Saison 2003-2004

LE FANTÔME DE SHAKESPEARE de et avec Philippe Avron

DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Sur la photo : Philippe Avron © Pascal Gély / Agence Bernand

ING nous aide à initier les jeunes au théâtre dès l!école.

LE FANTÔME DE SHAKESPEARE De Philippe Avron

Distribution

De et avec Philippe Avron

Musique : Jean-Jacques Lemêtre

Lumière : André Diot

Avec l!aide de l!équipe technique de l!Atelier Théâtre Jean Vilar

Molière 2002 Meilleur One Man Show

un spectacle présenté par Acte 2 Acte 2 est un département d'Atelier Théâtre Actuel et Catherine de Courson en accord avec le Théâtre Le Ranelagh -

Dates : du 11 au 19 mars 2004

Lieu : Théâtre Jean Vilar

Durée du spectacle : 1h25, sans entracte

Réservations : 0800/25 325

Contact écoles : Adrienne Gérard : 0473/936.976 – 010/47.07.11

2 Avant-propos

Philippe Avron nous offre par le biais de son spectacle une magnifique leçon de théâtre, d!humanité et de culture.

En effet, ce spectacle, dont l!auteur, le comédien et le metteur en scène ne font qu!un, est une initiation au théâtre. Philippe Avron, monument qui a traversé toutes les œuvres et a côtoyé les plus grands metteurs en scène, revisite tous les événements, les personnalités du théâtre depuis les années !60. Philippe Avron est également un être humain exceptionnel, d!une générosité rare, ses multiples expériences théâtrales collectives le prouvent. Enfin, Philippe Avron est un homme de culture hors du commun, érudit et élégant, son œuvre est d!une grande poésie.

Presse

Philippe Avron propose « Le fantôme de Shakespeare », hymne au théâtre, au poète, le grand Will, et au public. Philippe Avron est un homme de finesse et d'espièglerie. Il traite ses nostalgies avec tendresse et livre au public ses souvenirs, ses joies, ses réflexions sur le théâtre, la planète des fantômes. Il les fait revivre d'un sourire, d'une démarche. De son professeur de philo aux cancres de la classe, ils sont tous là, ceux qui accompagnent Philippe Avron dans ses rêves. Après "Ma cour d'honneur", variation émouvante, farfelue, autour d'Avignon, de son festival et de cette fameuse cour, "Je suis un saumon" allégorie grave et malicieuse du passage de la vie à la mort, il propose "Le fantôme de Shakespeare", hymne au théâtre, au poète, le grand Will, au public, que Shakespeare conseille « soyez les ingénieux chimistes de nos métamorphoses ». Après un tel souhait, le public ne peut qu'avoir du talent. D'ailleurs, c'est tout l'art de Philippe Avron, donner des ailes au public. Lui qui joua en 1977 "Hamlet" dans "La cour d'honneur" sous la direction de Benno Besson - «Il me donne de l'énergie» - avoue avoir fait ses premiers pas shakespeariens avec Peter Brook. «C'était en 1968. Brook avait réuni un petit groupe de comédiens, dont Sami Frey, Delphine Seyrig, Michael Lonsdale. Peter Brook nous faisait travailler des improvisations, du style l'arme et la blessure. J'ai vu des meurtres au regard». Un spectacle qu'ils ont joué, non pas à Paris en pleine fièvre soixante-huitarde, mais à Londres, dans une gare désaffectée. Peter Brook fait d'ailleurs une apparition savoureuse dans le spectacle, tout comme Ariane Mnouchkine, Raymond Devos et Jacques Lecoq, le mentor ami, celui chez qui Philippe Avron fit ses classes à 19 ans. Il les évoque tous avec une amitié cocasse et sympathique. Parfois un grain de malice vient se glisser dans le voyage fraternel. Ainsi, chez Lecoq, Philippe Avron et ses condisciples apprennent à mimer le travail, prendre, recevoir une brique, la poser, et ils font et refont les gestes sans fin. Leurs camarades du Conservatoire déclament à tout va Racine ou Corneille et les interpellent : «Et chez Lecoq, ça va ?» «ça va» «Qu'est-ce que vous faites ?» Et les disciples du mime de répondre en chœur, sourire jusqu'aux oreilles :

