and with artistic ones (ilms, books and songs that contribute to forming our identities). As suggested above, these evocations are highly abstract, yet they are treated in a realist way. Tsai Ming-liang uses minimal signs to let the

1. Galt Rosalind and Schoonover Karl, 2010, Global Art Cinema, New York: Oxford University Press. Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema Corrado neri public perceive the presence of supernatural beings haunting the screen. he viewer will not see any CGI efects or make-up of any kind. he spirits are made of the same texture as humans—or, maybe, humans are already made of the same material as ghosts. I use the term “abstract” because these entities can be assimilated to memories, to recollections of reincarnation and fragments of time past (or ilms viewed, songs heard or books read), and to déjà vu, regrets, thoughts and hopes. We are in the same universe as that developed by hai ilmmaker Apitchapong Weerasethakul, winner of the 2010 Cannes Film Festival Palme d’Or for the dreamy Uncle Boonmee Who Can Recall His Past Lives, though perhaps the relationship is the other way around, for the hai director has openly acknowledged Tsai’s inluence on his work. As Erik Bordeleau has pointed out: Tsai’s cinema aims at a conversion of our way to look at the world through the systematic use of long, immobile sequence shots. It operates as a phenomenological awakening of our sense of temporality, patiently focusing on the cinematic appearing (and disappearing) of the worlds it displays. he phenomenological world is not pure being, but the sense which is revealed [le sens qui transparaît] where the paths of my various experiences intersect, and also where my own and 203 other people’s intersect and engage each other’s like gears. Following Merleau-Ponty’s observation, Tsai’s cinema could thus be dubbed a cinema of the transparency of things —that is, of how the past shines through them, and in the irst place, his own, autobiographical past.2 Not all of the long, immobile sequence shots in Tsai’s ilms evoke ghostly presences, but many do. One of the most memorable is to be found in Goodbye, Dragon Inn (Bu san 不散)(2003). his ilm features a cinema theater that is to be closed down: this is the last night of trading. he characters we meet are the young, mute projectionist, the girl working at the ticket desk, and the old spectators looking for fugitive encounters in the corridors and toilets. he ilm screened is Dragon Gate Inn (Long kezhan 龍客棧) (1966) by King Hu [Hu Jinquan] 胡金銓. In a reference loop—that is, both a homage cinéphile and a display of mourning for the glory of time past—we see young bodies lung on the screen in a wuxiapian fantasy, and the same actors in the present-day cinema, now aged and sick, looking for limsy pleasures, meeting their illusions and facing the unattainability of their desires.

2. Bordeleau, Eric, 2003, “he care for opacity: On Tsai Ming-Liang’s conservative ilmic gesture? http://www.necsus-ejms.org/the-care-for-opacity-on-tsai-ming-liangs-conservative- ilmic-gesture/(accessed 16/06/2013). Bordeleau quotes Merleau-Ponty Maurice, 2003, Phenomenology of Perception, New York: Routledge, p. xxii. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Many readings can and have been given for this vertiginous mise en abîme of desire, sex, regrets and meditation on the decay of lesh and soul. We can point out here that, if Goodbye, Dragon Inn is undeniably a song that celebrates the illusory character of desire and the transient nature of human life, it is also a celebration of and farewell to a certain form of cinema—the golden age of Mandarin cinema of the 1960s, with its stars, magic and atmosphere, and an innocence that appears forever lost in the multiplication of depictions of contemporary, disillusioned life. Towards the end of the movie we ind an impressive long shot, taken from the point of view of the screen (the camera is facing the audience). he ilm (Dragon Gate Inn) has inished; the last spectators leave the cinema (literally the “last”—it is the last night of business for the old, decaying movie theater). he ticket girl turns on the light. She then starts to climb the stairs, her movement particularly slow since she is limping. She then goes down the stairs and, still at a very slow pace, leaves the room. For more than two minutes the camera stares at the empty cinema; only the sound of the rain ills the scene. he viewers have been exploring the mysterious movements of the audience and have been behind the scenes, in the toilets and down the corridors. Now, everybody has let the movie theater, the music and the dialogue of Dragon Gate Inn have stopped, and the (real) audience is let to stare at an emptied room, still echoing 204 with the human passions that were igniting desires and frustrations, imagination and memories. Needless to say, this sequence is designed to be seen in a movie theater, where the audience is sitting in front of a ghostly reverse shot of itself: sitting in the cinema, the live audience stares at a room that is obviously haunted by invisible, yet perceptible, presences. here is a sense of something that has just disappeared and which is invisible yet weirdly palpable, lingering and haunting. In this extremely long shot (six minutes), Tsai seems to follow André Bazin’s injunction against montage.3 Staring closely at things— places, faces and bodies—the camera can let the reality hidden inside the apparent become visible, perceptible or discernible. his is a transcendental perspective in which the waiting, the patience and the hypnosis of the ixed gaze reveal the soul behind the lesh and the truth behind the illusion. When his cameramen told him to stop ilming (nothing else was happing, the actress had let the frame), Tsai ordered them to stay put, because something was going on: the gazer (the audience, i.e. us) is facing an empty scene, like a distorted mirror, or like a vampire desperately trying to see a relection where only emptiness is to be found. But this disappearance, if watched closely and patiently enough, conceals resilience: something invisible yet perceptible is lurking in the shadows, provided we have the patience to stare long enough.

3. Bazin André, 1999 [1958–1962], Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris: Éditions du Cerf. Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema Corrado neri in the interstice of cinema and installation: It’s a Dream

Tsai’s cinema is apparently becoming a ghost itself: ater the cataclysmic reception of Visage (2009), he waited almost ive years before releasing Stray Dogs and, ater the screening of this last opus at the Venice Film Festival, he announced his retirement. Yet during this period (2009– 2013) he did not stop working on the idea and incarnations of cinema, namely by presenting moving images in artistic installations or working on the memories of cinema by creating art that is exhibited and displayed in museums. Let’s start by evoking a hybrid project, which straddles the “traditional” ilm and an installation: It’s a Dream (Shi meng 是夢) (2007). his project starts as a “classical” ilm, but then multiplies its “apparitions”. It is a 20-minute short, edited to three minutes for the sixtieth anniversary of the Cannes Film Festival (2007). Finally, it appears in an art installation presented at the Venice Biennale by Tsai himself. It is a sort of cinema “resurrected”, recycled, or brought back to life: a ghost of cinema. Tsai explains: he short ilm is called It’s a Dream (2007). It’s about an old and deserted movie theatre of a small town in Malaysia. In 205 this work, Lee Kang-sheng plays the role of my deceased father, along with my mother who played herself, and who was still alive at the time. he ilm is about twenty-two minutes long. Ater shooting it, I tore down a bunch of chairs in the theatre and shipped them to Venice as part of the installation. he movie theatre is an integral part of the work instead of being merely a backdrop. Although one may argue that these seats are just normal seats that can be seen all over the world, I think their appearance actually varies from one country to another. hat is why I wanted to ship the remaining ones to Venice. hey are all usable. As you sit on the seats and you watch the footage I made, you are in my work.4 It is, we might argue, a form of invocation. Cinema—how we used to know it, love it and make it something special—is dead; at the same time, cinema is everywhere—but apparently it has lost its soul. In this work, Tsai tries to achieve an invocation, a sort of séance—calling back to life the soul and the body of something that has been corrupted, and is decaying, and is gone. By simultaneously reconstructing the movie theater of his childhood in the museum and on the screen, he evokes its ghost.

4. Tsai Ming-liang, 2011, “On the Uses and Misuses of Cinema”, in Senses of Cinema, http:// sensesofcinema.com/2011/feature-articles/on-the-uses-and-misuses-of-cinema (accessed 17/06/2013). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

he ghost of the movie theater is summoning the director and asking him to be remembered.5 Unlike other projects—which are discussed below—these images are not re-used (quoted, parodied, displaced, etc.) by other artists, nor ilmed especially for the biennale. It’s a Dream is a ilm that changed its nature, shiting from being a “proper”, traditional ilm to becoming part of an installation. If formerly it demanded to be seen from beginning to end in a movie theater, it then became something that could be enjoyed in a special/unique room—a reconstruction or a summoning of the “original” one (as seen on the screen) —where the spectator is immersed in the very fabric of the creation; spectators enter the very movie theater they will see on the screen, and sit on the same chairs where the actors sit in the movie they are watching. It’s a very concrete dream. Paradoxically, by acquiring corporality—the audience is actually sitting in a movie theater—the ilm itself loses its nature, or is transformed, becoming part of something else, fused with the decor, sewing a dialogue between past and present, becoming rareied like a memory.

cinema transfiguring into ghost: Tsai’s images 206 in architecture In a further transformation, we ind images of Tsai’s movies in installations not created by him. hese images (suggestions, memories, echoes) have entered into another realm of representation; they are no longer used by their own creator, but quoted, projected, distorted and evoked by other artists. he irst installation I want to mention was presented at the Venice Architecture Biennale. I was visiting the Taiwanese pavilion, at the Prigioni near the Palazzo Ducale.6 I entered into a mesmerizing space, both futuristic (i.e. hyper-technologized) and vintage (in that “recycled” was the keyword and everything appeared to be made of eco-friendly material). All of a sudden, in between project models—immersive installations and displays of architectural projects—lickering moving images appear: images from a recent short movie by Tsai.

5. “Every day I visited the theatre with lighting setup [sic] for four scenes. Just shooting a short phrase like that. Go and see this ilm, and you will understand that it was shot out of a one-page manuscript. In this way, a scene with a lit cigarette could burn forever, as the spectators watch it burn… and burn…. It burns for so long; it is actually some sort of invocation. As time goes by, I realize this kind of summoning actually recurs. If you have a chance, you should also try to interpret your dream. It doesn’t have to be about old movie theatres. Many things are waiting to be rediscovered” (Tsai Ming-liang, 2011, “On the Uses and Misuses of Cinema”). 6. See http://www.archdaily.com/262504/venice-biennale-2012-the-collateral-event-architect- geographer-le-foyer-de-taiwan/ (accessed 15/02/13). Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema Corrado neri

his ilm, or rather ghost of a ilm, is barely visible yet unmistakable: it is the 20-minute-long he Walker (Xingzhe 行者)(2013). his “once- a-ilm” shows Lee Kang-sheng 李康生, Tsai’s fetish actor, dressed as a monk, laming red, slowly walking in the bustling commercial streets of Hong Kong. His rhythm is actually more reminiscent of slow motion than walking; his pace strikingly contrasts with the speed of the population. Why do I call this “strange object” a ghost? Because this ilm was once visible in a proper “cinematic” manner (such as at the Hong Kong and Cannes Film Festivals, where it had been shown as part of the collective ilm Beautiful 2012 (Meihao 2012 美好) (2012), or on the Internet7), with its frame and time and pace, its beginning and end. Later (at the Venice Architecture Biennale), the images were barely visible, projected on models and uneven surfaces, and deformed by the three-dimensional space created by the architects. he ghost of narrative cinema, of what used to be narrative cinema, intervenes in an apparently non-narrative project, breaking its storytelling; the ilm cannot be seen or watched, yet it is present. It cannot be appreciated, grasped, criticized or understood. Yet there it is. Casting its lights and shadows on the project-model of a building, casting a shadow on “real life”. he medium is no longer a “ilm”, in that 207 spectators do not expect to see a movie when visiting an architecture exhibition—and, as suggested above, they cannot actually see it. But it is present. It speaks. We can recognize it or not, we can be attentive to its voice or not, but it is unmistakably there. What’s more, it appears like moving graiti, as if the architects, proposing a new way of creating an urban environment in Taiwan, wanted to inscribe the legacy of its cinema—a lickering, pulsing, barely visible legacy. Yet one that attracts the ear and the eye, if only one pays attention. It is, I would argue, a way of paying homage to Tsai’s cinema and to Taiwan’s new cinematic legacy in a possible future, as well as an invitation not to forget what made, for a brief moment, Taiwanese cinema so important on the international scene—and still does in the hearts of cinéphiles. As though it were an echo of the forthcoming disappearance of 35-mm ilm, Tsai’s cinema is slowly dying, and singing its own requiem in the meantime. But this requiem also tells us that cinema can still linger and survive—perhaps in a life ater death (since its very birth, cinema as an art form has been declared dead). he ghost of cinema is nostalgic and sad, but maybe necessary. What is at stake is the menace of losing one’s own identity.

7. See http://www.chinesemovies.com.fr/ilms_Tsai_Mingliang_Walker.htm (accessed 23/05/2013). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Furthermore, the ghost of cinema appears again and elsewhere, for Tsai has opened a café in Taipei—actually, a small chain of cafés. Even here, where the director says he wants to work with customers and do something diferent than cinema, he still manages to project moving images. In these cafés, a short, experimental movie, Moonlight on the River (He shang de yueguang 河上的月光) (2012) is projected on a TV screen installed on the loor. Customers don’t and can’t watch the movie—other people are passing by, there’s cofee to drink and small cakes to eat— but at the same time, the ghostly presence of cinema is there, lingering, appealing, calling for attention and announcing its barely perceptible presence. here are ghosts in the café … and cinema in the café. Besides the uncanny nature of the apparition of ghostly presence in the real world, we can sense that a contemporary preoccupation with the redeinition of cinema is urgent in the ield of ilm studies. Jacques Aumont asks “What is let of cinema?”,8 echoing a recent publication by Raymond Bellour, which asks “Where is cinema now?”9 In the movie theater? In the museum? In installations? On the Internet? On our tablets? On smartphones? On Google glasses? Is the answer “In all of these places”, or is it nowhere to be seen—diluted, passé and outdated? 208 What, indeed, is cinema now? Is it a ghost? What do we retain of the cinematic experience? In this age of multiple screens, what is still deined as “cinema”? Is cinema still alive, or can we declare it dead—and summon it with a séance? Diferent forces are redeining the distribution, consumption and aesthetics of cinema: on the one hand, many voices announce its death, analyzing the decline of the classical cinema industry; on the other hand, we are daily witnessing the multiplication of screens—TV screens, tablets, phones—but also the omnipresence of video art in museums. Can these experiences be assimilated to cinema? Are these deformation, diversiication, and drit, or a further reincarnation of cinema?

ghosts in The Theater in the Boiling Room Tsai Ming-liang—like other ilmmakers (David Lynch, Abbas Kiarostami, Apitchapong Weerasethakul, Jean-Luc Godard)— works both in the traditional ilm circuit and in the art world. In 2012

8. Aumont Jacques, 2013, Que reste-t-il du cinéma?, Paris : Vrin. 9. Bellour Raymond, 2013, la Querelle des dispositifs: Cinéma – installations, expositions, Paris : POL. Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema Corrado neri he created the installation he heater in the Boiler Room (Guolu li de juchang 鍋爐裡的劇場), which redeines the categories of art space, installation, multi-screen, exhibition, and lastly, cinema. Tsai created an installation displayed in the Songshan Cultural and Creative Center (originally built in 1937), used to “propel the operation of Songshan Tobacco Factory with the steam power machinery it contained”.10 he installation was later transferred to the Museum of Contemporary Art (MOCA) in Taipei, where it was selected for the tenth Taishin Arts Award (Dishi jie Taixin yishu jiang 第十屆台新藝 術獎) (2012). he rooms are dimly lit, containing sofas and theater- like chairs, scattered and in apparent disorder; the walls and columns are covered with pearl-colored celluloid; there are piles of televisions towering in a corner, and leeting images of old architecture without humans (a furnace, passages). On the uneven surfaces—walls, pillars, staircases, etc.—projected moving images enter into an uncanny dialogue with the lux of images from the TV screens. hese images have been ilmed by Tsai especially for this installation, unlike in It’s a Dream, where he recycled a previously existing ilm. hese videos are screened in a loop in an environment where the viewing public is free to roam, walk, sit, talk or remain silent. he exhibition hall and the silver screen are merged together. he viewer cannot possibly enjoy the ilm—the 209 museum space is not meant for that—nor is he or she supposed to; yet at the same time, cinema as an art, an institution, an industry and a daily social practice is omnipresent in he heater in the Boiler Room. he dim light makes the viewer feel like he or she is immersed in a multi- layered ilm experience, in a boiler room of images, memories, ghosts and intangible presences. he moving images are absorbed in a chaotic, free, anarchic way, which is very far removed from the regulated experience of narrative cinema in a movie theater. Yet, in this immersion, it is hard not to feel the omnipresent references of Tsai Ming-liang’s ilmic body of work: we can recognize, dancing in neon-lit underground passages, Lee Kang-sheng and Yang Kuei-mei 楊貴媚, Tsai’s favorite actors, who are a substantial part of his ilmic creation. In the installation, the director-turned-artist Tsai Ming-liang relects on the themes that have forged his cinematic practice since the beginning. Cinema is an immaterial support which, paradoxically, has its own speciic texture. he walls of the installation site (the “boiler room”)—and, later, those of the Museum of Contemporary Art—are covered with a white membrane

10. he text goes on: “he building is 14 meters tall, with its 36-meter smokestack towe- ring conspicuously over the factory grounds, making it the major landmark of the Park. Tsai Ming-liang’s installation artwork was exhibited right here in this boiler room, and the- refore given the name he heater in the Boiler Room” [tenth Taishin Arts Award (Dishi jie Taixin yishu jiangi 第十屆台新藝術獎), 2012, p. 110]. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

of aluminum, recalling the silver screen of a movie theater. In this shady maze, immersed in the shadows and illuminated with irregular glimpses of milky light, the viewer/lâneur walks around seeing (rather than watching) lickering images projected onto irregular surfaces, hearing snippets of songs and echoes of footsteps or undeined industrial noises. he spectator sits on an old cinema armchair. It is not cinema, and if it is art, it is an art possessed by the memory of cinema. By the ghost of cinema. Tsai is far from being the only artist dealing with and negotiating the dissemination of images that were once pertinent exclusively to the silver screen—see Apichatpong Weerasethakul’s “Primitive” project, in parallel with his movie Uncle Boonmee; Yang Fudong’s videos full of classic quotations of the Seven Sages, heavily utilizing cinematic moving images but installed in a multi-screen apparatus that cannot fail to dissipate the viewer’s attention, thereby creating a very diferent experience from ilm-watching; or Abbas Kiarostami’s cinematographic installations. However, I argue that Tsai can be considered one of the most consistent artist-directors, obsessively singing a swansong for an already lost art of ilmmaking, disseminating its remains in a process of mourning that assumes ever-changing forms. Filmic ghost, insubstantial presence, nostalgic lux of memory, multi- 210 layered visual experience: Tsai’s narrative cinema is today disincarnated, like a ghost, yet pervasive and ubiquitous in Taiwanese culture, both scary (is it revengeful?) and reassuring (ater death something still lingers on). Even if cinema is almost dead, threatened by small screens and alternative exhibition spaces, and lost in the disappearing spaces of global capitalism, its ghost might still govern, determine and haunt new spaces and ideas. Résumé : En haïlande, les fantômes (devrait-on dire, comme P.-B Lafont, les génies ?) sont partout. Ils n’ont pas à voir uniquement avec des pratiques cultuelles liées aux cultes chtoniens sud-est asiatiques, ils sont partie intégrante de la vie quotidienne et culturelle des haïlandais. En siamois, on emploie le mot /phĭː/ (fantôme, esprit) dans de nombreuses expressions, /phĭː sùʔra:/ ou /phĭː pháʔnan/ par exemple, pour désigner des personnes obsédées par l’alcool ou le jeu, comme si elles étaient possédées par un esprit maléique. La littérature classique et, plus encore, contemporaine, exploite ce thème dans nouvelles et romans : le maître du genre est Hem Vejchakorn, auteur de dizaines d’œuvres, tandis que le cinéma contemporain s’est accaparé, entre autres, la fameuse légende de Nang Nak, histoire d’amour éternel, adaptée une vingtaine de fois (feuilletons télévisés, ilms et même comédie musicale). Les fantômes qui hantent les haïlandais et dont ils se délectent avec terreur ne sont en fait que le relet, ou l’expression, de leurs propres désirs. Ce sont des sentiments universels, l’amour, la passion, la colère ou même la vengeance qui sont les véritables protagonistes de ces histoires efrayantes. Dans une telle optique, le fantôme pourrait être en quelque sorte notre double, notre représentant dans un au-delà dont nous craignons tout, dès que nous sommes conscients de nos tares. Ne faut-il pas alors y voir, plus que des croyances indigènes, la trace omniprésente du bouddhisme ? Mots-clés : littérature, cinéma, culture, bouddhisme, croyance, haïlande

Love, revenge, death: ghosts in Thai contemporary literature and cinema Abstract: In hailand, ghosts (or should we call them “genies” like P.-B. Lafont?) are everywhere. hey are not only related to the religious customs associated with the South-Eastern infernal worships, but are an integral part of the everyday and cultural life of the hais. In Siamese, the word /phĭː/ (ghost, spirit) is used in many expressions, /phĭː sùʔra:/ ou /phĭː pháʔnan/ for example, to refer to persons who are obsessed by alco- hol or gambling, as if they were possessed by an evil spirit. Classical and, even more, contemporary literature, expands this topic in short stories and novels: the master of this genre is Hem Vejchakorn, author of do- zens of works, while contemporary cinema has taken up, among others, the famous legend of Nang Nak, a story of eternal love, which have been adapted around twenty times (TV series, ilms and even a musical). he ghosts who haunt the hais and whom they enjoy with terror are only the relection, or the expression, of their own desires. Universal feelings, like love, passion, anger or even revenge are the leading roles of these righte- ning stories. In this perspective, we think that ghosts, in a way, could be our double, our representative in a next life which we are largely araid of as soon as we are aware of our sins. Should we not recognize in it, rather than some indigenous beliefs, the pervasive mark of Buddhism? Keywords: literature, ilm, culture, Buddhism, belief, hailand

ความรัก ความแค,น ความตาย :ผีในวรรณกรรมและภาพยนตร์ไทยร่วมสมัยไทยร,วม สม ัย

นามธรรม: ส�าหรับประเทศไทย ผีหรือที่ศาตราจารย์ปิแยร์-แบร์นาร์ด ลาฟง เรียกว่าภูต มีอยู่ทุกหนทุกแห่ง ทั้งนี้ไม่ได้หมายถึงภูตผีที่ปรากฎในพิธีกรรมต่างๆตามความเชื่อของ ชาวอุษาอาคเนย์เท่านั้น แต่เรื่องภูติผีปีศาจนั้นเป็นสิ่งหนึ่งและส่วนหนึ่งวัฒนธรรมและ ชีวิตประจ�าวันของคนไทย ในภาษาไทยค�าว่าผีปรากฎอยู่ในค�าศัพท์หลายๆค�า เช่น ผีสุรา ผี พนัน ซึ่งหมายถึงคนที่ติดสิ่งมึนเมาหรือการพนันมากราวกับว่าถูกวิญญาณชั่วร้ายสิงสู่ ใน วรรณคดีและโดยเฉพาะวรรณกรรมร่วมสมัย เรื่องผีและวิญญาณเป็นหัวข้อหนึ่งที่เราพบ ได้ในเรื่องสั้นและนวนิยายซึ่งเหม เวชกร ถือได้ว่าเป็นบรมครูของวรรณกรรมเขย่าขวัญ ส�าหรับภาพยนตร์นั้น เรื่องราวเกี่ยวผีเป็นที่นิยมชมชอบของคนไทย แต่เรื่องที่ถือว่าเป็นที่ รู้จักและแพร่หลายมากที่สุดก็คงจะเป็นต�านานนางนาก เพราะมีการน�ามาดัดแปลงในรูป แบบต่างๆทั้งละครโทรทัศน์ ภาพยนตร์ หรือแม้กระทั่งละครเพลงร่วมสมัยแบบตะวันตก หากแต่ว่าภูตผีปีศาจที่หลอกหลอนเรานั้น แท้ที่จริงแล้วก็อาจจะเป็นแค่ภาพสะท้อนความ รู้สึกและจิตส�านึกของเรา ไม่จะเป็นความรัก ความหลง ความโกรธหรือความพยาบาทที่ ถ่ายทอดออกมาในตัวละครหลักของเราสยองขวัญเหล่านั้น เมื่อพิจารณาเช่นนี้ผีก็คือภาพ สะท้อนของหรือตัวแทนของเราในโลกหน้าซึ่งความกลัวนั้นแท้จริงก็อาจเป็นความเกรง กลัวต่อบาปกรรมที่เรากระท�า ดังนั้นเรื่องภูตผีและวิญญาณก็อาจจะไม่เป็นเพียงเรื่องของ ความเชื่อหรือพุทธศาสนาแต่เพียงถ่ายเดียว ค�าส�าคัญ: วรรณกรรม, ภาพยนตร์, วัฒนธรรม, ศาสนาพุทธ, ความ, เชื่อ, ประเทศไทย Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano

AMOUR, VENGEANCE, MORT : LES FANTÔMES DANS LA LITTÉRATURE ET LE CINÉMA CONTEMPORAINS THAÏLANDAIS

heeraphong Inthano Cerlom/Inalco/Sorbonne Paris Cité

Comme ils l’ont été pendant des siècles en Occident1, les fantômes, car ils sont nombreux, ont été et demeurent présents dans les croyances comme dans la vie quotidienne des haïlandais. Il est vrai que le culte des génies chtoniens forme le substrat religieux de toute l’Asie du Sud-Est2, avant que l’hindouisation ne vienne y plaquer les courants spirituels originaires 213 de l’Inde, « hindouisme » et bouddhisme, sans pour autant l’éliminer. Il suit pour s’en convaincre de rappeler que toutes les habitations thaïlandaises, depuis les maisons individuelles jusqu’aux gratte-ciels de Bangkok, possèdent une maison des génies3 qu’il convient d’honorer par des ofrandes quotidiennes. Nous pourrions aussi évoquer ce refus de planter des bananiers dans l’enceinte d’une maison par crainte du génie qui y réside, Dame Tani, qui punit les hommes inidèles, ce qui

1. Nous donnons ici quelques références bibliographiques concernant les histoires de fantômes en Occident : Claude Lecouteux (éd.), 2006, Elle mangeait son linceul ; et Marie-Charlotte Delmas (éd.), 2006, Fantômes et revenants. 2. Sur les croyances autochtones de l’Asie du Sud-Est, voir Pierre-Bernard Lafont, 1971, « Génies, anges et démons en Asie du Sud-Est ». 3. Nous utilisons, pour désigner ces puissances chtoniennes, le mot de « génie », en suivant la terminologie de Pierre-Bernard Lafont qui refusait de désigner l’ensemble des croyances concer- nant les maîtres du sol par le terme d’animisme ; selon lui, seuls le sol et quelques collines ou montagnes étaient le séjour de forces invisibles, alors que le terme « animisme » implique que chaque objet, arbre, pierre ou rivière, soit habité d’une force particulière, ce qui n’est pas le cas en Asie du Sud-Est. La maison des esprits, que nous évoquons ici, est destinée à abriter le gé- nie qui est le maître du sol où se dresse la maison ; certains Occidentaux, qui ne connaissent rien à la culture de cette région, en font souvent des interprétations erronées, comme Charles Hardouin, 2000, « haïlande : spectres, revenants et fantômes », p. 147, qui airme qu’elles sont destinées à se concilier les fantômes errants ! Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

l’occuperait beaucoup4… Les cosmogonies inspirées par l’Inde ont largement contribué à élargir la population des génies, fantômes et autres entités qui peuplent les croyances et les peurs des haïlandais : le monde d’en-bas, où résident les démons et les morts qui, comme dans l’Enfer que décrit Dante dans la Divine Comédie, subissent les tortures auxquelles leurs mauvaises actions les ont condamnés et apparaissent parfois devant les vivants, soit pour implorer leur aide, soit pour les tourmenter, nous est ainsi décrit avec de nombreux détails dans « les Trois Mondes », qui furent composés au xive siècle par un des rois de Sukhothay5, premier royaume siamois historiquement attesté dans la Péninsule. Comme on le voit à travers ces quelques remarques préliminaires, parler des « fantômes » dans la culture thaïe pose d’abord un problème de déinition ; en efet, les mots siamois que nous traduisons de manière parfois rapide par « fantôme », /phǐ:/, /phû:t/ ou encore /phǐ: phû:t/, ce dernier dans un sens plus général, recouvrent plusieurs concepts assez diférents, à un point tel que l’Académie royale de haïlande en a donné une classiication détaillée qui ne comporte pas moins de 26 entrées6. Pour tenter une présentation logique de toutes ces entités surnaturelles, nous pouvons ranger ces /phǐ:/ en trois grandes catégories7. Ils peuvent d’abord être des habitants de mondes diférents du nôtre, comme des créatures célestes ; ce sera par exemple le cas du /phǐ: thɛ̌ :n/, que l’on 214 rencontre dans les légendes d’origine des peuples thaïs comme elles sont racontées dans les pays laotiens : il s’agit alors d’une divinité qui donne vie à tout un peuple qu’il fait sortir d’une courge magique8. Ce sera encore une force chtonienne, de celles que Pierre-Bernard Lafont, que nous avons précédemment cité, désigne sous le nom de « génies ». Nous ne devons pas penser qu’il s’agit de superstitions plus ou moins basées sur des rumeurs : il n’y pas de mois, sinon de semaine, où les médias thaïlandais ne rapportent pas, par exemple, qu’on a rencontré, sur les

4. On trouve d’ailleurs des références à ce génie féminin du bananier dans certaines œuvres lit- téraires où le héros, homme à femmes comme tous les héros de la littérature classique siamoise, se trouve en butte aux tourments qu’elle lui inlige à cause de ses inidélités ; Krom Silpakorn [กรมศิลปากร ; Département des beaux-arts], 1953, Botlakhon Khun Chang Khun Phaen Ton Phlay Phet Phay Bua Pai Rop บทละครขุนช้างขุนแผน ตอนพลายเพชรพลายบัวไปรบ (Adaptation théâtrale de l’Histoire de Khun Chang et Khun Phaen : épisode Phlay Phet et Phlay Bua partent en guerre). Un résumé de cette œuvre, inspirée d’une épopée populaire de l’Ouest de l’actuelle haïlande, se trouve dans Jit-Kasem Sribunruang, 1986, la Femme, le Héros et le Vilain. 5. Phaya Lithaï, 2001, Trai Phum Pra Ruang พระยาลิไทย ไตรภูมิพระร่วง (les Trois Mondes), p. 13-44. 6. Ratchabandittayasapha [ราชบัณฑิตยสภา ; Académie royale de Thaïlande], 1999, Photcananukrom hai พจนานุกรมไทย (Dictionnaire de la langue siamoise), p. 735-736. 7. Sathienkoset [เสถียรโกเสศ], 1969, Phut Phi hevada ภูติ ผี เทวดา (Fantômes, spectres et divi- nités), p. 348-349. 8. Dominique Menguy, 2007, le Mythe de Khun Burôm. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano bords du Mékong, un nâga, forme que prend le génie du leuve lorsqu’il se manifeste aux mortels ; ces forces chtoniennes peuvent être bénéiques ou maléiques et, dans le cas du génie des eaux du Mékong, il semble être préoccupé d’écologie depuis quelques années. Mais les /phǐ:/ les plus répandus en haïlande, qu’il s’agisse d’expériences « vécues » ou bien de présence dans le quotidien des vivants sont bien, comme en Europe, l’âme errante d’un mort que les vivants craignent et qu’ils tentent de se concilier : on rencontre par exemple, le long des routes, là où de nombreux accidents mortels se sont produits, des autels où les automobilistes de passage déposent des ofrandes ain que l’âme de ceux qui ont trouvé la mort dans ces lieux ne les prennent pas… Comme nous pouvons nous en rendre compte, tous ces /phǐ:/ demeurent particulièrement présents dans la vie quotidienne des haïlandais du xxie siècle, comme en témoignent les quelques anecdotes que nous venons d’évoquer. Dans le cadre restreint de cette contribution, nous nous attacherons essentiellement à présenter la place que joue la troisième catégorie de /phǐ:/, celle des âmes des morts : c’est d’ailleurs celle qui fournit le plus grand nombre des entrées du « Dictionnaire » et, d’autre part, celle qui correspond le mieux à la déinition du fantôme telle que le français le conçoit. Cependant, plus encore qu’en Occident, on a l’impression en haïlande d’une obsession de la vie après la mort qui fait partie de la 215 culture habituelle ; peut-être faut-il y voir une présence constante des croyances du bouddhisme populaire qui interprète ce qui se passe après la disparition de l’individu dans cette vie comme une récompense ou une punition des actes passés. Ceci explique certainement le recours récurrent au fantôme, de manière directe ou indirecte. La croyance aux âmes errantes est à l’origine du grand succès des médiums qui, lors de leur transe, sont capables d’accueillir l’esprit d’un mort, lequel s’adressera alors aux vivants pour leur donner conseils ou avertissements9. Mais les âmes méchantes et tourmentées peuvent aussi prendre possession de personnes au caractère faible, ce qui explique que dans la langue courante, nous pouvons trouver des expressions contenant le mot /phǐ:/ pour désigner des hommes qui s’adonnent à un vice dont ils ne peuvent se libérer et qui détruit leur vie comme celle de leur entourage ; c’est le cas par exemple de /phĭː s̀ʔra:/ (« fantôme + boisson alcoolisée ») ou de /phĭː ph́ʔnan/ (« fantôme + jouer à un jeu de hasard »), qui désignent ceux qui sont obsédés par l’alcool ou le jeu. Si nous considérons que l’emprise de l’esprit des morts s’exerce plus aisément sur les esprits faibles, nous concevrons aisément que leurs proies

9. Jacqueline de Fels, qui fut professeur de langue et littérature siamoise à l’Institut national des langues et civilisations orientales jusqu’en 1986, racontait par exemple que, lorsqu’elle faisait des recherches sur le roi Taksin (1767-1782) à la Bibliothèque nationale de Bangkok, elle a trouvé dans un ichier l’adresse d’un médium qui accueillait, lors de ses transes, l’âme de ce roi (anec- dote rapportée par Gilles Delouche). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

favorites soient les enfants. Autrefois, alors que la mortalité infantile était très importante, on l’expliquait par le fait que les mauvais esprits venaient s’emparer de leur vie : le moyen de protéger les nourrissons contre ces attaques de l’au-delà était de détourner l’attention du fantôme en lui faisant croire que ceux-ci n’étaient pas intéressants, c’est-à-dire en lui donnant des surnoms plus ou moins répugnants, tels que « cochon », « puant » ou même « excrément »… Dans certaines berceuses, la mère ne s’adresse pas à son enfant, mais bien aux génies auxquels elle demande, à travers des ofrandes, de ne pas venir le menacer : Génies souterrains, Génies des cieux, Génies vagabonds, Génies de dessous le lit, Venez chercher le riz de mon enfant, Que dangers et maladies s’éloignent de lui10 ! Dans l’éducation des enfants, la référence aux fantômes comme acteurs de la punition pour toute transgression des règles est omniprésente et joue le même rôle que le grand méchant loup en Europe ; la peur du fantôme peut être bonne conseillère lorsque les petits sont désobéissants et nous trouverons ainsi des conseils sont ainsi prodigués sous forme de menace : 216 « Il ne faut pas jouer à cache-cache pendant la nuit, sinon les fantômes vont venir vous prendre », « Il ne faut pas siler pendant la nuit car cela va faire venir les fantômes », « Il ne faut pas dormir au crépuscule sinon ton âme quittera ton corps pour toujours », ou bien encore « Il ne faut pas nager dans la rivière pendant la nuit, sinon l’ondine maléique viendra s’emparer de ton âme11 ». Mais, plus encore que le danger réel ou supposé que feraient courir aux vivants les âmes des défunts, c’est le mystère et, d’une certaine manière, la délicieuse frayeur que ressentent les hommes – les haïlandais en particulier – face à la dimension inconnue de l’au-delà qui, bien entendu, sont les inspirateurs d’un ensemble d’œuvres d’imagination qui rencontrent toujours autant de succès. Ce n’est évidemment pas propre à la haïlande ni à une époque qui serait aujourd’hui révolue : il ne faut pas oublier que, même en Occident, les histoires de Dracula, de Frankenstein, de zombies et de momies continuent, ne serait-ce que dans le cinéma hollywoodien ou dans certaines séries télévisées à succès, à passionner même les jeunes générations. Nous nous attacherons, dans les pages

10. Wanee Pooput, 1983, Littérature enfantine en haïlande, t. 1, p. 312. 11. Nous avons tiré certaines des croyances des haïlandais de Chatchay Akphaysan [ชาติชาย อ ักไพศาล], 2002, Chok Lang lae Khwam Cheua Boran โชคลางและความเชื่อโบราณ (Chances, pré- sages et croyances des Anciens). Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano qui suivent, à présenter quelques exemples qui nous paraissent reléter clairement la place de ces /phǐ:/ – « fantômes » – dans la littérature ancienne et contemporaine mais aussi dans les médias modernes. Il n’a pas fallu attendre l’importation, au Siam, des formes et des genres littéraires occidentaux à la in du xixe siècle12 pour que les /phǐ:/ jouent un rôle dans la littérature siamoise. Nous les rencontrons dans un certain nombre d’œuvres classiques dont nous tenterons de donner ici un aperçu. C’est dans un poème très ancien, destiné à accompagner la cérémonie du serment semestriel que devaient prêter au monarque les fonctionnaires civils et militaires, « le Poème de l’imprécation par l’eau 13 », qui date au plus tard du xive siècle, que nous trouvons les premières apparitions littéraires des /phǐ:/ : Que les innombrables génies des forêts, des grottes et des montagnes viennent par la terre et par les eaux ! Que les divinités, aussi bien celles qui demeurent hors des cieux et des paradis que celles qui y demeurent ainsi que celles qui se trouvent dans le monde des hommes volent en grand nombre, depuis le fond de l’horizon, ain de participer à cette cérémonie ! Que l’esprit de nos ancêtres, que les maîtres des jungles, que les serviteurs de Shiva, que les génies de nos demeures, que les génies des embarcadères, que les morts de 217 mort violente comme ceux qui se trouvent dans les cimetières14 se rassemblent tous ici, rapidement aussi vite que le vent, pour cette cérémonie ! Que les génies au large visage, dont grand est le pouvoir et qui efraient les gens, soient présents pour cette cérémonie ! Quand ils seront arrivés, que ces génies fassent grand bruit, qu’ils écoutent les murmures des uns et des autres, ceux qui parlent de façon inintelligible, qu’ils leurs arrachent leurs paroles en montrant leurs crocs, qu’ils tirent leur langue acérée pour que ceux qui les voient en soient tous terriiés ! Que les génies, qu’ils demeurent dans les cieux ou sur la terre, arrivent tous, sans qu’il en manque un seul ! Qu’ils détruisent ceux qui songeraient à trahir leur roi ou à se rebeller contre lui, qu’ils les frappent brutalement et de façon répétée, ces traîtres dans leur cœur, qu’ils leur entravent les bras et les suspendent, pour qu’ils soufrent le martyre, qu’ils leur transpercent les

12. Voir Wipha Senanan, he Genesis of the Novel in hailand, 1975. 13. Poème de l’imprécation par l’eau (le), 2004, p. 409-423. 14. Dans le bouddhisme du Petit Véhicule, le corps des défunts n’est pas destiné à être enterré mais à être incinéré ; cependant, il était de coutume de le conserver pendant un certain temps avant cette cérémonie, et le cercueil était alors déposé dans un cimetière dans l’enceinte du mo- nastère. Les moines y venaient souvent pour méditer sur l’impermanence. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

pieds de leur lance jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus se tenir debout, qu’ils leurs écorchent les pieds mais sans que ces traîtres meurent avant qu’ils ne soient tombés à terre en hurlant de soufrance15 !

Comme nous pouvons le voir, ces génies sont ici très nombreux et ils jouent en fait à peu près le même rôle que dans les menaces de châtiments que l’on adresse aux enfants ; cependant, si pour ces derniers le génie n’a peut-être pas plus de réalité que le grand méchant loup, dans ce texte, il paraît évident que leur présence en tant que témoins et garants du serment prêté devant le roi est bien réelle. Les fantômes et autres génies se retrouvent dans bon nombre d’œuvres littéraires classiques, mais, au contraire du corpus contemporain dont nous aurons à parler plus tard, ils ne sont jamais ni le thème ni même les héros des histoires qui nous sont racontées. Leur présence, leur emploi n’est souvent qu’épisodique, et l’auteur ne fait appel à eux que pour faire avancer son intrigue. Cependant, nous nous trouvons devant des textes composés à une époque où la croyance à ces entités était certainement plus vive encore que de nos jours : nous ne devons donc pas les confondre avec certaines conventions littéraires occidentales (les « ombres » que nous voyons apparaître dans certains romans précieux français 218 du xviie siècle sont plutôt de cet ordre) et les lecteurs (ou plutôt les auditeurs et les spectateurs, car ces textes étaient destinées à être dits ou joués) les acceptaient certainement comme des protagonistes réels. Nous évoquerons tout d’abord « le Poème du prince Lo » (Lilit Phra Lo ลิลิต พระลอ16), histoire d’amour tragique qui est aujourd’hui datée entre la in du xve et le début du xvie siècles17 ; il s’agit d’une œuvre dont le thème ressemble à la fois à ceux de Tristan et Yseut (la passion qui dévore les héros est le résultat de pratiques magiques) et de Roméo et Juliette (l’amour amène les héros au sacriice de leur vie). Deux princesses, amoureuses du monarque d’un royaume voisin et ennemi, tentent de faire venir vers elles l’objet de leur passion. Comme elles semblent ne pas l’intéresser, elles décident d’utiliser la magie noire en faisant appel, par l’intermédiaire de sorcières et de mages, à ces forces maléiques que sont les /phǐ:/ ; elles ne réussiront pas et il leur faudra s’adresser à un personnage puissant qui acceptera de les aider, car son omniscience lui permet de savoir que les héros sont destinés, par leur kamma, à s’aimer mais aussi à mourir de cet amour :

15. Ibid., p. 20-21. La traduction que nous donnons ici est empruntée à Gilles Delouche qui l’a distribuée lors de son séminaire de maîtrise (littérature siamoise ancienne) en 2004-2005. 16. Krom Silpakorn [กรมศิลปากร ; Département des beaux-arts], 1974, Lilit Phra Lo ลิ ลิตพระลอ (le Poème du prince Lo) . 17. Sur cette datation, voir Delouche Gilles, 2000, « La datation du Lilit Phra Lo et l’âge d’or de la littérature classique siamoise », p. 57-71. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano

La sorcière répond : « Et à quoi cela servirait-il ? Je connais tous les sorciers : ils n’envoûtent que des hommes mauvais, de basse condition, ils vous seraient inutiles. Nous ne sommes guère que trois, moi, la vieille sorcière, et la grande. Quand nous envoûtons quelqu’un, il ne peut que venir, si nous appelons quelqu’un, il ne peut demeurer, il ne peut que venir. Mais nous n’avons aucun pouvoir sur un monarque expert aux sciences et aux arts, comblé de forces et de mérites. Notre pouvoir est sur lui sans efets. Quand les deux princesses nous forceraient, pourrions-nous être capables de réussir18 ? »

C’est cependant dans « l’Histoire de Khun Chang et de Khun Phaen », que nous avons évoquée plus haut à propos du génie féminin qui réside dans les bananiers (note 4) que fantômes et génies paraissent en fait accompagner l’histoire. Leur présence dans ce texte n’est guère surprenante : si le texte qui est aujourd’hui connu en haïlande est celui qui a été composé au début du xixe siècle par le roi Rama II et un cénacle de poètes de cour, il s’agit en fait d’une épopée villageoise qui se racontait autrefois dans les fêtes de monastère19, ce qui explique combien les croyances peuvent y jouer un rôle important. Nous le voyons tout d’abord au début de l’œuvre, où les génies, qui ne sont pas sans rappeler 219 les Parques, modèlent la vie des personnages principaux : […] Mais je parlerai de la naissance de tous les personnages. Avant que l’enfant ne pénètre dans le sein de la mère, Le Génie cruel qui se tient à l’extrémité d’une branche d’arbre Modèle joyeusement la nuit, à partir de n’importe quoi, Il modèle en s’amusant, mélangeant sans cesse un peu de tout. Une nuit, pendant que le Génie modeleur était sur sa branche d’arbre, Un être, ayant enduré d’efrayants tourments et épuisé son karma, Fut libéré par la mort de la terre des preta et de celle des asūra20. Ce damné est alors très vite parti à la recherche du bonheur

18. Krom Silpakorn, 1974, Lilit Phra Lo ลิลิตพระลอ (le Poème du prince Lo) , p. 12. 19. Notons d’ailleurs que la réécriture de ce texte jusqu’alors transmis oralement l’a en quelque sorte cristallisé, et que c’est la version recomposée par le roi et ses collaborateurs qui est la seule connue de nos jours. 20. Les preta et les asūra sont des êtres vivant dans les enfers, réincarnations d’humains ayant mal agi pendant leur vie terrestre et qui sont condamnés par leur karma à des millénaires de tourments avant de pouvoir être libérés par une nouvelle mort et, peut-être, renaître à nouveau sous forme humaine dans notre monde. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Mais ses péchés antérieurs l’empêchant d’aller au paradis, Le Génie modeleur l’a attrapé et mis dans le sein de la mère21.

Le héros de cette histoire, Khun Phaen, est un bel homme doué pour la guerre et l’amour, mais également expert en magie noire22 ; c’est ainsi qu’il va fabriquer un talisman à partir du fœtus de l’enfant qu’il a fait, dans ce but, à dame Buakhi : selon une croyance qui demeure encore de nos jours, l’esprit de l’enfant qui se trouve dans ce talisman (il est appelé /k̀ʔma:n thɔ:ŋ/ – littéralement : « l’enfant d’or ») peut apporter bonne chance et prospérité à la personne qui le possède, à condition qu’elle s’en occupe comme si c’était encore un enfant vivant : il convient donc de lui faire des ofrandes de boisson, de nourriture et même de jouets. On dit que si Khun Phaen est capable d’échapper à tous les dangers et aux nombreux ennuis que sa galanterie et son manque de respect pour les valeurs sociales de la société dans laquelle il vit lui attirent, c’est parce que cet enfant lui soule des indications à l’oreille ain de le prévenir du danger. Un autre exemple du rôle que peuvent jouer les fantômes dans certaines œuvres littéraires siamoises se trouve dans des ouvrages tirés des « Contes du Vetan23 » : il s’agit de traductions-adaptations d’un texte sanskrit dont de nombreuses versions se rencontrent dans toute la région 220 jusqu’au Siam et au-delà, depuis le Tibet24. Le rôle du fantôme dans cette histoire est plutôt celui de il conducteur d'une série de contes : un roi a donné sa parole à l’ermite qu’il vénère de lui ramener le Vetala, être mi- cadavre mi-vampire, pour pouvoir organiser une cérémonie en l’honneur de Kâli ; il réussit à a capturer mais le Vetala tente de lui échapper en lui racontant conte sur conte. Comme nous le voyons, si ce n’est son aspect efrayant, le Vetala n’a ici pour rôle que de permettre une sorte d’unité à un enchaînement d’histoires qui n’ont en fait que peu de rapport entre

21. Cet épisode se trouve dans Phra Phuttha Lœt La Naphalay [พระบาทสมเด็จพระพุทธ เลิศหล้านภาลัย ; Sa Majesté le roi] et al., Khun Chang Khin Phaen ขุนช้างขุนแผน (Histoire de Khun Chang et de Khun Phaen) , p. 332-362. 22. On croit encore en haïlande au pouvoir des tatouages magiques (toujours écrits dans l’al- phabet khmer car les Cambodgiens sont réputés pour leur expertise dans ce domaine) tant pour ce qui est du combat, ain de se rendre imperméable aux armes que pour attirer la passion des femmes. Sur le caractère magique du tatouage chez les haïs, voir François Lagirarde, 1986, « D’un corps l’autre » ; 1989, « Note sur le tatouage en pays thaï ». 23. Notre transcription suit ici la prononciation du mot sanskrit selon la phonologie sia- moise. Une première version en siamois a été composée au début du xixe siècle : Cao Phraya Phraklang Hon- Chao Phraya Phra Khlang (Hon) เจ้าพระยาพระคลังหน (le Poème de la tiare ornée de diamants), 1964. Mais la plus connue est due à No. Mo. So [pseudonyme du prince Phithayalongkorn], 1969, Nithan Waetan นิทานเวตาล (les Contes du vampire). 24. C’est ainsi qu’il en existe par exemple une version tibétaine dont la traduction en français vient d’être publiée par Robin Françoise (éd. et trad.), 2006, les Contes facétieux du cadavre. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano elles. Cet artiice de construction n’est d’ailleurs pas particulièrement isolé, puisque c’est celui que nous pouvons retrouver dans les Mille et Une Nuits, où Schéhérazade, pour tenter d’échapper à la peine capitale à laquelle Haroun Al-Rachid l’a condamnée, raconte des histoires nuit après nuit. Le Vetala qui tente de s’échapper, Schéhérazade qui essaie de sauver sa vie sont le lien qui relient les histoires disparates, de la même façon que la peste noire retient les dix narrateurs hors de Florence dans le Decameron de Boccace. C’est cependant avec l’apparition des formes littéraires occidentales, arrivées au Siam à la in du xixe siècle avec le retour des premiers étudiants siamois envoyés en Europe (essentiellement en Grande-Bretagne), que nous allons voir apparaître au Siam un genre littéraire, certainement inluencé par les romans « gothiques » de l’époque victorienne, que nous pourrons identiier comme appartenant à la littérature fantastique, dont une part importante sera consacrée à des histoires de revenants. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier roman siamois, « la Vengeance 25 », composé par sous le pseudonyme de Mae Wan 26, fait la part belle à des souterrains, des cachots et autres lieux efrayants : il s’agit en fait de l’adaptation d’un roman de Marie Corelli, Vendetta27 : nous allons ainsi retrouver, dès les débuts de la littérature de iction au Siam, une omniprésence du fantastique ; et l’intérêt du public pour ce genre 221 qui lui apporte le plaisir délicieux de la terreur a certainement à voir avec un environnement culturel où esprits et revenants font partie de la vie quotidienne. Dans le même ordre d’idées, le premier auteur de science- iction au Siam, Juntree Siriboonrod, a commencé sa carrière d’écrivain en composant une nouvelle intitulée « L’être de métal28 », dont le thème rappelle celui du golem, qui a inspiré écrivains et cinéastes occidentaux depuis les premières années du cinéma ; c’est donc bien par le iltre du fantastique qu’il est arrivé au genre qui lui a valu la notoriété : preuve, s’il en fallait, du goût des lecteurs pour ce genre d’histoires. Dans une société où, d’une part, génies et fantômes demeurent si présents dans l’inconscient collectif comme dans la vie quotidienne et,

25. Mae Wan [แม่ว ัน], 1942, Khwan Phayabat ความพยาบาท (la Vengeance). 26. Mae Wan est le nom de plume adopté par Phraya Surinthararacha, titre de noblesse adminis- trative porté par Nokyung Wisetkul, (1875-1942), qui fut étudiant en Grande-Bretagne à la in du xixe siècle. 27. Marie Corelli (1855-1928), aujourd’hui oubliée, a été une des romancières britanniques les plus célèbres de la in du xixe siècle : son œuvre traite essentiellement de deux thèmes qui ne sont pas sans rapport avec notre sujet, occultisme et science-iction ; son roman Vendetta a connu le tirage, extraordinaire pour l’époque, de plus de 100 000 exemplaires : voir Jacqueline de Fels, 1993, Promotion de la littérature en haïlande, p. 117-124. 28. Voir heeraphong Inthano, 2013, « Juntree Siriboonrod (1917-1968), le père de la science-iction siamoise », p. 462. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

d’autre part, le lectorat demeure important malgré la place croissante des médias et du numérique, il n’est pas étonnant de constater que la littérature fantastique demeure particulièrement appréciée29. Dans le cadre forcément étroit de cet article, nous ne nous intéresserons cependant qu’à un seul auteur, Hem Wechakon (1903-1969), ceci pour deux raisons : c’est tout d’abord le premier auteur thaïlandais (les critiques thaïlandais, qui aiment à déinir les auteurs par le rôle de précurseur qu’ils ont joué dans tel ou tel genre, lui ont ainsi donné le titre de « Père du fantastique en haïlande » à avoir consacré son œuvre entière à ce genre littéraire particulier ; il nous semble également, comme nous tenterons de le montrer dans la suite de cet article, que ses textes ne se contentent pas de raconter des histoires efrayantes mais portent aussi en eux tout un ensemble de messages dans lesquels nous pensons retrouver les bases bouddhistes de la pensée thaïlandaise. Hem Wechakon, dont les parents s’étaient séparés alors qu’il était encore enfant, fut élevé par un de ses oncles qui le conia à un artiste italien, Carlo Ricoli, chargé de la décoration picturale des salles intérieures du palais d’Ananda Samakhom de Bangkok. Il y apprit le dessin et commença alors une carrière d’illustrateur dans l’édition ; dans le même temps, il jouait de la musique pour accompagner la projection des ilms muets qui connaissaient à l’époque un grand succès. Ces activités 222 expliquent sans doute qu’il se soit intéressé assez vite à la littérature, au point qu’en 1935 il a fondé avec des amis une revue bon marché destinée à publier des romans et des nouvelles, Phlœn Chit30. C’est dans cette revue qu’il publiera d’ailleurs sa première nouvelle fantastique, « Fantôme31 ». Dans les ilms muets, qui venaient essentiellement d’Occident ou du Japon, les cartons expliquant l’action n’étaient pas écrit en siamois ; on distribuait donc aux spectateurs des synopsis pour qu’ils puissent suivre l’action, et un certain nombre des premiers auteurs de romans et de nouvelles ont utilisé ces canevas pour composer des œuvres dont il est alors diicile de dire si elles sont vraiment originales32. Nous pouvons donc imaginer que, dans un premier temps, Hem Wechakon s’est inspiré d’œuvres fantastiques comme Nosferatu le vampire ou le Cabinet du

29. Rappelons que le paysage littéraire en haïlande est diférent de celui que nous connaissons en Occident ; les auteurs qui vivent de leur plume sont rares. Par contre, tous les quotidiens comme les magazines publient nouvelles et romans en feuilletons ; ces derniers ne sont publiés sous forme de livres que lorsqu’ils ont connu un réel succès dans les journaux. 30. Nous nous inspirons, pour ce bref aperçu biographique, d’un article, « Samsip Pi Khong Kan Cak Pai Khong Hem Vechakorn สามสิบปีของการจากไปของเหม เวชกร » (« Trentième anni- versaire de la disparition de Hem Wechakon »), 1999, paru dans la revue Sakun hay นิตยสาร สกุลไทย. 31. Ibid. 32. Voir Jacqueline de Fels, 1993, Promotion de la littérature en haïlande, p. 244-248. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano docteur Caligari pour écrire ses nouvelles, encore que, comme nous le verrons, il n’ait utilisé que très rarement le type de personnages, les décors et les artiices chers aux écrivains anglo-saxons dont les œuvres sont certainement à l’origine de l’engouement pour les romans et les ilms d’horreur en Occident. Auteur proliique, Hem Wechakon a composé plus de cent nouvelles fantastiques au cours des trente-cinq années qu’a duré sa carrière d’écrivain (nous n’évoquons pas ici ses autres œuvres, romans historiques ou biographies d’auteurs classiques). Nous prenons donc ici le parti de n’en évoquer que quelques-unes parmi celles qui nous semblent les plus représentatives par rapport à la vision qu’il nous donne du fantôme. Nous devons dans un premier temps insister sur le fait que ces nouvelles, bien qu’elles mettent en scène des revenants, ne jouent pas avec des descriptions horribles destinées uniquement à faire peur ; se plaçant dans le cadre quotidien de la vie des haïlandais, où il nous fait assister par exemple à des mariages ou bien à l’aumône de nourriture que les idèles bouddhistes doivent faire aux moines chaque matin, Hem Wechakon n’utilise que très rarement les poncifs de la littérature d’horreur, qui n’a d’autre but que de faire peur pour faire peur : c’est de l’opposition entre cette vie quotidienne et l’irruption du surnaturel qu’il joue essentiellement. D’ailleurs, nous pensons pouvoir dégager de ses œuvres deux grands axes 223 thématiques, celui de l’amour qui demeure par-delà la mort et celui de la vengeance posthume. Pour ce qui est du thème de l’amour, nous nous intéresserons d’abord à « Souvenir d’amour 33 » : Wipha est une jeune haïlandaise iancée à un Occidental. Celui-ci, qui a dû partir aux États-Unis d’Amérique avant de pouvoir revenir pour se marier avec elle, lui a ofert un collier en gage de son amour. Pendant son absence, elle se noie alors que le bateau qu’elle a emprunté a chaviré. Depuis qu’elle est morte, les passants voient chaque soir, au bord de la rue, son fantôme qui tient une couronne mortuaire à la main et leur demande de la conduire au temple. Elle est incapable de quitter déinitivement le monde des vivants, car son âme reste attachée au collier que son iancé lui a donné et qui a disparu dans le naufrage. Sans que rien de plus ne nous soit dit, nous comprenons qu’elle souhaiterait que ce collier puisse être rendu au jeune homme de façon à ce qu’il ne pense pas qu’elle l’a oublié pendant qu’il était absent. C’est donc à travers cet attachement à un objet que, par-delà la mort, elle montre la force de son amour. Le fantôme n’est donc pas ici objet de répugnance ou de terreur mais il nous paraît plutôt pitoyable en même temps qu’admirable par sa idélité. Dans la même veine, la nouvelle « Promesse34 » raconte l’histoire de Boon et Dœan, deux jeunes gens très amoureux l’un de l’autre. Mais

33. Hem Vechakon [เหม เวชกร], 2003a, « Sanya Rak ส ัญญาร ัก » (« Souvenir d’amour »). 34. Hem Vechakon [เหม เวชกร], 1992, « Sanya ส ัญญา » (« Promesse »). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

les parents de la jeune ille refusent d’accorder sa main à Boon car il est d’une classe sociale très inférieure à la leur (les conventions sociales qui sont décrites ici sont bien sûr un marqueur de l’époque à laquelle Hem Wechakon a composé cette histoire). Malgré cette opposition, Boon et Dœan, dont l’amour est plus fort que ce refus parental, choisissent de se jurer amour et idélité pour l’éternité ; ils prêtent leur serment devant la maison des esprits, qui leur servent donc de témoins. Cependant, les parents n’ont pas renoncé à leur opposition à ce mariage et parviennent inalement à séparer les deux amoureux. Boon ressent encore plus de tristesse lorsqu’il apprend que la jeune femme est forcée de se marier avec un autre homme, dont la richesse convient mieux à ses parents ; il se suicide donc. Or, pendant la cérémonie traditionnelle du mariage entre Dœan et ce millionnaire, elle se met à trembler lorsqu’on lui verse de l’eau lustrale en signe propitiatoire. Là encore, l’auteur ne nous en dit pas plus. Nous devons cependant comprendre, à ce tremblement (il nous rappelle la peur que les fantômes occidentaux ont de l’eau bénite), que le corps de Dœan est sans doute présent mais que son âme en est partie pour rejoindre celui qu’elle aime et qui s’est pendu par désespoir : rien n’est expressément décrit de manière efrayante mais tout est suggéré. Le second thème essentiel que nous rencontrons dans les nouvelles de Hem Wechakon est celui de la vengeance. C’est le cas dans « Maître 224 Aroon35 ». Aroon est un jeune orphelin recueilli par une dame qui possède un orchestre de musique traditionnelle. Saengdœan, la petite ille de cette dame, éprouve une haine irraisonnée contre Aroon, ceci depuis qu’ils sont tous les deux des enfants. Une fois devenu adulte, Aroon est devenu, grâce à ses dons et à son travail, un grand maître de la musique thaï traditionnelle, mais il est obligé de quitter la maison de sa bienfaitrice et d’aller vivre dans une province lointaine du Nord de la haïlande parce que Saengdœan continue à le poursuivre de sa haine. Il meurt quelques années plus tard dans la misère. Saengdœan, sans doute à cause du mauvais karma qu’elle a accumulé avec tout le mal fait autrefois à Aroon, tombe follement amoureuse d’un jeune gigolo, prénommé lui aussi Aroon. Saengdœan entretient ce playboy alors que celui-ci n’éprouve pas d’amour pour elle et qu’il la rend malheureuse. Il nous est ainsi suggéré, simplement grâce à la similitude des prénoms des deux hommes (il conviendrait alors de se souvenir des croyances du bouddhisme populaire en la métempsychose comme récompense ou punition des bonnes et mauvaises actions passées), qu’elle est alors en train de payer ses dettes à cause du mal qu’elle a fait à maître Aroon tout au long de sa vie.

