AstridQUILLIEN

LES ORATIONES DEDENISLAMBIN LADEFENSEDUGRECDANSL’ ORATIO DE UTILITATE LINGUAE GRAECAE ET RECTA GRAECORUM LATINE INTERPRETANDORUM RATIONE (22octobre1571)

INTRODUCTION ToutcommeJosseBade,MarcAntoineMuretouNicolasBérault,DenisLambin 1eut, lui aussi, un rôle important à jouer dans la transmission des Classiques. Mais ce grand humaniste,LecteuretTraducteurRoyaldelatinpuisdegrecdanslesannées1560etau débutdesannées1570,présentedesméthodesdetravail,uneidéologiedifférentesdeses prédécesseurs. UnecomparaisonducommentairedeDenisLambinsurl’ Art poétique d’(1561) 2 avecceluideJosseBade(1500),m’avaitpermisdemontrerquelecommentairedeLambin était plus systématique et scientifique, en raison d’une différence d’auditoire, mais aussi d’époque 3.Pourcequiestdes praelectiones deLambin,desesleçonsinauguralesauCollège Royal,ilapparaîtquel’époque,soncaractère,sonstatut,lemilieuauquelilappartientet l’auditoireauquelils’adresseconditionnentsarhétorique,sapédagogie,sonattitude,ses arguments. L’ Oratio De Utilitate , prononcée le 22 octobre 1571 4, représente le dernier discours prononcé par Lambin au Collège Royal avant sa mort. Comme certains prédécesseurs (Politien,Bérault 5),leLecteurRoyalnerespectepaslaformetraditionnelle,médiévale,dela praelectio , qui visait surtout à présenter l’auteur et l’œuvre étudiés, mais il l’adapte à ses préoccupations, à son époque, à sa personnalité. Ainsi, il y met en scène un ethos

1DenisLambinestnéàMontreuilsurMer(PasdeCalais)en1519.Ilvientensuiteàpourétudierau collègeducardinalLemoine,puisàceluideCoquerêt,oùilsuitavecRonsardetBaïflescoursdeDorat. Autourde1545,ilétudieledroitàToulouse,auxcôtésdeTurnèbe,puis,dès1550,ilpeutcomptersurla protectionducardinaldeTournon;ilsuitcedernierdanssespérégrinationsfrançaisesetitaliennesetpeut ainsiseconsaceràsestravauxérudits.En1561,ilpubliesoncélèbrecommentaired’Horaceetobtientgrâceà TournonetAmyotunpostedeprofesseurd’éloquencelatineauCollègeRoyal.En1562,ildevientLecteur Royaldegrecet,en1570,TraducteurRoyal.Ilmeurten1572. 2 Q. Horatius Flaccus, ex fide atque auctoritate decem librorum manuscriptorum, opera D. Lambini,… emendatus ab eodemque commentariis copiosissimis illustratus, nunc primum in lucem editus ,Lyon,DeTournes,1561[2tomesen1 vol.in4°,dontletitredu2dest: Q. Horatii Flacci Sermonum libri quattuor, seu Satyrarum libri duo, Epistolarum libri duo a D. Lambino… emendati …BN:YC656]. 3 Jemepermetsderenvoyericiàmonmémoiredemaîtrise,«DenisLambindanslatourmentedel’ aetas horatiana . Présentation, traduction et étude d’extraits de son commentairedel’ Art poétique d’Horace(1561 1567)»,soutenuenjuin2001àl’Univ.deParisSorbonne,sousladirectiondeP.GallandHallyn. 4De utilitate linguae graecae et recta Graecorum latine interpretandorum ratione, oratio habita… pridie quam Demosthenis orationem kat ʽ ristokr£touj explicare inciperet (prononcéle22octobre1571),Paris,JeanBienne,1572[BN: X3431(10),in4°]. 5Voirsurcepointl’introductiondeP.GallandHallynàsonéditiondes Silves dePolitien,Paris,LesBelles Lettres,[LesClassiquesdel’Humanisme],1987,ainsiquel’articledumêmeauteur:«LaLeçond’introduction àSuétonedeNicolasBérauld(1515):développementdel’ ethos etpoétiquedelamémoire», Autour de Ramus. Texte, théorie, commentaire ,étudesréuniesparK.MeerhoffetJ.C.Moisan,Québec,NuitBlancheéditeur,1997, p.235267.

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orgueilleux, ou encore, il introduit au sein de son discours un dialogue cicéronien et courtisanpleind’ urbanitas . Le sujet principal du discours consiste en la défense de la langue grecque. Il est certes traditionneldefairel’apologiedelamatièreenseignéedansune praelectio ,maisladéfensede Lambin,toutens’inscrivantdansunelignéedediscoursdumêmetype,lesdépasseparun raisonnement extrêmement construit, des arguments difficilement réfutables et particulièrementexigeants. AfindedégagerlaspécificitédeLambin,nousverronstoutd’abordlesargumentsen faveurdugrecquiavaientcoursavantlui.Ensuite,nousanalyseronsl’aspectsystématique de l’agumentation de l’humaniste, avant d’en constater le caractère particulièrement exigeant.

LES ARGUMENTS EN FAVEUR DU GREC AVANT DENIS LAMBIN AvantLambin,ilexistaitunensembledetextesetdediscoursquidéfendaientlegrecen recourant à des arguments variés mais souvent récurrents. Le type d’argumentation est déterminéparlemomentet,dansunemoindremesure,parlelieuoùestécritouprononcé lediscours.Lespréoccupationsdechaqueépoque,eneffet,etl’étatd’avancementdugrec, poussentleshumanistesàsoulignerdifférentsaspectsdel’«utilité»dugrec. Pourrendrecomptedel’évolutiondecetteargumentation,parallèleàl’essordugrec,il apparaît nécessaire d’adopter une démarche chronologique, sans perdre de vue l’aspect géographiquedelaquestion:del’Italieàla,duXVeauXVIesiècle,lesdiscourssur legrecvarient. Au XVe siècle 6 LespremiersàdéfendrelegrecsontlesItaliens,chezquicettelangue«renaît»tout d’abord. Le grec, pour ces premiers hellénistes occidentaux, n’est pas étudié ou analysé pour luimême, ni en comparaison avec l’italien, mais il est considéré par rapport à la languelatine.Legrecneprésenteunintérêtquedanslamesureoùilpossèdeunequalité quifaitdéfautaulatin,ous’ilestutilepourlaconnaissancedelalangueetdelaculture latines.Lesargumentsdecespremiershellénistes sont largement inspirés de Quintilien . DansunpassagedulivreIdel’ Institution oratoire notamment,Quintilienexpliquequel’étude dugrecestunepropédeutiquenécessaireàl’étudedulatinetdel’artoratoire: A sermone graeco puerum incipere malo, quia Latinum, qui pluribus in usu est, vel nobis nolentibus perbibet ; simul quia disciplinis quoque Graecis prius instituendus est, unde et nostrae fluxerunt 7.

C’estparlalanguegrecquequejepréfèrequel’enfantcommence,parcequelelatinestplus usité,etquecetenfantenseraimprégné,mêmemalgrénous;enmêmetemps,ildoitêtre instruitd’abordaussidanslesdisciplinesgrecques,d’oùlesnôtresdérivent.

L’étudedugrecpermetd’accéderàlaculturegrecque,àl’égarddelaquellelalatinitéaune dettequereconnaîtlepédagogue.

6Nouspourronsnousréférer,pourcettepériode,àl’articledeS.SGravelle,«LorenzoValla’scomparisonof latinandgreekandthehumanistbackground», BHR ,44,1982,p.269289. 7Quintilien, Institution oratoire ,I,1,12.

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Ainsi, Théodore Gaza,Grec émigré, dans un discours intitulé Oratio de litteris graecis , prononcé entre 1440 et 1450, alors qu’il était recteur et professeur à Ferrare, présente l’étudedugreccommelaconditiondel’existenced’unevéritableculturelatine: Tamdiu Graecae litterae in Italia sunt conservatae, quamdiu in ea latina elegantia viguit. Cum vero haec deseri coepit, litterae quoque Graecae simul neglectae sunt. (…) Qui enim Graecas litteras neglexerit, is eo omni adiumento, quod ad suas litteras addiscendas, conservandas amplificandasque maiores vestri e Graeco fonte haurire solebant, omnino carebit 8.

Tant que les lettres grecques furent conservées en Italie, l’élégance latine y fut florissante. Maisquandcellecicommençaàêtreabandonnée,leslettresgrecquesenmêmetempsaussi furentnégligées.(…)Celuiquinégligeraleslettresgrecquessepriveracomplètementdetout lesecoursquevosancêtresavaientcoutumedepuiseràlasourcegrecquepourapprendre, préserveretfaireprogresserleurspropreslettres.