3 «La brique !» Un ton amical et blagueur qui n'appartient qu'à Philippe Avron. Il vagabonde d'un personnage à l'autre, et démasque Shakespeare devant une classe de terminale. Il irradie, entre humour et grâce. Sa malice est jolie. En scène, il donne la parole aux accessoires de tragédies shakespeariennes : le poignard, le trône, le crâne. «Ce qui frappe dans le théâtre de Shakespeare, c'est la vie. Il donne de la vie au moindre objet, «le poignard regrette» «la lune rougit»… je m'amuse de ces trouvailles.» Il précise que le crâne tenu en main est en résine, acheté à deux pas de l'Ecole de médecine. C'est un farceur tendre. «J'écris tout le temps. Je crois aux rapports d'abeille entre les êtres, c'est-à-dire la rencontre informelle de deux êtres qui font leur miel de leur curiosité. Il faut être comme un pêcheur et attendre. Quand rien ne vient, je lis Montaigne. D'ailleurs, il intervient dans le spectacle. Il dialogue avec Shakespeare.» Quel générique ! Rien d'étonnant de la part de cet humoriste aristocratique, vrai prince sans rire. Marion Thébaud Le Figaro - Mercredi 30 Janvier 2002

4 I. La pièce

« Philippe, me dit un jour Shakespeare, voudriez-vous que nous soyons tous les deux gamins éternels ? ». C!est ainsi que commence le spectacle du comédien et conteur Philippe Avron.

Dans une classe de terminale de lycée, peuplée d!élèves répondant aux doux noms de Tête de Silex, Carbone 14, Black Hole ou Aurélia, le professeur essaie de faire partager à ses ouailles la certitude de l!existence des messagers de l!au-delà. Shakespeare et Einstein assistent au cours : les élèves voient le dramaturge et le savant, mais un député et un inspecteur ne parviennent pas à distinguer les illustres revenants. Les redoublants que le professeur nomme « ceux qui continuent avec moi le voyage », ne distinguent les fantômes qu!au bout de quelques années. Comment oser voir d!emblée ce qui relève de la poésie et d!un cheminement personnel ? Les élèves qui ont triplé leur niveau considèrent toute question brève comme une affirmation prétentieuse, alors que la lueur d!une réponse nécessiterait des années. Pour mieux expliquer son propos, Avron appelle à la rescousse, en un clin d!œil, Jacques Lecoq, Montaigne, Kant ou Nietzsche, Jean Vilar, des morts bien vivants et particulièrement drôles auxquels viennent répondre des vivants… bien vivants : Peter Brook, Raymond Devos, Ariane Mnouchkine…

Philippe Avron choisit pour ce monologue d!explorer les recoins de ce qui l!entoure et le passionne : le théâtre. Le spectacle parle des fantômes qu!on ne voit pas, mais qui n!en existent pas moins, ce sont nos doubles, nos ancêtres, tous ceux qui nous habitent. Shakespeare est le roi des fantômes avec sa poésie et son panthéisme. Pour lui, la lune rougit, les étoiles se figent, le poignard regrette, le sang sort de la plaie pour voir qui l!a libéré. Tout vit au théâtre sous son regard. Ce qui frappe le comédien-auteur, c!est que depuis deux générations, on a éliminé les fantômes de notre vie. On ne trouve plus de greniers, de silence dans la nuit, de peurs ensemble : en échange, la confrontation solitaire avec l!angoisse. C!est pourquoi les fantômes se sont réfugiés au théâtre, là est leur place. Le théâtre fait venir les spectres et revenir au passé. L!homme, fort de son pragmatisme, a cru éliminer cette réalité, qui ne peut être radiée, puisqu!elle est. « Nous sommes tous les enfants d!un tel et d!une telle, issus d!une histoire, et lourds de tels poids, de telles joies ».

5 II. L!auteur

Le père de Philippe Avron s!appelait également Philippe Avron. Il était administrateur maritime. Avant d!être nommé à Paris et à Bordeaux, il a bourlingué dans tous les ports bretons : le Croisic, le Guilvinec, Concarneau, Saint-Malo. A chaque escale, il déposait un enfant. C!est ainsi que Philippe Avron naît en 1928 près du port de Croisic. Philippe Avron fils grandit donc ici et là, en Bretagne et fréquente le collège de Saint-Malo. Ensuite, à Paris, au lycée Jacques Decour, il étudie et aime passionnément la philosophie ; pour la première fois, il va à l!école sans angoisse : « La philosophie, c!est la possibilité de poser toutes les questions, sans être obligé d!y répondre… ». Il est vrai que Montaigne lui est déjà familier ; son père, qui portait toujours dans son costume d!administrateur un petit exemplaire gris des œuvres du maître, le lui avait fait découvrir tout jeune. Encore le père ! Ce dernier, juriste de profession, était aussi philosophe et acteur dans l!âme. Philippe Avron père rêvait ainsi que son fils devienne comédien. Il lui dira plus tard : « Tu n!es pas allé vers le théâtre, c!est le théâtre qui est allé à toi ». Le chemin fut étrange en effet.