35. Hem Vechakon [เหม เวชกร], 2003b, « Kru : Arun ครูอรุณ (« Maître Aroon »). Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano

La dernière nouvelle que nous citerons, « Transfert de faute36 », appartient à ce même thème de la vengeance mais elle est peut-être plus directement dictée par une volonté de faire peur, encore que des considérations morales puissent être prises en compte. Phong est parti en week-end à Bangsaen, station balnéaire proche de Bangkok, avec des amis. Durant ce trajet, il survient un accident grave et tous les amis de Phong trouvent la mort, ce dernier restant l’un des seuls survivants. Quand la police enquête sur les origines de cet accident, Phong airme que c’est Yut, l’une des victimes, qui était au volant alors que c’est lui-même qui conduisait en état d’ivresse. Depuis ce jour-là, Phong voit apparaître jour et nuit les fantômes de ceux qui sont morts dans cet accident car Yut ressent de la haine envers Phong qui les a tués et qui se décharge de sa faute sur un mort incapable de se défendre : il voudrait que le coupable connaisse le même sort que lui. Si nous avons choisi de nous intéresser aux nouvelles fantastiques de Hem Wechakon, c’est qu’elles nous semblent relativement originales dans leur traitement des revenants ou, plutôt, des manifestations d’une vie après la mort. Nous l’avons brièvement souligné dans notre présentation de chacune des quatre histoires que nous venons d’évoquer, cet auteur ne semble pas donner d’importance à une peinture efrayante des fantômes qu’il invente. Nous pouvons même parfois nous poser la 225 question (notamment dans le cas de « Maître Aroon » et de « Transfert de faute ») si nous sommes vraiment en présence d’histoires de spectres surgissant de l’autre côté de la mort : après tout, rien ne nous est dit quant à la réalité d’une possible réincarnation de maître Aroon dans ce gigolo égoïste qui fait soufrir Saengdœan tout en proitant d’elle ou de son argent, et nous ne savons pas si l’image de ses amis morts dans un accident qu’il a lui-même provoqué est « réelle » ou bien si elle n’est que le fruit de son imagination tourmentée par la culpabilité qu’il a niée. De la même manière, le fantôme de Wipha dans « Souvenir d’amour », ou cette morte-vivante qu’est devenue Dœan dans « Promesse » ne sont peut- être que des représentations symboliques de la constance et de la idélité en amour. Si nous devions tenter un rapprochement avec des auteurs occidentaux ayant traité du fantastique dans leur œuvre, nous pensons que nous sommes ici plus près de Stephen King, qui joue essentiellement sur la suggestion (mais pour faire naître l’angoisse chez le lecteur) que d’auteurs comme Guy de Maupassant ou encore Claude Seignolle, chez lesquels le fantôme est bien présent et est même un personnage essentiel de l’intrigue37.

36. Vechakon Hem [เหม เวชกร], c2003, « Mao hot เหมาโทษ » (« Transfert de faute »). 37. Pour une analyse de la littérature fantastique, nous nous sommes appuyé sur l’ouvrage de Denis Mellier, 2001, Textes fantômes. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Comme on peut s'en douter compte tenu du succès des œuvres littéraires consacrées aux fantômes, le passage à l’ère de l’image qui a été engendré par l’arrivée du cinéma, de la télévision et de tous les supports numériques contemporains a accru l’intérêt du public thaïlandais pour ces histoires efrayantes38. Nous pourrions d’ailleurs rappeler que Hem Wechakon illustrait lui-même les couvertures de ses recueils de nouvelles fantastiques ; bien qu’elles soient désormais une part de l’histoire littéraire contemporaine, ses œuvres continuent d’être lues et appréciées (n’ont-elles pas été toutes rééditées pour le centenaire de sa naissance ?), et elles fournissent aussi le thème de nombreux scénarios de drames télévisés comme de ilms. C’est que le frisson délicieux de la peur, voire de la frayeur, se voit renforcé par l’impact de l’image qui donne cependant plus d’importance à la réception directe qu’à l’imagination. Les ilms de fantômes sont donc largement appréciés du public thaïlandais, et ils commencent depuis plusieurs années à intéresser des critiques cinématographiques, alors qu’ils avaient longtemps été considérés, comme en Occident, comme des produits de consommation sans grandes qualités artistiques39. Il semble intéressant d’autre part de noter que si les ilms d’épouvante occidentaux connaissent du succès auprès du public thaïlandais, ils ne semblent pas avoir une réelle inluence sur la manière dont les histoires de fantômes thaïlandais sont traitées à 226 l’écran : l’outil cinématographique est le même mais les fantômes sont et demeurent thaïlandais40. Il faut dire que, nous l’avons vu, la croyance à ces forces de l’au-delà est encore particulièrement présente dans la culture populaire et que ce qui est ainsi montré doit correspondre à ce qui est cru. Le nombre impressionnant de ilms consacrés en haïlande aux histoires de fantômes est un obstacle à une analyse satisfaisante de cet ensemble. Nous nous trouvons donc dans l’obligation de nous restreindre

38. Les ilms de fantômes font partie des genres les plus appréciés des haïlandais ; voir Gérard Fouquet, 1988, le Cinéma thaï contemporain (1970-1988), p. 272-284. 39. Voir par exemple Kamchon Luyyaphong, Somsuk Hinwiman [ก�าจร หลุยยะพงศ์ สมสุข หิน วิมาน], 2005, « Khwan Luklam Khong Sunthreeya Lae Lokkathat Nai Nang Nam Nao Korrani Suksa Nang Phi Nai Yuk 2520-2547 ความลึกล�้าของสุนทรียะและโลกทัศน์ในหนังน�้าเน่า กรณีศึกษาหนัง ผีในในยุค ๒๕๒๐ ถึง ๒๕๔๗ » (Le mystère esthétique et visuel dans les ilms de série B : Étude des ilms de fantômes thaïlandais (1978-1998) ». 40. Gérard Fouquet, 1988, le Cinéma thaï contemporain (1970-1988), p. 273, fait remarquer à ce sujet que les créatures des ilms d’horreur occidentaux ne sont pas cause de terreur pour le public thaïlandais et que, si on les trouve parfois dans de telles œuvres, c’est plus pour être utilisés dans une veine comique. C’est le cas de Dracula Tok (1979), joué et réalisé par un des plus grands comiques thaïlandais contemporains, Lo Tok, dans lequel un groupe de fantômes thaïlandais qui s’inquiètent de l’indiférence que leur manifestent leurs compatriotes vivants décident d’in- viter le comte Dracula à passer quelque temps en haïlande pour les aider à redorer leur blason. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano

à un seul thème, celui de la légende de Nang Nak41 : notre choix n’est pas anodin car s’il s’agit incontestablement de l’histoire de revenants la plus connue, c’est aussi celle qui a été le plus traitée dans les médias42 : elle a en efet été adaptée 25 fois au cinéma, 7 fois à la télévision, une dizaine de fois comme feuilleton à la radio et 5 fois au théâtre, dont une comédie musicale et un opéra), ceci sans compter une version en bandes dessinées et plusieurs dessins animés43. La légende nous raconte la passion, plus forte que la mort, qu’éprouve Nang Nak pour son jeune époux, Mak. Cette histoire d’amour se serait passée au début du xixe siècle, sous le règne de Rama III (1824-1851). Nang Nak, mariée avec Mak dont elle est éperdument amoureuse, est enceinte lorsque le jeune homme est appelé à la guerre contre les Birmans. Pendant qu’il est loin de chez lui, Nang Nak accouche d’un enfant mort-né et y perd la vie. Pourtant, lorsque Mak revient de la guerre, elle est à la maison, en train de préparer le repas tandis que leur enfant dort paisiblement dans son berceau. Les rares personnes qui, osant dire à Mak – qui ne les croit pas – que son épouse et son enfant sont morts, perdent bien vite la vie car le fantôme de Nang Nak tient à rester près de son époux, pour l’aimer et s’occuper de lui comme elle le faisait quand elle était encore en vie. Les autres se taisent donc, par peur de sa vengeance. Cette vie étrange entre l’homme et le fantôme de son épouse pourrait 227 durer longtemps si un jour, il ne se rendait pas compte qu’elle n’est plus un être humain : ayant fait tomber un citron du haut de la maison, elle

41. Une présentation de la légende de Nang Nak telle qu’elle est racontée dans la littérature orale thaïlandaise est donnée par Songyot Weohong, 1999, « Nang Nank Tamnan Phi Tau Sutthai Khong hai นางนาก ต�านานผีตัวสุดท้ายของไทย » (Nang Nak, dernière légende thaïe de fantômes ?). 42. Ceci s’explique certainement par le fait que les haïlandais, contrairement aux Occidentaux, apprécient particulièrement de lire et de relire, de voir et de revoir des histoires dont ils connaissent toutes les péripéties. C’est ainsi que les représentations du théâtre classique, par exemple, se contentent d’épisodes, et que les spectateurs doivent connaître toute l’histoire ain de pouvoir suivre l’action qui se déroule devant eux. Nous ne parlons pas ici des œuvres littéraires que cette légende a inspirées ; sur ce point, voir Phani Siriwiphak [พานี ศิริวิภาค], 2002, Kan Suksa Pliapthiap Wannakam Raeung Nang Nak Phra Khanong การศึกษาเปรียบเทียบ วรรณกรรมเรื่องนางนากพระโขนง (Étude comparatiste des œuvres littéraires à propos de la légende de Nang Nak), p. 12-71. 43. Ces statistiques sont approximatives ; nous nous appuyons, pour donner ces chifres, sur plusieurs sources dont ibid., p. 72-86, et Kamchon Luyyaphong, Somsuk Hinwiman, 2005, « Khwan Luklam Khong Sunthreeya Lae Lokkathat Nai Nang Nam Nao Korrani Suksa Nang Phi Nai Yuk 2520-2547 ความลึกล�้าของสุนทรียะและโลกทัศน์ในหนังน�้าเน่า กรณีศึกษาหนังผีในในยุค ๒๕๒๐ ถึง ๒๕๔๗ » (Le mystère esthétique et visuel dans les ilms de série B : Étude des ilms de fantômes thaïlandais (1978-1998) », p. 123-131. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

allonge démesurément le bras pour le ramasser44. Mak s’enfuit, et il faudra qu’un moine vienne donner un sermon à Nang Nak, lui expliquant que son mari et elle ne vivent désormais plus dans le même monde, pour qu’elle accepte la vérité et se défasse de cette passion qui ne pourra plus jamais exister. Comme nous le voyons à la lecture de ce bref résumé, l’histoire de Nang Nak rassemble en elle les sentiments humains essentiels qui nous attachent à cette vie terrestre : on y voit un amour si fort qu’il se veut ou se croit éternel mais aussi la colère, la haine et la vengeance : en fait, l'héroïne malheureuse éprouve ce que nous autres, les vivants, éprouvons, et elle est incapable de se libérer de ce qui nous rattache tout à cette vie terrestre. Nous trouvons ici, rassemblés en une seule histoire pathétique, les sentiments que nous avons cru pouvoir préciser à la lecture des quelques nouvelles de Hem Wechakon que nous avons citées. En fait, Nang Nak est comme nous, elle est nous, qui n’arrivons pas à faire le deuil de notre bonheur passé, à pardonner et à tourner la page ; bien des questions se posent alors : peut-on continuer à vivre avec le passé ? Certains événements de notre vie ne cessent-ils pas de nous hanter ? Si nous regardons ces histoires de fantômes d’un œil purement bouddhiste, nous pourrions en conclure qu’aussi longtemps que nous ne serons pas capables de nous débarrasser de la colère, de la frustration, de l’amour 228 ou de la haine notre âme ne trouvera jamais la paix ni le bonheur réel. Le Bouddha ne nous enseigne-t-il pas que l’attachement est cause de la soufrance ? Ce n’est pas par hasard si la soufrance de Nang Nak ne peut s’éteindre que lorsque, ayant entendu le sermon du moine, elle accepte enin de se détacher de ce qui fait son malheur et celui des autres, cet amour irrationnel qu’elle voue à son mari. Nous ne pouvons bien entendu pas nous intéresser ici à l’ensemble de la production de ilms de fantômes de la haïlande contemporaine, mais nous pouvons cependant noter à ce propos deux points essentiels. Le premier est que, d’une manière générale, derrière la mort, ou plutôt malgré la mort puisqu’il s’agit de revenants, deux grands axes demeurent présents, l’amour passionné, celui de Nang Nak45 pour son époux, celui de Dœan pour Boon, mais aussi la vengeance, celle d’Aroon ou de Yut, par exemple ; mais les deux peuvent se combiner, comme dans le ilm « la Vengeance de Ratri46 » (2003) où l’héroïne, délaissée par un amant volage, init par être violée et tuée dans un entrepôt abandonné :

44. Les maisons traditionnelles siamoises étaient bâties sur pilotis et toute la vie domestique se déroulait à l’étage supérieur. Voir Sumet Jumsai Na Ayutthaya [สุเมธ ชุมสาย ณ อยุธยา], 1986, Nam Borkert Watthanatham hai น�้า บ่อเกิดว ัฒนธรรมไทย (Eau, origine de la culture siamoise), p. 112. 45. Nimitbutr Nonzee, 1999, Nang Nak . 46. Sippapak Yuthlert, Buppah Rahtree (la Vengeance de Ratri), 2003. Amour, vengeance, mort Theeraphong inthano elle n’aura de cesse qu’il ne soit lui-même assassiné au même endroit, et tiendra son fantôme prisonnier dans cet entrepôt lugubre, près d’elle, mêlant ainsi son amour à son désir de vengeance. Les ilms plus récents demeurent, après une première lecture, dans cette ligne sous-tendue par une vision bouddhiste de la vie, de la mort et de la soufrance. Nous pouvons cependant y trouver certaines avancées, avec le développement, en haïlande comme dans d’autres pays, de revendications en faveur de minorités plus ou moins opprimées. De ce point de vue, la symbolique du fantôme, potentiellement rejeté par les vivants, peut servir à montrer l’oppression que subissent certaines catégories sociales : ceci est particulièrement lagrant dans certains ilms où apparaissent des revenants homosexuels, Hauting Me47 (2007), souvent aisément identiiables parce que stéréotypés, mais dont le rôle n’est plus de faire rire, comme cela a longtemps été le cas avec des personnages outrageusement eféminés, mais bien de montrer qu’ils peuvent avoir une inluence bénéique sur les événements. Le cadre du ilm de revenants, largement apprécié du public, est alors propice à l’expression de ce type de messages. Ce rapide aperçu de la place, au demeurant importante, des fantômes dans la littérature et les ilms contemporains nous invite à réléchir sur les raisons d’un tel succès. On pourrait bien entendu n’y voir, si nous nous placions du point de vue que l’on peut avoir sur le même type d’œuvres 229 en Occident, que matière divertissante48 ; ce serait cependant oublier que certains critiques se sont penchés sur le Frankenstein de Mary Shelley ou le Dracula de Bram Stoker en y trouvant des intentions philosophiques ou le relet de certaines angoisses, contemporaines de leurs auteurs. Ce n’est pas par hasard que les histoires de fantômes si appréciées des haïlandais d'aujourd'hui tournent en fait autour de thèmes essentiels qui en sont les protagonistes véritables, l’amour, la passion, la colère, la vengeance et, les reliant toutes, la mort. Ce sont en efets là les moteurs profonds de toute action humaine et, en les projetant sur ces fantômes, par-delà la mort, l’auteur comme les lecteurs ou les spectateurs y expriment leurs désirs profonds. La peur, même délicieuse, que de telles histoires plus ou moins efrayantes suscitent en chacun ne serait-elle pas une peur de nous- mêmes, de ce que nous sommes véritablement ? Dans cette optique, le fantôme devient le double du vivant, il le révèle tel qu’il est réellement, tel qu’il craint d’être réellement, miroir déformant d’une fausse réalité qui dévoile enin la réalité. Si cette analyse est juste, l’engouement qu'on peut reconnaître en haïlande pour les histoires de fantômes dépasse largement le seul domaine du divertissement.

47. Arnon Poj, 2007, Haunting Me [Hor Taew Tak หอแต๋วแตก]. 48. Nous employons ici le mot « divertissant » pour traduire le mot siamois /sàʔǹk/ : celui-ci est trop souvent compris comme voulant dire « amusant » alors qu’il exprime en fait la qualité de tout ce qui permet de s’évader de la vie matérielle et de ses soucis. C’est en ce sens que les ilms d’horreur les plus gore peuvent être qualiiés de divertissants. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Au-delà des sources universelles de ces croyances et des terreurs qu’elles suscitent, ne convient-il pas d’aller chercher plus loin ? Bien sûr, l’obsession de la mort et surtout l’inquiétude de ce qu’il y a, ou qu’il peut y avoir après, demeure, mais nous pouvons nous poser la question de savoir si, le fantôme étant regardé comme le double efrayant de ce que nous sommes vraiment et qui se révélera dans toute son horreur après notre mort, il ne se rattache pas, en haïlande, à des siècles de croyance dans le bouddhisme populaire : c’est parce que ces êtres n’ont pas su renoncer à ce que le bouddhisme appelle le désir49, /k ì ʔ l è : t / en thaï, qu’ils l’emportent avec eux après leur mort, incapables de parvenir à la libération. Dans ce sens, les histoires de fantômes participeraient d’une prise de conscience de ce qu’est, dans le bouddhisme, la soufrance50, /th́k/ en thaï. Mais cette hypothèse ne s’appuie que sur un corpus réduit puisqu’il ne concerne que la haïlande contemporaine. Il serait donc intéressant de savoir si, dans les autres pays du bouddhisme du Petit Véhicule, Sri Lanka, Birmanie, Laos et Cambodge, une telle interprétation pourrait être également validée.

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49. Le premier désir dont tout homme fait constamment l’expérience est celui des plaisirs sen- suels, le deuxième touche l’homme à un niveau plus profond, celui de l’existence, et le troisième est de celui de l’anéantissement. Voir Dennis Gira, 1998, Comprendre le Bouddhisme, p. 51. 50. La notion de dukka (soufrance) peut être considérée de trois points de vue diférents : 1/ dukka en tant que soufrance ordinaire (dukka-dukka) ; toutes sortes de soufrances, comme la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, l’association avec des personnes désagréables ou la dépendance de conditions déplaisantes, la séparation d’avec des êtres aimés ou la perte de condi- tions plaisantes, ne pas obtenir ce que l’on désire ; 2/ dukka en tant que soufrance causée par le changement (Viparinama-dukka) – un sentiment heureux ou une condition de vie heureuse n’est pas permanent, n’est pas éternel, un changement interviendra tôt ou tard, et quand il survient, il y a douleur, soufrance, peine ; 3/ dukka en tant qu’état conditionné (samkhra-dukka) est l’aspect philosophique le plus important de la Première Noble Vérité… Voir Walpola Rahula, 1978, l’Enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens, p. 38 et suiv.

Abstract: In Japan those who wanted to avoid the uncanny or, conversely, decided to prove their courage by visiting haunted sites could track down ghosts at their homes thanks to collections of local legends or to guides such as the Nihon kaiki meishō annai (Guide to famous eerie places of Japan). Books of this type still sell but DVD documentary collections such as Nihon onnen chizu (Map of Evil in Japan or video reportage posted on Internet are now the most common way of interacting with ghosts. Instead of looking at the illustrations included in earlier works of supernatural reference today’s fans of appartitions prefer to vizualize spirits ‘objectively’ through a camera or set of, weighed down by a series of instruments, to capture the immaterial for themselves. Keywords: spaces, ghosts, haunted houses, travel guidebooks, Japan

Visiter les fantômes au Japon : des répertoires de lieux hantés pré- modernes aux « explorations spirites » d’aujourd’hui Résumé : Au Japon, ceux qui voulaient éviter ou, au contraire, prouver leur courage en visitant des lieux hantés pouvaient traquer les fantômes (et autres êtres de métamorphose) grâce à des recueils de légendes locales ou des guides de lieux étranges célèbres comme le Nihon kaiki meishō annai (Guide des célèbres lieux étranges du Japon). Des livres de ce genre ont encore du succès mais les reportages vidéos sur internet constituent désormais le moyen de difusion le plus répandu. Au lieu de regarder des illustrations comme autrefois, les fans de fantômes contemporains préfèrent les «voir en vrai» à travers un objectif ou s’adonnent, bardés d’instruments pour capter les shinrei (esprits), à l’exploration des lieux hantés de jadis. Mots-clés : espaces, fantômes, guides de voyage, Japon

日本で幽霊を訪ねる:「現代の降霊術的探索?」 要約:による前近代の呪われた場所のリスト日本では、 避 けたい 者 にとってもまた 勇 気 ある者 にとっても、呪われ た 場所を訪れ、幽霊や他の化け物を追跡することができる。 地方の伝説を集めた本や、『日本怪異名所案内』のようなよ く知られた不可思議な場所のガイドブックがあるからである。 この種の書物は今日でも人気があるが、今後はインターネットでの動画に よるルポルタージュ(「日本怨念地図」など)が、情報を広めるのに最も普 及した手段となる。現代の幽霊フアンは、以前のようにイラストの図版を眺 めるよりも、レンズを通して「実際に見る?」のを好んだり、心霊を捕まえ るための種々の道具で武装して、往時の呪われた場所を探索するのに興 じたりするのである。 キーワード:空間, 幽霊, 心霊すぽっと, 名所, 日本 Haunted Sites Mary Picone

HAUNTED SITES: WHERE TO VISIT GHOSTS ACCORDING TO WRITTEN OR FILMED COLLECTIONS OF PERSONAL EXPERIENCES

Mary Picone Centre de Recherches sur le Japon, EHESS-PSL

In this article I attempt briely to summarize some characteristics of pre- modern and nineteenth-century haunted sites, then to examine in greater detail more recent examples of materials documenting interactions between ghosts and the haunted: guidebooks and written collections of personal experiences. However other types of sources such as television or ilm dramatizations, as well as amateur videos posted on websites, have 233 recently come to dominate the ield. All these materials retrace ghostly itineraries or identify these sites, now oten called “spirit spots” (shinrei spotto 心霊 ス ポット). he Japanese fascination with ghosts was and still expressed in an almost inexhaustible variety of forms: in writing through literature or orally by storytelling or in painting and other visual media. Yet even the most literary accounts may include references to supposedly real encounters. It should be noted that I refer to ghosts in this article but, as in China, accounts of encounters almost always include broader categories of strange beings or events. he hybridization of genres between “folk” accounts and what would become urban legend and literature was already a feature of many of the tales included in medieval collections such as the “Tales of Time Now Passed” (Konjaku monogatari 今昔物語). It continued to be a feature of Edo period “strange stories” (kaidan 怪談), some of which were labelled “true records” (jitsuroku 実録), and is very oten an essential element of contemporary popular handbooks or of seemingly endless video, television and ilm dramatizations. he latter, for example, include series with titles like “Scary stories that really took place” (Honto ni atta kowai Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

hanashi' ほんとにあった恐い話し)1 or “I saw a ghost!” (Yūrei wo mita! 幽霊 を見 た!).2 Even ilms presented as iction, such as Nakata Hideo’s he Ring (Ringu) (1998) or he Complex (Kuroyuri danchi クロユリ団 地) (2013), include elements derived from real-life news stories or refer to topical social problems. Notwithstanding this embarras de richesses, for some people reading accounts or watching ilms of others’ experiences is not enough; they wish to go a step further and attempt to establish a direct contact with “the strange” (kai 怪 or ki ) by personally visiting places said to be haunted and oten ilming their own explorations. My interest in ghosts started in the late 1980s as part of research on attitudes towards “bad deaths” and funerary ritual. At that time I came across many small paperback collections of “real ghost stories”, the most interesting of which, I think, were those collected and/or written by Hirano Imao. One of these, the “Guide to Famous Eerie Places of Japan” (Nihon kaiki meisho annai) (1976), is a slightly tongue-in-cheek reference to famous literary travel journals. He published a second collection in 1981, entitled “Strange Stories in Japan” (Nihon kaiki monogatari). Better known later collections of “real experiences of the supernatural”, shinrei taiken 心霊体験 include the 10 volume Shin mimibukuro (literally A New Version of a Bag of Ears, a reference to a 19th century compilation) written and/or compiled by Kihara Hirokatsu and Nakayama Ichirō 234 (1990 to the present). Still other very popular media compilations are a series of retellings of modern ghosts stories by professional performers such as Inagawa Junji. Before the beginning of mass tourism, meisho 名所, literally “renowned places”, were sites associated with literary works or historical events. Many of these are tragic or melancholic: grave mounds erected over the severed heads of defeated warriors, last dwelling places of exiled courtiers, sites where beautiful maidens committed suicide, etc. Instead of contemplating obvious “beauty spots”, such as picturesque landscapes, well-read travellers would oten come across faint remnants of ruins or seek out sites which had lost all visible traces of the event in question, identiied only by inscriptions.3 his unsubstantial quality is still a common characteristic of tourist sites today. here has been a relatively recent renewal of Western scholarly interest in pre-modern Japanese travel writing. he ield may continue to grow since the amount of material—even if we consider only the genre

1. Tsuruta Norio [鶴田法男] et al., 1999-2009, Hontō ni atta kowai hanashi ほんとにあった 恐い話し, Fuji Tv. 2. Directed mainly by Tsuruta Norio and including yearly 'specials' in a longer format (1999–2015). 3. Nenzi Laura, 2008, Excursions in Identity: Travel and the Intersection of Place, Gender and Status in Edo, Honolulu: University of Hawaii Press. Haunted Sites Mary Picone of the meisho ki 記 and the meisho zue 図会 (respectively, accounts and illustrated descriptions of famous places) is daunting.4 Many travel accounts describe encounters with ghosts, included among various forms of the strange, more or less like other fortuitous meetings on the road rather than as the object of a speciic search. In a fascinating article on Edo travellers, Harold Bolitho incidentally shows once again that attitudes towards the supernatural varied according to the individual. Although there were scholarly attempts, most notably by the Buddhologist Inoue Enryō, to disprove “superstitions” during the Meiji period5, as might be expected there was no deinitive separation between an era of “belief” and one of scepticism. Some of the accounts included in a collection of “newspaper articles about supernatural creatures” from this period document this variety of responses: among other possibilities, for example, the apparition of a ghost in a place thereater identiied as haunted could be disquieting at irst, but then might be accepted as a useful marketing device by the owner.6 Curiously, two of the articles in question (dated 1886 and 1895) deal with bath houses and prostitution, elements which recur in more recent texts. In later eras, literary fashions such as the Taishō period’s (1912–1926) “searches for the strange”,7 recurring “occult booms” and, more recently, 235 the popularity of New Age spirituality have encouraged the traditional preoccupation with ghosts. he New Age vogue has also greatly contributed to the desire to discover psychic powers of one’s own, thought to facilitate encounters with spirits. However, the discovery of the “true form” (shōtai 正体) of an apparition, or the reason for its presence, are still frequently provided by a professional shaman or medium. contemporary accounts of haunted sites In Hirano’s 1976 collection, haunted sites are divided into seven categories, plus an eighth section on UFOs. Of these only three are classiied according to geographical features: “strange entities” appearing by the roadside, loating over water, or in the mountains. he next three

4. Nenzi Laura, 2008, Excursions in Identity; Traganou Jilly, 2004, he Tōkaidō Road: Travelling and Representation in Edo and Meiji Japan, London: Routledge Curzon; and best of all, Plutschow Herbert, 2006, A Reader in Edo Period Travel, Folkstone: Global Oriental. See also Bolitho Harold, 1990, “Travelers’Tales:hree Eighteenth-Century Travel Journals”, Harvard Journal of Asiatic Studies, 50 , 2 5. Figal Gerald, 1999, Civilisation and Monsters. 6. Yūmoto Kōichi, 1999, Meiji yōkai shinbun, Tokyo: Kashiwa shobo. 7. Angles Jefrey, 2008, “Seeking the Strange: Ryōki and the Navigation of Normality in Interwar Japan”, Monumenta Nipponica, 63/1, pp. 101–141. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

sections are identiied by type of building or urban area: kai appearing in public buildings, in traditional haunted houses (obake yashiki お化 け 屋敷) or in “accursed places”. he seventh part of the book lists the best spots in which to take spirit photographs (shinrei shashin 心霊 写真). Interestingly, the greatest number of sightings occur in public buildings. Another author, Nakamura Masao, in “Ghost Stories from the Sea, Ghost Stories from the Mountains”, limits his classiication to the two areas in question. Some more recent texts, such as the “Map of Malice” (Onnen chizu 怨念地図), and the “Kansai Map of Malice”, published in 2005 and 2004 respectively, provide only lists of place names or regions. Published in magazine form in 2005, “199 Modern Spirit Spots” orders the chosen places irstly according to the type of fatal incidents causing the apparitions, e.g. “accidents and catastrophes” and “evil crimes and curses”8. Subsequent chapters are devoted to the type of source identifying these spots—history and legends, or urban legends— or to the status of scientiic proof and to technical means of recording, such as the ever popular spirit photographs. Printed materials attempt to heighten the eeriness of the brief accounts they publish by adding illustrations, photographs or, best of all, titles printed in spectral typefaces. Some bleed down the page, others emerge from a background of nocturnal mists or cold blue “spirit ires”, while 236 still others appear to be traced by a shaking hand. It may not be surprising to discover that at present, in overbuilt Japan, haunted sites are rarely historical buildings or historically signiicant meisho in the sense described above. Only a few are connected to tragic events in national history, such as the destruction of cities in the Second World War, although a fair number are said to correspond to the communal grave mounds erected on medieval or Edo period minor battle grounds. Most frequently, however, as in other countries, these sites are tied by word of mouth or by the media to more recent local fatalities. Accidents with many victims or violent deaths such as crimes and suicides, are reported and archived, thus supplementing local memory. Many combine these factors, particularly in places like Kyoto, which have a more documented history than other areas. Moreover, as in innumerable ghost stories collected worldwide, ghosts are also said to appear in apparently unremarkable recent buildings, and explained by a retrospective identiication of the earlier characteristics of the site such as old burial ground or hospital etc. For example, if we search the 229 stories in Hirano’s two collections (1976 and 1981) we ind—besides the protagonists' own houses—the following identiiable sites: pre-modern, divided in turn into cemeteries [10], burial mounds [4], old execution grounds [2], ancient tombs

8. Onryō supotto199 怨 霊 ス ポット199, 2005, Tōkyō : Nihon bungeisha. Haunted Sites Mary Picone kofun 古墳 [3], and four modern historical sites including Nagasaki as site of the atomic bombing, the prison of Sugamo, and a mass grave of unidentiied bodies in Tokyo. he latter, where war criminals were executed, was hidden and a skyscraper was built over the pit. More recent spots include famous suicide sites [7], hospitals [6], morgues [2], public baths [6] and toilets [2]. here are frequent references to “modern ruins” (haikyo 廃墟), that is to say fairly recent disafected buildings and other abandoned sites. he association of the Gothic picturesqueness of old buildings, particularly castles or manor houses, with haunting in the West has been rather less common in Japan due to perishable building materials and frequent disasters such as ires. Very many older buildings have been destroyed. Unfortunately, uncontrolled private building and useless public works have covered the country with barely used cement structures subsequently let to disintegrate. he fashionable craze for the urban exploration of these modern ruins has now spread to all continents, but young Japanese were the irst to take it up on a large scale. he founders of the movement in Japan, Kurihara Tōru and his group, repeatedly claim that they never saw a ghost in all their years of exploring ruins,9 yet hundreds of amateur videos and “true stories” link haikyo and paranormal exploration. Some sites are both liminal and places where accidents have occurred, 237 such as tunnels or railway junctions, e.g. a disused station in Kyoto’s Sakyōku ward, or an overpass of highway number 171, where “a spirit calls out”. hese very ordinary contemporary sites also include playgrounds, or abandoned amusement parks. he latter are popular also in iction e.g. Miyazaki Hayao's well-known animated ilm “Spirited Away” (Sen to Chihiro no kamikakushi) 2001. Or, as an example of the former, a baby’s ghost appears to a childless couple in the park surrounding Takaragaike pond.10 Another broad category consists of isolated and/or gloomy natural sites such as forests, mountain trails, or lakes. Some texts also include a map of famous suicide spots, a particularly relevant classiication ater the strong increase in the national rate ater 1998. Onnen chizu lists iteen such spots. he number of haunted sites in a given area varies according to sources. he Kansai onnen chizu, for example, lists ninety-seven in the region in question. Not surprisingly, more tend to be discovered over time as accidents and violent deaths mount up and paranormal explorers extend their range. he Okaruto jōhōkan オカルト情 報 館 site lists 500 spots within Kyoto prefecture alone.11

9. Kurihara Tōru, 2002, Haikyo no aruki kata, Tokyo: East Press. 10. All the above examples are listed in Kansai onnen chizu, 2004, GHM kenkyushō. 11. De Antoni Andrea, 2011, “Ghost in Translation: Non-Human Actors, Relationality, and Haunted Places in Contemporary Kyoto”, Japanese Review of Cultural Anthropology, 12, pp. 27–49. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

exterior, interior and intermediate spaces or boundaries

A hitherto almost unnoticed type of site might be called “interior space”. In this case, topography is scaled down and apparitions are said to be connected to the most eerie places within a house or building. A folklorist, Itabashi Sakumi (Komatsu 2009), gives a very detailed summary of haunted or inauspicious interior spots, based on nineteenth- century regional surveys. In his micro-catalogue, architectural details such as the orientation and/or the placing of the tatami mats in each room were said to attract ghosts, “warriors’ severed heads”, demons, and misfortune in general. Even a particular number of occupants or the coming of night could cause a previously harmless room to reveal a secret malevolence. Within the household, besides the inauspicious north-eastern corner, the well, the kitchen and the toilet—openings leading down to an underground domain—served as entry points for the inhabitants of the other world12. he fear of a subterranean connection plus the desire to avoid impurity have made toilets one of the prime sites of contemporary urban legends, particularly among children and located in schools. A famous apparition known as “toire no Hanako” (Hanako of the toilet) which has inspired many ilms since the 1980s. 238 Cellars, a favourite abode of Western ghosts, were not part of traditional Japanese buildings, although the crawl space under the foundations as well as the uninhabited area between the ceiling and the roof are oten still thought to be sinister. In modern buildings there are additional types of interior spaces, considered intermediary between the public and the private domains, and oten added to a typology of haunted areas. Staircases, elevators and corridors, all of which connect above-ground spaces with underground places, frequently feature in contemporary horror ilms. hese sites may appear to lose their normal proportions by adding to the usual number of loors, and stretch downwards to unspeciied depths. In a ilm about a haunted convenience store, even a refrigerator, when its door has been opened by a hapless customer, is shown to lead back to an ininitely regressing corridor traversed by a ghost.13 Studies of popular religion in more traditional settings have identiied a series of boundaries (kyōkai 境界) between worlds, liminal places with distinctive types of real or imaginary inhabitants and natural features. Komatsu (2008) includes a diagram of prototypical village boundaries. As may be expected, the uncanny/strange character of spaces and their

12. Itabashi Sakumi, 2003,”Zokushin ni okeru kaii”, 13. Hoshino Yoshihiro, 2004, Cursed, or Chō kowai hanashi A: yami no karasu Haunted Sites Mary Picone denizens increases with distance from the village centre and proximity to the deeper or higher (oku 奥) parts of mountains at its borders. In an edited collection of articles on this subject, Komatsu lists the borders between the living and the dead, which, besides obvious choices such as caves, include gates, bridges, crossroads, and the “place where rainwater strikes when falling from the eaves”.14 he most frightening video I saw while gathering material for this article was posted anonymously on internet website and entitled “exploring ruins”. It gradually revealed a particularly eerie interior space. An unidentiied ruined traditional house is gradually revealed through the eyes of an unseen searcher, entering by night. His physical presence is implied only by glimpses of his shadow, the sound of footsteps, and slowly increasing heavy breathing. He makes his way through each deserted room, wading through piles of discarded objects and trash, until he realizes that there is an inaccessible space hidden in the attic. hen, while the viewer starts to feel a mounting unease, he breaks into the inner heart of the interior, inding still more rubbish, walls covered with paper charms to ward of evil, and many small dolls. he last minutes of the footage reveal that this place contains dozens of girls’ tattered kimonos splashed with blood hanging on cords criss-crossing the room as well as a hanged larger doll, a miniature reproduction of a young girl, which is 239 also stained with blood. A subtitle reads “I will always cherish this doll” and we realize that, instead of the now standard vicarious participation in the urban exploration of ruins, we have been tricked into following the footsteps of a perverted monster.15 here are many other examples of haunted spaces connected with sex. Ghostly appearances fairly oten take place in areas associated with prostitution and leisure. Crumbling love hotels or bath houses in once popular provincial resorts are frequently featured. Hirano’s collections, for example, include six cases. However, the association between ghosts and (oten commercial) sex in these stories can be deduced from the linkage of a series of tropes: ghosts are predominantly female, generally young, and were oten murdered by men, or killed themselves when discarded by their lovers. None are housewives and their way of life is “impure”. he animator Miyazaki extended the eerie associations of old fashioned bath houses to the adventures of a child protagonist in the above- mentioned ‘Sprited Away’. A striking recent example, once again featuring an interior space, is included in the magazine (or mook) Onryō supotto 怨 霊 ス ポット. Here

14. Komatsu Kazuhiko, 2009, Nihon no yōkai, Tokyo: Natsume shuppan kikaku, and Komatsu Kazuhiko, 2001, Kyōkai, Tokyo: Kawade. 15. “Exploring ruins”, 2009, Saya in Underworld, http://sayainunderworld.blogspot. fr/2009/03/exploring-ruins.html [consulté le 17 février 2016]. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

both a DVD sold with the magazine and photographs on the page show a corner of a love hotel room where a young girl performs a sex act with a client and a blurred ghostly face can be made out in the background. he most surprising element is the series of detailed reconstructions of the scene, including outlines of occupants and a loor plan of the room, by means of computer graphics. Virtual reality reconstitutes concrete details of the apparition, such as its size and mass, in order to prove the existence of the spirit. Yet even these high-tech improvements to visualization are complemented in the DVD by summoning an in-house medium to the scene ater the occurrence. In a rather blasé manner, she explains on camera that the mysterious face is that of an animal spirit in human form, evoked by a practitioner of one of the new religions. Digital technology provides other “spaces” for apparitions. A well- known urban legend, for example, maintains that an icon of a red door may pop up on a screen at night; if the owner completes the message underneath it, he or she will be found dead the next morning, and the walls of the room will be painted red with blood. Electronics are also used to ind or create haunted itineraries: there are around ten possible tour choices with ‘fear apps’ for Japanese smart phones, and google (Japanese version) ofers a map of haunted spots in Tokyo. Successive accounts of haunted places collected in books or magazines 240 or located in cyberspace may be usefully collated and compared with other forms of interaction, such as visits organized by companies selling guided “ghost tours”. Even taxi or bus companies have started to provide special haunted tours such as the ‘he Taxi world you do not know’ (Anata no shiranai takushi no sekai, a reference to a well-known television series comparable to the Twilight Zone). In a recent article, De Antoni16 describes one of Kyoto’s ghostly tours in detail and connects it with several written sources. An example of a well-known spot is Midorogaike pond in northern Kyoto, one of the two places De Antoni examines at greater length. he pond also features in Hirano’s collection, published thirty years beforehand. I translated Hirano’s account in an article published in 1991.17 At that time I had tried to carry out an unsystematic spot check of his accounts by talking to people living in or near several of the places listed about their own impressions or their knowledge of local stories. Midorogaike was duly considered to have an “eerie” atmosphere by two people, but I was not given any explanation for this feeling. In the late 1970s and even later, when I visited the spot, the area around the pond was still not very built up and was deserted at night and poorly lit. he damp air and

16. De Antoni Andrea, 2011, “Ghost in Translation”. 17. Picone Mary, 1991, « Ombres japonaises : l’illusion dans les contes de revenants (1685- 1989) », l’Homme, 31/117, p. 122–150. Haunted Sites Mary Picone the relection of the moon on the particularly still waters might well be considered disturbing by many passers-by. he successive versions of ghostly encounters near the pond can be summarized as follows: • Hirano: a young woman enters a taxi passing near the pond at night and asks to be taken to Kyoto University, aterwards the driver inds that she has vanished before arriving at her destination and that her seat is still wet. According to the explanation given by the author, she is the spirit of one of the people who died in a “charity hospital” once located next to the pond and, in accordance with a common pre-war practice, her corpse was given to the university for dissection by students. • Kasha and Kikuchi (collected in 1999, and summarized by De Antoni): the female ghost asks the taxi driver to be taken to the pond and vanishes. • Finally, on the website Okaruto jōhōkan, also found by De Antoni and accessed in 2011, the woman passenger is said to appear to the taxi driver because she is one of several patients of a psychiatric hospital on the lake shore to have committed suicide by drowning in its waters. 241 For most readers, the outline of this story may be just another version of one of the best-known urban legends, an encounter with a “vanishing hitch-hiker”. his story seems to adapt to most forms of social change. In the atermath of the triple disaster at Fukushima taxi drivers have reported picking up ghost passengers in the Ishinomaki area (Asahi shinbun, January 21st, 2016). In fact, many pre-modern ghost stories feature several of the above elements. Meiji period versions of urban legends reveal fears associated with modern technology, i.e. trains or tram cars, or focus on practices connected to new institutions. he latter include Western medical hospitals, which introduced routine dissection (which had long been forbidden and then limited to the bodies of paupers or prisoners), or, more particularly, internment in psychiatric hospitals. If some geographical locations are unchanged, foreign social structures are more or less rapidly incorporated into local reinterpretations. Yet another element common to a number of sites could be described as a “strange natural feature”. Midorogaike is said to be “bottomless” and not to give up the corpses of those who drown in its waters. his combination of rare natural site and the supernatural is found in other locations, for example in the forest of Aokigahara. his “sea of trees”, as it is also known, is now the most famous suicide spot in Japan and consequently, for many, one of the most haunted. he forest is said to Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

have a particular electromagnetic ield which prevents compasses from working. herefore, even if they decide not to commit suicide ater all, the people who enter are said not to be able to ind their way out and thus to perish. Some inhabitants of the area claim that the spirits of those who kill themselves (some years as many as a hundred people) try to lure passers-by to join them in the dark and trackless interior. Several Buddhist priests hold memorial rituals to pacify these spirits.

final comments on spirit videos he ghost videos which constitute a large part of the contemporary material do not provide ordered itineraries like those proposed by guidebooks or tours, although they could be seen as virtual, vicarious exploration like much of our travel today. he problem with the presupposed unsubstantial nature of ghosts is of course that very clear images will be almost indistinguishable from real forms, and therefore presumably less convincingly supernatural than vague, blurred or semi-transparent traces. Sometimes a mere circle of light is enough; in a few other cases, techniques allow the capture of an identiiable igure such as a warrior in armour.18 Besides the ubiquitous 242 spirit photographs, a vast variety of images are pored over by fans of the genre in search of new material. A particularly striking example of what could be called a haunted metasite is a short video I came across by chance on YouTube in April 2011.19 he enlarged fragment in question showed that even a two-second- long fragment of footage from Ringu, the ilm that launched the J-Horror craze, contained an image of a “real” ghost. For many anthropologists, however, the most interesting aspect of some of these videos is probably the attempt to obtain a record of an experience by taking a medium to the actual site, then ilming her seeing a ghost—which is not visible to anyone else—and recording her comments.

18. he videos taken on haunted sites share many features with spirit photographs, a genre irst imported to Japan in the early 1900s. During this period, they were conined to interiors where Western-style séances were staged. hen, as in other countries, improved technology allowed cameras to record images in almost any situation and lighting conditions, and ghosts were tracked down where they were usually said to appear. Spirit photographs started to become po- pular, particularly among young people, in the 70s. his craze probably peaked in the late 90s but their popularity continues to this day. An example of a recent codiied form of this interac- tion with the supernatural is the Nintendo video game Shinrei Camera (2011), in which players go through a haunted house and interact with ghosts by taking their picture via a special camera provided with the game. 19. his video has—appropriately—vanished since then, but sequences of others are easy to ind. See a selection of ghost videos at this website: http://www.dailymotion.com/video/x2oon8_心霊動画2-4-10コンビニにいる幽霊 _news. Haunted Sites Mary Picone

Filming one’s visit to these sites, for example with a mobile phone, is a variation of the dares (kimodameshi 肝試し) that remain popular among adolescents and were once a pastime of adult warriors. Sought- for encounters with supernatural beings already appear in the early 12th century Konjaku monogatari. Because many of these videos do not identify the spots they feature, they reairm the typology of haunted sites (ruins, tunnels, tumuli, etc.) rather than adding to the supernatural fame of speciic meisho. Moreover, they implicitly serve as a model or a cliché to be replicated by viewers intending to repeat the form of the visit and ilm their own sightings. To complete the loop, these new videos will be posted in their turn as proof of the encounter. Occasionally such trips also provide a way to reveal a person’s psychic sensitivity and impress more stolid friends. In what could be called a genealogy of the expression or concealment of fear, whereas once warriors showed their courage by remaining impassive, most contemporary ghost videos include exaggerated amateur—oten female—dramatizations of the terror supposedly felt by paranormal explorers. he conventions of fear and the typology of haunted sites are increasingly globalized; however, some of their features are still identiiably Japanese. Yet through the spread of East Asian sot power and 243 digital technology, Japanese ghosts have extended their area of inluence overseas and now increasingly haunt our own mental backyards.

FANTÔMES ROMANESQUES D’AUJOURD’HUI Résumé : Tianxia Guiyuan est une femme écrivaine contemporaine chinoise, connue pour ses ictions sur internet classées dans la catégorie Chuanyue 穿越 (Voyage dans le temps). Son roman l’Impératrice Phénix attire notre attention par sa représentation de igures du fantôme, à la fois héritière de la tradition lit- téraire chinoise et fruit d’une réinvention contemporaine. Nous proposons ici une étude en deux temps : d’abord, la représentation des igures du fantôme ; ensuite, l’écriture de la fantasmagorie à l’ère numérique. Mots-clés : littérature sur Internet, voyage à travers le temps, fantôme, Tianxia Guiyuan, Impératrice Phénix

Figures of ghosts in Internet novels: The Empress Phoenix (Di Huang) of Tianxia Guiyuan Abstract: Tianxia Guiyuan is a contemporary Chinese female writer, famous for her Internet novels classiied as Chuanyue 穿越 (Travel through times). Her novel he Empress Phoenix draws our attention with a representation of igures of ghosts, both as the heir of Chinese literary tradition and as a contemporary reinvention. I propose a two-step analysis: at irst, the representation of ghosts; then, the writing of phantasmagoria in the digital age. Keywords: Internet literature, travel through times, ghost, Tianxia Guiyuan, the Empress Phoenix

網絡小說中的鬼魅形象:評析天下歸元的小說《帝凰》 摘要:天下歸元是中國當代網絡文學女作家,因其穿越小說而著名。小 說《帝凰》中呈現的各式妖魔鬼怪,繼承了中國的文學傳統,同時又運用 新時代的文學手法與想像。本論文將從鬼怪的形象塑造和網絡時代幻魅 創作特點這兩個方面評析這部小說的鬼魅灯寫作。

關鍵詞: 網絡文學, 穿越, 鬼魅, 天下歸元,《帝凰》 Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang

FIGURES DU FANTÔME DANS LE ROMAN SUR INTERNET : L’IMPÉRATRICE PHÉNIX (DI HUANG) DE TIANXIA GUIYUAN

Xu Shuang CRCAO/Université Paris-Diderot/Sorbonne Paris Cité

Tianxia Guiyuan (天下歸元) est une écrivaine contemporaine chinoise, connue pour ses romans sur Internet1 classés comme genre littéraire « traversée » (Chuanyue 穿越2). Publiés depuis 2008 sur le site littéraire chinois Xiaoxiang shuyuan 瀟湘書院3, ses romans sont ensuite édités en volumes papier par des maisons d’éditions oicielles. Grâce à son roman l’Impératrice Fuyao (Fuyao huanghou 扶搖皇后4), qui a reçu le « Prix d’excellence de la littérature féminine en 2011 », l’auteure a obtenu la distinction d’« Excellent écrivain de la littérature féminine en 2011 » et a été élue au même rang que des auteures de renom comme Wang Anyi 247 王安憶 et Yan Geling 嚴歌苓. Depuis 2013, elle a été admise comme membre de l’Association des écrivains de Chine – signe de reconnaissance oicielle du monde littéraire chinois à l’égard de l’ensemble de sa création romanesque. Le roman l’Impératrice Phénix de Tianxia Guiyuan relate une histoire de vengeance mêlant des thèmes de réincarnation, de meurtres, de

1. La littérature numérique a fait son apparition en Chine vers la in des années 1990. Depuis lors, elle a pris de l’ampleur. On compte actuellement plus de 200 sites littéraires qui publient un nombre considérable de romans à chaque seconde. Il s’agit d’une nouvelle forme littéraire dont la création, la lecture et la difusion se développent via Internet. Pour une présentation générale de cette nouvelle forme de création littéraire, voir Michel Hockx, 2015, Internet Literature in China. 2. Le schéma narratif du genre Chuanyue est caractéristique : le protagoniste du temps contem- porain quitte son corps accidentellement ou intentionnellement, et son âme traverse le temps et l’espace pour aboutir à un autre espace-temps. Le genre Chuanyue a évolué depuis plus de dix ans. Au début (2004-2006), il s’agissait d’arriver à un moment repérable de l’histoire de la Chine ; depuis 2006, apparaît le « nouveau genre Chuanyue » dans lequel le protagoniste se retrouve dans un espace-temps ictif. Pour une présentation générale du genre, voir Li Yuping, 2011, Wangluo chuanyue xiaoshuo gailun 網絡穿越小說概論 (Précis sur le genre Chuanyue de la littérature sur Internet). 3. http://www.xxsy.net/ 4. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix) pour la version numé- rique ; Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang (shang, zhong, xia) 帝凰 (上 、中 、下 ) (l’Impératrice Phénix, tomes 1, 2 et 3) pour la version papier. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

conlits politiques, d’amour et d’amitiés. L’histoire se passe à une époque dynastique imaginaire, dans un lieu indéini. L’impératrice, ayant été assassinée d’une manière atroce dans sa vie antérieure, se réincarne en une servante du palais pour retrouver son assassin. Face aux multiples suspects – empereur, ministres, amis et ennemis, elle se livre à une enquête de détective. Le roman, malgré sa contemporanéité, fait écho à la littérature traditionnelle chinoise abordant le thème du fantôme. Comment les fantômes y sont-ils représentés ? Sont-ils diférents de ceux de la tradition ? Quelle est la part de modernité dans cette écriture ? Dans notre étude, nous proposons de répondre à ces questions à partir des deux aspects suivants : tout d’abord la représentation des igures du fantôme, ensuite l’écriture de la fantasmagorie à l’ère numérique.

figures du fantôme apparitions fantomatiques Le roman se compose de deux grandes parties. La première partie, intitulée « La renaissance du Phénix » (« Niepan 涅盤 »), relate la réincarnation de l’âme de la défunte impératrice Mingrui, sa nouvelle 248 vie dans la peau d’une servante du palais et ses retrouvailles avec des personnes connues dans sa vie antérieure. La deuxième partie, intitulée « Les six royaumes » (« Liuguo 六國 »), décrit la quête de la vérité au sujet de l’assassinat de l’impératrice, et son parcours de combattant qui l’a conduite jusqu’au trône de l’empire. Tout au long du récit, des igures fantastiques – fantômes, monstres, démons – projetées sur la scène ofrent un spectacle extraordinaire. Dans la culture populaire chinoise, le fantôme est considéré comme l’âme (hun 魂) ayant quitté le corps défunt. Le fantôme, invisible, n’a pas de forme. Maruo Tsuneki indique dans son étude que dans la tradition littéraire chinoise, en particulier dans le théâtre et la iction classiques, l’apparition du fantôme s’accompagne souvent d’un « vent tourbillonnant » (xuanfeng 旋风)5. Sous la dynastie des Tang, le poète Li He (790-816), qui excelle dans la représentation du monde fantastique, évoque l’arrivée des esprits surnaturels par un « vent tourbillonnant » : Les dieux de la mer et les esprits de la montagne prennent place, lorsque des pièces de monnaie en papier brûlent en bruissant dans le vent tourbillonnant.

5. Maruo Tsuneki [丸尾常喜], 2006, Ren yu guide jiuge: Lu Xun xiaoshuode lunxi "人"与" 鬼"的纠葛 : 魯迅小說論析 (Imbroglio entre hommes et fantômes : analyses des nouvelles de Lu Xun), p. 161. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang

海 神 山 鬼 來 座 中 ,紙 錢 窸 窣 鳴 旋 風 6。

Selon Wang Qi (1696-1774), le démon ou l’esprit divin apparaît à la faveur du vent ; lorsque le soule du vent est haut de moins d’un mètre, c’est que le démon est là, s’il est haut de plus d’un mètre, l’esprit divin est parmi nous7. Xu Xianglin, dans son étude sur le théâtre du fantôme, remarque que sur la scène du théâtre classique, le fantôme est représenté comme un « soule de l’âme » (hunqi 魂氣), dont l’apparition est liée au vent tourbillonnant, aux nuages et aux brumes8. Sous la dynastie Yuan, cette représentation du fantôme est récurrente dans les pièces de théâtre, par exemple dans le Ressentiment de Dou E (Dou E yuan 窦娥冤9), la pièce la plus connue de l’époque. Lorsque le fantôme de Dou E monte sur la scène pour solliciter l’aide de son père en vue de sa vengeance, il est poussé par un vent tourbillonnant sous un ciel couvert : Je marche lentement dans le crépuscule, le tourbillon m’emporte à toute vitesse. Enveloppée de brumes et nuages, mon âme avance en toute hâte. 慢騰騰昏地裏走,足律律旋風中來。則被這霧鎖雲 埋 ,攛 掇 得 鬼 魂 快 10. 249 De même sous les Ming, comme dans la pièce de théâtre les Plaintes venues du sachet de parfum (Xiangnang yuan 香囊怨11), l’âme apparaît de la même manière : Je vois à nouveau un tourbillon qui se déplace rapidement devant moi, c’est sûrement l’âme de la défunte.