PourThéodoreGaza,finalement,«quin’embrassepasleslettresgrecquesnesauraitsaisir quoiquecesoitenfaitdelettres 9».Onreconnaîticilafougue,lecaractèreextrême et l’argumentation un peu légère des précurseurs, mais il reste qu’un homme comme ThéodoreGazaacontribuéàjeterlesbasesd’unelonguetraditiondetextesetdiscoursen faveurdesétudesgrecques. Alagénérationsuivante,avecPolitien,etjusqu’audébutduXVIesiècle,enItalieeten France,l’argumentationenfaveurdugrecs’étoffeetsecomplexifie.Lalanguegrecque,qui apparaîtdeplusenpluscommeunerivale,inutilepourcertains,delalanguelatine,doitse voirjustifiéeauprèsdesesdétracteursquisemultiplient. Du XVe au XVIe siècle AlafinduXVeetaudébutduXVIesiècles,lesargumentsenfaveurdelalangueetde laculturegrecquessesituentdanslacontinuitédeceuxdeleurspremiersdéfenseurs,mais ils sont davantage développés et étayés, dans des discours plus nombreux et plus systématiques.Sicesargumentairessontlaplupart du temps utilitaristes et butent sur la limitedel’inutilitédelalanguedèslorsqu’unetraductionexiste,ilsontleméritedemettre l’accentsurquelquechosedenouveau:lanécessitédugrecpourl’éducation. CertainspassagesdeQuintiliendansl’ Institution oratoire, notammentX,1,quisouligne l’encyclopédismed’Homère,fournissentauxhumanistesunargumentessentiel:celuiqui consisteàdirequelalangueetlaculturegrecquessontàl’originedetoutescience.Politien, notamment,faitpartiedeceuxquireprennentcetargument. Dans sa silve Ambra 10 , qui annoncel’étuded’Homèreetdel’ Iliade enparticulier,ilrendhommageaupoèteàtravers unebiographieimaginairedanslaquellel’accentestmissurlecaractèredivindu vates .Les affirmations de Quintilien, relayées par les louanges d’humanistes comme Politien qui reconnaissentlasupérioritéd’Homère,permettentauxdéfenseursdugrecdedévelopper l’argumentselonlequellalanguegrecqueetsaculturesontàl’originedetoutescience.Cet argument, en effet, que l’on retrouve dans une majorité de discours à côté d’autres argumentssouventreprisdelagénérationprécédente,constitueunebasesolidequel’on retrouverajusquechezLambinetquisoulignel’importancedugrecpourl’éducation.

8TexteéditéparL.Molher, Aus Bessarions Gelehrtenkreis ,Padeborn,F.Schöning,1942. 9 Ita nullas litteras assequi possunt qui Graecas non sequuntur. Ibidem. 10 Lasilve Ambra datede1485.Voirl’éditionparP.GalandHallyndes Silves dePolitien.

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Carteromachus(ouFortiguerra),dansson Oratio de laudibus litterarum Graecarum (1504) 11 , quiconsistaitenuneleçoninauguraleàuncourssurDémosthène 12 ,reprendlesarguments despremiersdéfenseursdugrec,notammentl’idéeselonlaquellelagrecqueestlalangue première,quidoitêtreunmodèlepourlalatine. Igitur Graeca lingua (…) vetustissima nobilissimaque est. (…) Haec naturalis quodam modo existimari potest 13 . Donc, la langue grecque est la plus ancienne et la plus noble. (…) Celleci peut être considérée,d’unecertainefaçon,commenaturelle.

Cependant,laplusgrandepartiedudiscoursdeCarteromachusconsisteàénumérerles disciplines dans lesquelles les Grecs furent des précurseurs. C. Dionisotti 14 écrit que ce texte«delineavaunpianodiriformaradicale,sullabasedellatradizionegreca,classicae cristiana,dell’intieraenciclopedianscienzaesapienza,filosofiaeteologia,eproponevail pianoaVenezia».SiN.G.Wilson 15 considèrequantàluiquelejugementdeC.Dionisotti est un peu excessif dans la mesure où la partie théologique est à peine effleurée par Carteromachus,ilconcèdecependantquelaperspectivedecediscoursestnouvelle,qui affirmelanécessitédugrecpourl’éducation.Eneffet,Carteromachusindiquequeviennent desGrecslaphilosophie 16 ,l’artdelacompositio 17 ,lagrammaire,ladialectique 18 ,lapoésie 19 , l’art de l’inventio 20 , la rhétorique 21 , mais aussi la physique, la métaphysique, les mathématiques,lamusique,l’astronomie,lamédecine,ledroit,l’histoireetlathéologie.Sur certainspoints,l’argumentationdeCarteromachusvisantàprouverlasupérioritédesGrecs peutsemblerunpeulégère 22 ,maiselletémoignecependantd’unélargissementdevue 23 :il

11 Scipionis Carteromachi Pistoriensis oratio de laudibus litterarum Graecarum, habita Venetiis mense ianuario 1504 ,Bâle,J. Froben,1517[Mazarine:4°103193].Surcediscours,voiraussiC.Dionisotti, Aldo Manuzio editore ,Milan, 1976,p.xlvii,N.G.Wilson, From Byzantium to . Greek studies in the italian Renaissance, Londres,Duckworth, 1992,etJ.F.Saladin, La bataille du grec à la Renaissance, Paris,LesBellesLettres,2000,p.99100. 12 Voirlafindudiscours: Demosthenem, quem interpretaturi sumus (p.46del’éditioncitée).Lerapprochement avecla praelectio deLambinestimmédiat,maisilnefaudraitpasentirerdeconclusionstroprapidessurlelien entredéfensedugrecetexplicationdeDémosthène.La praelectio ,traditionnellement,offreunelaus (quipeut prendrelaformed’unedéfense)delamatièreoudelalangueenseignée,etDémosthèneestundesauteurs grecslesplusétudiésàlaRenaissance. 13 Editioncitée,p.34. 14 C.Dionisotti, Aldo Manuzio editore ,p.xlvii. 15 N.G.Wilson, From Byzantium to Italy, citéparSaladin, La bataille ,p.100. 16 Editioncitéep.36. 17 Ibid .p.38: Orationis vero compositio ita pendet e Graeco … 18 Ibidem : At vero Dialectica tam potest sine Graecis literis incolumis sciri, quam sine Aristotele, nisi forte a recentioritus vel nosci vel tradi melius existimemus … 19 Ibid .p.38(verso): Transeo igitur ad Poeticam, cuius et inventio et usus ita totus Graecorum est . 20 Ibid . p. 39: Inventio quoque ita Greacorum pene peculiaris est, ut nostri quotiens aliquid acutius, aut elegantius afferre volunt, id totum a Graecis transfferant integris sententiis, verbisque servatis. 21 Ibid .p.39(verso): At puto Orator evadet quis egregius sine Graecis litteris, Cicerone duce. 22 VoirJ.C.Saladin, La bataille ,p.100:«Pourlesquatrepremièresdisciplines,lesraisonssautentauxyeux, leur source étant effectivement grecque, de l’aveu même des Romains. En ce qui concerne le droit, l’affirmationdelasupérioritégrecqueestplussurprenante.Ellereposesurl’argumentprincipaldelaprésence determesgrecsdanslesPandectesdeJustinienquilesrendentparfaitementincompréhensiblesàunjuriste nonhelléniste(…).Àproposdelathéologie,ilrappellequelesEvangélistesontécritengrec(saufMathieu). IlfaitréférenceàLorenzoVallaensignalantquedenombreusesobscuritésdu Nouveau Testament nepeuvent s’éclairerqueparlerecoursautextegrecoriginal.Enfin,ilaffirmequelalecturedesPèresgrecsesttoutàfait bénéfiqueàunChrétien».

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ne s’agit plus seulement de montrer que la connaissance du grec est bénéfique pour la langueetlaculturelatines,maisquetoutlesavoirvéhiculéparlalanguedeDémosthène contribueàlaformationdel’homme.Eneffet,danssonexhortationfinale,Carteromachus encouragesesélèves,dontlatâcheestimmense,enleurmontrantl’intérêtd’êtreunérudit, et en soulignant l’idée que c’est leur bonheur, leur felicitas , qui est en jeu. On le voit, l’argumentationestloind’être«utilitariste»ici,maiselleviselebonheurdel’homme;les étudesgrecques,grâceàladéfensedeCarteromachus,n’apparaissentpassuperflues,mais nécessaires. L’ oratio évoquéeàl’instantavaitétéprononcéeàVenise,en1504.Unautrediscours, légèrement antérieur, doit attirer notre attention pour plusieurs raisons: il s’agit d’un discoursdéfendantlegrec,destinéauSénatdelaRépubliquedeVenise,confirmantqu’à cettegénérationl’étudedugrecestassociéeàl’éducation,etécritdanscettelangue;ils’agit del’ Oratio pro litteris Graecis dePietroBembo(1494) 24 .Cetexte,originalparsaforme(la langue grecque) et ses arguments, doit cependant être considéré davantage comme un exercicedestylequecommeunvéritablediscoursderequête;ilestd’ailleursfortprobable qu’iln’aitjamaisétéprononcé 25 .Bemboreprendl’idéetopiqueselonlaquellelelatindérive toutentierdugrec 26etcellequ’ilad’autantplusdevaleurqu’ilestassociéaugrec 27 ,maisil souligneaussi,defaçonbeaucoupplusoriginale,lerisquedeperteirrémédiabledesoeuvres écrites en cette langue si les études grecques ne se développent pas immédiatement 28. Surtout,Bembo,àl’instardeCarteromachusquelquesannéesplustardetdebiend’autres, reprendl’argumentselonlequeltoutelittératuredérivedesGrecs: νγ ρπρ τόν στικα ρχ ̟ ασ ντ ν ̟ ιστη ντο ς νθρ ̟ οις, φο , σπερ ̟ πηγ ς ̟οτας,ο τωκα τ περ τ νγραάτωνπρορρέει,κα νευο ηδέν στικαλ ν ν το λόγοι ,το τ᾽χοενπαρ τ ν λλήνων ναγκα ως. κε νοιγ ρο τωπολλ κατ ρθωσαν ν τα τα, στε ηδ ν λελε φθαι το ς λλοις φευρε ν. στι δ το το γραατική δι ᾽ ν ε ς τλλα ξιεν νην ο σαν δηγ ν κα θ ραν παντων τ ν αθηάτων. τα την τοίνυν τ ν παιδείανπ ς ν ρθ ςδιδαχθείηεν,ε τ λληνικ βοηθήσειεν ν ν29 ; Cequivientenpremieretreprésentelasourcedetouteslesconnaissanceshumaines,d’où, commeunerivièred’unesource,lalittératurecouleégalement,sansquoiiln’yariendenoble dansleslettres,nousvientdesGrecs.Nécessairement.Ilfurentsitalentueuxenlamatière qu’ilsnelaissèrentrienauxautresàdécouvrir.C’estlagrammaireparlaquellenousaccédons