Après des études de droit et de psychologie, Philippe Avron a maintenant 25 ans. Il choisit d!enseigner dans une école pour jeunes caractériels. Il écrit et illustre des textes, des livres pour enfants et les fait jouer par ses élèves. Il ne perdra d!ailleurs jamais son goût pour l!enseignement : durant toute sa carrière de comédien, il aura soin de donner des stages : « Lorsque je vais en province, même si je ne joue qu!une fois, je reste huit jours. Je donne des stages autour de Dom Juan, par exemple, à des gens qui ne sont pas obligatoirement des comédiens ». Cela dit, et pour perfectionner auprès de ses jeunes élèves des années 50 son travail d!expression corporelle, il entre à l!école de théâtre de Jacques Lecoq. C!est là qu!il connaît , Claude Evrard et bien d!autres. Il monte avec Claude Evrard une équipe de recherche théâtrale et partage ainsi ses journées entre les cours qu!il donne et ceux qu!il reçoit. En 1960, il rencontre Jean Vilar. Il joue au TNP (Théâtre national populaire). Puis triomphe dans « L!idiot » de Dostoïevski. Jorge Lavelli fait appel à lui, ainsi que Benno Besson, Peter Brook, . Il tourne pour le cinéma sous la direction de René Clair, Michel Deville, Albert Lamorisse… Après « Pierrot d!Asnières », « Big-Bang », « Dom Juan 2000 », « Ma cour d!honneur » et « Je suis un saumon », le revoilà de nouveau seul en scène avec « Le fantôme de Shakespeare », promenade délicieuse, à la délicatesse particulière, d!une pudeur et d!un humour léger, aux humeurs enjouées et plus graves soudain.

6 Biographie de Philippe Avron en dates

1960 : Première rencontre avec Jean Vilar : celui-ci confie à Jacques Lecoq la mise en scène des chœurs d!Antigone et tous ses élèves y sont associés. 1960, c!est aussi la naissance du tandem Avron-Evrard. Ensemble, ils réalisent une série d!émissions pour enfants, montent un spectacle de cabaret – de courts textes écrits par Philippe Avron et qu!ils interprètent en duo. Ils font la tournée des cabarets de la Rive gauche, L!Ecluse, la galerie 55… - Ils en fréquentent parfois six par nuit ! Là se produisent aussi Barbara, Guy Bedos, Pierre Doris, les Frères ennemis, Victor Lanoux, Christian Marin, Pierre Richard, Sim…

1960-1964 : Philippe Avron est comédien chez Jean Vilar au T.N.P. et à Avignon : Les Rustres de Goldoni, L!Avare de Molière, La Guerre de Troie n!aura pas lieu de Giraudoux, L!Alcade de Zalaméa de Calderon, Antigone de Sophocle… Jean Vilar lui dit un jour : « Si tu veux, tu restes avec nous ; le jour où tu t!en iras, préviens-moi longtemps à l!avance. » Durant la même période, le numéro Avron-Evrard prend de la force et de l!ampleur. Au cinéma, c!est Fifi la plume d!Albert Lamorice et Les Fêtes galantes de René Clair.

1964-1968 : Il joue le rôle du prince Mychkine dans L!idiot d!après Dostoievski, dans une mise en scène d!André Barsacq. Il reçoit le Prix de la critique et de l!interprétation. Il y aura 360 représentations. Jorge Lavelli le remarque et le met en scène dans Le Triomphe de la sensibilité de Goethe. Dominique Houdard le dirige dans Tu connais la Musique de Robert Abirached. Peter Brook lui propose de participer à un travail autour de La Tempête de Shakespeare : la troupe se produit à Londres en 1968. Parallèlement, au cinéma, il tourne dans Bye, bye Barbara de Michel Deville et dans Les Oiseaux, les orphelins et les fous de Yourai Yokubisho.

1970-1975 : Le numéro Avron-Evrard est créé au Grammont, repris à Avignon, puis à Bobino, à l!Olympia. Il tourne partout en France. Autour de lui s!est constituée toute une équipe de recherche qui organise des stages à Paris et en province. « Les participants ne connaissent rien au théâtre. Ils découvrent le plaisir d!être capables d!en faire. Ce qui m!intéresse, ce n!est pas l!être exceptionnel, mais l!exceptionnel qui est dans l!être ».

1977-1979 : 1977 est un très grand moment dans l!histoire de Philippe Avron fils : il joue Hamlet de Shakespeare avec le T.E.P. au Festival d!Avignon, dans une mise en scène de Benno Besson. « Hamlet, c!est quand même la philosophie au théâtre. Shakespeare s!arrête tout d!un coup pour dire, qu!est-ce qu!un homme ? De plus, Hamlet passe par

7 toutes les phases, l!enfance, l!adolescence, l!homme mûr, il fait son psychodrame, c!est assez complet comme évolution ». L!année suivante, le même Besson lui propose le rôle d!Azdak dans Le Cercle de craie caucasien de avec pour partenaire Coline Serreau.