又見個旋風兒足律律的在前,敢是他陰靈兒又相牽12。

6. « Shenxianqu 神弦 » (« Cordes divines »), in Li He [李賀], s. d., Li He shiquanji 李賀詩全 集 (Recueil intégral des poèmes de Li He), t.4. 7. Maruo Tsuneki, 2006, Ren yu guide jiuge: Lu Xun xiaoshuode lunxi "人"与"鬼"的纠葛 : 魯 迅小說論析 (Imbroglio entre hommes et fantômes : analyses des nouvelles de Lu Xun), p. 161. 8. Xu Xianglin, 1997, Zhongguo guixi 中國鬼戲 (le héâtre de fantômes en Chine), p. 157. 9. Une pièce de théâtre de la dynastie Yuan dont l’auteur est Guan Hanqing (c. 1240-c. 1320). Dou E, l’héroïne condamnée injustement comme assassin, fut décapitée. Trois ans plus tard, lorsque le père de Dou E fut nommé le juge, l’âme de Dou E apparut sous forme du fantôme et dévoila à son père le vrai meurtrier. 10. Guan Hanqing, 2013, « Dou E yuan 窦娥冤 » (le Ressentiment de Dou E), acte 4. 11. L’auteur est Zhu Youdun (1379-1439). C’est l’histoire d’une prostituée, Liu Panchun, qui s’est pendue en signe de idélité à son amour. Lorsqu’on l’incinère, seul son sachet de parfum contenant les poèmes d’amour de son amant résiste au feu. 12. Voir Handian 漢典 (Dictionnaire canonique des caractères chinois), 2004, l’entrée « Zu Lülü 足律律 ». Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

L’apparition de l’âme peut également se matérialiser par la légèreté et l’envol, comme dans la pièce de théâtre le Palais de la longévité (Changsheng dian 長生殿13). Dans l’acte « La poursuite du fantôme » (« Ming zhui 冥追), l’âme de Yang Yuhuan quitte son corps suite à son suicide et part à la poursuite de l’empereur. Ce fantôme est comparé à « un ilament de l’âme découpée et qui lotte », qui « s’envole » en quittant « le relais de la poste », lieu de sa mort. Dans le roman l’Impératrice Phénix , la réincarnation de l’âme fait écho à la représentation du fantôme évoquée plus haut. À l’ouverture du roman, l’âme se réveille dans le corps d’une servante mourante, à minuit, au clair de lune, sous une brise brumeuse14, dans une pièce rustique, « plongée dans une obscurité profonde, enveloppée d’une atmosphère lugubre15 ». L’â me réincarnée apparaît sous la forme d’un « vent tourbillonnant », comme dans le théâtre traditionnel : Le vent tourbillonne au pied des murs du palais. […] À l’intérieur du vase tripode Boshan, les fumées du bois d’aloès s’élèvent en volutes, la lueur scintille…

Elle semble marcher lentement, mais en un clin d’œil, elle se trouve déjà tout près. 250 風 ,貼 著 殿 角 悠 悠 盤 旋 […] 博 山 鼎 爐 中 沈 香 裊 裊 ,煙 光 忽散忽凝…

她 似 是 走 得 很 慢 ,然 而 轉 瞬 便 到 了 近 前 16。 Dans cette scène, « la lueur qui scintille » est également liée à la présence du fantôme. Cette représentation se retrouve par exemple dans Meng Liang vole les ossements à la tour Haotian (Haotian ta Meng Liang dao gu 昊天塔孟良盜骨), une pièce de la dynastie des Yuan, dans laquelle les fantômes du général Yang Linggong et de son septième ils Yang Qilang signalent leur arrivée à Yang Liulang, le vivant, en faisant vaciller la lamme de la bougie17. Par le biais de cette apparition fantomatique, la romancière joue de la frontière loue entre le fantôme et l’humain. Aux yeux du témoin

13. L’auteur est Hong Sheng (1645-1704), dramaturge de la dynastie des Qing. Voir Hong Sheng, Changshengdian. 14. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 1, p. 8. 15. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, partie 1, chap. 1, p. 9. 16. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, partie 1, chap. 4, p. 20. 17. Zhu Kai (né à la in de la dynastie des Yuan, mort au début de la Dynastie des Ming. Ses dates exactes de naissance et de décès ne sont pas connues), Haotian ta Meng Liang dao gu 昊 天塔孟良盜骨 (Meng Liang vole les ossements à la Tour Haotian), acte « Tuomeng 托夢 » (« Transmission du message par les rêves »). Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang de cette scène (la belle-sœur de l’impératrice décédée), la protagoniste est réellement un fantôme réincarné, parce qu’elle avait vu le cadavre brûlé de la défunte impératrice. Ainsi demande-t-elle à la protagoniste : « Est-ce bien ton esprit qui habite le corps de la servante18 ? » Quant à la protagoniste elle-même, dotée de l’âme de l’impératrice morte, elle ne se considère pas comme un fantôme, si bien qu’elle répond à sa belle-sœur : « Non, c’est bien moi. Me voici de retour19. » Dans la version numérique du roman, par une scène très théâtrale de « fantôme qui réclame la vie » (yuanhun suo ming 冤魂索命), la romancière brouille à nouveau la distinction entre le fantôme et l’humain. Il s’agit de venger la torture mortelle que la servante du palais Jinyun a injustement subie20. Cette scène commence par une description du corps de la victime à laquelle sont inligés de supplices cruels : Ce n’est plus un corps humain à proprement parler. La chair, découpée, morcelée, se retourne, se mêle aux cheveux noirs trempés de sang. De la tête aux pieds, aucune peau de couleur naturelle. Le corps se décompose comme un tas de coton ensanglanté, […] dévoilant çà et là des os blancs. La servante, déjà à l’agonie, décide de se suicider et de se transformer en fantôme pour se venger. Avec ses dernières forces elle se heurte à une 251 poutre dans la scène suivante : Jinyun lève soudain les pieds et fonce tout droit, elle crie : « Je préfère être un fantôme et je jure de te tuer ! » Sa voix est aiguë, comme si elle sortait de l’enfer, emportant avec elle du sang et de la haine. Mourir pour se venger est un thème récurrent dans les récits fantastiques chinois. Selon la croyance populaire, la mort permet au vivant d’emprunter les pouvoirs de l’autre monde et d’accomplir ainsi une vengeance que la société des vivants n’aurait pas permise21. Ainsi, la servante Jinyun est morte. Le « vent tourbillonnant » apparaît aussitôt : Un vent léger tourbillonne au ras du sol, fait virevolter les feuilles mortes dont le bruissement évoque les pas du fantôme.

18. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 23. 19. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 23. 20. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 17 (« Nüesha 虐殺 » – « Le cruel assassinat »). Cet épisode a été supprimé dans la version papier. 21. Mo Yan dans sa nouvelle « Bai mianhua 白棉花 » (« Balles de coton ») emprunte égale- ment ce motif narratif. Voir Xu Shuang, 2016, « L’écriture du fantastique chez Mo Yan », in Zhang Yinde, Xu Shuang et Dutrait Noël (dir.). Mo Yan, au croisement du local et de l’universel. Paris : le Seuil, 2016, p.253-284. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

有幽風貼地盤旋,卷起落葉,簌簌的宛如幽靈的腳 步22。

La protagoniste porte le cadavre sur son dos, dissimule une pince pointue dans la main de la morte, simule une apparition fantomatique et tue l’ennemie de la servante – la dame Hu – avec la pince : [La dame Hu] voit le cadavre – un mélange de sang, de chair et de cervelle – se jeter sur elle. […] Le cadavre s’écroule sur elle et l’écrase ; des gouttes de sang tombent sur son visage. Dans la confusion, elle voit ce visage déiguré et pitoyable ouvrir soudain les yeux et lui sourire de toutes ses dents. […] Elle ressent comme un froid à la gorge. N’ayant éprouvé qu’une légère douleur, elle sent ses forces la quitter comme un torrent qui s’éloigne23. Aux yeux de la foule qui assiste à cette scène, il s’agit de la revanche du fantôme de la servante défunte : « Les mânes viennent prendre la vie du malfaiteur ! » Tel est le cri strident d’un témoin. En réalité, c’est la protagoniste qui a accompli la vengeance à la place de la victime. À la in, celle-ci dit à la servante morte : « Tu es maintenant un fantôme… Vivante, tu ne pouvais pas te venger ; morte, tu peux enin le faire. » En 252 dernier lieu, la protagoniste déclare avec détermination son intention de lutter contre l’injustice sociale au sens général : Un jour, je ferai disparaître la hiérarchie injuste qui distingue les nobles des humbles, j’abolirai les privilèges des supérieurs qui jouissent du pouvoir de décider de la vie ou de la mort des autres, je ferai gémir sous la lame de la vengeance ceux qui nous blessent. À travers ce « fantôme » incarné, la romancière exprime ainsi librement sa critique sociale24. Le lecteur assiste ici à une projection de la igure du fantôme liée à la vengeance. Contrairement au récit traditionnel qui emploie une focalisation externe au fantôme, la romancière adopte ici le point de vue de ce dernier pour la narration ain de préserver la continuité de son identité malgré la réincarnation dans un autre corps. Ce choix narratif bouleverse pourtant la démarcation entre le fantôme et l’humain : Elle oublie encore que le fantôme, c’est elle-même.

22. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 17 (« Nüesha 虐殺 » – « Le cruel assassinat »). 23. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang. 24. Ce passage est supprimé lors de la publication sur papier du roman. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang

她又忘記那“死鬼”,其 實 就 是 自 己 了 25。

La même âme instaure une polyphonie qui met en question l’identité : Je suis en efet un fantôme, mais ce corps est tout de même celui d’un humain. 自己倒確實是個鬼,不過這個軀體,應該算是個人吧。 En efet, loin de n’être qu’un naïf constat, ce questionnement suscite une rélexion plus profonde sur la nature humaine. Une étude élargie des autres personnages du roman nous dévoile un monde où les humains, malgré leur apparence, revêtent des aspects démoniaques. apparitions divines, étranges ou démoniaques Selon une étude de Xu Xianglin, l’évolution du concept de gui 鬼 en Chine a connu quatre étapes : 1/ il s’agit de la notion du « pan-fantôme » (fangui 泛鬼) qui inclue à la fois l’âme du défunt (rengui 人鬼) et la créature de la nature (zirangui 自然鬼) ; 2/ on distingue l’âme du défunt de la créature de la nature, et cette dernière entre progressivement dans la catégorie des créatures étranges (jing 精, guai 怪) ; 3/ quant à l’esprit divin (shen 神), considéré comme supérieur, il se dissocie peu à peu du 253 fantôme (gui 鬼) ; 4/ sous l’inluence du bouddhisme, est introduit le principe de la réincarnation, selon lequel l’âme du défunt se réincarne en humain ou en animal suivant la bonté ou la méchanceté dont celui-ci fait preuve dans sa vie antérieure. Cependant, dans la réalité, ces quatre conceptions coexistent et inluencent parallèlement l’imaginaire des Chinois26. En efet, dans l’Impératrice Phénix coexistent des igures de gui (« fantômes ») au sens d’« esprit divin » (shen 神) ou « étrange » (jing 精, guai 怪). En toile de fond, il existe un monde suprême situé au Neuvième Ciel, siège des esprits divins. Par ailleurs, la protagoniste est à l’origine la déesse suprême Lingyuan (Lingyuanshangxian 靈元上仙) – la sœur de l’empereur céleste (Jiuchongtiandi 九重天帝). Ennuyée par la vie trop paisible du monde suprême, elle a demandé à descendre dans le monde des humains pour y vivre des aventures. Seulement, la mémoire de cette vie immortelle a été efacée avant qu’elle ne commence sa vie humaine. Chu Feihuan, un ami idèle de la protagoniste, est né dans une famille impériale d’un pays lointain, le pays de Li. Descendant du Dragon des eaux profondes de l’océan (shenhai jiaolong 深海蛟龍), il a sur le corps

25. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 51. 26. Xu Xianglin, 1997, Zhongguo guixi 中國鬼戲 (le héâtre de fantômes en Chine), p. 7-13. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

une marque de naissance qui prend la forme d’écailles dorées. En raison de ses capacités à prédire l’avenir, il est considéré par son entourage comme « un être étrange » (guiguai yiduan 鬼怪異端). Wei Tiansi, le roi Jin du pays du Wei du Nord, est né d’une concubine du roi et d’un monstre. Son corps est à la fois celui d’un aigle, d’un renard, d’un serpent et d’un chien. Lorsqu’il est en colère, le bout de sa langue se transforme en fourche, et sa voix imite le silement du serpent. Yunhua, une belle espionne, est en réalité membre d’une secte démoniaque nommée « secte du démon à sept couleurs » (Caigujiao 彩蠱教). Elle et son maître sont des femmes démoniaques (yaogu 妖 蠱) ayant acquis uneintelligence spirituelle (lingzhi 靈知). Leur visage se compose d’une beauté partie humaine partie diabolique (banmian guimei 半面鬼魅). Il arrive que le regard de Yunhua se teinte d’un vert foncé démoniaque (shenlü yaoyi 深綠妖異) qui ressemble à celui des feux follets (guihuo 鬼火). Lorsqu’elles usent de leur pouvoir diabolique, leurs cheveux se dressent« comme d’innombrables serpents démoniaques qui se mêlent, se tordent, se lèvent27 ». Dans le roman, il arrive que des humains eux aussi soient décrits sous des aspects démoniaques. Yu Zixian est un exemple. Prince en provenance d’un pays assujetti, c’est un ancien ami et compagnon de guerre de la protagoniste. Ayant trahi cette dernière et pris part à son assassinat, il vit 254 par la suite en proie à d’éternels regrets, tel un mort-vivant dont le cœur aurait été arraché28. Son apparition est toujours associée à la couleur rouge sang (couleur du démon) quiscintille dans l’obscurité. Il s’habille de rouge et tient à la main une lanterne rouge dont il ne se sépare jamais. Lorsqu’il se montre pour la première fois dans le roman, il a des allures de fantôme : à la lueur de la « lune sanglante » (xueyue zhi ye 血月之夜), il « avance d’un pas léger, comme lottant dans l’air » ; et sa lanterne « ressemble à un œil d’où coulerait du sang, errant en silence dans l’obscurité ». Il exhale une odeur fantomatique (guiqi sensen 鬼氣森 森) et dégage un charme démoniaque (yaomei 妖魅), pareil à celui d’un renard maléique (yaohu 妖狐29). Bai Yuan, conseiller d’État du pays de Dongyan, dont le père a été tué dans une bataille par la protagoniste lors de sa vie antérieure, est en in de compte la personne qui a comploté l’assassinat de l’impératrice. Élégant, il prend parfois l’allure d’une bête démoniaque, au regard « évoquant la lueur des lampes fantomatiques » (youbi de deng 幽碧的灯), tel « un

27. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 386. 28. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 3, p. 1076 : « Mon cœur a disparu depuis long- temps, depuis le moment où j’ai comploté l’assassinat de mon âme-sœur, de mon compagnon de guerre. […] Mon cœur a été arraché, pressé dans la main avant d’être abandonné. » 29. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 38. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang démon ou un renard maléique » (shenshou wanghu 神獸魍狐) qui siège dans l’obscurité. Il y a encore ce tueur, « homme vêtu de gris30 » dont le regard est comparé à celui d’une momie, terne, impassible. Lorsqu’il pratique les arts martiaux, il prend soudain une igure de démon : « son visage décharné et allongé se tord et se déigure ; ses pupilles grises deviennent soudain multicolores » ; sur ses mains, ses ongles, sous la lune sanglante, poussent « d’une manière étrange ». La coniguration des personnages du roman devient ainsi un spectacle de fantasmagorie où le réel se mêle à l’illusion, et où les humains se confondent avec les êtres surnaturels. Or, la romancière ne se livre pas à un pur divertissement fantastique. Sous sa plume se dévoile un monde humain à l’image de l’enfer. espace démoniaque Le palais impérial est décrit comme un lieu « dominé par des fantômes où les ombres démoniaques se superposent » (guimei gongque, yaoying zhuangzhuang 鬼 魅 宮 闕 ,妖 影 幢 幢 ), de telle sorte que les êtres humains, à force d’y vivre, s’altèrent et se transforment en démons (zhuan er cheng yao 轉而成妖 31). Quant aux faibles, plongés dans ce lieu ténébreux, ils sont la proie de ce danger sournois : 255 Dans ces endroits sombres, on dirait qu’il y a d’innombrables démons qui se cachent, attendant qu’on les appelle pour passer à l’action. 那些暗影之處,似乎潛伏著無數魑魅魍魎,正在等待召 喚蠢蠢欲動32. Par ailleurs, le palais impérial est toujours décrit comme obscur, sous un ciel nocturne ou couvert, assimilé à un « monstre sombre » (anyu 暗蜮33), plongé dans un « silence mortel » (jijing rusi 寂靜如死34), dégageant une forte et fétide odeur de sang (nongyu de xuexing qixi 濃郁 的血腥氣息35).

30. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, p. 325-334. Version numérique (2009), chap. 97. 31. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, p. 22. 32. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 17 (« Nüesha 虐殺 » – « Le cruel assassinat »). 33. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 120. 34. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 17 (« Nüesha 虐殺 » – « Le cruel assassinat »). 35. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Il en va de même pour la prison, comparée à un cimetière parsemé « d’os blanchis, de sang frais, de fantômes, de feux follets qui errent en silence36 ». Elle est qualiiée d’« enfer du monde des humains » (renjian diyu 人間地獄), montrant notamment des corps déchiquetés – à la chair hachée, à la cervelle et aux membres mutilés, sanglants, dont la langue est coupée, les yeux crevés, les intestins arrachés, où déferle l’odeur fétide du sang37. Enin, le champ de bataille apparaît comme un espace hanté d’innombrables âmes de guerriers : Sur la grande étendue, à chaque endroit, des os blanchis, des taches de sang frais se fondent au clair de lune – témoins impassibles de la guerre et de la tuerie des humains, ils deviennent les yeux des âmes errantes des soldats, morts sur la plaine désertique, incapables de retourner au pays38. Les soldats, même de leur vivant, vivent leur lutte comme un enfer. Lors de la bataille Queshang, les soldats se livrent à un combat au corps à corps, où « des morceaux de chair, des crânes, des bras, des jambes sont balancés au-dessus de la foule, hachés par des épées et couteaux, le sang pleut dans le ciel » ; les soldats « se mêlent, s’entrelacent, se transforment en une bouillie rouge efervescente exhalant des fumées de sang39 ». 256 Pour fuir la guerre, les réfugiés meurent sur la route, « des os blanchis s’étalent sur mille li 40 » et les mendiants se livrent à une lutte pour la survie en tuant sans scrupules : « En loques, squelettiques, ils se jettent les uns sur les autres et se battent dans une confuse mêlée » ; ils poussent des cris de douleur, « aux autres, ils arrachent les cheveux, les yeux, tirent les oreilles ; des morceaux de chair volent en tous sens, les corps sont pleins de sang41 ». Le pire, c’est que les vaincus sont destinés à être brûlés ain que le Seigneur récupère la graisse humaine pour en faire de l’onguent destiné à rajeunir la peau. Devant le feu, ces humains, vaincus, « se débattent sans bruit, leurs regards emplis d’efroi sont comme des feuilles mortes qui oscillent au vent42 ». En contraste avec « l’enfer du monde des humains », le royaume des fantômes, qui apparaît dès l’ouverture du roman, présente des igures de démons aimables.

36. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 375. 37. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 393. 38. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 77-78. 39. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 3, p. 1021-1022. 40. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 16. 41. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 103. 42. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 103. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang

Dès le prélude, le roman met en scène le Manoir infernal (difu 地府) ainsi que la cour de Yanluo (Yanluodian 閻羅殿), où siège un démon émissaire (guishi 鬼使) en présence de l’âme de la protagoniste. Y sont également mentionnés les Dix rois des enfers Yama (shidian yanluo 十殿閻羅), des âmes obscures (youhun 幽魂), ainsi que les lieux et personnages emblématiques de l’enfer : le pont de l’Abandon (Naiheqiao 奈何橋) et la vieille dame Meng (Mengpo 孟婆) qui fait boire la potion de l’Oubli (Mengpotang 孟婆湯) avant de renvoyer les âmes vers le monde des humains. Le Manoir infernal est un lieu où les âmes sont puriiées en vue de leur réincarnation. Traditionnellement, dans l’imaginaire littéraire, cet espace évoque l’horreur et l’atrocité, car il s’agit d’un lieu de jugement des âmes, où la méchanceté est punie43. Dans ce roman, l’ambiance est tout à fait diférente. Les Dix rois des enfers sont « souriants » (meikai yanxiao 眉開眼笑44), leurs jugements ne sont plus impassibles – ils « tapent dans leurs mains » pour exprimer leur joie (jizhanghuanqing 擊掌歡慶) alors que le démon émissaire apparaît serviable, compréhensif et respectueux (zuogongjinzhuang 做恭謹狀). Par ailleurs, c’est un monde où existe une démocratie sociale, car il arrive aux démons émissaires de se plaindre du surcroît de travail et de demander une augmentation de salaire par une manifestation publique, en faisant une sorte de pétition par leur 257 présence silencieuse (jingzuoqingyuan 靜坐請願) à la cour de Yanluo45. Dans cet espace, les démons revêtent un aspect humain et vont même jusqu’à adopter des divertissements humains, comme d’assister àun feu d’artiice. Dans le roman, un autre lieu lié aux morts est la Boutique des cercueils (Guancaidian 棺材店), siège de la secte du Serment du phénix. Contrairement à ce que le nom de la boutique pourrait évoquer, c’est un espace empli d’amitié et d’amour. C’est le lieu où la protagoniste passe des moments de tendresse avec son ils, où la bonne entente s’instaure entreamis, où règne l’harmonie. C’est un espace ensoleillé, leuri, signe d’espoir et de vie : Le soleil du Nouvel An se répand sur le mur couvert de végétation de la cour intérieure de la Boutique des cercueils. Sur ce mur, une leur de pêcher est éclose. […] Tout semble achevé, alors que tout commence à peine46. Ainsi, après avoir examiné les diférentes igures de fantômes, nous constatons que le roman met en scène un monde où fantômes, démons,

43. Voir Xu Xianglin, 1997, Zhongguo guixi 中國鬼戲 (le héâtre de fantômes en Chine), p. 242-251. 44. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 3. 45. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 4. 46. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 401. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

dieux, humains se mêlent étroitement. Ce monde désordonné rappelle singulièrement l’univers de Gan Bao ou de Pu Songling. La description du monde humain comme un enfer fait également écho au cri du poète moderne Guo Moruo, au début du xxe siècle (1920) : Univers, univers Je veux te maudire de toutes mes forces : Ton lieu d’exécution est souillé de pus et de sang ! Ta prison est emplie d’aliction ! Dans tes cimetières les fantômes poussent des cris violents ! Dans ton enfer sautille une foule de démons ! Pourquoi existes-tu47 ? Notre romancière, au xxie siècle, se contente-t-elle juste de réécrire des igures de fantômes dans la lignée de la tradition littéraire ? Quelle est sa part de réinvention ?

la fantasmagorie à l’ère numérique la réincarnation Relation avec la tradition littéraire chinoise 258 Le thème de la réincarnation est étroitement lié à la tradition littéraire chinoise. Dans l’Impératrice Phénix, l’âme du défunt choisit le corps d’une autre personne pour revivre : cette intrigue correspond au cliché littéraire de la réincarnation dite jieshihuanhun 借屍還魂 (« emprunter le cadavre pour réinstaller l’âme »). Parallèlement, la protagoniste se réincarne et revit des émotions sentimentales auprès de son mari : ceci constitue un type de récit étiqueté sous le nom de liangshiyinyuan 兩 世緣 (« ainités de deux vies ») ou zaishengyuan 再生緣 (« a inités réincarnées »). Enin, selon le prélude et le dénouement du roman, les trois personnages principaux – la protagoniste, l’empereur et Chu Feihuan, d’origine divine –, sont descendus dans le monde des humains pour vivre des aventures (xiafanlijie 下凡歷劫), ce qui fait écho à l’intrigue du Rêve dans le pavillon rouge, un grand classique chinois, dans lequel les deux protagonistes – Jia Baoyu et Lin Daiyu – ont eux aussi une origine divine.

Dans ces récits classiques, le thème de l’amour occupe une place centrale, alors que dans le roman de Tianxia Guiyuan, la protagoniste a pour but prioritaire la quête de la vérité et la vengeance. Ainsi, une fois libérée de prison, la protagoniste, au lieu d’accepter de renouer

47. « Feng ge 鳳歌 » (« Chant du Phénix mâle »), in Guo Moruo, 2006, Fenghuang niepan 鳳 凰涅槃 (la Renaissance du Phénix). Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang immédiatement avec l’empereur – son amour de la vie antérieure –, met en avant cette quête de vérité : « À présent, je voudrais reprendre le chemin de la liberté et partir à la recherche d’une vérité hors de notre portée48. »

Relation avec la science-iction Le thème de la réincarnation rejoint la science-iction du genre « voyage dans le temps », où il existe des tunnels temporels qui permettent aux humains qui les traversent de parcourir des espaces ou des mondes parallèles. Dans la littérature sur Internet en Chine, le genre Chuanyue 穿越 (« Voyage dans le temps ») se développe à la lumière de ces hypothèses. L’â me de la protagoniste – l’impératrice Phénix – a efectué ainsi deux traversées dans le temps et l’espace : d’abord celle de l’empire Xiliang jusqu’à l’époque contemporaine, qu’elle quitte ensuite pour retourner à la période de sa première vie. Par rapport à la science-iction européenne, le roman l’Impératrice Phénix s’attache peu aux fondements scientiiques de la théorie du temps et de l’espace parallèles (pingxing shikong 平行時空49). La protagoniste se contente d’évoquer brièvement sa deuxième vie à l’époque moderne et 259 son souvenir d’avoir traversé un passage du temps lors d’un tremblement de terre50. À travers le genre Chuanyue, le corps semble jouir d’un rapport libre au temps. Par rapport à la tradition chinoise et à la conception européenne, la réincarnation est ici dotée d’un sens de délivrance : se délivrer des soufrances et poursuivre la quête de la vérité. Par ailleurs, durant sa première et sa troisième vie, la protagoniste a été par deux fois la fondatrice de l’empire et a joué un rôle social important, ce qui nous permet de remarquer que la notion de la réincarnation exprime ici davantage un désir d’émancipation et d’action : celui de quitter le corps physique et de participer à la reconstruction de l’histoire par le biais de l’imaginaire51.

Relation avec le roman policier Comme la protagoniste se réincarne dans le but de trouver le vrai auteur du crime, le roman emprunte parallèlement la structure d’un

48. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 393. 49. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 44. 50. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 8. 51. Voir Xu Shuang, “Traveling through Time and Searching for Utopia: Utopian Imaginaries in Internet Time-Travel Fiction”, in Frontiers of Literary Studies in China, Higher Education Press, Beijing, Apr.2016, volume 10, Issue 1 “On Time and Temporality”, p.113-132. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

roman policier. Il est centré sur une enquête criminelle en suivant une construction particulière consistant, à partir des conséquences (souvenirs de la scène du meurtre), à remonter (l’enquête) aux causes (le mobile et le crime). Le roman est ainsi également un « roman à énigme », la protagoniste-enquêtrice observe et interroge des suspects, entreprend une recherche minutieuse d’indices ayant trait au mobile, aux circonstances et à l’arme du crime ; ainsi elle adopte le rôle d’un détective qui vériie ses hypothèses en rayant de sa liste les suspects les uns après les autres au fur et à mesure de son enquête. Nous observons d’abord l’inluence de la tradition chinoise, celle du genre Gong’an (公案小說), qui se caractérise à la fois par l’aide des forces divines ou fantomatiques et l’assistance des redresseurs de torts. Nous constatons également que la protagoniste est douée des qualités d’un détective de la tradition européenne : pleine de sang-froid, peu émotionnelle, brillante par son sens de l’observation et son raisonnement logique. En dehors de l’héritage littéraire, l’originalité du roman l’Impératrice Phénix se situe sur deux plans. Premièrement, la conception d’un rôle féminin à l’encontre de la tradition. Le détective est ici une femme mature, belle, charismatique, disciple d’une secte (Qianjue men 千絕 門) chargée de délivrer le monde des soufrances. Elle est comparée à 260 une déesse (tianxian 天仙) chargée de sauver le monde (qiushi 救世). C’est une femme exceptionnelle, entourée d’admirateurs, mais qui laisse pourtant l’amour au second plan. Deuxièmement, la dénonciation du pouvoir suprême. La in de l’enquête révèle que le crime faisait partie d’un complot ourdi par le gouverneur de l’univers. Le pouvoir suprême a coordonné l’assassinat de la protagoniste, car celle-ci est devenue une menace potentielle pour son règne sur l’empire. La dimension sociopolitique du meurtre crée ainsi un espace de critique à l’égard du pouvoir ainsi que de l’histoire52. une écriture qui met en valeur les effets visuels Selon la déinition du dictionnaire, la fantasmagorie est à l’origine un « art de faire voir des fantômes par illusion d’optique dans une salle obscure », c’est une « représentation imaginaire et illusoire » qui emploie abondamment des efets surnaturels et fantastiques53. Dans le roman l’Impératrice Phénix, l’esthétique de la fantasmagorie s’appuie beaucoup sur les jeux visuels. En dehors de la focalisation narrative

52. Voir Isabelle Boof-Vermesse, 2011, « L’histoire comme crime ». Dans cette étude sur l’évolution américaine du récit policier, l’auteure constate que « le roman d’énigme devenu ro- man policier évolue vers le roman du complot : il y a ubiquité du crime devenu manipulation historique ». 53. Le Nouveau Petit Robert, 1993, p. 1000. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang que la romancière emploie pour camper la igure du fantôme dans le but de brouiller la frontière entre le réel et l’illusion, l’efet visuel est mis en valeur. Ceci est également lié au contexte du xxie siècle et à l’ère numérique où l’art visuel se développe à grande vitesse grâce aux nouvelles technologies. L’efet visuel est produit d’abord par une densité scénaristique, soulignée par l’accélération du déilement ou de la superposition des images : des scènes de combat dans le premier cas, et des descriptions psychologiques dans le deuxième cas. Le lecteur, devant tel kaléidoscope, se laisse fasciner et emporter par l’impact émotionnel qui en résulte. L’efet visuel peut aussi être rendu par l’exagération de la forme et des couleurs. C’est le cas du datura (mantuoluo 曼陀羅), leur toxique qui, selon la légende, pousse sur les rives de l’enfer. Dans le Bel Enfer perdu (« Shidiao de haodiyu 失掉的好地獄 »), Lu Xun la décrit comme « une petite leur de l’enfer, pâle, pitoyable54 ». Dans le roman de Tianxia Guiyuan, elle apparaît pourtant « grande » (shuoda 碩大), « d’un rouge démoniaque » (yaohong 妖紅), son allure oscillante dégage une « beauté maléique » (yaoyiyaoyan 搖曳妖艷55). Contrairement à la description de Lu Xun, le datura devient ici une matérialisation de l’enfer, participant à l’ambiance mortifère, comme dans la scène suivante, où, lors du combat, l’ennemi de la protagoniste fait jaillir de l’eau toxique 261 pour la tuer : Un jet d’eau toxique de couleur noire jaillit soudain, atteintle datura. L’immense leur est immédiatement brûlée et teinte de noir, elle tremble,se convulse, rétrécit et se décompose56. La couleur participe également à l’ambiance macabre. Le rouge est la couleur la plus souvent employée. Sous la plume de la romancière, le rouge est lié au sang et à la mort, y compris les belles couleurs naturelles comme celle de la feuille d’érable : Le vent automnal emporte les feuilles d’érable à peine accrochées à l’arbre, le rouge vif des feuilles chute sur un autre rouge vif, lotte sur la laque de sang qui s’accumule, la couleur devient encore plus belle, brillante et étrange. 秋風卷起樹上欲掉不掉的楓葉,鮮紅的飄入另一處鮮 紅中,在濃郁堆積的血泊中輕輕蕩漾,色彩越發明麗得詭 異57.

54. Lu Xun [魯迅], 2006, Yecao 野草 (la Mauvaise Herbe), p. 105-109. 55. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 3, p. 869. 56. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 3, p. 877. 57. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang, tome 1, p. 108. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Ce paysage, dominé par la couleur rouge, annonce en réalité la scène de massacre qui suit. Dans le roman, la lune apparaît régulièrement couleur sang. La « lune sanglante » (xueyue 血月) est évoquée vingt- deux fois dans la version numérique du roman. Cette image est associée à la terreur : « cette lune sanglante ne disparaît pas pendant plusieurs jours, tout cela est aligeant, sombre et efrayant » (qisenkebu 淒森可 怖58). Elle donne une idée de violence : Elle regarde cette lune au bord du ciel, au léger relet sanglant. Cette couleur rosâtre semble dégager une odeur fétide, écœurante comme la rouille couleur sang d’une arme qui aurait servi à tuer d’innombrables personnes.

(她)看著天際那一輪微微泛著血色的月亮。那淡紅的, 似乎散發著腥味的顏色,看來有如殺人無數的兵器上生出 的血 銹般令人厭惡 59。 Enin, le rouge, associé au sang, ofre des visions fantastiques et lugubres. Du sang. Une grande quantité de sang converge vers un mince ruisseau, qui serpente lentement, tel un animal vivant, 262 qui force son chemin jusqu’à nos pieds. 血,很多的血,匯流成細細小溪,蜿蜒如蛇般從前方緩 緩 淌 來 ,宛 如 有 生 命 般 ,逼 向 兩 人 腳 下 60。 À plusieurs reprises, le sang est lié à l’image du serpent, symbole du diable, de l’enfer. Ce dernier fait partie de la représentation fantasmagorique, comme dans la scène du combat où le maître chamane (Da jisi 大祭祀) du pays Nanmin essaie de détruire la protagoniste par la technique de l’illusion (Huanshu 幻術) : la protagoniste se voit ainsi prisonnière d’une grotte infernale, entourée de serpents qui « silent, sortant leur dard, ne la lâchant pas61 ». La synesthésie renforce l’efet visuel. L’écriture de Tianxia Guiyuan est marquée par une association constante d’impressions venant de domaines sensoriels diférents. Elle ofre ainsi un environnement constitué non seulement d’images et de sons mais aussi de sensations tactiles. En voici un exemple :

58. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 85 (« Jialan 迦藍 ») ; le passage est supprimé dans la version papier. 59. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 1, p. 38. 60. Tianxia Guiyuan, 2009, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), partie 1, chap. 17 (« Nüesha 虐殺 » – « Le cruel assassinat »). 61. Tianxia Guiyuan, 2011, Di Huang 帝凰 (l’Impératrice Phénix), tome 2, p. 791. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang

Ses épaules et sa nuque touchent le sol, les ressorts se déclenchent, soudain s’envolent bruyamment, plusieurs lames scintillant dans un éclair bleu. 肩頸觸地,機關連動,立時唰唰的射出幾枚閃著藍光的 飛刀62 。

Avec trois termes chu 觸 (« toucher »), shuashua 唰唰 (« onomatopée »), languang 藍光 (« éclair bleu »), la description fait naître une scène où s’enchaînent le toucher, l’ouïe et la vue, invitant le lecteur à une exaltation des sens qui le rapproche du réel. du corps souffrant au corps utopique Nous avons déjà fait observer que, contrairement au récit traditionnel de fantômes où la narration se fait à la troisième personne63, l’Impératrice Phénix adopte une focalisation interne, permettant à la voix narratrice de circuler librement entre les diférents « corps ». L’alternance de diférentes voix, parfois sur le ton de l’autodérision ou du pastiche, met en scène des fantômes,dont elle construit et déconstruit l’image, interrogeant la frontière identitaire entre être humain etspectre. Nous pouvons constater ici l’existence parallèle de deux types de 263 corps : le corps soufrant du défunt, victime de la cruauté humaine, et le corps imaginaire qui jouit de la possibilité de traverser le temps et l’espace ain de vivre diférentes vies et de réaliser le vœu de se venger contre l’injustice, comme c’est le cas pour la protagoniste. Ce corps imaginaire nous fait penser au « corps sans corps » que Michel Foucault a décrit dans son ouvrage le Corps utopique64. Foucault constate que le corps est en réalité la prison éternelle dont l’homme rêve de se débarrasser, ce qu’il explique dans les termes suivants : Mon corps, c’est le lieu sans recours auquel je suis condamné. Je pense, après tout, que c’est pour l’efacer qu’on a fait naître toutes ces utopies. Le prestige de l’utopie, la beauté, l’émerveillement de l’utopie, à quoi sont-ils dus ? L’utopie, c’est un lieu hors de tous les lieux, mais c’est un lieu où j’aurai un corps sans corps, un corps qui sera beau, limpide, transparent, lumineux, véloce, colossal dans sa puissance, inini dans sa durée, délié, invisible, protégé, toujours transiguré ; et il se peut bien que l’utopie première, celle qui est la plus indéracinable

62. Ibid., tome 2, p. 791. 63. Xu Xianglin, 1997, Zhongguo guixi 中國鬼戲 (le héâtre de fantômes en Chine), p. 303. 64. Michel Foucault, 2009, le Corps utopique, suivi de les Hétérotopies, p. 10-20. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

dans le cœur des hommes, ce soit précisément l’utopie d’un corps incorporel65.

De ce point de vue, le roman du genre Chuanyue déploie l’imaginaire du corps utopique, ce désir de l’être humain de se défaire de son corps matériel. Nous pouvons observer dans le récit l’Impératrice Phénix l’imaginaire du corps utopique sur plusieurs plans. D’abord la représentation du corps « sans corps » – le « fantôme ». Au premier niveau de la narration, c’est en efet l’histoire d’un fantôme dont le corps est anéanti (brûlé) qui réussit à se venger contre l’injustice et à retrouver la paix avec le monde. Malgré son corps d’emprunt, le fantôme possède toujours la même âme. Dans ce sens, nous pouvons dire que la romancière produit un récit fantastique sur « la plus puissante des utopies » – « le grand mythe de l’âme » : Elle loge [dans mon corps], bien sûr, mais elle sait bien s’en échapper : elle s’en échappe pour voir les choses, à travers les fenêtres de mes yeux, elle s’en échappe pour rêver quand je dors, pour survivre quand je meurs66. Étant donné que dans la vie réelle l’homme ne peut physiquement quitter son corps, Foucault remarque que le corps peut agir comme « un 264 grand acteur utopique67 » qui s’imagine « dans un autre espace », fait de lui-même « un fragment d’espace imaginaire », un « espace du contre- monde », pour que le corps soit « toujours ailleurs », « lié à tous les ailleurs du monde68 ». Ces « ailleurs » renvoient à des espaces tout à fait diférents de celui de la vie quotidienne, il s’agit de « véritables utopies localisées » que Foucault nomme « hétérotopies ». Dans l’Impératrice Phénix, la protagoniste emploie régulièrement le masque (mianju 面具) et le maquillage (yirong 易容) pour se séparer de son corps actuel. Dans la deuxième partie, la protagoniste se déguise sous une identité masculine pour mener à bien son projet de vengeance et l’expédition punitive contre des royaumes ennemis. Ces procédés lui permettent d’être à la fois « ici » – dans son corps – et « ailleurs » – dans un autre corps masqué, maquillé ou déguisé. Nous pouvons dire sur ce plan que ces corps « autres » sont pareils à des « corps utopiques localisés », qui créent des moments hétérotopiques. Enin, étant à la fois ici et ailleurs, par cet imaginaire du corps utopique, le sujet exprime, en réalité, l’envie de fuir le présent. Traverser

65. Michel Foucault, 2009, le Corps utopique, suivi de les Hétérotopies, p. 10. 66. Michel Foucault, 2009, le Corps utopique, suivi de les Hétérotopies, p. 11-12. 67. Michel Foucault, 2009, le Corps utopique, suivi de les Hétérotopies, p. 15. 68. Michel Foucault, 2009, le Corps utopique, suivi de les Hétérotopies, p. 15-17. Figures du fantôme dans le roman sur Internet xu Shuang l’espace et le temps, changer de corps tout en gardant l’identité de l’âme : l’homme moderne est à la recherche d’un monde parallèle pour se délivrer de l’angoisse, et le désir d’un autre monde ne manifeste pas autre chose que le refus de ce monde-ci69. conclusion Rémi Mathieu, dans son étude sur « zhiguai 志怪 », constate qu’« une autre explication à l’étrangeté du monde tient non seulement à la psychologie de l’auteur et à la dureté des temps, voire aux incertitudes des croyances, mais à l’apparition de mondes nouveaux70 ». Dans ce sens, une réécriture de la fantasmagorie conirme sa raison d’être à l’ère numérique où des éléments nouveaux voire inconnus, virtuels se présentent à nous. Wang Dewei remarque que dans la littérature de la Chine continentale, depuis 1980, il y a un retour des igures de fantômes sous la plume d’écrivains majeurs, tels que Su Tong, Mo Yan, Jia Pingwa, Yu Hua, Wang Anyi, Can Xue ou Han Shaogong71. Nous remarquons aussi dans la littérature numérique une profusion des genres liés à la représentation fantastique : récits de traversée (Chuanyue), récits de dieux et de démons (shenmo 神魔), récit fantastique (mohuan 魔幻), récits de 265 pilleurs de tombe (daomu 盜墓), récits de momies (jiangshi 僵屍). Selon Wang Dewei, ce phénomène s’explique par une perte des valeurs et des repères : on crée alors un espace fantasmagorique, essayant de « rendre le réel par l’illusion, de remplacer le réel par l’illusion » (yijia huanzhen, yijia luanzhen 以假還真,以假亂真 72).

Cela rejoint le constat de la romancière formulé à travers la voix de la protagoniste : Premièrement, le fantôme n’existe pas dans ce monde, mais à force d’être mentionné, il apparaît ; deuxièmement, dans ce monde, la plupart du temps, l’humain est plus suspect que le fantôme, ce dernier n’est qu’une image illusoire, il ne peut te croquer ni te mordre, mais l’humain est capable de te dépecer, te désosser, te brûler[…] troisièmement, le plus souvent, ceux que tu considères comme démons ne le sont pas en réalité.

69. Voir Clément Rosset, 2006, Fantasmagories. 70. Rémi Mathieu, 2000, Démons et merveilles dans la littérature chinoise des Six Dynasties, p. 12. 71. Voir Wang Dewei, Lishi yu Guaishou : Lishi, Baoli, Xushi 歷史與怪獸:歷史,暴力,敘事 (he Monster, that is History : History, Violence, Narrative), p. 413. 72. Wang Dewei, Lishi yu Guaishou : Lishi, Baoli, Xushi p. 409. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

第一,這世間本沒有鬼,說的人多了,也就有了鬼,第 二,這世間很多時候,人比鬼可怕,鬼不過是虛像,啃不 了你咬不了你 ,人卻 可以把你 剝皮 拆骨,焚屍 揚灰 第三嘛 […] 但凡你覺得是鬼的東西,其實多半不是鬼。

Pour inir, nous voudrions rappeler l’angoisse face à l’homme prisonnier du monde ici-bas qu’éprouvait Guo Moruo il y a près d’un siècle : Nous volons à l’ouest, L’ouest est un abattoir. Nous volons à l’est, L’est est une prison. Nous volons au sud, Le sud est un cimetière. Nous volons au nord, Le nord est un enfer. Vivant en ce monde, Nous ne pouvons que pleurer comme l’océan73. Au seuil du xxie siècle, le roman l’Impératrice Phénix projette la même angoisse face à l’enfer du monde des humains, mais en nous 266 ofrant, comme issue, un récit fantastique du corps utopique, dans un nouvel espace de création littéraire – la création numérique.

73. « Feng ge 鳳歌 » (« Chant du Phénix mâle »), in Guo Moruo, 2006, Fenghuang niepan 鳳 凰涅槃 (La Renaissance du Phénix).

Résumé : On s’intéresse, dans cet essai, à un motif récurrent dans la litté- rature féminine contemporaine au Japon, celui des personnages fantomatiques qui hantent les héroïnes, les accompagnant dans le deuil et la perte des repères. Ces êtres fantastiques, liés au monde obscur de la mort, guident les protago- nistes dans des épreuves initiatiques et consolatrices. Ce circuit de la résilience, sur le plan de la iction, permet ainsi une renégociation avec les diicultés du réel – autrement dit, et contrairement aux apparences, l’acceptation de l’ordre social. L’œuvre de Kawakami Hiromi illustre ce propos. Mots-clés : littérature féminine, littérature contemporaine, personnages fantomatiques, deuil, résilience, fantastique, acceptation de l’ordre social

Contemporary Women Literature in Japan or How to Tame the Ghosts Abstract: In this essay, we shall focus on a recurrent pattern found in Japanese contemporary women literature, which consists in ghostly igures haunting the heroins, accompanying their mourning and the lost of their landmarks. hese fan- tastic igures, linked to the dark world of the death, guide the protagonists through initiatic and comforting ordeals. On the level of iction, this way of resilience al- lows renegotiations with the obstacles of the reality – i.e. and contrary to appea- rances, leads to the acceptation of the social order. Kawakami Hiromi’s novels will provide here some illustration. Keywords: women literature, contemporary literature, ghostly igures, mourning, resilience, fantastic, acceptation of the social order

日本現代女性文学、あるいは幽霊を飼い馴らす方法について

要約:この論文では、現代日本女性文学におけるある潜在的なモチーフ に注目する。それは、女性主人公たちの周辺に出没する幽霊的人物の存 在で、死別や喪失を支える役割を果たしている。死という暗黒の世界と繋 がっているこれらの幻想的な存在は主人公達に通過儀礼の経験を与え、 癒しを約束する。この癒しの循環は、フィクションの枠の中で、現実の困 難を乗り越える力を発揮し、換言するならば、外観とは裏腹に、社会的秩 序の受理という方向にストーリーを持っていく。川上弘美の作品の例をも って、参照したい 。 キーワード : 女性文学, 現代文学, 幽霊的人物, 死別, 癒し, 幻想, 社 会, 的秩序の受理 La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes Cécile sakai

LA LITTÉRATURE FÉMININE AU JAPON OU COMMENT APPRIVOISER LES FANTÔMES

Cécile Sakai CRCAO/Université Paris Diderot/Sorbonne Paris Cité

Cet ouvrage encyclopédique montre le rôle majeur que jouent les igures fantasmagoriques, du monstre au revenant en passant par le démon, l’esprit, le fantôme, etc., dans les cultures de l’Asie, anciennes comme modernes. Elles ofrent un ensemble d’interactions particulièrement imbriquées entre systèmes rationnel et irrationnel, réalité des vivants et monde des morts, territoires des humains et domaines des dieux. Qu’en est-il dans la période contemporaine au Japon ? Comment 269 ces phénomènes sont-ils représentés, décrits, utilisés, voire exploités, au tournant du xxe siècle ? Quels sont aujourd’hui les usages culturels de ces phénomènes ? On connaît notamment l’immense succès des ilms de fantômes cybernétiques (œuvres de Nakata Hideo (Ring 1 et 2, 19981) ou de Kurosawa Kiyoshi (Cure, 1997 ; Charisma, 1999 ; Kairo, 2000). Pour tenter de répondre à ces questions par une exploration du champ littéraire, nous examinerons ici quelques exemples de la littérature féminine contemporaine, pour montrer comment les « traditions » sont détournées de leurs déinitions originelles et intègrent des dispositifs tout à fait actuels dans le domaine de la iction. Où il sera question de la délicieuse étrangeté de fantômes ambigus et de leur contribution sociale. la littérature féminine contemporaine : le « fantastique du quotidien » Commençons par préciser le terme de littérature féminine contemporaine. Il s’agit d’œuvres écrites par des femmes, qui ne se revendiquent pas comme « féministes » mais dont on constate, depuis les années 1990,

1. Il faut rappeler que les ilms sont souvent inspirés de romans. Ici, Ring est une adaptation du roman du même nom de Suzuki Kōji (1991). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

la domination sur la scène littéraire japonaise : les principaux prix, notamment le prix Akutagawa, sont majoritairement attribués à des écrivaines. Celles-ci appartiennent à une génération née entre les années 1960 et 1980 ; ce sont des femmes éduquées, pour la plupart issues des classes moyennes ou supérieures, s’inscrivant dans la dynamique de la haute croissance japonaise, et surtout héritières des combats féministes menés par celles qui les ont précédées : on peut remonter jusqu’aux années 1910, avec la revue féministe « les Bas-bleus » (Seitō, 1911-19162), puis mentionner le féminisme politique radical des années 1960-1975. Durant cette période, plusieurs romancières se sont engagées dans la lutte contre les préjugés, les conventions sociales, en déconstruisant de façon radicale non seulement les institutions comme la famille ou le mariage, mais aussi les diférences biologiques qui fondent les genres : la maternité et l’enfant ont fait l’objet de véritables ictions phobiques chez des auteures comme Ōba Minako (1930-2007) ou Kōno Taeko (1926-2015). C’est parce que ce travail critique a été accompli, au moins sur le plan littéraire, que la littérature féminine peut aujourd’hui revendiquer sa liberté de ton et un certain détachement. Nous avons bien afaire à une génération post- féministe, éloignée, en apparence du moins, des engagements politiques, ayant en quelque sorte intégré les dispositifs de l’écriture féminine, de la diférenciation sexuelle – et donc de son autonomie – inscrite dans le 270 corps et dans le langage3. Même si leurs styles difèrent, plusieurs de ces écrivaines les plus publiées et lues de nos jours composent des récits décrivant en détail le quotidien de jeunes femmes d’aujourd’hui, qui côtoient un monde parallèle lors d’épisodes souvent liés à la perte ou au deuil. Or notre attention est attirée ici par la « relation » au monde parallèle, le « lien » qui se met en place par le truchement d’intermédiaires représentés par diverses images fantomatiques, revenants, esprits, animaux magiques. L’ensemble forme un genre que l’on peut qualiier de « fantastique du quotidien » (nichijō no gensō), à distinguer du « réalisme magique », ou du « réalisme merveilleux », au sens où l’ordonnancement de la vie ordinaire, bousculé par l’irruption de microséquences fantastiques, résiste le plus souvent au basculement complet vers un univers extraordinaire. C’est plutôt la coexistence ou le croisement des mondes possibles qu’illustrent ces récits. Le terme de « fantôme » utilisé ici renvoie donc à ce rôle d’intermédiaire, ou de passeur, entre les mondes concernés. Pour concrétiser notre propos, citons quelques auteures et leurs œuvres : Yoshimoto Banana (née en 1964), avec Kitchen et Moonlight

2. Voir notamment Christine Lévy (dir.), 2014, Genre et modernité au Japon. 3. Nous renvoyons aux travaux classiques en théorie littéraire féministe, notamment Hélène Cixous, 1975, le Rire de la Méduse ; et Elaine Showalter, 1986, he New Feminist Criticism. La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes Cécile sakai shadow (1989), N.P. (1990), le Lézard (1993), ou Dur, dur (1999), dont l’héroïne ofre d’emblée un cadre d’interprétation singulier : « Je ne possède aucun pouvoir surnaturel et pourtant, à une certaine époque, j'ai commencé à percevoir des choses invisibles4. » Citons également Ogawa Yōko (née en 1962), avec la Grossesse (1991), l ’A n n u l a i r e (1994), Cristallisation secrète (1994), le Musée du silence (2000), les Lectures des otages (2011) 5 ; Ekuni Kaori (née en 1964), avec Kira kira hikaru (Twinkle twinkle, 1991), Dans la barque de Dieu (Kamisama no bōto, 19996), Gōkyū suru junbi wa dekiteita (« Prête à sangloter », prix Naoki 2004) ; enin, mais la liste est loin d’être exhaustive, Kawakami Hiromi (née en 1958), dont les récits nous serviront d’illustrations principales. l’œuvre emblématique de Kawakami Hiromi Lauréate du prix Akutagawa en 1996 pour sa nouvelle « Le pied sur un serpent », Kawakami Hiromi a produit une œuvre considérable, dont huit titres principaux sont traduits en français. Le roman le plus connu au Japon est sans aucun doute les Années Douces (titre littéral « Le cartable du professeur »), publié en 2000, qui conte une liaison douce- amère entre une jeune femme et son ancien professeur. S’ensuivront 271 adaptations cinématographique et en mangas – par le chef de ile du réalisme nostalgique, Taniguchi Jirō. Voici les références des œuvres traduites en France depuis 1997 : • « Le pied sur un serpent » [« Hebi o fumu 蛇を踏む », 1996], 1997, Littérature japonaise d’aujourd’hui, Japan Pen Club, no 22, trad. V. Perrin,). • Abandons [溺レる, 1999], 2003, Arles : Actes Sud, trad. Sophie Rèle. • Les Années douces [Sensei no kaban センセイの 鞄 , 2000] , 2003, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu. • Cette lumière qui vient de la mer [光って見えるもの、あれは , 2003], 2005, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu. • La Brocante Nakano [古道具中野商店, 2005], 2007, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu. • Manazuru [真鶴, 2006], 2009, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu.

4. Œuvres traduites aux éditions Gallimard, Rivages et Picquier. Pour cette dernière citation, Yoshimoto Banana, 2001, Dur, dur, p. 13. 5. Toutes les œuvres citées d’Ogawa Yōko sont parues aux éditions Actes Sud. 6. Unique titre paru en français en 2014, Arles : Picquier, traduction par Patrick Honnoré. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

• Le Temps qui va, le temps qui vient [どこから行っても遠い町, 2008], 2011, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu. • Les Dix Amours de Nishino [ニシノユ キ ヒコ の 恋 と 冒 険 , 2006], 2013, Arles : Philippe Picquier, trad. Elisabeth Suetsugu. « Le pied sur un serpent » est une nouvelle qui présente d’emblée toutes les caractéristiques de l’univers vacillant entre réalisme et fantastique propre à cette romancière. La narratrice, une jeune femme qui travaille pour une maison de chapelets, marche par mégarde sur un serpent caché dans un fourré du parc qu’elle doit traverser : Le serpent était mou, on avait l’impression qu’il se laissait piétiner à plaisir. « Avec ça j’ai mon compte », il a dit à la in, et voilà qu’il se dissout dans un magma informe. De lui lotte encore quelque chose d’indécis entre brume et fumée le temps qu’il redise « j’ai mon compte », de sa voix de serpent, puis une forme humaine est apparue. « Allons, puisque je me suis laissé marcher dessus. » Ce coup-ci il parlait d’une voix humaine et sans perdre une seconde il s’est mis en route, par le chemin que je prends 272 pour retourner chez moi. Le serpent sous sa forme humaine ressemblait à une femme d’une cinquantaine d’années7. Cette femme-serpent s’installe à demeure, prépare à manger et attend, sous une forme humaine, le retour de la narratrice tous les soirs, prétendant être « sa mère » dans leurs conversations, avant de redevenir reptile durant la nuit et de dormir enroulée autour d’un pilier de la chambre. À partir de cette cohabitation, un devenir-serpent généralisé se met en œuvre, les propriétaires de la maison de chapelets, le prêtre qui est un client attitré, jusqu’à la narratrice elle-même, tous sont invités par la femme-serpent à rejoindre le royaume des reptiles. Les hommes eux aussi se métamorphosent : « Ce n’était pas moi qui devenais serpent, c’étaient eux, mes partenaires, qui prenaient toutes sortes de formes rouges, bleues ou grises8. » Et la narratrice précise qu’elle ne peut jamais devenir serpent en même temps que ses amants : ou c’est elle, ou ce sont eux qui basculent dans l’autre monde. La métamorphose est un privilège d’abord individuel. La conclusion reste ouverte. Alors qu’un jour la femme-serpent essaie d’entraîner de force la narratrice dans son univers, celle-ci résiste, le pugilat transforme le monde en chaos et c’est inalement la chambre

7. Kawakami Hiromi, 1997, « Le pied sur un serpent » [Hebi o fumu 蛇を踏む], p. 41. 8. Kawakami Hiromi, 1997, « Le pied sur un serpent », p. 54. La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes Cécile sakai elle-même « qui ile à une allure prodigieuse9 ». L’énigme reste entière, car l’espace transformé par la vitesse annihile toute existence tangible, dans une scène que l’on imagine plus proche du cauchemar que du rêve. Le récit met en scène clairement la coexistence trouble du genre humain avec le surnaturel qui, tout en renvoyant aux images du folklore et des légendes anciennes, n’a de cesse de les réactualiser en tant que conditions données de la vie ordinaire. L’ordonnancement d’une chronologie, les rituels journaliers, les cadres du réel sont progressivement perturbés, jusqu’à la confusion inale. On retrouve ce processus de transformation-déformation du quotidien, sous l’impulsion d’un je-ne-sais-quoi qui vient gripper la machine, dans un grand nombre d’œuvres de cette romancière. Dans la nouvelle « Disparaître » (Kieru, 1996, non traduit), une famille afronte la disparition successive de plusieurs de ses membres, non par on ne sait quel drame ou accident, mais parce que cette famille est vouée, prédestinée à la disparition. La narratrice, quant à elle, ne cesse de grossir, gonler, enler, jusqu’à devenir inamovible et condamnée à vibrer, en écoutant la complainte d’une énorme jarre parlante, elle-même physiquement disparue, mais chargée d’exprimer la nostalgie des frères disparus. Dans le roman « Adorable » (Itoshii, non traduit, 1997), qui déploie des relations amoureuses croisées entre plusieurs personnages, les sentiments 273 en apparence banals se développent autour de igures singulières. Ainsi, un jeune homme nommé Otohiko, tombé dans un sommeil continu, est veillé comme une relique par son amoureuse. Ce jeune homme s’exprime via un « esprit » qui relaie ses pensées, tandis que son corps ne cesse de sécréter un cocon visqueux. Et ce corps init par produire un surgeon : Ce qui paraissait être un simple amas de chair se mit à avoir une queue, des membres, une tête, des yeux sans paupière, puis la queue disparut, les doigts se détachèrent, les paupières se fermèrent, des oreilles délicates, des ongles, les trous des narines se formèrent, enin il init par ressembler à un enfant humain. C’était par la plante du pied que ce surgeon était rattaché au lanc d’Otohiko, comme calé sur son ventre. Et plus le surgeon prenait igure humaine, plus le corps d’Otohiko létrissait10. On voit bien évidemment l’inversion métaphorique d’un enfantement masculin, qui passe par l’étape d’un devenir-fœtus du père-mère incarné par ce singulier ectoplasme nommé Otohiko. Un ectoplasme, certes, mais objet de l’amour passionné de sa compagne, objet étrange d’un désir qui bouleverse les schémas de l’inconscient.

