<<

Le RER, des origines à sa réalité De 1835 à 1969 Parmi ceux qui l’appellent « RAIRE » afin d’aller encore… plus vite, qui se souvient que RER signifie Réseau Express Régional ? Moyen de transport souverain pour tous les Franciliens souhaitant se déplacer efficacement, c’est sous la monarchie de juillet que son ancêtre le chemin de fer lui a ouvert la voie. Une voie, ou plutôt des voies, qu’il emprunte toujours aujourd’hui !

Itinéraire ligne de Sceaux 1845-1935

L’HISTOIRE DU RER ? UNE LOGIQUE PAR A + B

ertes, en eff et, la RATP exploite aujourd’hui la Cligne A du RER (excepté les branches de Cergy et de ) ainsi que la partie sud de la ligne B (entre et Saint-Rémy-lès-Chevreuse ou Robinson). Mais l’histoire veut que la première ait été constituée par deux anciennes lignes SNCF – celle de Saint-Germain-en-Laye et celle de Vincennes - reliées entre elles en 1977. Quant à la seconde (ex ligne de Sceaux), elle a été modernisée et prolongée de Luxembourg à Châtelet-Les-Halles puis à Gare du Nord, pour fi nalement être interconnectée à la ligne Embarcadère du chemin de fer de Saint Germain. (1837) SNCF de Roissy et Mitry. Bref, le RER, c’est d’abord un Récit avec un grand R ! 1835

Création de la Compagnie du Chemin de fer de Saint-Germain-en-Laye. 3

Saint-Germain-en-Laye en première ligne Retour au XIXe siècle. À l’époque, le chemin de fer fait très vite ses preuves en tant que mode de transport apte à développer les échanges voyageurs. Et c’est à l’ouest de la capitale qu’est établie la première ligne de ce qui deviendra, plus d’un siècle plus tard, le RER que nous connaissons de nos jours. Il faut dire que cette véritable révolution a tout pour attirer non seule- ment les usagers… mais aussi les hommes d’aff aires. Emile Pereire est de ceux-là. Avisé, il demande la concession d’un chemin de fer allant de à Saint- Germain-en-Laye, future amorce d’une ligne allant plus loin vers la province. Requête exaucée ! Malgré la concurrence d’autres projets, il obtient la concession en juillet 1835 et crée trois mois plus tard la bien nommée Compagnie du Chemin de fer de Saint-Germain- Gare de Denfert-Rochereau. (1943) en-Laye. En un temps record - le trajet de 19 km s’eff ectue en Ce qui n’est alors qu’un modeste embarcadère parisien 30 minutes - les parisiens peuvent dorénavant aller est implanté au sud de la Place de l’Europe, non loin respirer le bon air de la campagne. Ce qu’ils font en des boulevards extérieurs de l’époque. Mais on n’arrête grand nombre, malgré les conditions de confort toutes pas le progrès, au contraire : la ligne est construite en relatives ! deux ans, grâce à un fi nancement facilité par la présence des frères Rothschild. Résultat ? Dès le 24 août 1837, Succès oblige, les deux premières gares intermédiaires la reine Marie-Amélie, épouse du roi Louis-Philippe, de et de Nanterre sont ouvertes en octobre inaugure en grande pompe cette première ligne de 1837, suivies en 1838 par celle d’Asnières. La même chemin de fer destinée au transport des voyageurs. année, la voie jusque-là unique est doublée. D’un effet de curiosité, on passepasse certes à un désir de prome- nade, mais aussi à une réelle réponse à lala nécessiténécessité dede relier Paris à à ses ses villages villages alentours : la banlieue com- mence ainsi son existence et c’est dans cet esprit que les gares dede ColombesColombes etet dede Rueil voient le jour à leur tour, respectivement en en 1843 et 1844.

1re ligne de chemin de fer destinée au transport des voyageurs.

Cliquer sur la photo pour zoomer. 1837

Environs de Paris (plan extrait du livre de Louis Lagarrigue). (1841) Dessertes pour tout le monde Si la modernité avance à grands pas, les locomotives, Dès 1908, la Compagnie de l’Ouest envisage donc le elles, s’essouffl ent : ainsi, leur puissance trop faible ne recours à la traction électrique sur ses lignes de leur permet-elle pas de gravir le dénivelé vertigineux proche banlieue, et notamment sur celle de Saint- de… 51 mètres séparant la Seine du terminus de la Germain-en-Laye. Une solution d’autant plus encou- ligne, que le projet prévoit à Saint-Germain-en-Laye ! ragée que l’utilisation du courant continu 650 V sur Qu’à cela ne tienne : pour assurer la continuité de la la ligne des Invalides, sur le PO (Paris Orléans) et sur les desserte, « un chemin de fer atmosphérique » est mis lignes de métro parisien a déjà donné toute satisfaction ! en service en 1847 entre lesdites communes, à savoir C’est donc très naturellement que le plan d’électrifi - et Saint-Germain-en-Laye. cation va être approuvé en 1910.