1980-1982 : Il semble de plus en plus s!orienter vers les one-man-show. Il crée son Pierrot d!Asnières au Festival d!Avignon. Il partira avec lui partout en Europe. Il garde un souvenir particulier de la confrontation de son personnage avec les réalités des pays de l!Est : « La Roumanie, qui ployait encore, à l!époque, sous Ceaucescu découvrit un personnage ignorant la langue de bois… » Roger Planchon parvient à le saisir un instant, il lui donne le rôle de Sganarelle dans Dom Juan de Molière, au T.N.P. à l!Odéon.

1983-1987 : Philippe Avron crée son Avron Big Bang, spectacle drôle sur la philosophie. « J!ai pris la philo au premier degré, si l!on peut dire, c!est-à-dire au niveau où l!on se pose des questions qu!un enfant pourrait poser. Pourquoi je suis là ? Qu!est-ce que le soleil, la lune ? Pourquoi l!homme ? Y a-t-il des hommes ailleurs ? J!ai joué l!Idiot, Hamlet, Sganarelle, des personnages qui remettent des choses en question, ne pourrais-je le faire, moi aussi , sur scène, à ma manière ? »

Il crée le spectacle en France à Avignon, bien entendu, tourne en France, en Belgique, en Suisse, à New-York, Washington, Houston, en Afrique de l!Est. Diffusé sur FR3, Avron Big Bang reçoit le prix des journalistes universitaires.

En 1987, Benno Besson lui confie, paradoxal retour des choses, le rôle de Dom Juan, à la Comédie de Genève. Ce rôle magnifique le marque tellement que l!année suivante, il crée à l!Atelier Sainte-Anne, à Bruxelles, son Dom Juan 2000 avec Jack Gatteau pour complice de scène. « J!ai joué Sganarelle avec Planchon en 1980, cette année, avec Besson, j!ai joué Dom Juan. A présent, j!ai rendu mon rôle, mais j!ai gardé le personnage. Les choses ne naissent pas de l!extérieur mais de l!intérieur. J!ai fait ce spectacle parce que Dom Juan est un mythe et chacun d!entre nous le porte dans sa tête, dans son corps. Le désir de séduire est universel. Dom Juan incarne tous les désirs de l!homme et, surtout, celui d!être libre. » Avec Dom Juan 2000, il tourne en France, en Europe et en Afrique de l!Est.

1991-1992 : Avec son partenaire de music-hall, Claude Evrard et Marianne Sergent, il crée La Nuit de l!An 2000, son premier texte pour trois comédiens. La mise en scène est assurée par sa femme, Ophélia Avron, psychanalyste de renom, spécialisée dans les jeux de rôle et le psychodrame.

8 1993 : Avec Claude Evrard, il reforme le duo le temps d!un Avron-Evrard en liberté créé à Avignon. « La fidélité n!est pas une obligation, mais une chance, d!autant plus belle quand elle prend place au milieu d!une création ».

1994 : Il crée son quatrième monologue Ma cour d!honneur qui est un hommage au lieu, mais aussi aux personnes, acteurs et spectateurs, aux metteurs en scène tels Jean Vilar, à ces revenants que sont les personnages, à Molière, aux auteurs… Il reçoit en 1996 le Prix spécial de la SACD. Avec ce spectacle, il tourne en France, en Belgique, au Canada.

1998 - 2001 : Création de Je suis un saumon. Tournées en France, en Belgique (à l!Atelier Théâtre Jean Vilar et à Bruxelles), au Festival d!Avignon, au Théâtre Rive-Gauche, Paris. Molière 99 du meilleur one man show. Tournées aux Etats-Unis (New-York), au Canada (Montréal) et en Belgique.

9 III. Qui sont ces fantômes ? Le texte…

Le texte est divisé en 6 parties, dans lesquelles Philippe Avron évoque différents personnages (fantômes ou vivants), qui lui sont chers. Voici ci-dessous un petit résumé de chacune des parties ainsi qu!une petite explication sur les différents personnages que vous rencontrerez au fil de la narration. Le texte se laisse déguster à plusieurs niveaux : mots d!esprit, références culturelles et personnelles ; porté par un jeu d!acteur époustouflant et diversifié.