9. Kawakami Hiromi, 1997, « Le pied sur un serpent », p. 63. 10. Kawakami Hiromi, 2000, Itoshii (Adorable) , p. 223. C’est nous qui traduisons. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

La métaphore intrigue. La critique s’est interrogée sur le sens à lui donner, et l’on peut retenir l’idée de l’« étrangeté en soi » (igyō) selon Kuze Michihiko, ou de rélexion sur un « ordre diférent » (ishu) selon Shimizu Yoshinori, dans leurs contributions au numéro spécial de la revue Yuriika (« Eureka ») consacré à Kawakami11. Il n’y aucun doute sur l’efet de décentrement recherché, de l’irruption d’une hétérogénéité qui dérange non seulement les idées reçues, mais, plus essentiellement, la distinction des genres et notre vision du monde. L’une des œuvres récentes, Manazuru (2006), exempliie le dispositif : une femme part à la recherche de son mari, qui s’est volatilisé 12 années auparavant. Sa quête commence parce qu’elle a retrouvé dans le journal intime de son mari un nom de lieu, Manazuru, station balnéaire de la péninsule d’Izu. Au cours de sa recherche, elle converse avec des ombres qui la suivent, qui l’accompagnent. On lit ainsi, dès l’introduction : « Je marchais, on me suivait. / À cause de la distance, je ne savais pas encore si c’était une femme ou un homme. N’importe, je continuais de marcher12. » Ces ombres sont, en quelque sorte, les médiatrices du monde disparu, des guides qui contribuent à maintenir l’espérance de retrouvailles un jour, « dans un futur lointain13 » – sans doute le monde de la mort, en clair-obscur. Un dernier exemple en deux volets concerne un titre inédit en français : 274 la première nouvelle de Kawakami, « Kamisama » (« Dieu », GQ, 1994), d’emblée lauréate du prix Pascal des jeunes nouvellistes, met en scène la promenade, tout à fait banale, d’une jeune femme accompagnée de son ami, un grand ours brun. L’animal converse et se conduit comme un jeune homme amoureux. Le récit se clôt avec la in de la promenade : un moment qui oscille entre ordinaire et extraordinaire, sorte de fable sur l’humanité et la diférence comme dans les contes pour enfants. Or c’est ce récit que Kawakami choisit pour lui faire subir une véritable épreuve de réalité après la triple catastrophe du 11 mars 2011 : sous le titre de « Kamisama 2011 » (« Dieu 2011 »14), elle reprend le même récit en le transposant dans le cadre d’une catastrophe post-nucléaire, d’autant plus saisissante que celle-ci n’est ni nommée, ni décrite en soi. Plusieurs séquences sont dupliquées telles quelles, dans un environnement radicalement changé. L’héroïne se promène, mais elle est protégée de la tête aux pieds par des vêtements spéciaux ; dehors se succèdent des

11. Kawakami Hiromi Tokuhon 川上弘美読本, 2003. Ici : Kuze Michihiko, « Hiyu to shite no Kawakami Hiromi » (« Kawakami Hiromi comme métaphore »), p. 32-34 ; Shimizu Yoshinori, « “Ishu” e no kesō » (« Rélexion sur “un ordre diférent” »), p. 72-79. 12. Kawakami Hiromi, 2006, Manazuru, p. 3. C’est nous qui traduisons. 13. Kawakami Hiromi, 2006, Manazuru, p. 266. 14. Kawakami Hiromi, 2011, « Kamisama 2011 » . La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes Cécile sakai monticules de déchets contaminés, les enfants qui jouaient aux alentours ont tous disparu. Il règne une atmosphère étrange, mortifère. Seul l’ours semble échapper à la malédiction, invincible et courtois. Peut-être est-ce là que pour la première fois le titre énigmatique de « Dieu » prend toute sa portée : l’intégration merveilleuse de l’animal dans la société des humains devient ici la reconnaissance d’un être sacré incarnant la force suprême de la Nature15 – au contraire de la fragile condition humaine et de son incapacité à maîtriser son ambition de contrôler le monde. Désormais, Kawakami n’autorise les rééditions de sa première nouvelle que couplée avec celle de 2011, comme si fable et récit d’horreur étaient désormais indissociables. essai d’interprétation : la résilience et les métaphores d’une « chambre à soi » Comme on a l’a vu avec ce rapide aperçu des œuvres de Kawakami, le monde ordinaire côtoie le monde non ordinaire, le réel jouxte l’irréel, tout au long d’un processus assez reconnaissable d’une œuvre à l’autre. Ce sont les basculements successifs entre deux univers qui marquent les étapes de récits proprement initiatiques16 : les héroïnes – selon les 275 trois stades décrits en anthropologie, préparation, mort (symbolique) et renaissance – sont hantées par des êtres surnaturels, souvent ambivalents, inquiétants sans être efrayants, igures anthropomorphiques dotées du langage humain ; ces héroïnes sont parallèlement confrontées à la mort des êtres aimés, à la séparation, à l’absence. Leur traversée douloureuse se poursuit par phases alternées de séquences de la vie quotidienne et dialogues avec l’autre monde, formant des contrastes de moins en moins saisissants, tant le quotidien init par apparaître comme fantastique, et réciproquement le fantastique par devenir ordinaire. C’est le regard qui a changé au terme de l’itinéraire, et qui induit des conclusions le plus souvent résilientes17, avec l’acceptation du deuil et de la solitude, autorisant alors les premiers pas vers une vie nouvelle mais sans illusion. Les épreuves sont ainsi surmontées, accompagnées par ces médiateurs de l’au-delà que sont les diférentes igures de l’autre monde, dans un jeu

15. Cette nouvelle fait l’objet d’un certain nombre d’analyses critiques, notamment sur la dimension divine de l’animal et son lien avec les mythes de l’origine de l’humanité ; voir par exemple Kimura Saeko [木村朗子], 2013, Shinsaigobungaku-ron 震災後文学論 (héorie de la littérature post-catastrophe). 16. Voir l’analyse classique de Mircea Eliade, 1959, Initiation, rites, sociétés secrètes. 17. Nous utilisons ce terme dans le sens que lui a donné Boris Cyrulnik dans deux de ses prin- cipales études sur le traumatisme et le soin : 1999, Un merveilleux malheur, et 2003, le Murmure des fantômes. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

angoissant dont l’issue reste, le plus souvent, favorable. Le dénouement est rarement tragique. Comment expliquer que ce processus, décrit ici schématiquement, recueille un tel succès, tant du point de vue de la production des œuvres que du point de vue de leur réception, compte tenu du fait que le lectorat est, lui aussi, essentiellement féminin ? Un court extrait de l’introduction d’Une chambre à soi (A Room of One’s Own, 1929), de Virginia Woolf, pourrait ici nous éclairer : All I could do was to ofer you an opinion upon one minor point—a woman must have money and a room of her own if she is to write iction; and that, as you will see, leaves the great problem of the true nature of woman and the true nature of iction unsolved. […] I am going to develop in your presence as fully and freely as I can the train of thought which led me to think this. Perhaps if I lay bare the ideas, the prejudices, that lie behind this statement you will ind that they have some bearing upon women and some upon iction. At any rate, when a subject is highly controversial—and any question about sex is that—one cannot hope to tell the truth.18 On connaît cette célèbre prise de position : « Pour qu’une femme écrive un roman, il lui faut de l’argent et une pièce à elle ; or cela, 276 vous vous en apercevrez de vous-même, ne résout aucunement le vaste problème de la nature véritable de la femme et du roman19. » Mais au- delà, dans cette conférence qui s’adresse en 1928 aux étudiantes de deux collèges féminins de Cambridge, Virginia Woolf creuse la question de l’apparence et de la réalité, des vérités dissimulées derrière les mots, autour d’une problématique essentielle qui est celle du genre. Elle y dénonce clairement la domination masculine sur les femmes. Posons, comme Woolf, qu’il faille décrypter les réalités cachées derrière le langage. De ce point de vue, on ne peut se contenter de constater le succès des récits initiatiques féminins sur la scène littéraire contemporaine au Japon, il faut aussi s’interroger sur les causes d’un tel succès. On pourra rappeler d’abord que ces récits relèvent plutôt d’une vision harmonieuse du monde, avec des fantômes et autres êtres surnaturels qui, loin des « horreurs cinématographiques », établissent le lien entre ici et là-bas, entre l’ordinaire et l’extraordinaire. Mais quelle est la nature exacte de ce lien ? Si l’on ne peut qualiier seulement cette vision de merveilleuse, c’est parce qu’il y a, à la clef, mort et disparition des êtres aimés, parce que la perte et l’absence représentent le cœur

18. Virginia Woolf, 1929, A Room of One’sOwn. C’est nous qui soulignons. 19. Nous citons cette traduction dans la récente version d’Élise Argaud, avec un titre nouveau : Virginia Woolf, 2011, Une pièce bien à soi, p. 22. La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes Cécile sakai du récit. Autrement dit, les héroïnes, confrontées à la solitude et à la détresse, parviennent peu à peu à les surmonter en construisant leur autonomie – face à la famille, au couple, à l’enfant. La perte déinitive en question concerne alors celle de l’« homme » partenaire de ces institutions sociales. On comprend que l’enjeu soit considérable, même s’il est ictionnel, imaginaire, fantasmatique. Et, comme on l’a vu dans l’œuvre emblématique de Kawakami Hiromi, les fantômes médiateurs relient les disparus aux femmes d’aujourd’hui, dans une sorte d’espace intermédiaire, lottant, où ils représentent les morts sans les incarner. Ce sont des igures étranges et inquiétantes, qui deviennent peu à peu familières, passant au il du récit de l’unheimlich au heimlich. Et c’est justement en maîtrisant la peur, en « apprivoisant » le fantôme, que les héroïnes apprennent à faire leur deuil, à survivre malgré la perte, première étape de la liberté. Que se passe-t-il, alors, dans l’acte de lecture ? Pour les lectrices, qui se trouvent momentanément immergées dans ces ictions, la distance est encore plus grande à franchir, et l’impact encore plus puissant : issues du monde ordinaire, elles traversent les mondes parallèles de la iction, s’initient par procuration, explorent l’ailleurs, puis reviennent pour inir à la banalité réelle de leur quotidien, immuable. Mais, comme l’ont montré les théories de la iction20, cette expérience n’est pas anodine : elle 277 permet au minimum de renégocier fantasmatiquement les conditions réelles de la vie quotidienne, ou plus simplement de la rendre supportable par une perception plus élaborée et distanciée. Autrement dit, ces récits initiatiques féminins véhiculent une dimension alternative, comme l’option rêvée d’une aventure à risques, dont la traversée imaginaire permet de mieux accepter les diicultés du jour. C’est en ce sens que la fonction sociale profonde de cette littérature pourrait bien s’ancrer, aux antipodes des apparences du féminisme et du tropisme de l’autonomie, dans la conservation de l’existant, c’est- à-dire dans le maintien de la discrimination sexuelle. Les fantômes ne seraient plus alors que des prétextes ou des leurres, destinés à renforcer les conventions et codes sociaux. Tel serait d’ailleurs le paradoxe de la résilience en général – thérapie de l’acceptation, bien en-deçà de la question féministe.

20. Voir par exemple Jean-Marie Schaeffer, 1999, Pourquoi la iction ? Résumé : Écrit au début des années 1990, le roman Bailuyuan s’inscrit dans le sillage des romans réalistes-magiques et en suit les principaux codes. Cependant, tout en mettant en scène un grand nombre de phénomènes fantastiques, l’auteur insiste sur ce qui distingue son récit de ses modèles latino-américains. Foncièrement réaliste, il ne semble guère disposé à donner réellement crédit au caractère fantastique des dits phénomènes et distille tout au long du roman des indices qui le démontrent. En in de compte, l’auteur s’accommode sans peine du fait que ces phénomènes restent un artiice et sont perçus comme tels par les lecteurs. Mots-clés : Bailuyuan, Chen Zhongshi, réalisme magique, réalisme, fantastique, roman chinois

Fantasy and Realism: the Ghosts in Bailuyuan (White Deer Plain) of Chen Zhongshi Abstract: Written in the early nineties, Bailuyuan is imbued with ma- gic realism and borrows most of its codes. While depicting a large number of fantastic phenomena, the author however insists on what sets his novel apart rom its Latin-American models. A realist at heart, he seems reluc- tant to credit the fantastic nature of these phenomena and systematically debunks it with a series of clues. he novelist seems happily impervious to the fact that these phenomena are used as an artiice and perceived as such by the reader. Keywords: Bailuyuan, Chen Zhongshi, magic realism, realism, fantasy, Chinese novel

現實與魔幻 :小說《白鹿原》中的鬼神現象分析 摘要:陳忠實的長篇小說《白鹿原》寫成於二十世紀九十年代 初,與同時期許多中國小說一樣,深受拉美魔幻現實主義的影響。 但是,雖然作者在他的作品當中描繪了大量的神怪現象,但是作者 身上的現實主義精神卻顯然佔了上風,因為在描寫非現實現象的同 時 ,他 又 打 下 了 大 量 伏 筆 ,似 乎 在 提 醒 讀 者 不 應 相 信 此 類 現 象 的 魔 幻性質,而只作為一種寫作手法來看待。 關鍵詞:白鹿原,陳忠實,魔幻現實主義,現實主義,奇幻, 中國小說 Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

LE FANTOMATIQUE ET LE RÉALISME : LES FANTÔMES DANS BAILUYUAN (AU PAYS DU CERF BLANC) DE CHEN ZHONGSHI

Shao Baoqing Université Bordeaux 3-Montaigne

Le roman Bailuyuan, dont la traduction française Au pays du Cerf Blanc est parue au Seuil en mai 2012, a été publié en 1993, avec un succès immédiat auprès du public chinois qui en a fait un best-seller durant des années. Éditions après éditions, les ventes se sont envolées pour atteindre en quelques années au moins un million d’exemplaires, si l’on ne s’en tient encore qu’à des éditions oicielles. Il ne laisse pas non plus les critiques indiférents1. Aussi, malgré des résistances pendant les 279 premières années2, un nombre impressionnant d’articles paraissent dans des revues spécialisées, et des communications sont prononcées à son sujet dans des colloques académiques. Vingt ans après, le livre reste une valeur sûre en librairie, relancé périodiquement grâce à des événements, à la faveur d’une représentation, d’une adaptation au théâtre, de la sortie d’un ilm, etc. Les raisons de ce succès sont multiples. Malgré quelques voix discordantes3, l’immense majorité des critiques a d’emblée salué la naissance d’une œuvre réaliste remarquable, et les plus enthousiastes n’hésitent pas à qualiier l’œuvre d’épopée. Efectivement, en prenant toutes les précautions nécessaires par rapport à ce terme, il n’est sûrement pas abusif d’airmer que Bailuyuan remplit les critères d’une œuvre

1. Le volume « Recueil de critiques sur Bailuyuan (Bailuyuan pinglunji 《白鹿原》評論集, 2000) reprend plus de quarante articles sélectionnés parmi les publications sur les sept années depuis la sortie du livre (1993). Un autre recueil, « On n’aura jamais tout dit sur Bailuyuan » (Feng Xizhe [馮希哲], Zhao Runmin [趙潤民] (dir.), 2006, Shuobujin de Bailuyuan 說不盡 的《白鹿原》), voit ce chifre monter à 77 sur 860 pages. 2. Voir He Qizhi [何啓治], 2006, « Bailuyuan dang’an《白鹿原》檔案 » (Archives sur Bailuyuan). 3. Ces voix discordantes trouvent une expression concentrée dans le no 6 de 1993 de Wenyi zhengming (Controverses sur la littérature et les arts). On peut citer Zhu Wei [朱偉], 2006, « Shishi de kongdong 史詩的空洞 (Vacuité d’une épopée) ». Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

réaliste, quelque luctuants que soient ces derniers selon les époques et les auteurs, et bien que les coups portés par le développement de la théorie littéraire d’une grande partie du xxe siècle aient en quelque sorte brisé les mythes entourant cette notion. Mais toutes les réserves nécessaires n’ont pourtant pas anéanti une fois pour toutes un certain nombre de constantes de cette école, dont la non moins importante est, selon Jacques Dubois, « un extraordinaire instrument d'exploration du réel, de iguration de l’Histoire, d’analyse de la société4 ». En gardant à l’esprit toutes ces considérations, et pour éviter toute ambiguïté inutile, nous pouvons également, comme d’ailleurs nous y invite Jacques Dubois, préférer l’expression « roman du réel » à « roman réaliste ». Sous ce terme, nous mettons avant tout une profonde préoccupation vis-à-vis de la société, une vision critique de l’histoire, ainsi que le sens du détail. Vu sous cet angle, Bailuyuan présente indubitablement les caractéristiques d’une œuvre réaliste. Pour mieux illustrer ces points de vue, il n’est pas inutile de rappeler l’essentiel de ce récit. Ce long roman – d’environ un demi-million de caractères, huit cents pages dans sa version française –, retrace l’histoire de deux familles de frères ennemis – les Bai et les Lu – durant la première moitié du xxe siècle. Le lieu de l’action n’a pas été choisi de façon fortuite : un village de la province du Shaanxi, lieu fortement chargé 280 tant du point de vue historique que culturel. Surtout, l’histoire privée se développe sur fond de soubresauts historiques sans précédents, lesquels ont totalement transformé le visage de la Chine et bouleversé les ordres social et moral de la société chinoise. Le roman a su mettre en scène des dizaines de personnages, dont plus d’une dizaine de premier plan, tous hauts en couleur, représentant diférentes forces agitatrices pendant cette période historique : Bai Jiaxuan, chef de clan, incarnation des valeurs confucéennes traditionnelles, au comportement quasi irréprochable, inlexible et presque impitoyable ; Lu , anti-héros à la moralité douteuse, non dénué d’humanité pour autant et qui, surtout, sait avancer avec son temps ; Lu San, pauvre fermier docile au service des Bai ; son ils Noiraud, paysan révolté devenu brigand et militaire, mais qui init par se réconcilier avec la vertu confucéenne ; ou encore Tian Xiao’e, jeune femme aux désirs sexuels insatiables qui, dans sa quête du bonheur personnel, ruine successivement plusieurs hommes avant de succomber à sa propre perte. L’auteur a su manier avec brio ces éléments, fondés sur sa parfaite connaissance du terrain, sa propre expérience, ainsi que sur des recherches historiques ayant duré de longues années, durant lesquelles il a patiemment épluché des archives de la sous-préfecture de Lantian, et s’est forgé une vision bien à lui de la société chinoise.

4. Jacques Dubois, 2000, les Romanciers du réel, p. 9. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

Le langage de récit neutre, presque froid, ne peut cacher l'évidente sympathie du narrateur pour certains personnages. En efet, malgré leurs fortunes diverses, ceux-ci présentent une caractéristique commune, celle de se conformer aux idées ou à la morale confucéennes, qu’ils y aient cru depuis toujours (maître Zhu, Bai Jiaxuan) ou qu’ils y soient venus sur le tard (Noiraud). Cette morale, totalement mise à mal par les forces qui ont secoué le pays durant cette période historique, a pourtant servi de principe de vie à tous ces personnages, dont le destin tragique ne doit pas être considéré comme un désaveu de leur conduite. Car on conçoit aisément que ces principes sont bien fragiles face aux diférents acteurs de l’histoire pour qui ces valeurs pèsent très peu. On est bien obligé de constater que ce sont en in de compte les plus bas instincts humains qui prévalent à travares les luttes incessantes. Pour dire les choses simplement, quand on ferme le livre, on a bien l’impression que le mal l’emporte sur le bien. C’est bien ce pessimisme qui transparaît dans à la vision que porte l’auteur sur l’histoire chinoise moderne, une vision sinon originale, pour le moins diférente de celle, orthodoxe, qui prévalait encore dans le paysage littéraire chinois. Pour ne citer qu’un exemple, à propos des luttes sans merci qui ont opposé les partis communiste et nationaliste, l’auteur n’a pas hésité, même si c’est par la bouche d’un personnage – 281 mais quel personnage, puisqu’il s’agit de maître Zhu, qui incarne le plus haut degré de la moralité confucéenne et de la sagesse traditionnelle –, à mettre dans le même panier les antagonistes dans leurs luttes de pouvoir fratricides, luttes qui auraient transformé le pays, selon une métaphore chère à maître Zhu, en une sorte de crêpière qu’on tourne et retourne au gré des événements et des fortunes respectives, réduisant les faibles du moment en victimes impuissants. D’ailleurs, cette question a été reprochée plus tard à l’auteur, lorsque le livre a été pressenti pour concourir au prestigieux prix du roman Mao Dun, et Chen Zhongshi a dû procéder à quelques « amendements », en retranchant des métaphores politiquement sensibles, en renforçant au passage les critiques envers les nationalistes. Par la même occasion, un « toilettage » a été nécessaire sur certains des nombreux passages de descriptions érotiques jalonnant le récit et qui, même dans le paysage romanesque chinois du début des années 1990, paraissaient d’une audace peu commune5.

5. Ces retouches ont fait l’objet d’une étude exhaustive. Voir Che Baoren [車寶仁], 2004, « Bailuyuan xiugai ban yu yuanban shangai bijiao yanjiu 白鹿原修订版与原版删改比较研 究 » (« Comparative studies on the revised and the original edition of Bai Lu Yuan »). Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

éléments fantastiques dans le roman

Parmi les éléments qui ont retenu l’attention des lecteurs de l’époque, igure quelque chose de rarement vu dans les romans modernes chinois, d’obédience réaliste de surcroît : l'abondance d’éléments fantastiques tout au long du récit. Ceux-ci sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, on y découvre quelques igures symboliques fortes, dont la plus emblématique est le cerf blanc, qui donne son nom au lieu et au titre du livre. Elle est également la plus présente tout au long de l’histoire. Le cerf est une igure traditionnelle, synonyme de bonheur et de félicité en raison de son homophonie avec 禄 (« bonnes fortunes » et « émolument de fonctionnaire »). Dans ce roman par contre, cette igure a pris un attribut particulier : la couleur blanche confère à la igure un aspect immaculé, irréel et fantastique. Elle constitue une sorte de leitmotiv et possède une valeur hautement symbolique. Dans l’esprit du personnage principal, Bai Jiaxuan, mais également de la population de son pays, elle symbolise la gloire passée, la bonne fortune promise, le futur enchanteur ou un esprit supérieur. Imaginez ce cerf blanc comme neige, descendu comme par magie des monts du Sud, aussi léger qu’irréel, bondissant, 282 dansant, folâtrant sur la vaste campagne, laissant sur son passage verdure lorissante, jeunes pousses vigoureuses, moisson abondante, élevage prospère, faisant disparaître épidémies et insectes venimeux pour répandre santé et bonheur ! Quelle époque merveilleuse ce devait être6 ! En un mot, cet esprit du cerf blanc peut constituer une sorte de quintessence de l’esprit chinois prôné par l’auteur. L’expression « cerf blanc », bai lu, par un jeu de mot, est également le patronyme des deux familles antagonistes. Ensuite, le cerf blanc trouve son incarnation dans une plante magique, un esprit enfoui sous terre7, pour lequel d’ailleurs Bai Jiaxuan aura commis le seul acte inavouable voire condamnable de sa vie, quand il a acheté par ruse à la famille Lu, son adversaire, un lopin de terre dont il pensait que l’esprit de cerf qu’il abritait lui permettrait de retrouver la prospérité d’antan. Par ailleurs, l’aspect spirituel du cerf blanc est incarné par maître Zhu, dont l’esprit semble prendre sa forme au moment de quitter le monde d’ici-bas8. Comme pour faire contrepoids à cette igure enchanteresse, le récit met en scène également d’autres entités moins rassurantes, comme un loup blanc (chapitres 6, 7, 8…), esprit insaisissable qui sème la terreur

6. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 41. 7. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 22. 8. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 756-757. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing dans le pays mais qui symbolise également l’insoumission et la rébellion. C’est un symbole complexe, car ses agissements sont bien au-delà de ce que peut comprendre et expliquer le commun des mortels. Il surgit là où on s’attend le moins, disparaît sans qu’on sache comment, ne laisse pas d’autres traces que les cadavres des bêtes dont il a sucé le sang. Il est capable de déjouer toutes les mesures de prévention de la population, au grand désespoir de tous. Il est tellement énigmatique que des hommes essaient de se faire passer pour lui. Mis à part ces esprits fantastiques, l’auteur parsème également son récit d’un grand nombre de manifestations étranges, inexplicables et irrationnelles. Il en est ainsi des dons extraordinaires prêtés à maître Zhu, par exemple lorsqu’on le voit en train d’indiquer à un villageois, par pure déduction – mais à partir de quels indices ? (chapitre 1) –, dans quelle direction est partie une bête égarée, ou lorsqu’il fait construire sa tombe tout en prévoyant le saccage que celle-ci devait subir plus tard (en l’occurrence durant la révolution culturelle)9. Une sorte de point d’orgue est atteint (chapitre 18) avec le passage de la cérémonie sacriicielle organisée au plus fort d’une sécheresse sévère dans le pays10, durant laquelle Bai Jiaxuan, en sa qualité de chef de clan, et dûment possédé par un esprit de dragon, accomplit toute une série d’exploits totalement invraisemblables pour un être humain, comme 283 tenir entre ses mains un bloc de fer incandescent, se faire percer les joues avec une barre de fer, etc. Mais certainement les apparitions fantastiques les plus récurrentes et les plus fascinantes dans le récit sont celles de fantômes. Elles concernent un nombre de personnes relativement limité, mais prennent des formes assez disparates. Et surtout, elles bénéicient dans le récit d'un traitement si important qu’il marque fortement l’esprit des lecteurs. Comme on peut s’y attendre, les fantômes concernent surtout, pour ne pas dire exclusivement, des personnalités féminines, premières victimes d’injustices de toutes sortes, et revanchardes en conséquence. Dans notre récit, le personnage qui concentre l’essentiel de ces manifestations fantomatiques est la jeune femme Xiao’e, l’héroïne emblématique de l’histoire. Il ne faut pas non plus négliger les cinq premières épouses du héros Bai Jiaxuan qui ont fait leur apparition au tout premier chapitre du livre, pour lesquelles l’apparition en rêve des esprits de leurs prédécesseurs constitue également la première occurrence de ce genre. En efet, le premier chapitre nous expose les infortunes de Bai Jiaxuan dans sa vie conjugale, puisque ses femmes passent mystérieusement de vie à trépas les unes après les autres. Ainsi, après en avoir perdu cinq, il a grand mal à convaincre sa sixième femme de coucher avec lui, tant

9. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 764-767. 10. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 71. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

celle-ci redoute de suivre le funeste destin que le mari lui réserve et qui a été le sort de ses femmes précédentes. Il parvient malgré tout à la rassurer. Alors les deux époux se lancent à corps perdu dans des ébats amoureux. Mais alors que, au bout de trois nuits échevelées, les époux s’endorment tranquillement, la femme s’éveille avec un cri strident : « Des fantômes11 ! » Des phénomènes analogues surviennent quand, plus tard, une fois que Xiao’e est tombée sous un coup de fer de lance de Lu San, les femmes de celui-ci ainsi que celles de Bai Jiaxuan voient en rêve son fantôme. Mais l’essentiel des manifestations les plus éclatantes la concernant se situe dans les chapitres 19, 20 et 25, et se concentre sur la mort de Xiao’e ainsi que sur les événements qui suivent sa mort. Dès son meurtre au chapitre 20, le lecteur est prévenu que l’après-mort de ce personnage ne sera pas le calme plat, car on sent immédiatement une présence fantasmagorique, une sorte d’annonce pour la suite du récit. En efet, quand Lu San a planté le fer de lance dans son dos, elle s’est retournée. Aussitôt… Lu San avait soudain vu briller dans le noir deux rayons de lumière, ceux des yeux de la jeune femme. Il avait planté son regard dans le sien, sachant qu’il ne fallait surtout pas tourner 284 le dos à un agonisant, car ce n’est qu’en leur faisant peur en les ixant de cette manière qu’on pouvait chasser leur fantôme. Les deux rayons avaient faibli puis disparu tout à fait12. À partir de cet instant, l’esprit de la victime ne cesse de hanter le pays entier, à commencer par son meurtrier. En efet, presque immédiatement après son acte, une fois rentré chez lui, voulant puiser de l’eau dans une jarre, Lu San y aperçoit deux yeux « qui le regardaient d’un air surpris et triste : c’était ceux de Xiao’e quand elle avait reçu le coup de fer dans le dos. Il lui semblait entendre en même temps sa voix plaintive : « Ah, père… » Il s’était concentré pour scruter l’eau et tendre l’oreille, mais il n’y avait rien dans la jarre et il n’entendit que les ronlements du cheval. Il n’avait pas insisté : sans doute avait-il mal vu et entendu. Cependant, malgré cette conviction, les apparitions ne cessent pas, bien au contraire. Et elles arrivent toujours aux moments où Lu San s’y attend le moins, ain de lui faire perdre toute envie à ce qu’il entreprend, ce jusqu’à ce qu’il inisse par avouer son acte à son ils. Mais Xiao’e n’apparaît pas seulement sous ces formes éphémères, elle apparaît aussi sous forme de multiples avatars. La première fois, c’est

11. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 25. 12. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 429. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing lorsqu’on découvre son cadavre dans sa grotte. En efet, quand celle-ci est ouverte, des hordes de mouches font irruption en tourbillonnant à la manière d’une ruche d’abeilles. Pour les lecteurs, si la présence de mouches n’a rien d’étonnant étant donné l’état du cadavre en phase de décomposition avancé, la description qui en est faite a en revanche de quoi inquiéter : Tandis que de la fumée dense s’échappait par la porte, la fenêtre et la lucarne, des mouches vertes et rouges grosses comme des marrons d’eau sortirent afolées, et vinrent se rabattre sur la igure et les habits des gens attroupés. Paniqués, les hommes ôtèrent leurs vestes pour chasser et tuer ces mouches visiblement ensorcelées qui, pensaient-ils, ne pouvaient être que des avatars de fantômes13. L’apparition suivante survient quand Bai Xiaowen, héritier déchu de Bai Jiaxuan et amant malheureux de Xiao’e, arrive pour trouver son cadavre : À la lueur montante, il aperçut un squelette, dont la position et la posture correspondaient en gros à la description de Lu Zilin. Il sentit ses jambes céder et tomba à genoux : – Mon cœur, appela-t-il doucement, j’arrive trop tard… 285 Il lui sembla entendre un silement sur le plafond. Un papillon blanc tournait au-dessus de sa tête, autour de la lampe. Tu sais que je suis là, hein, mon cœur14 ! Pour mieux appréhender le sens de ces apparitions, il est nécessaire de comprendre sa symbolique. En efet une nuance échappe aux lecteurs de la seule version française. En efet, « e » dans le nom de Xiao’e, qui signiie beauté féminine, rime aussi en langue chinoise avec bombyx, sorte de papillons qui, dès l’Antiquité, ont été associés aux belles femmes dont ils décrivent la forme des sourcils. (Ce trait a disparu de la traduction française ain de ne pas surcharger une lecture déjà dense.) L’association dans la langue chinoise des deux idées, malgré une diférence de caractères, est si naturelle que l’évocation de papillon pour Xiao’e, la victime, ainsi que sa réincarnation en papillon, en découlent naturellement. Et de ce fait, Xiao’e peut être interprétée comme le symbole des belles femmes chinoises vouées à un sort malheureux, comme le veut l’adage chinois « beauté rime avec mauvais destin » (hongyan boming 红颜薄命).

13. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 415. Sauf indication contraire, les souli- gnages dans les citations sont de notre fait. 14. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 417. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Cette apparition de papillons n’est d’ailleurs pas la seule en tant qu’avatars de l’âme de Xiao’e. Par la suite, quand on procédera à l’enfouissement de ses ossements (chapitre 26) , on assistera à une danse folle de papillons multicolores, que Bai Jiaxuan qualiie de maléiques, et que les gens ont eu le plus grand mal à attraper et à rassembler pour les dompter15. Si ces apparitions prennent ici la forme d’insectes, plus tard l’âme de la défunte, pour sa vengeance, choisit de prendre possession de personnes pour en faire ses porte-parole. Ces événements ont lieu dans des circonstances tragiques, lorsque le pays de Bailu est frappé par une terrible épidémie. Ainsi, après une apparition dans les rêves de Mme Bai, épouse de Lu, comme évoqué plus haut, une série d’apparitions obsédantes vient hanter les jours de Lu San, dont la revenante a pris possession (chapitre 25). Le choix de la victime est tout à fait cohérent, puisqu’il s’agit du meurtrier. Mais curieusement, la vengeance de Xiao’e s’opère moins pour faire payer son meurtrier que pour réclamer une réparation de tous les traitements injustes qu’elle a subis depuis son arrivée dans le village Bailu. En efet, après que Noiraud l’avait ramené à ce « village de la bienséance et de la droiture 仁義村 », Lu San avait refusé que son ils l’épouse, tandis que Bai Jiaxuan lui avait interdit l’entrée du temple des ancêtres. Aussi, en habitant le corps de Lu 286 San, vise-t-elle avant tout Bai Jiaxuan, son maître. Pour sa vengeance, le premier acte de la revenante est de se faire servir par Bai Jiaxuan, qui n’avait, de son vivant, montré que mépris pour elle. Ça y est ! exulte-t-elle, après que Bai Jiaxuan avait servi à manger à Lu San dont elle avait pris possession du corps, Ha ha ! J’ai réussi ! Monsieur le chef de clan m’a servie ! Monsieur le chef de clan a mangé à la même table que moi, d’égal à égale ! Je l’ai fait ! J’y suis arrivée ! Tu sais qui je suis, monsieur le chef de clan ? Je suis une pute, une salope ! Tu n’as pas l’impression de t’être rabaissé en servant à manger à une dévergondée16 ? De son côté, Bai Jiaxuan a tenté par tous les moyens d’entraver la démarche de Xiao’e, soit en agissant seul, soit avec l’aide d’autres villageois. Ils inligent des coups à Lu San pour chasser le mauvais esprit qui le possède (en le coifant d’un panier sur lequel ils frappent avec un bâton de pêcher, ou en recourant à un exorciste). Malheureusement pour le chef de clan, ses tentatives pour dompter l’esprit malfaisant se révèlent vaines, tandis que les protestations de Xiao’e prennent des formes de plus en plus violentes et extrêmes. Par la bouche de Lu San qui prend sa voix et ses attitudes, l’âme de Xiao’e dénonce face aux villageois toutes les

15. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 573. 16. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 559. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing injustices dont elle a été victime, de l’interdiction qui lui avait été opposée de s’incliner devant les ancêtres pour consacrer son union avec Noiraud jusqu’à son assassinat par son beau-père. Elle menace de faire soufrir Bai Jiaxuan en lui inligeant des conditions bestiales, ou de faire périr tous les membres de son clan. Enin, et c’est là que se situe la demande la plus forte de la revenante, elle réclame que soit élevé un temple en son honneur avec une statue à son eigie, et que sa dépouille bénéicie d’une cérémonie funéraire digne de ce nom, avec la bénédiction des chefs des deux branches du clan : Bai Jiaxuan et Lu Zilin. Si ses demandes ne sont pas satisfaites, menace-t-elle, tous les habitants du pays périront. Bai Jiaxuan apprend toutes les exigences de la défunte par la bouche de quelques vieillards qui ont eu le courage de venir lui faire ces demandes, puis de celle de son propre ils. En tout cas, il semble bien que la source première de toutes les informations est Lu San. Aussi est-il possible d’expliquer ces phénomènes par des remords qu’aurait éprouvé l’assassin de la jeune femme. C’est bien possible, quoique le narrateur ne nous livre aucune clef pour en avoir le cœur net. Cependant ce n’est pas le plus important, car l’interaction entre la revenante et les vivants paraît bien réelle, ainsi que le montre ce qui semble être le dénouement de cet épisode. Alors que la quasi-totalité des acteurs, les notables du village ainsi 287 que l’ensemble de la population semblent prêts à accéder à la demande de la revenante, la solution qui a été adoptée est tout autre. Bai Jiaxuan init par imposer une décision qui lui a été suggérée par le sage Me Zhu : exhumer les ossements de Xiao’e pour les faire brûler pendant trois jours et trois nuits, puis enfermer la cendre dans une jarre qui sera scellée pour être placée sous une pagode construite spécialement à cet efet. Il en a été ainsi, et tout semble revenir peu à peu au calme17. réalité ou fantastique ? Ayant passé en revue les diférentes manifestations fantastiques qui ont émaillé le roman, il est légitime de nous interroger sur la manière dont ces éléments sont intégrés dans un récit à caractère réaliste. Car il s’agit de répondre à la question : comment la cohabitation est possible entre le réalisme et le fantastique, et comment elle est organisée dans le récit. Pour y répondre, force est de constater que, comme nous l’avons fait remarquer au début de notre exposé, le réalisme dont nous parlons ici est loin de sa forme classique, représentée par des auteurs comme Balzac, Stendhal, Tolstoï. Mais il est encore plus loin de ses représentants d’obédience réaliste-socialiste.

17. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 571. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

D’ailleurs, les critiques ont très tôt rapproché le style de ce roman du réalisme magique ou merveilleux, mode de récit que le public chinois a découvert dès les années 1980, notamment à travers les traductions chinoises de Cent Ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez et du Royaume de ce monde d’Alejo Carpentier, des œuvres phares du courant en question, lequel a comme caractéristique essentielle l’intrusion de phénomènes surnaturels ou fantastiques dans un récit se déroulant dans un cadre réaliste. L’auteur de Bailuyuan avoue avoir été profondément bouleversé par les lectures de textes attachés à l’esthétique du réalisme magique. Ainsi, après avoir lu Cent ans de solitude, il explique que si cette œuvre pouvait être considérée comme un tableau peint à l’huile, l’ensemble de ses propres écrits étaient au mieux des feuillets maladroits de bande dessinée18. Mais malgré la fascination, cette découverte n’a pas conduit l’auteur à adopter le même mode de récit : Ce que j’ai le plus appris du séjour haïtien de Carpentier (qui lui inspira le real maravilloso) est son courage de tout mettre à plat pour trouver sa propre expression adéquate. C’est ainsi que j’ai pu éviter la bêtise de voir mes personnages se transformer en insectes19. 288 En réalité, tout en reconnaissant sa dette envers les maîtres du réalisme magique, il refuse d’y voir l’inspiration de son œuvre : « Sur le plan du style, j’ai fait adieu en toute conscience au “merveilleux” pour me repositionner dans un réalisme sans “merveilleux”20. » En efet, Chen Zhongshi ne reconnaît pas le caractère merveilleux des phénomènes décrits dans son livre. Pour lui, le courant réaliste magique a ses terreaux culturels particuliers et ses racines locales qui sont bien distincts de la situation chinoise. Or, les phénomènes qu’il décrit font partie de la tradition chinoise, aussi bien dans la vie des gens que dans la littérature : des histoires de fantômes circulent depuis des milliers d’années sur Bailuyuan, bien avant la naissance du réalisme merveilleux. Par ailleurs, les Chroniques étranges de Pu Songling et autres Hong lou meng de Cao Xueqin (avec leur cohorte de phénomènes étranges) n’ont pas attendu le réalisme magique pour voir le jour21. Pour Chen Zhongshi, bien des phénomènes développés dans son livre peuvent trouver des explications rationnelles. Certains sont simplement

18. Chen Zhongshi [陳忠實], 2006, « Jiezhujuren de jianbang 藉助巨人的肩膀 » (« Sur les épaules des géants »), p. 74. 19. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 77. 20. Chen Zhongshi [陳忠實], 2011, Xunzhao shuyuziji de juzi 尋找屬於自己的句子 (À la re- cherche de son expression propre), p. 71. 21. Chen Zhongshi, 2011, Xunzhao shuyuziji de juzi, p. 72. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

« des anomalies psychologiques de personnages dans des situations particulières » (人物自身的特殊境遇下的心理异常), dues à la « structure psychologique culturelle particulière » (獨具的文化心理 結構22) des Chinois : Je suis convaincu que les fantômes et esprits que perçoit la population chinoise difèrent fondamentalement de ce qu’on qualiie de magique. Ils ont une teneur ininie de culture, et doivent être considérés comme un constituant de la psychologie culturelle chinoise23. L’argumentation peut sembler séduisante de premier abord mais n’est pas sans faille. En tout cas elle répond mal à l’intention première de l’auteur qui semble être de réfuter le caractère merveilleux des événements décrits. Mais, en y regardant de plus près, il n’est pas diicile de s’apercevoir que, en réalité, ce que l’auteur tente de réfuter est moins le caractère merveilleux que l’origine allochtone du réalisme magique. Par contre, ce que non seulement il ne réfute nullement mais au contraire revendique avec force est la réalité des phénomènes merveilleux qu’il présente dans ses livres. Pour le moins, c’est la réalité du caractère merveilleux aux yeux de la population, qui, elle, est conditionnée par sa « structure psychologique culturelle particulière ». 289 Ce faisant, l’auteur n’a pas répondu à un autre aspect de la question de sa source d’inspiration. D’une part, le réalisme magique ne désigne pas les faits magiques eux-mêmes mais une manière de raconter ces faits. Par conséquent il n’est pas tributaire d’une seule culture. Autrement dit, le fait que les événements décrits sont particuliers à la culture chinoise dans leur manifestation n’est pas une raison suisante pour l’écarter du réalisme magique. Pour la même raison, que des phénomènes analogues existent dans des œuvres anciennes ne les rend pas incompatibles avec un récit réaliste magique. Enin, si ces phénomènes existent déjà dans la littérature chinoise ancienne, ils n’ont certainement pas la même signiication que dans la littérature d’aujourd’hui. En ce qui concerne le second argument sur la nature de ces phénomènes, on peut également faire remarquer que les éléments fantastiques dans les récits réalistes magiques sont tout aussi chargés de culture. Cependant, l’argument de l’auteur mérite qu’on aille plus loin dans le raisonnement. Car si efectivement le facteur psychologique semble bien expliquer une partie des phénomènes fantastiques, comme nous l’avons vu dans les exemples cités plus haut, il n’explique pas tout. Certains semblent y résister de façon tenace. En vérité, le traitement

22. Chen Zhongshi, 2011, Xunzhao shuyuziji de juzi, p. 72, 123. 23. Chen Zhongshi, 2011, Xunzhao shuyuziji de juzi, p. 72. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

de ces phénomènes dans ce roman, et particulièrement concernant les fantômes, présente des particularités que seule une analyse détaillée permet d’apercevoir. En efet, on peut déceler une série de traits qui dénotent un réel souci de la part de l’auteur de ne pas banaliser ces sujets, malgré l’efet de mode de la période courant de la in des années 1980 au début des années1990. Ce souci est bien plus visible dans le traitement des phénomènes fantomatiques que pour d’autres phénomènes. Tout se passe comme si, pour notre auteur, tout en présentant des fantômes à ses lecteurs contemporains, il n’était pas question de s’y prendre à la légère. En efet, c’est par plusieurs niveaux de mise en doute dans le récit – dans les actions ou les paroles de personnages, ou dans le récit du narrateur – que la crédibilité de l’histoire des fantômes est afaiblie, ou pour le moins atténuée. L’afaiblissement est d’autant plus prononcé que le phénomène fantastique semble important. C’est ainsi que l’auteur semble vouloir mettre en garde les lecteurs contre une crédulité aveugle. Prenons d’abord l’exemple du rêve de la sixième épouse qui voit en rêve ses cinq prédécesseurs passés dans l’autre monde (chapitre 1). Pour cet épisode, une remarque est de nature à intriguer profondément les lecteurs. Car après que la nouvelle épouse a raconté son cauchemar, un lecteur rationnel pourrait être tenté de se convaincre qu’il ne s’agit inalement ni plus ni moins que d’un rêve. Étant donné la réputation du 290 nouveau mari, qui passe pour un « tueur d’épouses » dans le pays, cette réaction n’a rien de particulièrement étrange. Mais cette perspective ne résiste pas longtemps, car rapidement nous apprenons que la nouvelle épouse, sans avoir pourtant jamais fait la connaissance des autres épouses, en a fait une description en tout point idèle à la réalité. Il est clair qu’un lecteur qui s’attend à un récit réaliste est confronté à un doute, doute qui n’est d’ailleurs jamais levé car le récit ne donne jamais la réponse. Ensuite, l’attitude de Bai Jiaxuan dans l’exercice exorciste semble également faire monter la tension, car le narrateur fait sentir le désarroi de celui-ci par une précision presque imperceptible mais qui sème le doute sur l’eicacité de son entreprise. En efet, le mari « prit un demi-boisseau de petits pois qu’il éparpilla dans la chambre, sans épargner le moindre recoin. Les petits pois crépitaient comme une averse de grêle, dans un bruit terriiant […]. C’est ainsi que son père chassait les fantômes quand il était petit, pour le rassurer24. » On remarque la précision que le narrateur prend soin d’apporter : « pour le rassurer », qui d’emblée ne laisse d’interroger sur la validité de l’exorcisme. Le lecteur comprend que le mari entreprend cette action plus pour rassurer que pour qu’elle serve vraiment à quelque chose. Évidemment, la preuve ultime de son ineicacité est encore la mort de la sixième dame, dans laquelle la terreur des fantômes n’est pas pour rien.

24. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 25. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

Cependant, si pour cette première manifestation le narrateur semble bien vouloir donner une illusion de fantastique au lecteur, tactique racoleuse pour plonger celui-ci dans une atmosphère fascinante, une précision dans la description du meurtre de Xiao’e par Lu San au chapitre 19, qui pourrait être interprétée comme un gage de fantastique, paraît inalement bien ambiguë. Au moment où le fermier plante le fer de lance dans le dos de Xiao’e et que celle-ci se retourne et s’écrie « Père ! » : Il avait planté son regard dans le sien, sachant qu’il ne fallait surtout pas tourner le dos à un agonisant, car ce n’est qu’en leur faisant peur en les ixant de cette manière qu’on pouvait chasser leur fantôme25. 他瞪著雙眼死死逼視著那兩束亮光(對死人不能背過 臉 去 ,必 須 瞅 住 不 放 ,鬼 魂 怯 了 就 逃 了 )

Dans le texte chinois, ces précisions sont placées entre parenthèses, et ne sont pas précédées de « sachant que » comme dans la version française. Dans sa version originale, la phrase constitue une intervention directe du narrateur sous la forme d’une explication. Cette présentation semble laisser peu de place au doute sur la validité de cette airmation, tandis que 291 la version française attribue cette idée au personnage Lu San. Ceci étant, une marge d’interprétation est malgré tout permise dans les deux cas. Dans la version originale, la validité de ce savoir peut aussi être interprétée comme étant limitée sur le plan temporel, autrement dit, les parenthèses n’impliquent pas forcément que le savoir soit d’une validité absolue. D’un autre côté, dans la version française, le verbe « savoir », au lieu par exemple de « penser », fait croire que cette idée n’appartient pas au seul personnage, mais est plus ou moins partagée. Dans les deux cas, l’ambiguïté reste persistante : cette airmation pourrait aussi bien être une croyance propre à Lu San qu’une superstition largement partagée par tous.

Il est intéressant de remarquer les interventions minimes opérées dans la version française sur ces points, qui impliquent parfois des biais dans la lecture du texte. Ainsi, dans l’épisode de la découverte du cadavre de Xiao’e dans la grotte,

Tandis que de la fumée dense s’échappait par la porte, la fenêtre et la lucarne, des mouches vertes et rouges grosses

25. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 429. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

comme des marrons d’eau sortirent afolées, et vinrent se rabattre sur la igure et les habits des gens attroupés. Paniqués, les hommes ôtèrent leurs vestes pour chasser et tuer ces mouches visiblement ensorcelées qui, pensaient-ils, ne pouvaient être que des avatars de fantômes26. 濃黑的煙氣從窯門窯窗和天窗裡流瀉出來,荸薺一般 大小的綠頭紅頭蒼蠅隨著煙流倉皇飛竄,往人的臉上爬 往人的衣服上爬,人們驚叫著脫下衣服摔打,那些妖氣十 足的蒼蠅是鬼魅的象徵27.

Comme pour le passage cité plus haut, la traduction française a ajouté une incise – pensaient-ils – qui pourrait sembler insigniiante au premier abord, mais est en fait de nature à altérer quelque peu le caractère irrationnel du texte. Ce point, malgré son apparence anodine, est signiicatif, car ces notes quasi subliminales suisent quelquefois à changer la teneur d’un message. Ainsi, comme si le français supportait mal l’irrationnel, ce qui passait pour une donnée établie auprès des habitants est relativisé par la simple incise « pensaient-ils ». Aussi, pour cet épisode, si l’on écarte la nuance introduite par la traduction, la seule certitude qui existe dans le texte à cet endroit est 292 la présence des mouches, tandis que la nature démoniaque de celles-ci n’est au contraire pas de l’ordre de la certitude, puisque la voix qui l’annonce est incertaine et qu’il est impossible de lui attribuer un statut impartial. Car même si la phrase ne porte pas d’indication sur le sujet, il n’est pas interdit de penser, puisqu’elle vient juste après une description d’afolement des gens, qu’il s’agit d’une pensée à eux, donc subjective. Quant à l’opération exorciste la plus spectaculaire mise en œuvre par Bai Jiaxuan contre le fantôme de Xiao’e, deux résultats semblent en signiier l’échec. D’abord concernant Lu San, très afaibli par la possession par l’âme de Xiao’e. Il est vrai que dans un premier temps, nous apprenons que le projet de répression contre le fantôme a été mené a bien, puisque Lu San n’a plus manifesté de signe de possession. Ce qui ne l’empêche pas néanmoins de paraître chaque jour plus éteint. Bai Jiaxuan en tout cas est convaincu de la réalité de la possession démoniaque de son vieux compagnon, car il conçoit la dégradation de l’état de Lu San comme la conséquence directe de sa possession : Les êtres maléiques épuisent l’énergie vitale et le sang des vivants pour devenir des esprits immortels. Leurs victimes, contrairement aux personnes atteintes d’une quelconque

26. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 415. 27. Chen Zhongshi [陳忠實], 1993, Bailuyuan 白鹿原, p. 339. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

maladie qui réagissent et se rétablissent en se nourrissant de bonnes choses, n’avaient aucun moyen de reprendre des forces, elles étaient comme des navets pourris28.

Cependant, si l’opération a échoué de ce point de vue, on pourrait espérer qu’elle obtienne des résultats vis-à-vis des menaces que le fantôme a fait planer sur le pays. Or, de ce point de vue aussi, la suite du récit annule entièrement la perspective d’une délivrance : car l’épidémie, qui est censée avoir été provoquée par la revenante pour punir les habitants de la plaine, prend in naturellement avec la rigueur hivernale : « La vague de grand froid qui s’ensuivit gela les grifes de l’épidémie, réduisant considérablement le nombre de victimes. Au solstice d’hiver, la terrible maladie quitta déinitivement Bailu29. » Cette airmation, émanant du narrateur omniscient, signiie que la nature du mal échappe à toute volonté humaine ou diabolique. Ce qui équivaut à dire que les eforts de Bai Jiaxuan étaient sans objet. En in de compte les échecs, ou du moins le manque de résultats probants, sont le lot commun de tous les exercices de même nature entrepris par Bai Jiaxuan, si l’on excepte toutefois les deux interventions de l’exorciste, la première fois pour chasser les démons représentant ses cinq premières femmes suite à la vision de ces dernières par la sixième, 293 la deuxième fois suite à la possession de Lu San par l’esprit de Xiao’e. Autrement aucune des agitations des uns et des autres n’est couronnée de succès : ni la sixième femme ni Lu San n’ont retrouvé leur santé, et la pluie, qui est enin venue longtemps après la cérémonie, ne peut nullement être attribuée aux eforts des hommes. À travers ces exemples, on perçoit les eforts déployés par le narrateur pour neutraliser une possible lecture crédule de faits fantastiques ou fantomatiques. Ces signes sont trop récurrents et trop concordants pour qu’on puisse songer à un hasard. Tout est fait comme si le narrateur, tout en racontant ces phénomènes, ne voulait pas que les lecteurs y accordent réellement crédit. D’ailleurs, du point de vue des lecteurs, la cause est entendue. En efet, chez ces derniers, ces mystères ne provoquent pas de désarroi, tout au plus un peu de curiosité. Ce qui pourrait passer pour des incohérences de récits, comme la suite de la cérémonie collective pour implorer la pluie, ne semble pas avoir davantage de validité : une fois la cérémonie terminée, le narrateur passe totalement à autre chose, ne disant rien des « miracles » survenus à Bai Jiaxuan, qui s’était troué les joues et redressé le dos pour l’occasion (chapitre 18). Aussi les lecteurs sont-ils bien obligés de suivre le narrateur vers d’autres horizons. En ce cas-là, que reste-t-il donc de ces phénomènes ?

28. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 574. 29. Chen Zhongshi, 2012, Au pays du cerf blanc, p. 572. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Car, comme nous l’avons vu au début de notre article, aux yeux de notre auteur, ces phénomènes participent de la « structure psychologique culturelle particulière » des personnages, au même titre que les phénomènes fantastiques ou merveilleux qu’on peut lire dans des œuvres anciennes qui en foisonnent. Que l’on songe à l’histoire de Donghai Xiaofu 東海孝婦 – « Belle-ille pieuse de Donghai » dans le recueil À la recherche des esprits (Soushenji 搜神記)30) –, cette jeune femme accusée injustement d’avoir tué sa belle-mère et qui, au moment de son exécution, promet trois ans de sècheresse dans le pays si elle est innocente. Une histoire reprise pratiquement telle quelle par Guan Hanqing, dramaturge des Yuan, dans sa pièce de théâtre « les Injustices de Dou’e » (竇娥冤). Qu’on pense aussi à Hong lou meng 紅樓夢, où Fengjie (la Sœur Phénix) rencontre le fantôme de Qin Keqing (chapitre 101), ou bien où Jia Baoyu, en passant devant l’ancien pavillon de Lin Daiyu, entend des pleurs de celle-ci (chapitre 108). Cependant, malgré les similitudes, une diférence fondamentale sépare la littérature ancienne et le récit Bailuyuan, qui réside au niveau des lecteurs. Il est bien clair qu’un lecteur de Soushenji, comme son auteur d’ailleurs, voyait dans ces récits de strictes vérités. L’auteur d’À la recherche des esprits ne voulait-il pas démontrer par son livre que « la voie des esprits n’est pas fallacieuse » (明神道之不诬) ? Il est probable 294 aussi que les contemporains des auteurs de Hong lou meng croyaient que les disparus insatisfaits de leur sort se manifestaient pour de bon ain de réclamer leur dû. Mais même en admettant la persistance de cette croyance dans une certaine frange de la population, on peut se douter qu’elle ne pèse pas lourd parmi les lecteurs du livre en question ici. Chen Zhongshi, quant à lui, ne cherche nulle part à prouver que ces phénomènes existent, mais que les gens y croient. Autrement dit, l’horizon d’attente des lecteurs a changé. Et l’auteur en est conscient. Au moment où Chen Zhongshi compose son livre, le monde du roman chinois a connu la ruée vers la culture, la recherche des racines, et l’auteur savait que ses lecteurs, tout comme lui, ontlu les œuvres marquantes de l’époque. Lui-même airme avoir choisi une dizaine de romans pour trouver son modèle31. Dans le domaine chinois, il mentionne sa dette envers « le Vieux Bateau » (Gu chuan 古船) de Zhang Wei 32, de « Marionnettes » (Huodong bian renxing 活動變人

30. Gan Bao [干寶], 1991, Soushenji quanyi 搜神記全譯 (À la recherche des esprits et sa traduc- tion intégrale), p. 320. 31. Chen Zhongshi, 2011, Xunzhao shuyu ziji de juzi 尋找屬於自己的句子 (À la recherche de son expression propre), p. 63. 32. Zhang Wei [張煒], 1987, Gu chuan 古船 (le Vieux Bateau). Traduction française : Zhang Wei [張煒], 2014, le Vieux Bateau. Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan shao Baoqing

形) de Wang Meng33. Puis parmi les romans étrangers, il a lu entre autres le Royaume d’A lejo Carpentier34, Cent Ans de solitude)35 et l’Amour au temps du choléra)36 de Gabriel Garcia Marquez. Bref, on assiste à un véritable foisonnement dans le domaine du roman. Il est clair que, aux yeux des lecteurs, les phénomènes fantastiques décrits dans ces œuvres participent à des modes d’expression littéraire au même titre que d’autres artiices narratifs. Autrement dit, la présence de ces phénomènes ne vient aucunement altérer la nature réaliste du message.

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33. Wang Meng [王蒙], 1987, Huodong bian renxing 活動變人形. 34. Carpentier Alejo [卡彭鐵爾], 1985, « Renjian wang guo 人間王國 ». 35. Garcia Marquez Gabriel [馬爾克斯], 1984, Bainiangudu 百年孤獨 (Cent Ans de solitude). 36. Garcia Marquez Gabriel [馬爾克斯], 1987, Huoluan shiqi de aiqing 霍亂時期的愛情 (L’Amour au temps du choléra).

Abstract: his paper analyses a part of Su Tong’s rich narrative production, focusing on some of his less known short stories, written between 1989 and 1998, in which we ind supernatural and strange presences such as ghosts, spirits, demons, monsters and angels, in a world which is nevertheless entirely immersed in everyday reality. Although the wonderful and fantastic have always existed in the Chinese literary tradition, ater Realism established itself in the second half of the 20th century, the supernatural and the fantastic disappeared in literature, since the political directives allowed no room for imagination. In the eighties, we ind a return to the fantastic in literature, explained by some scholars as a way to introduce phantasmagorical dimension within the real, while others consider the presence of fantastic elements in contemporary novels and short stories as a sort of reaction to modernity, understood as ideological standardization. I propose an analysis of Su Tong’s short stories based on Tzvetan Torodov’s theory of the fantastic literature, arguing that the use of fantastic in Su Tong’s narrative works is not aimed to subvert conventions accepted as canons, but it mostly expresses his will to airm his creative freedom and pursue his interest in thematic and stylistic experimentation. Keywords: Su Tong, realism, fantastic literature, Tzvetan Todorov, contemporary literature

La présence d’éléments fantastiques dans les nouvelles de Su Tong Résumé : Cet article analyse une partie de la riche production narrative de Su Tong, en mettant l’accent sur certaines nouvelles moins connues, écrites entre 1989 et 1998, qui se caractérisent par la présence d’êtres surnaturels et étranges tels que des fantômes, des esprits, des démons, des monstres et des anges, dans un monde pourtant plongé dans la réalité quotidienne. Bien que merveilleux et fantastique aient toujours existé dans la tradition littéraire chinoise, ces derniers ont disparu de la littérature durant la seconde moitié du xxe siècle avec l’instauration du réalisme, alors que les directives politiques ne laissaient guère de place à l’imagination. Dans les années 1980, on a assisté à un retour du fantastique en littérature, que certains spécialistes expliquent comme un moyen d’introduire une dimension fantasmagorique dans le réel, alors que d’autres considèrent la présence d’éléments fantastiques dans les romans et nouvelles contemporains comme une sorte de réaction à la modernité, perçue comme une stantardisation idéologique. Nous proposons ici une analyse des nouvelles de Su Tong fondée sur la théorie de la littérature fantastique formulée par Tzvetan Torodov, en avançant l’idée que l’usage du fantastique dans les œuvres narratives de Su Tong ne vise pas à subvertir les conventions admises comme canons, mais exprime avant tout sa volonté d’airmer sa liberté créatrice et son goût pour les expérimentations thématiques et stylistiques. Mots-clés : Su Tong, réalisme, littérature fantastique, Tzvetan Todorov, littérature contemporaine

蘇童的短篇小說中的奇幻元素 摘要:蘇童在一些短篇小說中創造一種夢幻般的世界。鬼、精 靈、惡魔、天使等怪物生活在其中,並潛入現實世界中.一些學者聲 稱中國當代文學中奇幻小說的再現旨在將奇幻成分引入現實中。有 人認為,當代小說裡的奇幻元素是對現代意識的一種反應。本文從 Tzvetan Todorov奇幻文學理論的角度對蘇童的這些短篇小說進行 探析,認為蘇童的創作意圖不在於顛覆長規,而是一種對文體與敘 述主題的嘗試, 以此顯示他對創作自由的肯定。 關鍵詞:蘇童, 現實主義, 奇幻小說, Tzvetan Todorov, 當代文 學 The Presence of Fantastic Elements in Su Tong’s Short Stories Rosa LomBardi

THE PRESENCE OF FANTASTIC ELEMENTS IN SU TONG’S SHORT STORIES

Rosa Lombardi Università degli Studi Roma Tre

Su Tong (1963–), one of the most inluential avant-garde Chinese writers since the 1990s, has achieved notoriety through his novels, which have been translated into several languages, in both China and the West. Many critics and scholars,1 however, believe that his mastery is expressed mainly in his short stories, a narrative mode that the author declares he prefers (“I think I’m really addicted to short stories” 我 想 我 患有 短 篇 病).2 In some of these, Su Tong creates a fantastic world inhabited by strange presences such as ghosts, spirits, demons, monsters and angels—a world that nevertheless, and without paradox or contradiction, is entirely 299 immersed in everyday reality. If, as Todorov claims,3 one of the speciic characteristics of fantastic literature is that it produces a hesitation between the rational explanation of an event and its acceptance as inexplicable enigma, then it is possible to consider a minor portion of Su Tong’s literary production as belonging to the “fantastic” genre. Of this portion, I will analyse four particularly representative stories, written between 1989 and 1996, which feature demon-men, butterly-spirits, angels and monsters, in an efort to analyse the signiicance of the fantastic in his production. he irst story, “he Completion of the Ritual” (Yishi de wancheng 仪式的完成),4 was written in 1989 when Su Tong was only twenty-ive years old. It tells the tale of a young scholar of folklore who ventures out one icy winter to a remote village in the Chinese countryside to research

1. Wang Dewei 王德维, 2006, “Nanfang de zhuiluo yu yougan – Su Tong lun” 南方的坠落与 诱感– 苏童论 (Decadence and seduction of the South: On Su Tong), Dangdai xiaoshuo ershijia 当代小说二十家, Sanlian Shudian, pp. 106–125; quotation p. 106. 2. Su Tong 苏童 and Zhang Xuexin 张学昕, 2008, “Ganshou ziji zai xiaoshuo shijieli de mu- guang – Guanyu duanpian xiaoshuo de duihua” 感受自己在小说里的目光 – 关于短篇小说 的对话 (Feeling his own vision in the narrative world: Conversation on short stories), Dangdai Zuojia pinglun 当代作家评论, 6, pp. 63–69; quotation p. 64. 3. Todorov Tzvetan, 1970, Introduction à la littérature fantastique, Paris : Éditions du Seuil. 4. Su Tong 苏童, 2004, “Yishi de wancheng” 仪式的完成, Shen nü feng 神女峰, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

ancient rituals. At the entrance to the village he meets a mysterious old tinker intent on repairing an antique earthenware jar. he old man suggests that he seek out a certain Wulin, who will tell him stories of olden times. he young scholar learns of an ancient ritual once performed in the village, devised to capture demons (gui 鬼) to ofer up in sacriice to the ancestors. he scholar asks to celebrate the ritual once again and, as fate will have it, he is cast in the role of the demon-man. Swathed in bandages like a mummy, he is carried in procession through the village in a rising crescendo of fear and horror, but he stops the ceremony before being beaten to death and laid inside an enormous jar. his brief but intense experience produces a deep change in his life and perception of reality, which is now altered and appears to waver between visions and hallucinations. he ancient jar used in the past to contain the body of the demon-man exerts a dark spell on him, an irresistible and inexplicable power of attraction. he day he leaves the village he sees the old tinker he met on his arrival far in the distance. Failing in his attempts to reach the man, he hears the name of the Wulin demon echoing in the air, seeming to beckon him. Soon aterwards, the scholar is struck by a bus; his body is lung up into the air like a giant bird and mysteriously vanishes. At the end of the story, the scholar’s body is found in the ancient jar, once again completing the age-old ritual. 300 he second short story, “Butterlies and Weiqi” (Hudie yu qi 蝴蝶与 棋),5 was written in 1995. It recounts the adventures of an entomologist who arrives one spring at the Village of the Temple, a place along the lush shores of a lake, in search of a rare species of butterly. In the gloomy inn where he spends the night, he meets an avid player of weiqi6 who has come to the village to challenge the so-called Immortals of Weiqi, who play every day in a hut by the lake, to a game of chess. During the night, the entomologist is awakened by some disturbing noises and the heartrending cry of a girl, wrapped in a huge red cloak dripping with rain, who is holding a chess piece in her hand. he next morning, he is hunted by the villagers for allegedly raping a village girl, but he manages to run away. he weiqi player, instead, is captured, and in order to save his life is forced to marry the village girl who turns out to be the one heard crying out during the night at the inn. he following year, the entomologist—who has meanwhile lost his interest in butterlies and become a keen weiqi player—returns to the village where he happens to meet the chess player. he entomologist barely recognizes the fellow, who is distant and gaunt and appears sickly.