23 JenepensepascommeJ.C.Saladin,pourquicediscoursnereprésentequ’un«argumentaireutilitariste», oùCarteromachus«secontentededévelopperlethèmetraditionneldelasupérioritédugrecsurlelatin»( La Bataille ,p.100). 24 PietroBembo, Oratio pro litteris graecis ,Centrointerdipartimentaledistudiumanistici,Roma,Viella,2003. 25 VoirlaricheintroductiondeN.G.Wilson,éditeurettraducteurdutextedansl’éditionmentionnée.Pour Bembo, écrire ce discours était un «jeu d’esprit»; il écrit dans Prose della volgar lingua , I, 6: «Scrivere e componegrecamente,cheniunoècheaquestofarepongaopera,senonpergiuoco».Cetextenesemble avoir suscité que peu d’intérêt à l’époque (il est rarement mentionné, sauf dans quelques lettres d’amis); quelques travaux et thèses furent prévus à son sujet, notamment de la part de Förstel, mais ont été abandonnés. Carlo Vecce en a traité dans Agnolo Poliziano, poeta scrittore filologo . Atti del Convegno InternazionalediStudi.Montepulciano,36novembre1994,acuradiV.FeraeM.Martelli,Firenze,1998, p.490491. 26 Voirp.6061del’éditioncitée. 27 Voir p. 6667 de l’édition citée. Bembo indique que latin a absolument besoin du grec et prend la métaphoreducoursd’eauqui,seul,coulepaisiblementetpeutêtrefacilementtraversé,maisqui,lorsqu’ilen rejointunautre,s’élargit,supportedesbateauxetnécessitedesponts. 28 Voirp.33et39del’éditioncitée. 29 Voirp.6263del’éditioncitée.

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auxautressujets,puisquec’estl’uniqueguide,l’uniqueaccèsàtouteslessciences.Comment pourrionsnousêtrecorrectementinstruitsdanscettepartiedel’éducationsilegrecnenous vientpasenaide? Commelemontrecepassage,Bembofaitclairementlelienentrelesavoirglobaltirédes Grecsetl’éducation.Danssondiscours,l’humanisteinsisteparticulièrementsurl’idéeque l’étudedugreccontribuedefaçonessentielleàlaformationdel’homme:selonlui,ilfaut que les jeunes Vénitiens puissent étudier le grec à volonté pour devenir d’honnêtes citoyens, capables de mener une bonne politique pour la cité. Si la cité recherche l’excellence et le pouvoir, elle doit favoriser l’étude du grec, car la culture et l’éclat contribuentgrandementaupouvoird’unecité 30 . Ainsi,autournantduXVesiècleetaudébutduXVIe,ladéfensedugrecs’intensifieen raisonnotammentdesattaquesquecettelanguesubitdelapartdesscolastiquesetdes théologienseffrayésdevoirlesprogrèsdecettelangued’«hérétiques».Lesargumentsse multiplient,s’adaptentauxlieuxetauxépoques,maisunecertaineunitésedégagepour cettepériode:lesdéfenseursdugreccherchentàmontrerquelalanguedeDémosthène n’estpasseulementindispensablepourunebonnemaîtrisedelalangueetdelaculture latines, mais qu’elle véhicule un savoir global qui apparaît nécessaire à l’éducation des jeunesgens–àl’idéalencyclopédiquehumaniste. Aucoursdesdécenniessuivantes,enFrance,onpeutnoterunenouvelleévolutionde l’argumentationenfaveurdugrec,dueenpartieauchangementdepréoccupations.Même silecanevasresteplusoumoinssemblable,lanaissancedelalanguefrançaiseentredansle débat. En France à partir de 1530 Àpartirdesannées1530,enFrance,ladéfensedugrecseplacesouslesignede«la rupturedanslacontinuité».Eneffet,lesargumentshabituelssoulignantlasupérioritédela languegrecque,premièreetvéhiculed’unsavoirglobal,onttoujourscours,maisla«langue decomparaison»,sil’onpeutdire,achangé.J’aiindiquéplushautqueladéfensedugrec passait en partie, d’une façon générale, par une comparaison avec la langue latine, par rapport à laquelleelleapparaissait supérieure pour diverses raisons. A partir des années 1530, en France, l’essor de la langue vulgaire offre de nouvelles possibilités et la concurrencedelalangueitaliennedenouvellesmotivations 31 ;dèslors,lesdéfenseursdu grecn’hésitentpasàcomparerlefrançaisetlegrecet,enprouvantlaparentédesdeux langues,démontrentd’unenouvellemanièrel’utilitédel’étudedelapremière. Pourillustrercepoint,jeprendrail’exempled’ununiqueauteur:HenriEstienne,«le plusgrandhellénistefrançaisdesontempsetleproducteurdudiscoursleplusnourrisurle grec»32 ,avecsonouvragesurla Conformité du langage françois avec le grec 33 .Danscetouvrage,

30 Voirnotammentp.2829etp.5055del’éditioncitée. 31 L’italienapparaîtàlafinduXVIesièclecommeunconcurrentsérieuxparrapportaufrançaisetcertains auteursfrançaiscraignentdevoirleurlangues’«italianiser».C’estlecasnotammentd’H.Estienne,quipublie en1578les Deux dialogues du langage françois italianizé et autrement déguizé, principalement entre les courtisans de ce temps ; de plussieurs nouveautez qui ont accompagné ceste nouveauté de langage. De quelques courtisanismes modernes et de quelques singularitez courtisanesques ,Genève,H.Estienne,1578;rééd.P.M.Smith,Genève,Slatkine,1980. 32 H.Parenty , Isaac Casaubon helléniste. Des studiahumanitatis à la philologie ,thèsesoutenueenfévrier2005à l’Univ.deReims,p.45. 33 H.Estienne, Conformité du langage françois avec le grec ,Genève,H.Estienne,1565;rééd.Paris,JulesDelalain, 1853.

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Estienne se place dans la continuité d’auteurs comme Charles de Bovelles 34 , Joachim Périon 35 , Picard de Toutry 36 ou Blasset 37 , mais il formule ses arguments de façon plus systématique et détaillée: sous forme de démontration logique, dans trois livres de longueur inégale, il fait d’abord ressortir les ressemblances grammaticales du grec et du français,puisiltraitedesidiotismes,enfin,ilprésenteun«recueilalphabétiquedesmots françois,lesunsprisdugrecentierement,lesautresenpartie,c’estadireenayansretenu quelques lettres par lesquelles on peult remarquer leur etymologie». Son but est de rehausserlelustredelalanguefrançaise,mais,pourcelamême,ildoitprouverpourquoiil achoisilegreccommelanguederéférenceetfairesonéloge. AuXVIesiècle,enFrance,ladéfensedugrecestintimementliéeàcelledelalangue française.Lejeuneidiomenational,enfaveurduquellaPléiadeœuvreardemment,abesoin deprouversaqualitéenétablissantnotammentdenoblesfiliations,commec’estlecasavec lalanguegrecque.UnauteurcommeH.Estienne,entreautres,défenddonclegrecpour lui,certes,maisaussipourdéfendrelefrançais;unedialectiques’instaureentrelesdeux languesquiviseàlespromouvoirconjointement. Lambin, quelques années après la Conformité d’H. Estienne, en 1571, prononce sa praelectio De utilitate linguae graecae et recta Graecorum Latine interpretandorum ratione .LeLecteur Royal,hommedecours,influencéparl’Italie,n’entendpasquantàluidéfendrelefrançais; illaissesansdoutecettetâcheàsesamisdelaPléiade,qu’ilsoutientcependant.Lambinne cherche pas non plus une comparaison du grec avec le latin, comme le faisaient les premières générations de défenseurs du grec. LeLecteur Royal vise, en s’appuyant tout d’abord sur quelques arguments topiques mais indispensables qu’il balaye rapidement, à prouverl’utilitédugrecensoi.Parsadéfense,Lambinchercheàétablirl’autonomiedu grec,autonomiequipermet,dansuneperspectiveéducativeetmorale,d’établirenmême tempscelledesétudiants.Pourcela,iloffreuneargumentationtrèsconstruite,progressive, quidépasselesdiscoursprécédentsetrésouttoutecontradiction. DENISLAMBIN:UNEARGUMENTATIONSYSTÉMATIQUE Denis Lambin ne révolutionne pas la défense du grec mais il part des arguments traditionnelspourmieuxlesdépasseretcompléterlesfaillesqu’ilslaissaientsubsister.Loin de fonder sa défense sur le procédé de l’énumération (des qualités du grec), comme le faisaientlaplupartdesesprédécesseurs,Lambinconstruitunvéritableraisonnement,par lequelildéfaitunàunlesargumentsdesesadversaires.S’iln’estpaspossibledesavoir quellefutl’efficacitéeffectivedecettedéfense,elleapparaîtcependantfortconvaincanteet nesemblesouffriraucunenouvellecontradiction. Lapremièredesdeuxgrandesétapesduraisonnement de Lambin se divise en deux parties:ilcommenceparreprendrel’argumentselonlequellegrecseraitlasourcedetoute science,puisildéfaitlesargumentsdesesdétracteursquisoutiennentquelesmotsgrecs sontvidesdesens.

