Revue Interventions économiques Papers in Political Economy

56 | 2016 Développement et inclusion. Le grand chantier des inégalités, de la pauvreté Development and Inclusion. The Big Challenge of Inequality and of Poverty

Chalmers LaRose (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2909 DOI : 10.4000/interventionseconomiques.2909 ISBN : 1710-7377 ISSN : 1710-7377

Éditeur Association d’Économie Politique

Référence électronique Chalmers LaRose (dir.), Revue Interventions économiques, 56 | 2016, « Développement et inclusion. Le grand chantier des inégalités, de la pauvreté » [En ligne], mis en ligne le 01 novembre 2016, consulté le 24 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2909 ; DOI : https://doi.org/10.4000/interventionseconomiques.2909

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Revue Interventions économiques Papers in Political Economy

56 | 2016 Développement et inclusion. Le grand chantier des inégalités, de la pauvreté

Chalmers LaRose (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2909 ISSN : 1710-7377

Éditeur Association d’Économie Politique

Référence électronique Chalmers LaRose (dir.), Revue Interventions économiques, 56 | 2016, « Développement et inclusion. Le grand chantier des inégalités, de la pauvreté » [En ligne], mis en ligne le 01 novembre 2016, consulté le 15 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2909

Ce document a été généré automatiquement le 15 janvier 2018.

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SOMMAIRE

Introduction. Développement et inclusion : Le défi de notre temps Chalmers LaRose

Développement et inclusion. Vers un agenda social innovant en Amérique Latine Chalmers LaRose

A history of social protection in Latin America: from conquest to conditional cash transfers Emily J. Brearley

Social Policies for Social Polities: How Conditional Cash Transfers are Undermining Traditional Patrons in Northeast Brazil Lorenzo Daïeff

Le développement équitable par le tourisme, le tourisme « pro-pauvres », et la formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes Sabrina Tremblay-Huet

Note de recherche

L’opérationnalisation de la stratégie de Croissance pro-pauvres au Cameroun Chantal Marie Ngo Tong

Entrevue débats

Sur les inégalités, la pauvreté, les économies « à marché émergent » et le développement : dix questions à James Kenneth Galbraith Chalmers LaRose

Comptes rendus

À propos de l’ouvrage de Virgile Perret, Monnaie et citoyenneté. Les citoyens à l’épreuve de la globalisation financière, Berne, Peter Lang, 2015, 380 p. Vincent Gayon et Virgile Perret

Martin Ravaillon, The Economics of Poverty: History, Measurement and Policy, Oxford University Press, 2016, 702 p. Chalmers LaRose

Michel Aglietta, en collaboration avec Pepita Ould Ahmed et Jean-François Ponsot, La monnaie : entre dettes et souveraineté, Paris, Éd. Odile Jacob, Coll. Économie, 2016, 456 p. Charles Guay-Boutet

Thibauld Moulaert et Suzanne Garon (sous la direction, 2016), Age Friendly Cities and Communities in International Comparison. Political Lessons, Scientific Avenues, and Democratic Issues, New York: Springer Editor, 329 p. Diane-Gabrielle Tremblay

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Introduction. Développement et inclusion : Le défi de notre temps

Chalmers LaRose

1 Depuis le Sommet mondial pour le développement social de Copenhague de 1995, qui consolida les principes du développement durable adoptés au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992, et plus tard l’adoption des Objectifs du millénaire pour le développement en 2000, puis tout récemment celle des Objectifs du développement durable en 2015, la problématique d’un développement économique et social inclusif s’affirme comme un défi politique de premier plan. À ce sujet, l’idée que l’inclusion sociale constitue un facteur significatif intervenant dans le développement qualitatif des sociétés obtient une adhésion quasi unanime. Face à la montée rampante des déséquilibres mondiaux actuels, marquée par l’approfondissement des inégalités et de la pauvreté, la nécessité d’une croissance inclusive constitue, à juste titre, un impératif stratégique et politique urgent. Or, à bien observer, la réalisation d’une société juste et inclusive, par la mise en œuvre de politiques et stratégies visant à éliminer la pauvreté, à réduire les inégalités et à combattre l'exclusion sociale, et au sein de laquelle tous les individus y joueraient un rôle actif en même temps qu’ils bénéficieraient des droits et privilèges équivalents, reste plus que jamais une noble et lointaine entreprise.

1. Les deux faces d’une même médaille

2 Nous partons de la présupposition que l’inclusion et l’exclusion sociale constituent les deux faces d’une même médaille. Si l’exclusion sociale demeure un concept très large avec plusieurs acceptions, il n’en demeure pas moins qu’il existe une compréhension minimale au sujet de ses traits fondamentaux, en particulier quand il s’agit d’appréhender la relation qu’il entretient avec le phénomène de la pauvreté et des inégalités (Sen, 2000; Bourguignon, 1999; Rodgers, Gore and Figueiredo, 1995). L’exclusion sociale réfère à l’inhabilité d’un individu à participer au fonctionnement social, politique et économique de la société dans laquelle il vit (Tsakloghu and Papadopoulos, 2001). Il s’agit d’un déni d’accès aux opportunités et privilèges qui sont imposés aux autres par certains groupes de la société (Behrman, Gaviria and Székely, 2003). Billette et Lavoie

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(2010) définissent l’exclusion sociale comme étant « un processus de non-reconnaissance et de privation de droits et de ressources, à l’encontre de certains segments de la population, qui se réalise à travers des rapports de force entre groupes aux visions et aux intérêts divergents »1.

3 Selon José Antonio Ocampo (2004, p. 33), les concepts d’exclusion et d’inclusion sociale font ressortir la manière dont les bénéfices du développement, des réseaux d’interaction sociale et de la participation politique, sont distribués de manière inéquitable. Pour Mayra Muvinic, le concept apporte un éclairage à la fois sur l’écart existant dans la distribution des revenus et des avoirs dans une société et sur la persistance de la privation sociale et l’absence d’accès et de pouvoir qui en découle2. Comme le soutient Amartya Sen (2000, p. 6), l’exclusion sociale est liée d’une manière constitutive et fonctionnelle à la privation de capacités. Elle est aussi la cause d’autres privations qui réduisent davantage les chances de l’individu ou du groupe de jouir d’un niveau de vie décent ou d’obtenir les moyens pour y parvenir3.

4 Plus précisément, l’accent mis sur la nécessité de réaliser l’inclusion sociale des populations et des individus vulnérables fait ressortir l’urgence avec laquelle le monde a besoin de sortir des verrous de l’inégalité dans le but de renforcer les bénéfices de la croissance économique. En effet, les inégalités sont devenues un sujet de préoccupation majeure en économie politique du développement. Le phénomène interpelle tant les porteurs de normes que les décideurs publics. Un rapport publié par le Programme des Nations Unies sur le développement en 2013 fait un constat accablant: Le monde est plus inégalitaire aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été depuis la Seconde Guerre mondiale.Bien que le monde soit dans l’ensemble plus riche qu’il ne l’a jamais été, poursuit le rapport, plus de 1,2 milliard de personnes vivent toujours dans l’extrême pauvreté. Les 1% les plus riches de la population mondiale possèdent environ 40 pour cent des richesses mondiales, alors que la moitié la plus pauvre n’en possède pas plus de 1 pour cent4.

5 Poursuivant dans la même logique, cette fois dans son très attendu Rapport sur le développement humain paru un an plus tard en 2014, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) réitéra ses fortes préoccupations face à l’acuité de la situation. Malgré des progrès récents dans la réduction de la pauvreté, observe l’organisme onusien, plus de 2,2 milliards de personnes vivent en situation de pauvreté multidimensionnelle ou en sont très proches. Cela signifie que plus de 15 pour cent de la population mondiale reste vulnérable à la pauvreté multidimensionnelle. Dans le même temps, près de 80 pour cent de la population mondiale manque de protection sociale complète. Environ 12 pour cent (842 millions) souffrent de faim chronique, et près de la moitié des travailleurs (plus de 1,5 milliard) occupent un travail précaire ou informel5.

6 Dans le même temps, au cours des années 1990 et 2000, le slogan « la croissance est bonne pour les pauvres » s’est érigé en dogme et prescription de politique par excellence. Ce parti pris en faveur de la ruée vers la croissance accompagna l’accélération de l’insertion de certains marchés périphériques dans l’orbite de l’économie mondialisée. Au cours de cette période, plusieurs de ces économies ont connu une performance et une croissance vertigineuse dans plusieurs parties du monde, en particulier en Asie et en Amérique latine. L’expression pays, économies ou marchés émergents est devenue le point de référence pour désigner ces espaces qui connurent une croissance rapide et ouvrirent des opportunités d’affaires pour les investisseurs globaux6.Vue de l’Amérique latine, cette opération fut la conséquence directe du consensus dit de Washington7, train de réformes économiques néolibérales instaurées au forceps dans la plupart des pays de la région en

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vue de maintenir la stabilité macro-économique et la discipline budgétaire tout en stimulant au passage le redémarrage de la croissance, l’insertion internationale et l’intégration régionale.

7 La situation décrite plus haut soulève une question fondamentale : La croissance économique enregistrée dans certains pays au cours de ces dernières années a-t-elle permis de générer un agenda cohérent de réduction de la pauvreté ? La nature de cette croissance répond-elle aux défis et enjeux relatifs aux inégalités criantes, aux faillites institutionnelles, aux barrières institutionnelles et aux vulnérabilités personnelles ? En dépit de cette tournure heureuse, mais pour le moins fortuite, l’évolution chaotique et imprévisible de l’économie mondiale n’atteste-t-elle pas aujourd’hui d’une persistance significative des inégalités et d’une forte résistance des indicateurs de la pauvreté ? La croissance inclusive peut-elle devenir une réalité ou est-elle une utopie? En d’autres termes, comment conjuguer le développement avec l’inclusion, la croissance avec la cohésion sociale?

2. Un défi gigantesque

8 Selon l’organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), au cours des trois dernières décennies les inégalités de revenus ont augmenté dans la plupart des pays membres de l’organisation. Si la croissance accélérée a fait le bonheur d’une élite globale et ses relais locaux lesquels en ont profité pour multiplier leurs avoirs et renforcer leur ascendance sociale, celle-ci a été loin d’être bénéfique pour les pauvres et les exclus. Tout au contraire, force est de constater que le progrès économique n’a pas réussi à atténuer les inégalités et disparités criantes. Dans plusieurs pays en développement qui ont expérimenté des épisodes de croissances vigoureuses, l’impact de ces succès économiques s’est souvent révélé douloureux et pénible pour les plus démunis.

9 La situation a évolué de manière dramatique au cours de ces dernières années. Entre les pays et à l’intérieur des pays, les inégalités de revenus se sont élargies. Les revenus des plus fortunés de la société ont augmenté à une vitesse vertigineuse et ceux des plus démunis ont stagné ou décliné. Une nouvelle normalité s’est donc installée dans les relations de pouvoir pour le contrôle économique et social. Le résultat est qu’une grande majorité de la population mondiale vit désormais dans des sociétés qui sont plus inégalitaires aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Un vent de cynisme et d’indifférence a emporté des pans entiers du tissu social. On ne s’émeut plus devant le fossé abyssal de richesses et de privilèges existant entre divers segments et fragments de la société. Dorénavant de tels écarts font partie d’un processus normal de distribution des récompenses, sacré et consacré par les lois du marché.

10 Je crois que toute croissance, et tout développement qui l’accompagne, génèrent des défis et risques sociaux importants. Souvent ceux-ci résultent des faillites et imperfections des marchés. La croissance déséquilibrée étant une manifestation récurrente du mode de production et d’appropriation des ressources existant au sein des économies de marché, est-ce la raison pour laquelle, de tout temps, les sociétés ont cherché à développer et mettre en œuvre des instruments d’équilibrage destinés à absorber de telles imperfections. Dans les sociétés capitalistes avancées, des mécanismes ont été mis en place graduellement afin de faire face à ces enjeux structurels. Par le biais de contrats établis, les États et les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour ériger une infrastructure de protection sociale, incluant des filets de sécurité sociale, afin de

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corriger certaines externalités et ainsi maintenir la cohésion de la société8. Or l’opinion générale est que la protection sociale, telle que la connaissent les pays de l'OCDE, représenterait un luxe irrationnel pour les pays en développement, et qu'elle pourrait même se révéler contre-productive pour ces pays9.

11 Dans la plupart des sociétés de consommation, l’élargissement des structures de production des inégalités compromet aussi bien les acquis en termes de croissance économique que les efforts visant la réduction de la pauvreté. La question principale pour les années à venir demeure celle de savoir dans quelle mesure l’économie politique pourra rencontrer le défi consistant à prévenir l’accroissement incontrôlé des inégalités, ou encore contribuer à en limiter ses effets destructeurs.Pour paraphraser Angus Deaton, prix Nobel d’économie en 2015, et auteur de La grande évasion – Santé, richesse et origine des inégalités (2016), l’accroissement des inégalités n’est pas un problème économique, mais un problème politique. Il est donc nécessaire d’introduire dans l’équation tout un ensemble de questions qui sont liées aux choix politiques des sociétés dans la recherche tant des fondements que des éléments explicatifs du phénomène. En clair, les économies de marché font face à des choix étroits de politique publique. Des politiques sociales intelligentes et novatrices, appuyées par des politiques de redistribution et des normes sociales renouvelées, peuvent servir d’instruments correcteurs de régimes de croissance fondamentalement iniques et ainsi favoriser un développement inclusif. On espère que les résultats de ces politiques si attendues apporteront une réponse concrète à la fois aux problèmes liés à l’apaisement social, c’est-à-dire l’inclusion des laisser-pour-comptes, et au maintien de la création de la richesse, clé de voute d’une société intégrale et abondante.

12 Durant les années 1990, une génération de programmes ou instruments de redistribution sociale vit le jour au sein du dispositif de protection sociale des pays en développement. Dans le paysage des politiques sociales, ces instruments furent baptisés de « filets de sécurité sociale » ou de « transferts sociaux »10. Dans certains pays, ces filets de sécurité sont devenus une composante des systèmes de protection sociale déjà en vigueur ; dans d’autres, ils tiennent office de système de protection sociale à part entière. Néanmoins, force est de constater que ces derniers sont couramment utilisés comme instruments de redressement privilégiés dans les champs de la lutte contre la pauvreté, les inégalités et les exclusions11. Ils comprennent, entre autres, des transferts monétaires et en nature ciblés sur les ménages pauvres et vulnérables et ont pour principal objet la protection des familles victimes des répercussions des chocs économiques, de catastrophes naturelles et d’autres crises ou risques.

13 Vers le tournant des années 2000, la Banque mondiale a suggéré une perspective exprimée en terme gestion du risque social.Le cadre de définition de la gestion du risque social a été conceptualisé par Holzman et Jorgensen (1999)12 et Holzman, Sherburne-Ben et Tesliuc (2003)13. Celui-ci repose sur un double constat, à savoir que les pauvres sont les plus exposés aux risques divers, et qu’ils sont les moins bien outillés pour y faire face. Par conséquent, dans l'optique d'une politique d'aide sociale, il est impératif de « faciliter l’accès des pauvres aux instruments de gestion des risques sociaux » étant donné que leur grande vulnérabilité les rend réticents à prendre des risques. Ainsi le fait de fournir des instruments de gestion des risques aux individus, et en particulier aux pauvres, devient donc à la fois une fin et un moyen du développement14.

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3. Aperçu du numéro

14 Dans ce numéro spécial de la revue Interventions économiques, les articles proposés abordent sous l’angle de l’économie politique, mais aussi de différentes manières et dans plusieurs horizons disciplinaires et géographiques, la problématique de la relation entre développement et inclusion. Les textes présentés ici apportent un éclairage pertinent autour des effets possibles, récurrents et potentiels d’un ensemble de dynamiques en cours, notamment des politiques et stratégies tant habituelles que novatrices, en ce qui a trait tant à la nécessité qu’à la manière de conjuguer croissance et inclusion.

15 Ma contribution dans ce numéro explore le binôme développement et inclusion en inscrivant le sujet dans le sillage des effets sociaux de la croissance économique. Développement et inclusion : Vers un agenda social innovant en Amérique latine attire l’attention sur le rôle crucial des inégalités économiques et sociales considérées ici à la fois comme facteurs et variables intermédiaires dans la lutte contre la pauvreté, et comme tremplin et filtre nécessaire établissant la connexion entre croissance économique et réduction de la pauvreté. Le texte dresse un panorama général de la relation complexe entre croissance économique, inégalités et pauvreté, les trois piliers du triangle du développement, à partir d’une exploration approfondie de la situation au sein des pays de l’Amérique Latine, en particulier le Brésil. Certaines politiques publiques distributives et correctrices, notamment le renforcement de l’appareil de sécurité sociale, et surtout les transferts monétaires conditionnés vers les catégories sociales les plus pauvres, y font l’objet d’une analyse approfondie.

16 L’idée principale défendue ici est que la réduction des inégalités de revenus constitue un accélérateur potentiel de la réduction de la pauvreté. Dans toute économie de marché organisée, l’atteinte d’objectifs stratégiques liés à la lutte contre la pauvreté requiert une capacité des preneurs de décision à transposer dans les politiques publiques visant la cohésion sociale un contexte de croissance économique favorable. Cela permet à la fois de corriger les disparités criantes et humaniser les relations sociétales. Dans cette optique, un agenda social et de réduction de pauvreté à la fois ambitieux, innovant et englobant s’impose dans la région. Ce nouvel agenda permettrait d’aller au-delà de l’ancrage minimaliste actuel des politiques sociales et de chercher à arrimer les programmes de transferts conditionnés avec d’autres programmes sociaux existants afin de surmonter les structures traditionnelles de segmentation existantes en Amérique latine.

17 Quant à Emily Brearly, elle s’attèle à une histoire sociopolitique de la protection sociale en Amérique latine, en mettant en relief le problème de la malformation et du mal- développement de l’État-providence régional. Son texte A History of Social Protection Latin America : From Conquest to Conditional Cash Transfers examine le développement de l'État- providence dans l’ensemble de la région, depuis la conquête jusqu’à la gestation des programmes monétaires conditionnés. Cet article illustre avec un luxe détail la façon dont les dotations en facteurs initiaux ont arrêté le développement de politiques sociales inclusives. Pour Brearly, le développement de l’État-providence en Amérique latine est fondamentalement tronqué. Les crises de la dette des années 1980, et non la démocratie, ont eu pour effet de déboucher sur la création de politiques d'aide sociale efficaces sous la forme de transferts monétaires conditionnés (TMC). Contrairement aux politiques d'aide sociale antérieures, soutient Brearly, les TMC ciblent mieux les pauvres, et ont réussi à augmenter les revenus tout en améliorant les indicateurs de développement humain.

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Toutefois ces programmes, aussi novateurs qu’ils soient, ne sont pas parvenus à modifier les fondements paradigmatiques de base de l'État-providence en Amérique latine. L’État Providence régional est toujours caractérisée par un système à deux vitesses: les riches ont une protection distincte et de meilleure qualité que les pauvres, ainsi que l'accès à de meilleurs services de santé et d'éducation.

18 Ainsi, alors que les transferts monétaires conditionnés ont contribué à apaiser les tensions sociales - certains pourraient même les qualifier d’une forme de « populisme » – ceux-ci ne constituent pas une solution pour les inégalités existantes, soutient Brearly. Tout au contraire, les TMC pourraient même retarder la création d'un État- providence réellement inclusif. L’auteur apporte ici une contribution originale et perspicace autour de la relation complexe entre le développement et l’inclusion. Car pour elle, l’unique voie permettant de réparer le contrat social régional et fournir de l’assurance sociale à tous les citoyens de la région serait de créer un système d’accès universel pour tous les travailleurs eu égard à la nature du travail effectué, formel ou informel.

19 Dans Social Policies for Social Polities : How Conditional Cash Transfers are undermining Traditional Patrons in Northeast Brazil, Lorenzo Daieff pose la question de savoir dans quelle mesure les programmes de transfert monétaires en espèces (TME) peuvent-ils réellement transformer la vie politique des pauvres, et favoriser une citoyenneté inclusive. Le texte aborde la dimension politique des programmes de transferts monétaires conditionnés en examinant la relation entre politique sociale et clientélisme politique. Ici l’auteur partage les résultats d’un travail effectué sur le terrain à Recife, dans l’État de Pernambuco, Brésil, autour des multiples interconnexions entre les politiques d'État, le clientélisme et la citoyenneté. Pendant plusieurs mois, Daieff y a mené des entretiens autant avec des bénéficiaires qu’avec des administrateurs du programme Bolsa Familia.

20 Dans ce texte, l’auteur soutient que les politiques sociales telles que les transferts monétaires en espèce ou conditionnés peuvent jouer un rôle important dans la difficile transition du clientélisme à la citoyenneté. La politique sociale, écrit Daieff, ne vise pas uniquement des effets politiques et électoraux. Celle-ci peut tout aussi bien être le moteur d’une transformation plus soutenue laquelle fait la promotion d’une citoyenneté inclusive et démocratique et met à l’écart les relations patrons clients traditionnelles qui ont longtemps contrôlé la vie politique dans le Nord-Est du Brésil. En ce sens, suggère Daieff, les TMEs ne peuvent nullement être assimilés à une forme d'achat de votes. Tout au contraire, ceux-ci sont plutôt de nature à contribuer au déclin du clientélisme.

21 Comment alors faire rejaillir les fruits de la croissance sur les plus démunis de la société ? À première vue, cette question paraît plus politique qu’académique. Toutefois plusieurs recherches ont démontré que les mécanismes appartenant aux lois du marché sont insuffisants, et parfois sans effets, quand il s’agit d’apporter des correctifs sociaux émanant d’inégalités criantes, en termes de protection des plus vulnérables, de prise en compte des externalités et imperfections du modèle économique en opération. Devant cette situation, le concept de « croissance pro-pauvre » a été introduit dans le lexique des études sur le développement. La stratégie « pro-pauvre » prétend articuler une vision globale et intégrée qui, tout en se situant dans le sillage de l’impératif de croissance économique, le complémente.

22 Dans sa contribution à ce sujet, Chantal Marie NGO TONG explore l’opérationnalisation de la stratégie de croissance pro-pauvres au Cameroun et la manière de concrétiser cet objectif. L’ossature du travail réalisé par Tong vise à répondre à trois questions

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fondamentales, à savoirs : Quel type de croissance ? Croissance pourquoi ? Croissance pour qui ? Adoptant une analyse prospective et stratégique, NGO TONG passe en revue plusieurs études réalisées dans le pays dans le cadre des programmes mis en place par les institutions internationales de concert avec le gouvernement camerounais. L’auteur est d’avis qu’en vertu des études réalisées dans le pays, il est fort approprié de déduire que la croissance au Cameroun s’est révélée être une croissance anti-pauvre ou faiblement pro- pauvre.

23 L’auteur présente les résultats des Enquêtes camerounaises auprès des ménages (ECAM I et II) sur les déterminants de la pauvreté, tels que perçus par les populations ; il fait de l’absence de décentralisation l’un des facteurs contribuant à la répartition inégale des fruits de la croissance et à la persistance de la pauvreté au Cameroun. Selon NGO TONG, la récurrence du débat sur la relation à établir entre la croissance et la pauvreté résulte du constat établi qu’une forte croissance économique n’induit pas ipso facto une réduction conséquente de la pauvreté. Dès lors, la question fondamentale des effets de la croissance sur la pauvreté met en exergue le fait que la croissance ne peut durablement avoir un impact positif sur la pauvreté que si sont prises en compte les inégalités qu’elle entraîne. Le texte souscrit à une compatibilité entre les stratégies économiques et les stratégies de lutte contre la pauvreté.

24 Dans le même ordre de choses, le texte exploratoire présenté par Sabrina Huet-Tremblay intitulé Le développement équitable par le tourisme, le tourisme « pro-pauvres », et la formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes, étudie le concept de tourisme « pro-pauvres » comme instruments et outils permettant de rendre la croissance plus inclusive et plus bénéfique en faveur des personnes pauvres et vulnérables. Pour elle, si la promotion du tourisme est fréquente au sein des discours et programmes des grandes institutions internationales de développement, la croissance de cette activité économique dans le Sud Global se produit toutefois bien souvent de concert avec la croissance des inégalités des communautés hôtes. Le tourisme en formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes illustre bien cet état de fait. Ici la philosophie du tourisme « pro-pauvres » est appréhendée comme moyen de résistance face à cette stratégie néolibérale de développement inégal.

25 Huet-Tremblay propose que l’idée du tourisme « pro-pauvres » soit plus proactive en ce qui concerne la mise de l’avant de solutions, par l’exclusion explicite de la forme majeure de tourisme qui produit de façon disproportionnée des inégalités pour les communautés hôtes affectées. L’auteure est d’avis que le tourisme « pro-pauvres » détient un réel potentiel de résistance à l’idéologie néolibérale dominant le développement contemporain du tourisme. Elle plaide pour une exclusion complète de la formule en hôtels tout inclus, car celle-ci comporte des effets contre-productifs en termes d’accroissement des inégalités économiques, sociales et environnementales.

26 Somme toute, il est curieux de constater que, dans certaines économies en croissance, les programmes visant la protection sociale proprement dite ont tendance à jouer un rôle marginal et résiduel dans les politiques publiques. Il serait encourageant de promouvoir au sein de ces sociétés une infrastructure sociale inclusive apte à fournir de la sécurité et de l’opportunité aux individus à travers le cycle de vie, de telle manière à partager de manière équitable tant le fardeau que les bénéfices de la croissance. À cette fin, pour reprendre les observations faites par le PNUD, la prestation universelle des services sociaux de base peut augmenter les compétences sociales et réduire la vulnérabilité structurelle. Il s’agit d’un moyen puissant de lisser les inégalités des chances et des revenus.

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BIBLIOGRAPHIE

Behrman, J.R., Gaviria, A., and Szekely, M., (2003) Social Exclusion in Latin America: Perception, Reality and Implications dans Behrman, J. R. et al. (dir.) Who's In and Who's Out: Social Exclusion in Latin America, Inter-American Development Bank, p 1-23

Bourguignon François (1999) Absolute poverty, relative deprivation and social exclusion, Villa Borsig Workshop Series 1999 Inclusion, Justice, and Poverty Reduction, Paper prepared for the Workshop on the World Development Report organized by the DES, Berlin, Villa Borsig, Februray 2-3, 1999.