Partie I : Où sont passés les fantômes ? Petite introduction dans laquelle Philippe Avron se pose la question de savoir où se cachent les fantômes. Peut-être le théâtre leur sert-il de refuge, d!ailleurs c!est Jean Vilar qui appelle de sa douce voix « Philippe, Philippe »…

Jean Vilar : homme de théâtre français (1912 - 1971), défenseur du théâtre populaire, pour et par le peuple pour une démocratisation du théâtre. Fondateur du festival de théâtre d!Avignon en 1947, appelé à l!époque « Festival d!art dramatique ». Créateur du Théâtre national populaire (TNP) à Paris qu!il dirige de 1951 à 1963. Philippe Avron a travaillé avec lui.

Partie II : La voix de Shakespeare Apparition du fantôme de Shakespeare. Ce dernier permet à Philippe Avron de retourner à l!époque de ses 18 ans. C!est l!occasion pour lui de se remémorer ses cours au conservatoire. Digression sur une réplique de Shakespeare : « la chose est revenue »

Jacques Lecoq : professeur de théâtre de Philippe Avron au conservatoire. Il travaillait notamment beaucoup la technique du masque et la gestuelle avec ses élèves. En 1952, il participa avec Giorgio Strehler et Paolo Grassi, à la fondation de l'école du Piccolo Teatro de Milan, puis s'essaya à la mise en scène d'opéra et de théâtre avec Dario Fo, Eugène Ionesco et le compositeur Luciano Berio. En 1956, il fonda à Paris une école internationale de «théâtre corporel», entièrement consacrée au mariage du mouvement du corps et du masque et explora de nouvelles voies, sans en exclure la parole. Avec plus de cinq mille étudiants de diverses nationalités, nombreux furent ceux qui, à leur tour, fondèrent une école, ou acquirent une notoriété internationale.

Dans un article du figaro, Avron parle du conservatoire… Ainsi, chez Lecoq, Philippe Avron et ses condisciples apprennent à mimer le travail, prendre, recevoir une brique, la poser, et ils font et refont les gestes sans fin. Leurs camarades du Conservatoire déclament à tout va Racine ou Corneille et les interpellent : «Et chez Lecoq, ça va ?» «ça va» «Qu'est-ce que vous faites ?» Et les disciples du mime de répondre en chœur, sourire jusqu'aux oreilles : «La brique !»… ! Dans l!avant propos, vous trouverez l!article dans son entièreté

10 Partie III : La messagère apporte le cache-nez Le professeur accueille les fantômes de Shakespeare et d!Einstein dans sa classe. Les « redoublants » seuls peuvent entrer en contact. Les hommes rationnels, tels un inspecteur et un député, refusent de les voir et s!insurgent contre le professeur. Einstein apporte une explication scientifique de la nature des fantômes.

Partie IV : On apporte le message Place aux accessoires de théâtre. Pour une fois, la parole leur est donnée ; que pensent l!épée, le trône ou le crâne quand ils sont en scène ?

Montaigne : Écrivain français (château de Montaigne, Dordogne, 1533 — id., 1592). Montaigne est le penseur humaniste de la quotidienneté: quiconque n'aura pas vécu heureusement chaque jour, et aura attendu le bonheur pour le lendemain, aura mal vécu. Le principe du vrai bonheur est en dedans de soi, non en dehors. Et Montaigne, en un siècle d'atroces guerres civiles et d'intolérance, a su mener le combat pour être soi- même, et le gagner.

Partie V : Oh ! Il y a un monde dehors ! Il y a du monde dehors qui attend Shakespeare, chacun y va de sa petite histoire : le professeur Gaffiot s!excuse d!avoir douté de l!authenticité de ses textes, Brook parle de ses mises en scène...

Raymond Devos : comédien et humoriste belge (Mouscron, 1922). Après des débuts au théâtre, il s'est imposé sur les scènes de variétés par des sketches qu'il écrit et qu'il interprète seul. En prenant au pied de la lettre le sens des mots et des expressions, il crée un monde insolite et absurde où l'angoisse le dispute à la poésie. L'ensemble de ses textes est regroupé dans « Matière à rire », 1991. ! En annexe, vous trouverez un texte très connu de Raymond Devos (Caen), auquel il est fait allusion dans la pièce

Philippe Caubère : acteur français (Marseille, 1955). Pendant dix ans, Philippe Caubère a raconté sa vie sur une scène: à travers son stupéfiant « Roman d'un acteur », le comédien évoque son aventure au sein du Théâtre du Soleil, la troupe mythique de la Cartoucherie de Vincennes dirigée par une personnalité du monde théâtral, Ariane Mnouchkine. Entre 1971 et 1978, Caubère est l'un des «pensionnaires» les plus brillants de ladite troupe, dans laquelle Philippe Avron joue également. Cette aventure dans cet univers particulier, où l'improvisation est le maître-mot, le marquera tellement qu'il décidera de faire une sorte de psychothérapie publique, en la mettant en scène dans un extraordinaire one-man-show. En 1978, il est la vedette du film sur Molière réalisé par la même Ariane Mnouchkine.