5. Su Tong 苏童, 2004, “Hudie yu qi” 蝴蝶与棋, Xiangrikui 向日葵, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe, pp. 1–12. 6. An old Chinese board game, known in the West as Go. The Presence of Fantastic Elements in Su Tong’s Short Stories Rosa LomBardi he man no longer plays chess, but has taken to maniacally chasing ater the colourful butterlies that continuously inhabit the village. he entomologist is told that the weiqi player who now runs ater butterlies has actually not married a woman but a butterly or, better yet, a butterly-spirit. he two short stories present mirror-like aspects. he irst is set in a frozen dark winter, where the use of gothic images and elements such as locks of low-lying birds, dry rice ields and lonely, wind-whipped scarecrows that resemble ghostly igures contributes to an atmosphere of death that seems to foretell the mysterious events that are to follow. he second short story takes place in a luxuriant springtime setting, a village on the shores of a lake where swarms of multicoloured butterlies lutter freely in the air. Nature appears to be in celebration, the air is languid and “saturated with the scent of butterlies”. he atmosphere is that of spring when nature awakens, the season of love, regeneration and life. he weather and the season in which the events occur, therefore, play a pivotal role in both stories and closely correspond with the nature of the events presented: the irst is sinister and foretells death; the second reveals a world that, despite its ordinary appearance, is enchanted and suspended in time. 301 he strange occurrence of the irst short story goes beyond the rational understanding of the main character, who is shocked by it and begins to have visions and hallucinations that will lead him inally to a mysterious death. he second story features a surprise in its epilogue. he event has produced a transformation, or rather a metamorphosis, which was foreshadowed in the beginning by the image of butterlies hovering in the air. Indeed, the story’s two main characters exchange roles and identities. he author supplements the surprise produced by the metamorphosis that has turned the weiqi player into an unfortunate butterly maniac, with the return of the image of the butterly as symbolic of love and dreamlike vision in the classical tradition. Su Tong, however, uses this traditional image but inverts the terms of the equation: in his story, the metamorphosis is reversed and it is a butterly that takes human form, vaguely recalling the feeling of uncertainty in Zhuangzi’s famous dream. In the third story, “he Angel’s Food” (Tianshi de liangshi 天使的 粮食),7 published in 1996, a man wearing a broad mantle of straw and pulling a cart loaded with rice comes upon a village struck by famine. A young geese-keeper, suspicious of the approaching stranger, blocks the

7. Su Tong 苏童, 2004, “Tianshi de liangshi” 天使的粮食, Shen nü feng 神女峰, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe, pp. 107–116. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

way, but then, ater seeing the man’s precious cargo, escorts him into the village. he stranger claims to be an angel, but none of the locals know what an angel is—with the exception of the detested schoolteacher, who points out that angels have wings. What intrigues the locals is the ampoule that the angel holds in his hands, which are as perfect and white “as lotus lowers”: a black crockery ampoule in which he says he wishes to collect their tears in exchange for the rice he will give them. Years of famine, misery, death and pain have dried up the villagers’ tears, however, and it has been a long time since anyone there has wept, including the children. One day the geese-keeper chances to glimpse the angel’s great wings hidden beneath the straw cloak and, frightened, spreads the news. he angel has become a nuisance to the locals, a threat to the everyday “normalcy” of the village, and is therefore unceremoniously expelled before he can ill the ampoule with their tears. As he departs, the angel himself bursts into tears and the efect is as violent as a thunderclap that shakes the earth around. His black pottery ampoule, illed with his own tears, will be found some time later by the geese-keeper along the lake shore. “he Giant Baby” (Ju ying 巨婴),8 written in 1998, tells of the cruelty of a giant baby born mysteriously in a remote mountain village to a 302 woman with a monstrous face. he woman, ostracized for her deformity, had sought the help of the doctor of a neighbouring village, an expert in fertility concoctions, to have a child by which to quench her thirst for revenge. he entire story revolves around the child—a violent, cruel, dark-skinned infant, with black teeth and bad breath, who grows at an amazing rate—and the mother who spurs him to acts of gratuitous violence, such as snipping of the little ingers of the village children with his sharp teeth. His birth remains shrouded in mystery. He has no father, and he is said in the village to be the son of a wolf because, like wolves, he has only four ingers on each hand. We can observe that in “he Angel’s Food” and “he Giant Baby”, Su Tong employs the fantastic diferently than in the irst two stories, where the inexplicable event causes concern or worry in the protagonists. Instead, in these two stories we see that the appearance of the angel and the monster-child no longer elicit wonder, and are accepted as natural events; what is strange and bizarre is the behaviour and reactions of the people, as in Kaka’s Metamorphosis. In “he Angel’s Food” the reader is struck by the meanness and pettiness of the villagers, by their inability to be touched by pain or joy, and by the fact that they have lost the ability to weep and shed tears.

8. Su Tong 苏童, 2004, “Juying” 巨婴, Shen nü feng 神女峰, Shanghai: Shanghai wenyi chuban- she, pp. 14–24. The Presence of Fantastic Elements in Su Tong’s Short Stories Rosa LomBardi

In “he Giant Baby”, Su Tong, the savage cruelty of the monster-child, and his mother’s lust for revenge at having been excluded by the village people for her monstrous appearance, are the story’s central elements. In these stories, the monster-child and the angel are not alien to reality or leeting appearances; rather, they are real presences. Unlike the irst two stories analysed, we do not see any contrast between the actual world and the imaginary, between real and unreal: everything seems to be part of reality and to not arouse wonder. As Todorov remarks of Kaka’s Metamorphosis, everything seems to be part of a “generalized fantastic”, where the unreal becomes the norm.9 Quite a number of Su Tong’s short stories and novels feature elements of fantasy. In Broken Bricks (Sui wa 碎瓦) (1997), 10 for instance, one of his lesser-known novels, the story is entirely narrated by a ghost who, not having found a home in the world of the hereater, which is arranged in circles like Dante’s Inferno, remains suspended between heaven and earth in order to follow his family’s vicissitudes. In another short story entitled “Water Genie” (Shuigui 水鬼),11 the main character is a strange girl who spends every day staring at the river waiting for the river genie to appear. he girl then disappears mysteriously, but aterwards we see her emerging from the river in tears holding a large red lotus in her hand. In “Paper Cut-Outs” (Zhi 纸),12 the ghost of a girl killed in an accident 303 appears to the protagonist of the story asking him to burn some paper cut-outs for the dead, which he jealously guards in order to cure himself of the mysterious illness he is dying from. Su Tong’s fascination with the supernatural seems to satisfy a desire to revive and elaborate the suggestions and elements of classical tradition in a modern key,13 and this pursuit seems to relect his exposure to Western authors such as Kaka and Borges.14 he butterly-spirit, for example, is a reminder of the fox-spirit of many popular and classical traditional tales; indeed, like the fox-spirit, the butterly saps the vital energy and reason of the unlucky weiqi player. However, in Su Tong’s story the spirit is no longer a ghost, but has become a lesh-and-blood person, a normal girl who is, however, not given a face. Unlike the female ghosts of the past, oten described as women of extraordinary beauty and irresistible

9. Todorov Tzvetan, 1970, Introduction à la littérature fantastique. 10. he book was published the following year (1998) under the title Pusaman (菩萨蛮). 11. Su Tong 苏童, 2004, “Shuigui” 水鬼, in Qibing 骑兵, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe, pp. 43–51. 12. Su Tong 苏童, 2004, “Zhi” 纸, in Qibing 骑兵, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe, pp. 172–183. 13. Zhang Xuexin 张学, 2007, “Lun Su Tong xiaoshuo xiezuo de lingqi” 论苏童的灵气 (On Su Tong’s cratsmanship in creation), in Dangdai zuojia pinglun 当代作家评论, 6, pp. 45–54. 14. Zhang Weizhong 张卫中, 2011, “Su Tong yu Bo’erhesi” 苏童与博尔赫斯 (Su Tong and Borges), Journal of Hainan Normal University 海南师范大学学报, 24/4, pp. 102–106. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

charm, Su Tong’s butterly-spirit is not cunningly seductive but rather an ordinary girl, much more similar to a leeting symbol or evocation. he wonderful and fantastic, as Judith Zeitlin states,15 have always existed in the Chinese literary tradition, but the realism that established itself in the second half of the twentieth century was too concerned with appearing serious and responsible to indulge in fantasy. he moral imperatives and political directives that burdened literature, and that many writers chose to embrace, imposed a representation of “objective” reality that had to be mirrored in literature, allowing little or no room for imagination. It was only at the end of the 1980s that the irrational reappeared, in the form of legends, superstitions, and dreamlike visions, in the narrative work of authors such as Han Shaogong, Ge Fei and Ma Yuan.16 he heart of the countryside, with its ancient culture steeped in legend and superstition, is the perfect place to evoke a doubling of reality through the introduction of elements of bizarre, supernatural or mysterious fascination, which activate the narrative mode of the fantastic. In accordance with Todorov’s analysis, which argues that the use of the supernatural frees the text of preconceived notions, allowing for their transgression, some scholars have pointed out that the fantastic possesses a transgressive function, because it subverts and reverses rules and 304 conventions accepted as canons by introducing elements that disturb the “codiied norms” for the artistic representation of reality.17 According to this view, the fantastic produces the best results in periods of political and cultural repression, becoming a tool by which to direct covert criticism towards the repressive system. Wang Der-wei notes a return to the fantastic in Chinese literature since the early 1980s as a result of what took place in Taiwan and Hong Kong. He argues that this constitutes a return to a pre-modern literary tradition that is also associated with a fascination with the classics of Western fantastic literature, thus representing a change in the current aesthetic because it introduces a phantasmagorical dimension within the real.18 Other scholars argue that the presence of fantastic elements in contemporary Chinese literature have to be interpreted as an “allegory in the modern sense”, as a reaction to modernity understood as an ideological standardization that swallows everything up, and that the

15. Zeitlin Judith T., 2007, he Phantom Heroine, Ghosts and Gender in Seventeenth-Century Chinese Literature, Honolulu: University of Hawaii Press. 16. See, for example, Han Shaogong, Papapa (爸爸爸) and Guiqulai (归去来), Ge Fei, Flocks of black birds (黑色鸟群) and Ma Yuan, Xugou (虚构). 17. Jackson Rosemary, 1981, Fantasy: he Literature of Subversion, London: Routledge. 18. Wang David Der-wei, 2004, he Monster hat Is History, Berkeley: University of California Press. The Presence of Fantastic Elements in Su Tong’s Short Stories Rosa LomBardi fantastic represents the complexity and diiculty of understanding the modern world.19 he gothic atmosphere and setting which we ind in Su Tong’s stories, with their periodic forays into the realm of the fantastic, do not seem to resonate with any moral or political purpose, in comparison with the work of other contemporary Chinese authors (such as Yan Lianke and Mo Yan).20 Neither is Su Tong’s use of fantasy elements a veiled attempt at criticizing the system, as has been known to occur in countries under authoritarian rule, where the use of the fantastic in literary works takes on a subversive signiicance. he use of fantasy in Su Tong’s narrative works seems rather to express the author’s interest in thematic and stylistic experimentation. Su Tong has oten stressed his view of literature as an independent and creative space, and has always kept to the margins of the dominant discourse, asserting his indiference to the literary trends of the moment.21 herefore, in my opinion, Su Tong’s use of the supernatural serves mainly as a formal invention that challenges imagination and suspends belief, becoming a purely literary device and metaliterary diversion. It also seems to tell us more about individual interiority and to forecast the rise of the unconscious, of what is repressed or removed by our rational mind, our fears and innermost thoughts and desires. he central topic 305 of these fantastic short stories is the relation between the reality of the outer world that we know through our perception and the reality of our inner world. A common feature present in all these stories is the visual fascination they exert and the chance to catch sight of a magic or devilish world that hides beneath daily reality and common objects, which acquire a density of meanings. Indeed, the true protagonists around which these plots unfold are common household objects, such as the jar, or symbolic and more complex objects like the weiqi game.22 he jar also appears in another novel by

19. Wedell-Wedellsborg Anne, 2005, “Haunted Fiction: Modern Chinese Literature and the Supernatural”, he International Fiction Review, 32/1–2, http://journals.hil.unb.ca/index. php/IFR/article/view/7797/8854 32. 20. See, for example, Yan Lianke, 2011, Dream of the Ding Village, New York: Grove Press and Mo Yan, 2009, Frogs (蛙). 21. Su Tong 苏童 and Zhang Xuexin 张学昕, 2005, “Huiyi, xiangxiang xushu – xiezuo de fasheng” 回忆想象叙述 – 写作的发生 (Memory, imagination, narration: he genesis of crea- tion), Dangdai zuojia pinglun 当代作家评论, 6, pp. 46–58. 22. Chen Caihua 陈才华, 2009, “Su Tong duanpian xiaoshuo zhong ’wu’ de xushi gon- gneng” 苏童短篇小说中’物’ 叙事功能 (he narrative function of “objects” in Su Tong’s short stories), Zuojia yu zuopin – Dangdai wentan 作家与作品 – 当代文坛, 2, pp. 96–98. See also Ge Hongbing 葛红兵, 2003, “Su Tong de yixiangzhuyi xiezuo” 苏童的意象主义写作 (Su Tong’ s imagistic creation), Shehui kexue, 2, pp. 107–113 Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Su Tong, Opium Family,23 where the main character is found murdered inside a jar. In the story “he Angel’s Food”, the ampoule becomes a symbol of human insensitivity but also a sign of the angel’s inconsolable grief at the destiny of humankind. In the story “he Completion of the Ritual”, the huge ancient jar, in which the scholar’s dead body is found, suggests the idea of a destiny that the character in the story is completely unable to resist. Although the existence of supernatural presences remains invisible, such presences are extremely perceivable, and become part of the interior dimension of the main characters. he image of the weiqi player turned into a butterly maniac in the epilogue of the story “Butterlies and Weiqi” seems to be the epiphany of a ghostly creature that the entomologist would have himself become had his life taken a diferent course. he jar, the angel’s black ampoule and the weiqi are the structural elements of the plot; they produce a series of linked events marking the start and the end of the narrative cycle. Although the framework of these stories is realistic, and the narration is always set in everyday reality, the use of the supernatural produces a kind of short circuit, a temporary disconnection from the world of everyday life, opening a passage to a diferent dimension: the ictional world of literature, which has a spiritual space that goes beyond material life. he power of language 306 and the images, rather than the plot, create an unreal atmosphere that endows the story with lyrical tension. Flocks of birds, butterlies, a man struck by a bus who lies into the air and disappears, wind-whipped scarecrows resembling spectres: these are all images suspended between heaven and earth—similar to those in the paintings of Chagall, an artist much admired by Su Tong.24 In this way the paradigm of realism, understood as mimetic representation of reality, unravels and the reality presented is no longer unique. As the critic Chen Sihe has stated: the mirror shatters into pieces, enabling the reader to journey into an unknown world and into other realities, since external reality is not immutable, nor can literature simply be the transcript of an immutable reality.25 he reader is let with the images of the jar, the ampoule, the butterlies and weiqi—and with the pleasure of reading.

23. Su Tong 苏童, 2004, Yingsu zhi jia 罂粟之, Shanghai: Shanghai wenyi chubanshe, Shanghai wenyi chubanshe, 2004. 24. Su Tong 苏童 and Zhang Xuexin 张学昕, 2005, “Huiyi, xiangxiang xushu – xiezuo de fasheng” 回忆想象叙述 – 写作的发生, pp. 46–58, p. 53. 25. Chen Sihe 陈思和, 2010, “Suipian zhong de shijie he suipian zhong de lishi” 碎片中的世界 和碎片中的历史 (A world in pieces and a history in pieces), Dangdai wenxue yu wenhua piping shuxi 当代文学与文化批评书系, Beijing: Beijing shifan daxue chubanshe, pp. 79–94.

Résumé : Leung Ping-kwan, écrivain hongkongais, professeur de littérature comparée à l’Université Lingnan, aime à dépasser les frontières des champs d’expression (littérature, cinéma, photographie…) et nourrit son écriture de rélexions menées à l’échelle mondiale. Lors d’une résidence d’auteur réalisée à Saint-Nazaire (France) en 2007, il a composé un récit dont le thème concerne notamment les esprits. En m’appuyant sur ce texte et en le replaçant dans la perspective plus large de la créativité de l’auteur, j’envisagerai la façon dont ces derniers se manifestent, ainsi que ce qu’ils représentent dans la pensée de Leung Ping-kwan qui veut prendre en compte un mode d’expression chinois plus ancien et qui, lorsqu’il change d’environnement culturel, fait bon accueil au déclenchement de scènes inattendues causé par un contexte extérieur au monde chinois. Mots-clés : Leung Ping-wan, littérature hongkongaise, esprits, genres littéraires The waking of the spirits by the Hong-Kong novelist Leung Ping- kwan Abstract: Leung Ping-kwan, a Hong-Kong writer and professor of com- parative literature in Lingnan University, likes to go beyond the borders of several ields of expression (literature, cinema, photography…), and nou- rishes his writing with thoughts at the scale of the world. In a writing re- sidence in Saint-Nazaire (France) in 2007, he wrote a story about spirits, among other topics. hrough this text, I will consider in which way spirits appear and what they represent in the creative world of Leung Ping-kwan. Using this mode of expression, the author in other cultu- ral environments tends to welcome unexpected scenes caused by a foreign context. Keywords: Leung Ping-kwan, Hong Kong literature, spirits, literary genres

香港小说家作梁秉钧如何提醒鬼魂 摘要:香港作家和当岭南大学比较文学教授的梁秉钧喜欢超越 多种表达方式领域(文学,电影,摄影,等)的边际。他的思维扩展 到世界尺度。2007 年他在法国圣拿撤城市作为驻场作家时,写一篇 与鬼魂有关的小说。我这里分析这部作品,看在叙述过程中鬼怎么 出现,鬼在梁秉钧的创作状态中有什么含义。在这篇小说,作家想 再实现一种中国古典写作文体,同时他让中国世界之外在意外环境 里出现的事情起叙述内活跃的作用。 關鍵詞:梁秉钧,香港文学,鬼魂,文体 L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien

L’ÉVEIL DES ESPRITS CHEZ LE ROMANCIER HONGKONGAIS LEUNG PING-KWAN

Annie Bergeret Curien CNRS – EHESS – Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine

Leung Ping-kwan 梁秉钧 – qui signe certaines de ses œuvres du nom de Ye Si 也斯 –, écrivain hongkongais, aime à dépasser les frontières des champs d’expression (littérature, cinéma, photographie…) et nourrit son écriture de rélexions menées à l’échelle du monde. Lors d’une résidence d’auteur réalisée à Saint-Nazaire en 2007, il a composé un récit qui compte, entre autres personnages, des esprits.

309 Leung Ping-kwan, un homme du passage Comme il le précise lui-même, Leung Ping-kwan pratique sans cesse la « négociation » entre des univers et des genres d’expression diférents. Ainsi, professeur de littérature comparée à l’université Lingnan, il enseigne la théorie. En même temps, en tant qu’écrivain, il crée des œuvres littéraires. Dans son écriture, il s’intéresse tout autant à l’art romanesque qu’à la poésie. Mais ses domaines d’intervention ne se limitent pas aux écrits, théoriques ou créatifs, puisqu’il collabore avec des artistes relevant d’autres disciplines, comme la photographie, la mode, ou la danse. Il s'intéresse au cinéma, et s’y est lui-même quelque peu exercé. Grand voyageur durant des années – aux États-Unis lors de ses études universitaires, puis dans de nombreux pays, notamment d’Europe et d’A sie –, doté d’une curiosité insatiable pour les autres cultures, comme au demeurant pour la sienne, Leung Ping-kwan considère le voyage comme une expérience de découverte d'un ailleurs, doublée des nouveaux regards qu’il peut porter sur le lieu et sur la culture chinoise, telle qu’il l’envisage à Hong Kong. Il ne s’agit pas, dans son cas, d’une accumulation de connaissances, mais plutôt d’une stimulation intellectuelle, d’un cheminement fructueux pour la pensée, à l’horizon desquels la rélexion sur l’écriture n’est jamais lointaine. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Dans une nouvelle intitulée « Frontières » (1994), il juge que « l’écriture […] est un voyage1 ». Il envisage la frontière comme élément d’un processus qui, constitué de lieux et de temps concrets, s’en dégage lorsqu’il s’agit de narration. Il écrit : Comment puis-je narrer ce voyage à Washington ? D’ailleurs, comment pourrais-je raconter n’importe quel voyage ? Après être revenu à Hong Kong en 1993, je racontais une histoire de Paris ; en 1990, j’ai eu l’occasion de rester quelque temps à Berlin, mais, à l’époque, je cessais d'écrire une histoire de Hong Kong ; ensuite je suis allé à New York, et, ce faisant, j’ai écrit sur Berlin ; tandis que lorsque je suis arrivé à Washington, je me suis mis à écrire sur New York ; et maintenant que je voudrais écrire sur Washington, je suis en réalité déjà rentré à Hong Kong. Les histoires qui s’appuient sur des souvenirs ne peuvent rencontrer la réalité actuelle, et les choses actuelles modiient constamment mes souvenirs. Partir à la recherche des souvenirs est peine perdue ; je pensais autrefois qu’on pouvait tout expliquer, tout résoudre dans le temps et l’espace, mais j’ai découvert que c’est une illusion. L’histoire fait bloc. Nous nous adressons à l’actualité à travers 2 310 les fentes . » Dans l’écriture poétique de l’auteur, on assiste fréquemment à des mouvements, à des déplacements entre des espaces et des cultures diférents, qui engendrent des enrichissements de perceptions. Le poème « Aubergines3 » (1997), débute ainsi : les baguettes prennent des vermicelles de soja et les portent à la bouche le palais pense purée d’aubergines ? Et le texte se termine par ces vers : tes parents passant par quel genre de sentiments ont traversé des océans avec des lots d’émigrants des légumes et des fruits d’autres variétés se sont iniltrés dans leurs mots leurs langues se sont faites peu à peu aux assaisonnements d’un pays diférent situation contemporaine, tout le monde quittait peu à peu

1. Leung Ping-kwan, 2001, Îles et continents et autres nouvelles, trad. Annie Curien, p. 60. 2. Leung Ping-kwan, 2001, Îles et continents et autres nouvelles, p. 58-59. 3. Leung Ping-kwan, 2006, De-ci de-là des choses, p. 28-29, trad. Annie Curien. L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien

son centre, perdait son air d’origine mais au hasard des choses ici et là nous avons trempé nos lèvres dans des saveurs qu’il nous semblait connaître mélange de pulpe et de peau, séparation puis réunion – dans tout l’éclat et l’évanouissement du moi

Que recouvre l’écriture ? Comment procède-t-elle ? À quelles exigences répond-elle ? Quel engagement réclame-t-elle ? Leung Ping-kwan apporte l’éclairage suivant : Traverser la frontière, ce n’est ni s’éloigner radicalement de son passé ni couper les ponts, mais c’est porter un lourd fardeau, accepter des compromissions sans avoir résolu pour autant les diicultés du passé, réléchir à deux fois avant d’agir, avoir des mots anciens qui vous reviennent à l’esprit lorsque vous parlez une langue nouvelle. Vous voudriez communiquer en même temps avec les deux côtés de la frontière, mais on vous regarde partout comme un étranger4. L’auteur manifeste son implication dans l’actualité du monde, ainsi que sa familiarité avec la culture chinoise des siècles passés : 311 Dans un restaurant indonésien de Berlin, j’ai entendu la tragédie raciste qui se déroulait à l’autre bout de la planète. Dans les nuits neigeuses de Berlin, j’ai pu avoir pour lectures les histoires de renardes immortelles de Pu Songling. Les poèmes que j’ai écrits à la croisée de l’Orient et de l’Occident, de l’avenir et du passé, ont été rassemblés […] dans un recueil intitulé Dongxi. Dong, « l’est », et xi, « l’ouest », désignent deux directions opposées, mais si on les combine l’une à l’autre, on obtient […] d’innombrables « choses ». Orient et Occident s’entrechoquent et s’interpénètrent et, mêlés l’un à l’autre, produisent une multitude de « choses » [dongxi]5. un homme de Hong Kong Leung Ping-kwan, né en 1949 et décédé en 2013 à Hong Kong, y a mené son existence, en consacrant toute son énergie à faire vivre par ses écrits

4. Leung Ping-kwan, « L’écriture en décalage de temps », dans Annie Curien (dir.), 2004, Écrire au présent, p. 31, trad. Marie Laureillard. 5. Leung Ping-kwan, « L’écriture en décalage de temps », dans Annie Curien (dir.), 2004, Écrire au présent, p. 33-34. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

et ses initiatives diverses – publications, expositions, festivals, etc. – le lieu singulier qu'est Hong Kong. Pour lui, ce site spéciique vivant d’une culture chinoise propre, diférente de celle du continent communiste, qui a été aux prises avec une autre langue et une autre culture – celles du colon britannique –, diférentes de celles du continent communiste possède une immense richesse intrinsèque, que la société commerciale de Hong Kong étoufe passablement. Aux yeux de Leung Ping-kwan, la vitalité de la littérature tout comme la force du cinéma hongkongais mériteraient d’être davantage reconnus sur place ainsi quà travers le monde. Il souligne notamment cette particularité qu’a Hong Kong d’avoir ofert à ses habitants au il des décennies la possibilité d’une connaissance de la culture traditionnelle chinoise. Il explique : Hong Kong se distingue de ces colonies d’Asie ou d’Afrique où la culture traditionnelle fut entièrement détruite. En raison même des besoins de l’administration coloniale, les Anglais encouragèrent au contraire une éducation classique, éloignée des réalités et d'où l’histoire était absente : nous ne pouvions dialoguer avec le passé.

L'austérité des manuels scolaires nous conduisit à poursuivre 312 ailleurs notre quête. Mon goût pour la poésie classique remonte à l’enfance, aux poèmes que ma mère déclamait pour se distraire en travaillant à la maison, aux adaptations des classiques en bandes dessinées trouvées chez les bouquinistes, aux opéras cantonais, aux descriptions fantastiques des romans de chevalerie publiés en feuilleton dans les journaux. […] J’ai […] découvert le principe de la réécriture des œuvres littéraires dont les premières tentatives apparurent très tôt à Hong Kong. Certains hommes de lettres du continent arrivés dans la colonie vers les années cinquante écrivirent des romans historiques6. De même, Leung Ping-kwan voit dans les objets concrets de la vie, par exemple les aliments, qui sont proposés parfois en des recettes métissées à Hong Kong, la réalité et le symbole de cultures variées qui s’enrichissent de leur fréquentation mutuelle et innovent, comme nous avons pu le voir précédemment. Fervent adepte de l’invention, il a créé un nouveau concept, en donnant comme titre à un cycle poétique une expression nouvelle yongwu yongwu 詠物泳物 – yong (chant, poème), wu (chose, matière), yong (nager, plonger dans),wu (chose, matière). Le titre donné en anglais par l’auteur à cet ensemble est Foodscape – la seconde partie du mot pouvant évoquer un paysage (landscape) autant qu’une fuite, un

6. Voir son article « Engager le passé », dans Annie Curien, Jin Siyan (dir.), 2001, Littérature chinoise, p. 93, 95, trad. Myriam Kryger. L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien voyage (escape). Dans la traduction en français de cette expression, j’ai à mon tour forgé un terme : « nourrivages », pour ramasser en un mot cette idée d’un paysage (la rive), d’un passage (sur l’autre rive) et d’un lointain, au moyen des aliments (nourriture)7. une interrogation contemporaine Soucieux de développer un point de vue actuel, de faire face à la réalité qui l’entoure en prenant en compte l’histoire et le monde, Leung Ping-kwan livre le récit d’interrogations contemporaines. Son mode d’expression, tout en embrassant des notions essentielles de la culture chinoise, telles que – en relation avec le sujet qui nous occupe – celle de you 游, qui signiie « le voyage, l’errance », et qui, entrant en composition avec le caractère hun 魂, veut dire « âme errante », fait aussi la part belle à la créativité. Il tisse un dialogue à travers la culture et les siècles qui est entièrement orienté vers notre temps, tourné vers l’invention et en conséquence projeté vers l’à-venir.

poésie 313 À plusieurs reprises, Leung Ping-kwan a publié des ensembles de poèmes dont le titre comprend le caractère you 游. Voyages et promenades sont ainsi étroitement associés dans son recueil de poèmes intitulé Amblings (Youshi 游诗, 2010), dans lequel igure un ensemble nommé « Mânes errantes » (« Youhun 游魂 ») 8. Presque tous les poèmes de cette suite font explicitement référence aux « Contes extraordinaires du Pavillon des loisirs » (Liaozhai zhiyi 聊 斋志异) de Pu Songling (1640-1715), dont ils sont présentés comme des réécritures (gaixie 改写). Le vocabulaire de l’expérience bouddhique y abonde. Le poème « he auspicious night » (« Liangye 良夜 ») évoque une rencontre, plus rêvée peut-être que réelle, avec une femme sur un bateau voguant sur le lac de l'Ouest9 ; impression de réel et d’irréel, de rêverie et de méditation, ton philosophique. Le poème « Réincarnation » (« Zhuanshi 转世 »), dans lequel est présent le caractère hun 魂 (« spirit »), ofre aussi le mélange de ces mondes réel et irréel ; il peint des pensées et des sentiments en mouvement, un univers onirique, poétique et intensément humain, et fait état d’une « narration » (xushi 叙事)10.

7. Voir Leung Ping-kwan, 2006, De-ci de-là des choses, p. 5-33. 8. Leung Ping-kwan, 2010, Amblings – 游诗, édition bilingue chinoise et anglaise. 9. Leung Ping-kwan, 2010, Amblings, p. 234-235. 10. Leung Ping-kwan, 2010, Amblings, p. 238-239. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Ce qui frappe dans ce cycle de poèmes qui prennent appui sur le Liaozhai zhiyi, c’est la symbiose entre référents anciens et quête contemporaine, entre sensibilité actuelle et expression plus ancienne, toutes deux très chinoises, dans un lien intime à la nature, au détail (un animal par exemple) et au général tout à la fois. Plus récemment, en 2012, Leung Ping-kwan a publié un recueil de poèmes intitulé « Poèmes han de Provence » (Puluo wangsi de hanshi 普罗旺斯的汉诗, 201211). Cet ouvrage contient notamment deux cycles de « Nouveaux poèmes de voyage 1 et 2 » (« Xinyoushi 1新游诗 1 » et « Xinyoushi 2新游诗 2 ». C’est dire l’importance que revêt à ses yeux le voyage en poésie. Dans le premier de ces cycles igure la partie inale, consistant en un poème, du récit écrit à Saint-Nazaire que j’évoquerai plus loin. Dans ce volume, on trouve aussi un cycle intitulé « Shijing 诗经 », qui est le fruit d’une résidence efectuée au monastère de Saorge, près de Nice, en 2006, et qui développe une rélexion sur les plantes, les aliments, les tissus en France et en Italie, en référence à l’antique « Livre des odes » (Shijing) chinois. Le récit dont il va maintenant être question, écrit lors de la résidence de Leung Ping-kwan à Saint-Nazaire en 2007, qui igure le passage du monde oriental au monde occidental et vice-versa, procède d’une autre 314 mutation.

prose : la nouvelle de Saint-Nazaire Le texte s’intitule en chinois Yansizhe de chaodu 淹死者的超度, ce qui peut être traduit en français par « Le passage [ou bien la délivrance] des noyés ». Le terme chaodu 超度, relevant du bouddhisme, signiie en efet la traversée, pour les âmes des défunts, de l’océan de douleurs qu’est la vie humaine, et leur délivrance de la soufrance. Cette longue nouvelle, écrite à la première personne, relate le séjour en terre étrangère d’un intellectuel. Il s’agit d’une ville au bord de la mer, dans un paysage de leuve et de montagnes. Le protagoniste veut progresser dans la lecture des Classiques, notamment d’un ouvrage intitulé « Classique de l’obscur et du clair » (youmingjing 幽明经), qu’il tente de déchifrer et de pénétrer. Depuis le balcon de sa demeure, il observe le paysage : il voit et entend un pont-levis se lever, laissant le passage à un bateau, à l’intersection du leuve et de la mer. Il se promène dans la ville et s’y nourrit, arrivant dans un restaurant chinois, car la crêperie où il pensait se rendre est fermée. En faisant ses courses, il

11. Leung Ping-kwan, 2012, Puluo wangsi de hanshi, 143 p. L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien découvre un vieux sous-marin, vestige de la guerre, qui ressemble à un gros animal endormi et blessé. Il lui semble que quelqu’un l’appelle. Il sait que les esprits noyés – élément du titre de la nouvelle – errent souvent près du leuve, appellent les gens, les interceptent, car ces âmes damnées cherchent un corps de substitution. La nouvelle est d’une immense richesse. Les séquences se suivent et s’enchevêtrent. Elles font passer le lecteur d’un lieu à l’autre – en France, en Angleterre, à Hong Kong –, d’un monde à l’autre – mondes terrestre, marin et même sous-marin –, d’un état à l’autre – la réalité et le rêve. Les époques aussi sont mélangées, dans un lou délibéré. C’est inalement lors d’une cuisson de fruits de mer que le narrateur sent le plus s’agiter les esprits de maints noyés, et qu’il leur consacre une active bienveillance. Mais n’est-ce pas qu’un rêve ? Victime de la ièvre, le narrateur a pu délirer. Sa compréhension tant du texte que de la vie en cette terre étrangère suit son chemin, avec ses béances et ses plaisirs ; demeurent la cuisine et le vin, et sa voie personnelle s’enrichit. Quelques années après l’écriture de ce récit, Leung Ping-kwan a eu l’occasion de revenir sur cette nouvelle, dans un article intitulé « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire » (Zhongguo guihun yu Luoyahe de meijiu 中国鬼魂与罗亚河的美酒, 2011) :

Je n’avais pas […] imaginé qu’en séjournant un mois à 315 Saint-Nazaire j’écrirai, non pas une nouvelle d’amour ou une comédie, mais une histoire d’esprits extraordinaire, une version moderne des contes fantastiques chinois traditionnels, qui tisserait toutes sortes de dialogues avec la petite ville de France où je séjournais12… L’auteur précise : Dans le roman classique chinois, j’aime particulièrement la catégorie des contes fantastiques. […] Lors du mouvement de la Nouvelle Littérature au début du xxe siècle, du fait des objectifs de lutte contre le féodalisme et de promotion d’une réforme de la société […] ce genre de récits […] n’a plus été tenu en considération13. Pendant la Révolution culturelle, ce thème des esprits et démons a été critiqué, tenu pour matière à superstitions féodales. L’écrivain dit éprouver un profond intérêt pour la génération des hommes de culture qui ont quitté la Chine pour venir à Hong Kong

12. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire » (Zhongguo gui- hun yu luoyahe de meijiu 中国鬼魂与罗亚河的美酒), p. 53, trad. Annie Bergeret Curien. 13. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire », p. 54. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

autour de 1949, et prêter grande attention à la façon dont ils ont fait perdurer une culture chinoise alternative se développant à Hong Kong sans pouvoir le faire en Chine. Il cite le réalisateur King Hu, né à Pékin, féru de littérature traditionnelle chinoise, qui est arrivé à Hong Kong en 1949, et son ilm Legend in the Mountain, librement adapté du conte « Les esprits de la grotte dans la Montagne de l’ouest », écrit sous les Song : C’est l’histoire d’un jeune homme parti en expédition durant de nombreuses années dans les régions frontalières, qui assure le passage des âmes défuntes de morts violentes. Cependant, il y est aussi question des guerres entre le bien et le mal, de la distinction du vrai et du faux, de la bienveillance et de la haine entre les hommes et les esprits14. L’histoire moderne – repli à Hong Kong d’intellectuels venus de Chine – et la culture traditionnelle chinoise s’imbriquent ainsi dans le récit du romancier hongkongais. Nous allons voir à présent de quelle façon son écriture s’ouvre ici à d’autres dimensions historiques et sociales du monde contemporain. En arrivant à Saint-Nazaire […] avec ma curiosité de 316 voyageur évoluant sur une autre terre, selon mon habitude je me suis promené tranquillement sans but dans la ville que je venais d’atteindre, dessinant de mes pieds ma propre carte. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour découvrir quelques bornes singulières : ainsi cet immense vieux dock en béton !

La première fois que je suis passé à cet endroit, j’ai éprouvé une […] crainte, sans être à même de comprendre de quoi il s’agissait. Plus tard […] j’ai appris qu’au temps de l’Occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, le dock construit dans cette ville portuaire l’avait été pour fabriquer des sous-marins durant la guerre. Du fait de sa lourdeur et de sa robustesse, […] il n’a jamais pu être totalement détruit. Il a donc survécu, constituant un symbole du fait que l’Histoire doit nous tenir en éveil ! En marchant dans le crépuscule froid et obscur, j’avais secrètement la chair de poule ; inconsciemment, je cherchais à presser le pas, à passer rapidement. Il m’est tout à coup venu une ingénieuse idée : ne tenais-je pas là la scène idéale pour cette histoire d'esprits que je voulais écrire15 ?

14. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire », p. 54-55. 15. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire », p. 55-56. L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien

Leung Ping-kwan poursuit : Une fois que j’ai su que j’allais venir à Saint-Nazaire, j’ai regardé sur une carte où se trouve cette ville ; j’ai vu qu’elle est située à l’Ouest de la France, séparée de l’Angleterre par la mer ;je n’ai pu m’empêcher de […] repenser à l’histoire, survenue quelques mois plus tôt, de passagers clandestins chinois injustement morts sur une plage anglaise.

[…] Ces Chinois […], en route vers une autre terre, croyaient pouvoir trouver une vie heureuse ; ils n’auraient jamais imaginé devenir des esprits à la suite de morts injustes.(…)

Cette nuit-là, je n’ai […] pas pu dormir. Je me tournais et me retournais dans mon lit ; les personnages et les événements s'agitaient dans ma tête comme une lampe-tempête. Incarné en jeune lettré du ilm de King Hu, j’étais un petit prêtre taoïste arrivé près du détroit franco-anglais ; je me préparais à réciter des prières à l’intention des esprits de ceux qui étaient injustement morts sur une autre terre, pour les aider à efectuer le passage ; j’espérais qu’ils pourraient apaiser leur colère et leur ressentiment, et gagner bientôt l’autre rive. 317 […] je me suis installé droit à ma table, j’ai allumé l’ordinateur, et j’ai commencé à écrire le début de ma nouvelle. […] Tout comme le jeune prêtre taoïste sous ma plume, inconsciemment j’enroulais un monde où les lignes de démarcation entre l’Est et l’Ouest, le jour et la nuit, le réel et l’imaginaire, le vivant et le mort se faisaient de plus en plus loues16. On assiste en somme, dans cette œuvre, à une rencontre entre des « âmes défuntes » (youhun 游魂) ayant appartenu à diverses communautés humaines, et le shen 神, force spirituelle du narrateur, organisatrice de la nouvelle. Le shen, qui, comme l’écrit Romain Graziani, est « dans le discours cosmologique le soule dynamique animant et viviiant le monde »17. Mais, dans le récit, le portrait de cet homme compatissant n’est pas idéalisé pour autant. L’intellectuel ne connaît qu’un succès relatif dans son entreprise de compréhension des textes classiques, et ne peut pas faire grand-chose face aux problèmes du monde. C’est inalement le fait

16. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire », p. 56-57. 17. Voir son essai « Quand l’esprit demeure tout seul », dans la revue Extrême-Orient Extrême- Occident, no 29 : « De l’esprit aux esprits – enquête sur la notion de shen 神 », PUV, 2007, p. 9. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

d’écrire une littérature ictive, c’est-à-dire d’ouvrir les possibilités de la perception et de la parole, qui lui revient et à quoi il s’attache ininiment – à l’appui de « choses » (dongxi) concrètes et parfois savoureuses, chargées de singiications profondes. L’œuvre qui nous retient se donne, à mon sens, comme une sorte de concert baroque aux multiples éléments, avec des ornementations magniiques. Le tout suit une ligne directrice forte, en phase avec l’écriture précédente, poèmes et proses inclus, de l’auteur. C’est en quelque sorte un feu d’artiice de l’imaginaire, où se mêlent le voyage et l’errance, l’élément aquatique, la légende et la sagesse, l’actualité du monde, le travail de l’écrivain, le plaisir et les interrogations de l’existence, la vie quotidienne, l’individualité en accord avec la nature et à l’écoute du monde. Dans d’autres nouvelles plus anciennes, comme « Frontières » mentionnée plus haut, on assistait déjà, dans l’écriture romanesque de l’auteur, à un mouvement de déplacement géographique constant ainsi qu’à un relativisme de la pensée des protagonistes en fonction des lieux et des situations. Dans les poèmes évoqués ci-dessus, nous avons pu noter une forte concentration de termes spirituels, religieux et philosophiques. Dans l’œuvre écrite à Saint-Nazaire, il est nouveau que le récit, dans sa dimension romanesque, intègre en quantité et en intensité de semblables 318 expressions, qui viennent trouver leur pleine place dans la trame et le cadre romanesques. Comme si la syntaxe du récit trouvait dans ce texte son adéquation avec la thématique et pouvait, dans l’art romanesque, jouer de tous les registres de la pensée. Dans une combinaison de préoccupations appartenant à tous les temps et à l’actualité, en langue chinoise. Alors qu’auparavant, c’était la poésie qui se faisait le réceptacle particulier de ce va-et-vient. Le décalage, le déplacement de perspective oferts par le séjour en un autre lieu, étranger, inconnu, est sans doute le levier qui rend ce changement de tonalité possible dans la narration. Il semble qu’ici l’expression romanesque ait pu prendre en compte l’entièreté de la pensée de l’auteur. Nous pouvons en outre lire dans ce texte également un poème narratif. En guise de conclusion, je citerai les derniers vers du poème qui précisément termine, et même « réalise » cette nouvelle. Nettoyage de la cuisine Pour le prochain occupant, M. Jan Sonergaard […] un pont-levis se lève et retombe communiquant à tous des tremblements nous sommes le leuve, qui traverse notre plaine et nos vallées qui a aussi de délicats passages rocheux, aussi le calme des L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan Annie BerGeret curien

vagues sous le vent paisible retour vers la mer qui nous accepte, la pensée se condense dans la fumée de la cafetière écrire le monde des hommes à profusion18.

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18. Leung Ping-kwan, 2012, « Les esprits chinois et les bons vins de la Loire », p. 60. Résumé : Le roman de Mo Yan, Fengru feitun 豐乳肥臀 (Beaux seins, belles fesses), est marqué par certaines igures féminines remarquables, qui camoulent les démons de l’utopie. La présente étude entend explorer la portée allégorique de cette somme romanesque. On se penche d’abord sur les énoncés messianiques, propres à nourrir la fantasmagorie d’une cocagne communiste. On cherchera ensuite à montrer la faillite d’une telle utopie tournée à l’apocalypse, consubs- tantielle à un continuum fatal de l’histoire. Enin, on tentera d’expliquer en quoi la mise en scène du protagoniste comme subjectivité rêveuse constitue un anti-messianisme salutaire contre la folie meurtrière des grandeurs. Mots-clés : Mo Yan, Beaux seins, belles fesses, utopie, anti-messianisme

The Demons of Utopia in Mo Yan’s Work Mo Yan’s novel, Fengru feitun 豐乳肥臀 (Big Breasts and Wide Hips), is marked by some notable female igures, which in fact conceal the demons of uto- pia. his study is aimed at exploring the allegorical signiicance of this saga. First we choose to focus on the Messianic statements that are favorable to the phantas- magoria of a communist Cocagne. However the bankruptcy of such a utopia is immediately revealed as it ends in the apocalypse, which is consubstantial with a fatal continuum of history. We will attempt to explain how the protagonist’s construction in a dreamy subjectivity way constitutes a healthy anti-messianism against the murderous megalomania. Keyword: Mo Yan, Big Breasts and Wide Hips, utopia, anti-messianism

莫言作品中的烏托邦惡魔 摘要:莫言的《豐乳肥臀》中奇女子當道,獨特地顯現出烏托邦的惡魔 形象。本文旨在對這部小說這一深刻寓意略作探討。討論首先聚焦小說 的彌賽亞敘事,借以揭示出其共產主義福地的幻想性。但歷史的致命沉 淪立刻宣告了此類烏托邦的破產以及末日世界的來臨。本文最後從主人 公的構建出發,試圖證明 « 痴夢 »是一種及時的反彌賽亞敘述主體,對 政治瘋狂與屠殺構成不可多得的抗體。 關鍵詞:莫言,《豐乳肥臀》, 烏托邦, 反彌賽亞主義 Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde

LES DÉMONS DE L’UTOPIE DANS L’ŒUVRE DE MO YAN

Zhang Yinde Université Sorbonne nouvelle – CERC

Le tropisme de Mo Yan pour la démonologie est notoire1. Ce sont des récits fantastiques qui révèlent très tôt son talent de conteur, à en juger par A Cheng 阿城, dont le témoignage élogieux contribue à asseoir cette notoriété. L’auteur du « Roi des échecs » l’a d’ailleurs placé sous les auspices de Pu Songling2. Ce que ne contredit certainement pas Mo Yan, puisque l’ancêtre concitoyen constitue un monument littéraire 321 insurpassable, à qui il rend un hommage appuyé, en publiant un ensemble de récits intitulés sans ambiguïté « À l’école de Pu Songling3 ». Une ainité élective, par-delà la déférence, apparente l’épigone à son maître, à travers une intertextualité permanente qui va des allusions implicites aux pastiches déclarés en passant par de véritables réécritures. Mo Yan invoque ainsi les Chroniques de l’étrange pour cautionner une histoire zoophile4 ou pour justiier son fantasme sur une femme succube5. Les scènes fantasmagoriques abondent, comme en témoigne cette conversation

1. Mo Yan [莫言], 2006, « Haotan guiguaishenmo 好談鬼怪神魔 » (« Démons, monstres et esprits, ce sont mes sujets de prédilection »). 2. A Cheng [阿城], 1995, le Roman et la Vie (Xianhua xianshuo 閒話閒說), p. 113-114. A Cheng, qui a rencontré Mo Yan à Dalian en 1986, le juge armé d’un « grand talent », surpas- sant même l’auteur des Chroniques de l’étrange, où « le naturel est disparu ». 3. Mo Yan [莫言], 2011a, Xuexi Pu Songling 學習蒲松齡 (À l’école de Pu Songling). 4. Mo Yan [莫言], 2004a, Xiaoshuo de qiwei 小說的氣味 (Odeurs du roman), « Gouwensan pian 狗文三篇 » (« Trois récits canins »), p. 78. 5. Mo Yan [莫言], ibid., « Yuye yu xiao huli tong chuang gongzhen 雨夜與小狐狸同窗共枕 » (« Partager l’oreiller avec une petite renarde par les nuits pluvieuses »), p. 238-239. L’auteur airme souhaiter lire jusqu’à la nuit avancée, où surgirait une femme renarde pour lui servir à boire, avant de partager son sommeil. Il se plaint que ce type d’aventure ne se produise que dans les récits de Pu Songling. Cette histoire est à rapprocher en efet de Shuchi 書痴, « Fou des livres ». Voir Pu Songling, 2005, Chroniques de l’étrange (Liaozhaizhi yi 聊齋誌異), vol. 2, « Bibliomane », p. 1596-1602. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

d’outre-tombe engagée entre deux compagnons d’armes, dont l’un est tombé au champ de bataille pendant la guerre sino-vietnamienne de 19796. On pourrait multiplier les exemples avec des motifs fantastiques récurrents qui s’avèrent d’autant plus signiicatifs qu’ils se prêtent à une certaine typologie, relative entre autres à la littéralisation, l’obsession, ou la dislocation sexuelle7. Mo Yan tend ainsi à littéraliser la cruauté humaine, en traitant par exemple, dans « Le pays de l’alcool », la boucherie des enfants : l’histoire, pour s’inspirer de Ji Yun 8, ne s’en rapproche pas moins du « Rêve de loups » de Pu Songling, pour sacriier l’allégorie à la littéralité9. L’obsession, de son côté, fait apparaître des femmes renardes, aussi séductrices que fantomatiques, comme dans « La belle à dos d’âne dans l’avenue de Chang’an », ou « La femme au bouquet de leurs10 » : le charme ensorcelant de cette femme mystérieuse met en péril la vie du couple tout en menaçant l’identité du personnage, englouti par sa propre ombre. Quant à la représentation de la sexualité, placée sous le signe du chiasme entre femmes remarquables et hommes castrés11, elle impulse une véritable entreprise de réécriture, qui dépasse un simple jeu parodique pour générer une thématique remodelée et réorientée. On observe à cet égard la résurgence prééminente, chez Mo Yan, de certaines igures féminines, telles que les « mégères », les yaksa, ces « diablesses » des légendes bouddhiques, ou encore ces « tigresses fardées » dans 322

6. Mo Yan [莫言], 2012, « Zhanyou chongfeng 戰友重逢 » (Retrouvailles de deux com- pagnons d’armes), trad. Noël Dutrait sous le titre les Retrouvailles des compagnons d’armes, Le Seuil, 2017 7. Judith T. Zeitlin, 1993, Historian of the Strange. Elle distingue entre autres “Obsession”, p. 61-97, “Dislocations in Gender”, p. 98-131, ainsi que “he literalrealization of metaphoriclan- guage”, p. 145. 8. Ji Yun [紀昀], 1998b, « Humains à cuisiner » [« Cairen 菜人 »] trad. Ji Yun, Passe-temps d’un été à Luanyang, traduit par Jacques Dars, Gallimard, 1998, p. . 9. Pu Songling, 2005, Chroniques de l’étrange (Liaozhaizhi yi 聊齋誌異), vol. 2, « Rêve de loups », p. 1171-1176. Les bêtes sauvages, auxquelles sont comparés les mandarins corrompus, surgissent littéralement. 10. Mo Yan [莫言], 2011b, la Belle à dos d’âne dans l’avenue de Chang’an (Chang’an dao shang de qilü meiren 長安道上的騎驢美人), « La belle à dos d’âne dans l’avenue de Chang’an (Chang’an dao shang de qilü meiren 長安道上的騎驢美人) », p. 7-31, « La femme au bou- quet de leurs (Huaibao xianhua de nüren 懷抱鮮花的女人) », p. 35-95, traduit par Marie Laureillard, Philippe Picquier, 2011 . Le deuxième récit n’est pas sans renvoyer à Shi Zhecun [施蟄存], 2011, le Goût de la pluie, « Meiyuzhi xi 梅雨之夕 » (« Crépuscule à la saison des pluies ») p. 233-249, trad. Marie Laureillard, Gallimard, collection « Bleu de Chine ». 11. On peut lire entre autres « Dame Geng, la vengeresse » (« 庚娘 »), « Femme mandarin » (« 顏氏 »), « Laide mais noble et idèle » (« 喬女 »), en contraste avec l’homme émasculé dans « Suborneur suborné » (« 人妖 »), dans Pu Songling, 2005, Chroniques de l’étrange (Liaozhaizhi yi 聊齋誌異), vol. 1, p. 438-444, 847-851, vol. 2, p. 1428-1432, 1877-1880. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde la tradition inaugurée depuis les Song12. Disséminées dans diférents textes, ces images convergent dans Beaux seins belles fesses13 pour donner lieu à une reconiguration élaborée et aboutie. Long Qingping 龍青萍, chef de l’élevage de poules à la ferme de l’État de la rivière du Dragon, Duru Lao Jin 獨乳老金, vieille Jin au sein unique, ainsi que Wang Yinzhi 汪銀枝, P.-D. G. usurpatrice de la société de soutiens-gorge La Licorne, se présentent en efet comme « trois femmes puissantes », sinon comme des créatures démones, extraordinairement dominatrices. Parées d’attributs vulpins ou de signalements d’amazones, elles font de Jintong un pantin et une proie, qu’elles manipulent, torturent et asservissent à leur guise. Ces éléments tératologiques, modernisés et recontextualisés, appellent des rélexions sur leur fonction symbolique. Les femmes remarquables que sont ces créatures monstres dans Beaux seins belles fesses se révèlent en efet comme la métaphore d’un culte catastrophiste de la puissance. Cette thématique, obsédante chez Mo Yan, propose une entrée en matière spéciique, dans la mesure où l’auteur met en place un imaginaire politique par le biais de ce socle archétypal. Ce qui est en cause, c’est l’idéologie du Progrès et de la raison historique coïncidant avec un messianisme sécularisé et une utopie communiste. La tératologie instillée dans ce roman allégorise l’inversement du schéma messianique en un parcours apocalyptique, puisque le récit plonge l’histoire dans une 323 succession de désastres sans in14. Une telle optique incite d’emblée à suspendre les évidences du sens commun en en rayant les automatismes de la représentation, tels qu’ils se cristallisent autour du personnage de la mère, symbole de générosité et de sacriices, entièrement assimilés au destin de la nation. Le New Historicism, doublé de la critique féministe, voit en elle une igure matriarcale, protectrice de la tribu, à l’instar d’Ursula dans Cent Ans de solitude. Mais pour mettre en avant une lecture alternative de l’histoire oicielle, ces interprétations n’en convergent pas moins vers un nationalisme sous-jacent en érigeant la mère-terre ou la terre-mère en icône d’un folklore essentialiste15. La igure maternelle, en réalité, interpelle par son ambivalence : nourricière autant que sevreuse,