Ce curieux dispositif pèche non seulement par son Mais la guerre interrompt momentanément le processus coût prohibitif, mais aussi par sa dangerosité : suite à et il faudra attendre des années, après l’issu du confl it, un accident, on y mettra fin en 1859 au profit de pour qu’il soit repris. Non sans réussite ! trains tractés ou poussés par des locomotives à vapeur ! À partir de 1860, ces merveilleuses machines assurent ainsi avec un certain panache (de fumée), et sans rupture de charge, la liaison entre Saint- Germain-en-Laye, le Pecq et Paris. Certes, au fi l des ans, les dessertes s’améliorent ; mais dans le même temps, les durées de parcours augmentent au fur et à mesure que s’ouvrent les gares intermédiaires corres- pondant aux nouveaux lotissements.

Dans le sens du courant Autant dire que le trafi c augmente, ce qui va très vite entraîner de grandes diffi cultés d’exploitation, notam- ment à Saint-Lazare. La faute à la traction vapeur qui, à une époque où la réversibilité n’est pas encore en vigueur, oblige les locomotives à des manœuvres de retournement particulièrement gourmandes en voies et en temps !

Locomotive à vapeur du chemin de fer d’0rléans en gare de Cité Universitaire. (1939)

Tramway le Paris Saint- Germain : locomotive à vapeur de type Francq. (1889) 5

Carte postale : gare et château de Saint Germain-en-Laye. (1906)

Le 27 avril 1924, la traction électrique 650 V continu Une amélioration des conditions de voyage qui en avec 3e rail latéral par prise en dessous est ainsi mise entraîne d’autres, comme l’équipement des lignes en en service entre Paris et Bécon-les-Bruyères. La presse blocks automatiques lumineux : après des tests et le public saluent ces automotrices électriques concluants entre Rueil et Le Pecq, toute la petite toutes neuves qui donnent un coup de vieux aux banlieue au départ de Saint-Lazare en sera dotée rames vapeur et aux voitures à impériale à l’inconfort entre 1924 et 1931 ! Sans oublier une autre avancée notoire. Une belle énergie anime les décideurs : l’élec- majeure, laquelle consiste pour le réseau Etat à placer trifi cation de la ligne de Saint-Germain-en-Laye se ces lignes de banlieue sous l’autorité de régulateurs, prolonge en juin 1926 jusqu’à Rueil, puis jusqu’à son chargés de prendre toutes les mesures utiles à la terminus en mars 1927. bonne gestion du trafi c.

C’est du reste l’électrifi cation du Paris-Rueil qui va donner l’idée d’appliquer sur cette ligne une desserte par zone. Objectif ? Raccourcir les temps de trajet pour les voyageurs les plus éloignés de Paris, grâce à la mise en circulation de trains semi-directs.

Mise en service de la traction électrique.

1924 Ancienne gare de Chatou Croissy. (1950) Signalisation de la ligne de Sceaux : signal de block À L’EST, DU NOUVEAU et de manœuvre. (1936)