34 CharlesdeBovelles, De differentia vulgarum linguarum et gallici sermonis varietate ,Paris,R.Estienne,1533; Sur les langues vulgaires et la variété de la langue française , traduction française et notes de C. Demaizière, Paris, Klincksieck,1980. 35 J.Périon, Dialogorum de linguae gallicae origine, eiusque cum Graeca cognitione libri quattuor, ParisP.Nivelle,1555. 36 PicarddeToutry, De prisca celtopaedia ,Paris,B.Prévot,1556. 37 Blasset, Excellence de l’affinité de la langue grecque avec la françoise ,vers15501555,éditépartiellementdans H.Omont,«UnhellénisteauXVIesiècle:Excellence de l’affinité de la langue grecque avec la françoise ,parBlasset», Revuedesétudesgrecques,30,1917,p.158166.

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Le grec source de toute science LaplupartdesdéfenseursdugrecavantLambin,onl’avu,fondaientleurargumentation suruneénumérationdessciencesdontlegrecétaitàl’origine.LeLecteurRoyalconserve l’argument selon lequel le grec est bien la source de toute science, mais il limite volontairement,parsoucid’efficacité,lenombrededomainesévoquéset,surtout,ilusedu procédédelaprétérition. Demêmequ’HenriEstienneaffirme,danslapréfacedela Conformité du langage françois avec le grec , qu’il «présuppose tenir ce poinct pour tout accordé, qu’une perfection de langage ne se peult trouver qu’entre les Grecs»38 , Lambin considère comme un «pré acquis»cequiadéjàétédemontréparlesdéfenseursdugrecdesgénérationsprécédentes. Le paragraphe qui ouvre proprement sa défense consiste ainsi en une vaste prétérition, rappelantcequiestcenséêtreadmispartous:

Ut igitur hoc praeteream ac taceam, auditores, omneis honestas ac rectas disciplinas arteisque omneis liberaleis a Graecis ad Latinos esse profectas, quod cum multa alia argumenta declarant, tum nomina ipsa quibus illae appellantur arguunt quae et Graeca sunt et a Latinis usurpata atque usucapta, et ut poeticam duntaxat atque oratoriam facultatem et omnium artium parentem philosophiam commemorem, quis nescit eas aut a Graecis esse inventas aut a Graecis perfectas atque ad summum fastigium perductas ? Noti sunt omnibus saltem de nomine harum artium principes, poetae, oratores, philosophi, qui Latinos non solum tempore et numero, verum etiam praestantia et gloria longo intervallo superarunt. Mêmesi,étudiants,j’omettaisdedireetpassaissoussilencequecesontlesGrecsquiont transmistouteslesscienceshonnêtesetdroitesettouslesartslibérauxauxLatins–comme lemontrentbien,enplusdenombreuxautresarguments,lesappellationsmêmesdontces sciences sont revêtues, qui non seulement sont grecques, mais usurpées et considérées à l’usagecommeleursparlesLatins–,etmêmesijem’entenaisàunrappeldeleurtalenten poésieetenrhétorique,ainsiqu’enphilosophie,mèredetouslesarts,quinesaitqueces sciencesontétéinventéesparlesGrecs,qu’ellesontétéperfectionnéesetconduitesaufaîte suprêmeparlesGrecs?Ilssontconnusdetous,neseraitcequedenom,lesmaîtresdeces arts,poètes,orateurs,philosophes,quil’ontemportédeloinsurlesLatinsnonseulementdu pointdevuedutempsetdunombre,maismêmedel’excellenceetdelagloire. Mêmes’ilestreconnuquelaGrèceaétéuneinitiatricedanslaplupartdesdomainesdu savoir, Lambinnefaitpasl’économiedecetargument.Mais,loind’enfairel’essentieldesa démonstration, il ne s’en sert que comme d’une base qui témoigne de sa lignée dans laquelleils’inscritetquiluisertàrebondirpourpousserplusavantl’argumentation. Danslepassagecité,Lambinannoncequ’ilnevadévelopperlaquestiondel’influence de la Grèce que pour trois «sciences»: la poésie, la rhétorique et la philosophie. L’énumérationhabituellesemuedoncchezLambinen une réflexion ternaire. Il évacue donclesautresdisciplinesgénéralementévoquées,commelesmathématiques,ledroit,la médecine,enselimitantauxdomaines«littéraires».Pourchacundecesdomaines,Lambin procède, là encore de façon traditionnelle, par comparaison entre le grec et le latin, en visantàmontrerlasupérioritégrecquesurquatrepoints:le«temps»( tempore ,argument del’antériorité),le«nombre»( numero ),l’«excellence»( praestantia )etla«gloire»( gloria ). C’estpourlapoésiequelaGrèceapparaîtenpremierlieucommel’initiatrice.Lambinne choisitpasdeconfronterfaceàfacelesdeuxplusgrandspoètesgrecetlatin,Homèreet Virgile,etdeprendredirectementpositiondanslevifdébatautourdecesdeuxauteursqui

38 H.Estienne, Conformité du langage françois avec le grec, préface.

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animaleXVIesiècle 39 ,maisilélargitsonapprocheetajouteauprestiged’Homère,pour prouverlasupérioritédesGrecs,lenombre.LagrandeéruditiondeLambinluipermeten effetdeciterbiend’autrespoètesgrecs,àcôtéd’Homère,commeceuxàquilesLatinsont «volé»( furatus )ou«emprunté»( mutuatus )leurmatière: Publius Virgilius, quem poetarum Latinorum Homerum dicere solemus, si quae a Museo, Homero, Hesiodo, Euripide, Apollonio Pisandro et Apollonio Rhodio, Theocrito et similibus vel furatus vel mutuatus est, ei detrahantur, nudus fere atque inanis reperietur . Sil’onretiraitàVirgile,quenousappelonshabituellement«l’Homèredespoèteslatins»,ce qu’il a volé ou emprunté àMusée, Homère, Hésiode,Euripide, Apollonios de Pisandre et ApolloniosdeRhodes,Théocriteetd’autresauteurssemblables,ilsembleraitpresquenuet vide. Lambinélargitencoreledébatenmentionnantd’autrespoèteslatinsquiauraientétéeux aussiinfluencésparlaGrèce:Horace,Properce,Tibulle,Ovide.Sileprofesseurnerecourt pasauprocédédel’énumérationencequiconcernelessciencespromuesparlesGrecs,il n’hésitepas,àl’intérieurdestroisdomainessélectionnés,àtirerpartidel’effetquepeut créeruneliste.Ainsi,c’est«Pindare,Alcée,Sapho,Simonide,Stésichore,Archiloqueetles autres»( Pindaro, Alcaeo, Sapphone, Simonide, Stesichoro, Archilocho et ceteris )qu’Horaceimite. Pourlarhétorique,Lambinrecourtaumêmeprocédédel’énumération,quiviseàfaire valoirl’argumentdunombreenfaveurdelaGrèce.AuseulCicéronlatin,dontlavaleurest cependant reconnue 40 , sont donc opposés douze orateurs grecs, dont la plupart sont traditionnellement recensés comme les «canons» alexandrins: Périclès, Alcibiade, Démade,Céphale,Lysias,Isocrate,Antiphon,Dinarque,Eschine,Démosthène,Hypéride etLycurgue.Mais,siLambinévitait,pourlespoètes,laconfrontationHomère/Virgile,ilne seprivepas,àproposdesorateurs,dedresserun parallèle plus précis entre Cicéron et Démosthène, motivé notamment par le fait qu’il s’agit d’une praelectio d’introduction à l’orateurgrec:

… ex quibus [oratoribus] unum praecipue Demosthenem Marcus Tullius exprimere conatus est, seseque totum ad eius exemplum conformare studuit, quemadmodum iis qui utrumque diligenter et attente legerunt cognoscere licet. Parmiceuxci[cesorateurs],c’estleseulDémosthènequeCicérons’estavanttoutefforcé d’imiter, et c’est à l’exemple de celuici qu’il travailla à se conformertout entier – comme peuventlesavoirceuxquiontlulesdeuxauteursavecsoinetattention.