12. Sur ces « mégères », « diablesses » (yaksa 母夜叉), « tigresses fardées » (胭脂虎), voir entre autres « Exécrable mégère » (« 馬介甫 ») et « La Mégère repentie » (« 江城 »), dans ibid., vol. 1, respectivement p. 813-823 et 941-951. 13. Mo Yan [莫言], 2005a, Beaux seins, belles fesses (Fengru feitun 丰乳肥臀). 14. Jefrey C. Kinkley, 2005, “Modernity and apocalypse in Chinese novel from the end of the twentieth century”. À propos de Mo Yan, l’étude se limite au « Pays de l’alcool ». Voir p. 111-116. 15. Zhang Qinghua [張清華], 1998, « Shinian xinlishizhuyi sichao huigu 十年新歷史主義 文學思潮回顧 » (« Regard rétrospectif sur les dix ans de New Historicism ») ; cité par Mo Yan, 2004a, Xiaoshuo de qiwei 小說的氣味 (Odeurs du roman), « Wo yu xinlishizhuyi wenxuesi- chao » 我與新歷史主義文學思潮 (« Le New Historicism et moi »), p. 199-203. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

généreuse autant que destructrice. Jintong, son unique ils, est ainsi un enfant choyé mais soufre-douleur, jamais émancipé de son addiction mammaire. En tant que femme phallique – à cet égard, le titre du roman ne saurait suggérer un érotisme gratuit et provocateur, ni un esthétisme latent et actualisable16, mais plutôt une igure dont la majesté est lourde de conséquence – elle rejoint dans une certaine mesure toutes ces femmes puissantes, en s’évertuant à restaurer voire imposer l’autorité masculine et le pouvoir symbolique. La puissance des igures féminines, en contraste avec l’angoisse permanente du protagoniste, fait partie donc de ces zones d’ombres et d’un non-dit politique du fantastique qu’il convient d’explorer. La somme romanesque que constitue Beaux seins, belles fesses se lit dès lors comme une histoire à la fois dénonciatrice et conjuratoire des démons de l’utopie. Des péripéties et des myriades de personnages se nouent en efet sur des énoncés messianiques propres à nourrir la fantasmagorie d’une cocagne communiste. Mais l’utopie ne tarde pas à tourner à l’apocalypse, consubstantielle à un continuum fatal de l’histoire. La faillite de cette utopie explique l’avènement d’un antimessianisme salutaire. Une subjectivité rêveuse sera privilégiée : à défaut d’un agir humain salvateur, elle constitue au moins une échappatoire à la folie des grandeurs meurtrière, qui a la vie dure, hélas, quelles que soient les périodes, guerrières, totalitaires ou étatico-capitalistes. 324

utopie et messianisme Le roman met en place d’abord le messianisme communiste par l’installation d’une utopie réalisée. La description de cette utopie est concentrée sur un chapitre, de façon à encadrer, dans une section isolée, un chronotope exceptionnel. Le chapitre 28, sur un roman qui en contient 54, constitue en efet un moment clef, où l’histoire bascule dans la fantasmagorie : un garçon est sacré « prince de la neige », au cours d’une kermesse annuelle, le « marché de la neige ». Dans les zones libérées du Nord, à peine sorties des années de guerre, le marché déploie une scène onirique d’investiture du messie, qui y assoit son royaume. Mo Yan parodie le schéma messianique en le mélangeant avec un ritualisme folklorique. Tout commence avec l’attente. Les spéculations vont bon train chez les villageois, dans l’expectative d’une neige abondante, signe de « secrets divins ». Ils sont exaucés, dans leur désir anxieux, par la chute d’une neige qui de fait, de petits locons, se transforme progressivement en une masse duveteuse et veloutée,

16. Le choix est sensiblement diférent entre les traductions française et anglaise, la dernière étant plus littérale : Mo Yan [莫言], 2005b, Big Breasts and Wide Hips (Fengrufeitun 丰乳肥 臀). Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde jusqu’à obscurcir le ciel. Ce ne sont que des signes avant-coureurs, qui annoncent un événement capital : Jintong, sur qui le vieux taoïste avait jeté son dévolu, se voit élu « prince de la neige ». Le choix s’avère d’autant plus judicieux que le lauréat a eu des visions, au cours d’une nuit agitée, où il « vit beaucoup de choses étranges sans savoir si elles existaient réellement » (p. 441). La prémonition est trop proche du cas de Hong Xiuquan 洪秀全 (1812-1864) qui, un siècle auparavant, s’était rêvé assis à côté de Jésus, avant de s’autoproclamer roi du Ciel, à la tête du royaume céleste de la Grande Paix, pour que le « prince de neige » reste dans son destin commun. La rupture intervient par des gestes aussi familiaux que symboliques. La mère coupe à son enfant ses ongles en lavant « ces grifes de petit chien ». L’afection accompagne la pratique de puriication du corps : l’enfant se rapproche du divin en se séparant du monde bestial. D’autant qu’il reçoit de la main de sa mère une empreinte rouge au front : les coutumes prophylactiques locales s’associent au rituel d’onction, qui prélude littéralement au sacre de notre messie. Le sceptre, qu’il aura reçu comme attribut le plus ostentatoire, porte à son sommet le cérémonial d’investiture. Le royaume advenu, incarné par ce mystérieux « marché de la neige », foire annuelle, conirme les espoirs messianiques. Sa situation géographique le met à l’écart du commun : il est situé sur une hauteur 325 qui se dresse « étrangement », « de façon inexplicable, inimaginable » (莫名其妙), en rase campagne. Un long cheminement d’initiation est nécessaire : les villageois, qui accostent l’élu assis dans un palanquin, semblent accourir en procession vers la destination de leur pèlerinage. Le pont sert de liaison autant que de séparation à l’entrée d’un univers à part. La rupture est aussi verticale, dans un contraste saisissant entre l’enfer d’en bas, ravagé par le feu et le sang, et le monde d’en haut baigné dans une lumière caressante. Certes le village, par « miracle », est épargné de l’anéantissement, comme cela a été signalé à la in du chapitre précédent, en revanche, les ruines ofrent un spectacle de désolation lugubre : « Dans les terres marécageuses, les renards hurlaient ; dans les rues et ruelles, les âmes en peine erraient pleurant sans relâche. » (2005a, p. 441). La mort, comme les « chiens fous », rôde au milieu des décombres et des rescapés des désastres. La colline, coupée du village, respire l’éther de la hauteur, doublé d’un vaste emplacement : située au Sud du village, elle s’est déinitivement détournée du Nord funeste pour s’orienter vers la vie. Tout est prêt pour accueillir une vie animée, ou plutôt réanimée, que l’on peut constater en déambulant au milieu d’une enilade d’étals, de boutiques et de tavernes. Le parfum de l’abondance, émanant de petits pains farcis, alterne avec une joie mutique et paisible, qui écrase quelques rares cris de « colère » ou de « jalousie ». Les deux frères porteurs du palanquin viennent « nommer » le règne : ils s’appellent Wang Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

la Grande Paix (Wang Taiping) et Wang la Justice (Wang Gongping). Ils « portent », après les avoir transportées et apportées, ces espoirs, réalisés à présent par notre roi de paix et de justice, si l’on en juge par une motivation onomastique poussée jusqu’à leur patronyme, Wang, « roi ». Le marché, monde nouveau, signe à proprement parler le renouveau. La neige, dans sa blancheur épaisse et immaculée, « recouvrit les cadavres », visualisant le deuil collectif du temps ensanglanté. La première phrase de ce chapitre entre en résonance avec la clausule des Morts de James Joyce, décrivant une Irlande ensevelie sous le tapis de neige17. Mais la neige, prémisse du printemps plutôt que triomphe de l’hiver, s’associe davantage encore à la renaissance : La neige qui recouvrait la terre comme une couverture la rendait humide, propre à engendrer, la neige était l’eau de fertilité, c’était le symbole de l’hiver, mais encore plus l’annonce du printemps : quand la neige était là, le printemps plein de vitalité arrivait au galop sur son ier destrier. (2005a, p. 450) Le « marché de la neige » se déroule d’ailleurs comme une kermesse propre à la fête du printemps, le Nouvel An chinois – les survivants « avaient revêtu les habits de Nouvel An », avant de « se diriger vers 326 la hauteur à travers la neige » (2005a, p. 439-440) – selon le décalage signiiant, dans ce rituel, entre le calendrier et sa sémantique votive : on célèbre par anticipation la saison du renouveau. La circonscription spatio-temporelle fournit au messie un cadre d’action précis, où il se livre, une fois l’investiture accomplie, à une double opération exorciste et propitiatoire. Doté d’un pouvoir suprême symbolisé par ce sceptre constitué d’un bâton doré et d’un bol argenté à son extrémité, il efectue sur sa chaise à porteurs le tour du marché, qui n’est rien d’autre d’une inspection consolatrice. Il apporte ainsi du réconfort à cette cohorte d’aligés, constitués en majorité de veuves, d’enfants, et de vieillards : Hu Tiangui a perdu quatre de ses cinq ils pendant la guerre, alors que le cadet est condamné aux travaux forcés ; la veuve Zhao laisse à l’abandon ses deux enfants en bas âge en vendant des petits pains farcis. L’apaisement des esprits suppose aussi un deuil dûment accompli, surtout en hommage aux mânes victimes d’une « mort injuste » (yuanhun). Zhang Tianci, surnommé « Seigneur du

17. « La première grande neige des années de paix recouvrit les cadavres, les pigeons sauvages afamés piétinaient sur la surface enneigée, poussant des cris de détresse, comme les sanglots troubles d’une veuve » – Mo Yan, 2005a, Beaux seins, belles fesses (Fengru feitun 丰乳肥臀), p. 439. Mo Yan exprime une grande admiration pour le récit de James Joyce en raison d’un sym- bolisme subtil de la disparition : Mo Yan [莫言], 1999, Yingxiangwo de shi bu duanpian xiao- shuo 影響我的十部短篇小說 (les Dix Nouvelles qui m’ont inluencé), p. 5-6. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde ciel », magicien capable de rapatrier les défunts en les faisant marcher jusqu’à leur terre natale, semble être un personnage délégué du prince, soucieux d’ofrir une digne sépulture à tous les décédés. L’exorcisme a pour corollaire les rites propitiatoires. Le prince exauce ainsi les femmes de Gaomi dans leurs vœux de fécondité et de santé en les convoquant dans une grotte, au pied d’une pagode. Les 120 paires de seins auront reçu, au cours d’une cérémonie érotico-extatique, la bénédiction d’une main divine, promettant lait fertile et vigueur éblouissante, grâce à ses mains bénies dans l’eau de neige cristalline. Le tableau idyllique de ce royaume s’achève donc avec le réseau symbolique parfait qui se tisse entre abondances de la neige, du marché et du lait maternel. Une seule touche déplacée : le prince use de temps en temps de son sceptre, capable d’« extirper toute langue » déliée, donc tout risque de menace, résiduel ou émergent, sur la fragile harmonie. Le silence, prix de la paix, met in à l’euphorie. Le paradis terrestre, tel qu’il est mis en scène dans ce chapitre pivot, se révèle de fait comme une allégorie dystopique. Les indices à peine cryptiques viennent dévoiler la nature totalitaire de cette cocagne quand l’économie textuelle n’apporte pas un démenti formel à l’idylle. Le culte de la personnalité favorise l’autocratie, tandis que le communisme providentiel, adossé à l’eschatologie révolutionnaire et à une idéologie pervertie du Progrès, 327 s’inverse en un parcours infernal. Dès lors l’histoire se déploie dans une narrativité apocalyptique. Derrière le prince de la neige se cachent en efet deux igures rédemptrices, dont la concurrence justiie les liens souterrains entre le communisme chinois et le messianisme propre à certaines sociétés secrètes. La igure historique de Mao s’imprime dans le paysage auroral qui inaugure le passage, dans une notation discrète : « L’orient était rouge, le soleil se levait. » L’expression sobre, voire laconique, a peu de valeur descriptive ; elle est en réalité panégyrique, puisque c’est le Te Deum révolutionnaire le plus chanté, à la gloire du « Grand astre démiurgique du peuple ». La vertu salvatrice du dirigeant communiste et fondateur de la République populaire de Chine se trouve néanmoins faussée, car parasitée par une touche anachronique, magniiant non plus l’ère socialiste mais le régime impérial : « mais entre ciel et terre, c’était comme si s’étendaient des dizaines de milliers de tuiles vernissées dorées » (2005a, p. 439). L’allusion, introduite par un modalisateur antonymique, à l’architecture de la Cité interdite opère un renversement sémantique : le sauveur révolutionnaire se transforme en un monarque, qui ne tardera pas à faire régner la terreur. Elle est d’ailleurs préigurée par un despote, appelé simplement « Grand personnage ». Celui-ci s’est illustré dans les réformes agraires par une autorité implacable : sans nom ni visage, il ne lui reste qu’une gestuelle tranchante pour soutenir un corps Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

omnipotent, prêt à étoufer tout élément potentiellement dangereux, y compris les enfants innocents. On s’étonne d’assister, dans cette cocagne socialiste, à une festivité silencieuse, où la population en « liesse » est interdite de parole. L’énigme se dissipe à la in dans une chute spectaculaire : on arrête et exécute sur le champ le vieux taoïste Men Shengwu. On découvre, sous l’aspect d’un lettré de « haute vertu », « mi-homme, mi-immortel », vouant le culte au « Vieux maître suprême » Laozi et pratiquant l’abstinence des céréales, un vrai « démon ennemi », chef d’une société secrète appelée Huidaomen (Daohuimen dans le roman). Le roman ictionnalise à peine ces campagnes répressives intervenues dès la veille de la fondation de la République populaire de Chine : le nouveau régime ne saurait tolérer l’existence d’une telle « société rédemptrice », qui préconise le salut pour les individus et pour le monde en s’appuyant sur une vision apocalyptique et sur un syncrétisme religieux « hétérodoxe », mélangeant confucianisme, bouddhisme, taoïsme, christianisme et islam. Iniltrée par les Japonais, les nationalistes et le Parti communiste chinois (PCC) pendant la guerre, la société Huidaomen s’expose désormais à l’éradication devant un régime qui traite ses adeptes comme des « espions », en raison de sérieuses menaces qu’ils présentent pour son image et sa légitimité en tant que sauveur du pays18. La discrétion du 328 gourou a été vaine. Il a beau organiser secrètement l’élection du prince de la neige et la cérémonie de bénédiction tout en maintenant les villageois dans l’ignorance de son identité et de ses déplacements,le moindre ébruitement provoque la catastrophe et la faillite de son messianisme hérétique. Seul le PCC incarne la rédemption légitime. Le soleil dissipe les ombres et le fusil, le chuchotement.

dystopie et histoire Le marché de la neige se démasque dès lors comme un paradis fallacieux. Il condense la mystiication d’un messianisme révolutionnaire, dénoncé au fond par l’histoire. L’immense corps du roman se traîne ainsi dans un calvaire sans in et une apocalypse sans révélation. La temporalité du roman coïncide avec le processus de désenchantement. L’illusion du changement n’est pas absente. Le chapitre 28, édénique,

18. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, « Les Sociétés rédemptrices », p. 102-113 ; sur les sociétés secrètes huidaomen, voir p. 161. Voir aussi Shao Yong 邵雍, Zhongguo huidaomen 中國會道門 (Les Sociétés secrètes Huidongmen en Chine), Shanghai, Shanghai renmin chubanshe, 1997. Le terme de « sociétés rédemptrices » est inventé par Prasenjit Duara pour caractériser ces sociétés secrètes – 2003, Sovereignty and Authenticity, p. 89-129. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde surgit comme aboutissement d’un rêve, qui annonce la in du cauchemar à l’issue d’une longue période de guerres. L’irruption d’un tel paradis, au miroitement d’une linéarité irrévocable, donne l’impression d’une sortie de l’histoire. On se détrompe si on replace le chapitre dans toute la chaîne du roman. Il est certain que, 28e sur une totalité de 54 et premier de la quatrième partie sur un ensemble de sept, il occupe une place nodale. Néanmoins, au lieu de servir de point de basculement, cette centralité fonctionne comme un pivot qui cristallise la permanence destructrice en agrafant deux volets symétriques. L’installation du nouveau régime, perçu comme providentiel, réunit en réalité un avant et un après indiférenciés dans leurs actions meurtrières. L’un pâtit d’une crise nationale, qui, pour opposer la résistance héroïque à l’invasion japonaise, n’en vire pas moins à un sanglant fratricide, tandis que l’autre n’a pas manqué d’entraîner le pays dans la ruine et dans le chaos par d’incessantes luttes de classes. En s’attardant sur la guerre civile opposant communistes et nationalistes, les pages d’une violence extrême, dignes de Cavalerie rouge d’Isaac Babel ou de l ’A c a c i a de Claude Simon, invalident la thèse de la libération de la nation, quel que soit le camp politique et militaire. C’est une violence absurde, avec laquelle on met à sac un village entier sous prétexte d’éliminer Sima Ku, ancien propriétaire foncier, chef de la Brigade pour le retour au foyer, (2005a, p. 399,502), pourtant héros de la Résistance 329 contre les Japonais. Le carnage, provoqué parles opérations dirigées par Lu Liren, commissaire politique communiste, relève aussi d’une attaque froide et aveugle, dont sont victimes les civils innocents. Ce changement de régime, mais non de logique de conlits, déroule les pages du « livre noir du communisme » par une succession d’événements répressifs et fatals : réformes agraires, collectivisation, Grand Bond en avant, Grande Famine et Révolution culturelle. Le fatum poursuit la population, au-delà des années maoïstes, pour l’enfoncer dans un jeu de massacre d’une autre nature : le culte de la puissance, qui nourrissait naguère un collectivisme forcené et alimente aujourd’hui un individualisme fanatique, exhibe le triomphe du réalisme matérialiste, en complément de la loi de la jungle. La succession de catastrophes ininterrompue compromet le mythe du Progrès qui anime le programme socialiste, acquis à la théologie politique qu’est le matérialisme historique19. L’enchaînement infernal des événements éternise les désastres et entrave toute transformation positive. Le roman sape les chroniques oicielles faites de schémas édiiants de l’émancipation et justiiant les prévisions d’une ascension homogène. Il s’attache ainsi à écrire les « annales historiques du canton du Nord-Est de Gaomi » (2005a, p. 311), comme l’airme le narrateur au chapitre 22. La temporalité du roman opère, et substitue à la linéarité triomphale les mouvements souterrains et imprévisibles de l’histoire.

19. Karl Löwith, 2002, Histoire et salut. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Le roman joue de la chronologie pour la désamorcer. La datation précise obéit à cette tactique de simulation. « La vingt-sixième année du règne de Guangxu de la dynastie des Qing, c’est l’année 1900 » (2005a, p. 837) : deux nominations juxtaposées, traditionnelle et moderne, chinoise et occidentale, servent à marquer l’arrivée d’une ère nouvelle alors que l’ancien monde n’est pas encore terminé. Ce calendrier pose de façon anticipée20 le « siècle » révolutionnaire, ain de souligner les bouleversements à venir, qui devraient conduire à des positivités nouvelles. En réalité la date inaugure cent ans d’histoires tragiques. La chronologie n’est plus le baromètre de la montée en puissance d’une force positive, mais l’indicateur d’une successivité fatale, avec un balisage de catastrophes précisément datées. Si les dates gravent dans le marbre les événements tragiques, la périodisation s’inscrit aussi dans un stratagème de détournement en travestissant les chroniques victorieuses du pouvoir. Découpée en conformité avec l’historiographie du Parti et du dogme marxiste en matière de stades de l’évolution de la société humaine, cette périodisation, en réalité, démystiie et déconstruit les mémoires consacrées en dessinant une désolante stagnation, sinon une régression, dans le domaine de l’égalité et de la justice sociales. Le roman familial est ainsi construit sur du sable, avec l’extermination des deux clans Sima et Shangguan, dont le croisement n’a donné lieu à aucune 330 « génération ». Le déclin pousse inexorablement ces deux familles vers la « décomposition ». La mère, née en 1900 et morte en 1995, est victime et témoin de « cent ans de misères » : elle y survit pour assister à la disparition des générations futures, tout en restant « plantée comme une borne » pour mesurer cette course à la perte. Après une renaissance illusoire dans la sixième partie du roman, consacrée à sa jeunesse antérieure à la naissance de Jintong, elle s’éteint après avoir passé sa vie à regarder le leuve Moshui charrier avec lui son lot de cadavres. La spirale infernale, révélée par cette chronologie macabre, se renforce à coups de répétitions. Les récits réitératifs ont été mobilisés pour évoquer la reproduction d’un passé sinistre. Ce procédé mémoriel s’avère d’autant plus eicient que l’auteur oppose à l’histoire établie, qui occulte le sort des victimes, des récits complétifs, rectiicatifs et réhabilitatifs. Ainsi l’auteur prend-il la défense de la quatrième sœur, prostituée spoliée et humiliée durant les campagnes répressives après 1949. Il en a fait précisément un récit redondant, en décrivant à plusieurs reprises l’exposition dite de la lutte des classes, et en montrant comment l’ancienne prostituée a été « exposée » dans ces séances de critique spéciiques. Il martèle ainsi l’innocence de l’accusée, tout en dénonçant, par une sublimation biblique, la vilenie des persécuteurs voyeurs. Mais la répétition semble

20. Le calendrier grégorien a été adopté en Chine à l’issue de la Révolution de 1911. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde remplir une fonction mémorielle plus inquiète, qui s’attache moins à ressusciter les victimes qu’à pointer l’éternel retour des catastrophes sous un régime amnésique obsédé par l’avenir. Le chapitre 45, consacré à la Révolution culturelle, se lit ainsi comme la réplique du chapitre 28 dans leur commune représentation d’un jour de marché, l’un sur le mode fantasmagorique, l’autre plus réaliste. Le jeu de contraste et d’ampliication explicite le mal, telle la révélation d’une image négative : l’ordre, la paix, la prospérité, tout se renverse pour devenir désordre, violence et misère. Le changement chromatique vient signaler le retournement : le noir prédomine à présent, en déchirant le manteau blanc d’antan. La loi du silence et de l’obéissance, édictée du temps du prince de la neige, vire, comme le retour du refoulé, à la folie collective. La masse et la puissance, pour reprendre les termes de Canetti, s’allient dans cette révolution, (anti)culturelle ou non, qui aspire le pays dans un abîme insondable. Le silence, à l’époque de la terreur, se transforme en vacarmes de slogans. L’ordre, dans son ambivalence d’injonction-soumission, fait place à l’anarchie qui fait la joie des voleurs, des vauriens, des proiteurs. Le geste reste inchangé : en haranguant la foule avec son mégaphone, le petit chef d’une clique de gardes rouges plastronne en imitant la voix « maladive et langoureuse » (病懨懨) du « grand personnage », héraut des réformes agraires (2005a, p. 658). Le règne demeure immuable : le dictateur 331 solitaire se démultiplie en une myriade de tyrans novices, qui mettent à genoux les « mauvais éléments » de la société, avant de les exhiber en déilé comme esprits malfaisants, aussi dangereux que les « démons à tête de bœuf et les génies à corps de serpent ». Le marché ne s’anime plus par son achalandage mais par les afrontements armés opposant les factions de gardes rouges : les scènes d’échaufourées, provoquant trois morts en une seule journée, n’ont rien à envier à la boucherie de la guerre civile. De ce chaos théâtralisé émergent des acteurs hors pair, la nouvelle génération de hors-la-loi, capables de transcender la contingence en forçant leur destin. Wang Jinzhi, un temps marginalisé et méprisé par ses camarades, revient en héros enlammé d’une rage vengeresse. Fondateur de La Licorne, une faction dissidente de gardes rouges, il sera 30 ans plus tard à la tête du Bureau de la radio et télévision municipale (2005a, chap. 52, p. 782). Ayant fait ses armes pendant la Révolution culturelle, il optimise son talent d’arnaqueur en dépossédant Jintong de sa société de soutiens-gorge, commercialisés sous la marque de l’animal fabuleux. La puissance rebelle se perpétue dans cet abus de pouvoir, à la faveur, selon les termes même du narrateur, d’une « dictature capitaliste » substituée désormais à la dictature prolétarienne (2005a, p. 784), sous l’œil bienveillant du capitalisme étatique. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

l’a n t i m e s s i e

La succession de catastrophes, corrélative à la raison du plus fort, participe de l’idéologie du Progrès. Dans un amalgame de christianisme, de marxisme21 et de darwinisme social, une certaine vision pervertie du progrès plane en efet, tel un spectre, sur l’utopie socialiste tout au long du xxe siècle, et conditionne, depuis la in du xixe siècle, l’imaginaire des intellectuels chinois, traumatisés par le déclin de la Chine face au Japon et aux puissances occidentales et hantés par la renaissance de la nation22. Ce fantasme de la puissance s’avère ainsi à la source de tant de désastres, en ajoutant la violence à la violence. C’est sans doute contre le revanchisme messianique et le rêve de la puissance nationaliste23 que le roman met en garde, en faisant l’apologie de l’humain par le biais d’un antimessie, acquis au rêve, à la passivité et à la justice, aux antipodes de femmes remarquables au pouvoir démoniaque. Les femmes-renardes, dans leur extension métaphorique, incarnent cette puissance maléique. Le personnage de Long Qingping, chef de l’élevage de poules à la ferme de l’État de la rivière du Dragon, se présente précisément comme un être vulpin, qui fait de Jintong un objet de prédation et une proie sexuelle. Ses deux seins d’acier sont lourds comme deux « poids de la balance », « formant deux faisceaux 332 de lumière froide qui lui perçaient le cœur » (2005a, p. 688), tandis qu’en prélude de l’assaut une grosse queue sort de l’entrejambe de cette renarde au visage allongé et aux dents luisantes « à vous glacer le sang »

21. Nicolas Berdiaeff, 1975, Christianisme, Marxisme, p. 27 : « La théorie du progrès a pris naissance sur le sol du christianisme. Elle représente la pensée messianique du christianisme sous une forme sécularisée. » 22. Voir les essais écrits par Yan Fu, au lendemain de la défaite subie par la Marine chinoise face au Japon en 1895, et qui ont eu un impact considérable sur les réformistes comme Kang Youwei, les républicains comme Sun Yat-sen, ou les révolutionnaires comme Mao Zedong –Yan Fu, 1977, les Manifestes de Yan Fu, « Aux origines de la puissance », « Propos décisifs sur le salut national », p. 47-138. Voir aussi Roger Darrobers, 2000, « Kang Youwei, du confucianisme réformé à l’utopie universelle », p. 54. 23. Peut-on percevoir des échos chez Liu Xiaobo, préoccupé par un nationalisme rampant, tel qu’il se manifeste dans un documentaire télévisuel à grande audience, He shang 河殤 (la Mort de la rivière jaune), opposant la civilisation de la rivière (Jaune) en péril à la civilisation conquérante de l’océan (bleu) ? « Je déteste surtout les commentaires qui accompagnent “la Mort de la rivière jaune”, car ils relèvent du discours maoïste, un discours messianique [救世主 的語言]… Le raisonnement des Chinois est simple : les puissances occidentales les ont réduits à l’esclavage ; le jour où la Chine deviendra puissante, on leur rendra la pareille. C’est l’inconscient de ce documentaire. Les protagonistes du mouvement des Afaires étrangères ont déjà préconisé d’“imiter la qualité des barbares ain de mieux les soumettre”[師夷之長以制夷]. Mais pourquoi chercher à tout prix à soumettre l’autre ? La Chine fustige les impérialistes, sans savoir qu’elle l’est plus que personne… » – Wen Zhong, 1988, « Wentan hei ma Liu Xiaobo 文壇黑馬劉曉 波 » (« Liu Xiaobo, critique surprenant »). Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde

(2005a, p. 615). Le pistolet qu’elle brandit comme arme de conquête renvoie au même mode opératoire que la femme chaufeur dans « le Pays de l’alcool », quand elle soumet ses partenaires à ses sévices sexuels. La chef Long, à qui il manque un bras, n’est pas sans lien avec la vieille Jin au sein unique, dans le remodelage de ces amazones qui exercent plus de pouvoir de dissuasion que de séduction. La vieille Jin, à la sensualité étrange et sorcière, se substitue certes à la mère, pour allaiter un Jintong en dépérissement après 15 ans de pénitence. Néanmoins on la voit en tenue d’arts martiaux, avec une ceinture « décorée de rivets de cuivre à tête ronde » (2005a, p. 712), avec le bas dénudé, quand elle se pavane en femme d’afaires triomphante. Ces deux femmes guerrières, représentées sur un mode expressionniste et diabolique, relèvent pourtant de portraits à peine caricaturaux de dominatrices. Il n’est pas jusqu’à la mère qui la fantasme, tant comptent pour elle la virilité et l’autorité masculine. Ne tient-elle pas, dans son vœu le plus cher, à les restaurer : « Ce que je veux, c’est un ils qui afronte le danger, comme Sima Ku ou Han l’Oiseau. Je veux un homme véritable qui pisse debout. » (2005a, p. 699.) Chose encore plus frappante : si miséricordieuse et attendrie, elle a pourtant encouragé son ils dans son acharnement sadique sur un innocent lièvre, peut-être pour lui prescrire la catharsis contre son addiction mammaire (2005a, p. 698). La vieille Jin, qui se résout à coopérer pour faire de 333 Jintong un être d’acier, « même s’il était de la morve » (2005a, p. 706), ne parvient pas à satisfaire tout à fait une mère qui, en son temps, avait froidement abattu sa belle-doche. Wang Yinzhi, P.-D. G. usurpatrice de la Société de fabrication et de commercialisation de soutiens-gorge, renouvelle la galerie de monstres dominatrices dans le contexte de l’économie libérale des années 1990. Ayant aussi un signalement vulpin, elle exhale « une odeur de bêtes de cavernes », telle une « belette » (2005a, p. 790-791), en se parant d’un modèle de soutien-gorge de sa propre fabrication, fait de « peaux de renard » et coloré d’« un roux lamboyant » (2005a, p. 809). Ces attributs signalent plus une ruse tyrannique que du charme, puisque cette « femme de pierre » (2005a, p. 801) sévira sur deux fronts parallèles. Elle spolie son mari de tous ses droits. L’ayant épousé par subterfuge, elle l’emprisonne dans une chambre d’hôtel, en le traitant de « malade mental » et en lui faisant subir les pires tortures, jusqu’à le réduire au plus bas degré de l’avilissement, tel un agneau égorgé. Le même bourreau aichera sa prétention hégémonique sur le monde : Maintenant qu’elle est devenue une marque nationale, je veux faire qu’en trois ans la Licorne se répande partout dans le monde ; en dix ans, arriver à ce qu’elle devienne une marque internationale et exerce son hégémonie sur le monde entier. (2005a, p. 798.) Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

Dans ces conditions, les publicités imaginées par Sima Liang, à l’inauguration du magasin – « S’emparer des seins c’est s’emparer des femmes et s’emparer des femmes c’est s’emparer du monde » (2005a, p. 780) –, sonnent comme un pâle slogan de marketing, en comparaison avec les prophéties de cette manageuse enragée : La Licorne est… une inalité suprême, c’est une leur éclatante qui combine la culture matérielle et la culture spirituelle de ce xxe siècle sur le point de s’achever. Il préigure l’esprit qui animera le genre humain du xxie siècle qui s’annonce : le xxe siècle fut le siècle des guerres et des révolutions, le xxie siècle sera le siècle des seins et de l’amour. (2005a, p. 799.) Jintong, qu’elle juge bon à rien, sinon aux « viols ratés », et qu’elle traite de « punaise » et de « pou24 », est à juste titre l’antithèse irrécupérable de ce pouvoir phallique. Au grand désespoir de ces femmes remarquables, Jintong persiste dans son être proprement impuissant, comme « une merde de chien inutile, un chat crevé incapable de grimper aux arbres » (2005a, p. 715). C’est un enfant qui ne grandit pas, appréhendant sans doute une identiication littérale à ce phallus, au risque de sombrer dans l’abîme d’assujettissement. Ainsi la convoitise 334 qu’il a de Natacha, sa correspondante russe, déclenche-t-elle chez Jintong un délire lancinant, comme s’il était ensorcelé par une beauté étrange autant que possédé par son propre fantasme de possession. De fait il se fourvoie et s’abîme dès lors qu’il s’imagine en mesure de répondre au manque incarné par cette ille au charme de renarde, qui est par essence « inapprochable », c’est-à-dire insaisissable par son attrait évanescent et son ubiquité, à la manière des personnages de Pu Songling25. La moindre approche du pouvoir, en l’occurrence l’imitation éphémère de la « grandiose vie d’homme » (2005a, p. 700), sur l’exhortation de la vieille Jin au sein unique, enfonce Jintong dans la dépossession, tels « ces

24. Le roman systématise la description de ces igures féminines dominatrices et persécutrices, sans se limiter à ces trois femmes. Les chapitres 50 et 51 sont ainsi consacrés à Geng Lianlian, épouse de Han Perroquet, avec qui elle a créé le Centre Ornithologique d’Orient. Embauché comme directeur des relations publiques de cette société d’élevage de paons, Jintong sera mani- pulé et persécuté par cette femme-reptile. Jintong fera un cauchemar : elle le castre après l’avoir déplumé par la queue (Mo Yan, 2005a, Beaux seins, belles fesses (Fengrufeitun 丰乳肥臀), p. 728- 729). Elle lui lance plus tard à la igure : « “Tu n’es qu’un crétin ini… tu vaux moins qu’une puce, une puce saute à cinquante centimètres de hauteur, alors que toi, tu es tout au plus une punaise, même pas une punaise, tu ressembles plutôt à un pou qui aurais jeûné trois ans…” Les paroles plus aiguisées qu’un couteau de boucher de Geng Lianlian l’avaient lardé de blessures sanglantes. » (ibid., p. 739-740.) 25. Rainier Lanselle, 2012, « La Marque du père. Sur une notation de Pu Songling à propos de sa naissance », p. 83-112, notamment p. 102-103. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde bœufs jaunes castrés… sans sexe, sans émotions, et qui remuaient la queue lorsqu’on leur piquait la croupe » (2005a, p. 703). D’ailleurs quand il est poussé sur le devant de la scène, dans sa qualité d’expert attitré en matière de soutiens-gorge, c’est pour se faire déinitivement ruiner. À moins que la peur de la « castration » ne se transforme en perversion ou psychose, comme le laissent penser la nécrophilie de Jintong se vengeant de la chef Long suicidée, ou la cruauté qu’il inlige à un lièvre avec un sadisme inconscient, « comme un enfant qui demande de l’aide après avoir provoqué une grosse catastrophe » (2005a, p. 697). C’est en réalité un véritable antimessie que le roman met en scène. À l’instar de Reb Benye, personnage de Moïshe Kulbak, versé dans la passivité et le non-agir taoïste26, Jin Tong émane de l’archétype antiprométhéen. À l’opposé de l’héroïsme idéalisé par sa mère, qui ne jure que par les Sima, il se délecte d’une inertie rêveuse, en marge, en décalage et en retrait des événements et des agitations. L’obsession mammaire acquiert dès lors des valeurs symboliques. Elle traduit d’une certaine manière une temporalité intériorisée, contre la chronique victorieuse de l’histoire. L’addiction au sein maternel donne d’abord à lire ce désir irrépressible du retour à l’origine, par la quête d’une source vitale. La nostalgie de l’origine, renforcée par la prévalence du matriarcat, paraît régie par la pulsion de mort, qui surgit dans la scène 335 ultime, où l’on retrouve le ils allongé à côté de la tombe de sa mère27. Mais en contemplant les astres du ciel, Jintong semble aussi invoquer la igure de la Mère éternelle (無生老母), divinité de l’origine par excellence, qui donne protection à l’humanité, selon un taoïsme populaire inspirateur de ces sociétés secrètes rédemptrices28. L’attraction de l’origine s’inscrit dans une mythologie encore plus ancienne par la gémellité incestueuse : Jintong et Yunü, Garçon d’or et Fille de jade, tout en représentant selon la croyance populaire une descendance parfaite, renvoient au plus célèbre couple de frère et sœur antédiluvien, Fuxi et Nüwa, dont le corps entrelacé, dans sa nébulosité et son indiférenciation, préigure l’attirance avouée que Jintong manifeste à l’égard de sa sœur jumelle. L’obsession de la source peut induire une utopie régressive. Il s’agit en réalité d’une temporalité qualitative et intérieure, qui motive un retour non plus nostalgique mais transgressif. L’invocation de l’origine participe d’une volonté d’éloignement qui consiste à briser l’illusion d’un passé en tant qu’entité igée, et justiie la rationalité historique dans

26. Carole Ksiazenicer-Matheron, « Présentation », in Moïshe Kulbak, 1995, le Messie ils d’Ephraïm, p. 9. 27. Selon la version augmentée du roman, avec les apostilles contenant sept chapitres. Voir Mo Yan [莫言], 2004b, Fengru feitun 丰乳肥臀 (Beaux seins, belles fesses), p. 598. 28. Vincent Goossaert, David Palmer, 2012, la Question religieuse en Chine, p. 108, 113. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

son lux temporel homogène. Ce désir de la préhistoire a ainsi pour vertu de contester une autre origine, celle qui légitimerait l’historiographie marxiste, menacée selon Benjamin de transformer l’histoire tragique du prolétariat opprimé en une épopée victorieuse : une histoire qui risque de iger le passé comme un « héritage », propre à être récupéré par les vainqueurs comme objet de commémoration29. Mo Yan récuse donc la tentation apologétique par rapport au passé immédiat, pour préconiser davantage l’origine, qui se révèle en réalité comme une« remémoration », c’est-à-dire un présent permanent. L’impossible sevrage réitère donc la permanence du moment, moins pour conserver dans la mémoire les événements du passé que pour les réactualiser dans l’expérience présente. Ce « temps de l’aujourd’hui » exprime au fond une forme d’angoisse, propre à la modernité et à la situation d’une Chine prise entre la modernisation forcenée et le déni du passé historique, non plus comme la somme des événements connus dans son rapport tangentiel à l’avenir mais dans ses éléments oubliés et imprévisibles. À la manière de l’ange de Paul Klee, qui a tant fasciné Benjamin avec son regard tourné vers le passé et les ailes happées par la tempête du Progrès, Jintong, lui-même ange, comme il en est conscient (2005a, p. 113), se trouve pris entre regard rétrospectif et hantise du futur, fût-ce sous forme d’un homme à tête retournée et marchant dans le sens inverse de ce qu’il croit, en la 336 personne d’un génie qui a subjugué l’auteur dans son enfance30. La temporalité intérieure de Jintong, qui détermine ainsi son « sens » de l’histoire, explique aussi un roman familial spéciique. Bâtard né d’un pasteur suédois et d’une mère chinoise, il est plutôt doté d’un psychisme d’enfant trouvé, pour reprendre les termes de Marthe Robert, dans le sens où, au lieu de s’engager dans l’action, il préfère s’inventer un monde où se réfugier31. Point de fascination ni d’aversion vis-à-vis du pouvoir symbolique chez Mo Yan : sa « Lettre au père » diverge de la missive de Kaka dans la mesure où le conlit œdipien y cède à une afection fondée

29. Mosès Stéphane, 1992, l’Ange de l’histoire, p. 154-158. 30. Il s’agit d’un personnage décrit dans un roman fantastique chinois, « Investiture des dieux » (Fengshen yanyi). Voir Mo Yan, 2004a, Xiaoshuo de qiwei 小說的氣味 (Odeurs du ro- man), « Fukena dashu, ni hao ma 福克納大叔,你好嗎 » (« Bonjour, mon oncle Faulkner ») (Conférence prononcée à l’université Berkeley, mars 2000), p. 174. 31. Marthe Robert, 1972, Roman des origines et origines du roman, p. 74 : « Il n’y a que deux façons de faire un roman : celle du Bâtard réaliste, qui seconde le monde tout en l’attaquant de front ; et celle de l’Enfant trouvé qui, faute de connaissances et de moyens d’action, esquive le combat par la fuite ou la bouderie. » Mais l’auteur souligne par la suite la complémentarité des deux catégories, que l’on peut observer entre autres chez Kaka et Flaubert, même sous forme conlictuelle. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde sur la reconnaissance d’une autorité non pervertie32. Par conséquent, aucune propension parricide pour agir sur le monde à la place du père, mais renonciation au proit des rêveries qui le conduisent, pour ses plus hauts faits, à des combats imaginaires. Rien n’est plus illustratif de son donquichottisme que cette scène de rixe qui a lieu pendant la Révolution culturelle. Baissant le poing, qu’il avait brandi contre le persécuteur de sa mère, il se replie dans un châtiment imaginaire : il se voit métamorphosé en un chevalier invincible et redresseur de torts, mettant à genoux, avec son épée précieuse de Longquan, tous les méchants et bourreaux (2005a, p. 659-662). Cet épisode fantasmagorique, pastichant les romans de cape et d’épée, fait pendant à celui où, agressé par Wang Yinzhi, Jintong s’apprête à réagir en faisant se déiler les ilms d’arts martiaux (2005a, 805-806). La seule bataille « réelle » à laquelle Jintong se livre, c’est contre… l’exorciste. Le pugilat qui l’oppose à ce prêtre taoïste venu le délivrer des démons ne fait que conirmer la folie du possédé, à moins qu’il ne se délecte de son état d’idiotie (chi 癡), à la manière de Baoyu, adolescent excentrique du « Rêve dans le pavillon rouge », s’enivrant donc de son pouvoir narcissique et de son statut d’autodémiurge. En déinitive, Jintong persévère dans son anticharisme et dans sa désidentiication d’avec la maîtrise et la puissance. Le rêve de la mère d’avoir une descendance mâle, capable de restaurer l’autorité paternelle, 337 avorte. Le père est d’ailleurs mort dès la guerre. Si le demi-frère le rappelle, par son physique, c’est davantage par ouï-dire et par un souvenir entretenu par la « légende » que dans la réalité de ses traits (2005a, p. 832). C’est dire que le père, en tant que pouvoir symbolique, relève d’un fait de langage et d’une métaphore. Sa fonction est de rappeler ultimement à l’enfant qu’il ne lui revient pas de répondre au désir de sa mère, le « phallus » n’étant à jamais que le signiiant du manque, qu’il ne pourra jamais donner ni littéraliser. La blondeur de Jintong, marque du père qu’il porte de façon indélébile, n’est dans ces conditions rien d’autre que le rappel opportun de ce manque, qui donne naissance au sujet33. Jintong, dès lors, est né une seconde fois, non pour attester la Parousie, comme pourrait l’induire la parole de son demi-frère devenu

32. Mo Yan [莫言], 2003, « Xie gei fuqin de xin 寫給父親的信 (代序) » (« Lettre au père. Préface »), p. 1-3. On peut d’ailleurs remarquer que dans la majorité de ses récits, Mo Yan utilise invariablement l’appellation de fuqin, « père », même dans ceux écrits à la première personne, alors que le terme de niang, « maman », est fréquemment utilisé, même dans le discours indirect. 33. Selon Rainier Lanselle, qui opère une belle analyse de l’autobiographie de Pu Songling (2012, « La Marque du père. Sur une notation de Pu Songling à propos de sa naissance », p. 104). Pu Songling, 2005, Chroniques de l’étrange (Liaozhaizhi yi 聊齋誌異), « Autochronique », vol. 1, p. 30 : « À ma naissance, mon défunt père avait rêvé d’un disciple malade et décharné du Bouddha Gautama, qui entrait dans la chambre l’épaule dénudée, une hirondelle de pommade grosse comme une sapèque collée sur le sein. À son réveil, j’étais né et je portais en efet la marque de l’encre noire de ces chroniques. » Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 2 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

pasteur, « mon frère je t’attendais », mais pour entamer un monachisme qui le voit se consacrer désormais à Dieu en balayant devant l’église.

conclusion

Jintong restera un profane, dans son sens étymologique, « devant le temple » : il aura ainsi choisi un positionnement en marge de l’idéologie comme du sacré. En exprimant une vision apocalyptique et une mémoire inquiète, il déplace la question du salut pour précisément conjurer les démons de l’utopie. Le culte de la puissance et l’illusion de la maîtrise conduisent pour lui à une continuité destructrice et ténébreuse. L’enlisement dans le marécage d’un de ces fonctionnaires corrompus et l’efondrement de la pagode, à la in du roman, annoncent le naufrage déinitif d’un monde déjà en déliquescence. L’hécatombe de la jeune génération– Lu Shengli, maire de la ville de Dalan, condamnée à mort pour corruption ; Han Perroquet et sa femme Geng Lianlian, écroués pour abus de biens sociaux ; Sima Liang, homme d’afaires vicieux et en fuite après avoir poussé Sha Zaohua au suicide – se joue sur un fond urbain lugubre et cancéreux, Dalan étant rongée et minée tel un 338 « tatou qui sort d’un tas d’ordures : sous chacune de ses écailles se cache un petit parasite » (2005a, p. 812). Le salut eschatologique n’est pas à l’horizon, en dépit du Jour du jugement, bien présent dans l’homélie34. Mo Yan s’imprègne trop du Don paisible pour ne pas se convaincre de la réversibilité des valeurs et pour mettre la justice sur une balance manichéenne. Il reste à Jintong, comme seul moyen d’exorciser le fatum, la liberté de rêver, quitte à s’évader dans un utopisme cosmologique, où ciel et terre, tombe et constellation se rejoignent, et où la Mère éternelle annihilera les soufrances humaines. Mais les seins qui voltigent semblent dessiner au irmament moins un « sommet enneigé » qu’un immense point d’interrogation, dans la mesure où cette étreinte sépulcrale rend impossibles le deuil, la désertion et la in de l’histoire. Point de salut ni de destruction absolue de l’humanité, puisque demeure ce dernier Juste pour se souvenir du cataclysme. N’est-ce pas aussi ce que suggère la parabole bouddhique, citée par l’auteur dans son discours de Stockholm, et qui laisse seul en vie le maçon expulsé par tous d’un temple qui s’efondre ? En déinitive ce n’est pas tant l’innocence que le témoignage qui compte, pour empêcher les démons de l’utopie de provoquer l’anéantissement de

34. Le passage est absent de la traduction à hauteur de la page 829. Voir Mo Yan, 2004b, Fengru feitun 丰乳肥臀 (Beaux seins, belles fesses), p. 521. Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan ZhanG Yinde l’Histoire35. Jintong se fait alors conjurateur « en or », au prix d’une mélancolie ininie, le corps avancé vers le futur et la tête tournée vers le passé36.

339

35. Le roman est ainsi éloigné du pessimisme radical, voire du nihilisme. Voir par exemple Günther Anders, 2006, la Menace nucléaire. Inspiré par les catastrophes nucléaires, l’auteur parle d’une apocalypse sans royaume, contrairement au mythe chrétien qui promet l’apocalypse et le royaume, et aux grands récits des Lumières qui promettent le royaume sans l’apocalypse, p. 294. 36. La mélancolie est liée au sentiment de culpabilités, qui habite les personnages ayant survécu à tant de destructions collectives. Voir Carole Ksiazenicer-Matheron, 2006, les Temps de la in, p. 62-64.

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Index géographique (par Pékin 31, 39, 46, 75-77, 81, 145, grands ensembles conti- 152, 157, 170, 316 nentaux et par pays) Shaanxi 280 Afrique 312 Shanghai 39, 58, 59, 62, 66, 67, 73, Asie 145, 180, 269, 309, 312 75, 114, 116, 152, 328 Asie orientale 6 Shanxi 74, 80 Asie du Sud Sichuan 152 Mékong 215 Suzhou 14 Asie du Sud-Est 213 Turkestan 145 Asie orientale 21 Wuchang 157, 158 Europe 20, 73, 76, 77, 145, 164, 215, Wuhan 157, 158, 163, 166, 170 216, 221, 309 Xinye 144 Extrême-Orient 10, 21 Zhejiang 58, 119, 167 Occident 7, 12, 117, 159, 160, 164, États-Unis 223, 309 213, 215, 216, 222, 223, 226, New York 152, 310 229, 311, 332 Washington 310

Orient 311 France 271, 314, 315, 317 403 Allemagne Bretagne 20 Berlin 310, 311 Lyon 145 Australie 145 Nice 314 Belgique 159 Paris 145, 152 Birmanie 230 Saint-Nazaire 20, 309, 314-318 Cambodge 230 Grande-Bretagne 221 Ceylan 167 Angleterre 20, 315, 317 Chine Inde 213, 214 Dalan 338 Cachemire 167 Dalian 321 Jambudvipa 167 Hainan 170 Irlande 326 Hangzhou 17, 59, 62, 167 Italie 314 Hong Kong 16-20, 145, 309-312, Florence 221 315, 316 Japon 12, 15, 19, 180, 181, 182, 183, Hubei 157, 158 191, 192, 194-198, 222, 269- lac Xihu 59, 62-64 271, 276, 332 mont Ge (Geling 葛岭) 63, 64 Hiroshima 194, 195, 196 mont Wu 65 Nagasaki 190, 195, 196 Nankin 81 Mongolie 6, 145 Peiping 81 Russie 66 Siam 217, 220, 221 Chine impériale 6, 11, 14, 160, 253 Sri Lanka 230 206 av. J.-C.-225 ap. J.-C. dynastie Suède Han 7, 10, 12, 146, 165 Stockholm 338 206 av. J.-C.-9 ap. J.-C. Han occiden- Suisse 73-75, 80, 81, 157 taux 146 Fribourg 75-77 220-280 Trois Royaumes 9 Taiwan 19, 145, 147 220-589 Six Dynasties 8, 146 haïlande 213-216, 219-222, 224, 265-420 dynastie Jin 146, 335 226, 228-230 317-420 dynastie Jin de l’Est 東晉 Bangkok 213, 222, 225 143 Bangsaen 225 618-907 dynastie Tang 9, 10, 14, 15, Tibet 6, 152, 220 65, 147, 248 Turkestan Chine médiévale 13, 14, 138 Kashgar 145, 150 Xe siècle 182 Vietnam 6 907-978 Cinq Dynasties et Dix Royaumes 167 Geographical Index 947-950 Han postérieurs 46 China 960-1279 dynastie Song 46, 63, 121, Hong Kong 207, 304 146, 158, 316, 323 Longhua 86, 90, 97, 98 1023-1085 dynastie Song du Nord 404 Shanghai 85, 90, 97-99, 102 121 France 1238-1438 royaume de Sukhothay Paris 85 214 Japan 98, 102, 235-237, 241, 242 1279-1368 dynastie Yuan 249, 250, Aokigahara 241 294 Kyoto 236, 237, 240 1368-1644 dynastie Ming 15, 17, Midorogaike 240, 241 45-49, 53, 115, 143, 146, 159, Nagasaki 237 166, 249, 250 Mongolia 6 Renaissance 160, 169 Taiwan 201, 207, 304 XVIe siècle 9, 218 Taipei 208, 209 XVIIe siècle 9, 16, 63, 218 West 299, 300 XVIIIe siècle 11, 12, 48, 49, 113 1644-1911 dynastie Qing 15, 45, 46, Index historique (périodes et événements) 53, 146, 167, 250, 330 XIXe siècle 12, 13, 31, 45, 48, 111, Chine ancienne 18, 68, 146, 160 114, 123, 166, 181, 217, 219- Ve siècle-221 av. J.-C. Royaumes 221, 227, 332 combattants 146 XXe siècle 16, 18, 19, 163, 196, 258, 689-278 av. J.-C. Chu 158, 159 259, 269, 280, 315, 332, 334 IVe-IIIe siècle av. J.-C. 158 1911 Révolution chinoise 330 IIIe siècle av. J. C. 65, 112 1911-1945 République de Chine INDEX

18, 67, 109, 110, 111, 114, 121 1927 Shanghai massacre 94 1919 mouvement du 4 Mai 17, 31, 1937-1945 Second Sino-Japanese 33, 40, 45, 46, 114 War 85 1937-1945 guerre sino-japonaise 18, 1939-1941 Second World War 236 73, 81 1941 Pearl Harbor 98 1939-1945 Seconde Guerre mon- diale 20, 316 Index des notions 1945-1947 après-guerre 16, 19, 192 acceptation 275, 277 1946-1949 guerre civile 81, 329, 331 acculturation 192 1949- République populaire de acteur 46, 179, 193, 216, 264, 281, Chine 123, 327, 328 287, 331 1947-1991 guerre froide 17 action 1949-1976 années Mao 18, 20, 164, mauvaise 214, 224 329 administration céleste 160 1957 campagne des Cents Fleurs allégorie 322, 327 164 allusion 18, 19, 31, 36, 76, 81, 321,

1958-1960 Grand Bond en avant 327 405 329 alphabet khmer 220 1958-1961 Grande Famine 329 amant 9, 16, 65, 228, 249, 272, 285 1966-1976 Révolution culturelle 30, âme 13, 37, 42, 57, 59, 62, 63, 65-69, 145, 163, 283, 315, 329, 331, 110, 120, 125, 134, 163, 191, 337 215, 216, 223, 224, 228, 247- 1979 guerre sino-vietnamienne 322 251, 253, 254, 256-259, 264, XXIe siècle 19, 143, 157, 158, 215, 265, 286, 292, 314-317 258, 261, 266, 334 âme en peine 325 2013- époque du Rêve chinois 21 coupable (guifan 鬼犯) 11 damnée 315 Chronological Index défunte (youhun 游魂) 314-317 220-589 Six Dynasties 8 des morts 8, 215 1603-1868 Edo period 233, 236 en peine (yuanhun 冤魂) 7, 9, 14, 1868-1912 Meiji period 235, 241 59 1911-1949 Republican period 85, errante 41, 146, 215, 313 86, 92, 94, 101 et corps 8 1911 Xinhai Revolution 97 humaine 37 1912- 1926 Taishō period 235 hun 魂 7 1925-1927 Great Revolution 93, 94, po 魄 7, 66 96, 99, 100 solitaire (guhun 孤魂) 7 victime d’injustice 11 321, 322, 332, 334 amour 15, 16, 18, 64, 65, 68, 79, serpent 50, 194, 196, 254, 262, 115-117, 128, 146, 218, 220, 272, 331 223-225, 228, 229, 248, 249, sphinx 122, 135 257-260, 273, 315, 334 tigre 51 histoire 16, 19, 218, 227 anomalie 289 ancêtre 51, 110, 217, 286, 287, 321 anthologie 15, 21, 68 culte 110 anthropocentrisme individua- anecdote 39, 112, 215 liste (gerenzhuyi de renjian ange 122, 131, 135, 336, 122 benweizhuyi 个人主义的人间 angoisse 20, 31, 41, 57, 76, 77, 114, 本位主义) 30 225, 265, 266, 324, 336 anthropologie 35, 275 animal 8, 18, 20, 62, 125, 126, 144, anti-héros 280 146, 148, 180, 186, 270, 314, antimessianisme 324 315 antimessie 21, 332, 335 bœuf 331 apocalypse 323, 324, 328, 339 cerf blanc 282 apparence 38, 143, 180, 184, 185, chenille 16 191, 192, 193, 277 cheval 112, 122, 133-136, 138, apparition 5, 6, 10, 12, 13, 38, 42, 139, 159, 284 62, 65, 68, 74, 77, 78, 82, 116, 406 chien 112, 120-122, 131, 133-139, 120, 121, 127, 130, 131, 143, 144, 159, 177, 179, 186, 188, 160, 217, 221, 247-250, 252, 192, 194, 254, 325, 334 254, 265, 283-286 cochon 216 fantomatique 13, 19, 74, 80, 250, corbeau 177, 179, 183, 187, 192, 252 197 spectrale 13 dragon 52, 54, 69, 283 arbre mort 168 fourmi 186, 187 arhat 157, 158, 166, 167, 169 hirondelle 337 art chinois 159, 163 insecte 286 art comptemporain lièvre 116, 333, 335 chinois 158 lion 122, 135, 167, 186 Art Déco 128 loup 216, 218 art funéraire 165 oiseau 116, 167, 180, 187, 191, art graphique 18, 152 197 artiste papillon 187 chinois 158 phénix 257 artiste chinois 18 poisson 187 art japonais 183 rat 52 art pictural 134, 135 renard 14, 51, 60, 254, 255, 325, art sacré 145 333 ascèse 167, 168 renarde 14, 51, 62, 67, 125, 311, assassin 19, 248, 249, 287 INDEX

assassiné 177, 179, 181, 182, 229, caricaturiste 109 248 castration 335 asūra 219 catholicisme 12 athée 73 catholique 12 au-delà 37, 50, 74, 79, 110, 114, 184, censure 16 188, 216, 220, 226, 275, 276, cercueil 125, 138, 196, 217 283, 329 champ littéraire 269 mariage 144 chanson populaire 15 médiateur 20 christianisme 12, 31, 60, 110, 328, auteur 332 chinois 6 chuanqi 39 coréen 6 chuanyue 穿越 (voyage dans le japonais 6 temps, traversée) 247, 259, 264, autobiographie 59, 337 265 autoportrait 48, 49 Ciel 253, 325 autorité 146, 324, 327, 337 cinéaste thaï 19

masculine 333 cinéma 18, 19, 177, 180-182, 184, 407 avant-garde 177, 182 187, 197, 216, 221, 226, 227, bagua 八卦 161 309 beauté 63, 127, 138, 148, 159, 164, ilm 18, 19 166, 196, 254, 261, 263, 285, mini-ilm 19 334 video 19 beauté naturelle 116 cinéma cantonais bouddha 131, 138 moderne 16 bouddhisme 7, 11, 12, 18, 19, 75, cinéma chinois 16 109, 110, 115, 124, 129, 130, cinéma d’horreur 182 131, 151, 158, 166, 167, 169, cinéma hongkongais 312 180, 213, 215, 217, 224, 230, cinéma japonais 18, 182 253, 313, 314, 328, 338 citation 53, 187, 271 bougie 110, 117, 130 civilisation 34, 35, 66, 157, 196, 332 cadavre 61, 120, 134, 194, 220, 251, civilisation chinoise 157 252, 258, 285, 291 clairvoyance 13 calendrier grégorien 330 clandestin chinois 20 calligraphie 47, 143, 145, 157, 187, clown 16 197 collage 163, 164 capitalisme 331 collectivisme 329 caricature 8, 9, 109, 114, 134 comédien 16 communication 185 sein 159, 327, 332, 334, 338 communion d’esprit (shenhui 神會) soufant 11 121 squelette 51 communisme 163, 192, 327, 329 yeux 37, 52, 60, 63, 65, 79, 112, communiste 21, 81, 329 113, 120, 124, 125, 128, 129, compassion 14, 127 133, 135-138, 143, 144, 159, concubine impériale 19 169, 193, 250, 252, 256, 264, confucéen chinois 12 273, 284 confucianisme 32, 48, 110, 328, 332 corps soufrant 263 confucianisme athée 12 corps utopique 263, 264, 266 conte 14, 39, 180, 113, 116, 118, couleur 251, 254, 261, 262 125, 129, 180, 179, 181, 186, création graphique 147 188, 271, 274, 220, 315, 316, création littéraire 247, 266 118 création numérique 266 conte traditionnel 18 créature 41, 42, 65, 146, 177, 181, copiste 54 196, 253 copiste (wenchaogong 文钞公) 53 crédulité 290 corps (shenti) 12, 13, 42, 43, 45, 57, croyance 12, 33, 35, 42, 45, 81, 109, 59, 60, 62, 63, 65-69, 74, 77, 82, 110, 116-118, 124, 129, 160, 120, 124, 130, 137, 159, 179, 166, 169, 180-182, 213-216, 408 183, 195, 196, 216, 217, 220, 218-220, 224, 226, 230, 251, 224, 247, 248, 250-254, 256, 265, 291, 294, 335 258, 259, 263-265, 270, 273, croyant 73 284, 286, 315, 325, 327, 328, culture 331, 335, 339 matérielle 334 bouche 137 culture chinoise 73, 289, 309, 311, bras 47, 124, 137, 183, 217, 228, 312, 313, 316 256, 333 culture japonaise 8 cheveu 63, 64, 77, 115, 117, 124, culture populaire 19, 226, 248 181, 182, 183, 190, 251, 254, culture spirituelle 334 256 culture thaïe 214 cheveux 126, 130, 137 dadaïsme 163, 183, 184 cou 137, 194 danse 177, 309 crâne 77, 168, 196, 256 Dao 161 dent 137 darwinisme social 332 doigt 126, 159, 167, 273 datura (mantuoluo 曼陀羅) 261 jambe 137, 256, 285 défunt 6, 7, 9-14, 20, 33, 35, 36, 51, main 111, 124, 137, 138, 159, 169, 59, 74, 82, 110, 125, 215-217, 196, 255, 257, 283, 327 248, 253, 258, 263, 317, 327, nez 126 337 œil 137 animé 7 INDEX

captif 7 messianique 332 dangereux 11 divination 110 et vivant 17 divinisation 11 démocratie 31, 257 divinité 9, 12, 13, 121, 129, 169, démon 6, 10, 11, 29-42, 45-48, 50- 214, 217 52, 60, 110, 121, 125, 159, 160, locale 110 169, 177, 180, 184, 185, 190, douleur 20, 230, 252, 256, 324 213, 214, 248, 249, 254-258, dukka (soufrance) 230 265, 269, 293, 315, 324, 328, dystopie 327, 328 331, 337, 338 ébauche 164 de la misère (qionggui 窮鬼) 9 économie 327, 333 de la nature (mei 魅) 7, 8 écriture 309-311, 315, 316, 318 de la nature (wangliang 魍魎) 7 église 338 preta 7, 11, 14 émissaire 257 démon céleste 128 empereur 63, 65, 67, 248, 250 démonisme 127, 128 encens 110, 117, 125, 130, 137, 138

démon maléique 115 encre 109, 113, 136, 161, 163, 164, 409 démonologie 35, 36, 40, 53, 115, 166, 337 158, 169, 321 encre sur papier 119, 155 démonologie chinoise 21 enfant 12, 13 déplacement 310 enfer 8, 9, 11, 114, 124, 125, 137, dépression (kumen) 47, 57, 60, 69 147, 167, 184, 193, 219, 251, description 37, 38, 51, 223, 261, 255-258, 261, 262, 266, 325 281, 312 administration 7, 11 dessinateur 18, 48, 114 bureaucratique 11 destin 33, 43, 60, 168, 197, 281, 284, diyu 地獄 (geôles souterraines) 7 285, 323, 325, 331 émissaire 12, 14 deuil 18, 228, 270, 275, 277, 326, police 11 338 sbire 11 De 德 161 enfer chinois diégèse 179, 187, 197 guide 11 dieu 12, 110, 159, 160, 180, 188, épidémie 282 189, 192, 194, 248, 269 érotisme 324 dieux 258 errance 20, 62, 313, 318 disciple 166, 167, 168 errance hésitante (panghuang 彷徨) discours 60 maoïste 332 espace fantasmagorique 265 esprit 10, 12, 13, 15, 18, 20, 21, 32, fantôme 6-21, 29, 30-43, 45, 47, 50- 40, 46, 58-62, 70, 117, 143, 62, 65, 66-70, 78, 82, 109-139, 144, 157, 159, 160, 179, 180- 143-148, 153, 157, 160, 169, 184, 187, 188, 192, 197, 198, 177, 179-197, 213-230, 248- 215, 216, 221, 248, 253, 270, 265, 269, 270, 275-277, 283- 283, 289, 292, 294, 309, 315- 285, 289-294 317, 326, 331 afamé 11 hun 69 cybernétique 269 malfaisant 52 des objets 13 esprit (guishen 鬼神) 10 femme 5, 16, 18, 81, 82 esprit (shen 神) 121 ilm 16 essence (jing 精) 8 histoire 8, 10, 14, 15, 16, 18, 113, estampe 145 39, 50, 113, 119, 125, 129, 135, esthétique 9, 15, 17, 20, 34, 37, 109, 136, 143, 145, 146, 180, 213, 120, 123, 127, 128, 169, 187, 226-230, 288 227, 260, 288 histoire chinoise 9 état d’âme 30, 51, 119 malveillant 37, 136 éternité 127, 193, 224 récit 120 étrangeté (qiguai 奇怪) 58, 60-65, rieur 125, 136, 138 69, 121, 160, 182, 194, 265, sans forme 112 410 269, 274 violent (ligui 厲鬼) 7 être fantastique (yaoguai 妖怪) 8, fascination 17, 29, 40, 50, 116, 128, 18, 20 131, 288, 336 exorcisme 290, 327 féminisme 270, 271, 277 graphique (guihuafu 鬼画符) 47 femme 15, 20, 21, 59, 62, 67, 76, exorciste 14, 32, 52, 286, 290, 292, 115, 127, 129, 214, 220, 254, 293, 326, 337 269-271, 276, 277, 283, 284, exotisme 143 285, 293, 322-324, 327, 332- extradiégétique 183 334 extraordinaire 14, 146, 248, 270, femme-fantôme 9, 14, 18 274, 276, 280, 315 femme-renarde 146 fantasmagorie 15, 248, 255, 258, feuilleton 222 260, 265, 324 igure (xiang 象) 158, 161, 162, 164, fantasme 9, 321, 332, 333, 334 166 fantastique 8, 16, 20, 57, 58, 60-62, ilm 70, 115, 163, 179, 180, 182, d’arts martiaux 337 183, 196, 197, 221, 222, 225, folie 13, 43, 44, 116, 118, 157, 196, 248, 251, 255, 264-266, 275, 324, 325, 337 282, 287, 290, 291, 324, 336 folie collective 331 fantastique du quotidien (nichijō no folklore 273, 324 gensō) 269, 270, 272, 275 forme (xing 形) 58, 69, 82, 112, 121- INDEX