u XIXe siècle, la banlieue Est de Paris se trouve Guinguettes et friture sur la ligne Abeaucoup moins bien desservie que la banlieue Et pourtant, quel parcours ! Dans Paris, Ouest. Ainsi n’existe-t-il aucune ligne de chemin de la ligne est établie sur un long viaduc fer entre Paris et Strasbourg au nord et Paris et Dijon en maçonnerie de 75 arches le long de au sud. Décidée par Napoléon III, la création du Bois l’avenue Daumesnil actuelle. Puis elle de Vincennes, sous la direction de l’ingénieur emprunte les futures gares de Reuilly (1877) Alphand, va être l’élément déclencheur de la et de Bel-Air (1861), où elle croise la Petite construction d’une ligne de chemin de fer – celle-ci Ceinture. Ensuite, après avoir dépassé le étant destinée, par ailleurs, à desservir les boucles tunnel de Saint-Mandé, elle atteint la gare de la Marne. Plusieurs projets sont proposés. du même nom et contourne le bois de Les pouvoirs publics retiennent celui de la Compagnie Vincennes, non sans desservir au passage les localités du Chemin de fer de Paris à Strasbourg, qui obtient de Vincennes, Fontenay-sous-Bois, Nogent sur Marne la concession d’une ligne Paris-La Varenne en 1853. (où se trouve un dépôt) et enfin, Joinville-le-Pont. Enfi n, elle fait escale dans les gares situées à l’intérieur Comme souvent, l’implantation de la gare terminale de la grande boucle de la Marne (occupée aujourd’hui dans Paris pose des problèmes. En 1858, après par la commune de Saint-Maur-des-Fossés)… avant maintes discussions et alors que les travaux sont en d’atteindre son terminus de la Varenne, à 17 km de cours, la décision est prise d’installer l’embarcadère Paris ! place de la Bastille. Les travaux durent presque cinq ans, jusqu’à ce que la ligne soit discrètement ouverte Qui s’en étonnera ? Dès son ouverture, cette ligne de au public le 22 septembre 1859. la Bastille connaît un grand succès, notamment les dimanches et jours de fête au cours desquels, comme Chemin de fer prévu, le bois de Vincennes, mais aussi la Marne et ses de Vincennes : guinguettes, attirent de nombreux promeneurs. Sans gare de la compter qu’en semaine, les trains ouvriers permettent Bastille. (1906) de rallier Paris rapidement, ce qui n’est pas pour rien dans l’urbanisation et le développement de la région.

Ligne de Bastille : gare de Vincennes. 1906 7

Prolongements à toute vapeur 1 Hélas, la guerre de 1870 va empêcher la réalisation du projet de prolongement de la ligne jusqu’à Brie- Comte-Robert. Après le confl it, durant lequel de violents combats ont lieu aux abords de la ligne, cette dernière doit être reconstruite en plusieurs endroits. Ce n’est qu’ensuite que les travaux du prolongement vont reprendre, stimulés par un trafi c reparti à la hausse.

Voilà qui laisse augurer de belles inaugurations. Le 5 septembre 1872, un premier tronçon est ouvert, qui rallonge la ligne de 2,6 km jusqu’à Sucy-Bonneuil après franchissement de la Marne. Moins de deux ans 2 plus tard, le 9 juillet 1874, la ligne atteint Boissy- Saint-Léger, 2100 m plus loin. Le 5 août 1874, cette même ligne de Vincennes est à nouveau prolongée et atteint Brie-Comte-Robert, à 36 km de Paris ! Enfi n, sans que la Compagnie de l’Est n’y soit d’ailleurs très favorable, elle va une dernière fois faire l’objet d’un pro- longement de 18,2 km, pour atteindre Verneuil-l‘Etang sur la ligne Paris-Troyes. C’est qu’ici, le trafi c marchandise promet d’être encore plus important que le trafic voyageur. 1 Passage d’un train à vapeur en gare Un tel accroissement du trafic ne peut qu’inciter de Saint Maur. (1906) la Compagnie de l’Est à moderniser les installations, la signalisation de la ligne et son exploitation. Ce qui 2 Passage d’un train à vapeur sous la passerelle n’empêchera pas la compagnie, au lendemain de la des lacs au parc de Saint-Maur. (1906) Grande Guerre, de maintenir la traction vapeur sur la ligne de Vincennes là où, au même moment, l’ouest électrifie ses petites lignes de banlieue. En réalité, il faudra attendre pour voir la ligne modernisée de fond Plan de la ligne Bastille, en comble, et notamment électrifiée, avant d’être gare de Vincennes. (1949) cédée à la RATP.

La ligne de la Bastille connaît un grand succès, avec le bois de Vincennes, mais aussi la Marne et ses guinguettes, qui attirent de nombreux promeneurs. ARNOUX AU ROYAUME DES ESSIEUX

n l’a vu, la faible puissance

P

o des locomotives oblige les

r O t r premières lignes de chemin de fer a i t à adopter le profi l le plus favorable d e possible. C’est la la raison raison pour pour Je a n laquelle elles sont construites dans -C lau des vallées souvent sinueuses, dont les de Arnoux nombreux ponts et tunnels ont pour but de diminuer le nombre de courbes serrées. L’alternative est donc simple : il s’agit de choisir entre une vitesse réduite en raison des courbes… ou d’opter pour un tracé rectiligne impliquant la création de nombreux ouvrages plus lourds en terme d’investissement.