11 L'acteur a peu tourné au cinéma, à l'exception de deux films d', la Gloire de mon père (1990) et le Château de ma mère (1991), inspirés de l'œuvre de Marcel Pagnol, où il incarne un savoureux et tendre instituteur provençal.

Ariane Mnouchkine : directrice de théâtre française (Boulogne-sur-Seine, 1939). Elle créa en 1964 la compagnie du Théâtre du Soleil (installée dans l'ancienne Cartoucherie de Vincennes), dont l'activité repose sur le travail collectif et qui vise à établir de nouveaux rapports avec le public. Les pièces qu!elle monte composent une vision et une réflexion critiques sur l'Histoire et le monde contemporain. Elle a également réalisé un film sur Molière (1978).

Bacon : Le baconisme est la théorie selon laquelle Francis Bacon serait l'auteur des pièces de . Plusieurs adeptes de cette théorie ont cherché dans la grande édition de 1623 un code qui confirmerait cette thèse, mais en vain. La figure du professeur Gaffiot, défenseur du baconisme, tel que Philippe Avron l!évoque, est sans doute issue de son imagination.

Peter Brook : né à Londres en 1925. Il s!exerce à la mise en scène à 17 ans. Il monte ses premiers spectacles professionnels à Birmingham, Londres et Stratford-upon- Avon. Puis il accède à une carrière internationale. Il a réalisé sept films, s!est essayé à l!opéra ; mais le théâtre reste son domaine de prédilection, avec plus de quarante mises en scène. Il sert les auteurs contemporains de l!avant-garde américaine, tout en restant attaché à Shakespeare, qui lui vaut ses plus notables succès et la fonction de codirecteur de la Royal Shakespeare Company. Il reconnaît la valeur de deux voies théâtrales rarement conciliées avant lui, celle de « théâtre sacré » selon Artaud et celle de « théâtre brut » selon Brecht ; il entend même les faire coexister, mais toujours en les confrontant à la vie des gens, dans le lieu et l!instant où il monte un spectacle. Le dépouillement, la lisibilité caractérisent le langage théâtral de Peter Brook, langage repensé en fonction de chaque lieu scénique nouveau. Depuis « Le Roi Lear », il n!a cessé d!approfondir son ascèse, se concentrant sur le corps de l!acteur, à la recherche d!une expression non verbale. Plus que metteur en scène, il est devenu chercheur à part entière. Parmi ses nombreuses mises en scène, citons : « Timon d!Athènes » de William Shakespeare, en 1974 ; « Ubu aux Bouffes » d!Alfred Jarry, en 1977 ; « Mesure pour mesure » de William Shakespeare, en 1978 ; « Le Mahâbhârata », en 1985 ; « La Tempête » et « The Tragedy of Hamlet » de William Shakespeare, en 1990 et 2000.

Partie VI : J!ai été enchanté de ce moment passé avec vous Epilogue

12 IV. THÈMES ET PROLONGEMENTS

1. Les conventions au théâtre

Au théâtre, dès le début de la représentation, le spectateur doit accepter les conventions liées à cette forme d!art.

Convention : « Ensemble des présupposés idéologiques et esthétiques, explicites ou implicites qui permettent au spectateur de recevoir le jeu de l!acteur et la représentation. La convention est un contrat passé entre l!auteur et le public selon lequel le premier compose et met en scène son œuvre d!après des normes connues et acceptées par le second. La convention comprend tout ce sur quoi salle et scène doivent tomber d!accord pour produire la fiction théâtrale et le plaisir du jeu dramatique. » DAVIS P., Dictionnaire du Théâtre, 1996, Dunod, Paris.

L!univers de la représentation est entièrement truqué : l!acteur ne meurt pas sur scène lorsqu!il reçoit le coup d!épée fatal, les colonnes de marbre du palais sont en carton, les quelques mètres carrés de la scène figurent une étendue désertique, la lumière qui tombe du projecteur est celle du soleil, la toile de fond est un jardin… Le temps lui-même n!a pas la même valeur que le temps réel de la représentation. Ainsi, on peut voir jouer en 2 heures 10 ans de la vie du personnage.

La représentation n!est pas mensonge mais convention. Le public accepte la convention fondamentale qui accorde au théâtre un temps et un espace de fantaisie. C!est ainsi que le réalisme dans la représentation ne rapproche pas d!avantage le théâtre de la réalité : que le comédien boive un verre d!eau, ou qu!il porte à la bouche un verre vide, ou encore qu!il mime le geste sans accessoire ; le comédien n!est pas sur la scène pour boire un verre d!eau. C!est donc le comédien qui, par ce jeu de conventions, arrive à recréer un monde grâce à ses accessoires, ses costumes, ses intonations de voix. C!est ce que Philippe Avron nous donne à voir sur scène.