123, 125, 135, 148, 159, 168, hindouisme 213 169, 183, 184, 188, 191, 196, histoire 39, 45, 59, 64, 69, 120, 135, 219, 248, 249, 261, 272, 282, 159, 160, 166, 198, 219, 220, 285 227, 228, 247-249, 264, 282, fundoshi 183 283, 290, 315-317, 321, 323, funérailles 33, 34, 36, 38 324, 327-330, 335, 336, 338 gaufrage 145 chinoise 21 génie 213-221 cyclique 40 genre humain 186, 273, 334 histoire chinoise 5 géographie 146 histoire cyclique 50 grand-mère 124, 137 historiographie 330, 336 graveur 18, 146 homélie 338 gravure 151 homme 6, 10, 39, 40, 43, 46-48, 113, gravure sur bois 141, 143, 147, 148, 117, 126, 131, 133, 135, 138, 151 159, 160, 182, 185, 188, 189, guerre 119, 122, 127, 180, 182, 192, 192, 196, 213, 215-217, 219,

196, 197, 214, 220, 227, 254, 224, 248, 249, 264, 280, 283, 411 256, 315, 316, 324, 326, 328, 285, 292, 293, 315, 316, 322 329, 334, 337 hors-la-loi 331 gui 鬼 6-12, 15, 29, 32, 35, 40, 42, huile 138, 155 47, 52, 60, 61, 62, 66, 68, 69, iconographie 114, 147, 180, 181 114, 125, 157, 158, 160, 253 idiotie 337 afamé 7 illusion 46, 60, 143, 165, 255, 260- peinture 14 262, 265, 275, 291, 310, 328, revenus†de la vie 7 335, 338 guide de voyage 19 image 14, 18, 19, 67, 125, 130, 131, guiyaren 鬼壓人 124 144, 146-148, 150-152, 159, guohua 國畫 123 163, 164, 169, 183, 191, 194, hantise 16, 17, 19, 42, 336 196, 261, 262, 270, 273, 323 harmonie 127, 257, 327 image lacérée 164 hasard 113, 136, 138, 161, 221, 228, imaginaire littéraire 60, 65, 257 229, 293, 311 imagination 15, 33, 57, 69, 70, 112, hérédité 41, 43 119, 122, 124, 125, 131-136, héroïsme 335 157, 165, 216, 225, 226 héros 17, 60, 81, 120, 159, 214, 218, immortalité 64, 66, 67 220, 283, 329, 331 immortel 40, 65, 144, 292 hétérotopie 264 impérialisme japonais 114 impermanence 217 vietnamien 8 inachevé (guliao) 164, 166 légende 33, 129, 146, 158, 160, 180, incantation 32, 33, 47, 53 214, 273 incarnation 9, 11, 65, 77, 190, 280, urbaine contemporaine 19 282 légende bouddhique 129, 322 incroyance 12 lettré (ru 儒) 9, 10, 12, 13, 17, 46, inidélité 214 49, 64, 73, 109, 114, 119, 121, insoumission 283 144, 146, 159, 317, 328 intellectuel 17, 19, 31, 32, 73, 131, lettré chinois 9, 10 170, 316, 332 lieu hanté 19 intelligentsia 31, 48 lithographie 109, 148 Internet 247, 259 littéralité 322 intuitionnisme 32, 40 littérature 309 invisible 135, 164, 165, 183, 197, chinoise 9, 17, 19, 20, 57, 58, 60, 248, 263 67, 75, 115, 160, 247, 281, 282, invocation 50, 53, 335 289, 294, 316 irréel 313 comparée 309 islam 110, 328 de fantôme 30 jésuite 68 de femmes 20, 269, 270 jeu 215 d’esprit 30 412 jeu de société/stratégie 161 de l’humain (ren de wenxue 人的 jingpai 127 文學) 17, 30, 35, 111 jugement 257 du 4 Mai voir Nouvelle Littérature justice chinoise autre monde 326, 338 ictive 318 justice sociale 330, 332 hongkongaise 312 kabuki 180, 189, 191, 193 occidentale 17 kamma 218 orale 227 kappa 河童 34 policière 19 karma 219, 224 populaire 58, 146 langue profane 7, 11 anglais 48, 136, 312 proto-tantrique 169 chinois 6, 8, 21, 41, 57, 68, 69, 75, religieuse 4 76, 78, 136, 157, 249, 251, 258, science-iction 19, 221, 259 282, 285, 288, 291, 314, 315, siamoise 215, 217, 218 318 livre coréen 8, 21 sur les démons (yaoguai 妖怪) 40 japonais 8, 21, 57, 110, 114, 177 sur les esprits (guishen 鬼神) 40 siamois 214, 220-222, 229 sur les immortels (shenxian 神仙) thaï 21, 220, 230 40 tibétain 220 livre des comptes 47 INDEX

loup blanc 282 332, 337 Lumières (philosophie) 29, 33, 46, métissage 122 48, 58, 339 mimesis 121 luohan 羅漢 166 ministre 248 magie 76, 144, 160, 162, 282 mirabilia 115 magie noire 218, 220 mixin 迷信 110 maison des esprits 213, 224 mode 309 Mal 68, 125 modernité 18, 46, 69, 70, 129, 198, maladie 12, 13, 57, 59, 60, 74, 78, 248, 270, 336 117, 144, 216, 230, 293, 333, mœurs féodales 29 337 moine 34, 49, 50, 115, 117, 167, maladie romantique 57 188, 217, 223, 228 malemort 14, 58, 115 bouddhiste 111, 222, 223 malveillance 124, 127 momie 216 manhua 漫畫 109, 111, 114, 115 monastère 217 maquillage (yirong 易容) 264 chinois 166

Mara (démon céleste) 127, 128 monde chétien 339 413 marketing 334 monde chinois 21 marxisme 48, 332 monde des morts 5, 13, 61, 269 masque (mianju 面具) 181-183, monde des vivants 6, 7, 65, 74, 79, 188-192, 194, 197, 264 143, 189, 223 médium 13, 37, 151, 215 monde parallèle 265 mémoire 19, 20, 116, 125, 135, 139, monnaie d’ofrande 110 190, 195, 197, 253, 336, 338 monstre 30, 52, 189, 190, 192, 248, visuelle 162 323, 333 mère 59, 62, 124, 136, 137, 144, 168, mort 8, 9, 11, 13, 14, 16, 18, 19, 35, 216, 219, 220, 272, 273, 294, 36, 39, 41, 44, 53, 59, 62, 65, 323, 325, 330, 333, 335-337 68, 69, 74, 75, 77-82, 113, 115, merveilleux 146, 270, 275, 288, 289, 118, 125, 131, 138, 144, 179- 294 181, 183-185, 188, 189, 191, messianisme 21, 323, 324, 327, 328, 193-197, 214, 215, 217, 219, 332 223, 225, 227-230, 250-252, métamorphose 41, 66, 183, 186, 256, 257, 261, 274-277, 284, 194, 272 290, 316, 317, 325, 326, 331, métaphore 9, 17, 18, 29-31, 33, 40- 335, 337, 338 42, 44, 47, 48, 50, 51, 53, 57, mal-mort 160 58, 60, 61, 114, 128, 179, 187, non naturelle 110 194-197, 273-275, 281, 323, ranimé 14 retour à la terre 6, 7 lute 14 mort-vivant (jiangshi 僵尸) 35, 41, hanté 18 44, 45, 52, 58, 60, 70, 74, 254 lampe 14, 285 musique 177 lampe à huile 138 musique thaï 224 lampe-tempête 317 mutant 179, 180, 191 pierre à encre 14 mythe 33, 160, 183, 275, 280 objet/homme 14 mythologie 335 objet/spectre 14 nâga 215 obsession 18, 29, 40, 215, 230, 322, nation 123, 323, 329, 332 335 nationalisme 21, 110, 323, 332 occultisme 221 naturalisme 20 ofrande 9, 130, 213, 215, 216, 220 sud-américain 20 opéra 62, 227 nature 8 ossement 118, 250, 286, 287 arbre 37, 61, 63, 118, 168, 180, papier xuan 141, 143, 153 213, 219, 261, 334 paradis 6, 217, 220, 327, 328, 329 bambou 120 paradoxe 143 bananier 213, 214, 219 parenté 34, 42, 50, 51, 167 feuille 16, 63, 80, 251, 256, 261 pathologie 13 leur 180 péché 220 414 herbe 168 peintre 18, 109, 112-114, 120, 121, pierre 213 131, 133-135, 138, 139, 145, rivière 213, 216 146, 161, 163, 164, 183 nature urbaine 163, 164 chinois 125, 138 New Age 235 peinture 14, 21, 109, 112, 113, 119- New Historicism 323 125, 130-137, 152, 157, 162, Nirvana 166 163, 165, 177, 225 nō 182 rouleau 14 non-catholique 73 peinture à l’huile 152, 288 non-violence 129 pensée chinoise 8, 46 Nouvelle Culture 58 pensée sauvage 17, 33 Nouvelle Littérature chinoise (xin père 36, 78, 118, 179, 185, 194, 249, wenxue 新文学) 29, 30, 34, 46, 254, 273, 284, 287, 334, 336, 49, 57, 58, 60, 67, 69, 315 337 numérique 247, 248, 251, 255, 258, peur (wei 畏) 6, 20, 81, 180, 188- 261, 262, 265 190, 192, 216, 223-227, 229, nursery rhymes 15 277, 284, 291, 335 objet 14, 33, 37, 40, 125, 150, 151, phallus 324, 334, 337 181, 183, 188, 190, 194, 312 phénomène 10, 37, 122, 144, 269, balai 14 284, 287-290, 293-295 éventail 168 étrange 10, 288 INDEX

fantastique 289, 294, 295 profane 338 surnaturel 288 progrès 323, 327, 329, 332, 336 philosophie 9, 167, 229, 318 prophétie 13, 334 occidentale 48 prophylaxie 160, 169 photographie 134, 309 prose Ming (xiaopinwen) 53 poème 13-16, 49, 50, 65, 68, 76, 79, prose Qing 37 81, 129, 130, 163, 217, 249, psychanalyse 48, 58, 116 310-314, 318 psychologie 63, 162, 265, 289 chinois 62 psychologie sociale 45 ci 16 punition 215, 216, 224 femme 15, 16 punition divine 60 rêve 15 purgatoire 11 revenant 15, 16 chinois 7 spectre 16 diyu 地獄 (geôles souterraines) 11 poésie 49, 58, 109, 127, 158, 309, quwei 趣味 17, 34-40, 50 312, 314, 318 rationalisme 131

des Qing 15 rationalité 10, 143, 161, 335 415 polysémie 6, 61 réalisateur de cinéma 114 portrait 48, 49, 164 réalisme 18, 20, 48, 49, 61, 64, 109, positivisme 32, 48 111-113, 116, 120, 123, 129, possédé 48, 62, 64, 161, 182, 283, 180, 182, 192, 270-272, 279, 334, 337 280, 282, 287-290, 295, 329, possession 16, 17, 45, 53, 58, 61, 62, 331, 336 69, 181, 215, 286, 292, 293, 334 académique 123 spectrale 16 magique 270, 288, 289 pouvoir 185, 251 rébellion 283 surnaturel 166-168 récit 13, 14, 17, 19, 20, 35, 39, 58, démoniaque 21 60, 62, 64-69, 74, 75, 125, 138, symbolique 324, 336, 337 143, 144, 146, 147, 180, 251, pratiquant 41, 328 258, 265, 270, 271, 275, 276, pratique rituelle 33 277, 289, 293, 294, 315, 321, prédestination 53 330, 337, 339 présage 12, 20, 216 de démon (shenmo 神魔) 265 preta 219 de dieu 265 prêtre 12 de momies (jiangshi 僵屍) 265 prêtre taoïste 317 de traversée 265 prodige (wu 物) 8, 10, 17 fantastique (mohuan 魔幻) 60, 265, 321 rituel 169, 189, 273, 325, 326 mythologique 146 funéraire 110 spectral 12 roman 21, 41, 58-60, 62, 67-69, 75, réel 68, 115, 119, 120, 123, 131, 110, 161, 181, 183, 186, 189, 133-136, 145, 159, 216, 222, 221, 247, 248, 250-262, 264, 228, 255, 261, 263, 265, 273, 269, 271, 273, 276, 279, 280, 275, 280, 290, 313, 317 282, 287, 288, 290, 294, 295, urbain 164 309, 315, 318, 323, 324, 328, réformiste 332 329, 330, 332, 334-336, 338, réincarnation 11, 17, 19, 45, 46, 114, 339 125, 219, 225, 247, 248, 250, à énigme 260 252, 253, 257-259, 285 chinois 9 religieu 73 de cape et d’épée 147, 337 religion 29, 110, 115 épistolaire 58, 59 religion chrétienne 31 fantastique 115, 116 renaissance 7, 41, 168, 219 fantastique chinois 336 républicain 332 familial 330, 336 résilience 275, 277 policier 259, 260 ressemblance 43, 48, 62, 64, 112, ruine 119, 196, 325 133, 134 sacriice 218 416 ressemblance formelle (xingsi 形似) sanskrit 166-168, 220 120, 121, 123, 133, 134 sanwen 43, 47, 49, 53 ressentiment 118, 317 satire 113 retour 19, 33, 40, 41, 45, 50, 52, 68, savoir 42, 230, 291 73-78, 81, 110, 180, 188, 221, seigneur de la guerre 31, 45, 114 251, 265, 272, 319, 331, 335 sépulture 14, 34, 327 rêve 13, 18, 20, 51, 62, 74-76, 79, 82, sérigraphie 141, 145 117, 122, 182, 187, 195, 250, shen 神 317 263, 273, 283, 284, 286, 290, shintō 12, 188 315, 329, 332, 337 shite 182 revenant 6-9, 11, 13-19, 41-45, 47, slogan 150, 331 49, 51, 52, 53, 60-69, 74, 115, socialisme 287, 327, 328, 329, 332 125, 130, 143, 182, 213, 221, société chinoise moderne 45 223, 225, 227-229, 269, 270, société japonaise 19, 115 286, 287, 293 société secrète 327, 328, 335 rêveur 13, 15 société thaïlandaise 19 révolution 334 solitude (gudu 孤獨) 60, 117, 178, revue érotique 164 192, 193, 197, 275, 277, 323 revue féminine 164 sorcier 33, 47, 219 rite 12, 275, 327 soumission 331 taoïste 32 spectre 13, 18, 60, 115, 120, 135, INDEX

196, 213, 214, 225, 332 torture 214 spiritisme 129 tradition chinoise 81, 130, 147, 259, suicide 64, 335 260, 288 superstition 29, 35, 44, 45, 50, 110, traduction 40, 42, 44, 73, 109, 144, 111, 116, 118, 129-131, 214, 145, 163, 218, 220, 271, 276, 291, 315 285, 292, 313, 338 surnaturel 10, 13-15, 18, 58, 62, 65, visuelle 147 66, 74, 82, 109, 114, 116, 130, adaptation 220 158, 180, 182, 223, 271, 273 transe 215 surréalisme 179-184, 194 transition 11 sūtra 11, 117, 169 trauma 180, 192, 195, 197 svastika 143, 152 trépas 11, 13, 283 symbole 57, 125, 262, 283, 285, 312, universitaire 6 316, 323, 326 utopie 21, 263, 264, 323, 324, 332, symbolisme 128, 326 335, 338 système éducatif 29 vengeance 182, 223-229, 247, 249,

système politique 29 251, 252, 258, 264, 286 417 tablette funéraire 117 version 220 talisman 160, 169, 220 française 280, 285, 291 taoïsme 11, 13, 65-68, 166, 325, manuscrite 145 328, 335, 337 Vetala 220, 221 taoïste 64, 169 vie spirituelle 110 tatouage 220 viol 334 temple 64, 111, 124, 129, 137, 166, vision 18, 115, 125, 143, 262, 325 223, 286, 287, 338 apocalyptique 328, 338 tendance artistique 147 du monde 274 terreur 16, 35, 45, 53, 120, 159, 194, visualisation 13 221, 223, 226, 262, 282, 290, vivant 6-14, 29, 31, 34, 39, 41, 42, 327, 331 44, 51, 52, 62, 65, 70, 74, 81, 82, théâtre 16, 40, 177, 180, 182, 227, 160, 166, 179, 182, 184, 190, 248, 249, 250, 279, 294 191, 214-216, 219, 220, 226, chanté 115 228-251, 254, 256, 262, 269, chinois 16, 19 286, 287, 292, 317 théologie 12, 329 protection 11 tombe 16, 41, 62-64, 79, 81, 117, voix 12, 53, 54, 58, 59, 61, 69, 144, 224, 265, 283, 322, 335, 338 157, 167, 251, 254, 263, 265, topos 65 272, 284, 286, 292, 331 voyage 309, 310, 313, 314, 318 critic 299 voyance 13 dead 205-210, 239, 240, 303, 306 wei 6, 294 death 201, 202, 207, 208, 210 xiaopinwen 小品文 39, 49, 53 demon 299, 300 xylographie 115, 145, 146 demon-man 299 yaksa/yasha 115, 116, 322, 323 device 235 yang 65, 66, 67, 69, 148, 250 disillusionment 86, 89, 95-97, 100, yangsheng 養生 nourrir la vie 165 102, 103 Yijing 161 divinity 202 yin 9, 65-67, 69, 148 dream 205 yongwu yongwu 詠物泳物 312 enigma 299 zawen 杂文 48, 49, 52 entity 202 zhiguai 39, 115, 129 evil power 100 zombie 216 fantastic literature 299, 304 zongjiao 宗教 110 fantastic world 299 ilm 83, 86, 87, 98, 99, 100 Notions Index ghost 8, 9, 10, 85-98, 100-112, 201- allegory 304 210, 233-243, 299, 303 angel 299, 302 ghost literature 8 anti-love 100 gothic atmosphere 305 418 anti-revolutionary literature 100, guidaqiang 鬼打牆 95 101 gui 鬼 202 architecture 206, 207, 209 hard ilm (yingpian 硬片) 99 artistic representation 304 haunt 210 art space 209 haunted house 236 atomic bombing 237 haunted site 233, 235-237, 242, 243 avant-garde Chinese writer 299 haunted space 239 boundary 238 haunting 19 Buddhism 7, 129 ideology 99, 100 butterly 299, 300, 301, 303, 306 illusion 86, 88, 101-103 butterly-spirit 299, 303, 304 installation 201, 205, 206, 208-210 capitalism 210 Internet 207, 208 cemeterie 236 irrational 304 charity hospital 241 legend 236, 238, 241 Chinese folk culture 95 literature 93, 94, 99-102 Chinese ghosts 6 love 85-89, 92-94, 96, 99-102 Chinese ghost story 92 love letter 94 Chinese literature 99, 304 medium 164 Chinese religion 112 memory 201-210, 236 cinema 201-210 monster 299 communism 102 movie theater 204-206, 208-210 communist 94 narrative tradition 87, 101 INDEX

nature 301 Index des œuvres citées neo-Romantic 86, 101 Abandons 溺レる 271 Nintendo video 242 A Beautiful Corpse Comes to Life 341 novel 299, 303 Acacia 329 painting 233 Adieux au Printemps (Yangchun bie popular religion 238 陽春別) 66 realism 304, 306 Amusements de fantômes 114 reality 299, 300, 303-306 Ange de l’histoire 336 rendaqiang 人打牆 95 Annulaire 271 revolution 93, 96, 98-102 Armée solitaire (Gujun 孤軍) 66 revolutionary literature 99, 101 Art et anarchie 162 ruin 234, 237, 239, 243 Art et la Vie (艺术与生活) 54 scenario 85, 90 Aubergines 310 scholar 299, 300, 304, 306 Au bord de l’eau 395 shen 神 202 Autobiographie 118 sot ilm (ruanpian 軟片) 99 Bailuyuan (Au pays du Cerf blanc) soul 202 20, 279, 280, 283-288, 290-294 419 space 210, 238, 240 Bailuyuan pinglunji 《白鹿原》評 spirit 202, 203, 233, 235-237, 240- 論集 (Recueil de critiques sur 242, 299 Bailuyuan) 279 spirit spot (shinrei spotto 心霊 スポ Bainiangudu 百年孤獨 (Cent Ans ット) 233 de solitude) 295 stereotype 85 Baopuzi neipian jiaoshi 抱樸子內篇 strange storie (kaidan 怪談) 233 校釋 (Le Maître qui embrasse Taiwanese culture 210 la simplicité, chapitres inté- traditional Chinese culture 91 rieurs, collationnés et traduits traditional chinese iction 9 en langue moderne) 342 traditional ghost story 91, 92 Beaux seins, belles fesses 21 traditional narrative 85 Beishi 北史 (Histoire des Dynasties underground passage 209 du Nord) 343 video 208-210, 233, 237, 239, 242, Biographie de Zhang Heng 133 243 Bodong 波动 (Changements) 76 weiqi 300, 301, 303, 305, 306 Boshi jian gui 博士見鬼 (Le profes- Western gothic iction 86 seur voit un fantôme) 116 zhiguai (志怪) 86, 87, 90, 101 Brebis égarée (Miyang 迷羊) 62 zhiguai narrative 92 Brocante (Nakano 古道具中野商 店) 271 Canghuang 仓慌 (Panique) 127 Cao Phraya Phraklang Hon- Chao 抄) 54 Phraya Phra Khlang (Hon) Corps utopique 263, 264 เจ้าพระยาพระคลังหน (le Poème Courges et haricots (瓜豆集) 54 de la tiare ornée de diamants) Creating a World of Compassion. Im- 220 perishable Afection Cavalerie rouge 329 he Art of Feng Zikai 349 Cent ans de solitude 288 Cri d’appel (呐喊) 43 Cette lumière qui vient de la mer 光 Cristallisation secrète 271 って見えるもの、あれは Croissance des démons (鬼的生长) 271 36, 38, 52 Chang’an dao shang de qilü meiren Cure 269 長安道上的騎驢美人 (la Dame Geng, la vengeresse (庚娘) Belle à dos d’âne dans l’avenue 322 de Chang’an) 322 Dans la barque de Dieu (Kamisama Changsheng dian 長生殿 (le Palais no bōto) 271 de la longévité) 250 Daozang 道藏 (Le Canon taoïste) Charisma 269 350 Chien andalou 187 Decameron 221 Chien gratte le tapis (狗抓地毯) 33 De la lecture porte close 闭户读书 Chien jaune 143 论 52 420 China Art in the 20th Century 347 Démon de la malaria (虐鬼) 34 Chose sous l’eau (水里的东西) 34 Démon mesquin (le) 41 Chroniques de l’étrange 157 Description de la Chine 73 Chroniques étranges 288 Despotisme de la Chine 73 Chuanju jumu cidian 川劇劇目辭 Des processions (关于祭神迎会) 典 (Dictionnaire des pièces 52 d’opéra sichuanais) 348 Destin (le) (命运) 43 Chunqiu Zuozhuan 春秋左傳 (Les Deux démons (les) (两个鬼) 48 printemps et automnes com- Deux poèmes d’autocélébration mentés par Maître Zuo) 348 pour mon anniversaire (自寿 Chunzaitang quanshu 春在堂全書 诗两章) 50 (Œuvres complètes de la Salle Devin tartare 143 de la présence du printemps) Di Huang 帝凰 (Impératrice Phé- 398 nix) 247, 250, 251, 252, 253, Classiques 314 254, 255, 256, 257, 258, 259, Conception de la vie (人生观) 32 260, 261, 263, 264, 266 Contes de la montagne sereine 349 Divine Comédie 214 Contes étranges du pavillon Liao Dix Amours de Nishino ニシノユ (聊斋志异) 39 キヒコの恋と冒険 272 Contes étranges du studio Liao 30 Dix Leçons sur le roman chinois mo- Copies de lectures nocturnes (夜读 derne 29 INDEX

Donghai Xiaofu 東海孝婦 (Belle- 195, 197 ille pieuse de Donghai) 294 Femme mandarin (顏氏) 322 Don paisible 338 Fenbie gongde lun 分別功德論 Du goût (谈趣味) 34 (Treatise on Discerning Virtue) Du pouvoir de la poésie de Mara (魔 352 羅詩力說) 127 Feng ge 鳳歌 (Chant du Phénix Dur, dur 271 mâle) 266 Écrits des deux démons (两个鬼的 Fengru feitun 丰乳肥臀 (Beaux 文章) 48 seins, belles fesses) 323, 324, Écrits du pavillon Gaoxinyan (髙辛 326, 334, 335, 338 砚斋杂著) 37 Fiancée de Frankenstein(la) 183 Édiiante Histoire d’a-Q 73, 75 Fils de dragon 143 Élégies de Chu (Chuci 楚辭) 68 Foming jing 佛名經 (Sūtra of Éloge des fantômes (Gui zan 鬼贊) Buddha’s Names) 353 61 Foodscape 312 En contemplant les nuages (看云集) Frankenstein 183, 216, 229

54 Frontières 310, 318 421 En guise d’exprès (代快邮) 43, 45, Fukena dashu, ni hao ma 福克納大 46 叔,你好嗎 (Bonjour, mon Entretiens 163 oncle Faulkner) 336 Errance (Liulang 流浪) 62 Fuyao huanghou 扶搖皇后 (l’Impé- Ertong gushi 兒童故事 (Histoires ratrice Fuyao) 247 pour enfants) 116 Genben shuo yiqie you bu pinaiye Esprit des Lois (l’) 73 zashi 根本説一切有部毘奈 Esprits de la grotte dans la Montagne 耶雜事 (Mūlasarvâstivāda-vi- de l’ouest 316 naya-kṣudraka-vastu) 355 Essai sur le père Du Halde et sa des- Geumo sinhwa 金鰲新話 (Nou- cription de la Chine (杜赫德的 veaux Contes du mont de la 著作及其研究) 73 Tortue d’or) 15, 364 Être à la hauteur (胜业) 48 Gohime 187, 197 Europe 73, 75 Gōkyū suru junbi wa dekiteita (Prête Exécrable mégère (馬介甫) 323 à sangloter) 271 Fantômes en littérature (文艺上的 Gouwensan pian 狗文三篇 (Trois 异物) 35, 37, 52 récits canins) 321 Fayuan zhulin 法苑珠林 352 Grandiose quête de vent (la) (伟大 Fa Zidu 伐子都, (L’attaque contre 的捕风) 41, 47, 50 Zidu) 352 Grossesse 271 Femme des sables 177, 186-189, 193- Guanzi 管子 [Le livre de maître Guan] 356 塔孟良盜骨 (Meng Liang vole Gucheng 古城 (Cité ancienne) 79, les ossements à la tour Haotian) 81 250 Gu chuan (Le vieux bateau) 294 Hebi o fumu 蛇を踏む (Pied sur un Gudai Hanyu cidian 古代汉语词 serpent) 271, 272, 273 典 (Dictionnaire de chinois an- He shang 河殤 (la Mort de la rivière cient) 356 jaune) 332 Guernica 194 Histoire de Khun Chang et de Khun Gui gushi 鬼故事 (Histoires de fan- Phaen 214, 219, 220 tômes) 129 Histoire des beaux-arts de la Chine Gui hua 鬼話 (Paroles de fantômes) contemporaine 158 113 Histoire (l’) (历史) 43, 46, 47, 49 Guijie 鬼節 (Fête des fantômes) 130 Histoires horriiques de Yotsuya 181 Guiqutu 鬼趣圖 (Amusements de Hokusai 191 fantômes) 114 Homme invisible (l’) 183, 188 Gujin tushu jicheng 古今图书集成 Hong lou meng 紅樓夢 294 (Corpus des livres anciens et Hua gui 畫鬼 (Peindre les fantômes) modernes) 146 109, 112, 130, 131 Guochi huapu 國恥畫譜 (Manuel de Huaibao xinhua de nüren 懷抱鮮花 peinture de l’humiliation natio- 的女人 (Femme au bouquet de 422 nale) 114 leurs) 322 Gusu zhi 姑蘇志 (Gazetteer of Gusu Huangdi neijing jijie 黃帝內經集解 [Suzhou]) 357 360 Gu xiaoshuo goucheng 古小說鉤沉 Huangyan xianzhi 黃巖縣志 (Ga- [Fragments repêchés de romans zetteer or Huangyan County) anciens] 356 360 Handian 漢典 (Dictionnaire cano- Huasha (花煞) 34, 52 nique des caractères chinois) Huodong bian renxing 活動變人形 357 (Marionnettes) 295 Hanfeizi 韓非子 112, 113 Huoluan shiqi de aiqing 霍亂時期 Hangzhou fuzhi 杭州府志 (Ga- 的愛情 (L’Amour au temps du zetteer of Hangzhou Prefec- choléra) 295 ture) 357 Huozhuo Sanlang 活捉三郎 (San- Hanshu 漢書 (Le Livre des Han) lang saisi vivant) 16, 360, 397 357 Huozhuo 活捉 360 Han Wei Liu Chao biji xiaoshuo da- Husheng huaji 護生畫集 (Protéger guan 汉魏六朝笔记小说大 la vie) 129 观 [Inventaire des notes au il Ikebana 177, 194 du pinceau d’époques Han, Wei Illusion of blood (Yotsuya Kaidan) et Six Dynasties] 357 191 Haotian ta Meng Liang dao gu 昊天 Impératrice Phénix (l’) 19 INDEX

Inédits de Zhitang - après 1949 (知 Kansai onnen chizu 関西怨念地図 堂集外文 - 四九年以后) 55 (Kansai Map of Malice) 363 Inédits de Zhou Zuoren (周作人集 Kawakami Hiromi Tokuhon 川上弘 外文) 55 美読本 364 Injustices de Dou’e (竇娥冤) 294 Khwan Phayabat ความพยาบาท Itoshii (Adorable) 273 (Vengeance) 221 Jean-Christophe 75 Kieru (Disparaître) 273 Jeune femme du pont de Yangzhou Kira kira hikaru (Twinkle twinkle et le marchand de la cité de 271 Changgan, restés trois ans sans Kitchen 270 nouvelles, prient chacun les fan- Kongshiguiying tu 空室鬼影圖 tômes et les dieux 130 (Ombres de fantômes dans une Jiandeng xinhua 剪燈新話 (Nou- pièce vide) 119 velles Histoires en mouchant la Koshitsū 古史通 342 chandelle) 15 Kru Arun ครูอรุณ (Maître Aroon) Jiandeng yuhua 剪燈餘話 (Suite) 224, 225

15 Kuaiji xianzhi 會稽縣志 (Gazetteer 423 Jiangyin xianzhi 江陰縣志 (Ga- of Kuaiji County) 365 zetteer of Jiangyin County) Kulou de weixiao 骷髅的微笑 (Le 362 sourire du squelette) 76, 77 Jiaoshi Yilin 焦氏易林 362 Labeur passé (过去的工作) 55 Jiaxing fuzhi 嘉興府志 (Gazetteer Laide mais noble et idèle (喬女) of Jiaxing Prefecture) 362 322 Jiedao chanzhang qizheli 戒刀禪杖 Lamentations sur (ma ville de) Ying 齊著力 (Sabre et bâton d’éveil (Ai Ying 哀郢) 68 unissent leurs forces) 111 Laozi 328 Jiezhujuren de jianbang 藉助巨人 Laozi jiaoshi 老子校釋 367 的肩膀 (Sur les épaules des Lectures des otages 271 géants) 288 Legend in the Mountain 316 Jinshu 晉書 [Le livre des Jin] 362 Lettre à un ami sur la littérature na- Jiyi 祭義 (Le sens des sacriices) 6 tionale (与友人论国民文学 Journal d’un fou (l’) (狂人日记) 43, 书) 45 44, 52 Lettres philosophiques (les) 73 Jour sans in (永日集) 54 Lettres portugaises 59 Juste rétribution (报应) 31 Lézard 271 Kairo 269 Liangye 良夜 (he auspicious night) Kamisama 2011 (Dieu 2011) 274 313 Kamisama (Dieu) GQ 274 Lianhebao 聯合報 145 Liaozhai zhiyi 聊斋志异 (Contes 14 extraordinaires du Pavillon des Mes études hétérodoxes (我的杂学 loisirs) 113, 146, 313, 314 七、八) 33 Liaozhaizhi yi 聊齋誌異 (Chro- Mille et Une Nuits (les) 221 niques de l’étrange) 321, 322, Mohun 墨魂 (Fantômes d’encre) 337 74, 75, 79 Life is good (Ikkite te yokatta) 188 Mon jardin (自己的园地) 34, 35, Liji 禮記 (Livre des rites) 6 54 Littérature humaine (la) 30, 34, 40 Mont Gaotang (Gaotang fu 高塘赋) Livre des Han postérieurs 133 65 Livre des jours de pluie (雨天的书) Moonlight shadow 271 54 Morts 326 Lois psychologiques de l’évolution Mozi 112 des peuples 45 Mozi xiangu 墨子閒詁 378 Lunheng jiaoshi 論衡校釋 374 Musée du silence 271 Lunyu yizhu 論語譯注 374 Nanshi 南史 379 Lunyu 論語 (Entretiens) 39, 109, Nature morte à la chaise cannée 163 113, 129, 133 Nihon kaiki monogatari日本怪奇物 Luomona shuo jiuliao xiao’er jibing 語 379 jing 囉嚩拏說救療小兒疾病 Nihon no yōkai 日本の妖怪 379 424 經 374 Nithan Waetan นิทานเวตาล (les Lüshi chunqiu 112 Contes du vampire) 220 Mademoiselle Zhang 143 Nos ennemis (我们的敌人) 43, 51 Maewoldang gip 梅月堂集 364 Nosferatu le vampire ou le Cabinet du Maijing 脈經 375 docteur Caligari 222 Manazuru 真鶴 271, 274 Notes de la chaumière Yuewei (阅微 Manga 115 草堂笔记) 39 Manhua chuangzuo ershi nian 漫 Notes du bambou amer (竹杂记) 畫創作二十年 (Vingt ans de 54 création de manhua) 127 Nouveaux poèmes de voyage 1 et Mao hot เหมาโทษ (Transfert de 2 (Xinyoushi 1 新游诗 et Xi- faute) 225 nyoushi 2 新游诗) 314 Mauvaise Herbe (Yecao 野草) 75 Nouveaux propos sur les Notes du Mégère repentie (la) (江城) 323 pavillon des Lettres (重论文斋 Meiyuzhi xi 梅雨之夕 (Crépuscule 笔录) 37 à la saison des pluies) 322 Nouvelle Étoile polaire 74 Mémoires de Zhitang (知堂回想录) N.P. 271 55 Nuages et pluie au palais des Han Mémoire sur la séparation de l’âme 379 (Li hun ji 離魂記) 68 Nuit d’automne (Qiuye 秋夜) 65 Mendiants et personnages de la rue Œuvre poétique complète de Zhou INDEX

Zuoren, annotée et commentée Plan déchiqueté (Moetsukitachizu) (周作人诗全编笺注) 55 193, 194 Oie sauvage solitaire (l’) (Gu yan 孤 Poème de l’imprécation par l’eau, le 雁) 17, 59 (Ongkan Cheng Nam) 217, 381 On n’aura jamais tout dit sur Bai- Poème du prince Lo (Lilit Phra Lo ลิ luyuan 279 ลิตพระลอ) 218, 219 Onnen chizu怨念地図 [Map of Ma- Postface à Propos sur le tigre (谈虎 lice] 379 集后记) 48, 49, 52 Onryō supotto199 怨霊スポット Postface de Notes du thé amer (苦茶 199 [199 Modern Spirit Spots] 随笔后记) 53 379 Précis sur la littérature enfantine (儿 Oraison des esprits en enfer 158 童文学小论) 54 Origines de la Nouvelle littérature Préface de Recueil de Zhitang (知堂 chinoise (中国新文学的源 文集序) 41 流) 54 Printemps et Automnes (春秋左传) Orphée 183 38

Otoshiana (Traquenard) 177, 179, Professeur voit un fantôme (le) 118 425 182-189, 192-194, 196 Propos sur le tigre (谈虎集) 54 Pagode (Ta 塔) 66 Psyche’s Task 44 Palais de la Vie éternelle 65, 67 Psychologie des foules (la) 45 Palais de l’Immortalité (Changsheng- Puluo wangsi de hanshi 普罗旺斯 dian 長生殿) 63 的汉诗 (Poèmes han de Pro- Parler des démons (说鬼) 33, 35, 36, vence) 314 37 Qiantang xianzhi 錢塘縣志 [Ga- Paroles de fantômes (Gui hua 鬼話) zetteer of Qiantang County] 113 382 Pavillon aux pivoines 16, 17 Qing chewangfu quben 清車王府藏 Pays de l’alcool (le) 322 曲本 382 Pensée ritualiste du chamanisme (la) ( Qingdai nü ci ren xuanji 清代女詞 萨满教的礼教思想) 33 人選集 400 Peony Pavilion Onstage 388 Qinggui lei 情鬼類 (Fantômes de Pérégrinations vers l’Ouest 30 passion) 9 Personnages et choses presque vues Qing shi jishi 清詩紀事 15 Œuvres récentes de Chen Chao- Qingshi leilüe 情史類略 (Abrégé pao 380 thématique d’une histoire des Petit Robert 380 passions) 9 Phlœn Chit 222 Quan shanggu sandai Qin Han San- guo Liuchao wen 全上古三代 32 秦漢三國六朝文 382 Seitō (les Bas-bleus) 270 Quhai zongmu tiyao 曲海總目提要 Selected Paintings of Shi Hu 384 382 Sensei no kaban センセイの鞄 Réconfort pour le regret [de la sépa- (Années Douces) 271 ration] (Bu hen 補恨) 63 Sept samouraïs (les) 193 Règles éthiques des peuples sauvages Shanghai bowuguan cang Zhanguo (野蛮民族的礼法) 33 Chu zhushu 上海博物館藏戰 Regrets 80 國楚竹書 [Bamboo-slip books Ren, chusheng, gui 人, 畜牲, 鬼 from Warring States Chu in the (Hommes, animaux, fantômes) collection of the Shanghai Mu- 126 seum] 385 Renjian de gui 人間的鬼 (Fantômes Shanghai manhua 上海漫畫 (Shan- d’ici-bas) 126 ghai Sketch) 128 Renjian wang guo 人間王國 Shanghan lun jiaozhu yuyi 傷寒論 (Royaume) 295 校注語譯 385 Rentrer des funérailles et acheter de Shanhaijing (Classique des monts et l’eau (回葬与买水) 33 des mers) 145 Rêve dans le pavillon rouge 258, 337 Shanhaijing jianshu 山海經箋疏 Rêve de loups 322 146 426 Revenants (les) (重来) 42-44, 53 Shanhaijing jiaozheng 山海經新校 Rikyu 197 正 146 Ring 1 et 2 269 Shenshen gui gui 神神鬼鬼 (Esprits Roi des échecs 321 et Fantômes) 109, 129 Roman des origines et origines du ro- Shenxianqu 神弦 » (Cordes di- man 336 vines), 249 Roméo et Juliette 218 Shenxuan bie qu 神絃別曲 15 Royaume de ce monde 288 Shenxuan qu 神絃曲 15 Sakun hay นิตยสารสกุลไทย 222 Shenxuan 神絃 15 Samsip Pi Khong Kan Cak Pai Khong Shidai manhua 時代漫畫 (Modern Hem Vechakorn (Trentième an- Sketch) 126, 128, 385 niversaire de la disparition de Shidiao de haodiyu 失掉的好地獄 Hem Wechakon) 383 (le Bel Enfer perdu) 261 Sanguo yanyi 三國演義 383 Shijing 诗经 (Livres des odes) 314 Sanguo zhi 三國志 383 Shiji 史記 385 Sanya Rak สัญญารก (Souvenir Shinian xinlishizhuyi sichao huigu 十 d’amour) 223 年新歷史主義文學思潮回 Sanya สัญญา (Promesse) 223 顧 (Regard rétrospectif sur les Saomi zhou 掃迷帚 (Le balai pour dix ans de New Historicism) balayer les superstitions) 110 323 Science et mysticisme (科学与玄学) Shizong Xian huangdi zhupi yuzhi INDEX

世宗憲皇帝硃批諭旨 [he (望杏楼志痛编补) 36 Yongzheng Emperor’s Vermil- Sur la route de Jinan (济南道中) 32 lion Rescripts to Oicial Me- Sūtra du ilet de Brahmā 129 morials] 385 Su wenxue congkan 俗文学叢刊 Short Story Monthly 59 387 Shoulengyan jing 首楞嚴經 Svastikas de Li Xinjian 李新建的的 [Śūraṃgama Sūtra] 385 卐字符 152 Shuaizhenji 率真集 (Écrits sincères) Taiping jing he jiao 太平經合校 388 127 Taishin Arts Award 10th edition cata- Shuchi 書痴 (Fou des livres) 321 log 第十屆台新藝術獎 Dishi Shuihu xiqu ji 354 jie Taixin yishu jiang 388 Shuihuzhuan 水滸傳 (Au bord de Taisho shinshu daizokyo 大正藏新 l’eau) 161, 167 脩大藏經 388 Shuo wen jie zi 說文解字 6 Tanin no kao (Le visage d’un autre) Shu you ru ci 樹猶如此 (Ainsi était 177, 181, 182 l’arbre) 118 Temps qui va, le temps qui vient ど

Songjiang fuzhi 松江府志 (Ga- こから行っても遠い町 272 427 zetteer of Songjiang Prefecture) Terrasse du début du Printemps (la) 386 (Chuyangtai 初陽台) 64, 66 Songshu 宋書 386 Tête de mort 141, 143, 144 Soufrances du jeune Werther (les) Tokyo 1958 189, 192 (Shaonian Weite zhi fannao 少 Tristan et Yseut 218 年維特之煩惱) 59 Ugetsu Monogatari 雨月物語 Soushen houji 搜神後繼 (Suite d’À (Contes de pluie et de lune) 15 la recherche des esprits) 141, Un démon de petite envergure 41 143, 145, 148, 151, 386 Une chambre à soi (A Room of One’s Soushenji 搜神記 (À la recherche des Own) 276 esprits) 294, 396 Vendetta 221 Soushen xuji 搜神續記 143 Vengeance 221, 228 Squelette maître de marionnettes Vengeance de Ratri 228 114 Vie de Michel-Ange (la) 73, 75 Suborneur suborné (人妖) 322 Vieil homme réincarné (le) 老人转 Suishu 隋書 387 世 50 Sunna no onna (Femme des sables) Visage d’un autre (le) 177, 183, 184, 187 186, 187, 189, 194, 195, 196, Supplément aux chroniques de mes 197 douleurs du pavillon Wangxing Voyage de Zhong Kui 114 Waigang zhi 外岡志 [Gazetteer of 自己的句子 (À la recherche Waigang] 391 de son expression propre) 288, Weishu 魏書 393 289, 294 Wenhua bu guanyu zhizhi shangyan Xu Soushenji 續搜神記 143 ñjinxi 393 Yaksha 115 Wenxue zhoubao 文學週報 (Hebdo- Yanshi huanhun ji (A Beautiful madaire littéraire) 111 Corpse Comes to Life) 16, 17 Wenyi zhengming (Controverses sur Yansizhe de chaodu 淹死者的超度 la littérature et les arts) 279 (Le passage [ou bien la déli- Wo de kuxuejingyan 我的苦寫經驗 vrance] des noyés) 314 (Mon diicile apprentissage) Yecao 野草 (la Mauvaise Herbe) 261 123 Yeyan 夜烟 (Brumes nocturnes) 74, Wo yuan hua tianshi, kong zhong shou 75, 76, 77, 79, 81 zhadan 我願化天使空中收 Yi kumeng dai jinian 以苦梦代纪 炸彈 (Je voudrais me trans- 念 (Rui Mei, souvenir d’un rêve former en ange pour arrêter les triste) 79, 80 bombes dans les airs) 122 Yin gui ru men 引鬼入門 (Ouvrir la Wucheng xianzhi 烏程縣志 [Ga- porte aux fantômes) 114 zetteer of Wucheng County] Yingxiangwo de shi bu duanpian 394 xiaoshuo 影響我的十部短篇小 428 Wulong yuan zongjiang 烏龍院總 說 (les Dix Nouvelles qui m’ont 講 (La Maison du Dragon noir, inluencé) 326 livret integral) 394 Yishu de kexuezhuyihua 藝術的科 Xiangnang yuan 香囊怨 (les Plaintes 學主義化 (L’évolution de l’art venues du sachet de parfum) vers la science) 123 249 Yiyuan 異苑 397 Xiaoshuo de qiwei 小說的氣味 Youhun 游魂 (Mânes errantes) 313 (Odeurs du roman) 321, 323, Youmingjing 幽明经 (Classique de 336 l’obscur et du clair) 314 Xiaoxiang shuyuan 瀟湘書院 247 Youshi 游诗 (Amblings) 313 Xikao da quan 西考大全 394 Yuan gui 原鬼 (De l’origine des fan- Xin beichen 新北辰 (Nouvelle tômes) 10 Étoile polaire) 74 Yuli baochao 玉歷寶鈔 (Précieux Xinian huanyan chu shu gao yi san manuscrit du Calendrier de zhang 昔年歡宴處樹高已三 Jade) 11 丈 (Là où nous avions partagé Yuye yu xiao huli tong chuang de joyeux repas pousse mainte- gongzhen 雨夜與小狐狸同窗 nant un grand arbre) 119 共枕 (Partager l’oreiller avec Xuexi Pu Songling 學習蒲松齡 (À une petite renarde par les nuits l’école de Pu Songling) 321 pluvieuses) 321 Xunzhao shuyuziji de juzi 尋找屬於 Yuzhou feng 宇宙風 (le Vent de INDEX

l’univers) 115 Beautiful 2012 (Meihao 2012 美好) Za baozang jing 雜寶藏經 398 207 Zawen de Yaotang (药堂杂文) 54 Breaking Out of Ghost Pagoda 93, 94 Zengyi ahan jing 增一阿含經 399 Broken Bricks (Sui wa 碎瓦) 303 Zhadan 炸彈 (Bombes) 127 Butterlies and Weiqi (Hudie yu qi Zhanyou chongfeng 戰友重逢 (Re- 蝴蝶与棋) 300, 306 trouvailles de deux compagnons Complex (the) (Kuroyuri danchi ク d’armes) 322 ロユリ団地) 234 Zhengfa nianchu jing 正法念處經 Dragon Gate Inn (Long kezhan 龍客 [Saddharmasmṛtyupasthānasū- 棧) 203, 204 tra] 401 Ghost Love (Gui lian 鬼恋) 85, 86, Zhiguai 志怪 (Annales de l’étrange) 88, 89, 90, 91, 93, 94, 95, 96, 97, 8 98, 100, 101, 102 Zhitang Ghost Pagoda (Dachu youling ta 打 préfaces et postfaces (知堂序跋) 出幽靈塔) 86, 93, 94, 96, 97, 55 100

Zhongguo guihun yu luoyahe de mei- Ghost Stories from the Sea, Ghost 429 jiu 中国鬼魂与罗亚河的美 Stories from the Mountains 酒 (Les esprits chinois et les 236 bons vins de la Loire) 315, 316, Goodbye, Dragon Inn (Bu san 不散) 317 202, 203, 204 Zhongguo jingju xikao 中国京剧希 Guide to Famous Eerie Places of Ja- 考 401 pan (Nihon kaiki meisho annai) Zhongxuesheng (le Lycéen) 123 234 Zhouhou beiji fang 肘後備急方 402 Humanity (Rendao 人道) 99 Zhou Xinfang yan Lü Meng 周信芳 Inferno 303 演吕蒙 402 In Memory of the Forgotten 97 Zhuangzi jishi 莊子集釋 403 It’s a Dream (Shi meng 是夢) 205, Zhuanshi 转世 (Réincarnation) 313 206, 209 Zhubing yuanhou lun 諸病源候論 Jiandeng Xinhua 剪燈新話 (New 403 stories written while trimming Zhui bai qiu 綴白裘 403 the wick) 92 Jiandeng yuhua 剪燈餘話 (More Works cited Index stories written while trimming 199 Modern Spirit Spots 236 the wick) 92 A Chinese Ghost Story (Qiannü you- Kansai Map of Malice 236 hun 倩女幽魂) 83, 87 Kansai onnen chizu 237 Konjaku monogatari 233, 243 Stray Dogs 201, 205 Liji 禮記 (Book of Rites) 91 Tales of Time Now Passed (Konjaku Magic Sword and the Magic Bag monogatari 今昔物語) 233 (the) (Nie Xiaoqian 聶小倩) Ta li de nüren 塔里的女人 (he wo- 87 man in the tower) 94 Map of Malice (Onnen chizu 怨念地 he Angel’s Food (Tianshi de liangshi 図) 236 天使的粮食) 301, 302, 306 Meaning of Sacriices (Jiyi 祭义) 91 heater in the Boiler Room (the) Metamorphosis 302, 303 (Guolu li de juchang 鍋爐裡的 Moonlight on the River (He shang de 劇場) 201, 209 yueguang 河上的月光) 208 he Completion of the Ritual (Yi- Mudan deng ji 牡丹燈記 (he peo- shi de wancheng 仪式的完成) ny lantern) 92 299, 306 My Tragic Life (Beiju shengya 悲劇 he Giant Baby (Ju ying 巨婴) 302, 生涯) 95, 96 303 Okaruto jōhōkan オカルト情報館 he Ninth Daughter of the Gongsun 237 Family (Gongsun jiuniang 公孫 Onnen chizu 236, 237 九娘) 98 Onryō supotto 怨霊スポット 239 Opium Family 306 Tiandi ren 天地人 (Heaven, Earth 430 Painted Skin (Hua pi 畫皮) 92 and Man) 85 Paper Cut-Outs (Zhi 纸) 303 Twenty Years a Dream (Lian Suo 連 Pink Dream (the) (Fenhongse de 鎖) 92 meng 粉紅色的夢) 99 Uncle Boonmee Who Can Recall His Pusaman (菩萨蛮) 303 Past Lives 203, 210 Ring (the) (Ringu) 234 Unwelcome Muse 102 Scary stories that really took place Visage (Lian 臉) 201, 205 (Honto ni atta kowai hanashi’ Walker (the) (Xingzhe 行者 207 ほんとにあった恐い話し) Water Genie (Shuigui 水鬼) 303 234 White-Haired Girl (Baimao nü 白 Shiji 史記 (he Grand Scribe’s re- 毛女) 98 cords) 96 Yeyu qiudeng lu 夜雨秋燈錄 ( Wri- Shinrei Cameera 242 tings done in the rainy nights Song at Midnight (Yeban gesheng 夜 and under the autumn lamp) 半歌聲) 86, 98-100 92 Soushen ji 搜神記 (In search of the Youming lu 幽明錄 (Records of the supernatural) 92 hidden and the visible world) Strange Stories from a Chinese Stu- 92 dio (Liaozhai zhiyi 聊齋志異) Youyang zazu 酉陽雜俎 (Miscel- 87, 89, 92, 98 laneous Morsels from Youyang) Strange Stories in Japan (Nihon kaiki 92 monogatari) 234 Yuewei caotang biji 閱微草堂筆記 INDEX

(Jottings from the thatched Commercial Press 73 cottage examining the epigram- Département d’art de l’université matic utterances) 92 Jianghan 170 Yuzhou feng 宇宙風 (Cosmic Wind) Département des Beaux-Arts 145 85 Département des livres rares 147 Zibai 自白 [Confession] 102 Donglin shuyuan (Académie de la Fo- Zi buyu 子不語 (What the master rêt de l’Est, 东林书院) 46 would not discuss) 92 École de Pékin 127 Zuo Ye 昨夜 (Last night) 94 École des beaux-arts de Paris 123 École des beaux-arts du Hubei 164, Index des organisations 170 académie Donglin 46 École de Shanghai 113, 127 académie du Minotaure de Lyon 145 École disciplinaire (Vinaya) 129 Agence France Presse 157 École Gong’an (Gong’anpai 公安 Art heater Guild (ATG) 177 派) 49 Association des écrivains de Chine Église 12