Pour résoudre ce dilemme, Jean-Claude – Républicain Arnoux (1792-1866) va imaginer un train articulé à essieux radiants. Avantage majeur de ce système ? La possibilité pour le train de prendre des courbes serrées ! Le premier essieu étant guidé par des galets obliques, il entraine en effet la convergence des essieux suivants grâce à un ensemble de timoneries et de chaines. Le brevet dûment déposé en mars 1838, une commission présidée par le physicien Arago en reconnaît tout l’intérêt et demande des essais en grandeur réelle. En 1839, Arnoux construit donc 1 à Saint-Mandé son premier chemin de fer expérimental, avant de réitérer l’expérience en 1840 sur un circuit 1 Schéma du dispositif Arnoux à voie large (1,75 m). Les essais sont concluants, qui (ligne de Sceaux). (1936) démontrent qu’avec une telle technique un train peut rouler à 44 km/h dans une courbe de 50 mètres de 2 Débarcadère ou terminus rayon ! de Sceaux. (1857)

2

Jean-Claude Arnoux dépose le brevet du train articulé à essieux radiants qui lui permet de prendre 1838 des courbes serrées. 9

ARNOUX AU ROYAUME DES ESSIEUX

Et si on faisait un saut à Sceaux ? Ne reste plus alors qu’à équiper une ligne « réelle » pour que le nouveau système puisse apporter la preuve de son efficacité. Dont acte ! Après deux échecs pour obtenir la concession du chemin de fer de Paris à Saint-Maur, puis de Paris à Meaux, Arnoux se voit proposer par le Gouvernement la nouvelle ligne Paris-Sceaux. Le projet tombe bien : écartée du projet de ligne reliant Paris à via Chartres et Tours, la région de Sceaux réclame en effet une liaison Voiture primitive de troisième classe avec rideaux, rapide avec la capitale. de la compagnie du Paris-0rléans. Système Arnoux. (1857)

Aussitôt dit, aussitôt fait. La loi autorise la concession le 5 août 1844 et un mois plus tard, jour pour jour, « Embarcadère » Arnoux signe la convention de concession du Chemin de Sceaux. (1936) de fer de Paris à Sceaux.

Les travaux de construction de cette ligne à voie unique de 10,5 km peuvent alors commencer. Initiés en 1845 puis menés à un… train soutenu, ils débouchent sur l’inauguration de la ligne le 7 juin 1846 en présence des fi ls du roi Louis-Philippe. Le 23 du même mois, elle est mise en service.

L’embarcadère de la ligne de Sceaux se situe en dehors de Paris, à la barrière d’Enfer (la place Rochereau actuelle) sur la portion du territoire qui appartient encore à la commune de Montrouge et qui sera annexée en 1860. Son prestigieux bâtiment voyageurs, que nous connaissons encore aujourd’hui, est dessiné en courbe afi n d’épouser les voies – lesquelles forment une « raquette » de 25 m de rayon destinée à retourner les trains sans manœuvrer la locomotive.