Deaton, A. La grande évasion – Santé, richesse et origine des inégalités, PUF, 2016, 384p.

José Antonio Ocampo (2004) Economic Development and Social Inclusion dans Social Inclusion and Economic Development in Latin America, chapitre 2, Banque interaméricaine de développement.

Rodgers, G., Gore, C. and Figueiredo, J. (1995) Social Exclusion, Rhetoric, Reality, Responses, A contribution to the World Summit for Social Development, International Institute for Labour Studies, International Labour Organization, Genève.

Sen, A (2000), ‘Social Exclusion: Concept, Application, And Scrutiny', Asian Development Bank

Tsakloglou, P., and F. Papadopoulos (2001) Identifying Population Groups at High Risk of Social Exclusion: Evidence from the ECHP. Discussion paper 392, Institute for the Study of Labor, Bonn.

NOTES

1. Billette, V. et J.-P. Lavoie (2010), « Vieillissements, exclusions sociales et solidarités », dans M. Charpentier et al. (dir.) Vieillir au pluriel. Perspectives sociales, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 1-22. 2. Mayra Buvinic (2004), Introduction: Social inclusion in Latin America in Mayra Buvinic et Jacqueline Mazza (dir) Social Inclusion and Economic Development in Latin America, chapitre I, Inter- American Development Bank, chapitre I, 2004, p. 5. 3. Sen, Amartya (2000) Social Exclusion: Concept, Application and Scrutiny, Social Development, Paper No. 1, Office of Environment and Social Development, Banque asiatique de développement, juin. 4. L’humanité divisée : combattre les inégalités dans les pays en développement, Programme des Nations Unies pour le développement, novembre 2013 5. Rapport sur le développement humain 2014 - Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience P. 2. 6. Les économies dites émergentes apparaissent comme l’émanation de la crise du capitalisme survenue au tournant des années 1980. Cette période a vu dans beaucoup de pays l’adoption de règles du jeu beaucoup plus libérales que dans les décennies d’après-guerre. 7. Le terme « Consensus de Washington » réfère à un ensemble de recommandations politiques en direction des pays en voie de développement : ouverture commerciale, privatisations, déréglementation des marchés, libéralisation du système bancaire, flexibilité dumarché du travail. L’objectif était donc de construire un nouveau régime de croissance, reposant sur l’initiative privée, la concurrence et une insertion étroite dans la division internationale du travail.

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8. La notion de filet de sécurité est couramment utilisée dans les champs de la lutte contre la pauvreté, les inégalités et les exclusions, dans les pays en développement comme au Nord. Elle évoque globalement les instruments permettant de soutenir les personnes en situation de pauvreté, de précarité et exclues de la croissance économique. 9. Dans le vocabulaire des experts, la protection sociale désigne tout ensemble de mesures prises afin d’améliorer ou protéger le capital humain. Cela peut inclure certaines interventions dans le fonctionnement du marché du travail ou encore un soutien ciblé du revenu. 10. Concrètement il s’agit d’un ensemble de mesures, incluant des transferts monétaires sans contrepartie à des personnes ciblées, permettant de soutenir les personnes exclues de la croissance économique, celles qui sont en situation de pauvreté, de précarité et d’exclusion sociale. 11. Selon le rapport intitulé The state of Global Safety Nets 2014, qui examine le champ d’application des filets de protection sociale, ces derniers profitent à plus de 1 milliard de personnes vivant dans 146 pays à faible revenu intermédiaire. Voir à ce sujet : Ugo Gentilini, Maddalena Honorati, and Ruslan Yemtsov The state of Global Safety Nets 2014, Social Protection and Labor Global Practice of the World, Washington D.C., banque mondiale, 2014. 12. Holzmann, R. and Jørgensen, S. Social risk management: a new conceptual framework for social protection and beyond, Washington, DC, World Bank: Social Protection Discussion Paper No.0006, février 2000. Disponible: http://info.worldbank.org/etools/docs/library/80363/conceptfram.pdf 13. Robert Holzmann, Lynne Sherburne-Ben, Emil Tesliuc « Gestion du risque social : la Banque mondiale et la protection sociale dans un monde en voie de mondialisation », Revue Tiers-Monde, 2003, tome 44, N°175. p. 501-526 14. Ibid, P. 507

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Développement et inclusion. Vers un agenda social innovant en Amérique Latine

Chalmers LaRose

1. Introduction

1 La scène internationale est le théâtre d’une bifurcation importante sur le plan de l’allocation des ressources et de la répartition de la richesse. Depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, on assiste à une accumulation importante d’une partie de la richesse mondiale par les économies dites « émergentes »1. Ces espaces économiques qui, auparavant ne jouaient qu’un rôle périphérique, voire marginal, dans la grande course pour l’accumulation du capital mondial, sont parvenus à augmenter leur poids relatif dans l’assiette économique globale. En 2000, note l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) - une organisation internationale qui regroupe les pays les plus industrialisés et développés dans le monde - les pays non membres de l’OCDE comptaient pour 40% de l’économie globale. Ce pourcentage est passé à 49% en 2010, alors que les projections séduisantes pour 2030 sont estimées à près de 57% (OCDE, 2010a) 2.

2 Toutefois, malgré ces avancées encourageantes, le portrait social mondial demeure très étriqué. Dans son Rapport annuel sur le développement humain de 2014, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) dresse le constat suivant : « Plus de 2,2 milliards de personnes vivent encore en situation de pauvreté multidimensionnelle ou en sont très proches. Cela signifie que plus de 15 pour cent de la population mondiale reste vulnérable à la pauvreté multidimensionnelle. Dans le même temps, près de 80 pour cent de la population mondiale manque de protection sociale complète. Environ 12 pour cent (842 millions) souffrent de faim chronique, et près de la moitié des travailleurs (plus de 1,5 milliard) occupent un travail précaire ou informel »3. Le Rapport note également que, dans bien des cas, les pauvres, mais aussi les femmes, les immigrants, les groupes indigèneset les personnes âgées sont structurellement vulnérables.

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3 Cette situation s’accompagne d’un autre phénomène concomitant, celui de l’élargissement des inégalités sociales. Déjà en 2006, la Banque mondiale, dans son Rapport sur le développement dans le monde, concluait que l’inégalité et l’iniquité sont des facteurs qui nuisent à la croissance et au développement à long terme4.Dans le même ordre de choses, l’OCDE attire l’attention sur le fait qu’en 2015 les 10% les plus riches de la population de la zone OCDE ont un revenu d’activité (excluant les intérêts) qui est 9,6 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres, alors que la proportion était de 7,1 dans les années 1980, et 9,1 dans les années 20005. En 2012, les 40% du bas de l’échelle de la distribution ne possédaient que 3% du patrimoine total des ménages, dans les 18 pays étudiés. À l’autre extrême, les 10% du sommet de la distribution possédaient la moitié du patrimoine total des ménages et les 1% les plus riches en possédaient 18%. Selon l’ONG OXFAM, le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde (soit 44% en 2009) dépassera, en 2016, celui des 99% restants (soit 50%)6.

4 En Amérique Latine, les années 2000 ont été également très bénéfiques. Plusieurs économies de la région ont accumulé de la richesse. Le Brésil a pu se hisser parmi les dix économies de marché les plus importantes dans le monde, alors que la croissance colombienne de 4.3% en 2014 demeure l’une des plus solides de la région après le Chili. En dépit de la crise économique de la fin de 2008, le Produit intérieur brut (PIB) per capita du continent a augmenté à un taux moyen de 2.2 pour cent par année entre 2000 et 2010 (Banque mondiale, 2013, p. 18). Dans six pays (incluant l’Argentine, la République Dominicaine, Panama et Pérou), il y a eu une croissance annuelle de plus de 3 pour cent tout au long de cette période. À titre de comparaison, il suffit de se rappeler que la croissance économique de l’Amérique Latine n’était que de -0.2 pour cent dans les années 80 et d’une maigre 1.2 pour cent dans les années 1990.

5 Toutefois le taux de pauvreté y demeure préoccupant alors que le fossé entre riches et pauvres stagne. La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes rappelle que 165 millions de personnes (soit 28,1%) y vivent encore sous le seuil de la pauvreté (CEPAL, Panorama social de América Latina, 2014, p. 15). Au cours de l’année 2011, toujours selon la CEPAL, 29% des habitants de la région vivaient sous le seuil de la pauvreté dont 11% en situation de pauvreté extrême (CEPAL, p. 15). Cette proportion a atteint 11,7% en 2014. En tout état de cause, les avancées réalisées dans le domaine du redressement économique parviennent difficilement à rejaillir sur l’ensemble de la société, en particulier sur les couches les plus vulnérables.

6 De plus, l’Amérique Latine demeure une région au sein de laquelle persiste un taux très élevé d’inégalité de revenus. Cette inégalité se manifeste par la concentration du revenu (salaires, dividendes, rentes, intérêts, pensions, transferts) entre les mains d’un petit nombre de personnes ou ménages pendant que la majorité reçoit un revenu proportionnellement, et de loin, très inférieur. Dans la majorité des pays de la région, une proportion infime de la population monopolise une très grande partie de tous les revenus générés, alors que les plus pauvres obtiennent seulement la portion congrue de ces revenus. (CEPAL Panorama social de l’Amérique Latine, 2012, p. 89). Les 10% les plus riches y reçoivent en moyenne 32% des revenus totaux pendant que les 40% les plus pauvres en reçoivent seulement 15%.

7 À bien considérer, ce constat nous invite à réintroduire dans l’équation un ensemble de questions et interrogations. Dans quelle mesure peut-on estimer que la croissance économique constitue un préalable à la mise en œuvre de politiques de réduction de la pauvreté ? Les politiques de lutte contre la pauvreté peuvent-elles aboutir à des résultats

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concrets, tangibles et bénéfiques, sans prendre en compte l’ampleur des inégalités existantes à la fois comme arbitre de ce processus et en même temps comme solution préalable ? L’agenda de réduction de la pauvreté en cours en Amérique Latine est-il de nature à répondre aux enjeux sociaux aigus qui sont liés à des problèmes institutionnels profonds et récurrents tels que les inégalités endémiques et la pauvreté de masse lesquelles engendrent et entretiennent la vulnérabilité des individus ?

8 Il me paraît utile et convenu de chercher des réponses à ces questions en mettant en relief les actions réalisées dans ce domaine par certains pays de l’Amérique Latine, notamment le Brésil. Ce texte apporte un éclairage opportun et nécessaire sur la relation entre croissance économique, inégalités et pauvreté (Bourguignon 2004 ; Salama 2012). Il établit de manière non équivoque la relation complexe et ténue entre croissance économique et réduction de la pauvreté, en faisant intervenir dans l’analyse le rôle crucial des inégalités sociales initiales. Dans ce texte, les trois piliers du triangle croissance économique, inégalités et pauvreté sont explorées à travers le filtre de la (ré) émergence économique régionale latino-américaine. Je soutiens que le combat effectif et durable contre la pauvreté dans une société donnée invite à l’adoption de stratégies et politiques de réduction des inégalités. À cette fin, est-il important de considérer non seulement les stratégies politiques et économiques adoptées, mais aussi la manière dont celles-ci incarnent les régimes de croissance en vigueur. En d’autres termes, la relation entre croissance économique et réduction de la pauvreté, tel qu’elle se manifeste en Amérique Latine, se décline en tenant compte de l’ampleur, et de l’effet, des inégalités sociales comme facteurs et variables intermédiaires.

9 Au cours des dernières années, la croissance économique intervenue dans les pays de l’Amérique Latine a généré des conditions favorables à la diminution du taux de pauvreté existant. Toutefois, cette croissance, soutenue ou cyclique, n’en constitue pas un facteur causal. Deux conditions essentielles et concomitantes sont essentielles à l’atteinte d’objectifs stratégiques liés à la réduction de la pauvreté : d’abord, l’existence d’un climat économique favorable à une croissance soutenue et établie dans la durée; ensuite, et en même temps, l’adoption ainsi que la dissémination de politiques de redressement social innovantes et inclusives visant la correction des inégalités et, en même temps, la réduction de la pauvreté.

2. Croissance économique et réduction de la pauvreté : une relation contrastée

10 La relation entre croissance, inégalités et pauvreté demeure un thème récurrent. Celle-ci est à la fois complexe, contrastée et nébuleuse. Une certaine orthodoxie économique postule le caractère neutre, automatique et non discriminatoire des effets de la croissance économique. Tout en faisant intervenir dans l’analyse la question de la distribution inégale de la richesse entre les espaces économiques voire même le caractère complexe et a-économique de l’impact de la croissance sur le bien-être des individus, leurs prescriptions politiques ne naviguent pas moins dans les marées montantes de l’hypothèse économique du ruissellement. Les économistes orthodoxes prescrivent l’allègement des taxes pour les plus riches comme instrument de stimulation de la richesse, tout en espérant que cette croissance finira par rejaillir automatiquement dans tous les segments de la société, y compris chez les plus pauvres. Arborant un vent d’optimisme sans nuances et sans détour, plusieurs de ses adhérents croient qu’en tout

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état de fait une croissance économique rapide est associée à une réduction rapide de la pauvreté. Une relation étroite entre la croissance économique, la pauvreté et les changements au niveau de la distribution du revenu, y est établie avec force et conviction (Dollar, Kleineberg et Kraay 2013).

11 Le constat est que la pauvreté absolue a diminué de manière sensible dans le monde en développement durant les trois dernières décennies. Jusque vers les années 1980, en effet, 52 pour cent de la population mondiale vivait sous le seuil de la pauvreté de 1.25 dollar par jour selon la ligne tracée par la Banque mondiale. En 1990 l’incidence de la pauvreté a diminué de 42 pour cent, et en 2010 elle était de 21 pour cent. Des pays comme la Chine et l’Inde, au sein desquels sévissait auparavant une situation de pauvreté endémique, ont connu ces derniers temps un rattrapage économique fulgurant. Dans toutes les régions du monde, observent Dollar, Kleineberg et Kraay7, la croissance rapide a été associée de manière systématique à un déclin substantiel de la pauvreté absolue8. La convergence des revenus, marquée notamment par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, est perçue comme étant le principal indice de cette réduction de la pauvreté absolue.

12 Dans cette optique, il est intéressant de noter que les mécanismes du marché s’imposent comme seuls capables de réduire la pauvreté. La croissance stimulée par l’ouverture commerciale ou d’autres politiques macro-économiques (bonne règle de droit, faible dépense du gouvernement, stabilité macro-économique, développement du secteur financier), bénéficie les pauvres, de la même manière qu’elle le fait aux ménages réguliers 9. Se profile alors non seulement une corrélation forte entre l’augmentation de la richesse des pays et la réduction de la pauvreté, mais en même temps un portrait providentiel de l’impact de la croissance économique comme facteur déterminant et causal, point de départ et d’aboutissement de toute politique et stratégie en la matière.

13 Face à ce vent d’optimisme, certains travaux soulignent l’effet plutôt modéré de la croissance sur la réduction de la pauvreté. Bourguignon (2004), par exemple, admet qu’à long terme la croissance est le principal facteur de réduction de la pauvreté et que, sur une période suffisamment longue, elle est en tant que telle effectivement «bonne pour les pauvres». Toutefois il offre un portrait nuancé de la situation. Bourguignon établit un lien direct entre développement, croissance et distribution en mettant en relief le triangle pauvreté–croissance–inégalités. La réduction de la pauvreté dans un pays donné et à un moment précis, fait-il observer, est entièrement déterminée par le taux de croissance du revenu moyen de la population et par les variations de la distribution du revenu. Se faisant, il fait de la distribution, et de ses variations dans le temps et dans l’espace, un élément indispensable de la réduction de la pauvreté, au même titre que la croissance. Pour lui, croissance et distribution doivent être considérées de manière simultanée. Une variation de la pauvreté est une fonction de la croissance, de la distribution et de la variation de la distribution. Plus le niveau des inégalités est élevé moins la croissance diminuera la pauvreté (Salama 2006). Vue de cette manière, la croissance ne conduit pas ipso facto à une réduction de la pauvreté au même rythme. Une croissance modérée peut tout aussi bien s’accompagner d’une hausse de la pauvreté. L’évolution de la pauvreté dépend alors de trois facteurs : le niveau des inégalités, sa variation et le taux de croissance.

14 Il est évident que la croissance économique est essentielle pour réduire la pauvreté. Toutefois celle-ci ne peut se réaliser qu’à condition que la répartition du revenu reste plus ou moins constante. Car toute détérioration de la distribution tend à augmenter la pauvreté (Bourguignon 2004 ; Dollar et Kraay, 2001 ; Ravallon, 2001et 2003 ; Bourguignon

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2003 et 2004). Autrement dit, les variations de la croissance et des inégalités jouent un rôle fondamental dans l’évolution de la pauvreté. Le véritable enjeu de l’élaboration d’une stratégie de développement visant à réduire la pauvreté réside davantage dans les interactions entre distribution et croissance que dans les relations entre, d’une part, pauvreté et croissance et, d’autre part, pauvreté et inégalité, qui restent essentiellement arithmétiques.

15 L’effectivité de la relation entre croissance et réduction de la pauvreté résulte de l’aménagement de passerelles ou filtres qui servent de courroie de transmission ou de points de jonction. Une focalisation sur les inégalités préalables et existantes dans une société donnée, avec en toile de fond la distribution initiale du revenu, constituerait le pont servant à établir cette jonction. Cela permettrait d’expliquer, par exemple, pourquoi des sociétés au sein desquelles se manifestent richesse et abondance affichent en même temps un taux de pauvreté abyssal. Ou mieux, à croissance égale, pourquoi certains pays parviennent-ils mieux que d'autres à réduire la pauvreté ?

2.1 Les inégalités sociales préexistantes : ferment de la pauvreté endémique

16 Il est généralement admis que les inégalités existantes et initiales comportent des effets directs à la fois sur la croissance et la pauvreté10. Aux fins de politiques publiques contre la pauvreté, les inégalités économiques et sociales représentent un obstacle à surmonter, un problème à résoudre. Des études ont montré que les inégalités jouent un rôle central dans la détermination du rythme et du modèle de croissance11, et que les inégalitésinitiales sont associées de manière empirique à des taux decroissance plus faibles [(Galor et Zeira (1993), Persson et Tabellini (1994), Alesina et Rodrik (1994)]. Les questions ayant trait à la structure des inégalités dans la définition des statuts et privilèges sociaux, de même que le rôle crucial de celles-ci dans le processus de paupérisation et du maintien de celui-ci dans le temps, méritent d’être explorées et mises en contexte.

17 Pour Salama (2012), plus le niveau des inégalités augmente moins la croissance diminuera la pauvreté. Et si la croissance est inégalitaire, les effets sur la pauvreté seront moins importants, surtout si la profondeur de cette pauvreté est grande. De la même manière, si les inégalités restent constantes (croissance neutre du point de vue des effets distributifs), la croissance agit plus ou moins favorablement sur la pauvreté à la fois selon son taux et selon le niveau des inégalités. À fortiori, plus le taux de croissance est élevé, plus la diminution de la pauvreté sera significative. Cette dernière sera cependant plus forte si le niveau des inégalités est faible. En d’autres termes, la croissance n’est pas neutre du point de vue distributif: les inégalités changent12.

18 Au plan économique, les inégalités sont associées à un trop grand écart de revenus entre les individus ou les ménages13. Au plan sociopolitique, ce phénomène s’avère éthiquement indésirable. En tout état de fait, la prévalence des inégalités dans un pays pourrait affecter les résultats en termes de croissance économique et de réduction de la pauvreté14 . Il est tout aussi vrai que, comme l’atteste le cas du Brésil des années 70 au temps de la dictature militaire, que les objectifs de croissance peuvent être atteints dans le cadre d’une société où les inégalités s’élargissent. Dans ce contexte, plus d’inégalités et plus de croissance peuvent être compatibles (comme elles peuvent ne pas l’être), postule Pierre Salama15. Néanmoins le fait est que quand une société est structurellement inégalitaire,

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les fruits de la croissance économique pourraient prendre plus de temps à rejaillir sur les pauvres. Et toute croissance qui serait accompagnée d’un accroissement des inégalités serait à la fois dérisoire et insoutenable16.

19 Il a été démontré que l'élasticité du taux de pauvreté au revenu moyen dépend de façon étroite et négative du degré d'inégalité des revenus17. Dans les sociétés où la distribution initiale du revenu est plus inégale, un taux de croissance équivalent aura moins d’impact sur la pauvreté. Dès lors la mesure de l’efficacité de la croissance économique sur la pauvreté dépendra de la vitesse avec laquelle la distribution du revenu varie à mesure que l’économie croît. À proprement parler, les questions liées à la distribution du revenu se révèlent être des facteurs déterminants de la dynamique de la pauvreté dans une société (Lustig, Arias et Rigolini 2002). La réduction de la pauvreté peut survenir quand il y a une croissance économique équilibrée laquelle s’accompagne d’une réduction des inégalités18. Dans ce contexte, la distribution de la richesse contribue largement à l’éclairage du phénomène de l’inégalité et de la pauvreté. Il serait alors contre-productif d’orienter les politiques publiques vers la croissance économique au détriment de la lutte contre les inégalités à l’intérieur et entre les pays. Une politique de réduction des inégalités contribue largement à l’abaissement du taux de pauvreté, voire même l’accélération du rythme de réduction de celui-ci.

20 Afin d’établir l’impact des inégalités sur le potentiel d’un pays à réduire la pauvreté, Kakwani et Pernia (2001) et Kakwani, Khandker, Son (2004) ont exploré les déterminants d’une croissance en faveur des pauvres ou croissance pro-pauvre. En mettant au point l’Indice du taux de croissance équivalent de pauvreté (PEGR)19, ils estiment que si l’élasticité est élevée, il est possible que les stratégies de réduction de la pauvreté puissent être exclusivement basées sur la croissance économique. Dans le cas contraire, des stratégies ambitieuses de réduction de la pauvreté deviennent nécessaires, y compris celles qui font appel à des politiques de redistribution de la richesse. Fambon (2005) a étudié également le lien entre la croissance économique, la pauvreté et l'inégalité des

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revenus au Cameroun en suivant le modèle proposé par Kakwani. Il trouve que dans l’ensemble du pays les indices de pauvreté sont plus sensibles à la variation de l'inégalité des revenus qu'à la variation des dépenses. Le fait que la valeur absolue des élasticités soit sensible aux transferts de revenu parmi les plus pauvres, souligne-t-il, montre qu'une croissance économique qui ne renforce pas l'inégalité des revenus pourrait avoir un effet plus favorable sur les très pauvres que sur les non-pauvres20.

21 L’ensemble de ces considérations laisse supposer que même si la croissance économique contribue à augmenter le revenu moyen, elle n’est autre qu’un environnement incitatif parmi d’autres, permettant de mettre en œuvre des politiques et stratégies de lutte contre la pauvreté. Pris de manière isolée, l’impact de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté demeure sans effets concrets. Afin de peser sur la courbe de la pauvreté dans un pays, la croissance doit irrémédiablement s'accompagner de la mise en place de politiques de réduction des inégalités présentes et à venir.

22 Dès lors, ce n’est qu’en faisant ressortir l’acuité des inégalités initiales dans une société donnée, qu’il est alors possible de rendre compte de l’impact réel de la croissance économique et, en même temps, d’élaborer des stratégies efficientes en vue d’atteindre des objectifs de réduction de la pauvreté21. Car l’atteinte d’objectifs de croissance qui se répercuterait chez les individus les plus pauvres varie selon les circonstances et réalités rencontrées dans chaque pays (Ravaillon 2004 : 20). L’effectivité des politiques de réduction de la pauvreté par l’instrument de la croissance invite à prendre en compte les inégalités comme variables intervenantes. Dans ce domaine, aucun objectif de croissance pro-pauvre, ou croissance inclusive, ne peut faire abstraction du degré d’inégalité à l’intérieur des pays, en particulier du changement dans la distribution des revenus relatifs à travers le temps22.

3. Dans le labyrinthe des inégalités en Amérique latine

23 L’inégalité est un trait distinctif de l’Amérique Latine. Sur l’ensemble du continent, les inégalités sont attribuables à un ensemble de facteurs. Citons, entre autres, le captage des ressources par les élites prédatrices et l’inégalité de revenu, l’imperfection des marchés de capitaux, l’inégalité d’accès aux biens collectifs et d’opportunités, la segmentation du marché du travail, ainsi que la discrimination systémique envers les couches les plus vulnérables, notamment les femmes et les minorités racisées. Au cours de la période de la décennie perdue (celle des années 1980), période qui vit l’introduction des programmes d’ajustement structurel de type orthodoxe et l’augmentation de la dette publique, l’inégalité de revenu a augmenté dans la plupart des pays latino-américains. La crise qui accompagna cette période eut des effets sociaux et économiques déséquilibrants, étant donné que, dans la majorité de ces pays, les filets de sécurité sociale pour les personnes les plus pauvres étaient quasiment absents jusque vers le milieu des années 199023.

24 Il a fallu attendre le tournant des années 2000 jusque vers la fin des années 2013, la décennie heureuse, pour observer un processus de réduction des inégalités dans la majorité des pays de la région. À la faveur de politiques ciblées, combinant des transferts sociaux (prestations sociales de toutes sortes, y compris les transferts monétaires conditionnels) et des dépenses publiques en santé, éducation ou logement, l’inégalité des revenus a progressivement diminué en termes relatifs24. Pour l’ensemble de la région, le coefficient de Gini a baissé. D’une moyenne de 0.529 en 2000, il est passé à 50.9 en 200925.

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Selon la CEPAL, entre 2002 et 2013, l’indice de Gini moyen a chuté approximativement à 10%, de 0,542 a 0,48626.