247 Excellent écrivain de la littérature fé- 431 Association pour la recherche litté- minine 247 raire (Wenxue yanjiuhui文学 Fédération antireligieuse (Feizon- 研究会) 30 gjiao damenghui) 非宗教大盟 Bibliothèque nationale de Bangkok 会) 31 215 fonction publique 147 Bibliothèque nationale de France gardes rouges 331 148 Guomindang 81 Biennale de Venise 157 Huidaomen 328 Biennale du Moca (Musée d’art Inalco 6, 215 contemporain) 152 Institut d’Asie orientale de Lyon 6 Boxers 31, 41 Institut des arts du Xinjiang 145 Bureau de la radio et télévision muni- Institut des beaux-arts de Paris 152 cipale 331 Institut des beaux-arts de Xi’an 145 Centre Ornithologique d’Orient Institut des beaux-arts du Sichuan 334 152 Chêne-Voyelle 145 Institut franco-chinois 75 Cinéma 57 177 Institut royal de technologie de Mel- Cinéma 58 177, 189 bourne 145 Club des artistes d’avant-garde 183 Kuomintang 281 CoBrA 159 l’Association des beaux-arts du Hubei 170 yanjiuhui congshu 文學研究會 Licorne (la) 323, 331, 333, 334 叢書) 58, 59, 111 Ligue des lettrés (Dangren 党人) 46 Société du Renouveau (Fushe 复社 Ligue étudiante antichrétienne (Fei- ) 46 jidujiao xuesheng tongmenghui Sōgetsu Art Center (SAC) 177, 182 非基督教学生同盟会) 31 temple 74, 115 Maison du peuple de Shanghai 158 Yue Fei 63 monastère 219 Toho 177 Guiyuansi 166 Union de Banques 145 Saorge 314 université Berkeley 336 mouvement des Afaires étrangères université de Fribourg 73 332 université de Zhenghua 147 mouvement littéraire Ouragan (狂 université franco-chinoise de Pékin 飙) 75 73 mouvement Travail-Études à Lyon université Lingnan 309 75 Université nationale des arts de musée d’art de Hong-Kong 109 Taiwan 145 Musée de l’estampe et du dessin ori- Université normale du Xinjiang 145 ginal de Gravelines 145 World Student Christian Federation Musée du vieux palais 147 (WSCF) 31, 33, 40 432 Musée national des beaux-arts de Taipei 145 Organizations Index musée provincial de Hangzhou 167 Cannes Film Festival 203, 205 musée Rietberg de Zurich 114 Cannes Film Festival Palme d’Or Nouvelle Culture (xin wenhua 新文 203 化) 30, 32, 45 Chinese Communist Party 94, 98 Œuvre Saint-Justin 75 Kuomintang 94, 97, 102 Parti communiste chinois (PCC) Kyoto University 241 281, 328, 330 League of Let-Wing Writers 99 Petit Véhicule 217, 230 Museum of Contemporary Art presses Minquan 114 (MOCA) 209 prix Akutagawa 270, 271 Songshan Cultural and Creative Prix d’excellence de la littérature fé- Center 209 minine 247 Songshan Tobacco Factory 209 prix Mao Dun 281 Taishin Arts Award (Dishi jie Taixin prix Naoki 271 yishu jiangi) 第十屆台新藝術 prix Nobel de littérature 21, 75 獎) 209 salon Jeune Peinture 152 Venice Architecture Biennale 201, Sculpture Space (雕塑的空间展) 206, 207 152 Venice Biennale 205 Société d’études littéraires (Wenxue Venice Grand Jury Prize 201 INDEX

Yechuang shuwu 夜窗書屋 (Night Bai Juyi 白居易 342 Window Bookstore) 85 Bai Wei 白薇 86, 93-96, 342 Bai Yuan 254 Index des personnes citées Balazs Étienne 342 Abe Kōbō 181, 186, 189, 193, 194, Balazs István 46 196, 197 Baldrian-Hussein Farzeen 342 阿城 A Cheng 321, 341 Balzac Honoré de 287 Adkins Curtis 341 Banduojia Zunzhe 半託迦尊者 Agamben Giorgio 68, 341 168 Ahern Emily Martin 341 Banerjea Jitendra Nath 342 Aijmer Göran 341 Baochang 寶唱 342 Akiyama Terukazu 187, 341 Baopuzi 抱樸子 63 Akphaysan Chatchay 216, 341 Baptandier Brigitte 342 Alexandre-Journeau Véronique 367, Barbey d’Aurevilly Jules 115 373 Barmé Geremie R. 123, 129, 343 Allen Sarah M. 341 Barnhart Richard M. 158, 342, 343, Altenburger Roland 10, 341 397 433 Amfreville Marc 195, 197, 341 Barth Fredrik 343 Anders Günther 339, 341 Bartholomew Terese Tse 343 Angida 168 Baryocher-Chemouny Muriel 343 Angles Jefrey 235, 341 Batuoluo Zunzhe 跋陀羅尊者 167 Ansart Olivier 341 Baudelaire Charles 128, 162, 343 Appadurai Arjun 342 Bazin André 343 Aragon Louis 164 Bazin Hervé 204 新井白石 Arai Hakuseki 342 Beardsley Aubrey 48 Aray Siwitt 164, 342 Bê Duc Georges 17, 34, 111, 343 Arcimboldo Giuseppe 169 Belletto Hélène 351 Arnaud Diane 182, 342 Bellour Raymond 208, 343 Arnold Jacques 196 Benn James A. 343 Arnon Poj 229, 342 Benye Reb 335 朝吹登水子 Asabuki Tomiko 102 Berdiaef Nicolas 332, 343 阿氏多尊者 Ashiduo Zunzhe 168 Bergère Marie-Claire 158, 343 Asita 168 Bergson Henri 32, 57 Atkins Robert 159, 342 Berliner Nancy 163, 343 Aumont Jacques 208, 342 Bernstein Alan E. 343 Babel Isaac 329 Besançon Dominique 357 Bach Jean-Sébastien 155, 161 Bianchi Alice 14 Biasi Pierre-Marc de 343 Cao Quchang 曹去晶 345 Binduluo 賓度羅 167 Cao Xueqin 曹雪芹 288, 345 Birch Cyril 388 Carpentier Alejo 卡彭鐵爾 288, Birrell Anne 343 295, 345 Bi Yuan 畢沅 146 Carsun Chang 32, 123 Blue Gregory 344 Ceng Yi 曾益 369 Boccace 221 Chagall Marc 306 Bodhidruma 167 Chai Chu 91 Bolitho Harold 235, 343 Chai Winberg 91 Boof-Vermesse Isabelle 260, 343 Chambon Michel 12 Bordeleau Erik 203, 344 Chang Han-liang 345 Bouchez Daniel 347 Chang Johan 345 Bouddha 125, 128, 131, 138, 139, Chang Kang-Sun 345 166-169, 188, 228, 230, 337 Chan Hing-ho 陳慶浩 345 Bouddha Gautama 337 Chan Leo Tak-Hung 345 Bouquillard Jocelyn 115, 344 Che Baoren 車寶仁 281, 345 Bourdieu Pierre 344 Chemla Karine 344 Bourgon Jérôme 344 Chen Boxi 陳伯熙 97, 345 Boyd James W. 344 Chen Caihua 陈才华 305, 345 Bo Yi 伯益 146 Chen Caikun 348 434 Braester Yomi 99, 100, 344 Chen Chao-pao 143, 144, 145, 147, Braudy Leo 344 148, 386 Bretelle-Establet Florence 344 Chen Duxiu 30, 31, 41 Breton André 183 Cheng Anne 32, 46, 347, 348 Brook Timothy 344 Cheng Yu 347 Browning Tod 183, 196 Chen Hongshou 陳洪綬 160 Buci-Glucksmann Christine 169, Chen Hsiu-fen 陳秀芬 346 344 Chen Jianguo 346 Buñuel Luis 187, 194 Chen Kuilong 陳夔龍 346 Burlet René-Maria 145 Chen Lang 346 Byron George Gordon 127 Chen Menglei 陈梦雷 146, 346 Cabrero Gilles 385 Chen Mingshu 陳鳴樹 32, 346 Cadena Lourdes 361 Chen Naixin 陳乃欣 346 Cage John 194 Chennault Cynthia L. 347 Cahill James 344 Ch’en Pao-chen 346 Cai Yuanpei 31, 41, 49 Chen Pao pao 18 Calvet Yves 182, 196, 197, 344 Chen Pingyuan 陳平原 109, 113, Calvino Italo 344 129, 346 Campany Robert Ford 8, 344, 345 Chen Qin 18 Campion Gilles 157 Chen Qinghao 陈庆浩 346 Can Xue 265 Chen Sen 陳森 347 INDEX

Chen Shangjun 347 Cruveillé Solange 14, 347, 349 Chen Sihe 陈思和 306, 347 Cullen Christopher 349 Chen Xiaomei 93, 96 Curien Anne 20, 310, 311, 312, 315, Chen Xuanyou 陳玄祐 68 349, 368 Chen Xun 陳煦 398 Cyrulnik Boris 275, 349 Chen Zhongshi 陳忠實 281-294, Dachy Marc 183, 349 347 Dai Jin 160 Chen Zishan 陳子善 55, 403 Dai Ping 戴平 349 Chiang Kai-shek 94, 97 Dai Wangshu 66 Ching Siu Tung 87 Dalí Savatore 187 Cho Dong-il 347 Dan Duyu 但杜宇 114 Choe Yong-cheo 347 Dante 214, 303 Chongde-Hongguang 45 Daoshi 道世 349 Chota-Panthaka, dit Panthale Jeune Daoxuan 道宣 350 168 Darrobers Roger 332, 350 Chou Chao-ming 348 Dars Jacques 167, 322, 349, 362,

Chulan Renren 鋤蘭忍人 348 382, 385 435 Chung Stephanie Po-yin 348 Daruvala Susan 31, 34, 350 Cieslewicz Roman 164, 383 Darwin Charles 48 Cixous Hélène 270, 348 Dauzat Pierre-Emmanuel 393 Clark John 123, 348 David Christophe 341 Clart Philip 348 Davis Edward 350 Cocteau Jean 183 De Antoni Andrea 237, 240, 241, Cohen Marshall 344 350 Cohen Myron L. 348 Deeney John J. 345 Cohen Paul A. 368 Delacroix Eugène 164 Collins John J. 344 Delaplace Grégory 6, 350 Comentale Christophe 18, 145, 151, Deleuze Gilles 181, 190, 350 152, 341, 348, 380, 386 Delmas Marie-Charlotte 213, 350 Compagnon Antoine 348 Delouche Gilles 215, 218, 350 Confucius 12, 91, 348, 349 De Meyer Jan A. M. 357 Conrad Lawrence 349 Demieville Paul 350 Coomaraswamy Ananda K. 349 Deng Wenguo 陈文国 388 Corelli Marie 221 Denton Kirk A. 30, 350 Couliano Ioan 160, 349 Derrida Jacques 70, 193 Courbet Gustave 164 Despeux Catherine 350, 379 Couvreur Séraphin 349 Detrie Muriel 60, 350, 373 Dévaud Eugène 73 尊者 168 Deville Claire 350 Faure Bernard 352, 387 Dewoskin Kenneth 351 Febvre Lucien 353 Dieu 275, 338 Feher Michel 368 Ding Wenjiang 32, 41 Fei Zhangfang 費長房 352 Doolittle Justus 351 Fels Jacqueline de 215, 221, 222, 352 Dore Ashton 189, 351 Feng Menglong 馮夢龍 9 Dore Henri 351 Feng Xizhe 馮希哲 279, 347, 352, Dracula 182, 196, 216, 226, 229 358, 403 Dracula Tok 226 Feng Zikai 豐子愷 18, 109-116, Drège Jean-Pierre 389, 392 118-131, 353 Duara Prasenjit 328, 351 Féron Bernard 354 Dubois Jacques 280, 351 Ferraton Jean-François 145, 386 Dubufet Jean 163 Figal Gerald 235, 353 Dudbridge Glen 351 Filippi G. Giuseppe 353 Du Halde Jean-Baptiste 73 Filliozat Jean 383 Du Mesnildot Stéphane 180, 182 Fishbane Michael A. 344 Dupaigne Bernard 351, 380 Flaubert Gustave 336 Durand-Dastès Vincent 10, 16, 351 Flemming William 353 Dutrait Noël 251, 341, 395 Flower Michael Attyah 353 436 Eberhard Wolfram 351 Fong Wen 346 Ebrey Patricia Buckley 352 Fonorof Paul 353 Ecke Gustav 352 Foster Michael D. 8, 179, 180, 353 Eggert Marion 352 Foster Paul B. 96 Eileen Chang 張愛玲 102 Fotoussi Franck 353 Ekuni Kaori 271 Foucault Michel 263, 264, 353 Eliade Mircea 275, 349, 352 Fouquet Gérard 226, 353 Éliasberg Danielle 10, 352 Frank Bernard 177, 179, 180, 185, Elisseef Danielle 122, 352 188, 190, 353 Empereur de Jade 玉皇大帝 65 Franke Herbert 354 Engelfriet Peter M. 357 Frazer James George 33, 35, 44, 45, Escandre Yolaine 121, 159, 166, 352 48 Espesset Grégoire 352 Freud Sigmund 57, 60, 354 Espinel Carlos Hugo 352 Frodsham, J. D. 354 Eucken Walter 32 Fukuzawa Ichirō 183 Evrard Louis 356 Fukuzawa Yukichi 354 Fanaposi Zunzhe 伐那婆斯尊者 Fu Shan 159 168 Fu Xihua 傅惜華 354 Fang Yixin 方一新 352 Fu Xinian 傅熹年 354 Fan Minsheng 范民生 355 Galt Rosalind 202, 354 Fashenafuduo Zunzhe 伐闍羅弗多 Gan Bao 干寶 143, 258, 294, 354 INDEX

Gan Jianfeng 甘險峰 114, 354 Graziani Romain 317 Gao Jianfu高劍父 119 Greene Maggie 356 Gao Jie 46 Green Frederik Hermann 97, 101, Gao Lieguo 高列過 352 356 Gao Minglu 高名潞 157, 158, 161, Groot J. J. M. de 356 354 Guangxu 330 Gao Yilong 高义龙 354 Guan Hanqing 249, 294 Garcia Marquez Gabriel 馬爾克斯 Guan Hanqing 關漢卿 356 288, 295, 355 Guanxiu 158, 167 Garland Caroline 197, 355 Guan Yu 9 Gates Hill 341 Gulik Robert van 356 Gautama Prajñaruci 瞿曇般若流支 Guṇavṛddhi 求那毘地 383 401 Gunn Edward M. 102, 356 Gautama Samghadevạ 瞿曇僧伽提 Guo Moruo 郭沫若 59, 66, 69, 118, 婆 399 258, 266, 356 Ge Fei 304 Guo Puzeng 郭璞曾 146

Ge Hongbing 葛红兵 305, 355 Guo Ruoxu 郭若虚 121 437 Ge Hong 葛洪 63, 64, 67, 355 Guo Zeyun 郭則澐 356 Genette Gérard 355 Gu Tinglong 顧廷龍 163, 356 Geng Lianlian 334, 338 Gu Xuejie 顧學頡 356 Gernet Jacques 68, 351, 355, 358, Gu Xuexie 顧學頡 68 363 Gyss-Vermande Caroline 357 Gira Dennis 230, 355 Haar Barend J. ter 9, 357 Girard Colette 17, 73, 355 Haggerty George E. 357 Girardot N. J. 355 Hains Raymond 164 Gjertson Donald 355 Haldar J. R. 357 Gobakale Protecteur 168 Hanan Patrick 357 Godard Jean-Luc 208 Han Feizi 韓非子 159 Goethe Johann Wolfgang von 59 Han l’Oiseau 333 Goldman Andrea S. 355 Han Perroquet 334, 338 Goldman Merle 368 Hansen Wilburn 357 Gong Kai 龔開 114, 160 Han Shaogong 265, 304 Goossaert Vincent 10, 11, 67, 110, Hansson Anders 357 328, 335, 356 Han Yu 韓愈 9, 10, 357 Gou Renmin 苟人民 394 Hardouin Charles 213, 357 Graham Angus C. 356 Haroun Al-Rachid 221 Granet Marcel 161, 356 Harper Donald 357, 358 Hawkes David 158, 358 Hsia T. A. 70 Hay John 394 Hsia Tsi-an 359 Hearn Lafcadio 187, 188, 358 Hsia Tsiñan 58 Hearn Maxwell K. 367 Hsiung Ping-chen 360 Heigui 18 Huang Jiayin 黃嘉音 126 Hei Gui 黑鬼 155, 157-166, 169, Huang Shuxian 371 170 Huang Susan Shih-Shan 360 He Jingzhi 賀敬之 99 Huang Yinggui 371 He Lulu 和璐璐 358 Hu Feng 胡风 48, 360 He Qizhi 何啓治 279, 358 Huizinga Johan 360 Hérail Francine 358 Hu Jincheng 胡金城 360 Hervouet Yves 158, 358 Hung Chang-Tai 360 He Yixing 郝懿行 146 Huntington Rania 13, 360 Hinton Carmina 358 Hu Shi 胡適 29, 30, 32, 41, 49, 93, Hinwiman Somsuk 226, 227, 374 360 Hirano Imao 平野 威馬雄 234, Ibsen Henrik 41, 42, 43, 44, 53 235, 236, 239, 240, 241, 358 Idema Wilt L 361 Hirata Atsutane 平田篤胤 358 Idier Nicolas 400 Hisashi Igawa 188 Im Je 364 Hitler Adolf 161 Inagawa Junji 234 438 Hockx Michel 247, 359 Inoue Enryō 235 Hokusai Katsushika 葛飾北斋 115, Inthano heeraphong 19, 221, 361 177, 181-188 Iseki Daisuke 井関大介 361 Holt John C. 359 Itabashi Sakumi 板橋作美 , 238, Hong Bian 洪楩 359 361 Hong Ruizhao 洪瑞釗 96, 359 Itō Jinsai 伊藤仁斎 361 Hong Sheng 洪升 63, 65, 250, 359 Jackson Rosemary 304, 361 Hong Weizhu 洪惟助 359 Jakobi Marianne 343 Hong Xingzu 洪興祖 68, 359 Janicot Éric 361 Hong Xiuquan 洪秀全 325 Jésus 138 Hong Xuefei 洪雪飞 360 Jésus-Christ 60, 122, 131, 325 Honnoré Patrick 271 Jialijia Zunzhe 迦理迦尊者 167 Hopfener Birgit 348 Jiang Jingsan 蒋經三 59 Ho Sam 348 Jiang Shiquan 蔣士銓 362 Hoshino Yoshihiro 星野義 238, Jiang Ziwen 9 359 Jianuojia Baliduoshe 迦諾迦跋釐 Hoskins Janet 359 堕闍尊者 167 Hotori Risho 阿理生 359 Jianuojia Facuo Zunzhe 迦諾迦伐 Hou Ching-lang 359 蹉尊者 167 Ho Wai-kam 359 Jia Pingwa 265 Hsia C. T. 359 Jiebojia Zunzhe 戌博迦尊者 168 INDEX

Jing Yinyu 78 Kern Martin 364 Jing Yinyu 敬隐渔 73, 75 Kiarostami Abbas 208, 210 Jin Siyan 312, 349 Kihara Hirokatsu 234 Jintong 324, 330, 331, 332, 333, Kim Gi-dong 金起東 364 334, 335, 336, 337, 338, 339 Kim Si-seup 金時習 15, 364 Jin Weinuo 金維諾 362 Kimura Saeko 木村朗子 275, 364 Ji Yun 紀昀 36, 39, 322, 362 King Hu 203, 316, 317 Jones Charles B. 348, 381 King Stephen 225 Jones J. J. 362 Kinkley Jefrey C. 323, 364 Jordan David K. 362 Kinney Anne 364 Jost Jean-Pierre 362 Kinoshita Keisuke 177, 181 Jost Yan-Chim 362 Kirkland Russell 364 Joyce James 326 Klee Paul 336 Jullien François 161, 362 Knechtges David R. 347, 365 Jumsai Na Ayutthaya Sumet 228, Kneib André 120, 365 362 Kobayashi Masaki 177, 181

Jung Carl Gustav 67, 363 Koch Franziska 348 439 Kaka Franz 302, 303, 336 Ko Dorothy 365 Kaigyoku Watanabe 349 Komatsu Kazuhiko 小松和彦 238, Kâla 167 239, 261, 365 Kâlika 167 Kong Fanjin 377 Kaltenmark Maxime 363 Kong Xurong 365 Kamei Fumio 177, 188 Kôno Taeko 270 Kanakabharadraja 167 Koptyf Ivan 365 Kanaka Bharadvaga 167 Kosambi D. D. 365 Kanakavatsa 167 Kouo Mo-jo 118, 365 Kang Dianfeng 康殿峰 363 Koyasu Nobukuni 中安宣邦 365 Kang Xiaofei 康小芬 363 Kraushaar Frank 15, 365 Kangxi (empereur) 73 Kroll Paul W. 347 Kang Youwei 332 Kryger Myriam 312 Kanzaburo Mushanokoji 189 Ksiazenicer-Matheron Carole 335, Karlsson Kim 363, 398 339, 365, 366 Kasha か舎 363 Kublin Wolfgang 57, 60, 365 Kato Tai 181 Kuhn Philip A. 366 Katz Paul R. 343, 363, 364 Kulbak Moïshe 335, 366 Kawakami Hiromi 川上弘美 20, Kuo Liying 366 271-275, 277 364 Kurihara Tōru 栗原亨 237, 366 Kuriyagawa Hakuson 厨川白村 57 Lefebvre Éric 380 Kuroda Akinobu 373 Legge James 91 Kurosawa Akira 177, 181, 193 Lehnert Martin 341 Kurosawa Kiyoshi 269 Le Men Ségolène 343 Kuze Teruhiko 久世光彦 366 Leung Angela 368 Kyn J. B. Yn Yu 79, 366 Leung Ping-kwan 梁秉钧 20, 309- Lachaud François 8, 366 319, 368, 371 Lady Wu Qiuyue (Wu Qiuyue 伍秋 Levi Angélique 374 月) 92 Levi Jean 9, 62, 64, 65, 368, 369, 374 Lafont Pierre-Bernard 213, 214, 366 Lévy André 68, 157, 349, 369, 371, Lagerwey John 366 377, 381, 394 Lagirarde François 220, 366 Lévy Christine 270, 369 Lai Guolong 6, 7, 367 Lévy Sylvain 369 Lam Agnes 348 Lewis Ioan 369 Lam Michael 367 Liang Guyin 梁谷音 371 Lamotte Étienne 367 Liang Peiyun 77 Lang Andrew 33 Liang Qichao 32 Lanselle Rainier 334, 337, 367 Liang Qizi 梁其姿 368, 371 Laos 230 Liang Shuming 75 Laoyuan 老渊 367 Li Chaotao 369 440 Lau D. C. 367 Li Chenfeng 16 Laughlin Charles A. 40, 364, 367 Li Chunxiang 李春香 369 Laureillard Marie 18, 116, 121, 130, Li Dazhao 31 133, 311, 322, 353, 367, 378, Lienhard Siegfried 371 385 Li Fang 李昉 369 La Vallée Poussin Louis de 366 Li Futian 李福田 372 Law Bimala Charan 367 Li Fuyan 李復言 369 Lebbe Vincent 73 Li He 李賀 15, 248, 249, 354, 369 Le Blanc Charles 376 Li Hongchun 369 Le Bon Gustave 45, 48, 367 Li Jiahua 李甲花 370 Le Bris Michel 189, 381 Li Jianguo 李剑国 370 Lecouteux Claude 213, 367 Li Jianmin 李建民 370 Ledderose Lothar 163, 367 Li Kuanglang 143, 145 Lee Fong-mao 李豐楙 367 Li Kuang Lang 145, 386 Lee-Kalisch Jeong-Hee 348 Li Mingxiao 李明曉 370 Lee Kang-sheng 李康生 205, 207, Lincot Emmanuel 18, 157, 158, 170, 209 371 Lee Leo Ou-fan 57, 58, 115, 128, Lin Fengmian 林風眠 123 368 Lin Fu-shih 林富士 346, 370, 371 Lee Pui-tak 李培德 399 Ling Mengchu 凌蒙初 371 Lee Sherman E. 368 Ling Mong-tch’ou 371 INDEX

Ling T.O. 371 Li Xianglin 李祥林 370 Ling Xia 凌俠 96 Li Xiaoxia 100 Linhartová Věra 183, 184, 371 Li Xinjian 143, 152, 153, 348 Link Perry 102, 371 Li Xiusheng 李修生 370, 394 Lin Li-kouang 371 Li Xueqin 李學勤 370 Lin Lydia H. 398 Li Yanshou 370 Lin Niantong 371 Li Yuping 247, 370 Lin Wei-chang 371 Li Zhen 李禎 15 Lin Xijian 18 Li Zicheng 46 Lin Yutang 林語堂 39, 40, 49, 109 Lloyd Geofrey 373 Li Pengfei 李鹏飛 370 Loeb Edwin Meyer 373 Li Shouju 李壽菊 370 Loehr Max 158, 373 Li Shutong 李叔同 123, 129 Lombardi Rosa 20 Li Song 李嵩 114 Long Qingping 323, 332 Li Tche Houa 145 Loon Piet van der 373 Lithaï Phaya 214, 372 Lopez Donald S. 357

Little Stephen 372 Lo Shih-Lung 373 441 Liu An 劉安 372 Louie Kam 373 Liu Bannong 49 Löwith Karl 329, 373 Liu Chuhua 劉楚華 372 Lü Buwei 呂不韋 374 Liu Dalin 刘达临 372 Lucken Michael 183, 195, 196, 374 Liu Damu 372 Lu Eting 陸蕚庭 373 Liu Jianmei 99, 100, 372 Lu Haiyang 路海洋 373 Liu Kairong 372 Lu Hanchao 373 Liu Lexian 劉樂賢 372 Luohuluo Zunzhe 羅怙羅尊者 168 Liu Lydia 58, 372 Luo Kouan-Tchong 374 Liu Siyuan 372 Luo Liangfeng 羅兩峰 113 Liu Songyan 劉松岩 369 Luo Ping 羅聘 113-115, 160, 363 Liu Xiang 劉香 146 Luo Zheng 骆正 374 Liu Xiaobo 332, 393 Luo Zhongli 羅中立 164 Liu Xiaohui 刘小惠 74 Lü Pengzhi 呂鵬志 374 Liu Xie 劉勰 372 Lü Peng 呂鵬 374 Liu Xin 劉歆 146 Lu Shengli 338 Liu Xun 67, 372 Lu Tina 373 Liu Yaolin 刘耀林 402 Lü Wenyu 呂文鬰 370 Liu Zhaorui 劉昭瑞 372 Lu Wen 卢雯 373 Liu Zhaoyun劉兆雲 372 Lu Xiaobing 377 Lu Xun 魯迅 29, 43, 44, 52, 57, 58, Maupassant Guy de 225 65, 66, 73, 75, 78, 80, 97, 127, Mauss Marcel 376 248, 249, 261, 373, 374, 392 Ma-Xu Weibang 86, 99 Luyyaphong Kamchon 226, 227, Ma Yuan 304 374 McCorristine Shane 376 Lynch David 208 Meia Jean-Steve 376 MacDonald Keiko 189 Mellen Joan 189, 376 Macdonald Keiko I. 375 Mellier Denis 225 Macdonell Arthur Anthony 375 Mencius 12 Macé François 12, 375 Meng Jun 孟君 99, 376 Ma Changyi 馬昌儀 374 Menguy Dominique 214, 377 Ma Dazhao 158 Meng Yuanlao 孟元老 376 Mae Wan 221 Meng Yue 孟悅 99, 377 Mae Wan แม่วัน 221, 375 Mengzi 377 Mahl Hans-Joachim 101 Mensikov L. N. 377 Mahomet 155, 161 Merleau-Ponty Maurice 203, 377 Mair Victor H. 375, 379 Meslay Olivier 353 Maitreya 166 Mesnildot Stéphane du 377 Ma Jixing 马继兴 375 Metz Christian 377 Majrouh Sayd Bahodine 375 Minghuang 明皇 (empereur) 65 442 Ma Liangchun 馬良春 372 Miyazaki Hayao 237 Mao Zedong 164, 332 Mizuno Kogen 377 Ma Qichang 馬其昶 357 Molinié Georges 50, 378 Marchand Sandrine 15 Mondzain Marie-José 159, 170, 378 Marquet Christophe 115, 344 Monnet Natalie 378 Martin Éléonore 375 Montesquieu Charles Louis de Se- Ma Ruifang 馬瑞芳 375 condat, baron de La Brède et Maruo Suzuki 丸尾常喜 375 de 73 Maruo Tsuneki 丸尾常喜 58, 248, Moreau Alain 170 249, 375 Moretti Costantino 11 Masahara Kikuchi 菊池 昌治 363 Moriceau Jacline 18, 197, 378 Masahiro Ogi 189 Moses Stéphane 336, 378 Ma Shaobo 马少波 375 Motoori Norinaga 378 Maspero Henri 67, 376 Mo Yan 莫言 21, 251, 265, 305, Masson Joseph 376 321-324, 326, 334-338, 377, Mathier Richard 376 378, 395 Mathieu-Castellani Gisèle 376 Munninck Mark de 75 Mathieu Rémi 68, 160, 265, 354, Murakami Giroux Sakaé 375 376, 382 Murck Alfreda 363, 399 Matteini Michele 363, 399 Murray Julia K. 378 Matthieussent Brice 386 Mus Paul 378 INDEX

Mu Xinxin 穆欣欣 378 Ouyang Xun 歐陽詢 379 Myers Fred 387 Owen Stephen 380 Naddaf Ramona 368 Palmer David 67, 110, 328, 335, 356 Nāgārjuna 龍樹 378 Paloméra Marie-France de 345, 386 Nâgasena 168 Pang Laikwan 380 Najiaxina Zunzhe 那迦犀那尊者 Pan Jiaxun 潘家洵 42 168 Pan Junliang 13, 380 Nakagawa Nobuo 181 Panthaka, dit Pantha l’ancien 168 Nakamura Masao 中村正雄 236, Papineau Élisabeth 161, 380 378 Paquet Marcel 163, 380 Nakata Hideo 234, 269 Parry Jonathan 380 Nakayama Ichirō 234 Pastoureau Michel 162, 380 Nandimitra 167 Paul de Tarse 161 Nang Nak 211, 227, 228 Paulhan Jean 164, 380 Na Zhiliang 392 Peng De 157, 161 Needham Joseph 379 Pengzhi Lü 366

Nenzi Laura 234, 235, 379 Peri Noël 380 443 Neri Corrado 19, 379 Perlein Gilbert 164 Ng Grace 402 Phumisak Chit 380 Nghiêm Toàn 374 Picasso Pablo 163, 194 Ng Ho 379 Picoche Jacqueline 124 Ng Kenny 16, 17 Picone Mary 19, 182, 192, 240, 380 Ng May 379 Pimpaneau Jacques 160, 161, 189, Nie Chongzheng 343, 397 380, 381 Nienhauser William H. 379 Pimpaneau Sylvie 381 Nietzsche Friedrich 57 Pindola 167 Nimitbutr Nonzee 228, 379 Pindolabharadraja 167 NO. MO. SO 379 Pino Angel 85, 127, 382 Novalis 101, 379 Pissin Anika 12, 13, 381 Nuojuluo Zunzhe 諾距羅尊者 167 Plutschow 235 Ōba Minako 270 Plutschow Herbert 381 Oblock John 379 Poe Edgar Allan 115, 183 Obringer Frédéric 379 Pollard David E. 34, 381 Oe Kenzaburo 379 Poo Mu-chou 7, 8, 112, 381 Ogawa Yōko 271 Pooput Wanee 216 Orikuchi Shinobu 折口信夫 379 Pound Ezra 184 Ouyang Xiu 歐陽修 121 Price Ann Back 394 Przyluski Jean 381 Rouget Gilbert 383 Pu Songling 蒲松齡 30, 39, 42, 51, Rui Mei 79, 80 125, 129, 146, 157, 258, 288, Ryckmans Pierre 118, 365 311, 313, 321, 322, 334, 337, 381 Rydholm Lena 345 Pu Xinyu 溥心畬 131 Ryuichiro Sakisaka 189 Qian Decang 錢德蒼 403 Sadamu Maruo 189 Qian Hecen 钱鹤岑 36 Sadoul Georges 192, 383 Qian Liqun 錢理群 31, 381 Sakai Cécile 20 Qian Qianyi 錢謙益 382 Salotto Eleanor 383 Qian Zhonglian 錢仲聯 15, 382 Saṃghasena 僧伽斯那 383 Qian Zhongshu 錢鍾書 , 102, 382 Sangsue Daniel 58, 60, 70, 384 Qiao Zongyu 乔宗玉 382 Sasaki Ruth Fuller 384 Quesnay François 73 Sathienkoset 384 Qu Liuyi 曲六乙 382 Schaefer Jean-Marie 277, 384 Qu You 瞿佑 15, 92, 382 Schafer Edward 384 Qu Yuan 屈原 68, 158, 382 Schéhérazade 221 Rabut Isabelle 85, 127, 382 Schipper Kristofer 67, 160, 384 Râhula 168 Schmitt Jean-Claude 12, 160, 384 Rahula Walpola 230, 382 Schoonover Karl 202, 354 Ramachandran Manoj 382 Schopen Gregory 384 444 Rama III 227 Schyns Joseph 85 Rank Otto 382 Scott John 384 Ratchabandittayasapha 383 Segalen Victor 384 Rawski Evelyn S. 348 Seidel Anna K. 342, 359, 384, 387 Reiter Florian C. 366 Seignolle Claude 225 Renou Louis 383 Senanan Wipha 217, 384 Restany Pierre 164, 383 Sengyou 僧祐 384 Riboud Pénélope 351 Shakyamuni 166 Ricoli Carlo 222 Shangguan 330 Riemenschnitter Andrea 341 Shang Wei 391 Robert Marthe 336, 383 Shao Baoqing 20 Robinet Isabelle 383 Shao Bowen 36 Robin Françoise 220, 383 Shao Xiaohong 邵綃紅 102, 385 Rolland Romain 73, 75 Shao Xunmei 邵洵美 102, 128, 129 Rollet Sylvie 190, 193, 383 Shao Yong 邵雍 328, 385 Rombanelli Fabio 383 Shao Zengqi 邵曾祺 385 Rosset Clément 265, 383 Sha Zaohua 338 Rotella Mimmo 164 Shelley Mary 183, 229 Rotermund Hartmut O. 180, 181, Shelley Percy Bysshe 127 383 Shen Jianshi 49 Rotours Robert des 383 Shen Shilong 沈士龍 144 INDEX

Shen Yinmo 49 Sontag Susan 57, 386 Shi Changyu 石昌渝 346, 393 Sørensen Henrik H. 386 Shi Hu 159 Soymie Michel 169, 363, 386 Shi Huaichi 石懷池 385 Sribunruang Jit-Kasem 214, 387 Shimizu Yoshinori 清水良典 385 Steiner Christopher 387 Shi Nai’an 167, 385 Stein Rolf 387 Shirō Toyoda 191 Stendhal 287 Shitao 159 Stoker Bram 229 Shi Zhecun 施蟄存 58, 113-116, Strickmann Michel 169, 384, 387 127, 322, 385 Stuart Daniel M. 387 Showalter Elaine 270, 385 Subhindra 167 Shunzhi 166 Su Dongpo 蘇東坡 158 Shu Wei 舒位 385 Sun Qixiang 孫啟祥 387 Siebert Martina 386 Sun Simiao 孫思邈 388 Siefert René 390 Sun Xiao’ou 100 Siggstedt Mette 386 Sun Yat-sen 46, 332

Sigg Uli 157 Sun Yinggang 孫英剛 388 445 Sima 330, 335, 338 Sun Yirang 孫詒讓 388 Sima Changfeng 司馬長風 386 Supintuo Zunzhe 蘇頻陀尊者 167 Sima Ku 329, 333 Su Qing 蘇青 102 Sima Liang 334, 338 Su Shi 蘇軾 120, 121 Sima Qian 96 Susumu Hani 189 Sima Zhongyuan 司馬中原 386 Su Tong 苏童 20, 265, 297, 299, Simon Claude 329 300-306, 387, 400 Sippapak Yuthlert 228, 386 Sutton Donald S. 388 Siriboonrod Juntree 221 Suzuki Kōji 269 Siriwiphak Phani 227, 386 Swatek Catherine 388 Situ Qiao 司徒乔 119 Swearer Donald K 388 Sivin Nathan 373 Swinburne Algernon Charles 128 Sizong (empereur) 46 Szeeman Harold 157 Smith Judith G. 367 Tadie Jean-Yves 66, 388 Sologoub Fiodor 41 Taira (clan) 182 Song Danping 100 Takakusu Junjiro 349 Song Hwee Lim 389 Takiguchi Chuzo 181, 183 Song Lian 宋濂 386 Taksin (roi) 215 Song Shugong 宋书功 386 Tanaka Issei 田仲一成 388 Song Yu 宋玉 65 Tang Guizhang 唐圭璋 388 Tang Jun 湯俊 100 Tylor Edward B. 33 Tang Xianzu 16, 388 Ueda Akinari 上田 秋成 15, 390 Tang Xiaobing 唐小兵 99, 377 Vakulaou Nakula 167 Taniguchi Jirō 271 Vanavâsa 168 Tanyao 曇曜 398 Vechakon Hem เหม เวชกร 223-225, Tan Zhengbi 谭正壁 359 390 Tao Hongjing 陶弘景 388 Verellen Franciscus 384 Tao Mingzhi 陶明誌 48, 388 Verlaine Paul 128 Tao Qian 陶潛 143 Vermeer Johannes 164 Tao Yuanming 陶淵明 143 Vial Kayser Christine 367 Tarocco Francesca 129, 388 Vicente Javier 361 Tazi Nadia 368 Vijraputra 168 Teiser Stephen F. 7, 388, 389 Villeglé Jacques 164 Teo Stephen 389 Voltaire 73 Teshigahara Hiroshi 18, 177, 179, Vuilleumier Victor 17, 60, 66, 390 181-197, 389 Waley Arthur 391 Teshigahara Sofu 177 Wang Anyi 王安憶 247, 267 Tian Chao 田超 389 Wang Chong 12 Tian Rucheng 田汝成 389 Wang Chong 王 充 391 Tianxia Guiyuan 247, 250, 251, Wang Chuansong 王傳淞 391 446 252, 253, 254, 255, 256, 257, Wang David Der-wei 19, 29, 30, 58, 258, 259, 261, 262, 389 61, 70, 93, 98, 111, 123, 265, Tianxia Guiyuan 天下歸元 247 299, 304, 391 Tian Xiaofei 389 Wang Dewei 王德威 voir Wang Da- Tifany Daniel 389 vid Der-wei Tilley Christopher 389, 390 Wang Duanlü 王端履 37, 38 Tillman H. 363 Wang Frédéric 15 Ting Guo 390 Wang Guowei 王國維 163 Todorov Tzvetan 299, 303, 304, 390 Wang Jinzhi 331 Tolstoï Léon 287 Wang-Le Min Sook 15 Tong De 同德 390 Wang Liqi 王利器 391, 398 Traganou Jilly 235, 390 Wang Li 王立 391 Tresaco Pilar 361 Wang Meng 王蒙 295, 392 Troncy Éric 164 Wang Pu 128, 392 Tsai Ming-liang 蔡明亮 19, 201, Wang Qi 249 202, 203, 204, 205, 206, 207, Wang Qiugui 王秋桂 345, 348, 397 208, 209, 390 Wang Senran 王森然 392 Tsiang Katherine 398 Wang Shijie 392 Tsui Hark 87 Wang-Toutain Françoise 392 Tsu Jing 57, 390 Wang Xieru 汪協如 403 Tsuruta Norio 鶴田法男 234, 390 Wang Xijie 王希杰 392 INDEX

Wang Yinzhi 333, 337 Wong Wang-chi 99, 393 Wang Yiren 王以仁 17, 58, 59, 60, Woolf Virginia 276, 394 61, 64, 66, 67, 68, 69, 392 Wray T. J. 394 Wang Yousan 王友三 392 Wu Bin 吳彬 166 Wang Zhengpin 王正屏 392 Wu Changshuo 吳昌碩 163 Wang Zheng 汪政 392 Wu Cheng’en 30, 394 Wang Zhongmin 351 Wu Dacheng 吳大澂 163 Wang Zhongsan 王仲山 55, 403 Wu Guoquan 吳國權 18, 157, 158 Ward Julian 389 Wu Hung 119, 165, 394, 398 Watson James L. 348 Wujastyk Dominik 349 Watters T. 392 Wu Kezhai 163, 356 Wayman Alex 392 Wulin demon 300 Weber Max 392 Wumingshi (無名氏) 92, 94 Wechakon Hem 222, 223, 224, 225, Wu Sangui 46 226, 228 Wu Shuyin 吴书荫 394 Wedell-Wedellsborg Anne 305, 392 Wu Xinlei 吳新雷 394

Weerasethakul Apichatpong 203, Wu Zhifu 147 447 208, 210 Wu Zimu 吳自牧 394 Wei Fengjuan 韦风娟 393 Wu Zixu 伍子胥 96 Wei Shu-chu 393 Xiao Cuihua 小翠花 395 Wei Tiansi 254 Xiao Hong 66 Welch Holmes 359, 387 Xiao Hua 晓华 392 Weller Robert P. 385, 393 Xiao Xiangming 395 Wells Herbert G. 183 Xiao Zhiwei 395 Wen Tong 文同 120 Xia Tingguang 夏庭光 394 Weohong Songyot 227, 393 Xie Zhaozhe 谢肇浙 395 Whale James 183, 188 Xiong Quan 熊權 100, 395 White David Gordon 393 Xuan Ding 宣鼎 396 Wicks Ann B. 343, 393 Xuanzang 玄奘 396 Williamson Craig 393 Xuanzong 玄宗 65 Willis Bruce 179 Xu Beihong 徐悲鴻 123 Wind Edgar 162, 393 Xu Dishan 許地山 61, 395 Wisetkul Nokyung 221 Xu Fuming 徐扶明 395 Wolf Arthur 393 Xu Jie 许杰 38 Wolf Ernst 30 Xu Ke 徐珂 395 Wong Ain-ling 黃愛玲 367, 399 Xunzi 396 Wong Mary Shuk-han 393 Xu Peijun 徐培均 354 Xu Shen 许慎 395 Yijing 義淨 355 Xu Shuang 19, 251, 259, 395 Yinjietuo Zunzhe 因揭陀尊者 168 Xu Wei 159 Yin Qisheng 殷啟聖 397 Xu Xianglin 249, 253, 257, 263, 395 Yin Xin 18, 143-145, 147, 150, 151, Xu Xian 許仙 64 341 Xu Xishen 許禧身 395 Yoshimoto Banana 270, 271, 397 Xu Xu 徐訏 18, 83, 85, 86, 88, 89, Yoshiro Kawazu 189 90, 91, 94, 95, 97, 98, 100-103, Yuan Hongdao 袁宏道 398 396 Yu Anthony 9, 397 Xu Yuan 徐元 402 Yuan Yuan 袁渊 74 Yamagami Norio 181 Yu Biyun 俞陛雲 397 Yamagata Bantō 山片蟠桃 396 Yu Chengde 俞承德 37, 38 Yamanaka Chizū 183 Yu-cheng Shih Victor 372 Yanagita Kunio 33 Yu Dafu 郁達夫 57-60, 62, 69, 397 Yan Fu 332, 396 Yue Fei 岳飛 63 Yang Bojun 楊伯峻 374 Yue Fen 岳墳 63 Yang Ch’ing K’un 110, 396 Yue Wang miao 岳王庙 63 Yan Geling 嚴歌苓 247 Yu Hua 265 Yang Fengjie 楊鳳杰 397 Yu Jin 144 Yang Fudong 210 Yu le Grand 146 448 Yang Guifei 楊貴妃 65 Yūmoto Koichi 湯本豪一 235, 398 Yang Jiang 楊絳 102 Yu Mo-wan 397 Yang Limin 杨立民 158, 397 Yu Pingbo 49 Yang Linggong 250 Yu Pin 于斌 74 Yang Linxi 杨林夕 395 Yu Runmin 俞潤民 398 Yang Liulang 250 Yu Ying-shi 7, 398 Yang Qilang 250 Yu Yue 俞樾 13, 398 Yang Qiuhong 杨秋红 397 Yu Zhi 余治 398 Yang Sao 楊騷 94, 95, 342 Zeitlin Judith T. 9, 13, 87, 113, 114, Yang Xin 楊新 166, 343, 397, 403 160, 304, 322, 398, 399 Yang Yanmei 杨艳梅 397 Zeng Bairong 曾白融 399 Yang Zhihe 楊致和 397 Zeng Yu 曾煜 93, 399 Yan Jiayan 嚴家炎 92, 396 Zeng Zhaomin 曾昭岷 399 Yan Lianke 305 Zenzo Matsuyama 189 Yan Zhitui 396 Zhai Ruqin 赵茹琴 401 Yan Zonglin 阎宗临 17, 73-81, 396 Zhang Cixi 张次溪 399 Ye Lingfeng 葉靈鳳 66, 397 Zhang Guangyu 張光宇 128 Ye Niu 野牛 163, 397 Zhang Heng 張衡 112 Ye Peixiang 葉佩纕 16 Zhang Jingyuan 57, 58, 399 Ye Qianyu 128 Zhang Junmai 32 Ye Si 也斯 309 Zhang Juxiang 張菊香 30, 39, 399 Yian Tsouan Lin 73, 397 Zhang Qinghua 張清華 323, 399 INDEX

Zhang Qiyun 張其昀 399 託迦尊者 168 Zhang Shuqiong 張淑瓊 399 Zhu Chongzhi 朱崇志 403 Zhang Tierong 張鐵榮 30, 39, 55, Zhu Guangqian 朱光潛 34, 403 399, 403 Zhu Guochen 朱國忱 403 Zhang Wanli 392 Zhu Kai 朱凯 , 250, 403 Zhang Weizhong 张卫中 303, 400 Zhu Shirong 朱式容 403 Zhang Wei 張煒 294, 399 Zhu Wei 朱威 279, 403 Zhang Xuexin 张学昕 299, 303, Zhu Xi 12 305, 306, 387, 400 Zhu Youdun 249 Zhang Yanghao 張養浩 400 Zong Lin 宗懍 403 Zhang Yanyuan 166 Zuferey Nicolas 403 Zhang Yinde 21, 57, 128, 251, 395, Zuo Hongying 左红英 403 400 Zuo Liangyu 46 Zhang Yingjin 395 Zhang Youhe 张友鹤 68, 400 Index des peuples Zhang Zai 12, 39 Anglais 312

Zhang Zhen 400 Birmans 227 449 Zhang Zhenguo 張振國 58, 400 Cambodgiens 220 Zhang Zhenhuai 張珍懷 400 Chinois 9, 31, 32, 36, 37, 41, 44, Zhang Zhenjun 张振军 400 45, 73, 123, 131, 145, 158, 160, Zhan Qianyu 399 165, 253, 289, 317, 332 Zhao Bangyan 趙邦彥 401 Italiens 169 Zhao Runmin 趙潤民 279, 352, Japonais 18, 190, 328, 329 347, 358, 403 Jürchens 63 Zheng Guangzu 鄭光祖 68, 401 Occidentaux 213, 227 Zheng Rongjian 郑荣健 401 Taïwanais 12, 145 Zheng Xiaoru 鄭孝胥 401 haïlandais 211, 213-216, 220, 223, Zhiyi 智顗 401 226, 227, 229 Zhong Kui 鍾馗 114, 147, 160, 368 Zhou Chengren 402 Zhou Chen 周臣 14 Zhou Qingyuan 周清源著 402 Zhou Zhi 周志 402 Zhou Zuoren 周作人 17, 29, 30-54, 111, 130, 388, 402, 403 Zhu Bangjia 朱邦贤 388 Zhucha Bantuojia Zunzhe 注茶半 450 contriButeurs

CONTRIBUTEURS

Georges Bê Duc, maître de conférences à l’Université de Picardie- Jules Vernes. Spécialiste de Zhou Zuoren, auquel il a consacré une mo- nographie (Zhou Zuoren et l’essai chinois moderne, 2010) et plusieurs articles. Annie Bergeret Curien, chercheuse CNRS au Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine de l’EHESS, auteur de très nombreuses traductions et études sur la littérature chinoise contemporaine. Alice Bianchi, maître de conférences à l’Université Paris- Diderot LCAO, spécialiste d’histoire de l’art, étudie la représentation des gueux et des marginaux dans l’art de la Chine impériale. Michel Chambon, Doctorant en anthropologie à Boston University, théologien et spécialiste des chrétiens chinois. Chen Qin, Doctorante, Ohio State University, spécialiste de littérature chinoise populaire moderne, cinéma, littérature internet. 451 Christophe Commentale, conservateur en chef au Musée de l’Homme et chercheur associé au Musée national des minorités de Chine à Pékin. Spécialiste de l’estampe chinoise, il a été commissaire de nombreuses expositions, parmi lesquelles Cent ans d’art chinois (2009, Paris). Solange Cruveillé, maître de conférences à l’Université Paul Valéry de Montpellier, Chercheur à l’IRIEC – Institut de Recherche Intersite en Études culturelles (Montpellier III) spécialiste de littérature fantastique chinoise et traductrice littéraire. Vincent Durand-Dastès, professeur à l’Inalco-Équipe ASIEs, spécialiste du surnaturel dans la littérature narrative chinoise pré-moderne. Colette Girard, étudiante en Bachelor of Law à l’Université de Fribourg, diplômée du Master en Histoire contemporaine et Langues et littérature chinoise de l’Université de Fribourg. Vincent Goossaert, Directeur de recherche à l’École pratique des Hautes Études EPHE, historien du taoïsme et de la société chinoise. Rania Huntington Associate Professor of Chinese, University of Wisconsin, Madison, auteur notamment de Alien kind: Foxes and Late Imperial Chinese Narrative (Harvard, 2004) et de “Ghosts Seeking Substitutes: Female Suicide and Repetition”, Late Imperial China, 2005. Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, tome 1 Marie LaureiLLard et Vincent durand-dastès (dir.)

heeraphong Inthano, Maître de Conférences de thaï à l’Inalco et membre du Centre d’Études et de Recherche sur les Littératures et Oralités du Monde et de l’Institute of Film and heatre studies and Cultural Anthropology de la Johannes Gutenberg Universität, spécialiste de littérature, cinéma et média contemporains thaïlandais. Frank Kraushaar, Associate Professor for Chinese Literature and Culture at the University of Latvia (Riga/Latvia) and Visiting Professor of Chinese Literature at the Estonian Institute of Humanities (Tallinn/ Estonia). Marie Laureillard, Maître de conférences, Université Lyon 2 – Lumière, Institut d’Asie Orientale, spécialiste d’histoire culturelle, histoire de l’art et littérature chinoises modernes et contemporaines, traductrice. Le-Wa ng Min Sook, Maître de conférences, Université Lyon 3, IETT, Lyon 3, spécialiste de littérature coréenne moderne et contemporaine. Emmanuel Lincot, Professeur à l’Institut catholique de Paris, spécialiste de l’histoire culturelle et politique de la Chine contemporaine et de l’art contemporain chinois. Rosa Lombardi, associate professor à Università degli Studi Roma Tre, spécialiste et traductrice de littérature chinoise contemporaine. François Macé, Professeur émérite, Inalco-CEJ, spécialiste du shintō 452 et de l’histoire des religions japonaises. Sandrine Marchand, Maître de conférences, université d’Artois, spécialiste et traductrice de poésie chinoise classique et moderne. Costantino Moretti, ingénieur de recherches à l’EPHE, spécialiste du bouddhisme chinois médiéval et des manuscrits de Dunhuang. Jacline Moriceau, chercheuse indépendante, spécialiste du cinéma. Corrado Neri, Maître de conférences, Université Jean Moulin- Lyon 3, IETT, spécialiste des cinémas d’Asie orientale. Kenny Kwok Kwan Ng 吳國坤, Assistant Professor, Hong Kong Baptist University, Academy of Film, spécialiste des rapports entre histoire et politique dans la littérature et le cinema chinois modernes. Pan Junliang, maître de conférences à l’Université Paris-Diderot- CESSMA, spécialiste de la religion chinoise médiévale et des pratiques religieuses contemporaines des Chinois d’outre-mer. Mary Picone, Maîtresse de conférences en anthropologie et japonologie, EHESS, spécialiste des représentations de la mort dans la culture japonaise et de l’étude anthropologique du cinéma d’Asie orientale. Annika Pissin, PhD, Research Fellow, Lund University (Sweden), spécialiste d’anthropologie historique, travaille sur le statut de l’enfant dans la Chine ancienne et moderne. contriButeurs

Cécile Sakai, Professeur des Universités, Université Paris Diderot, UFR LCAO, et membre du CRCAO (UMR 8155). Auteur notamment de Kawabata le clair-obscur : essai sur une écriture de l’ambiguïté, Paris : PUF, 2001, rééd. 2014, et de plusieurs traductions de la littérature japonaise moderne. Shao Baoqing, Maître de conférences, UBM (Université Bordeaux Montaigne), chercheur au centre TELEM, spécialiste de littérature chinoise et traducteur. Victor Vuilleumier, Maître de conférences, Université Paris Diderot – Paris 7, membre du Centre de recherche sur les civilisations d’Asie orientale (CRCAO, Paris). Ses recherches et publications portent sur la littérature chinoise du xxe siècle, le corps et les gender, l’histoire culturelle et intellectuelle de la Chine moderne. Frédéric Wa ng, professeur à l’Inalco-Équipe ASIEs, spécialiste de philosophie chinoise et de sémiologie. Xu Shuang, Maître de conférences, Université Paris-Diderot University, CRCAO (UMR 8155), spécialiste de littérature chinoise contemporaine. Judith T. Zeitlin, William R. Kenan, Jr. Professor in Chinese Literature, University of Chicago, auteur notamment de Historian of the strange: Pu Songling and the Chinese Classical Tale, 1993 et de he Phantom heroine, Ghosts and Gender in Seventeenth-Century Chinese 453 Literature, 2013. Zhang Yinde, Professeur, université de Paris 3, auteurs de nombreux articles et ouvrages sur la littérature chinoise moderne et contemporaine et la littérature comparée.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos 5 Marie Laureillard et Vincent Durand-Dastès

UNE ESTHÉTIQUE DE LA FANTASMAGORIE 23

AUTEURS HANTÉS DE LA LITTÉRATURE MODERNE 25

Zhou Zuoren et les fantômes 29 Georges Bê Duc

Fantômes de l’âme et spectre du corps dans « L’Oie sauvage solitaire » (1926) de Wang Yiren 57 Victor Vuilleumier

Histoires de rêves et de fantômes chez Yan Zonglin (1905-1978) 73 Colette Girard

Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost”: A Study of Xu Xu’s “Ghost Love” 85 Chen Qin

IMPRESSIONS D’OUTRE-TOMBE ET OMBRES ÉLECTRIQUES 107

Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? 109 Marie Laureillard

Peindre les fantômes 133 Feng Zikai

Des fantômes chinois aux xxe et xxie siècles 143 Christophe Comentale Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » : le peintre et ses fantômes 157 Emmanuel Lincot

Sous le signe du masque : de quoi les fantômes sont-ils le signe dans le cinéma de Teshigahara Hiroshi ? 177 Jacline Moriceau

Tsai Ming-liang: From Cinema of Ghosts to the Ghost of Cinema 201 Corrado Neri

Amour, vengeance, mort : les fantômes dans la littérature et le cinéma contemporains thaïlandais 213 Theeraphong Inthano

Haunted Sites: Where to Visit Ghosts According to Written or Filmed Collections of Personal Experiences 233 Mary Picone

FANTÔMES ROMANESQUES D’AUJOURD’HUI 245

Figures du fantôme dans le roman sur Internet : l’Impératrice Phénix (Di Huang) de Tianxia Guiyuan 247 Xu Shuang

La littérature féminine au Japon ou comment apprivoiser les fantômes 269 Cécile Sakai

Le fantomatique et le réalisme : les fantômes dans Bailuyuan (Au pays du cerf blanc) de Chen Zhongshi 279 Baoqing Shao

The Presence of Fantastic Elements in Su Tong’s Short Stories 299 Rosa Lombardi

L’éveil des esprits chez le romancier hongkongais Leung Ping-kwan 309 Annie Bergeret Curien Les démons de l’utopie dans l’œuvre de Mo Yan 321 Yinde Zhang

Bibliographie générale 341

Index 405

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Illusion and Disillusionment in the Name of the “Ghost”: A Study of Xu Xu’s “Ghost Love” 85 Figure 1 A man encounters an enchanting woman (a ghost); they fall in love with each other. From the Hong Kong ilm A Chinese Ghost Story (1987) 88

Comment peindre un fantôme à l’époque de Feng Zikai ? 109 Illustration 1 : Feng Zikai, « Sabre et bâton d’éveil unissent leurs forces » (1949) 111

Illustration 2 : Feng Zikai, illustrations du conte « Le professeur voit un fantôme » (1947) 118

Illustration 3 : Feng Zikai, « Là où nous avions partagé de joyeux repas pousse maintenant un grand arbre » (1946) 119

Des fantômes chinois aux xx et xxie siècles 143 Illustration 1: Li Kuanglang, 1990, calligraphie d’un texte du Soushen houji, « La tête du mort », interprétation sérigraphique, 32 x 24 cm 148

Illustration 2 : Chen Chao-pao, 1990, le Chien jaune, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 149

Illustration 3 : Chen Chao-pao, 1990, le Devin tartare, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 149

Illustration 4 : Chen Chao-pao, 1990, Fils de dragon, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 149

Illustration 5 : Chen Chao-pao, 1990, la Tête de mort, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 149

Illustration 6 : Chen Chao-pao, 1990, Mademoiselle Zhang, gravure sur bois sur papier xuan, 35 x 26 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 150

Illustration 7 : Yin Xin, 1993, la Tête de mort, 2, gravure sur bois sur papier vergé, 32 x 24 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 151 Illustration 8 : Yin Xin, 1993, la Tête de mort, 5, gravure sur bois sur papier vergé, 32 x 24 cm, ill. réalisée pour le Soushen houji 151

Wu Guoquan ou Hei Gui, le « Diable noir » : le peintre et ses fantômes 157

Illustration 1 : Hei Gui, 1996, Portraits de famille : inceste pur, huile sur toile, 175 x 120 cm, collection privée 170

Illustrations 2-3 : Hei Gui, 1992, Le jeu de cartes : Bach, Mahomet, encre sur papier 171

Illustration 4 : Hei Gui, 1996, Sans titre (encres et collages), collages et encres, 100 x 50 cm. 172

Illustration 5 : Hei Gui, 1997, Arhats et fantômes. Série, papier et encres, 30 x 20 cm 173

Sous le signe du masque : de quoi les fantômes sont-ils le signe dans le cinéma de Teshigahara Hiroshi ? 177

Illustration 1 : Traquenard. Le fantôme du mineur assassiné 178

Illustration 2 : Traquenard. L’entrée dans le village fantôme 178

Illustration 3 : Le Visage d’un autre. Masque-créature oni 181

Illustration 4 : Le Visage d’un autre. L’éclair blanc 184

Illustration 5 : Le Visage d’un autre. L’animal écartelé 184

Illustration 6 : Traquenard. Je voudrais devenir un démon 185

Illustration 7 : Traquenard. Les chiens 186

Illustration 8 : La Femme des sables. Le devenir-animal 187

Illustration 9 : La Femme des sables. L’œil du corbeau 191

Achevé d'imprimer en septembre 2017

par ISI Print

15 rue Francis de Pressensé

93210 La Plaine Saint-Denis

N° d'impression : 131700

Imprimé en France