Locomotive type 111 no2, serie 1 à 5, construite en 1857 aux ateliers d’Ivry par la compagnie du Paris-Orleans et reformée en 1883. Système Arnoux. (1883) Les courbes, un vrai tournant Des pavés et une crise C’est ensuite par un tracé relativement sinueux que la Pour accroitre la rentabilité de sa ligne, Arnoux souhaite ligne, avec un premier arrêt à Arcueil, se dirige vers la faire arriver jusqu’à Orsay. Son calcul ? Capter Bourg-la-Reine… dont la gare s’inscrit quant à elle l’important trafi c de pavés qui y sont extraits afi n dans une nouvelle courbe de 30 m de rayon ! Une bonne d’en assurer le transport vers Paris, ville dont les rues manière d’annoncer celles qui vont suivre, car c’est en nécessitent une chaussée moderne. eff et en empruntant des lacets dignes d’une région de montagne que la ligne de Sceaux poursuit sa route Au-delà, il imagine atteindre la vallée de Chevreuse, le jusqu’à son terminus ! plateau de Limours et des régions plus lointaines encore. Requête acceptée, une nouvelle fois : dès le Si les premières centaines de mètres sont rectilignes 16 avril 1845, le prolongement à Orsay est déclaré jusqu’à Fontenay-aux-Roses, la ligne, par la suite, d’utilité publique et le 28 juin, le projet Arnoux est escalade littéralement le relief. Comment ? Grâce une choisi. Cependant, il est décidé qu’il ne s’agirait là ni rampe de 11,5 pour mille, présentant une succession d’un prolongement, ni d’un débranchement depuis de courbes de faible rayon (entre 50 et 70 m) que rien Sceaux, mais d’un débranchement depuis Bourg-la-Reine. ne justifi e, sinon la volonté de prouver l’excellence du système des trains articulés ! C’est compter sans la crise économique majeure que va connaître la France en 1846-1847. À mesure que Quant à l’embarcadère de Sceaux, à l’instar de celui de baisse le niveau de vie général, le trafi c diminue lui Paris, il est équipé de voies en raquettes : de quoi assurer aussi. Telle une machine folle, le cycle infernal endet- la desserte de la ligne à raison d’un train toutes les tement/emprunt va rapidement mettre la Compagnie deux heures, le trajet durant trente minutes ! Il va sans au bord de la faillite. dire que le succès de cette ligne va être immédiat : malgré la mise en circulation de trains Des travaux du prolongement sont néanmoins entre- supplémentaires, on refuse du monde pris – et cela grâce à la bienveillance d’Arago, défenseur certains dimanches ! de toujours du système Arnoux et nouveau ministre du gouvernement provisoire. C’est d’ailleurs ce même gouvernement qui, le 1er janvier 1849, Panneau n’hésitera pas à mettre la Compagnie lumineux des stations défaillante sous séquestre afin de desservies. (1945) continuer à en exploiter la ligne.

« Embarcadère » de Sceaux. (1936) 11

Le plan Orsay Solution effi cace, mais qui ne résout pas pour autant le problème des créanciers ! Pour tout le monde, le salut passe en eff et par le prolongement jusqu’à Orsay de la ligne - dont les travaux sont pour l’heure suspendus en attendant un éven- tuel repreneur. L’idée fait son chemin : en juin 1852, la convention relative au pro- longement de Bourg-la-Reine à Palaiseau est signée avec la Compagnie ; puis, en juin 1853, celle du prolongement à Orsay approuvée par la loi ; et le 23 septembre 1853, c’est très logiquement que la Com- pagnie de Sceaux devient la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orsay. Plan de la ligne de Sceaux. (1938)

Sur le terrain, ça bouge aussi. Le cahier des charges Rivalités et compagnies prévoit la transformation de la voie large en voie normale À cette époque, le réseau ferré national se construit de 1,44 m, ainsi que la suppression des courbes serrées et la concurrence entre les grandes Compagnies de inutiles. De même, le nouveau tronçon dessert quatre chemin de fer bat son plein. La Compagnie du Paris- gares à Antony, Massy (Verrières), Palaiseau et Orsay, Orléans-Tours ferraille ainsi avec celle du sud-ouest, sans compter deux « haltes provisoires » à la Croix-de- société écran du Grand Central, désirant établir une Berny et Lozère. La ligne est ouverte au public le ligne Paris-Tours par Châteaudun. Risquant de perdre 29 juillet 1854 et, comme on pouvait s’y attendre, une partie de son trafi c, le PO réagit en proposant le trafi c est au rendez-vous. Néanmoins, la situation une nouvelle ligne partant de la barrière d’Enfer fi nancière de la Compagnie du Paris-Orsay reste fragile. et suivant le tracé de la ligne de Sceaux jusqu’à Massy.

Gare de Denfert Rochereau. (1906)