25 En dépit des progrès timides réalisés dans ce domaine au cours des dernières années, l’Amérique Latine montre encore des taux élevés de concentration du revenu. La dynamique de la réduction des inégalités exhibe des standards divers selon les pays. Par exemple, la tendance à la diminution des disparités s’est accélérée à partir de 2008 dans l’État Plurinational de la Bolivie, l’Uruguay, l’Argentine, le Brésil, le Mexique et la Colombie. Trois de ces pays (l’État Plurinational de la Bolivie, l’Argentine et l’Uruguay) ont montré des progrès notables en ce qui a trait à la réduction des inégalités au cours de la première période (Voir graphique 3). D’autres pays, comme le Pérou, le Salvador et le Chili ont montré des améliorations similaires, soit 1% annuellement. Pour leur part, la République Bolivarienne du Venezuela, l’Équateur, le Paraguay et le Panamá ont diminué les inégalités à des taux plus élevés entre 2002 et 2008 que dans les années successives. Le Panama a montré, quant à lui, une légère tendance à la concentration entre 2008 et 2013. (CEPAL, 2014). En ce qui a trait à la distribution du revenu dans divers groupes de la population, entre 2008 et 2013, le portrait demeure équivoque. La participation des 20% des ménages considérés comme étant les plus pauvres est passée de 5,2% à 5,6%, selon la Cepal. Par contraste, on a observé une réduction en moyenne de la participation du quintile plus riche, passant de 48,4% en 2008 à 46,7% en 2013.

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26 Toutefois il est intéressant de noter que, dans plusieurs pays, les marchés du travail ont été plus vigoureux et les programmes de protection sociale plus ambitieuse. Dans certains pays, la réduction de l’inégalité a été significative, mais plus faible dans d’autres. Par exemple, entre 2003 et 2013, le Gini est passé de 51,9 à 41,6 en Argentine; au Brésil il a reculé de 58 à 52,4, au Mexique de 54,2 à 53,9, en Colombie de 56 à 54,9, en Bolivie de 60,4 à 47,6 (CEPAL 2012). Selon Cornia (2012), ce déclin relatif des inégalités en Amérique Latine est le résultat de politiques plus équitables relatives à la taxation, aux dépenses sociales, au marché du travail et différents aspects macroéconomiques27. Les dépenses effectuées dans le domaine de l’éducation, aux investissements directs étrangers ou à l’augmentation des revenus de taxation ne seraient pas non plus des facteurs étrangers à cette baisse28. Pour Acevedo et al (2012), les transferts gouvernementaux ont compté en moyenne pour 14 % du déclin total de l’inégalité dans la région.

3.1 Le grand bazar : les stratégies de lutte contre la pauvreté en Amérique Latine

27 Vers le début des années 1990, période qui marqua l’extension de la globalisation économique et de l’institutionnalisation de politiques néolibérales agressives destinées à contrer les répercussions sociales de la mise à l’écart du modèle économique keynésien, toute une nouvelle génération de programmes ou instruments de redistribution sociale ont fait leur apparition au sein du dispositif de protection sociale des pays en développement. Appelés « filets de sécurité sociale » ou « transferts sociaux », ces derniers découlent de stratégies ou dispositifs par lesquels l’État puise dans le trésor public afin de soutenir des personnes ciblées ou vulnérables29.

28 C’est dans ce contexte que les transferts monétaires conditionnés (TMC) se sont imposés comme politique de choix. La rationalité qui sous-tend la stratégie de transferts

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monétaires conditionnés30 obéit à un constat que les pauvres sont les plus exposés aux risques divers, et qu’ils sont les moins bien outillés pour y faire face31. D’où la nécessité de « faciliter l’accès des pauvres aux instruments de gestion des risques sociaux » étant donné que leur grande vulnérabilité les rend réticents à prendre des risques32. Les pays à économies dites de marchés émergents, confrontés à une situation de pauvreté endémique en dépit d’une croissance retrouvée, ont été les premiers à expérimenter ces nouvelles prescriptions thérapeutiques. Ainsi force est de constater que les programmes de transferts monétaires conditionnés se sont dressés comme un véritable laboratoire à ciel ouvert. Aujourd’hui, ces programmes y sont couramment utilisés comme politique multifonctionnelle. Dans la plupart de ces pays, on s’en sert pêle-mêle afin, souhaite-t-on, afin de combattre la pauvreté, les inégalités et les exclusions33.

29 Ces programmes se sont multipliés dans la presque totalité des pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Vers le début de 1995, le Brésil lança le programme Bolsa Escola qui, plus tard, deviendra Bolsa Familia. Au cours de l’année 1998, le gouvernement du Honduras inaugura le Programa de Asignación Familiar (PRAF). Au Mexique, le programme de transfert de fonds conditionnés Progressa a été lancé en 199934. Quand Vicente Fox arriva au pouvoir, le programme changea de nom en 2002 pour prendre le nom deDesarrollo HumanoOportunidades ou tout simplement Oportunidades. Le programme qui était à l’origine limité aux zones rurales pauvres a été étendu aux zones urbaines et semi- urbaines. Aujourd’hui le programme couvre environ 6 millions de familles35.

30 En Colombie, c’est dans le cadre du Plan Colombia36 que le gouvernement conservateur d’Andrés Pastrana initia le projet Red de Apoyo Social en 1999 37. De ce projet est issu le programme Familias en Acción 38, l’instrument de politique sociale et de lutte contre la pauvreté le plus important du gouvernement colombien. Le programme est aujourd’hui financé en partie par la banque mondiale, la banque interaméricaine de développement, un don du gouvernement américain et par le trésor public colombien. Il est assujetti à un certain nombre de conditions d’octroi, allant des critères d’admissibilité et de sélection des bénéficiaires, et de contrepartie en termes d’engagement des populations ciblées39. Au tournant de 2010, les TMC étaient présents dans 18 pays de la région, et couvraient près de 19% de la population totale40.

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31 La pauvreté a connu un recul perceptible dans la région. De 48,4% en 1990, elle est passée à 29,9% en 2011. En 1992, 27% de la population régionale vivait avec moins de 2,50 dollars par jour. Cette proportion a été réduite à 24,9% en 2003 et à 16,3 % en 2009. La Commission économique pour l’Amérique Latine conclut qu’il s’agit de « niveaux de pauvreté les plus bas jamais enregistrés dans région depuis les trente dernières années » (CEPAL, Avances Recientes en la Pobreza, 2013). Toutefois les succès enregistrés dans le cadre des programmes de transferts conditionnés restent limités (Lomeli 2008). Si les effets demeurent positifs concernant la scolarisation et certains aspects relatifs à la santé et de la nutrition, le portrait est différent quand on considère l’allègement de la pauvreté à court terme et incertain lorsqu’il s’agit des aspects éducationnels de la formation du capital humain et de la réduction de la pauvreté à long terme41.

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32 Pourquoi la pauvreté et les inégalités persistent-elles de manière continue et durable dans un contexte de généralisation de politiques anti-pauvreté ? Dans quelle mesure peut-on postuler que ces programmes constituent un (ou sinon le principal) des facteurs ayant affecté la tendance de la pauvreté et des inégalités dans la région ? L’analyse du cas brésilien est de nature à apporter un éclairage à ces interrogations.

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3.2 Le paradoxe brésilien

33 Le Brésil,marché dominant de l’Amérique Latine et des Caraïbes, présente un étrange paradoxe. Avec une croissance retrouvée durant une très bonne partie des années 2000 (culminée vers 7.5% du PNB en 2011), le pays s’est hissé parmi les économies émergentes majeures du monde. Toutefois, le niveau des inégalités et de pauvreté a toujours été plus élevé que dans d’autres pays avec des niveaux de développement équivalents, en dépit du fait que les dépenses publiques dans ce domaine ont été plus élevées que celles réalisées dans d’autres nations à revenu intermédiaire similaire.

34 Pendant plus de quatre décennies (1960-1990), la société brésilienne a montré un niveau d’inégalité persistant et extrêmement élevé dont les incidences sur les indices de la pauvreté se sont révélées extrêmement troublants et préoccupants. Plus précisément, au cours des années 1970 et 1980, les inégalités avaient atteint un sommet avec un taux de 0.63 selon l’indice Gini, le taux le plus élevé dans le monde à ce moment. Quelques mois avant l’adoption du Plan Real en 199442, la pauvreté touchait près de 43% d’individus, et celle de l’extrême pauvreté environ 20% de la population. Des gouvernements successifs se sont attaqués à cette situation en mettant en lumière tant l’inefficience et l’inefficacité du système de protection sociale du pays. Étant donné la forte prédominance des structures inégalitaires qui y sévissent, le profil de la pauvreté demeure préoccupant et étroitement lié avec la prévalence de profonds déséquilibres sociaux et historiques. En 2007, par exemple, il y avait encore 51 millions de personnes vivant dans des familles avec un revenu moyen se situant au dessous de la ligne de la pauvreté. Parmi ces personnes, 18 millions vivaient dans une situation de pauvreté extrême.

35 Toutefois, vers le milieu des années 1990, suite à l’adoption du Plan Real, l'économie brésilienne sortit de sa léthargie. Sous l’impulsion combinée de certaines mesures de redressement macro-économique mises en place par les pouvoirs publics et une conjoncture économique externe favorable, les indicateurs économiques se stabilisèrent. Cette stabilisation impulsa de nouveaux horizons envers l’adoption de mesures sociales d’accompagnement. L’arrivée au pouvoir du gouvernement du parti des travailleurs (PT) en 2003 ouvrit la voie à une décennie de croissance exponentielle et un processus de diminution relative des inégalités et de la pauvreté. L’indice de Gini du pays passa de 0,570 en 2004 à 0, 515 en 201443. De la même manière, 29 millions de personnes sortirent de la pauvreté. Le pourcentage de la population en situation de pauvreté extrême connut, quant à elle, une variation de 63% à 68,5%, une réduction moyenne de 10% l’an. Le revenu moyen du segment le plus pauvre de la population (40 %) augmenta de 7,1% en termes réels, et la croissance du revenu de la population dans son ensemble s’éleva à 4,4%.

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36 L’expérience brésilienne soulève une question pertinente quant à l’appréciation des facteurs explicatifs de la diminution de la pauvreté dans un pays à marché émergent latino-américain. À quoi est due cette réduction observable des inégalités et de la pauvreté au Brésil ? Quel est le rôle joué par les politiques de redistribution des rentes, notamment celles relatives aux transferts de fonds conditionnés aux plus pauvres, dans l’atteinte des résultats constatés en la matière ? En quoi ces politiques sont-elles efficaces ?

37 Bon nombre d’observateurs sont d’avis que les politiques agressives de redistribution de la richesse entreprises au cours de la décennie 2000 constituent un facteur important dans la baisse de la pauvreté au Brésil. À ce sujet, Bolsa Escola fut la première initiative adoptée en la matière44. Le programme visait à alléger, de manière modeste, la pauvreté courante et à long-terme en octroyant une somme d’argent aux familles éligibles et bénéficiaires dans le but de garder leurs enfants à l’école45. Lorsque Luiz Ignacio Lula da Silva s’installa à Brasilia en 2002, le Parti des Travailleurs (PT) renforça cette initiative par l’adoption du programme Fome Zero (Faim Zéro), une politique de sécurité alimentaire46. Cette politique donnera naissance aux cartes et bourses alimentaires destinées aux « personnes les plus démunies »47. Peu de temps après, en 2003, l’administration Lula initia le programme Bolsa Familia en fusionnant tous les autres programmes existants48. Les familles admissibles reçurent en moyenne 56 $US par mois (de 12 à 108$US), selon le nombre d’enfants et le niveau de revenus)49. À ce jour, l’État brésilien consacre environ 2% de son budget à la Bolsa Familia, soit 0.6% du PIB national50.

38 La baisse des inégalités, stimulée par la croissance des revenus, serait à l’origine de la chute significative de la pauvreté au Brésil. C’est en tout cas l’argument défendu par Ricardo Barros, Mirela de Carvalho, Samuel Franco et Rosane Mendonça. Selon eux, il existe une corrélation entre la réduction des inégalités et la baisse de la pauvreté dans le pays. Analysant la situation du Brésil au cours de la période cruciale des années 2000, les

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auteurs font le constat que de 2001 à 2007 l’inégalité a diminué à un taux de 1.2% l’an. Quant au revenu per capita des 10 % les plus pauvres, il a augmenté à 7 % l’an au cours de la même période – c’est à dire 4.4 pourcentage de points au-dessus du total moyen – soit environ trois fois plus que le niveau moyen national de 2.5 %. Ce constat empirique les amène à identifier la réduction des inégalités comme le moteur principal de la réduction de la pauvreté. « Presque deux tiers de la croissance du revenu de ce groupe sont donc venus des déclins de l’inégalité, et plus de 60% du déclin de l’extrême pauvreté peut être attribuée à la réduction des inégalités », font-ils observer (Barros et al. p. 135).Dès lors, les niveaux de pauvreté et d’extrême pauvreté, mesurés par les trois indicateurs de base (le ratio des effectifs, l’écart de la pauvreté et la sévérité de la pauvreté) ont décliné entre 25% et 40% de 2001-200751. En conséquence, la réduction progressive des inégalités de revenus aurait eu des impacts significatifs sur les conditions d’existence des plus pauvres dans le pays.

39 Si l’on admet, comme le suggèrent Barros et al que le regard doit être porté vers la réduction des inégalités afin d’appréhender les facteurs qui expliquent la réduction de la pauvreté, n’est-il pas tout aussi important de déterminer les phénomènes qui agissent sur la variation des inégalités avant même d’établir la corrélation de celles-ci avec la baisse de la pauvreté? En d’autres termes, les facteurs qui participent à la réduction de la pauvreté au Brésil ne doivent-ils pas être appréhendés par le biais d’un filtre multidimensionnel qui inclut à la fois l’environnement macro-économique, l’évolution du marché du travail, le renforcement de l’appareil de sécurité social national et bien sûr l’intensification des programmes de transferts de fonds conditionnés?

40 Sonia Rocha a effectué une étude approfondie à ce sujet pour montrer que la chute des indices de pauvreté depuis le pic de 2003, lorsque la proportion de pauvres a atteint 35,6 %, pour arriver au minimum historique de 25,1 % en 2007, est essentiellement due, dans l’ordre, au changement de scénario macroéconomique, aux transferts à titre de sécurité sociale et, dans une moindre mesure aux transferts d’assistance comme la Bolsa Familia52. Cette lecture multidimensionnelle et variée permet à Rocha de tirer les conclusions suivantes : a) de manière globale, les effets des transferts de revenu sur la diminution de la pauvreté et de l’inégalité au Brésil sont surtout causés par les transferts de la sécurité sociale, les transferts d’assistance ayant un rôle comparativement marginal dans la réduction des indicateurs ; b) l’impact favorable de la BF s’accentue lorsqu’il s’agit d’indicateurs qui prennent en compte l’intensité de la pauvreté et non pas sa réduction proprement dite ; c) les transferts d’assistance ont un impact marginal sur l’inégalité en raison de leur faible participation au revenu total.

41 Pour Pierre Salama, ce n’est pas la croissance plus élevée ni les transferts monétaires conditionnés, autres que le versement de retraites à des personnes, qui expliquent le plus la réduction de la pauvreté de 12,7 points entre 2001 et 2009 au Brésil. Sur cette période, la contribution de la croissance à la réduction de la pauvreté est de 46% alors que celle de la diminution des inégalités de revenus est de 54 %. Ces transferts, tout au plus, agissent surtout sur la profondeur de la pauvreté. Or si celle-ci a diminué, l’essentiel de la diminution a pour origine une amélioration du marché du travail, tant au niveau des emplois créés que des rémunérations perçues53.

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4. Conclusion

42 La première décennie du 21ème siècle a installé l’Amérique Latine et les Caraïbes dans une trajectoire de croissance économique principalement soutenue par la flambée des prix des matières premières à l’échelle mondiale. Tant le niveau des revenus du travail que celui des emplois des ménages connurent une progression exponentielle. Plusieurs pays de la région investirent dans les dépenses sociales afin de répondre aux demandes sociales pressantes. Les transferts monétaires conditionnés se sont multipliés, alors que les transferts à titre de sécurité sociale ont été revu et renforcé. Plusieurs facteurs observables, en particulier un environnement économique mondial favorable à la croissance et l’adoption de politiques interventionnistes réparatrices par les pays de la région, ont contribué à l’atteinte de résultats positifs dans ce domaine.

43 Le panorama général de la situation en Amérique Latine traduit que la production de la richesse n’est qu’un indice contribuant à la lutte contre la pauvreté. Aussi la baisse conséquente de la pauvreté constatée dans la plupart des pays latino-américains reflète une combinaison de facteurs. Parmi eux, il faut citer l’environnement macro-économique mondial, l’augmentation du taux de croissance et la diminution relative des inégalités. Dans certains pays, la contribution la plus importante à la baisse de la pauvreté est la baisse des inégalités de revenus, dans d’autres, le taux de croissance du produit intérieur brut. Toutefois les progrès observés restent très moyens par rapport à ce qui serait attendu et nécessaire. L’une des explications plausibles demeure que les régimes de croissance mis en place avec l’ouverture exacerbée des économies produisent en même temps de fortes instabilités et une exclusion importante.

44 Dans cette recherche, j’ai porté mon attention sur les inégalités économiques et sociales prises comme facteurs et variables intermédiaires dans la lutte contre la pauvreté. Sur un plan strictement analytique, la réduction des inégalités de revenus constitue un accélérateur potentiel de la réduction de la pauvreté. Dans toute économie de marché organisée, l’atteinte d’objectifs stratégiques liés à la lutte contre la pauvreté requiert une capacité des preneurs de décision à transposer dans les politiques publiques visant la cohésion sociale un contexte de croissance économique favorable. Cela permet à la fois de corriger les disparités criantes et humaniser les relations sociétales. Dans cette optique, les politiques publiques de réduction de la pauvreté qui tiennent compte des inégalités existantes représentent des outils de redressement social efficaces.

45 L’expérience du Brésil dans ce domaine tout en restant un paradoxe saisissant demeure salutaire. Le constat est que de 2004 à 2014, le pays est passé par un cycle ininterrompu de transformations sociales. La baisse substantielle du taux de pauvreté s’est accompagnée d’un déclin relatif des inégalités. Cette situation est attribuable non seulement à l’adoption de politiques publiques distributives et correctrices, notamment par le renforcement de l’appareil de sécurité sociale, mais encore aux transferts monétaires conditionnés vers les catégories sociales les plus pauvres. En tant que politiques publiques, ces initiatives sont la réverbération des conditions macro-économiques favorables qui ont marqué le régime d’accumulation capitaliste des années 2000. Il va sans dire que, dans une certaine mesure, la réduction de l’ampleur et la profondeur de la pauvreté passe par l’adoption de politiques sociales généreuses, rationnelles et cohérentes avec l’introduction des pauvres dans l’économie réelle et formelle.

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46 Toujours est-il que la réduction des inégalités, aussi encensée et significative soit-elle, reste limitée et partielle quant aux possibilités que celle-ci se répercute sur l’élimination durable de la pauvreté. En dépit des efforts consentis et des progrès obtenus, le taux de pauvreté demeure encore très élevé au Brésil, près de 23 % en moyenne, et dans plusieurs pays de l’Amérique Latine. Dans ces conditions, il convient d’appréhender la généralisation des programmes de transferts monétaires conditionnés dans la région comme un pis-aller, susceptible d’apporter une réponse à court terme sans pour autant offrir une solution durable et définitive à la problématique de la pauvreté.

47 Bien que la solution pour la réduction de la pauvreté réside dans l’insertion adéquate sur le marché du travail avec des niveaux croissants de productivité, les transferts d’assistance continueront de s’imposer, dans le court et moyen terme, comme un mécanisme inévitable permettant de maintenir à flot tant les liens sociaux que la cohésion sociale souvent séquestrés par les régimes d’accumulation qui ont généré la croissance. D’ailleurs, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) n’a-t-il pas alerté les gouvernements et institutions internationales sur le fait que les transferts monétaires ne pouvaient prétendre se substituer aux livraisons de biens et services publics essentiels (Rapport mondial sur le développement, 2013, p. 83).

48 Un agenda social et de réduction de pauvreté à la fois ambitieux, innovant et englobant s’impose. Il est impératif d’aller au delà de l’ancrage minimaliste actuel de ces politiques et de chercher à arrimer les programmes de transferts conditionnés avec d’autres programmes sociaux existants afin de surmonter les structures traditionnelles de segmentation existantes en Amérique Latine. Cela signifie qu’il faudrait alors mettre en place des politiques susceptibles d’apporter des réponses aux inégalités criantes, aux faillites des institutions, aux barrières sociales ainsi qu’aux vulnérabilités des personnes. Et pour y arriver, les pays de l’Amérique Latine devront très certainement aller au-delà d’une croissance économique pour le moins intermittente et des programmes de transfert monétaire palliatifs. Il est urgent de s’approprier en même temps des politiques sociales de grande ampleur ainsi que des mécanismes d’intégration sociale à part entière, par l’institutionnalisation d’une véritable infrastructure de protection sociale capable de briser les structures récurrentes de production des inégalités socio-économiques à long terme,.

49 Force est de constater que tout cycle de croissance est provisoire. À ce sujet, les pays latino-américains demeurent assujettis aux aléas des conjonctures et mutations globales. Le cycle de croissance économique régionale des années 2000 subit actuellement certains contrechocs. La forte baisse des prix des matières premières, la diminution de la demande externe, le ralentissement de l’économie chinoise, le faible redressement des pays de la zone euro ainsi que le caractère moribond des activités économiques régionales, figurent au nombre des menaces systémiques courantes. Si on y ajoute le processus de désindustrialisation amorcé depuis la ruée vers les exportations, cette situation pourrait s’installer de manière durable au cours de la prochaine décennie. Les prédictions de la CEPAL ne sont nullement encourageantes à ce sujet : « L’Amérique Latine et les Caraïbes font face à la perspective économique la plus sombre depuis 2009 ». Cela laisse présager un long cycle économique plus ou moins morose, une situation qui pourrait mettre en péril les gains accumulés lors de la décennie précédente et susceptible de ramener la pendule sociale à la case départ.

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Remerciements

Cet article a bénéficié de la généreuse contribution financière de l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), en partenariat avec le centre de recherche pour le développement international (CRDI), dans le cadre du Programme Subventions pour la coopération en recherche entre le Canada, l’Amérique Latine et les Antilles. Je remercie également le centre de la francophonie des Amériques pour son précieux soutien octroyé dans le cadre du programme Mobilité des chercheurs dans les Amériques.

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NOTES

1. Dans ce texte, j’utilise le concept « d’économies à marchés émergents » pour rendre compte des économies en développement tardivement intégrés dans l’orbite du capitalisme global, qui sont à la fois le produit et le résultat de la phase d’expansion globale de ce mode d’accumulation. 2. Au cours de la même période, l’économie chinoise a connu en moyenne une croissance annuelle de près de 9.6 pour cent, celle de l’Inde près de 5.7 pour cent. 3. Voir à ce sujet, Rapport sur le développement humain 2014. Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience, New York, 2014, 259p. 4. Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2006 : Équité et développement, Washington D.C. p. 2, http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/ WDSP/IB/2005/09/28/000012009_20050928151220/Rendered/ PDF/335910rev0FRENCH0WDR20060overview.pdf 5. OECD, In It Together: Why Less Inequality Benefits All, OECD Publishing, Paris, mai 2015. 6. OXFAM Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout, janvier 2015.https:// www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/ib-wealth-having-all-wanting- more-190115-fr.pdf 7. David Dollar, Tatjana Kleineberg, Aart Kraay Growth Still Is Good for the Poor, The World Bank Development Research Group, Policy Research Working Paper 6568, août 2013, p. 12 8. La pauvreté absolue est définie par référence à un seuil de pauvreté associé à un pouvoir d’achat fixe permettant de couvrir l’ensemble des besoins essentiels, qu’ils soient physiques et sociaux. Pour l’ONU, un individu est dit en état de pauvreté absolue quand il n’a pas les moyens de se procurer un « panier » de biens considérés indispensables à sa survie. Cette définition absolue de la pauvreté est opposée à une définition relative où le seuil de pauvreté est défini non pas en termes de besoins fondamentaux bien établis, mais comme une proportion fixe du revenu moyen de la population. La pauvreté relative s’établit par comparaison avec le niveau de vie moyen du pays dans lequel on se trouve. 9. David Dollar et Aart Kraay, Growth is Good for the Poor, Banque mondiale, Groupe de recherche sur le développement, 2000, p. 32. 10. L’inégalité fait référence aux écarts de revenu relatif dans l’ensemble de la population, c’est- à-dire aux différences de revenu obtenues après normalisation des données observées par rapport à la moyenne de la population de façon à les rendre indépendantes de l’échelle des revenus. 11. Les calculs réalisés par OXFAM ont démontré que les 85 individus les plus riches dans le monde possédaient autant que la moitié des personnes les plus pauvres de l’humanité toute entière. Chaque jour, les avoirs de ces 85 individus ont cru de 668 millions de dollars entre mars 2013 et mars 2014. Pour l’organisme, il s’agit là d’un cas d’inégalité extrêmeOXFAM, Even it up: Time to end extreme inequality, Londres, janvier 2016. 12. Salama attire aussi l’attention sur le fait que lorsqu’on analyse l’évolution de la pauvreté absolue, on doit prendre en considération le niveau des inégalités, sa variation et le taux de croissance. Voir à ce sujet Pierre Salama Les économies émergentes latino-américaines : entre cigales et fourmis, Armand Colin, paris, 2012, p. 145.