39 C’estautourd’HomèreetdeVirgilequesecritalliseledébatportantsurl’imitationàlaRenaissance.La positiondeVirgileparrapportaupoètegrecestambiguë:n’estilqu’un«imitateur»,doncinférieuràson modèle,oupeutonluireconnaîtreungénieproprequiluipermettraitdelesurpasser?Quintilienproclame, aulivreX,lasupérioritéd’Homère,Politienenfaitl’élogedansses praelectiones (voirson Oratio in expositione Homeri etlafindel’ Ambra ,v.457596),maispourScaliger,parexemple,HomèreestinférieuràVirgilepar sonantérioritémême,parlefaitquel’ ars ,lavirtuositétechnique,estchezluimoinsdéveloppée( La Poétique , éd.parJ.Chomarat,Genève,Droz,1994,chap.2).VoirnotammentlamiseaupointqueP.GalandHallyn faitsurcedébatdans Les yeux de l’éloquence. Poétiques humanistes de l’évidence, Orléans,Paradigme,1995,p.213 216. 40 Venio nunc ad oratores quorum praeclaram nobis copiam Graecia reliquit, cum Italia unum Ciceronem qui quidem sit sermone dignus et quem tot Graecis opponere possit habeat (J’enviensàprésentauxorateurs:laGrècenousena laissésdenombreuxetillustres,alorsquel’Italien’enaqu’unseul,Cicéron,qui,certes,estdigned’intérêt,et quel’onpourraitcompareràtantdeGrecs).

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Lambin concède, après Quintilien 41 et Longin 42 , que les deux orateurs présentent des différencesimportantes,maisselonlui,quoiqu’ilensoit,Cicéronresteunpâleimitateurde Démosthène: … tamen quidquid habet Marcus Tullius roboris atque nervorum, quidquid grande, elatum atque ornatum, id ad Demosthene sumsisse reperietur …cependant,quellesquesoientlaforceetlavigueurdeCicéron,quelquegrand,élevéet ornéquesoitsonstyle,ontrouveraqu’illesaempruntésàDémosthène. PourLambin,l’antérioritéetlenombredespoètesetdesorateursgrecsleurconfèrent une excellence et une gloire qui les rendent supérieurs aux Latins. En effet, les quatre «critères»desupérioritédesGrecsnesontpasàmettresurlemêmeplan,mesembletil, mais on peut supposer que la praestantia et la gloria dépendent du tempore et du numero , puisquecen’estpastantleurmoindrevaleurquiestreprochéeauxLatinsqueleurnombre restreintetleurqualitéd’imitateurs. Surlaphilosophie,leprofesseurnes’étendpasoutremesure.Ilrecourtauprocédéde laprétérition,quiluipermetd’opérerunimportantraccourci,debalayerladémonstration, etdemontrerlasupérioritégrecquedanscedomainecommeuneévidence:

Quid cetera orationis ornamenta ac lumina commemorem ? Quid locos ex philosophia petitos ? (…) Iam de philosophia quid est quod orationem habeam longiorem, cum tota Graecorum sit, neque ullus unquam Latinus, praeter Marcum Tullium et Senecam, Latinis eam litteris illustrare conatus sit ? Aquoibonrappelerlesautresornementsetlumièresdudiscours?Aquoibonleslieuxprisà laphilosophie?(…)Etpuis,pourlaphilosophie,àquoibonm’étendrepluslongtempsalors qu’elleesttoutegrecqueetquejamaisaucunLatin,saufCicéronetSénèque,n’aessayéde l’illustrerparleslettreslatines? Contrairement aux autres disciplines, Lambin ne propose pas d’énumération de philosophesgrecsàopposerauxdeuxauteurslatinsmentionnés,iln’opèrepasnonplusde confrontationentredeuxauteursessentielsdechaquelangue;ilsecontentedesouligner l’insuffisance des deux seuls philosophes latins qu’il cite: Sénèque n’a pas démérité en disputant«denombreuxpointsàsamanière,defaçonfine,subtile,ingénieuse»( multa ille quidem tenuiter, subtiliter et argute suo more disputavit ),maisilacherché«àassumerunecharge troplourdepourlui»( onere graviore quam ut id sustinere posset suscepto)et«n’arienproduitde dignedel’ampleur,delarichesse,del’éloquencedelaGrèce»( nihil Graeciae vel amplitudine, vel ubertate, vel facundia dignum attulit );Cicéron,quantàlui,n’estreconnuparLambinque comme traducteur de quelques commentaires de philosophes grecs d’importance secondaire(«iln’apastraduitenlatinpasgrand’chosedePlaton,etpeu–voirerien–, d’Aristote», non multa Platonis, aut pauca, aut nihil Aristotelis Latine donavit ).Enréalité,iln’est pasvraiment nécessaire, aux yeux de Lambin, de prouver la supériorité de la Grèce en matièredephilosophie;évoquerrapidementlesnomsdePlatonetd’Aristote,audétour d’unephrase,commeillefait,suffitamplementàsouligneruneévidence. Cettepremièredéfensedugrec,trèsrapide,neconstitueenréalitéqu’unpréalableàla suitedel’argumentation,pourlaquelleilimported’avoiradmisquelegrecestàlasourcede

41 Quintilien, Institution oratoire ,X,76. 42 Longin,Du Sublime, 12,45.

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touslesdomainesdusavoir.Ensuite,eneffet,Lambinréfutel’idéeselonlaquellelesmots grecsseraientdes voces rerum inaneis .Selonlui,cesmotspermettentd’accéderauxidéesdes grandsauteursetlegrecméritedoncd’êtreétudiépoursoi. Les mots grecs ne sont pas vides de sens Dansledeuxièmepointdesadémontration,quiconsistedoncàmontrerquelesmots grecsnesontpasvidesdesens,Lambinreprend,dansl’ordre,lestroisdisciplinesévoquées dans la première partie de sa défense, la poésie, la rhétorique et la philosophie. Pour chacuned’entreelles,Lambininvoquelesplusgrandsauteurs,dontonnepeutdécemment pasavouerqueleursécritssoientvains.Encequiconcernelapoésie,ils’agitdespoèmes l’ Iliade etl’ Odyssée ,dontonnesauraitcontesterlarichesse,constatéedelonguedate:

Homeri poemata, Ilias et Odyssea, quibus veteres omne disciplinarum genus contineri statuerunt, quaeque tanti fecerunt, ut Homeri versibus magnae saepe controversiae decisae ac sublatae sint, suntne rerum ac sententiarum inania ? Lespoèmesd’Homère,l’ Iliade etl’ Odyssée ,dontlesAnciensontétabliqu’ilscontenaienttous les genres de sciences et dont ils ont fait tant de cas qu’ils ont souvent tranché et réglé d’importantescontroversesgrâceauxversd’Homère,sontilsvidesdesavoiretdesens? ParmilesauteursquiattribuentàHomèrecettevertu,onpenseàQuintilien,biensûr(livre X),maisaussiàPolitien,quiécrit,dansson Oratio in expositione Homeri que«danslapoésie d’Homère,nouspouvonsvoirlesexemplesdetoutes lesvertusetdetouslesvices,les germesdetouteslesdisciplines,l’image( simulacra )etlareprésentation( effigies )detoutesles choseshumaines»,et:«Ehbien,sinousappelionscemêmeHomèremaîtreetfondateur delapeintureaussi,nousnementirionspas,jepense43 ?» Pour la rhétorique, c’est Démosthène que Lambin évoque, dont les discours sont connusenparticulierpourleurefficacitéredoutable,presqueconcrète:

Quid ! Demosthenis orationes constantne ex verbis, consilio et prudentia vacuis ? Nonne ille saepe iis orationibus phalanges et machinas Macedonias fregit, perculit, dissipavit ac profligavit ? Ehquoi!LesdiscoursdeDémosthèneconsistentilsendesmotsexemptsdesagesseetde prudence?Cegrandorateurn’atilpasbrisé,renversé,détruit,abattubiensouvent,parses discours,lesphalangesetlesmachinesmacédoniennes? A propos de la philosophie, enfin, Lambin n’appuie pas son argumentation sur un uniqueauteurmaisilrecourtàuneénumération,quivientsansdoutecompléterlepremier passage où il traitait de la philosophie grecque et latine. On a vuen effet que dans le premier point de sa défense, Lambin usait du procédé de l’énumération, sauf pour la philosophie; ce déséquilibre, sans doute réfléchi, se trouve donc compensé quelques paragraphesplusloin,quandilchercheàprouverquelesmotsgrecsnesontpasvidesde sens.Lesnomsqu’ilinvoquesontceuxdePlatonetAristote,maisaussideXénophon, ThéophrasteetPlutarque. Après avoir établi que les ouvrages grecs véhiculent véritablement du sens, Lambin s’attardesurlaphilosophie.Depuisledébutdudiscours,onl’avu,leprofesseuraccordeun

43 Politien, Oratio in expositione Homeri, Opera omnia ,Lyon,Gryphe,1546,t.III,p.5996;textecitéettraduit parP.GalandHallyn, Les yeux de l’éloquence, p.63.

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traitement particulier à cette matière, qui lui permet ici plus précisément de prouver la richesseetlaprofondeurdugrec.Onapudirequelapoésied’Homèrecontenaittousles savoirs, mais ce n’est pas cet argument, topique et déjà effleuré par lui dans ce même discours,qu’ilutiliseàcetendroitdesonargumentation.Lambin,dansuneperspectiveplus originale,montrequelaphilosophiegrecquecontienttouslessavoirs.Danssondiscours, Lambinindiqueque: Plato et Aristoteles, ut de his potissimum loquar, tanquam philosophiae principibus (…) res partim divinas, partim humanas et humanarum alias ad artem dicendi artemque disserendi pertinenteis, alias ad naturae explicationem, alias ad prudentiam civilem, alias ad rei familiaris tuendae rationem, suis libris complexi sunt litterisque mandarunt.