Conférence M.re Langevin ligne 1906 de Sceaux. 1 locomotive. Les travaux sont rapidement exécutés entre 1864 et 1867. Depuis la nouvelle gare d’Orsay, rapprochée du centre-ville à cette occasion, le tracé suit la vallée de l’Yvette, dessert une gare intermédiaire à Gif-sur- Yvette et atteint Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Il grimpe ensuite en rampe de 20 pour mille sur le plateau, avant d’atteindre Boullay-les-Troux et Limours. La ligne, toujours à voie large, est ouverte au public Gare de Sceaux-Robinson. (1903) le 26 août 1867. Soit un mois après la gare de Sceaux-Ceinture qui, bien dès années plus tard (1930), sera reconstruite et rebaptisée sous le nom de Conséquence : par sa situation géographique, la Cité-Universitaire. « petite » ligne d’Orsay prend tout à coup un intérêt capital ! Espérant se faire racheter par une grande Des voies concordantes compagnie afin de ne pas léser les actionnaires, Dès 1883, les échanges voyageurs et marchandises le Paris-Orsay pense que la solution à son problème est avec la Grande-Ceinture sont possibles dans la nou- là, tout comme le PO, qui y voit le moyen de contrecar- velle gare de Massy-Palaiseau, alors construite en plein rer les projets du Grand Central. Les pourparlers avec milieu des champs. Trois ans plus tard, une autre ligne, le PO aboutissent en juin 1855 à la signature d’un venant de Valenton, aboutit à Massy-Palaiseau. traité entre les deux compagnies, mais il faudra attendre le 11 avril 1857 pour que soit paraphée la La voie large isole la ligne de Sceaux Convention définitive. La ligne de Paris à Orsay du réseau général. Aussi l’État er appartient désormais au PO et le 1 octobre impose-t-il au PO sa transfor- 1857, la compagnie du même nom cesse d’exister. mation en un axe à voie normale afi n de pouvoir y faire Gare aux détours circuler des trains classiques. En cette même année 1857, le PO rachète le Grand Central et se voit imposer par le Gouverne- ment la construction de la ligne prévue vers Tours, via Châteaudun. Le prolongement de la ligne d’Orsay est donc étudié mais rapidement, on s’aperçoit que le relief rend impossible toute ligne entre les vallées de l’Yvette et de l’Orge (), sauf à réaliser des travaux très importants. Finalement, le PO obtient de débrancher la ligne à Brétigny. En compensa- tion, les autorités proposent d’établir une ligne de 18 km jusqu’à Limours afi n de ne pas léser les habitants de la vallée de Chevreuse, déçus de l’annulation du précédent projet.

Poste de manœuvre de la ligne de Sceaux : poste de commande Un traité est signé entrainant la à leviers d’ itinéraires. (1938) fusion de la compagnie Paris-Orsay 1857 avec celle de Paris-Orléans-Tours 13

Ces premiers trains à voie normale vont donc circuler dès le 22 mai 1891 sur Paris-Limours, tandis que la branche de Sceaux continue d’être exploitée en navette à voie large depuis Bourg-la-Reine. Dans la foulée, la double voie est établie entre Bourg-la-Reine et Orsay, le tronçon Paris-Bourg-la-Reine bénéfi ciant quant à lui de cet équipement depuis 1863.

Par ailleurs, trois nouvelles gares sont construites en 1891 à Gentilly, Laplace et Bures-sur-Yvette, en atten- dant Courcelles-sur-Yvette en novembre 1897. Dans le même temps, une signalisation par block est mise en service, accroissant sensiblement la sécurité des circu- lations. Finalement, tout arrive : la branche de Sceaux reçoit son nouveau tracé à écartement normal en 1893. En revanche, son tracé ne change pas, puisqu’il se détache toujours de la gare de Bourg-la-Reine, dessert une nouvelle gare à Sceaux, puis celle de Fontenay-aux-Roses avant de parvenir à celle des Quatre-Chemins, au pied de la colline de Robinson.

Affi che publicitaire ancienne de la ligne de Sceaux (collection musée Île-de France, XX Affi che prix des transports e siècle). et conditions d’application ligne de Sceaux et réseau urbain. (1941) Une ligne très exposée Roulement de tambours : l’exposition universelle de 1900 est annoncée. Dans cette perspective, impossible pour les trains de prendre du retard sur le progrès et le PO envisage donc le prolongement de la ligne de Sceaux plus avant dans la Capitale. En avril 1889, il présente un projet de prolongement souterrain de Gare d’Arcueil 2135 m, de Denfert Rochereau à Luxembourg, avec avec locomotive à vapeur. (1903) une gare intermédiaire. Déclaré d’utilité publique le 14 décembre, ce nouveau tronçon est dûment approuvé par le Gouvernement le 14 janvier 1892. et il en va d’ailleurs de même pour les anciennes installations servant au service messageries et au Abandonnant les installations voyageuses initiales garage des trains. de la gare de Denfert-Rochereau, le prolongement s’enfonce sous la rue de la Tombe-Issoire (en pente de Mais revenons à la ligne : celle-ci descend ensuite 21 pour mille) où est établie la nouvelle gare, en sous la rue Denfert-Rochereau et sous l’avenue de grande partie souterraine : l’ancien bâtiment est certe l’Observatoire avant d’aborder la gare de Port-Royal, conservé, mais adapté à la nouvelle configuration partiellement à ciel ouvert. Puis elle s’établit sous le boulevard Saint-Michel, jusqu’à la gare de Luxembourg. Finalement, ce fameux prolongement est ouvert au public le 1er avril 1895, avec en prime une signalisation lumineuse tout spécialement Ligne de sceaux avant électrifi cation : facade de la gare de Denfert, installée dans cette portion entièrement sortie des voyageurs. (1935) souterraine.