Au Théâtre, on joue. Curieux métier qui consiste à se maquiller, se mettre des moustaches, des perruques, à dire des mots que nous n!avons pas écrits, à mourir pour se relever au salut. Le public joue aussi. J!ai toujours pensé que lorsque les acteurs se préparent, se maquillent dans leur loge, le public, dans le salle, inconsciemment se prépare et se maquille. Il ne sait toujours pas ce qu!on va jouer mais il sait qu!on va jouer. Extrait de « Ma cour d!honneur », Philippe Avron

13 2. Une notion mouvante

Au fil des époques, les conventions n!ont pas toujours été les mêmes. Si l!on se réfère aux conventions classiques du théâtre français, il faut suivre la règle des trois unités. L!action qui se déroule devant les yeux du spectateur est unique, se passe en une seule journée et en un seul lieu. Les règles de bienséance imposent la non-violence sur scène, ainsi que le bon goût. C!est le triomphe du classicisme.

Shakespeare brise ces règles : il crée par le verbe, casse les conventions. Son théâtre, inscrit dans la mouvance du Théâtre élisabéthain, reflète l!histoire de l!Angleterre, meurtrie par 3 siècles de guerre. Les gens étaient habitués à la terreur et au sang. Ainsi, le théâtre se mettra au goût du jour pour créer une atmosphère semblable à celle du quotidien de chacun. Son ton, son audace formelle et sa violence ont conféré un rôle historique au théâtre élisabéthain, qui fonctionne comme un antidote à toute limitation de l'imaginaire et qui va à l'encontre des règles de bienséance. Son esthétique très libre, qui est parfois qualifiée de «baroque», par opposition à l'esthétique classique – soumise à de strictes règles –, va s'imposer au XVIIe siècle.

L!espace scénique devient pluriel, les changements de lieu sont acceptés au sein d!une même pièce. Les lieux successifs de l'action (palais, forêt, lande, camp militaire, place, etc.) sont évoqués par quelques accessoires réalistes, le ton et le costume des comédiens.

Ci-dessous, deux extraits de texte, l!un tiré du prologue de « Henri V » de Shakespeare, et l!autre, extrait du « comédien et ses métamorphoses » de Philippe Avron. Dans le premier, Shakespeare s!excuse d!emblée de la pauvreté des décors et en appelle à l!imagination des spectateurs pour recréer mentalement l!univers de la pièce. Dans le second, Philippe Avron se place du point de vue du comédien lorsqu!il s!aide de ses accessoires pour endosser un rôle.

LE CHŒUR : - … Mais pardonnez, gentils auditeurs, au plat et impuissant esprit qui a osé sur cet indigne tréteau produire un si grand sujet ! Ce trou à coqs peut-il contenir les vastes champs de la France ?… Oh ! pardonnez ! puisqu!un chiffre crochu peut dans un petit espace figurer un million, permettez que, zéros de ce compte énorme, nous mettions en œuvre les forces de vos imaginations…. Suppléez par votre pensée à nos imperfections ; divisez un homme en mille, et créez une armée imaginaire… Car c!est votre pensée qui doit ici parer nos rois, et les transporter d!un lieu à l!autre, franchissant les temps et accumulant les actes de plusieurs années dans une heure de sablier. Extrait du prologue de « Henri V », Shakespeare

14 J!ai une couronne sur la tête, Un sceptre, un habit d!or. Je me redis mon texte. J!ai peur.

Je fais un pas. Je suis Roi. Extrait « Le comédien et ses métamorphoses », Philippe Avron

Shakespeare sera traduit en français. Dans un premier temps, l!influence du classicisme français se fait encore très fort sentir. Shakespeare doit entrer dans le moule des conventions françaises : on crée un décor lourd, très réaliste, les morts ne succombent pas sur scène…. C!est un échec, le texte perd sa force et son essence.

Mais dès la fin du XVIIIe siècle, préromantiques et romantiques ont pris Shakespeare pour modèle (« Racine et Shakespeare », de Stendhal; la Préface de « Cromwell », de Victor Hugo). Au début du XXe siècle, en rupture avec le naturalisme des œuvres et des décors, les auteurs renouent avec les traditions du théâtre élisabéthain : Maeterlinck adapte « Dommage qu'elle soit une putain »; Copeau monte « la Nuit des rois » au Vieux-Colombier, remettant l'acteur au premier plan; Craig et Appia proposent des scénographies pour le répertoire shakespearien. Brecht, à son tour, s'appuiera sur l'analyse de la scène et des œuvres élisabéthaines pour mettre en œuvre son théâtre épique et la théorie de la distanciation.