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13. L’apport de Thomas Piketty à la compréhension des causes des inégalités au sein des économies de marché est édifiant à ce sujet. Piketty interroge les causes et conséquences de ce phénomène échelonné sur un temps long et sur l’ensemble de l’espace-monde capitaliste. Selon l’auteur, l’inégalité croissante et récurrente est due à une mauvaise distribution de la richesse, en particulier celle du revenu du travail. Pour de plus amples détails, se référer à Thomas Piketty Le Capital au XXIème siècle, Paris : Éditions du Seuil, 2013, 970p. 14. Dans certaines régions du monde, en particulier en Asie, la pauvreté diminue en même temps que l’inégalité augmente. Pour un examen plus détaillé de ce constat, se référer à Ravi Balakrishnan, Chad Steinberg et Murtaza Syed The Elusive Quest for Inclusive Growth: Growth, Poverty, and Inequality, IMF Working Paper, WP/13/152, juin 2013. 15. Pierre Salama, opcit, supra note 11, p. 123. 16. Jonathan D. Ostry, Andrew Berg, Charalambos G. Tsangarides Redistribution, Inequality, and Growth, Fonds monétaire international, avril 2014. 17. L’élasticité de la pauvreté à la croissance mesure la modification de la pauvreté, suite à une variation de la croissance. Cette élasticité mesure aussi l'impact de la croissance sur la pauvreté monétaire quand l'inégalité peut également changer avec la croissance. Celle-ci donne également un aperçu de l'efficience de la croissance vis-à-vis de la réduction de la pauvreté, mais aussi de la manière dont ce recul dépend des niveaux initiaux d'inégalité, et de certains autres facteurs, comme le PIB par tête, les changements dans la distribution du revenu etc. Pour des détails à ce sujet, se référer à François Bourguignon « The growth elasticity of poverty reduction: explaining heterogeneity across countries and time periods », Working paper N° 2002-03, DELTA, Paris. 18. Ricardo Barros, Mirela de Carvalho, Samuel Franco et Rosane Mendonça « Markets, the State, and the Dynamics of Inequality in Brazil » in Luis F. Lopez-Calva et Nora Lustig Declining Inequality in Latin America : A Decade of Progress ?Brookings Institutions Press, Baltimore, 2010, p. 136. 19. Il s’agit du taux de croissance qui occasionnera une réduction de la pauvreté dans la même ampleur que celle obtenue avec le taux de croissance, lorsqu'on suppose inchangée la distribution des revenus, c'est-à-dire, lorsque chaque membre de la société reçoit la même proportion des bénéfices de la croissance. 20. Fambon, Samuel (2005) Croissance économique, pauvreté et inégalité des revenus au Cameroun, Revue d'économie du développement Vol. 13, No 1, p. 91-122. 21. Cling Jean-Pierre, De Vreyer Philippe, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François « La croissance ne suffit pas pour réduire la pauvreté » Revue française d'économie, Volume 18, N°3, 2004. p. 137-187. 22. Martin Ravaillon et Shaohua Chen « Measuring pro-poor growth » Economics Letters 78, 2003, p 93–99 23. Voir à ce sujet, Luis F. Lopez –Calva et Nora Lustig « Explaining the Decline in Inequality in Latin America: Technological Change, Educational Upgrading, and Democracy » in Declining Inequality in Latin America A Decade of Progress? Brooking Institutions Press, 2010, p. 1-24. 24. Une étude du FMI révèle que les dépenses redistributives, pour la protection sociale en particulier, sont bien moindres dans les pays en développement que dans les pays avancés. L’étude montre que, dans les pays en développement, une part plus élevée des dépenses sociales est captée par les tranches supérieures de revenu. Les 40 % les plus pauvres bénéficient de moins de 20 % des dépenses de protection sociale. Dans le domaine de la santé et de l’éducation, soutient l’étude, les 40 % les plus pauvres perçoivent moins de 40 % du total des prestations dans beaucoup de pays en développement. Voir à ce sujet Fonds monétaire international, Panorama mondial des politiques de redistributionhttp://www.imf.org/external/French/pubs/ft/survey/ so/2014/POL031314AF.htm 25. Nora Lustig, Luis F. Lopez-Calva et Eduardo Ortiz-Juarez « The decline in inequality in Latin America: How much, since when and why », Society for the Study of Economic Inequality ECINEQ 2011 – 211, Août 2011, p. 3.

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26. Selon certains, ce déclin pourrait être attribuable à plusieurs facteurs, dont une réduction de l’inégalité au niveau du taux horaire du travail, ou encore un abaissement de l’inégalité au niveau des revenus hors travail (grâce aux retours sur investissements (intérêts, profits, rentes, les transferts privés et les transferts de fond provenant de l’étranger) ainsi qu’une politique plus robuste et progressive au niveau des transferts gouvernementaux vers les personnes plus pauvres. Sur cette ligne de pensée, se référer à Azevedo et al, 2012; Cornia, 2013; De la Torre et al, 2012; López-Calva and Lustig, 2010; Lustig et al, 2013. 27. Cornia, G. (2012) Inequality Trends and their Determinants, UNU-WIDER Working Paper 2012/09 (Helsinki: United Nations University). 28. Evridiki Tsounta et Anayochukwu I. Osueke (2014) What is Behind Latin America’s Declining Income Inequality? IMF Working Paper, IMF Working Paper, juillet 2014. 29. Les filets de sécurité socialeincluent, entre autres, des transferts monétaires et en nature ciblés sur les ménages pauvres et vulnérables. Ils ont comme objectif principal la protection des familles victimes des répercussions des chocs économiques, de catastrophes naturelles et d’autres crises ou risques. 30. Ces transferts monétaires sont « conditionnés », c’est-à-dire que les familles ou ménages bénéficiaires doivent avoir un ou plusieurs enfants en âge scolaire et être astreints à certains engagements destinés à renforcer leurs « capacités humaines ». En même temps, les États mettent en place des mécanismes coercitifs afin de s’assurer que les enfants des familles bénéficiaires aillent à l’école ou se soumettent à des vérifications de prévention périodiques dans les centres de santé. De plus, les transferts monétaires conditionnels accordent un rôle central aux mères. La prémisse de base est que les mères de famille utiliseront cette ressource monétaire afin d’améliorer le bien-être de la famille dans son ensemble et des enfants en particulier. Cela contribuera, espère-t-on, non seulement à réduire la pauvreté des familles, mais en même temps à augmenter les capacités des femmes en général. Voir à ce sujet Cecchini, Simone et Madariaga, AldoConditional Cash Transfer Programmes : The Recent Experience in Latin America and the Carribbean, Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique Latine et les Caraibes, 2011 ; également De Janvry, Alain et Sadoulet, Elisabeth « Conditional Cash Transfer Programs: Are They Really Magic Bullets? », Working paper, Department of Agricultural and Resource Economics, University of California at Berkeley, Juin 2004. 31. Holzmann, R. and Jørgensen, S. Social risk management: a new conceptual framework for social protection and beyond, Washington, DC, World Bank: Social Protection Discussion Paper No.0006, février 2000. Disponible: http://info.worldbank.org/etools/docs/library/80363/conceptfram.pdf 32. Pour la Banque mondiale, la gestion du risque social doit se retrouver au cœur du dispositif de protection sociale. Cette protection englobe « l’ensemble des politiques publiques visant à aider les individus, ménages et collectivités à mieux gérer le risque, et fournir un appui aux personnes extrêmement pauvres ». Voir à ce sujet, Robert Holzmann, Lynne Sherburne-Ben, Emil Tesliuc « Gestion du risque social : la Banque mondiale et la protection sociale dans un monde en voie de mondialisation », Revue Tiers-Monde, tome 44 n°175, 2003, pp. 501-526. 33. Selon le rapport intitulé The state of Global Safety Nets 2014, qui examine le champ d’application des filets de protection sociale, ces derniers profitent à plus de 1 milliard de personnes vivant dans 146 pays à faible revenu intermédiaire. Voir à ce sujet: Ugo Gentilini, Maddalena Honorati, and Ruslan Yemtsov The state of Global Safety Nets 2014, Social Protection and Labor Global Practice of the World, Washington D.C., banque mondiale, 2014. 34. Successeur du Programme PRONASOL (Programme national de solidarité – Solidaridad), Progressa (Programme Éducation, Santé, Alimentation), Progressa eut comme ambition première de mettre l’accent sur « les plus nécessiteux parmi les pauvres ». Ce programme est l’un des plus anciens de l’Amérique latine à octroyer des transferts monétaires aux femmes chefs de ménages qui y participent. Pour une évaluation critique de ce programme, se référer à Marguerite Bey « Le

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Programme social PROGRESA- OPORTUNIDADES au Mexique : de vieilles recettes pour un nouveau modèle », Revue Tiers Monde, 2008, Vol 4, No 196, p. 881-900. 35. Selon une étude de la CEPAL, Bono Familial de l’Equateur est le programme qui couvre le plus grand nombre de personnes en termes de pourcentage de la population totale. Toutefois les programmes Bolsa Familia au Brésil (52 millions de personnes), Oportunidades du Mexique (27 millions de personnes) et Familias en Accion en Colombie (12 millions de personnes) ont le plus grand nombre de bénéficiaires en termes absolus. Voir à ce sujet, Commission économique pour l’Amérique Latine, Panorama social de América Latina, 2010, http://repositorio.cepal.org/ bitstream/handle/11362/1236/S2011800_es.pdf?sequence=4 36. Le « Plan Colombia pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'État » a été lancé à la fin de l'année 1999 par le président Andrés Pastrana en liaison avec l'administration américaine. C conçu comme une réponse globale au règlement du conflit interne colombien, ce plan comportait plusieurs volets : politique sociale, renforcement des institutions et des droits de l'homme, lutte contre la drogue, éradication des cultures illicites, communications. 37. Du point de vue du gouvernement colombien, la Red de Apoyo Social fait partie « d’une stratégie de récupération économique et sociale du Plan Colombia ». Il s’agit « d’un programme conçu dans le but de minimiser l’impact de la récession économique et ses retombées fiscales sur les populations les plus vulnérables ». Voir à ce sujet : PLAN COLOMBIA Red de Apoyo Social: Programa Manos a la Obra Componentes: Proyectos Comunitarios y Vías Para la Paz, Departamento Nacional de Planeación, Documento Conpes 3075, Santa Fe de Bogotá, D.C., marzo 15 de 2000. 38. La Red de Apoyo Social avait trois composantes : Familias en Acción, un programme de transfert monétaire ; Empleo en Acción, un programme de travaux communautaires pour les sans emplois ; Jovenes en Acción, un programme de stage pratique en entreprise et de soutien financier pour les jeunes adultes sans emploi. 39. Le programme octroie deux types de subventions. Le premier type est une subvention de santé (entre5 et 17 dollars US par mois) destinées aux familles avec jeunes enfants âgés entre 0 et 7 ans, à condition que ceux-ci passent des examens médicaux réguliers. Le deuxième type est une subvention (de 5 à 10 dollars US par enfant) à l’éducation destinées aux enfants âgés entre 7 et 18 ans et qui fréquentent l’école à hauteur de 80% du temps prévu au calendrier scolaire. Le système de sélection des bénéficiaires est confié au Sistema de Selección de Beneficiarios de Programas Sociales (SISBEN) selon les critères et variables suivants : la qualité du milieu de vie et des ervices publics, le niveau d’accès à l’éducation et à la sécurité sociale, le revenu et la composition familiale. Pour une revue substancielle des tenants et aboutissants de ce programme, se référer à Emily Brearly, The Politics of Poverty. The Political Economy of Social Protection in Latin America and the rise of Conditional Cash Transfers, Thèse de doctorat, Johns Hopkins University, Baltimore, 2011. 40. La base de données de la CELAC relative aux programmes de protection sociale dans la région indique que de tels programmes sont en vigueur dans 18 pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes, venant en aide à plus de 25 millions de familles (plus de 113 millions d’individus), soit près de 19% de la population régionale, ou encore 0.4 % du PNB régional. 41. Enrique Valencia Lomeli « Conditional Cash Transfers as Social Policy in Latin America: An Assessment of their Contributions and Limitations »Annual Review of Sociology, 2008, p. 475-498. 42. Le Plan Real est un ensemble de mesures économiques initiées en 1994 par le ministre des finances Fernando Henrique Cardoso sous le gouvernement d’Itamar Franco en vue de combattre l’hyperinflation, stabiliser l’environnement monétaire et redynamiser l’économie brésilienne. 43. Rafael Osorio « Desigualedade e pobreza » in Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios (PNAD), 2014, Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada (IPEA), http://www.ipea.gov.br/portal/ images/stories/PDFs/nota_tecnica/151230_nota_tecnica_pnad2014.pdf 44. Bolsa Escola a été mise en place en 1995 par les socaux-démocrates du PSDB. Dès 1986, Cristovam Buarque, alors recteur de l’université de Brasilia, fit part de cette idée considérée pour

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le moins utopique à l’époque. Il proposa alors de payer une bourse minimale aux familles de jeunes et enfants conditionnellement à ce que leurs enfants fréquentent régulièrement l’école. C’est sous le gouvernement du président José Roberto Magalhaes Texeira, du parti social démocrate brésilien (PSDB) que la Bolsa Escola devint une politique publique à part entière. 45. Pour une évaluation du programme Bolsa Escolar ainsi qu’un aperçu exhaustif de ses conditions d’octroi, se référer à François Bourguignon, Francisco H. G. Ferreira and Phillippe G. Leite, Ex-ante Evaluation of Conditional Cash Transfer Programs: the Case of Bolsa Escola, William Davidson Working Paper Number 516, septembre 2002. 46. Voir à ce sujet : José Graziano da Silva, Mauro Eduardo Del Grossi et Caio Galvão de França (éd), Fome Zero : L’expérience brésilienne, Organisation des nations unies pour l’agriculture, 2012. 47. Cette stratégie visait à garantir l’accès aux aliments par le biais de l’augmentation du pouvoir acquisitif global de la population, le renforcement de l’agriculture familiale, l’amélioration de l’accès à l’alimentation, la création d’activités génératrices de revenus, et la participation sociale. Voir à ce sujet : « La Stratégie faim Zéro au Brésil », Inter Réseaux/Développement rural, Note de synthèse 2012. 48. En réalité, il s’agit d’un effort de restructuration, de consolidation et de recherche d’efficacité. Les programmes qui intègrent la Bolsa Familia sont les suivants : Bolsa Escola, Bolsa Alimentação, Cartão Alimentação, et Auxílio Gas. 49. Les conditions d’admissibilité sont maintenues, mais révisées. Il est requis :un niveau de revenus inférieur à 82$US par mois et par personne ; des enfants scolarisés (doivent assister à au moins 85% des cours) ; un bon suivi médical des enfants de 0-6 ans (notamment pour ce qui est des vaccinations) ; un bon suivi médical des femmes enceintes. 50. En 2003, cela représentait 1.9 milliards de dollars, qui ont été revus à la hausse en 2008 (6 milliards de dollars) 51. Voir à ce sujet, Ricardo Barros, Mirela de Carvalho, Samuel Franco et Rosane Mendonça « Markets, the State, and the Dynamics of Inequality in Brazil » in Luis F. Lopez-Calva et Nora Lustig Declining Inequality in Latin America: A Decade of Progress?Brookings Institutions Press, Baltimore, 2010, p. 136. 52. Sonia Rocha, « Transferts de revenus et pauvreté au Brésil », Revue Tiers Monde, 2011, Vol 1, No 205, p. 191-210. 53. Pierre Salama Les économies émergentes latino-américaines : entre cigales et fourmis, Armand Colin, paris, 2012, p. 154 Tsounta, Evridiki et Anayochukwu I. Osueke (2014) What is Behind Latin America’s Declining Income Inequality? IMF Working Paper, IMF Working Paper, juillet 2014 https://www.imf.org/ external/pubs/ft/wp/2014/wp14124.pdf

RÉSUMÉS

Cet article traite des effets sociaux de la croissance économique. Il dresse un panorama général de la relation complexe entre croissance économique, inégalités et pauvreté, à partir d’une exploration approfondie de la situation au sein des pays de l’Amérique Latine, en particulier le Brésil. Le texte établit le rôle crucial des inégalités sociales initiales comme tremplin et filtre nécessaire établissant la connexion entre croissance économique et réduction de la pauvreté. L’évolution tendancielle et relative de la croissance, et ses effets possibles ou potentiels, sur la réduction des inégalités et de la pauvreté dans la région, y est explorée et étudiée à travers le

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prisme des politiques mises en place par les pays concernés. Certaines politiques publiques distributives et correctrices, notamment le renforcement de l’appareil de sécurité sociale, et surtout les transferts monétaires conditionnés vers les catégories sociales les plus pauvres, font l’objet d’une attention soutenue. Dans un tel contexte, l’adoption préalable de politiques et stratégies de réduction des inégalités s’avère être un chantier politique fertile afin de mener un combat effectif contre la pauvreté au sein des économies émergentes d’Amérique Latine.

This article deals with the social dimensions of economic growth. We undertake a general overview of the complex relationship between economic growth, inequality and poverty with evidence from Latin American countries, Brazil in particular. The article highlights the crucial role of initial social inequality as connecting filter between economic growth and poverty reduction. We also analyse the potential effects of trends in growth evolution in the region on inequality and poverty reduction through the prism of public policies implemented by regional economic units. Distributive as well as corrective economic policies, in particular strengthening social security apparatus, most notably conditional cash transfers initiatives towards vulnerable social categories, have been thoroughly assessed and analysed. We found that the adoption of initial strategies and policies aiming at reducing inequality represent a fertile political building bridge that is essential and consequential in view of establishing an efficient shell against poverty within emerging Latin American economies.

INDEX

Keywords : economic growth and development, social inclusion, income inequality, poverty, emerging market economies, social protection, conditional cash transfers, economic perspectives, Latin America, Brazil Mots-clés : croissance et développement, inclusion sociale, inégalités de revenus, pauvreté, économies à marchés émergents, protection sociale, transferts monétaires conditionnés, Perspectives économiques, Amérique Latine, Brésil

AUTEUR

CHALMERS LAROSE Université du Québec à Montréal, UQAM, Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM), [email protected]

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A history of social protection in Latin America: from conquest to conditional cash transfers

Emily J. Brearley

1. What is Social Protection?

1 The welfare state, or social protection system, is one of the most important functions of government. It redistributes wealth within capitalist systems that are prone to market failure and an unequal distribution of assets. The welfare state also influences long-term prospects for economic growth and poverty reduction through investments in human capital.1The welfare state also bolsters democracy by legitimizing the political system.2 In this sense, the welfare state can be seen as those policies that constitute the ‘social contract’— an often implicit agreement between government and citizens that defines basic social and economic protections that the government is obliged to provide; and, the responsibilities of citizens who expect to receive these rights.3Indeed the right to social protection is enshrined in the constitutions and laws of most Latin American countries.

2 Social protection policies can be defined as the sum of two types of policies: social assistance and social insurance.4Social insurance policies are used by governments to correct insurance market failures, and ensure consumption smoothing; they usually consist of pensions and unemployment insurance. Social assistance aims to reduce poverty and address equity issues, these programs include conditional cash transfers (CCTs). In Latin America, social insurance is predominantly the reserve of citizens in formal employment, while those in the informal sector must make do with social assistance. There is an explicit understanding that social insurance policies are preferable, since they offer protection and planning against life’s vicissitudes and inevitable old age. Social assistance policies are akin to a sticking plaster, bestow a lesser monetary value, and merely try to ameliorate the circumstances of those already in dire straits.

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3 There is a great deal of diversity within the Latin America region in terms of social policy. The most economically advanced countries such as Uruguay, Chile and Costa Rica spend about as much as Spain on social protection, whereas the poorest countries such as 5 Guatemala and Paraguay spend about the same amount as the Philippines or Indonesia. F That said, one of the defining characteristics of the Latin American labor market is the high level of informality. Though often not the largest sector in terms of GDP, the informal sector often employs the majority of the labor force in the region. Many scholars believe that informal workers are more vulnerable than formal workers—they lack legal protection, benefits such as social insurance, and the right to union organization.6 Others claim that formal jobs are not necessarily better than informal jobs, and that workers often shift between the two sectors. However, informality seems to affect productivity in both sectors, and impedes economic growth.7

2. The Origins of Latin America’s Truncated Welfare State

4 For as long as data has been collected on living standards, Latin America has ranked as the most unequal region in the world. Although social protection systems developed as early as the 1920s in the region, the Latin American welfare state has historically failed to address the region’s high levels of poverty and inequality.8 By the early 19thcentury, the Latin American colonies had fought for, and won independence from Europe. Yet the independence movement was essentially an elite undertaking designed to protect established privilege, rather than transform the structure of society or rewrite the social contract and share wealth.9

5 Post revolution, and in the absence of the unifying glue of the Castilian crown, the State looked to military strongmen to act as a stabilizing force after the economic depression and chaos that followed independence. The militarization of society created a political elite that treated politics as a form of economic enterprise; geared not towards governance, but the capture of public funds to offer patronage and build up power networks.10 By the eve of the Mexican revolution in 1910, only 2.4 percent of household heads in rural Mexico owned land, whereas this figure was 75 percent in North America, due to policies such as the Homestead Act of 1872 which distributed free land.11

6 Despite the huge progress wrought by the first globalization boom in the late 19th century —streets were paved and lit, railways were built, urban life expanded apace—there was surprisingly little change to the structure of Latin American society, and therefore the opportunities for material progress for the majority of citizens. Economic growth was based entirely on raw materials, which ultimately meant a continuance in the exploitation of the traditional rural sector. Thus during the last quarter of the 19th Century, no bourgeois revolution had actually occurred. The hacienda and its vast landholdings dominated the economy and the servile rural labor force. Politics remained based on patronage, and the Latin American state remained essentially weak.12 With little incentive to revolutionize technology or innovate, the region fell far behind its northern neighbours.

7 Though social structures had not radically shifted, new groups which formed as a result of globalization and increased urbanization were able to push for the creation of albeit narrow social protection systems. Inspired by Bismarck’s innovations, the nascent Latin

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American welfare state consisted solely of social insurance, contingent on labor status.13 Southern Cone countries—Argentina, Brazil, Chile and Uruguay—were the first to introduce insurance schemes in the early 1920s for urban elites such as civil servants, public enterprise employees, the military, and private sector workers. These occupational plans offered disability pensions, survivorships, old-age pensions and in some cases health insurance.14

8 During the Great Depression, Latin America experienced a precipitous drop in demand from its traditional markets in Europe. This prompted states to reexamine the dangers of laissez-faire economic policy, in favor of import-substitution-industrialization (ISI).15 After World War II, ISI policies really took off, and states created an inward-looking economic model that relied on infant industry promotion and domestic demand to spur growth. ISI worked well for Latin American countries, and in the 1940s and 1950s, the region saw healthy growth rates, with industry outpacing overall economic growth. The ISI period proved to be an important critical juncture in terms of social protection. Between the 1940s to the 1970s, the welfare state underwent its greatest expansion, as urban-based reformists challenged the agro-export oligarchies that had dominated Latin American politics.16 This challenge came from a relatively wide cross-section of groups from the middle and upper classes, military officers and even dissident factions in the oligarchy itself. Political leaders also began to pursue and co-opt the newly urbanized and unionized working classes.17

9 ISI was a system that shielded domestic industry and created conditions for the emergence of a critical mass of urban workers who gained the capacity to act collectively, and to demand social programs from the government.18 This connection between closed economies and the development of the welfare state is the opposite of what occured in Europe, where, at the close of WWII, trade openness presaged the development of the universal welfare state as a compensation mechanism, to protect workers who were increasingly exposed to the vagaries of international markets. The scope and role of the growing welfare state differed among countries. In the 1940s, Colombia, Costa Rica, Mexico, Paraguay, Peru and Venezuela widened the availability of social insurance to a larger part of the formal labor force, 19 with Central America and the Caribbean only following in the mid-1950s and 1960s.20 Though all welfare systems in the region had an urban-bias, some were more ‘advanced’ than others. Here the type and longevity of regime seems to have been significant. In long-standing democracies such as Argentina, Brazil, Chile, Costa Rica and Uruguay, the expansion of the franchise and growth in social entitlements played an important role.21 Meanwhile dictatorships were more inclined to maintain the status quo.22

10 It was not only group pressure that forced governments’ hands, but also a simultaneous movement by the state to preemptively enact top-down social policies as a mechanism to control or co-opt the urban lower and middle classes.23 By giving preferential treatment, governments were able to consolidate divisions between different groups and prevent a united popular movement that would challenge state power. Therefore social security coverage started with the military, civil servants, and the judiciary and was later extended to the liberal professions and workers in the most organized and strategically located sectors. With the partial exceptions of Mexico and Venezuela, the expansion of the welfare state did not extend to the countryside. Here elites maintained their grip on power, and eventually established patronage-based ‘clientelistic’ electoral machines. This

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‘labor-market dualism’ 24 meant that there was little solidarity between urban white and blue-collar workers and the rural poor.