Platon et Aristote, pour parler essentiellement d’eux, en tant que maîtres de la philosophie(…) ontembrassé dans leurs ouvrages et mis par écrit un savoir midivin mi humain, et, parmi ce savoir humain, des connaissances concernant la rhétorique et la dialectique,d’autresl’explicationdelanature,oulaconnaissancedudroitcivil,ouencorela façondepréserverlepatrimoinefamilial. Ilapparaîtdoncqu’Homèren’estpasleseulGrecàvéhiculertouteslessciencesdansses poèmes, mais que les philosophes grecs, notamment Platon et Aristote, en sont aussi capables,puisquelacitationindiquequ’ilstraitentaussi,dansleursouvrages,derhétorique, dedialectique,dephysique,dedroitetd’économie.L’argumentationdeLambindonneà penser que les disciplines grecques s’entrelacent, s’interpénètrent, mais aussis’étoilent, sortentd’ellesmêmesdansunmouvementd’expansionaulieuderesterchacuneclosesur ellemême.Ainsi,lalanguegrecque,loindeneconsisterqu’ende«vainssons»,commele lui reprochent ses détracteurs, apparaît comme une langue porteuse d’un sens riche et complexe. LebutdeLambinestbiendeprouverque,silesauteursgrecs,àtraversleurstextes, véhiculentunvéritablesens,lesmotsgrecsnepeuventpas,quantàeux,être inaneis .Ainsi, on peut reconstituer une sorte de syllogisme: 1) les auteurs grecs transmettent un vrai savoir,2)orc’estparlesmotsquecesavoirpasse,3)donclesmotsgrecsnesontpasvides desens.Pourétayersadémontration,Lambins’appuiesurdesexemples:àdeuxreprises,il citedespassagesgrecsqu’iltraduitoudontilexplicitelecontenu,afindemettreenvaleur de façon concrète le lien entre les mots grecs et le sens qu’ils véhiculent. Lisons la premièrecitation:

Sentit in Theaeteto Plato, verbi gratia, quam celerrime hinc, hoc est ex hac vita, illuc, hoc est ad Deorum vitam, fugere conandum esse ; fugam autem, similitudinem cum Deo esse, quanta maxima esse potest ; cum Deo similitudinem vero, esse iustitiam et pietatem cum prudentia conjunctam. Unde hanc praeclaram et plane divinam sententiam elicio ? Ex verbis Platonis. Quae sunt verba Platonis ? Attendite. ι κα πειρ σθαι χρ νθ νδε κε σεφε γειν τιτάχιστα.Φυγ δ ο ωσιςθε κατ τ νδυνατ ν˙ ο ωσιςδ δκαιονκα σιονετ φρον σεωςγενέσθαι. Dansle Théétète 44 ,Platonpense,parexemple,qu’«ilfauts’efforcerdes’évaderauplusvite d’ici»,c’estàdiredelavied’icibas,«pourallerlàbas»,c’estàdireverslaviedesdieux; que«l’évasionestuneressemblanceavecladivinité–laplusgrandepossible»,etque«sont uneressemblanceavecladivinitélajusticeetlapiétéalliéesàlasagesse».D’oùtiréjecette

44 Théétète ,176ab.

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illustreetpresquedivinepensée?DesmotsdePlaton.Quelssontils?Ecoutezbien: ι κα πειρ σθαιχρ νθ νδε κε σεφε γειν τιτάχιστα.Φυγ δ ο ωσιςθε κατ τ νδυνατ ν˙ ο ωσις δ δ καιον κα σιον ετ φρον σεως γενέσθαι. (C’est pour cela aussi qu’il faut s’efforcer de fuir d’ici au plus vite pour aller làbas. La fuite est une ressemblance avec la divinité–danslamesuredupossible;etestuneressemblancelefaitd’êtrejuste,pieuxet sageàlafois).

Lambin souligne clairement le contenu philosophique du passage, mais il attire bien l’attentiondesonauditoiresurlefaitquecesensesttirédesmotsgrecs: attendite ,«écoutez bien.» Grâce à une argumentation très systématique et progressive qui force l’adhésion, l’objection des détracteurs du grec portant sur la «vanité» des mots de la langue de Démosthènesevoitréfutée:onnesaisitlespenséesdesauteursgrecsquesil’oncomprend leurlangueetdonclesmotsqu’ilsemploientpourlesexprimer;lesmotsgrecsnesontpas vains,quipermettentd’accéderàcesavoirdontilestétabliqu’ilestricheetcomplet. Lambinparvientdoncàdéfendreefficacementlacultureetlalanguegrecquesgrâceà unraisonnementplussystématiquequelesgénérationsprécédentes.Cependant,àcestade, onpeutencoreluiopposerunargumentsolidequen’ontpassudéfairesesprédécesseurs et qui est au cœur des débats en cette seconde moitié de XVIe siècle: l’existence de traducteurs.Dansladeuxièmepartiedesadéfense,Lambinavancedenouveauxarguments qui repoussent tout détracteur dans ses retranchements – mais il s’agit d’arguments particulièrementexigeants,quitémoignentd’unetrèshauteambitionquantàlamaîtrisedu grec.

UNE ARGUMENTATION TRES EXIGEANTE De l’inutilité et de la nocivité des traducteurs LesdéfenseursdugrecavantLambinavaientsoulevéleproblèmedelatraduction 45 et soulignél’importancedelirelegrecdansletexte,maisleurargumentationn’étaitpas,surce point,systématiqueetefficace,sibienquel’argumentdesdétracteursdelalanguegrecque selonlequeliln’estpasutiled’apprendrelalanguegrecquecaruntraducteursuffitpour accéderausensdutextegrecrestaitenpartievalable. PietroBembo,danssondiscoursrédigéengrecpourladéfensedugrecetadresséàla RépubliquedeVeniseen1494 46 ,indiquequelatraductionlatinepervertitlapenséeetle style d’auteurs comme Platon et Aristote, qu’il faut lire dans le texte 47 . Carteromachus, quantàlui,danssondiscoursprononcéen1504mentionnéplushaut,pensequelalangue

45 Sur la traduction, voir notamment L. Guillerm, Sujet de l’écriture et traduction autour de 1540 , Paris, Aux Amateursdelivres,1988;G.P.Norton, The Ideology and Language of Translation in Renaissance France and their humanist Antecedents ,Genève,Droz,1984;M.Bizer, La poésie au miroir ,Paris,Champion,1995; Traductions et traducteurs au Moyen Âge ,textesréunisparG.Contamine,Paris,EditionsduCNRS,1989;F.Goyet, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance ,Paris,LeLivredepoche,1990;P.GalandHallyn,«Latraduction,par G.Haudent,dela Silve Rusticus dePolitien», L’Italie et la France dans l’Europe latine de Pétrarque à Descartes ,IIe CongrèsInternationaldelaSociétéFrançaised’EtudesNéoLatines,UniversitédeRouen,1012mars2003, ss.ladir.deM.DeramaixetG.Vagenheim,pressesdel’UniversitédeRouen,2007(enparticulierlamiseau pointsurla«libérationdelatraductionaumilieuduXVIesiècle»p.810). 46 Discoursmentionnéplushautetintitulé Oratio pro litteris Graecis . 47 Ibidem ,p.6869.

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grecqueest significatissima et,parconséquent,qu’ellenesouffrepaslatraduction 48 .Nil’unni l’autre,cependant,neparvientàsemontrerréellementconvaincant. Lambin, qui introduit dans son discours l’objection de ses adversaires à propos des traducteurs,parvientàlaréfuterdefaçonprogressiveetefficace,entroismoments.Tout d’abord,Lambinmetenquestionlafidélitédestraducteurs:

Primum, auditores, quotusquisque linguae Graecae et Latinae, ut de his potissimum loquamur, interpres fidelis est ?

Toutd’abord,étudiants,combienyatildetraducteursdelanguegrecqueoulatine(pourneparler qued’eux)quisoientfidèles? La question de la fidélité est intrinsèque à la question de la traduction 49 , et on pense d’embléeau fidus interpres horacien 50 quiafaitcoulerbeaucoupd’encreàlaRenaissance 51 .La fidélitéconsistetelleàrendrelemotàmotouplutôtl’espritdutexte?Lesthéoriciens 52 considèrentengénéralqu’êtrefidèle,c’estrendreaumieuxl’espritdutexte 53 .Mais,àpartir desannées1540surtout,«lerêvedel’écriturelibresurgit»,selonlemotdeL.Guillerm 54 , et les traducteurs souhaitent s’émanciper des auteurs et se constituer une écriture individuelle,loindelatâchelaborieuseetservilequereprésentaitlatraductionjusquelà.Le traducteurrefusedetransmettreunmodèleens’effaçant,maisilentendl’assimiler 55 eten rendre compte en l’enrichissant 56 . C’est bien parce que le contexte est au désir d’émancipationdestraducteursetaudésirdecréativitépersonnelledeleurpartqueLambin poselaquestiondesavoirs’ilenexistevéritablementdefidèles.L’argumentqu’ilavanceest que«chaquejoursontéditéesdenouvellestraductionsdumêmeauteuretdelamême œuvre» ( novarum quotidie interpretationum eiusdem scriptoris eiusdemque argumenti editio ), ce qui prouvequepersonnen’estcapabled’établirunetraductionaboutie,correcteetsuffisante. Lenombredetraducteursposeproblème,pourLambin,carilparaîtévidentquetousne peuventfairepreuved’unevéritablecompétence.