1900 l’exposition universelle est annoncée 15

Bien sûr, une telle augmentation de la population desservie en banlieue ne peut aller sans la création de deux nouvelles gares : Palaiseau-Villebon en 1900 et le Guichet à Orsay en 1901.

Pari gagné ! Au fi l des ans, le trafi c de la ligne de Sceaux ne va pas cesser d’augmenter (voir tableau), notamment en raison d’une envolée des migrations alternantes entre Paris et sa banlieue. Mais la crise du milieu des années 1930 fait retomber le trafi c en dessous des 10 millions. On pense alors que seule la modernisation de la ligne peut lui ramener les voyageurs perdus et, en tout premier lieu, son élec- trification. Dont acte : alors que le réseau Etat a entrepris l’électrifi cation de ses lignes de banlieue aboutissant à la gare Saint-Lazare, le ministre des Travaux Publics installe une commission chargée d’étudier l’électrifi cation de la ligne de la Bastille et de la ligne de Sceaux.

Ligne de Sceaux avant électrifi cation : quais de la gare La ligne de Sceaux de Port Royal. (1930) en chiff res

1886 > 4,7 millions de voyageurs

1906 > 6,2 millions de voyageurs

1916 > 10 millions de voyageurs

1926 > 16,6 millions de voyageurs

Chemin de fer ligne de Sceaux. (1846) UNE POLITIQUE DES GRANDS TRAVAUX

e mouvement est lancé ! En 1929, une convention Lfi xe le cadre du prolongement du métro en ban- lieue. Et la même année, la Compagnie du Chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) présente un projet de « métro régional » très en avance sur le futur RER. Il s’agit rien de moins que de réaliser de grandes lignes express qui traversent et desservent Paris, tout en off rant de bonnes correspondances avec le métro.

Or quoi de mieux indiqué que la ligne de Sceaux pour Ouverture de la ligne de Sceaux en traction électrique : quais rehaussés à 1,10 m et couverts constituer l’embryon de ce futur réseau ? Après de par une marquise, gare de Robinson. (1938) longs pourparlers entre l’État et les départements concernés, le PO et la CMP aboutissent aux conven- tions d’avril et novembre 1931, approuvées par la loi du 10 avril 1932. Le PO renonce à l’exploitation de la Dès lors, de grands travaux de modernisation sont ligne de Sceaux, à l’exception du tronçon Massy- entrepris. Et la liste est longue ! Suppression de tous Palaiseau-Limours. Celle-ci, désormais classée comme les passages à niveau, ce qui entraîne notamment la ligne d’intérêt local, est remise au département de la mise en souterrain de la ligne entre Cité-Universitaire Seine, qui en confi e l’exploitation à la CMP. et Gentilly ; construction d’un saut-de-mouton à Bourg-la-Reine ; création de trois nouvelles gares à Bagneux, Parc de Sceaux et Fontaine Michalon ; reconstruction de celle de Massy Palaiseau et de celle de Laplace, avec installation d’un terminus partiel ; rehaussement des quais et construction des Ateliers de Montrouge. Ultime modernisation mise à l’étude, et pas des moindres : l’équipement de la ligne pour la traction électrique, avec à la clé un nouveau matériel roulant et le remplacement de l’ancien block par une signalisation mieux adaptée.

Ligne de Sceaux : entrée en gare d’une machine à vapeur à destination de Limours. (1920)

Travaux de mise à niveau de l’infrastructure de la ligne de Sceaux, mise au gabarit électrique : chantier de construction d’un « saut de mouton » à la bifurcation de Bourg-la-Reine. Vue en direction de Paris 1935 et passage d’un train en provenance de Massy Palaiseau 17

Les Z arrivent En application de la convention de 1931 signée entre le département de la Seine et la Compagnie du PO, cette dernière est chargée de l’électrifi cation de la ligne de Sceaux en courant 1500V continu. Après une période d’instruction des personnels et de rodage des 1 nouvelles automotrices Z entre Austerlitz et Juvisy, la traction électrique est ainsi mise en service entre Luxembourg et Robinson le 16 novembre 1937, et entre Luxembourg et Massy-Palaiseau le 23… à la condition impérative pour les voyageurs de et pour Saint-Rémy et Limours de changer de train à Massy- Palaiseau ! Autre idée lumineuse qui améliore la sécu- rité des circulations ? Une nouvelle signalisation, mise en service le 12 janvier 1938.