11 Throughout the ISI period, Latin American governments also used subsidies on goods and services as the principal mechanism for social assistance. There were two main types of food-based programs: one that targeted poor households specifically, and another which focused on select demographic groups such as school children. The effectiveness of Mexico’s milk and tortilla subsidies are illustrative of these instruments in general. These policies were poorly targeted; regressive in that non-poor also benefitted alongside the 25 neediest; and, they also created price distortions.4F

12 In Latin America democracy and industrialization did not therefore emerge simultaneously. Thus when pressures for redistribution could not be met through the political aggregation of interests, governments turned to the tried and tested draconian measures of the caudillos to keep the peace. Urbanization then, created a lethally destabilizing force. Thus ISI was accompanied by increasingly authoritarian forms of government. This marked the ultimate failure of the Latin American welfare state to work —to be progressive, inclusive and democratic. Unable to cope with the clamor for enfranchisement from the urban proletariat, elites sought to protect their power and clamped down on dissent. Cleavages between the export sector and protected domestic industry, between capital and labor, and between white and non-white deepened to the point where any possibility of a consensual social contract evaporated.26 From the mid-1960s, virtually all advanced Latin American states underwent periods of internal war and military despotism.27

13 However, merely stifling dissent did not make it disappear, nor by the early 1980s had the military brass managed to transform Latin America’s economies as promised. The ISI model had run out of steam and money. The collapse of the political status quo presaged a 28 period of democratic transition across the region37F

14 To respond to new democratic social demands and short-circuit social movements fueled by hunger and discontent, Latin American governments introduced social assistance policies for the first time, such as in-kind transfers, social funds, and workfare programs. An important innovation in social assistance policy at this time was the introduction of social investment funds (SIFs). Once as trendy as CCTs, SIFs were designed to ameliorate the effect of stringent economic adjustment programs, by generating employment opportunities for the poorest. The funds typically involved mopping up excess labor to work on an array of small infrastructure projects.29 Though SIFs were well targeted to the 30 poor,F they were vulnerable to political manipulationand clientelism. Emblematic of this problem was Peru’s Foncodes program, which gave politicians and bureaucrats wide discretion to choose which communities to help,31 while Mexico’s Pronasol was equally prone to use by the PRI government to reward certain constituencies.32 Guatemala’s Fontierras used government subsidies to help communities buy land as part of the country’s Peace Accords. However, the explicit subsidy caused a hike in land prices, thus saddling indigenous communities with unserviceable debt.33 The development of social assistance programs can therefore be seen as another instance of elite co-option of newly enfranchised masses, much the same as had occurred in the first period of globalization.34

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3. Financial Crisis and the Advent of CCTs

15 The breakthrough in social assistance policy was heralded not by democratic transformation, but fiscal crisis that required governments to do more with less, and to prevent social upheaval. Between 1980 and 1998, Latin America experienced more than forty episodes of currency crisis, during which GDP fell by four percent or more.35 In 1980, 120 million Latin Americans lived in poverty, but by 1985 the number had grown to around 170 million. Were it not for illegal drug exports, immigration, and the informal economy, the outcome could have been far worse.36

16 The new mantra was small government and free markets, policies enshrined in the ‘ Washington Consensus’.37 Essentially this was a prescription for two types of policy—a simultaneous shrinking of the state and opening up of the economy. Fiscal constraints strengthened the hands of the technocrats, who were able to implement liberal reforms to limit social spending, which dropped in most countries to about seventy percent of pre-crisis levels.38 Ten Latin American countries undertook structural pension reforms which wholly or partially substituted the public system with a private one,39 and pension coverage as a whole dropped in eleven countries.40 Countries facing less severe economic conditions were generally more cautious in introducing liberal reforms, and could better maintain broad-based welfare systems. For example, pension initiatives in Colombia, Costa Rica, and Uruguay preserved a large role for the government. Costa Rica went further to ameliorate the economic pain, and its more moderate structural reform was accompanied by employment creation schemes, and a strengthening of healthcare 41 and social assistance for marginalized groups.F

17 It was in Mexico, where the tequila crisis in 1994 couple with a Zapatista revolt, pushed governments to think creatively about social protection. On January 1st, 1994, a CCT program was first introduced, based on pilots in Brazil. The Progresa program then went nationwide in 1997. According to Santiago Levy, the former deputy finance minister and ‘godfather’ of Progresa/ Oportunidades, the resistance from entrenched interests linked to food subsidies, was strong: “it helped that we were working under severe budget constraints— we had to do things more efficiently. When you don’t have much money, the hand of the Finance Ministry is strengthened.”42Levy also employed a strategy of incremental cuts to remove tortilla and milk subsidies to avoid a showdown and pay for the new CCT program. “In the end I removed the subsidy by stealth. I cut the quantity and the price subsidy little by little; it took about two years to do, from 1996-1997. We sold all the infrastructure and closed down the factories. 43 Although I was never able to close the milk racket completely as I ran out of time”. F To date, Oportunidades has helped a quarter of Mexico’s population of 100 million gain access to nutrition, health and education services.

18 The dramatic failure of free markets to bring about sustained growth, or reduce poverty and inequality, led to a slow reappraisal of previous policy prescriptions. In 2005 the World Bank issued a mea culpa, admitting: “At the start of the 1990s, economists thought the road ahead was clear…(but) the results of these reforms were unexpected. They exceeded the most optimistic forecasts in some cases and fell well short of expectations in others. At the same time, booms and busts continued in Latin America…Sustained growth depends on key functions that need to be fulfilled overtime: accumulation of physical and

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human capital, efficiency in the allocation of resources, adoption of technology, and 44 the sharing of the benefits of growth.”166F

19 One of the consequences of the painful social upheavals that occurred during the financial crises was a new respect for the political and social benefits of adequate social policy. 45In effect, aquiet revolution unfolded, as governments sought to reduce high poverty rates by extending the role of the welfare state with the creation a new generation of social assistance programs.46 Conditional cash transfers are widely perceived to be the most successful of these new policies, and now exist in 16 Latin American countries in total, benefitting an estimated 22 million households—16 percent of the region’s population.47

4. What is So Great About CCTs?

20 For many development specialists the most revolutionary aspect of CCTs is the fact that they have done a far superior job at targeting the poor than previous social assistance programs.48 CCTs replaced targeted or generalized food subsidies, often delivered by intermediaries, with direct cash in hand. Beneficiaries themselves decide how to spend the money, rather than the government. The cash transfer is conditional on specific and measurable patterns of behavior by beneficiaries, such as ensuring children attend school, or visit a health clinic.49 Payments are given to the female head of a household, due to quantitative evidence that shows that women are more likely to use extra income productively—to help their family and themselves. CCTs aim to alleviate poverty in the short-term, through the redistribution of wealth, and in the long-term, by building up human capital among the poor through improved education, health and nutrition.50

21 CCTs have entailed a modest shift in resources away from traditional social assistance programs. On average CCTs account for around 0.25 percent of GDP, and cover 16.9 percent of Latin America’s poorest families. There are significant differences across countries in terms of expenditure, with 0.1 percent of GDP spent in Chile and Peru, 0.2 percent in Colombia, and 0.6 percent in Ecuador.51 Coverage in El Salvador is 1.5 percent of the population, and up to 54 percent of the population in Bolivia. Although they are not expensive, efficient targeting to the extreme poor means that CCTs are able to reach those most in need. CCTs have had a wider impact than on social assistance alone, and have rationalized the social protection infrastructure as a whole, by helping to rationalize and integrate social assistance programs. This was especially the case in Brazil, where Bolsa Família consolidated four other programs—Bolsa Escola, Bolsa Alimentação, Cartão Alimentação, and Auxílio Gás, under the centralized CCT program.

22 CCT programs have increased household consumption, and reduced poverty.52 There is 53 also a strong link between the introduction of CCTs and reductions in inequality. F According to the Fundaçao Getulio Vargas, CCTs in Brazil helped reduce the Gini index 54 (that measures inequality) from 0.58 to 0.54 from 2003 to 2008. F

23 In terms of education and health outcomes, CCTs have led to significant increases in the use of services. Virtually every program has found a positive effect on school enrollment and a reduction in drop-out rates, including programs in Chile, Colombia, Ecuador, Honduras, Jamaica, Mexico and Nicaragua.55 However, there is less evidence that final attainment rates have improved. The story is similar in terms of health, and we see that CCTs have had a positive effect on the use of services—the take-up of vaccinations and

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visits to health centers for consultations for example. CCTs have also achieved improvement in a number of other key health indicators.56 Final outcomes, again, are more modest however. CCTs must be put in their proper context therefore: they are great a reducing extreme poverty in the short run, but in the long run, health and education services must improve.

24 Some scholars claim that CCTs reduce clientelism through the systematic use of modern targeting and implementation techniques. Conditioning the transfers on “good behavior” may also be perceived as less paternalistic than the alternative of conditioning transfers 57 on say, voting for a certain party or belonging to a required social organization. F In short, CCTs do not require political brokers, and receipt of benefits is not conditional on political loyalty.58 Moreover, systematic evaluations provide empirical evidence about CCT program performance and results.59What happens when CCTs are used by politicians 60 for electoral means? but CCTs supposedly constitute vote buying of the ‘good’ sort. F Voters that supported President Lula thanks to Bolsa Familia were simply acting in a rational manner;61Thus politicians derive rewards or punishments from the electorate, based on their record of providing services.62

25 Other scholars argue that CCTs are an example of a more exclusive clientelistic linkage, or a type “new caudillismo”, whereby a select group of politicians benefit from the spoils of state-funded largesse.63 Santiago Levy laments the fact that CCTs have often not become properly established within line ministries, or under law, and are therefore vulnerable to changing political winds.64

26 Some scholars argue that the conditional aspect of CCTs has managed to improve the social 65 contract, since the State is seen as a partner in the process, rather than a nanny. F In effect, the Left like CCTs because they are a restatement of citizen’s rights, and embrace the ideology of redistribution; whereas the Right like CCTs because they represent a contract that avoids passive dependency. Others find the very idea of conditionalities objectionable, since it presupposes that the government knows better than citizens how best to use their time.66 After all, the recipients of state pensions have not been required to comply with any conditionalities with regards to their children’s health or schooling.

5. Reverse Robin-Hood: Latin America’s Welfare State Today

27 For all the success of CCTs, they have not managed to change the essential paradigm of Latin American social protection systems, which remain two-tier nature: the rich and poor have access to separate benefits that differ greatly in quality. The benefits offered by expanded social assistance programs such as CCTs are often markedly inferior to those afforded by traditional insurance programs; programs that still only cover about one third of the labor force in most countries.67

28 This lack of coverage can be blamed on the inherent design features of Latin American welfare states that were modeled along European lines. These systems were based on the presumption that as an economy develops, the majority of the labor force would be absorbed into the formal economy. Yet far from declining, informality has risen in recent decades, and today ranges between one and two thirds of the economically active working population in the region.68

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29 Still, too little revenue comes from income or land taxation, and too much from regressive, indirect or value-added taxes.69 Once nominally financed by contributions, most social insurance programs are now funded more or less directly by taxes.The social insurance system therefore fosters a ‘reverse Robin Hood effect’, by which the poor are made to pay for the benefit of the rich. Those in the top quintile of the population receive about 60 percent of net social insurance transfers. It is the poorest, often-rural workers, who have the lowest coverage rates. Even in Brazil, Chile, Costa Rica and Uruguay— relatively well-covered countries—coverage rates are still much lower for the bottom quintile of the labor force.70 In Brazil, while almost 70 percent of the top quintile is covered by contributory old-age pensions, only 20 percent of the poorest fifth are.71 Moreover, the poor quality of education and health care undermines upward social mobility.

30 In terms of social expenditure across the globe, Latin America only spends more than South Asia and Sub-Saharan Africa in total. However, once the split between social insurance and social assistance is taken into account, Latin America spends less on social assistance relative to most other regions of the world.72 In many countries in the region, income tax is not sufficient to finance contributory social insurance systems, and thus these pensions, unemployment benefits and health insurance schemes are running 73 deficits, which must be financed from taxes on current and future generations. F Net pension subsidies absorb around 5 percent of GDP in the region—higher than spending on social assistance, and average spending on education and health combined.74 Social assistance is financed out of general revenues and subsidies to informal sector workers. Given that Latin America has one of the lowest direct tax intakes in the world—at around 15 percent of GDP—these schemes are an added strain on public finances. Non- contributory SI schemes (NCSI) have failed to significantly extended pension coverage to a broader segment of society, or put social insurance on a more fiscally sustainable trajectory. 75 Only a minority of workers have access to unemployment insurance, with just below 0.2 percent of workers in Colombia, 0.22 percent in Chile and 1.0 percent of employed workers in Brazil with unemployment insurance savings accounts.76 Social insurance still remains a two-track system, and demands from select groups have managed to maintain superior benefits for the few.77

31 While expenditure on social insurance hardly benefits the poor, by contrast spending on health and education constitutes about 75 percent of the total social expenditures received by families in the lowest quintile, and has a positive impact on the overall distribution of income.78 Yet poor quality continues to plague both health and education systems in the Latin America, as the middle classes flee from public to private schools and health insurance, sharply curtailing their interest in improving these services for the majority of citizens. Even in countries with near-universal protection, there are vast differences between geographical zones. Costa Rica and Cuba—the only countries with integrated systems, along with Brazil, exhibit the least variation in standards.79 Worryingly, health and education standards in other developing regions, especially Asia, have generally improved at a faster rate, and Latin America has fallen behind.80

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6. A Theoretical Framework for Understanding the Growth of the Welfare State

32 The discussion above can be summarized by a simple typology that links the expansion of the social contract, and inclusive, social insurance coverage for all. In this conception, governments progressively replace clientelistic, and exclusive social protection policies with more programmatic and inclusive policy making (Figure 1.1 below). In this simplified world the ideal is to improve on both axes simultaneously—for example programmatic policy making without social capital would look something like South Africa under apartheid. Starting in the 1970s Latin American societies began to throw off military rule and thus social capital increased, however social protection policy, especially social assistance, remained clientelistic.

33 Hence, another way of asking whether CCTs have changed the paradigm of social protection in Latin America; is to define whether CCTs have pushed the Latin American welfare state somewhere along the line from point A towards point B.

34 In light of the current evidence, CCTs help to keep hunger from the door, but those who receive them are often excluded from social insurance, which still consumes the bulk of social spending. Moreover, the quality of health and education—the very services that CCTs rely on to combat inter-generational poverty—vary widely between rich and poor neighborhoods, urban and rural areas. We therefore note a shift along the line from A to B. However, this movement might not be linear—backsliding could take place as middle class Latin Americans question the cost of CCTs.

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35 More worrying is the suggestion that CCTs will not allow a linear progression from point A to point C (policy gets stuck at point B), and make elite-sponsored reform even more difficult. This is because CCTs are so popular with recipients; many of whom received little or nothing from the state before, that they might staunch the kind of ‘critical juncture’ moments such as the Chiapas uprising, thus denying the universal right to social protection enshrined in almost every Latin American constitution. Ironically the success of CCTs could become their biggest failure. For all their sophisticated implementation and evaluation mechanisms, CCTs will ultimately fail if they cannot change the paradigm of inter-generational poverty.

7. Conclusion

36 The inherent problem of the welfare system in Latin America is its two-track nature. For Santiago Levy and many others, the ideal would be a uniform and universal system. Furthermore Levy believes that informality is the key stumbling block for change. Informality lowers the productivity of both formal and informal workers. The tax on salaried labor reduces formal employment, and the subsidy on non-salaried labor increases informal employment. Investment is therefore distorted in favor of the informal sector, where productivity of labor is lower. This reduces aggregate productivity, and ultimately GDP growth.81 Thus, even if the human capital of poor workers is improved by CCT programs, their productivity in the labor market will not increase and inter-generational poverty will continue to plague Latin America. The only way to mend the social contract and provide social insurance for all citizens is to create universal entitlements for all workers, irrespective of whether their job is formal, or informal, and paid for out of the same source of revenue. This, indeed, would be a truly paradigmatic shift in social policy.

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NOTES

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ways in which Britain should be rebuilt after the Second World War. It identified five ‘Giant Evils’ in society: squalor, ignorance, want, idleness and disease, and went on to propose widespread reform. Highly popular with the public, the report formed the basis for the modern British welfare state, which included the expansion of National Insurance and the creation of the . See Beveridge (1942). The Beveridge Report, Social Insurance and Allied Services, Modern History Sourcebook, Executive Summary. 20. Ibid., p.5. 21. Segura-Ubiergo, op.cit., (2007) p.73. 22. Haggard and Kaufman, op.cit., (2008) p.79. 23. Ibid., pp.27-28. 24. Kaufman, Robert R. and Joan M. Nelson (2004). Crucial Needs, Weak Incentives: Social Sector Reform, Democratization, and Globalization in Latin America, Baltimore and London, The Johns Hopkins University Press, p.64. 25. Levy, Santiago (2006) Progress Against Poverty, Sustaining Mexico’s Progresa-Oportunidades Program, Washington D.C, Brookings Institution Press, pp. 4-8. 26. Williamson, Edwin, op.cit., (1992) p.301. 27. Skidmore, Thomas E. and Peter H. Smith (2000). Modern Latin America, Oxford, Oxford University Press 5th edition, p.56. Only Colombia, where the elite already had a comfortable hold on the levers of power, and arguably had been living through a civil war since the 1940s, avoided a full-scale military take-over. 28. This was with the exception of Mexico, Peru and Venezuela. Although the PRI began a process of political gradual liberalization in the 1990s a powerful executive exercised substantial discretion over the allocation of resources until the election of Fox in 2000. In Peru, Fujimori’s autogolpe in 1992 led to almost a decade of restrictions on civil and political liberties. Under Chavez, Venezuela remained somewhat more open until the early 2000s, but after 2002 he steadily began to dismantle legal and political checks on his personal dominance. See Haggard, Stephan and Robert R. Kaufman (2008), op. cit. P. 266. 29. Diaz-Cayeros, and Magaloni (2009). Aiding Latin America’s Poor, Journal of Democracy vol. 20, No 4, The Johns Hopkins University Press, p.38. 30. Rawlings, Laura, Lynne Sherburne-Benz, and Julie Van Domelen (2004). Evaluating Social Funds: A Cross-Country Analysis of Community Investments, Washington, D.C.,World Bank. 31. See Schady, Norbert R. (2000). The Political Economy of Expenditures by the Peruvian Social Fund (FONCODES), 1991–95, American Political Science Review, vol. 94, pp.289-304. 32. Diaz-Cayeros, and Magaloni, op.cit., (2009) p.40. 33. Khouri, Nadim and Emily Brearley (2005). Fondo de Tierras Civil Society Survey Review, The World Bank Group. 34. Haggard and Kaufman, op.cit., (2008) pp.303-4. 35. Rapley, John, (2002). Understanding Development, Theory and Practice in the Third World, Boulder and London, Lynne Rienner, g.22. 36. Castañeda, Jorge G. (1994). Utopia Unarmed, The Latin American Left After the Cold War, Vintage, p.6. Il y a beaucoup d’éditions de maisons d’éditions différentes. You have to write down which one + the city. 37. The 10 items on the Washington Consensus were: 1. Fiscal Discipline, 2. Reordering Public Expenditure Priorities, 3. Tax Reform, 4. Liberalizing Interest Rates, 5. A Competitive Exchange Rate, 6. Trade Liberalization, 7. Liberalization of Inward Foreign Direct Investment, 8. Privatization, 9. Deregulation, 10. Property Rights. Williamson, John (1994). The Political Economy of Policy Reform. Washington D.C, Institute for International Economics, number of pages. 38. Grosh, Margaret, del Ninno, Carlo and Tesliuc, Emil & Ouerghi, Azedine (2008). For Protection and Promotion, Washington D.C. World Bank Discussion Papers, p.XI. Note however, that there was significant diversity between countries in the region.

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39. Ibid., pg.16. Note that in 2008, Chile introduced a comprehensive pension ‘counter-reform’, Argentina closed its private system and moved all insured and funds to the public one, and Bolivia is considering a counter-reform. 40. Mesa-Lago, Carmelo (2009). World Crisis Effects on Social Security in Latin America and the Caribbean: Lessons and Policies, London. Institute for the Study of the Americas, number of pages? 41. Ibid., p. 8. 42. Ibid. 43. Ibid. 44. World Bank (2005). Economic Growth in the 1990s Learning from a Decade of Reform. Lead by Gobind Nankani, Vice President for the Africa Region, World Bank, pg.xi-xii. 45. Birdsall, Nancy and Francis Fukuyama (2011). The Post Washington Consensus, Development After Crisis, Foreign Affairs, vol. 90, no.2. pp.48-9. 46. Ferreira and Robalino, op.cit., (2010). pg.10. 47. Ibid., p.20. 48. Ibid., p.22. 49. Fiszbein and Schady op.cit., (2009). Pp.4-8. 50. Gardner Sewall, Renee. (2008). Conditional Cash Transfer Programs in Latin America, SAIS Review, vol. 28, no. 2, p.176. 51. The World Bank, CCT Program Profiles, data relates to 2006 and 2007 respectively. 52. Fiszbein and Schady op.cit., (2009). Pg.4-8 53. Paes de Barros, Ricardo, Miguel Foguel and Gabriel Ulyssea (2006). Desigualdade de Renda no Brasil: Uma Análise da Queda Recente, Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada, Brasilia, Brazil. Introduction. 54. Ibid., p.20. 55. Barham, Tania (2010). A Healthier Start: the Effect of Conditional Cash Transfers on Neonatal and Infant Mortality in Rural Mexico, Journal of Development Economics, vol. 94; Behrman, Sengupta and P. Todd (2000) El Impacto de Progresa sobre el Rendimiento Escolar Durante el Primer Año de Operación. In Progresa. Educación. Evaluación de Resultados del Programa de Educación, Salud y Alimentación. Ed. Secretaría de Desarrollo Social, pp. 125-83. Mexico. Sedesol; and Rawlings, Laura B. & Rubio, Gloria M (2005). Evaluating the Impact of Conditional Cash Transfer Programs. The World Bank Research Observer 20.1.Fiszbein, and Schady, op. cit. (2009). 56. Rawlings op. cit. (2005)(2007); Barham op. cit. (2010). 57. Fiszbein and Schady, op.cit., (2009) pg.10. 58. Hunter, Wendy and Timothy J. Power (2007). Rewarding Lula: Executive Power, Social Policy, and the Brazilian Elections of 2006, Latin American Politics and Society, Vvol.49, no. 1. 59. Fiszbein & Schady, op. cit. (2009) support this view and claim that the “excellence in systems”, and the high degree of transparency in documentation and the evaluation culture that characterizes most CCT programs, has contributed to their attraction., p.10. 60. Diaz-Cayeros, Estevez, and Magaloni (2006). Buying –off the Poor: Effects of Targeted Benefits in the 2006 Presidential Race. Conference on the Mexico 2006 Panel Study, Harvard University, pg.30. 61. Sotero, Paulo (2006). “Brazil Under Lula and Prospects for the 2006 Elections.” Brazil Institute Special Report 2, pg.3. 62. De Janvry, Alain; Frederico Finan; Elisabeth Sadoulet; Donald Nelson; Kathy Lindert ; Bénédicte de la Brière and Peter Lanjouw (2006). Brazil’s Bolsa Escola Program: The Role of Local Governance in Decentralized Implementation. World Bank, Social Protection Unit, December. 63. The concept of the caudillo harks back to Latin American independence at the dawn of the 19th Century. The vacuum left by the Catholic monarchy, economic depression, and the breakdown of law and order, all contributed to the Caudillo phenomenon. This was a figure that would impose order through a combination of military and political skills, treating politics as a form of economic enterprise in order to win control of public funds and further enhance their

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capacity to build up power networks. See Williamson, Edwin, The Penguin History of Latin America, London, Penguin Books, 1992, pp.250-2. 64. Author interview with Santiago Levy, 2011. 65. Fiszbein and Schady, op.cit., (2009), pg.10. 66. Freeland, Nicholas (2007). Superfluous, Pernicious, Atrocious and Abominable? The Case Against Conditional Cash Transfers, Institute of Development Studies Bulletin vol. 38, no. 3, pp. 75-78. 67. Ribe et al, op.cit., (2010) Overview. 68. Segura-Ubiergo, op.cit., (2007) pg. 260. 69. OECD Latin American Outlook (2009) OECD Development Centre. 70. Lindert, Kathy, Emmanuel Skoufias, and Joseph Shapiro (2006). Redistributing Income to the Poor and the Rich: Public Transfers in Latin America and the Caribbean, Washington, DC., World Bank, pg.3. 71. Ferreira and Robalino, op.cit., (2010) pg.8. 72. Weigand, Christine and Margaret Grosh (2008). Levels and Patterns of Safety Net Spending in Developing and Transition Countries, Social Protection and Labour Discussion Paper 0817, World Bank. 73. Ribe et al, op.cit., (2010) pg.8. 74. Tanzi, Vito; Barreix, Alberto; Villela, Luiz (2008) Taxation and Latin American Integration, Washington DC, Inter-Aamerican Development Bank, p.410. 75. Gill, Indermit S., Truman Packard and Juan Yermo (2004). Keeping the Promise of Old Age Income Security in Latin America, Washington DC, World Bank. 76. Ribe et al op.cit., (2010) p.19. 77. Ibid., pp. 22-25 & 32. 78. Segura-Ubiergo, op.cit., (2007) pg.266. 79. Mesa-Lago, Carmelo (2009). World Crisis Effects on Social Security in Latin America and the Caribbean: Lessons and Policies. London, Institute for the Study of the Americas, p.30. 80. Birdsall, Nancy and Juan Luis Londoño (1998). No Tradeoff: Efficient Growth Via More Equal Human Capital Accumulation,In Beyond Tradeoffs: Market Reform and Equitable Growth in Latin America, ( Ed. Nancy Birdsall, Carol Graham and Richard H. Sabot), Washington D.C., Inter-American Development Bank and Brookings Institution Press, number of pages. 81. Levy quantifies this loss for Mexico at 0.9- 1.44 percent of GDP in 2006. Levy op.cit., (2008) p.7 and 162.

ABSTRACTS

This paper reviews the development of the Latin American welfare state since the conquest, illustrating how initial factor endowments arrested the development of inclusive social policies. With industrialization social insurance was expanded to urban working and middle classes, however, it took the debt crises of the 1980s, rather than democracy, to prompt the creation of effective social assistance policies in the form of Conditional Cash Transfers (CCTs). Unlike previous social assistance policies, CCTs are better targeted to the poor, and have succeeded in increasing income while improving human development indicators. They have not, however, changed the essential paradigm of the Latin American welfare state, which is still characterized by a two-tier system: the rich have separate and better quality protection than the poor, as well as access to better health and education services. Thus while CCTs are tranquilizers—some might

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even call them populism—they are not a cure for existing inequalities, and might even delay the creation of a truly inclusive welfare state.

Cet article examine le développement de l'État-providence en Amérique Latine depuis la conquête, illustrant la façon dont les dotations en facteurs initiaux ont arrêté le développement de politiques sociales inclusives. Avec l'industrialisation, l’assurance sociale a été étendue aux classes défavorisées et en milieu urbain. Cependant, ce sont les crises de la dette des années 1980 – et non la démocratie - qui entraînèrent la création de politiques d'aide sociale efficaces sous la forme de transferts monétaires conditionnés (TMC). Contrairement aux politiques antérieures de l'aide sociale, les TMC ciblent mieux les pauvres, et ont réussi à augmenter les revenus tout en améliorant les indicateurs de développement humain. Ces derniers ne sont toutefois pas parvenu à modifier les fondements de l'État-providence en l'Amérique latine, qui se caractérise toujours par un système à deux vitesses: les riches ont une protection distincte et de meilleure qualité que les pauvres, ainsi que l'accès à de meilleurs services de santé et d'éducation. Ainsi, alors que CCTs apaisent les tensions sociale, certains pourraient même les qualifier de populisme, ils ne sont pas une solution pour les inégalités existantes ; ils pourraient même retarder la création d'un État- providence réellement inclusif.