48 Carteromachus, Scipionis Carteromachi Pistoriensis oratio , p. 35: sed ipse quoque caeterorum sermo non eam patitur expressionem, quam Greacus. Atque adeo, ut plus naturam efficere, quam verbis monstrari possit : in aliis quidem locutionibus non procul absit a vero. In Graeca autem tantum abest ut vere dicatur : ut melius etiam aiquanto atque significantius non nulla ante oculos ponat : quam natura ipsa moliatur. 49 VoirlesremarquesdeM.Pergnierdans«Existetilunesciencedelatraduction?», Traductions et traducteurs au Moyen Âge , p.XVIIsq. 50 Horace, Art poétique ,v.128135. 51 VoirG.P.Norton,«Fidusintrepres:aPhilologicalContributiontothePhilosophyofTranslationinthe RenaissanceFrance», Neo-latin and the Vernacular in the Renaissance France ,éd.byG.CastorandT.Cave,Oxford Univ.Press(Clarendon),p.227251. 52 Voirl’éditionGoyet,quiregroupelestextesdeSébillet(p.140surla«version»),Aneau(p.188),Peletier (p.243 sq.),FouquelinetRonsard;voiraussiDolet, La manière de bien traduire d’une langue en aultre , Lyon, Dolet,1540(disponiblesurGallica). 53 Voirparex.Dolet:«letierspoinctestqu’entraduisantilnefaultpasasserviriusquesàlaquel’onrendele motpourmot.» 54 L.Guillerm, Sujet de l’écriture ,p.439. 55 L’opérationdetraductionestdécriteàl’aidedemétaphoresnaturellescommecelledel’assimilation;voir L.Guillerm, Sujet de l’écriture ,p.513sq. 56 Sébilletinverselamétaphoredel’enrichissementetaffirmequelatraductionfaithonneuràl’auteurtraduit puisqu’ellerend«lapureetargentineinventiondespoètesdoréeetenrichiedenotrelangue»(éd.Goyet, p.140).

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Lambinintroduitensuiteundeuxièmeargumentpropreàréfuterceluidestraducteurs; iln’estpasnouveau,maisils’insèreparfaitementdansladémonstrationetgagneainsien efficacité.Eneffet,aprèsSébillet 57 etDolet 58 notamment,Lambinindiquequemêmes’il existaitdestraducteursfidèles,ilfaudraitqueceuxciconnaissentparfaitementleslangues dedépartetd’arrivéesoit,ici,lagrecqueetlalatine.Cetargumentvienteneffetpréciserle premierenindiquantqueltypedetraducteurpourraitêtrefidèle,sil’onconcèdequ’ilen existe:

Deinde, si qui sunt linguae Graecae laudabiles et fideles Latini interpretes, consentaneum et probabile est eos esse quibus lingua Graeca et Latina nota est, non eos quibus lingua quidem Latina non est satis nota, Graeca autem prorsus ignota. (…) Iudicare autem de multis interpretationibus quae nam sit omnium optima aut quae minime mala, eius profecto est cui utraque lingua nota est et qui regulam recti et pravi domi habet, quam cum opus sit adhibere queat. Recti autem et pravi regula in hoc genere lingua Graeca est : quam qui ignorat, neque de interpretationibus Latinis iudicare, neque interpres cuiusquam Graeci scriptoris ullo modo esse potest. Ensuite,s’ilyadestraducteursdelatinetdegreclouablesetfidèles,ilestlogiqueetprobable quecesoitceuxquiconnaissentleslanguesgrecqueetlatine,etnonceuxquineconnaissent pas suffisamment le latin et ignorent même tout à fait le grec. (…) Et juger, entre de nombreusestraductions,laquelleestlameilleuredetoutesoulaquelleestlamoinsmauvaise, appartientassurémentàquiconnaîtl’uneetl’autrelangueetsaitlarèglequidistinguelebon dumauvais,qu’ilestenmesured’appliquersibesoinest.Etlarèglequidistinguelebondu mauvais dans le domaine qui nous intéresse est la langue grecque: qui l’ignorene peut ni jugerdestraductionslatines,ni,enaucuncas,sefaireletraducteurdumoindreauteurgrec.

Pour Lambin, cependant, cela ne suffit pas encore, et sa réfutation de l’utilité des traducteurs se résout en un troisième point. En effet, même s’il existait des traducteurs parfaits,maîtrisantàmerveillelelatinetlegrec,mêmes’ilsétaientenmesuredetraduire chaqueauteurenrendantcomptedesonstyleparticulier,ilrestequeceluiquidépenddes traducteursenestl’esclave,etqu’ilvauttoujoursmieuxjouirdetoutesaliberté,mêmepour lalecturedetextesgrecs 59 . Postremo fingamus scriptores omneis Graecos fideliter et pro suo quemque scribendi genere, (…) sed demus Graecos scriptores omneis fideliter et pro sua quemque dignitate in sermonem Latinum esse conversos, cuius malum, infelicitatis, vel potius, cuius ignaviae ac vecordiae est, ab alterius lege, arbitrio ac potestate pendere, quam sui iuris esse et suis legibus uti malle ? Enfin,imaginonsquetouslesauteursgrecsaientététraduitsenlatinfidèlementetchacun selonsonstyle(…),admettonsquetouslesauteursgrecsaientététraduitsenlanguelatine fidèlementetchacunselonsonmérite,quelleinfortune,ômalheur!,ouplutôtquelleparesse etquellefoliefontquel’onpréfèredépendredelaloi,dujugementetdupouvoird’unautre, àêtreindépendantetuserdesespropreslois?

57 Sébillet,éd.Goyetp.146. 58 Dolet, La manière de bien traduire ,règle2:«Lasecondechosequiestrequiseentraduction c’est que le traducteuraitparfaiteconnaissancedelalanguedel’auteurqu’iltraduitetsoitpareillementexcellentenla langueenlaquelleilsemetàtraduire». 59 LacondamnationdestraducteursparLambinestd’autantplusétonnantequ’ilassumeluimêmelacharge deTraducteurRoyaldegrec.MaisLambinsembleseconsidérercommeuntraducteuràpart:luiparvient, danssestraductionslatines,àrendrelestyledesauteursgrecs.Cependant,ilvautmieuxtoujourslirelegrec dansletextequederecouriràuntraducteur,fûtilLambin.

15 Camenae n°1–janvier2007

IlfautnoterquedanslabouchedeLambin,laquestion de l’ «esclavage» relative à la traduction s’établit dans un rapport inverse de celui que l’on trouve habituellement: ce n’estpasletraducteurquiaccomplitunetâcheservile,maisceluiquilelitquientredans unerelationdedépendanceàsonégard.Silesdeuxargumentsprécédentsauxquelsrecourt Lambin pour contester l’utilité des traducteurs peuvent être réfutés, ce dernier, en revanche,quisoulignelanécessitédel’autonomie,apparaîtincontestable.Eneffet,quand onsaitqu’undesbutsessentielsdel’éducationconsisteàformerdeshommesautonomes, l’argumentdeLambinnemanquepasdefrapperparsapertinence.L’idéedel’importance de lire l’auteur par soimême dans le texte n’est pas nouvelle. Bembo, par exemple, l’abordaitdéjàdansson Oratio pro litteris graecis de1494 60 ,maisilsecontentaitdedirequela traductionpervertissaitlestyleetlapenséedel’auteur.Lambinvaplusloinenaffirmant nonseulementqu’unauteur,lorsqu’ilfaitl’objetd’unetraduction,estcorrompu,maisque lelecteurmêmedecettetraductionestaliéné,esclavagisé,infantilisé.Lambincontestedonc àlatraductionlerôleéducatifquiapuluiêtrereconnuetsouligneaucontrairesoneffet pervers,quiconsisteàentretenirleshommesdansunétatinfantileprolongé: At qui interpretis opera in Platone et ceteris legendis utuntur, primum ex alterius arbitrio pendent, deinde semper incerti sunt, semper haesitant, semper fluctuant, semper aut tanquam peregrini, in locis desertis iter facientes, in errore versantur, aut tanquam pueri in tenebris ambulantes, trepidant et conturbantur. Mais ceux qui, pour lire Platon et les autres, recourent aux services d’un traducteur, non seulement dépendent du jugement d’un autre, mais restent toujours incertains, hésitent toujours,sonttoujoursindécis,toujours,commedesvoyageursétrangersquifontroutedans deslieuxdéserts,sontlivrésàl’errance,ou,commedesenfantsqui,marchantdanslenoir, tremblentd’effroi.