Quelques jours plus tard, le 18 janvier 1938, alors que la partie sud reste exploitée par la SNCF (nouvelle- 2 ment créée en remplacement des anciennes grandes compagnies de chemin de fer), l’exploitation de la partie nord de la ligne de Sceaux est transférée à la CMP. Le nombre journalier de trains passe alors de 53 à 153 tandis que le trafi c annuel bondit de 8 millions de voyageurs en 1937 à près de 17 millions en 1938 !

En outre, et afi n d’assurer la continuité de service en traction électrique, la SNCF électrifi e et équipe de la signalisation lumineuse la section Massy-Palaiseau– Saint-Rémy-les-Chevreuse. Deux gares dont la liaison sera assurée, dès le 3 décembre 1938, par les nouvelles 3 rames Z appartenant à la SNCF.

1 Formation du personnel aux ateliers d’ Italie. (1938) 2 Travaux de mise à niveau de l’infrastructure de la ligne Le trafi c annuel a bondit de Sceaux, mise au gabarit électrique : pont du port galand entre Bourg-la-Reine et Bagneux. (1934) de 8 à 17 millions 3 Nouveau couloir de correspondance entre le métro de voyageurs. et la ligne de Sceaux à Denfert Rochereau : contrôle manuel d’entrée par les surveillants de contrôle. (1938)

1938 Après la guerre, une nouvelle ère À partir du 1er janvier 1939, tous les trains CMP et SNCF relient la gare Luxembourg au sud de la ligne, sans rupture de charge à Massy-Palaiseau. En revanche, le trafi c du tronçon non électrifi é Saint- Rémy-Limours connaissant un déclin sensible, son service sera transféré sur route en juin 1939 avant de cesser défi nitivement en mai 1940.

Par la suite, la guerre entrainera des destructions importantes sur la ligne de Sceaux, désorganisant par là-même complètement son trafi c qui jusque alors Facade de la gare de Port Royal n’avait cesser d’augmenter, atteignant le chiffre de la ligne de Sceaux. (1961) impressionnant de près de 47 millions de voyageurs annuels en 1943.

Interrompu à la mi-1944 à plusieurs reprises, le service reprendra néanmoins peu à peu à partir du mois de septembre, les installations fortement endommagées ayant été pour partie réparées. Après une chute de trafi c en 1944-1945, l’embellie se confi rme puisque le trafic connaît une pointe spectaculaire de 48 millions de voyageurs en 1946, signe que l’activité reprend mais que les transports routiers, de leur côté, tardent à redevenir opérationnels.

Affl uence de voyageurs sur le quai de la gare Denfert-Rochereau, avec matériel Z. (1944)

Gare de Paris-Bastille. (1960) 19

À compter du 1er janvier 1949, l’exploitation de la ligne de Sceaux revient à la RATP. Les accords d’octobre entre CMP et SNCF pour la partie sud de la ligne sont reconduits avec la Régie. Malgré une baisse de trafi c, la RATP met en service en 1953 des trains plus fréquents, puis plus longs à partir de 1961, et cela grâce à de nou- velles livraisons de matériel Z. L’heure est en eff et au développement de l’urbanisation et pour suivre ce mouvement inéluctable, deux nouvelles gares sont créées : l’une en 1957 à la Hacquinière, dans la Vallée de Chevreuse ; et l’autre aux Baconnets, en 1969, afi n de desservir le grand ensemble de Massy.

Plan de la desserte des environs de Paris Dès 1961 , en 1867. les trains sont plus fréquents et plus longs.

Façade de la gare de Sceaux ceinture Cité Universitaire. (1937) 1969 Conception-réalisation : Pixelis – Direction de la publication : RATP – Tous droits réservés – 2016 – Crédits photographiques : photothèque RATP : Jean-François Mauboussin, Bruno Marguerite, René Minoli, Denis Sutton René Mauboussin, Bruno Marguerite, : Jean-François : photothèque RATP photographiques – 2016 Crédits réservés droits – Tous : RATP de la publication – Direction : Pixelis Conception-réalisation

Département de la Communication LAC C021 : 54, quai de la Rapée, 75599 Paris Cedex 12 T 01 58 78 36 22 • http ://www.ratp.fr/lignesdhistoires/