INDEX

Mots-clés: transfert monétaire conditionnel, protection sociale, assistance sociale, assurance sociale, Amérique latine, réduction de la pauvreté Keywords: Conditional Cash Transfers, Social Protection, Social Assistance, Social Insurance, Latin America, Poverty Reduction

AUTHOR

EMILY J. BREARLEY Dr. Emily Brearley is a development economist who has worked across the globe for the Inter- American Development Bank and World Bank designing and implementing projects for marginalized communities, and women. Her interest in Conditional Cash Transfers was ignited after a decade of monitoring failed development projects designed by bureaucrats in Washington D.C. who failed to questioned their ideological consensus. Dr. Brearley received her doctorate from Johns Hopkins University where she studied international development and development economics in Latin America.

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Social Policies for Social Polities: How Conditional Cash Transfers are Undermining Traditional Patrons in Northeast Brazil

Lorenzo Daïeff

“To any planned, built, or legislated form of social life, one may apply a comparable test: to what degree does it promise to enhance the skills, knowledge, and responsibility of those who are part of it?” — James C. Scott, Seeing like a State (1998:355)

1. Introduction

1 This edition of the journal looks into recent poverty-reduction strategies over the course of the last decade in Latin America. It asks which policies have helped countries in their fight against poverty. In particular, it concerns itself with Conditional Cash Transfers (CCTs), a set of social programs which award parents below given poverty lines regular cash grants upon the fulfillment of certain conditions, usually regular school attendance and health check-ups for their children. CCTs have been prominent – and indeed, some might say dominant – on the continent over the past decade. What are their results and impacts on vulnerable populations?

2 This paper approaches this question from the perspective of political-democratic citizenship. The question of citizenship is the question of who is included and how in society, and goes beyond the question of material poverty, although they are related. Inclusion, in turn, can be variously interpreted, but is here understood mainly in the limited sense of autonomous political participation in democratic proceedings. The question asked in this paper is whether fighting poverty – through CCTs – can also have beneficial impacts on the citizenry.

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3 Latin American politics – including the country of focus in this article, Brazil – has long been beset by a common practice: that the few, rich and powerful, purchase and control the votes of the many, poor and marginalised, by dispensing personalised favours. This practice, known as clientelism, biases electoral results, disenfranchises large sectors of the population, entrenches inequities, and undermines democratic accountability and competition.

4 The literature on clientelism has argued that economic development gradually undermines clientelism, and that it does so largely by reducing the poverty of clients (Kitschelt & Wilkinson 2007; Stokes et al. 2013; Weitz-Shapiro 2012). Indeed, it is widely accepted that it is material necessity that drives the poor’s dependence on patrons.1 However, economic development does not always or automatically reduce poverty, despite general correlations established in the econometric literature (cf. Dollar & Kraay 2002). Growth needs to be accompanied by strategies and policies – including social policies – in order to be widely distributed. If certain social policies can contribute to poverty-reduction, then can they contribute to undermining clientelism, and thereby strengthening citizenship? The 'transitions-from-clientelism’-literature cited above has paid limited attention to this question.

5 The ‘political effects of social policies’-literature, however, has long recognised that policies can make – or ‘break’ – democratic citizens. As Smith and Ingram (1993:15) note: “It is usually believed that in a democracy citizens shape policies. It is less commonly realized that the far-reaching policies of modern governments shape citizens. […] Citizenship cannot be taken for granted in the modern state, but instead must be nurtured by good policy designs.”

6 However, current Latin American debates about social policy have largely focussed on the concern that programs like CCTs aggravate rather than alleviate clientelism and inequality. In particular, conditional cash transfers have been attacked on two grounds. First, for allegedly being a new way of exchanging cash for votes and undermining political accountability and competition (Hunter & Power 2007; Soares & Terron 2008; Zucco 2008); and second, for making citizens dependent, lazy, and anaemic in economic and political terms (Hall 2008), thus facilitating their control, entrenching their poverty, and preventing ‘real’ change (Oxhorn 2011).

7 These debates are complex and multi-faceted. General supporters of CCTs, for instance, reject the idea that social assistance buys votes or disincentivises recipients from working, but do fear that its ‘neoliberal’, individualistic nature may undermine their willingness to collectively mobilise for political change (e.g. Ansell, 2014; Grimes & Wängnerud 2010; Martins 2004). General opponents of CCTs, in turn, worry beneficiaries will give up on productive activities, but believe them quite capable of turning up in large amounts to support those who finance their cheques (e.g., Hall 2008). Both sides’ perspectives are contradictory, and somewhat perplexing.

8 This article does not cover all aspects of the issue, but constitutes a think piece that introduces the idea that social policies such as CCTs can play a part in the “difficult transition from clientelism to citizenship” (Fox 1994) in Latin America. To do so, the paper draws upon existing scholarship as well as upon 29 original interviews conducted in 2014 in Recife, Pernambuco, with recipients of the Brazilian Bolsa Família program (Family Grant), the world’s largest CCT.2

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9 Recife was chosen for several reasons: both Recife and the Northeast share clientelistic histories (Montambeault 2009; Montero 2010); 51.5% of BF beneficiaries live in the Northeast; and over 80% of Brazilians live in urban areas and 51% live in municipalities of 100.000 or more.3 Institutional support from Recife’s Municipal Social Assistance Secretariat and from the Federal University of Pernambuco further facilitated the research on the ground. Interviews proceeded in two neighbourhoods chosen for their contrasting locations and histories, as well as in the main Bolsa Família registration site in Recife. Interviewee selection relied on the assistance of local informants (e.g. nurse, NGO worker, civil servants) who were not present at the interviews. These lasted from 25 minutes to two hours, and broadly discussed beneficiaries’ attitudes towards the Bolsa Família and politics, as well as daily lives and most common sources of assistance. Interviews were then transcribed and analysed for relevant themes and patterns.

10 Like any methodology, the above possesses its own limitations. In terms of internal validity, interviewees may be reluctant to speak openly about their lives and about illegal processes like clientelism. Indirect questions and confidentiality were thus used as partial mitigation measures. Additionally, because qualitative research involves a lot of guesswork and re-interpretation, the empirical findings should be read as but a ‘researcher’s perspective’ on a ‘client’s perspective’; or, as Bourdieu (1990) puts is, as “a point of view on a point of view”. In turn, in terms of external validity, interviewees were too few (albeit diverse) to form a representative sample of Recife’s, much less Brazil’s population, an issue compounded by the regional particularities of the Northeast’s clientelistic history. This article’s insights therefore cannot claim to accurately describe CTs in other contexts; but it does at least claim to provide an exploratory approach to understanding a potentially powerful, and so far understudied, mechanism in the undoing of clientelism and the construction of citizenship. This empirical strategy leaning on Weber’s (1949) idea of Verstehen: by better understanding what is happening in the lives of a very specific set of Bolsa Família beneficiaries in Recife, we develop the tools to better interpret the lives of other beneficiaries, of other CCTs, elsewhere. The conclusion of the paper returns to the broader question of CCTs’ effects beyond Brazil.

11 The rest of the text proceeds in three parts. First, it briefly argues that CCTs like the Bolsa Família should not themselves be considered clientelistic on any reasonable definition of the term. The article then turns to the reverse hypothesis: if the Bolsa Família is not clientelistic but a genuine help to its beneficiaries, can it perhaps help them to leave behind their ‘familiar bosses’? Can it contribute to a gradual weakening of clientelism, as some (Hunter & Sugiyama 2009; Rêgo & Pinzani 2013a) have suggested it might? The paper identifies some evidence in favour of that hypothesis, before cautiously suggesting that the evidence remains too tentative and preliminary for definite conclusions. In the final part, the text overcomes the question of clientelism to reflect more broadly upon what kind of citizenship the Bolsa Família currently promotes, and in so doing emphasises both positive aspects and current limitations.

2. Recapitulation: Why the Bolsa Família is not Clientelistic

12 Early after the Bolsa Família’s inception, a debate emerged regarding whether CCTs were nothing but a new form of clientelism, in two possible senses explained below: by intent,

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or by accident. Later authors, however, have since rejected or revised that assessment on both counts (cf. Daïeff 2015a, where I explain at some length why the program cannot be considered clientelistic). This section briefly recapitulates these debates and their conclusions.

13 In the first sense, CCTs were suspected of being clientelistic by their very logic, in that they may have been designed to consolidate an electoral clientele and to ‘buy’ political support from the poor. In Brazil, such suspicions emerged largely after President Lula’s 2006 re-election, which witnessed a significant shift in his electoral base from the wealthier South to the more impoverished Northeast. Because the Northeast was also the region with most Bolsa Família cash transfers recipients, and because it turned out that the roll-out of the program accelerated just three months before the elections (Hall 2008:806), commentators were quick to suspect that the Bolsa Família may have been politically motivated. Early analyses indeed confirmed that the Bolsa Família had generated significant electoral payoffs (Hunter & Power 2007; Soares & Terron 2008; Zucco 2008). However, concerns about political manipulation of the program to electoral ends were later alleviated by evidence that the distribution of the Bolsa Família mapped ‘objective need’ closely (Fenwick 2009; Rodrigues-Silveira 2011; Fried 2012). The accelerated rolling out of the Bolsa Família thus ultimately only served to incorporate those who indeed had a right to the transfer. The Bolsa Família did, of course, still generate electoral returns, but given the widespread approval of the program,4 scholars began to wonder how one might more clearly distinguish between retrospective support (which rewards politicians for good performance in office, and is perceived as legitimate) and clientelistic support (which thanks politicians for private gifts and is seen as illegitimate). Zucco (2013) thus investigated whether the electoral gains from the Bolsa Família endured across elections (indicating an electoral clientele), or whether they faded over time (suggesting standard retrospective voting). Seeing as they did fade, Zucco – who had himself initially claimed that “Bolsa Família is a […] way to ‘buy’ votes” (2008:48) – was forced to conclude that “[T]here is evidence that CCTs have not created ‘partisan clienteles’… In this context, CCTs do not seem like a tool with which to build overall political dominance” (2013:820). Evidence from another large CCT-program in Mexico confirms this ‘programmatic’ interpretation (De la O 2013; Stokes et al. 2013; Weitz- Shapiro 2014).

14 In the second sense, CCTs were suspected of being clientelistic by a perversion of their logic, in the sense that local patrons may capture or divert the programs, and use their resources to strengthen their own clientelistic networks. After all, as programmatic as the Bolsa Família might be, “It would certainly not be the first time in Brazil’s history that federal government transfers were turned into grist for patronage at sub-national levels” (Hunter and Sugiyama 2009:13). Moreover, factors like past legacies of clientelism, the poverty of beneficiaries, and the discretion of municipal officials in beneficiary registration and monitoring seemed to provide fertile ground for abuses. Some instances of corruption and attempted vote-buying inevitably occurred and were avidly documented by the media (Lindert and Vincensini 2010). That notwithstanding, subsequent research ultimately again largely dispelled concerns: in an article titled “Whither Clientelism”, Sugiyama and Hunter (2013:30) report that beneficiaries do not perceive the Bolsa Família to be distributed according to political criteria, even in environments which are otherwise rife with vote-buying. The authors’ conclusion is, accordingly, encouraging:

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“In sum, we found consistent evidence that the Bolsa Família provides tangible benefits to the poor without subjecting them to manipulation by local political patrons or arguably even to concerns of such a prospect occurring.”

15 In addition to the above literature, in-depth interviews I conducted with Bolsa Família- beneficiaries sought to further explore the relationship between the Bolsa Família and clientelism. Although a variety of opinions were expressed on any given topic, the general picture that emerged from the discussions further confirms the findings above: Bolsa Família beneficiaries did not appear to uniformly think or act in ways that marked them out as ‘clients’. Instead, many saw the program as a right instead of a favour, and thus did not ‘reciprocate’ for the cash (cf. Daïeff 2015a). Moreover, they felt the Bolsa Família was distributed fairly, without political interference by local patrons or party representatives (ibid).

16 Overall, the Bolsa Família is not clientelistic in either of the two possible senses discussed above. Some scholars have thus started to wonder what other kinds of ‘political’ impacts the program might have on beneficiaries. After all, as Campbell (2003) has argued in relation to the American welfare state, “Policies make citizens” – or ‘break’ them, for that matter. But if policy design matters, then what are the Bolsa Família’s effects? In considering this issue, scholars have let their questions be guided by their dichotomies: if the Bolsa does not ‘break’ citizens through clientelism, might it ‘make’ citizens by breaking clientelism?5

3. Might the Bolsa Família erode Clientelism?

17 In order to understand whether and how the Bolsa Família interacts with clientelism, one must first establish if and how patrons interact with program beneficiaries. A large part of the interviews was dedicated to this task, and this section starts by a review of the matter.

18 So far in this paper, clientelism has been treated as one general phenomenon in which patrons’ favours elicit clients’ support. However, clientelism can come in many shapes or forms. For present purposes, one can differentiate between two main versions of it: (a) spot exchanges, and what I call (b) “diffuse loyalty”. The most prominent example of a spot exchange is vote-buying: money is exchanged against the (immediate) promise of a vote, which is fulfilled at a given date via a given action. Other examples include paying somebody to attend a political rally. Diffuse loyalty, in turn, involves a more continuous relationship which generally hinges upon an implicit promise of mutual assistance.6

19 What spot exchanges and diffuse loyalties have in common – what makes them both clientelistic – is, first, that they usually involve a richer patron and a poorer client, and secondly that the patron usually provides material support in exchange of the client’s political support. As such, they are both usually considered means of segmenting, coopting, and disenfranchising the poor, who end up voting for the candidate with the most particularistic resources to distribute, rather than with the best intentions, programs, or public projects (Escobar 1992).7 Clientelism, in short, entrenches inequality, and makes poor communities dependent upon a series of patrons, rather than upon their collective agency. It is thus deleterious to citizenship.

20 However, spot exchanges and diffuse loyalties are also different, in significant ways. Oneis their legality: vote-buying is generally illegal, but assisting a family with food

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without explicitly demanding anything in return is not. A second difference is how clients perceive the interactions: spot exchanges are acts in which clients may be conscious of what they are trading away. Diffuse loyalty, however, may often not be conceived of as an exchange, since the payoffs are differed and unspecified. Instead, the patron may be thought of as a friend, or simply as a helpful and fortunate relation; many patrons actively portray themselves (to others and themselves) as benevolent and hard-working ‘for the people’ (Auyero 2001).8 This directly leads to the third difference between spot exchanges and diffuse loyalties: their observability for the researcher. Spot exchanges, such as vote-buying, are individual events whose occurrence can be discussed and evaluated in frequency; diffuse loyalties, in turn, are hard to measure, and difficult to capture in an interview (the best sociological accounts rely on ethnography of a given community, cf. Auyero 2001). Consequently, explicit discussions of clientelism during the interviews concentrated on spot exchanges, and specifically vote-buying. For brevity’s sake, we concentrate on the latter below.

21 Regarding vote-buying, interviewees in general agreed on two main points. First, most freely acknowledged that vote-buying was a common practice in their neighbourhood.9 Second, with rare exceptions, all roundly condemned the practice and rejected partaking in it.10 But if everybody is (professedly) against it, who sells their vote, and why? For this apparent paradox most beneficiaries put the blame on others around them, and gave one of three explanations: 1. It is a matter of character (or ‘culture’, or ‘education’): some people always want more, or have no education and do not know their rights, or have no scruples. 2. Vote-buying does not work: voting is secret, so one might as well take the money and then vote the way one wants to anyway.11 3. It is a matter of necessity: people are poor and need the money from their vote.

22 Can, then, the Bolsa Família diminish the incidence of vote-buying and -selling? Inasmuch as vote-selling is a matter of necessity, it might. After all, if one lives in an environment where most people disapprove of the practice, there is a social cost to selling one’s vote. Moreover, as Ansell (2014) explains, it is stigmatising to reveal one’s neediness, one of the signs of which is that one is reduced to degrading ‘spot exchanges’. In this context, the increased income security and reduced misery afforded by the Bolsa Família may make a real difference: now that one can afford to eat and that one knows that money is coming next month, there may be less of a need to be loyal to a local patron, and still less to sell one’s vote for 20, 30, or 50 Reais every few years. Indeed, interviewees stressed that the Bolsa Família’s predictability and regularity mattered greatly: “Before, when something was lacking, we couldn’t even... sometimes his dad is unemployed, his dad... [So] it already helps that I can rely, right, on this money. It’s sure money that I know will be there every month, that won’t be missing”* (Isabela) 12 “Every month, every month we know that it’s there, every month it helps, is good. Rain or sunshine, it is there [‘Faça chuva ou faça sol, está ali’]”* (Elisabeth) “So you already feel calmer [‘mais sossegado’], you already know that it’s on a given day, a day that’s guaranteed... you already know you’ve got your money there for sure, from the government.”* (Jose)

23 Along similar lines argues the Brazilian scholar Walquíria Rêgo, who recently published a book about her interviews with Bolsa Família beneficiaries in rural areas (Rêgo & Pinzani 2013a). When interviewed in the Folha de S. Paulo, a major Brazilian daily, Rêgo argued

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that the program weakened clientelism (or, as it is called in the Brazilian Northeast, ‘ coronelismo’, in reference to traditional ‘coronels’, i.e. colonels, bosses, patrons): “The colonel lost weight because she [Bolsa Família beneficiary] acquired a freedom she did not have. She does not need to go to the mayor. She can ask for a better street, but not food, which is the way coronelismo worked.”*13

24 Several parts of Rêgo’s statement are of interest here, including the idea that Brazilians now have the liberty to buy their own food. Indeed, both external data and my interviews confirmed that Brazil has made significant progress in terms of food security in the course of the past decade. As an interviewed doctor working on the poor outskirts of Recife recounted to me, when the Bolsa Família was launched in 2003 she used to see many malnourished children. Ten years on, she sees them no more, and hunger has fallen dramatically. Indeed, according to Tereza Campello, the Minister for Social Development and the Fight against Hunger (MDS), the number of undernourished Brazilians fell by 82% between 2002 and 2012 (Gomes 2014). The Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) further stresses that in Brazil “the decrease in food insecurity was greater among people living in extreme poverty” (FAO 2014:23; IBGE 2010). Whilst economic growth and other policies have helped in this regard, cash transfers have been an important part of the state’s food and nutrition policy: the Bolsa Família “currently accounts for approximately one-third of Federal expenditures on food security and nutrition” (FAO 2014:24). Indeed, interviewees considered the program key to the change in their lives: “These families, in the past, we saw the reports on television, on the radio ... saw that many malnourished children died ... A lot of terrible suffering, terrible suffering ... because before there was no government program to help and they didn’t even have their own food ... Many families just went hungry. They didn’t even sleep, because there wasn’t, really, anything to eat ... Nowadays, thank God, it has improved a lot ... now, this income means that they have the basics.”* (Lenira) “There’s one [neighbour], I think he doesn’t get the Bolsa Família, no... That’s why I think he goes hungry, you see”* (Karina) “These days many people go hungry, but not that many given that help from the government, because many… There, where I live, there are mothers with seven, eight children. They are in need, but not as much because they know that at the end of the month they will receive that money”* (Lucilene)

25 Indeed, food purchases were the most frequently cited use of Bolsa Família cash in interviews. This reduction in hunger goes hand in hand with a stark reduction in poverty (FAO 2014:23-24): “Overall poverty fell from 24.3 percent to 8.4 percent of the population between 2001 and 2012, while extreme poverty dropped from 14.0 percent to 3.5 percent. […] An additional 22.1 million Brazilians have been lifted out of extreme poverty since 2011.”14

26 When asked how families lived before the program, Cristina spoke for many when she bluntly stated: "Boy... let’s put it like that, they suffered necessity [‘passavam necessidade’]".

27 Where ‘poor people’s lives’ change so starkly, changes in ‘poor people’s politics’ are likely to follow suit. Indeed, when asked, some beneficiaries reckoned that the Bolsa Família had reduced the frequency of vote-buying. In order to understand this a little better, we turn to an excerpt of a conversation with Roselia, a 28-year-old single mother of five with four years of schooling and six years of Bolsa Família transfers (R$370/month at the time of the interview). As she emphasises, candidates usually cunningly target the poorest areas

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because they know that destitute citizens will sell their vote against small, one-off benefits, even though these gifts will leave them hungry again the next day: Question: You said that politicians come, make promises... Now I don’t know if this happens in your neighbourhood, but do they sometimes even promise money or jobs? Roselia: Yes, yes, they promise. Q: And is there any vote-buying? R: There is, there is. Everybody knows this. Now everybody keeps quiet on this, right, like, that the politicians go, offer money for you to vote. He arrives like that in a community that he sees, he knows, they are rascals [‘malandros’]. They are rascals. He arrives in a community, like that, let’s assume that there are only houses on stilts [‘palafita’], people in great need. [...] There they make promises, give food packages [‘dão cesta básica’], give money for cooking gas, and buy a vote. Because there, that person, what is she? Ne-e-dy. [‘Ne-ce-ssi-ta-da’]. That person there needs cooking gas. [...] ‘I need gas’… and you, ‘hey, Dona Rose. Hey, here is the money for the gas. But you will vote for me’. ‘Aaah, I’m in great need, with my children, I don’t have food’… ‘Hey, Dona Rose, here’s a food package’. Only that this will fix you up once [‘suprir’], it won’t be for life. There are a lot of people who don’t understand that. Q: Fix you up? R: Fix up… the need, in that hour. […] After that, it’s over! O-ver. [‘A-ca-bou’]. He doesn’t even put a foot back in the community, because he knows the community is in need, he knows that he got a few nice votes, because he gave food, he gave gas...*

28 When asked, however, Roselia expressed the belief that the Bolsa Família undermined the influence of politicians, because the government now ‘covers some needs’: Q: And do you think that, now that some people have the Bolsa Família, the politician has less influence, because people already have...? R: Yes, yes. For sure. Now you get to the point... They definitely have less influence, because of the government, which is already meeting some need. They can come, of course they can come, say like that, I want to give you this much for your vote, and you have to give me the number of your voting card. There… it’s up to you to accept, yes or no. Of course, we choose what we want and don’t want, of course, for our life. Like good things, bad things... we decide, right? But I think, see, that they don’t have as much influence as they used to have. Thank God! That they don’t have as much influence as they used to have… Back in the time of my mother, of my grand-parents… I think they had more influence. Because there wasn’t this project, this, the Bolsa Família, it didn’t exist, so the situation was precarious.*

29 Now that some of the poorest receive the Bolsa Família, Roselia suggests, the gifts of politicians are less needed, or anyway carry less weight. Interestingly, a similar view was expressed by the president of a neighbourhood association, in the midst of our conversation about the Bolsa Família. Neighbourhood associations are usually closely tied to political parties, and are an established part of the Northeastern clientelistic machine (Ansell, 2014). As the president recounted to me, he discontinued certain food gifts after the Bolsa Família eliminated the need for them: Question: So, about the Bolsa Família. … Respondent: Bolsa Família, I am in favour of the Bolsa Família. I am in favour. I am in favour of the Bolsa Família because here, end of the year, myself and my son, we used to get together and buy some food to give people. Nowadays, the people receive [‘as pessoas ganham’]. They receive their money... even though it’s little, but they receive it. Q: So they don’t need the food anymore? R: No. You see. Because the people aren’t in need [‘passando necessidade’].*

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30 That the leader is in favour of the Bolsa Família suggests, encouragingly, that he cares more about his community’s welfare than about the electoral return on his favours. Yet the same leader later explained that he helped higher-up candidates gather votes, and the food gifts at Christmas were presumably one of many means to sustain the loyalty of poor voters.15 That the Bolsa Família undermined this practice is, then, but one example of the way in which it changes poor people’s politics: not dramatically – since the leader still asks his followers for votes – but by reducing voters’ material dependence on their broker. Citizens might still accept food, if it is offered to them; but since they are less hungry, these gifts may only impress a limited gratitude on their conscience.

31 However, both Roselia’s and the leader’s accounts, though telling, are not necessarily representative of the general spirit of the interviews. In particular, although many Bolsa Família beneficiaries indeed mentioned changes in their material lives, most nonetheless suggested that the Bolsa Família had had no effect on vote-buying whatsoever. This is either because they thought that one might well take both the Bolsa Família and the politician’s money; or because they considered vote-buying a matter of character or education, which the Bolsa Família would not be able to transform: [Question asked: do you think the Bolsa Família led to a reduction in vote-selling?] “I think it didn’t change much, that didn’t happen, no. People continue with that mentality, that gaining something when the time comes is good. It still exists.”* ( Lenira) “It’s difficult to change that, no? Because it’s like this, it isn’t even the Bolsa Família, it’s the human head, that human head is complicated, right, the more it has the more it wants. So that’s a flaw in humans.”* (Cristina) “But even like that [with the Bolsa Família]... the people still... they could receive up to 2-3 minimum wages, and they’d go after [politicians]… Because, that’s how it is: the Brazilian has this habit.”* (Aldenine)

32 Consequently, although some interviewees did indeed notice a decrease in vote-buying over the years, they attributed this squarely to increased monitoring and punishment of the practice by the electoral commission in recent elections (cf. Nichter 2011b): “It happened in the past as well, it happened a lot. These days, if they do it, they are arrested. But they do it, hidden. Around here, on Election Day, they circulate, the police, everything. If caught you’re arrested.”* (Edeleuza) “These days it’s more difficult. [...] Vote-buying these days is already more, it’s already tighter, they are more organized on this front... He [the politician] can prejudice himself. In the election. Because of that, there’s a risk. To lose your mandate... Up to now... up to now it’s making progress, you see, it’s getting better step by step”* (Jose)

33 In so responding, many beneficiaries unknowingly mirrored the arguments of one of the most outspoken critics of the thesis that the Bolsa Família has undermined clientelism in the Northeast. In a series of articles, Alfred P. Montero (2010; 2012) uses aggregate electoral data to track the progress of leftist parties across various states of the Northeast, which he takes as a measure of how strongly coronelismo – the traditional hold of conservative parties over poor voters – is receding. He shows that conservatives retained many rural areas full of Bolsa Família-beneficiaries, and thus questions the ability of the Bolsa Família to undermine enduring networks of patronage. Mirroring explanations found in the interviews, Montero on the one hand concedes that, theoretically, the Bolsa Família“obviates the need for the poor to turn to local clientele networks since they are no longer prodded to do so by necessity” (2010:118); but he goes on to reject that argument because “It is plausible that voters […] will maximize their

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income by taking federal support and the governor’s patronage” (p.119). And though his figures do reveal progress by the left in cities, Montero argues that this was not the Bolsa Família’s work, but instead caused by increased grassroots activism by urban leftist activists. He thus concludes, along with a majority of the interviewed beneficiaries, that the Bolsa Família did not significantly and independently reduce vote-buying.