Cetargument,quisoulignelanécessitépourlesétudiantsdeparveniràl’autonomie,et cegrâceàlalecturedesauteursgrecsdansletexte,apparaîtparticulièrementpuissantet difficilementcontestable.Lambindévoileparlàsestalentsdepédagogue,maisilmontre aussilagrandeexigencequiestlasienne.Cetteexigencesevoitconfirméeparlafindeson raisonnement,quiviseàdéfendrelegrecgrâceàd’autresargumentsinédits. Le style des auteurs grecs Pour Lambin, comprendre le grec par soimême permet certes d’éviter de suivre les erreursdesautres61 ,maisceladonneaussil’occasion,aubonlecteur,d’apprécierdestyle propreàchaqueauteur,quinepeutêtresensiblequedanslalangueoriginale:

60 Editioncitée,p.69. 61 Voir,danslasuitedelamême oratio : … praeter eas rationes quibus ostendi quam sit inutile, damnosum, periculosum atque adeo miserum interpretibus quantumvis fidelibus et eruditis credere …(…outrelesraisonsquim’ontpermisde montrer combien il est inutile, dommageable, périlleux, et même lamentable de faire confiance à des traducteurs,toutfidèlesetéruditsqu’ilssoient…)et: et interpretibus partim ignotis, partim magno saepe nostro malo [25] notis bonam nostrae aetatis partem nostramque adeo libertatem committere et permittere malemus ? Praeterea vultisne vobis dicam, auditores, cum quibusnam conferri possint ac debeant qui interpretes legunt, non auctores ipsos ? Cum iis qui auditis et rumoribus credunt. Nam quemadmodum hi saepe falluntur, dum incerta pro certis, falsa pro veris, ficta pro factis accipiunt, ita qui interpretum fidem sequuntur in magnas saepe fraudes impelluntur (Etpréférerons -nousconfieretabandonnerune bonnepartiedenotreexistenceetmêmenotrelibertéàdestraducteursenpartieinconnus,enpartieconnus, souvent pour notre malheur? En outre, voulezvous que je vous dise, étudiants, avec qui pourraient et devraientêtrecomparésceuxquilisentlestraducteursetnonlesauteurseuxmêmes?Avecceuxquicroient lesonditetlesrumeurs.Car,demêmequeceuxcisesontsouventtrompésenprenantl’incertainpourle certain,lefauxpourlevrai,lafictionpourlaréalité,demêmeceuxquifontconfianceauxtraducteurssefont souvententraînerversdegrandesméprises).

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…qui igitur Platonem Graece loquentem legunt, primum in Platonis sententia percipienda aut numquam aut raro falluntur, deinde orationis lepores atque, ut ita dicam, cincinnos, quorum Plato studiosissimus fuit, una opera contemplantur et spectant atque ex tali contemplatione et spectaculo incredibilem voluptarem capiunt, cuius interpres ne umbram quidem talium elegantiarum potuit imitari. Quare qui Platonis interpretem, non Platonem legunt, hoc tanto bono careant necesse est.

…ceux,donc,quilisentPlatonentraindeparlerengrec,toutd’abordnesetrompentjamais, ou rarement, dans la perception de sa pensée, ensuite, ils contemplent et regardent par la mêmeoccasionlespectaclequ’offrentsescharmes,et,pourainsidire,sesboucles,auxquelles il a porté une extrême attention, et, à une telle contemplation et à un tel spectacle, ils prennentunplaisirincroyable–tandisqueletraducteurdePlatonn’estmêmepasenmesure d’imiterneseraitcequel’ombredetellesélégances.C’estpourquoiilestinévitablequeceux quilisentuntraducteur,etnonPlaton,manquentcetavantagesiremarquable.

Lambin souligne donc le plaisir propre à la lecture d’un texte grec original, que manquent nécessairement ceux qui s’en remettent aux traducteurs. L’argumentation de Lambinnesecontentepasd’êtreutilitariste,maisils’appuieaussisurdesargumentsqui peuvent sembler gratuits – comme pourrait apparaître celui de la voluptas . L’idée que la maîtrisedugrecpermetd’apprécierlestylevariédesauteursgrecsreprésenteunesortede luxequin’entraitpasréellementdansl’argumentationdesdéfenseursdugrecauparavant. CenouvelargumentauquelrecourtLambinestrendupossibleparlesprogrèsdugrec–ce qui permet de dépasser la simple compréhension littérale –, mais aussi par le public privilégiéauquels’adresseLambinauCollègeRoyal.L’exigencedeLambinestd’autantplus grandeetsonargumentationd’autantpluspointuequ’ilpossèdelestatutdeLecteurRoyal etquesonpublicconsisteenla«crème»desétudiantshellénistesduroyaume.Enhomme decour,ilinsistesurlafinessedontpeutetdoitfairepreuveunexcellenthelléniste,etces développementssurlasubtilitédustyledePlaton, notamment, dont les «boucles» sont évoquées 62 ,n’étaientprobablementpaspourdéplaireauxautrescourtisansprésentsdansla salle. Ainsi, il apparaît que l’étude de la langue grecque, menée à bien, permet de lire les auteurs de façon autonome, dans le texte, et de les comprendre véritablement tout en jouissantdesbeautésdeleurstylepropre.Maisl’argumentation de Lambin va plus loin encore.Ilchercheàprouver,enfin,quelaparfaitemaîtrisedugrec,àundegrésupérieur, permet,plusqued’éviterdeserreurs,decorrigercellesquiontétécommises,etderétablir lavéritédestextesantiques.Enréalité,Lambinnesecontenteplus,àlafindesondiscours, d’argumenterenfaveurdugrecetdesétudesgrecques,maisiljustifielatâchedephilologue quiestlasienne. Le grec au service de la philologie Le dernier mouvement de la démonstration de Lambin consiste en une sorte d’ouverture. Toute la dernière partie représente une manière d’hyperbate où Lambin ne traiteplusseulementdugrecmaisaussidulatin,etoùilchercheàprouvercombienle choixdesmotsestdéterminantetcombienlestylevaried’unauteuràl’autre:

Quid vero ! auditores, putatisne aut nihil referre quo quidque modo dicatur, aut omnium scriptorum dicendi genus esse idem atque unum ? Non est ita.

62 Lepremierauteuràparlerde«boucles»dustyleestDenysd’Halicarnasse,dansses Compositions stylistiques , VI,25,32.

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Maisquoi!étudiants,pensezvousquen’importeenrienlafaçondontchaquechoseestdite, etquelestyledetouslesauteursestseuletunique?Cen’estpaslecas. Laconsciencequelesmotsontunpoidsparticulieretquelesauteursontchacunleurstyle –voirequechaqueauteuradopteunstylevariéselonletyped’ouvrage–,alliéeàlamaîtrise parfaitedeslangueslatinesetgrecques,permettentauphilologuedeparfaitementsaisirla spécificité de chaque auteur, de chaque texte, et donc de détecter les éventuelles interpolations.Lambin,danscetultimemomentdesadémonstration,seprendluimême pour exemple; latiniste et helléniste fini, extrêmement sensible aux nuances lexicales et stylistiquesdesauteursqu’ilétudieoutraduit,ilrappellequelquescorrectionsdontilest l’auteur:Lucrèce,Cicéron,Horace.Lambinneciteiciquedescorrectionsapportéesàdes auteurslatins,maisonsaitqu’ilfutLecteurdelatinavantd’êtreLecteuretTraducteurde grecetqueseséditionslatinesfaisaientautoritéàl’époque 63 . Pourrépondreauxdétracteursdugrec,Lambins’estvuforcédeprouverquelesmots grecsn’étaientpas«videsdesens».Maisleprofesseurnesecontentepasdemontrerque lesmotsgrecsvéhiculentunsavoirétablipartous;ilimporteselonluides’intéresserdetrès prèsauxmots,quitransmettentlespenséesdesauteursetquisontmisenœuvrepareux dansunstylespécifiqueàchacun.Ainsi,latâcheduphilologuen’estpasvaine,quipermet dedécelerlesinterpolationsetderétablirlestextesdesauteursdansleurvérité;grâceàces savants,latransmissiondestextes,dontchacunnepeutquereconnaîtrequ’ilsreprésentent untrésorpourl’humanité,estassurée. CONCLUSION La défense de Lambin concernant le grec s’appuie sur les discours apologétiques précédentsetlesdépasse.Leprofesseurévacueassezrapidementlesargumentslesplus traditionnels pour insister davantage sur ce qui lui permet de véritablement réfuter ses adversairesetderemporterl’adhésion.Laforcedel’argumentationdeLambinreposesur sarevendicationdel’autonomie.Eneffet,leprofesseurplaidepourl’étudedugrecensoi (sansconsidérerlegreccommeunoutilpourlelatin),doncpourl’autonomiedugrec,et avecuneviséeéducativequiconsisteàrechercherl’autonomiedesétudiants.Etudierle grecpoursoietensoi,lemaîtriser,permetd’accéderausenstransmisparlestextesgrecs, sans dépendre de l’autorité de quiconque –en particulier des traducteurs incompétents. L’argumentation pédagogique et morale de Lambin se double d’une argumentation plus gratuite,quisouligneleplaisirapportéparlapossibilitédesaisirlesprouessesesthétiques desauteurs:ils’agitlàdel’originalitédeLambin,brillantetraffinéhelléniste,maisaussi LecteurRoyaletcourtisan.

63 Mêmeencoreausièclesuivant,leséditionsdeLambinsontlaréférence,enparticuliercelledeLucrèce; Titi Lucretii Cari libri sex, a D. Lambino… ex auctoritate quinque codicum manuscriptorum emendati…et… commentariis illustrati ,ParisetLyon,G.RouilleetP.G.Rouille,1563[BN:YC545,in4°].

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