3. Quand les conventions sont abolies…

Depuis le début, nous parlons de conventions acceptées par un public. Si le public refuse ces conventions, il refuse la communication et se ferme à l!échange proposé, mais que se passe-t-il quand c!est le théâtre qui bouscule ses spectateurs ?

Yves Hunstad, comédien et auteur contemporain, a voulu mener son public à se poser des questions sur l!essence du théâtre, sur ses fondements : jusqu!à quand peut- on parler de représentation ? Sommes-nous encore au théâtre si toutes les conventions sont abolies ?

De là découle un texte, « Du vent…des fantômes », dans lequel les conventions sont mises à rude épreuve. Quand le public arrive, il ne peut pas entrer dans la salle car le personnel n!est pas là : il n!y a pas de lumière, pas régisseur… Le comédien emmène le public sur scène et lui explique la situation. Plus de texte, plus de salle, du coup, on ne distingue plus le vrai du faux, qui nous parle ? l!homme ou le comédien ? Paradoxalement, cette rencontre reste un moment de théâtre parce que l!échange avec le spectateur a toujours lieu, parce que ce « piège » est à l!origine un texte écrit et formidablement interprété par des comédiens qui jouent leur rôle.

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L!action se déroule sur la scène d!un théâtre… Avant même que quelque chose ne soit prévu. Avant qu!aucun mensonge autorisé ne soit établi.

Tout commence et les acteurs ne jouent pas encore. D!ailleurs dans la salle, il n!y a personne. Les sièges sont vides… et pourtant le public est bien là. Comme des fantômes, autour des acteurs, il regarde…

Cependant rien de tout ceci n!est encore écrit… Et même si c!est faux c!est pourtant bien vrai.

Jouer ou ne pas jouer là est la question…

Comment ça va se passer quand le public sera là ? Etre debout et prendre la parole devant des gens qui se taisent et sont assis !

Comment faire si on veut être vraiment sincère ?

Préface de « Du vent … des fantômes », de Eve Bonfanti et Yves Hunstad

16 ANNEXE

Texte de Raymond Devos auquel il est fait allusion chez Avron

J'avais dit: "pendant les vacances, je ne fais rien !... Rien ! Je ne vais rien faire ". Je ne savais pas où aller. Comme j'avais entendu dire : "A quand les vacances?... A quand les vacances?..." Je me dis: " Bon !... Je vais aller à Caen... " Et puis Caen !... ça tombait bien, je n'avais rien à y faire. Je boucle la valise... je vais pour prendre le car... Je demande à l'employé : - Pour Caen, quelle heure ? - Pour où? - Pour Caen ! - Comment voulez-vous que je vous dise quand, si je ne sais pas où? - Comment? Vous ne savez pas où est Caen? - Si vous ne me le dites pas ! - Mais je vous ai dit Caen ! - Oui !... mais vous ne m'avez pas dit où ! - Monsieur... je vous demande une petite minute d'attention ! Je voudrais que vous me donniez l'heure des départs des cars qui partent pour Caen ! - ! !... - Enfin !... Caen !... dans le Calvados !... - C'est vague ! - ...En Normandie !... - Ma parole ! Vous débarquez ! - Ah !... là où a eu lieu le débarquement !... En Normandie ! - A Caen... - Là ! - Prenez le car. - Il part quand? - Il part au quart. - ! !... Mais (regardant sa montre)... le quart est passé ! - Ah ! Si le car est passé, vous l'avez raté. - ! !... Alors... et le prochain? - Il part à Sète. - Mais il va à Caen? - Non il va à Sète. - Mais, moi, je ne veux pas aller à Sète... Je veux aller à Caen ! - D'abord, qu'est-ce que vous allez faire à Caen ? - Rien !... rien !... Je n'ai rien à y faire ! - Alors, si vous n'avez rien à faire à Caen, allez à Sète. - ! !... Qu'est-ce que vous voulez que j'aille faire à Sète? - Prendre le car !

17 - Pour où? - Pour Caen. - Comment voulez-vous que je vous dise quand, si je ne sais pas où !... - Comment !... Vous ne savez pas où est Caen? - Mais si, je sais où est Caen !... Ça fait une demi-heure que je vous dis que c'est dans le Calvados !... Que c'est là où je veux passer mes vacances, parce que je n'ai rien à y faire ! - Ne criez pas !... Ne criez pas !... On va s'occuper de vous. Il a téléphoné au Dépot. Mon vieux !... (regardant sa montre) : A vingt-deux, le car était là. Les flics m'ont embarqué à sept... Et je suis arrivé au quart. Où j'ai passé la nuit ! Raymond Devos.

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