34 The quantitative-electoral evidence, however, is mixed. Whereas Montero finds no correlation between the distributions of the Bolsa Família and of the leftist vote share in the Northeast, Borges (2007; 2011) finds a relationship, despite using similar datasets, variables and estimations. The latter thus credits the Bolsa Família with the reduced dominance of conservatives in the Northeast, as does Llyod (2012).

35 In the absence of its own data, this study cannot, unfortunately, adjudicate the debate about the exact effect of the Bolsa Família on the extension and intensity of clientelistic networks. Opinions on the matter diverge, be it between scholars such as Rêgo, Montero, and Borges, who have carried out studies of the program, or between beneficiaries themselves. What is almost certain, however, is that vote-buying has diminished over the years, just as coronelismo is itself not what it used to be.16The reasons for this certainly partly pertain to Brazil’s general economic transformation, as Montero (2010) is keen to stress; but they equally certainly pertain to the striking revamping and extension of the Brazilian welfare state, which goes much beyond the Bolsa Família, and in some ways started with the 1988 constitution.17 After all, as the Brazilian scholar Elisa P. Reis already argued back then: “the burocratization of power and the extension of social benefits to the campo constitute a process of nation-building, through which a new social identity forms that substitutes those traditionally based on local loyalty” (Reis 1988:203-4).18 Indeed, Stokes et al.’s (2013:231) account of the transformation of the ‘American electorate’ over decades can easily be read as describing contemporary Brazil: “The American electorate of the later twentieth and twenty-first centuries […] is unlike that of the nineteenth and early twentieth centuries, which had nowhere to turn but to party agents and the charitable organizations, in search of transfers or protection from risk. Now government fulfils these functions. Isolated manipulations of programs […] notwithstanding, the vast majority of the social spending by governments at all levels in the United States, especially that going to individual beneficiaries, is constrained by rules, means tests, and other abstract formulae.”19

36 Before closing this section, it is worth noting two further factors which, although not fully elaborated on here for reasons of space, are relevant to whether the Bolsa Família can undermine historical patterns of clientelism (a more comprehensive treatment is found in Daïeff 2015b). On the one hand, because vote-buying was more prominently discussed in the interviews, this article has focussed on spot exchanges rather than diffuse loyalty. However, it may be more difficult to undermine diffuse loyalty than to undermine spot exchanges, because the former involve not just material gains (although they are grounded in that) but also trust, friendship, and, potentially, fun: patrons may sponsor local festivities, trips to the sea, or even drug consumption (Auyero 1999). If this is the case, the Bolsa Família may struggle to ‘compete’ with patrons. On the other hand, however, the paper has only focussed on material ways in which the Bolsa Família might undermine clientelism: namely, by reducing poverty. However, as Reis’ quote suggests, social programs can also have psychological effects on beneficiaries. If so, the fact that clientelism is partly a character trait, as interviewees claimed, need not signify that the

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Bolsa Família cannot undermine it. The next section turns to these wider psychological effects – good or bad.

4. Social Policy and Citizenry

37 To date, two lessons have emerged from the above: first, that the Bolsa Família is not clientelistic – but second, that it cannot definitely be shown to eliminate patronage networks, either. Does it, then, have no effect whatsoever on the political realities of its beneficiaries? Not necessarily. Several authors have suggested that, beyond reshaping clientelism, the Bolsa Família directly affects citizenship. For instance, in the quote above, Reis (Reis 1988:203-4) argues that new social programs “constitute a process of nation- building, through which a new social identity forms”. But which new social identity?

38 Conditional Cash Transfers may transform recipients’ view of the state, and of their and its duties, through two broad means. The first, more tangible, are the ‘conditionalities’. As Recife’s former Bolsa Família administrator noted in an interview, although CCTs prima facie impose state conditionalities on beneficiaries, this in return requires the state to provide said services: “What happened is that the program generated these obligations for you. When you obligate the throwing of kids into school, the government auto-obligates itself to have space in school, to open new schools, to contract new teachers.”*

39 Moreover, obligations create in beneficiaries an expectation that these services be of an appropriate quality; and where they are not, many interviewees in Recife stressed the importance of insisting on and claiming their rights, or ‘cobrar’ in Portuguese: “Mothers go there, to know why the teacher was absent, why he didn’t come. And he says, he was ill, something... When the kids come without homework, we go there to know why they don’t have homework, because it’s the teacher’s responsibility to give homework”* (Rosana) “If somebody messes with my rights I’m going to go run after them, no?”* (Cristina)

40 In other words, CCTs’ conditionalities can create a feedback loop of bottom-up accountability for better social services, an essential component of citizenship. Whilst it is not possible to directly attribute this insistence on one’s rights to the Bolsa Família, studies in other contexts have similarly suggest that social service quality was engaged by the ‘empowerment’ of CCT beneficiaries, who became more inclined to monitor and complain about bad clinics (Barber & Gertler, 2009). To quote the Recife’s former Bolsa Família administrator once more: “The question is, but without this benefit, would there be this insistence on education? Probably not, because their preoccupation would be to survive!”

41 Beyond conditionalities, CCTs may transform recipients’ view of the sense in a more diffuse manner, by creating a broader sense of social inclusion. For instance, Sugiyama and Hunter (2013) concluded from focus groups with Bolsa Família beneficiaries that “[t]he sense of social inclusion that the program has created was strikingly evident”. In turn, from their interviews with very poor recipients in rural areas of Brazil, Rêgo and Pinzani (2013:362b) came back convinced that the Bolsa Família enhanced the dignity and autonomy of recipients: “The German sociologist Georg Simmel [...] showed that money possesses liberating aspects, because it introduces, even in minimal amounts, the abilities of choosing and desiring to people. It is endowed with strong symbolical functions, since it turns

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its owners into ‘more determined persons’, more respectable and respected in a world dominated by mercantile relationships; it makes them better able to decide their lives, and, therefore, more equal to others. Finally, it frees individuals from personal ties of economic dependence (on their family or other people). The economist Amartya Sen theorises that people’s liberty hinges on their range of concrete options which allow them to realise actions or reach states that they consider valuable […]. These options depend not only on individual capacities, but also on the material conditions in which people live. When these conditions change, so do the possibilities to make their lives more free and autonomous.”*

42 A significant literature backs the idea that social policy can transform citizens – and can work for rights and democracy (or, indeed, against it). Nor is mere money the key aspect – but rather, how it is handed out. As Soss (1999) argues, how welfare recipients interact with the state at the point-of-service shapes their wider beliefs about government, and thereby their political efficacy and orientations: “[T]hrough their experiences under a given policy design, welfare clients develop program-specific beliefs about the wisdom and efficacy of asserting themselves. Because clients interpret their experiences with welfare bureaucracies as evidence of how government works more generally, beliefs about the welfare agency and client involvement become the basis for broader political orientations. […] the views of government that citizens develop through program participation help explain broader patterns of political action and quiescence.” (p.363)

43 The best policies, according to these authors, are those which do not submit the recipient to a constant, stressful and degrading review regarding their desert of the benefit. Campbell (2003) illustrates that argument, as she shows how seniors and war veterans in the US flourished as citizens – i.e. participated more and gained more political clout – after they were guaranteed unconditional pensions. Social security in old age empowers seniors because they are cast as full-blown, responsible citizens. As Ingram and Schneider (1993:89) note, the ‘social construction’ of target groups for state benefits casts some as passive-dependent and others as active-deserving. These policy messages shape recipients’ experiences, beliefs, and behaviour: “The unvarying experience people have with policy informs them of their status as citizens and how they and people like themselves are likely to be treated by government. Such information becomes internalized. These continually reiterated messages people receive tell them whether they are viewed as active participants in government and bureaucracy or whether they are passive recipients in the process. Experience with policy tells people whether they need to deal directly with government and bureaucracy as individuals to press their own claims, or whether they can join with others in solving problems collectively for the common good.”20

44 Unfortunately, social policy can also have detrimental effects on citizenship. Auyero (2012) demonstrates this flipside by showing how the neutral and seemingly ‘fair’ bureaucratic Argentine state uses technology and delay to control, demobilise and stress poor populations. On the basis of his ethnographic observation of welfare offices in Buenos Aires, Auyero argues that the poor are moulded into ‘patients of the state’ (in all senses of the term) by a combination of ever-changing and unclear instructions, as well as by repeated and interminable waits for assistance. The arbitrariness and slowness of the process teaches claimants that they are impotent and unimportant witnesses to the operations of a Kafkaesque machine, left to do little else than to wait for vital state benevolence to finally appear (or not), like Godot on Beckett’s stage. Although some kind of support is usually and ultimately granted, the process inhibits collective action, participation, and feelings of dignified citizenry. As Ingram and Schneider (1993:89)

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muse, “the long lines in front of welfare offices that are frequently closed tell dependents more about government than short lines for the voting booth.”

45 Unfortunately, as a week of non-participant observation at the main Bolsa Família registration facility in Recife revealed, the treatment experienced by Bolsa Família beneficiaries mirrors that of Auyero’s Argentinian poor more than that of Campbell’s American seniors. Bolsa Família claimants are not always explained the program, often fear being cut off for some fault of theirs or of the system’s, and sometimes have to sleep outside the registration facility in order to even be attended to. The constant stress this generates dominates the minds of many recipients. The following accounts, by claimants and beneficiaries waiting to be attended to, illustrate the burdens of the process: “Look at the site in which we are: everything is wet, everything is dirty… mud… it’s all dirty… this is horrible... it needs to improve more”* (Gabriela) “Last time I went I had to sleep there... I slept, I left at ten at night to be attended at nine in the morning the next day…”* (Elisabeth) “I left the house at half past four [am], got here around ten to six, twenty to six. From there I drew the number 110. I’m still waiting… Many people. Already many... you spend the entire day”* (Cristina) “Many people come here, but don’t bring the right document and there they go back, and have to come back again. It’s really bad, you have to leave at four in the morning… Four in the morning, I’m still here. A lot of time.”* (Mariana) “I left at five in the morning. They only renew if you have all the documents. If not, you have to come another day… It’s, like, a bit complicated. And for me, after the first registration, it took a year.”* (Rosana) “It’s a lot of bureaucracy, there, for us to be able to do this registration... I already came here, but they told me I needed the certificate, in my name, so there, I went after it, in the residency association, picked it up there, now I am back here”* ( Andrea)

46 As long as this is the case, the Bolsa Família will arguably not reach its full capacity in terms of empowering Brazil’s most vulnerable citizens. After all, given the efforts required to get the Bolsa Família, the benefit is unlikely to feel like much of a right. Instead, as Ahlert (2013:73) notes on the basis of her own interviews, it often feels more like the product of a protracted battle with the state: “These difficulties [...] characterize the idea of a struggle [‘luta’] to get the benefit. The interlocutors during the research […] understand the obtention of the Bolsa Família as a part of the struggle they are engaged in with the State based on their living conditions”*

47 Consequently, the process is unlikely to make claimants feel like rights-bearers and citizens: Interviewer Do you feel like a citizen? Beneficiary Sometimes. Sometimes not. In relation, for example, to chasing after things [‘correr atrás’]… (Andrea)*

48 This image of correr atrás, of chasing or running behind, was used frequently by interviewees in Recife, and captures the tiring aspect of the Bolsa Família registration process. What the poor previously expected to be given from the corrupt but ‘cordial’ local patron (cf. Holanda 1936), they now have to implore from the fair but impersonal state. Some have even openly question whether such a transformation necessarily constitutes an improvement, since clientelistic interactions involve “intimate exchanges”, a “mutual sympathy and vulnerability” and a “shared humanity” which the cold and computerised welfare state lacks (Ansell 2014:194; Auyero 2012; Gay 1998:16). As

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Robert K. Merton (1949:74) noted, the political machine “fulfils the important social function of humanizing and personalizing all manner of assistance to those in need”.

49 However, all this alleged ‘humanity’ of clientelism does not erase its unequal and dominating nature. One can simultaneously defend poor people’s involvement in clientelistic networks, arguing that “if we were in [their] shoes we would doubtless be and think just like [them]” (Auyero 1999:312), and criticise clientelism by noting that “the solutions, services, and protection provided by brokers [...] are inclined to legitimate a de facto state of affairs that is an unequal balance of power” (ibid, p.324-5). After all, patron’s efforts are dedicated to ‘obscuring’ the fact that an exchange is even taking place. Brokers rarely request their clients to reciprocate, as favours are masqueraded as generosity and hierarchy hides behind kindness (Auyero 2001; Bourdieu, 1996; Mauss 1923; Sales 1994a).

50 Overall, then, clientelism is deleterious to democratic citizenship. One sign is that, perversely, it works best when inequalities are the greatest, because the powerful have the most to lose from change, and the poor are the least capable of refusing side- payments. Whilst the buying of support may constitute an improvement over its violent commanding in the past (Scott 1969),21 and whilst the local benefits of clientelism might be real when state services are poor, these advantages are likely to pale relative to those of an effective welfare state (Stokes et al. 2013).

5. Conclusion

51 In conclusion, social policy does not simply have economic or electoral effects, but can be the engine of a more sustained transformation which promotes an inclusive, democratic citizenship, and demotes conservative-traditional patrons who have long controlled politics.

52 This article in particular has made several points. For one, it has showed that the Bolsa Família has substantially changed the lives of its beneficiaries, in ways borne out in existing scholarship, third-party data, and qualitative interviews conducted in Recife. Accordingly, it has suggested that such changes in one’s economic realities may induce changes in political realities, after having shown that the Bolsa Família is not itself a clientelistic program. Finally, the text has outlined avenues in which the program may affect citizenship, sometimes in detrimental ways.

53 The idea that social policies like the Bolsa Família may interact with patterns of clientelism is, admittedly, not entirely knew. As we saw, Rêgo has suggested that “The colonel lost weight” due to the Bolsa Família. Other authors have made similar statements: “the [Bolsa Família] program contributed to the decline of dominant state political machines in Brazil’s North and Northeast” (Nichter 2014b:135); “the Bolsa Família […] transformed the norms and expectations of beneficiaries toward other state-run programs and undercut the basis for patronage politics in Northeast Brazil” (Sugiyama & Hunter 2009:30). However, these claims remained conjectures, backed by indirect or limited evidence.22 As Weitz-Shapiro confides: “[T]he question of exactly how and why these [CCT] programs have succeeded in breaking with clientelism is not a settled one” (Weitz-Shapiro 2014:73)

54 Indeed, the matter remains somewhat unclear. This article itself has not offered fundamental, transformative evidence that the Bolsa Família has indeed decisively

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undermined traditional patrons. However, it has hinted at the existence of dynamics which have been recognized even by patrons themselves (in the words of the interviewed community leader cited in section 3).

55 Ultimately, the paper closes on two confident and optimistic notes. The first is that, although the Bolsa Família in all evidence does not eradicate clientelism, it is likely to undermine its ‘worst’ forms. As interviewees noted, when clientelism is driven by material need, patrons exploit clients’ necessity. Since the Bolsa Família reduces extreme poverty and hunger, it makes clients’ decisions more meaningful and autonomous. At the same time, it introduces competition for patrons’ favours: their assistance and support needs to be all the more dedicated and valuable to gain the support of Bolsa Família recipients. This is good news in the long-run, because the rising cost and falling effectiveness of local brokers is one of the reasons party leaders decide to switch from clientelistic to programmatic appeals (Stokes et al. 2013).

56 The second piece of good news is that in Brazil at least, the Bolsa Família may only be the tip of the iceberg. Although the program contributes its small share, the bulk of the transformation is arguably carried by a combination of three processes. The first is the recent Brasil Sem Miséria (Brazil Without Misery, BSM) agenda, a comprehensive social assistance policy that aims to finally eradicate extreme poverty, and goes beyond cash transfers (Fenwick 2014). The second is the general, growth- and policy-driven transformation in the lives of poor Brazilians, which has lifted millions out of poverty and into formal jobs (Birdsall, Lustig & McLeod 2011). The third, finally, is the rising level of electoral competition in the Northeast, which partly derives from the former factors, but also further limits patrons’ access to resources (Borges 2007).

57 The Bolsa Família is therefore part of a larger changing socio-economic context. While it cannot end clientelism alone, it reinforces other factors that together favour patrons’ decline. Whether this decline is terminal cannot here be asserted with certainty; but as conservative parties continue to see their support across the Northeast erode (Borges 2011; Lloyd 2012; Montero 2012), and as some historically conservative governorships slip into the hand of the opposition (such as for the first time ever in 2014, Maranhão to the Communist Party), traditional patrons, facing ever-fewer resources and ever-more competition, have reason to worry.

58 Of course, none of the above transformations have resolved the current and historical problems of poverty, injustice and violence in Brazil, nor do they augur an era of enlightened electoral politics free of the inevitable influence of power, money, and interest. However, “In Brazil, a better-being has taken hold” (Duraud 2010). Clientelism is on the decline, and social programs are pulling an important weight in this transformation.

59 Can these tentative insights from the Bolsa Família, and indeed from the particular contexts that are the Brazilian Northeast in general and Recife in particular, be generalized to other regions, and other CCTs? This paper has not systematically investigated this question, despite, perhaps, claiming so in its title. It has, however, tightly nested its exploration of the Bolsa Família’s effects in Recife in scholarship about other social programs and societies: clientelism in Colombia (Escobar), CCTs in Mexico (De la O 2013), state welfare in Argentina (Auyero), American social assistance (Campbell, Soss) and 19th-century vote-buying in the US (Stokes et al.). By closely focusing on a highly particular case, the paper has attempted to open a new avenue for explanation and

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interpretation in the struggle for inclusive citizenship. Daieff (2015b) unpacks the citizenship-building aspects of ‘cash transfers’ and ‘conditionalities’ – rather than simply of the Bolsa Família – and builds a broader-based argument for the transformative power of CCTs. In doing so, the usual caveats apply: for CCTs to do what the Bolsa Família may be slowly doing in Recife, they need to be long-lasting; well-administered; supported by broader social transformation; and built with citizens, as partners, in mind. The Bolsa Família and Recife do not live up to all of these conditions, as indeed do few CCTs; but to the extent that they strive for these aims, this chapter suggests that programmatic social policies – such as CCTs – can contribute to the making of programmatic social polities, in Latin America, and elsewhere.

BIBLIOGRAPHY

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NOTES

1. For instance, Auyero (1999:302) notes that “one of the available means of satisfying the poor's basic needs for food and health care is through the political party”. See also Ansell & Mitchell 2011:299; Borges 2007, 2011; Diaz-Cayeros & Magaloni 2003:19-20; Grimes & Wängnerud 2010:676, 688; Lloyd 2012; Nichter 2011a:11; Osterkatz 2012:6. Conversely, the ‘transitions from clientelism’ literature argues that increased wealth undermines patrons, as modernisation theory would predict (Kitschelt & Wilkinson 2007; Stokes et al. 2013; Weitz-Shapiro 2012). 2. Depending on number and age of children, households who are below a certain poverty line are eligible to receive R$77-337 monthly if their children attend school and health check-ups

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regularly (US$ ~30-135 in early 2015, plus extra amounts if the children are particularly young or the family particularly poor). The money reaches families directly via special debit cards which are usually in the name of the female head of household, and allow cash withdrawals at government-run ATMs. Transfers can go on for many years, until all children are eighteen. 3. The 51.5 / 80 / 51 data is, respectively, from Rocha (2013:200), Barbosa (2011:86), and Nichter (2011:7). 4. After the 2010 election, 86% of respondents to a nationally representative survey approved specifically of the Bolsa Família (Ames et al. 2010). 5. The clientelism/citizenship dichotomy has admittedly been criticised for being simplistic and unhelpful (e.g. Escobar 2002; Hilgers 2012). This is a valuable point, but for the sake of brevity it is not further elaborated on here. 6. Diffuse loyalty may or may not occasionally involve spot exchanges. Even if it does, the continuous interaction which surrounds these exchanges confers a different meaning on the exchange than if it were a one-off occurrence, even though the act may look the same to a passing observer. In turn, frequent spot exchanges can, but do not necessarily, imply or merge into a diffuse loyalty, any more than always buying one’s bread at the same bakery means does not necessarily lead to a good (or any) relationship with the baker. 7. Notwithstanding the fact that ‘patrons’ often sponsor communal events, such as lotteries, concerts, parties, etc. 8. Scholars disagree on how far the sociologist should depart from the client’s view about these relationships, and do so for different reasons. For a case that the clients’ views should be taken seriously and that patrons’ friendliness matters, see Ansell (2014). For a similar view, which further argues that clientelism may not always be harmful to democracy, see Hilgers (2009; 2012). For an author who describes clients’ views, but then re-analyses them in a more critical and broader context, see Auyero (1999). On the other side of the debate: for an author who stresses the inherent dependence and false consciousness involved in exchanges between the rich and the poor, see Scheper-Hughes (1993). Finally, for a classic Brazilian essay which roundly condemns any kind of clientelism, as well as the myth of the ‘cordial boss’ and the fetishization of ‘social equality’ in unequal societies, see Sales (1994). 9. This mirrors Hunter & Sugiyama’s 2009 focus groups in municipalities neighbouring Recife, during which most participants freely and willingly acknowledged the practice of vote-buying. 10. This differs from the region of Sucre, Colombia, where, as Escobar (2002:39) describes, “people believe that selling their vote is a right they have”. Only one interviewee in Recife made claims going in this direction. 11. This mirrors the spirit of the opening quote to Vincente’s (2014) paper on vote-buying in Saõ Tomé and Principe: “We do like vote-buying. It is essential. That is the only way we have to see anything good coming from the politicians. Anyway, I can vote for whoever I want.” (anonymous, Saõ Tomé). 12. All translations into English are mine unless otherwise indicated, and are marked by a star [*]. Interviewed beneficiaries are referred to by underlined names, which have been modified whenever anonymity was requested. 13. “O coronel perdeu peso porque ela adquiriu uma liberdade que não tinha. Não precise ir ao prefeito. Pode pedir uma rua melhor, mas não comida, que era por ai que o coronelismo funcionava”. Quoted from Lucena (2013). 14. Original data sources: for poverty and extreme poverty figures since 2011, see CAISAN (2014); for extreme poverty since 2001, see IPEA (2014). Of course, the key question is how much of this fall can be attributed to the BF. On the one hand, estimates of the BF’s impact on poverty have been surprisingly small. Soares (2012), who reviews several studies, attributes to the program a fall in absolute poverty of only 1.64% (from 21.7 to 20%, a relative reduction of 8%). Indeed, he notes that the BF appears to have more successfully reduced inequality than poverty! Similarly,

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Da Dalt (2013) shows that very few BF recipients have transitioned into the middle class. On the other hand, Soares (2012) shows that the program has contributed an 18% reduction in the poverty gap (the average distance between the poor’s income and the poverty line), and an even slightly greater reduction in the severity of poverty (which weighs progress at the bottom of the distribution more heavily). However, even these estimates likely underestimate the BF’s impact on poverty because of lags in data collection. Soares’ 2012 paper rests on a 2009 study using 2006 data (Soares & Satyro 2009:27). Since then, however, the BF has been running for trice the time, has greatly expanded the number of its beneficiaries, and has steadily increased its benefits: under Dilma Rousseff (2011-2014), the average transfer has risen 44% in real terms (MDS 2014). Thus, although the BF may not have propelled families above the poverty line, it has pulled them some way away from the worst destitution (Bither‐Terry 2014). Moreover, some of CCT’s effects here may lie in the future: in Mexico, Gertler et al. (2012:164) find that CCT recipients ‘invest’ 26% of their transfers, which allows beneficiaries “to attain higher living standards that are sustained even after transitioning off the program”. 15. As a 1835 report cited by Stokes et al. (2013:201) suggests, using Christmas Gifts as a way of ‘influencing the votes of the poorer classes’ was a practice already common in 19th-century England. 16. Even proponents of the ‘clientelistic continuity’ hypothesis have slowly acknowledged change in the Northeast. Whereas Montero’s 2010 article was titled “No Country for Leftists: Clientelist Continuity and the 2006 Vote in the Brazilian Northeast”, his 2012 paper was titled “A Reversal of Political Fortune. The Transitional Dynamics of Conservative Rule in the Brazilian Northeast”. By 2012, he came around to emphasising change over continuity in the Northeast. 17. This includes: the building of CRASs (local social assistance centres) across the country, the Bolsa Família program and more recent upgrades (e.g. Brasil Sem Miseria, Brazil Without Misery), repeated raises in the minimum wage, free public job training courses, university quotas and scholarships, the significant drop in effective school costs, and more. The 1988 constitution also created free health and social assistance services. Although quality and coverage were initially poor, interviewees in Recife suggested they have gradually improved. 18. Original quote: "a burocratização do poder e a extensão dos benefícios sociais ao campo constituem um processo de nation-building, na medida em que fomentam uma nova identidade social em substituição àquela tradicionalmente baseada na lealdade local" (Reis 1988:203-4). 19. Foucault might not disagree, although he may not be as sanguine about the process and its consequences. 20. Similarly, Schram (1995) emphasises the important role that ‘words of welfare’ play in shaping both beneficiaries’ realities, and that of society around them. 21. As Stokes et al. (2013) note: “Several studies underscore the progressive elements of clientelist social and political relations, in comparison with relations of utter dependence and intimidation that they are assumed to displace. Scott’s [1969] classic study of machine politics locate it at an intermediate stage of social development. A prior stage is one in which subordinate actors follow the dictates of their superiors, treating them with deference and subservience. By contrast, the political machine has almost democratic features. At the stage of development in which machines supplant landlords and notables, erstwhile dependents become clients who must be paid for their political support”. 22. Rêgo & Pinzani (2013a) come closest to actually investigating the matter, having encountered a general sense of liberation in their qualitative interviews with rural BF recipients across the poorest areas of Brazil. Ultimately, however, their book devotes little time or attention to clientelism, coronelismo, or changes in the ‘politics of the poor’, and focusses more broadly on gender, autonomy and empowerment.

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ABSTRACTS

Can conditional cash transfers (CCTs) – a popular form of social programs across Latin America and the world – transform poor people’s politics, and foster inclusive citizenship? This paper sets out to explore the interconnections between state intervention, clientelism, and citizenship, on the basis of in-depth qualitative fieldwork in Recife, Northeast Brazil, a region historically marked by strong patron-client relationships. Through conversations with recipients and administrators of the Bolsa Família program, the world’s largest CCT, the paper first refutes the idea that CCTs are themselves a form of vote-buying, and goes on to suggest that they may instead be contributing to the decline of clientelistic politics. The paper then turns to the question of whether the Bolsa Família may, in Recife, be fostering a new form of inclusive citizenship for beneficiaries, and explores competing considerations. It closes on a cautiously optimistic note, and briefly considers the implications for CCTs in other countries and contexts.

Les transferts conditionnels en espèces (TCEs) - une forme de programme social répandue à travers l’Amérique Latine et le monde – peuvent-ils transformer la vie politique des pauvres, et favoriser une citoyenneté inclusive? Cet article explore les interconnexions entre les politiques d'État, le clientélisme et la citoyenneté, sur la base d’un travail de terrain à Recife, dans un Nord- Est brésilien historiquement marqué par un fort clientélisme. À travers des conversations avec bénéficiaires et administrateurs du programme Bolsa Família, le plus grand TCE du monde, le chapitre réfute d'abord l'idée que les TCEs sont eux-mêmes une forme d'achat de votes, et suggère au contraire qu'ils peuvent plutôt contribuer au déclin du clientélisme. L’article s’interroge ensuite sur le potentiel du Bolsa Família à favoriser une nouvelle forme de citoyenneté pour les bénéficiaires de Recife, et explore diverses hypothèses. Il conclut, finalement, sur une note prudemment optimiste, et examine brièvement les implications pour les TCEs dans d'autres pays et contextes.

INDEX

Mots-clés: politique sociale, transferts conditionnels en espèces, clientélisme, citoyenneté, Brésil Keywords: social policy, conditional cash transfers, clientelism, citizenship, Brazil

AUTHOR

LORENZO DAÏEFF MA Student, McGill University (at the time of the research). Now Evaluation Analyst, Universalia Management Group. [email protected]

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Le développement équitable par le tourisme, le tourisme « pro- pauvres », et la formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes Equitable development through tourism, “pro-poor” tourism, and the all- inclusive formula in the Caribbean

Sabrina Tremblay-Huet

1 Il ne fait plus aucun doute que le tourisme est une activité économique en croissance exponentielle. De 104 milliards de dollars américains en 1980, à 415 milliards en 1995, 2014 fut le théâtre de 1.245 milliards en recettes du tourisme international1. Aujourd’hui, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) estime que le tourisme, de façon directe, indirecte ou induite, contribue à 9% du produit intérieur brut (PIB) mondial2. Certes, la mondialisation des échanges commerciaux résulte en une augmentation des déplacements internationaux pour motifs liés au travail, mais l’OMT affirme que « [L]es voyages à des fins de détente, de vacances ou tout autre type de loisirs ont représenté un peu plus de la moitié de toutes les arrivées de touristes internationaux (53 %, soit 598 millions) en 2014. »3.

2 Pour plusieurs économies des États des Caraïbes, le tourisme constitue une activité économique fondamentale. Entre 2005 et 2014, les Caraïbes ont connu une moyenne de croissance annuelle pour ce secteur de 2%4. Les statistiques récentes sont révélatrices d’une croissance significative pour certains États; la région a connu une hausse de 7% des arrivées internationales en 2015, par rapport à l’année précédente5. La Barbade a enregistré une hausse de 14,3% des arrivées internationales pour la première moitié de 2015 par rapport au même segment de l’année précédente6. Toujours pour cette période temporelle, le groupe Expedia affirme avoir conclu 800 nouveaux partenariats dans les Caraïbes7. En ligne avec ces chiffres impressionnants, une croissance continue constitue encore l’un des objectifs économiques de la région. Par exemple, en août 2015, Saint- Vincent-et-les-Grenadines a reçu un prêt de 5 millions de dollars américains pour la

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construction d’un aéroport international de la part du gouvernement taïwanais8. Le ministre des Affaires étrangères de l’île a affirmé que la construction de cet aéroport constitue une « exigence de base pour le développement d’une société moderne »9. Il semble ici clair que le « développement » afin d’accéder à la « modernité » fait référence au modèle du Nord Global10, largement dominé par l’idéologie du néolibéralisme.

3 La logique du néolibéralisme imprègne le développement touristique, promu par les grandes institutions internationales financières et de développement. Cependant, ce développement se produit trop fréquemment en parallèle à la création ou la reproduction d’inégalités économiques et sociales, ainsi qu’à une utilisation irresponsable de « ressources » environnementales. Cette logique, tout comme dans bien d’autres secteurs, ne semble pas remise en question par les acteurs centraux du tourisme. Cet article mobilisera les trois caractéristiques principales du néolibéralisme mis de l’avant par la politicologue Wendy Brown, afin de démontrer cette tension entre promesses du développement touristique selon cette logique et les effets sur les populations en situation de pauvreté. Il importe d’établir l’idéologie dans laquelle se situe le discours prépondérant sur le développement touristique et de la nommer, afin de contrer la normalisation de celle-ci, ainsi que ses effets problématiques. En effet, le néolibéralisme serait hégémonique « to the point where it has become incorporated into the common-sense way many of us interpret, live in, and understand the world »11.

4 Le cas d’étude du tourisme en formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes sera mobilisé en tant qu’exemplification de la logique du tourisme de masse, dans le contexte où la dépendance de plusieurs États face à ce secteur dominé par le Nord Global offre plusieurs avenues de réflexion sur la notion de développement. D’autant plus, il s’agit d’une manifestation particulièrement révélatrice d’une logique de marchandisation des lieux, des personnes et des cultures par le tourisme12.

5 En réponse aux inégalités induites par le développement par le tourisme, le courant du tourisme « pro-pauvres » fut proposé en tant que philosophie devant guider les activités touristiques13. Le tourisme « pro-pauvres » a pour objectif une activité touristique dont les effets explicitement visés sont une augmentation des bénéfices nets pour les communautés hôtes. Cette stratégie constitue donc une réponse au constat que la prétention de la promotion néolibérale du tourisme ne résulte généralement pas en une solution en soi à la pauvreté pour les États du Sud Global. La philosophie du tourisme « pro-pauvres » sera brièvement décrite, ainsi que mise en parallèle avec ses critiques principales. La plupart de ces critiques se trouvent fondées sur l’argument que cette philosophie du tourisme ne cherche pas à confronter la structure systémique néolibérale permettant la création de situations de pauvreté. Il sera proposé que bien que nous soyons en accord avec cette critique, il demeure tout de même nécessaire de favoriser les approches qui cherchent à opposer les effets du système, en conscience pragmatique du fait que l’époque néolibérale nous apparaît encore dominante et peu menacée. En confrontant la doctrine néolibérale du développement du tourisme à l’une de ses failles principales, soit le maintien en situation de pauvreté de plusieurs communautés hôtes, il est proposé que le tourisme « pro-pauvres » constitue en effet un discours de résistance.

6 Afin que le tourisme « pro-pauvres » constitue un réel potentiel de résistance à l’idéologie néolibérale dominant le développement contemporain du tourisme, nous arguons qu’il est nécessaire que la formule en hôtels tout inclus soit explicitement exclue en tant que forme possible de tourisme adoptant cette stratégie, ce qui n’est présentement pas le cas. Nous démontrerons la place de cette formule au sein des discours sur le tourisme « pro-

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pauvres », et exposerons notre argument quant à pourquoi les tenants de cette approche devraient activement militer contre cette forme de tourisme, ou minimalement explicitement l’exclure d’actions touristiques se prévalant de cette dénomination, et ainsi rectifier cette inclusion incohérente. Nous conclurons par une piste de réflexion sur le tourisme social, un courant touristique parallèle, présentant également un potentiel de résistance.

7 La méthodologie utilisée est une mise en parallèle des réalités sociales liées au tourisme avec la « rationalité politique »14 du néolibéralisme, menant à une analyse critique de la logique néolibérale de développement du tourisme, particulièrement dans le cas du Sud Global. Ces réalités sociales furent d’abord accédées par une recherche des données économiques du secteur touristique afin d’en saisir l’ampleur. Ensuite, la littérature en sciences sociales portant sur le tourisme (émanant principalement des études touristiques, de la géographie, de la sociologie et de l’anthropologie) est source de nombreuses recensions des conditions de vie des communautés hôtes du tourisme, ainsi que des répercussions environnementales de cette activité économique. Les discours et programmes des institutions internationales financières et de développement constituent également une source importante, afin de prendre connaissance des processus de développement touristique promus, des financements accordés en ce sens, ainsi que des motivations et justifications mises de l’avant. Ces sources furent consultées, et par la suite, les constats s’en dégageant en matière d’enjeux de droits humains et environnementaux furent liés aux caractéristiques principales de l’idéologie néolibérale. La cohérence de ces enjeux aux résultats problématiques avec les postulats et pratiques néolibérales ainsi que les discours et programmes des institutions internationales financières et de développement permet de proposer une analyse critique de cette logique de développement touristique. La philosophie du tourisme « pro-pauvres » fut sélectionnée à des fins d’analyse de son potentiel de résistance. Pour ce faire, les rapports et articles scientifiques s’y rapportant furent consultés, ainsi que les références à celle-ci au sein de projets de développement touristique. La conclusion de cet article portant sur le potentiel émancipateur offert par une combinaison avec le tourisme social fut informée par la documentation de l’Organisation internationale du tourisme social (OITS).

1. Les trois principales caractéristiques du néolibéralisme et leur application au tourisme en formule des hôtels tout inclus

8 Selon Wendy Brown, professeure de sciences politiques à l’université de Californie à Berkeley, les trois principales caractéristiques sont les suivantes15. Premièrement, le néolibéralisme « depicts free markets, free trade, and entrepreneurial rationality as achieved and normative, as promulgated through law and through social and economic policy—not simply as occurring by dint of nature. ». Deuxièmement, « neoliberalism casts the political and social spheres both as appropriately dominated by market concerns and as themselves organized by market rationality », de ce fait menant les États à revêtir un rôle déterminé par les impératifs d’une logique de marché, et à créer et maintenir des structures institutionnelles promouvant et facilitant cette logique. Celle-ci implique par exemple la croyance en l’efficacité de la privatisation, ainsi que celle en la capacité des acteurs à se prendre soi-même en charge. Troisièmement, le néolibéralisme « produces governance criteria along the same lines, that is, criteria of productivity and profitability ». Cela est d’ailleurs

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lié à l’argumentaire central de Brown dans son livre Undoing the Demos: Neoliberalism’s Stealth Revolution, selon lequel l’« économisation » de la société s’oppose à la démocratie16.

9 Les enjeux en matière de droits humains et d’impacts environnementaux liés au tourisme en formule des hôtels tout inclus, ainsi que les discours et programmes des institutions internationales financières et de développement seront mis en parallèle avec ces caractéristiques, afin d’en démontrer la cohérence, nous permettant d’affirmer que la logique du développement touristique contemporain s’inscrit dans cette idéologie. Les institutions internationales financières et de développement nous intéressant ici sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que la Banque interaméricaine de développement (BID), considérant le contexte régional des Caraïbes.

1.1 Le libre marché, le libre-échange et leur soutien institutionnel et politique

10 Notons d’emblée que dans le préambule du Code mondial d’éthique du tourisme, principal texte normatif de l’OMT, il est affirmé : « persuadés que l’industrie touristique mondiale, dans son ensemble, a beaucoup à gagner à se mouvoir dans un environnement favorisant l’économie de marché, l’entreprise privée et la liberté du commerce » 17. Il est donc explicite qu’il s’agit de la voie privilégiée de développement touristique. Cette première caractéristique du néolibéralisme se démontre surtout, dans notre cas d’étude, par les phases des projets de développement du tourisme de la Banque mondiale, l’enjeu du taux de fuite, ainsi que les réductions d’impôts offertes par certains États avec pour objectif d’attirer des investissements étrangers liés à des projets touristiques.

11 La Banque mondiale, dont la devise est « Œuvrer pour un monde sans pauvreté », a un historique qui n’est pas tout à fait linéaire en matière de promotion du développement par le tourisme. Pour Donald E. Hawkins et Shaun Mann, les États du Sud Global, étant de plus en plus enclins à se tourner vers la Banque mondiale pour du soutien financier et technique à des fins de développement du tourisme, n’ont pas reçu une réponse qui soit stable au fil du temps de la part de la Banque mondiale18. Hawkins et Mann définissent quatre périodes clés. D’abord, de 1969 à 1979, il y eut une phase de macro-développement. Durant ces années, le financement de la Banque mondiale permit le développement de destinations touristiques aujourd’hui majeures, incluant le Mexique, la République dominicaine et la Tunisie19. Cette phase se clôt cependant par la publication d’un rapport catalyseur dirigé par le professeur Emanuel de Kadt, « Tourism – Passport to Development? », publié à la suite de la conférence de décembre 1976 commandée par la Banque mondiale conjointement avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)20. Les deux organisations, en rétrospective de leur implication dans le développement touristique des années précédentes, ont en effet souhaité analyser les impacts socioculturels réels de ce secteur, en reconnaissance du fait que « [W]hether tourism is an appropriate activity for developing countries to encourage has been subject to controversy »21.

12 Une phase de désengagement caractérisa ensuite les années 1980 à 1990, durant laquelle il fut déterminé que le « marché » et le secteur privé constituaient les vecteurs de développement appropriés pour cette activité économique22. Une phase de développement durable fut entreprise en 1991 jusqu’en 1999; durant celle-ci, les thèmes environnementaux, culturels et sociaux furent encouragés au sein des 44 projets financés 23. Finalement, les auteurs identifient la phase de 2000 à 2006 comment étant celle du

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micro-développement. Des dizaines de projets sont à nouveau financés par l’institution, d’abord analysés par la méthode de la chaîne de valeur, intégrant des principes microéconomiques ayant pour objectif l’amélioration des conditions de vie des communautés hôtes24. Le financement est offert en portion considérable au secteur privé, par la Société financière internationale (SFI)25. L’objectif proclamé de cette dernière est l’élimination de la pauvreté extrême d’ici 2030 et l’amélioration de la redistribution des richesses dans tous les pays « en développement »26. Le pouvoir d’agir accordé au secteur privé par la Banque mondiale démontre sa croyance en le succès de projets menés selon une logique de marché libre entre acteurs privés concurrents. Hawkins et Mann, sensibles à la redistribution équitable des richesses découlant de la croissance économique liée au tourisme, concluaient leur analyse en se questionnant quant à la capacité de la Banque d’assurer exactement cela : « Is the bank sufficiently organized to work multi-sectorally when this approach to development programs has failed in the past due to high transaction costs? A stronger case needs to be made to demonstrate the positive linkages between tourism development and poverty reduction »27. Ce questionnement est certainement légitime. Il pourrait être reformulé afin de se questionner, plutôt, sur le besoin de démontrer le potentiel de la réduction de la pauvreté par un développement touristique selon l’idéologie néolibérale.

13 Aux fins de la promotion de l’investissement privé dans le secteur touristique, la SFI affirme ceci : « According to the World and Tourism Council, every dollar spent on travel and tourism generates over three dollars of economic output. »28. L’enjeu du taux de fuite n’est donc aucunement mis de l’avant. Le taux de fuite, dans le contexte du tourisme, est le terme employé pour décrire le phénomène des revenus touristiques « fuyant » l’État hôte29. Il s’agit de « rapatriement des profits » de la part de compagnies privées étrangères pour les activités économiques ayant lieu sur un territoire, fréquemment d’un État du Sud Global30 . En somme, le problème y étant associé est que l’argent d’un touriste ne demeure pas au sein de l’économie locale dans laquelle cet argent fut déboursé31. La prévalence de ce phénomène dans le cas du tourisme dans les Caraïbes est considérable, et constitue un enjeu central pour une réelle amélioration des conditions socioéconomiques par le tourisme. La formule des hôtels tout inclus constitue la forme la plus néfaste sur le plan du taux de fuite, puisque les touristes auront payé avant leur départ pour les frais de transport, d’hôtels et de restauration32. L’adoption de cette formule par la République dominicaine, par exemple, mena à une réduction marquée des revenus par touriste33. La stratégie touristique de la Banque mondiale pour la région de l’Afrique de 2010, intitulée « Transformation Through Tourism », énonce clairement le taux de fuite en tant qu’obstacle majeur aux bénéfices du tourisme pour les populations locales34. La « stratégie » de tourisme « pro-pauvres » y est d’ailleurs directement proposée, en tant que façon d’aborder ce problème35. L’une des composantes du cadre stratégique pour ce projet est l’augmentation des liens économiques avec le secteur privé local36. Le défi y apparaît de taille : Constraints to tourism value-chain development in Africa include poor quality products, lack of tourism awareness, and a problematic business environment. There are significant opportunities for improved linkages, but in many cases local products (horticulture, produce, crafts, entertainment, transportation) are not sufficiently developed or are not of high enough quality to supply the tourism industry.37

14 Cependant, dans les Caraïbes, concernant entre autres les produits de l’agriculture, l’offre n’est pas le problème; la demande des complexes hôteliers semble le constituer. Polly Pattullo est citée par de nombreux universitaires en la matière, ayant documenté la

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problématique du taux de fuite de façon extensive. Elle affirme à titre d’illustration qu’il est fort probable que dans un complexe hôtelier tout inclus des Caraïbes, les touristes consomment du jus d’orange de la Floride, des bananes de la Colombie et des ananas d’Hawaii38. Le taux de fuite est un enjeu lorsqu’il existe un souci de réduction de la pauvreté de la communauté hôte de l’activité touristique permettant les entrées de liquidités en premier lieu; il l’est moins dans le contexte d’un souci de politiques et lois favorisant le libre marché et le libre-échange, combiné à une croyance en l’efficacité de ceux-ci pour une (re)distribution équitable des richesses.

15 La concurrence venant de pair avec une ouverture liée entre autres au libre-échange, contexte largement institutionnalisé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mène certains États à adopter différentes mesures de promotion aux fins d’investissements étrangers. Cela inclut des réductions d’impôts offertes aux compagnies privées étrangères, tel qu’est le cas par exemple pour la République dominicaine par la Loi 158-01 (2001) 39. L’ironie, en matière de la réduction de la pauvreté des communautés hôtes, est que cela se produit en parallèle à une difficulté d’accès au crédit pour des entrepreneurs locaux du secteur touristique40.

1.2 La prépondérance de la rationalité de marché pour les sphères politiques et sociales

16 Cette rationalité de marché n’est toutefois pas confinée aux seules politiques et lois applicables au développement de l’industrie touristique; elle atteint également les sphères politiques et sociales. Cela est manifeste lorsque sont explorés les enjeux de la redistribution des richesses liées à ce développement touristique, l’exclusion sociale des communautés hôtes, les conditions des travailleurs du secteur touristique, ainsi que la marchandisation des cultures.

17 La redistribution équitable des richesses engendrées par le tourisme est en effet une problématique importante. Si cela n’est pas un objectif explicite d’un développement touristique, il est périlleux de supposer, selon une logique néolibérale, que la façon dont la redistribution s’effectuera sera naturellement équitable. La rationalité politique néolibérale présuppose des « citizens as individual entrepreneurs and consumers whose moral autonomy is measured by their capacity for “self-care”—their ability to provide for their own needs and service their own ambitions »41. Les contraintes institutionnelles, ou bien résultantes des politiques et lois à saveur néolibérale, ont toutefois fréquemment pour effet d’être simplement trop restrictives pour permettre un réel épanouissement économique et social des membres en situation de pauvreté d’une communauté hôte du tourisme, particulièrement de masse.

18 À titre d’exemple, l’île américaine de Puerto Rico a reçu en 2004 3.5 millions de visiteurs, générant ainsi plus de 3 billions de dollars américains; à cette même époque, un recensement révéla qu’environ 45% des ménages vivaient en dessous du seuil fédéral de pauvreté42. Notons également que l’un des États les plus riches du Mexique dans lequel se trouvent les hauts lieux touristiques de Cancún et de la Riviera Maya, soit Quintana Roo, est l’hôte d’une des populations en plus haute situation de pauvreté à travers le pays43. Cela est contre-intuitif, particulièrement si l’on considère qu’un tiers du revenu touristique du Mexique est généré par cet État seul44. L’une des conséquences d’un si grand attrait touristique est entre autres l’inflation des coûts de la vie45, incluant des logements, ce qui a pour effet de rendre inabordables certaines régions, tel que cela est le

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cas par exemple pour plusieurs populations mayas dont les terres ancestrales s’y trouvent 46. À titre indicatif de ce que cela peut représenter, entre 1990 et 2000, la moyenne d’augmentation annuelle des logements à Puerto Rico était de 10% 47. De ce fait, « [I]n a place where attractive coastal lands are the key ingredient in the recipe for success, concentrated ownership has led to concentrated benefits. The “few” that get the benefits from tourism (or ecotourism) are often foreign firms, or multi-national tourism conglomerates. »48.

19 L’exclusion n’est toutefois pas qu’économique; une « stratification physico-spatiale » peut également être observée, c’est-à-dire qu’alors que les lieux touristiques sont attrayants et bien desservis par les services, les lieux en périphérie, divisés par entre autres des autoroutes ou des séparations naturelles, sont tout le contraire49. L’interdiction d’accès de facto des locaux aux plages publiques par les gardes de sécurité de complexes hôteliers est également un problème largement documenté50. L’inflation a également pour effet de priver d’accès économique, plutôt que physique, plusieurs locaux à des commerces tels que des restaurateurs; un exemple flagrant est celui du fait que « a double-scoop ice-cream cone at Häagen-Dazs in Cancún costs US$7.50, more than in the United States and twice the minimum wage for workers in that city. »51.

20 Également, les conditions de travail du secteur touristique dans les Caraïbes sont difficiles, particulièrement vu la saisonnalité de l’activité touristique dans ces lieux. De ce fait, l’instabilité des emplois liée à des embauches et des congédiements saisonniers mène à l’octroi de peu de bénéfices sociaux, réservés aux employés permanents52. Les tenants des succès d’un développement touristique néolibéral insistent sur la création d’emplois; rarement toutefois les statistiques se préoccupent des conditions de travail et des statuts liés à ces emplois. En République dominicaine, le salaire des employés du secteur touristique est sous la moyenne nationale53. Au sein de ce secteur, les femmes gagneraient environ 68% du salaire des hommes54. L’exclusion d’employés nationaux des fonctions de gestion au bénéfice d’expatriés est notoire dans la région55. Dans la formule des hôtels tout inclus, les pourboires constituent d’emblée une pratique moins fréquente56, tel que cela est particulièrement le cas pour les complexes du groupe Sandals, dans lesquels une politique d’interdiction des pourboires est en place afin que le séjour soit réellement « tout inclus »57. La dépendance face à la demande de l’offre qu’est le tourisme contribue elle aussi de façon majeure à la précarité des emplois y étant liés; par exemple, il est estimé que les attaques du 11 septembre 2001 auraient causé la perte de 5 millions d’emplois dans le secteur touristique58. D’autant plus, les entrepreneurs locaux indépendants peinent à faire concurrence aux conglomérats du tourisme basés dans des États du Nord Global. L’harmonisation des produits fait partie intégrante du standard touristique, et le pouvoir de la détermination des prix est bien sûr aux mains des dits conglomérats59. C’est ainsi que pour profiter du « boom » économique du tourisme, il est ardu de bâtir une entreprise permettant des taux de profits significatifs, puisque la concurrence est trop féroce face aux multinationales ayant forgé plusieurs alliances imposant des chutes de prix. Pourtant, une étude sur l’impact en matière de subsistance du tourisme dans les régions côtières de la République dominicaine a révélé que les ménages dépendants du tourisme bénéficiaient d’un meilleur revenu lorsque ceux-ci étaient à la tête de petites entreprises, plutôt qu’employés du secteur60.

21 La marchandisation des cultures, largement discutée au sein de la littérature sur le tourisme61, est également un phénomène démonstratif d’une rationalité de marché appliquée à la sphère sociale. Le phénomène est devenu un enjeu particulièrement dans le contexte du tourisme impliquant les cultures autochtones. Cela a mené à des situations

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dans lesquelles, par exemple, les peuples autochtones d’une région ne bénéficiaient pas d’un réel pouvoir décisionnel quant au développement touristique promouvant leurs cultures traditionnelles, ou bien n’étaient pas les principaux bénéficiaires des revenus engendrés62. Brown mentionne que « [N]eoliberalism looks forward to a global order contoured by a universalized market rationality in which cultural difference is at most a commodity, and nation-state boundaries are but markers of culinary differences and provincial legal arrangements »63. En effet, malgré les aléas du libre marché des intérêts et préférences touristiques, il demeure que les structures politiques, ainsi qu’institutionnelles donatrices, ont le pouvoir de déterminer si certaines cultures seront érigées, au mieux tel que le dénonce Brown, en tant que commodités permettant leur survie en parallèle avec leur profitabilité.

1.3 La gouvernance publique : un souci de productivité et de profitabilité

22 La dévaluation de l’équitabilité, associée au néolibéralisme notamment par Brown64, est cohérente avec les effets d’un développement touristique suivant cette idéologie. Les principes de la gouvernance néolibérale constitueraient l’alternative proposée65. La notion de développement durable s’inscrit aisément dans une rationalité politique néolibérale, considérant qu’il est implicite à cette notion que l’objectif en est un d’exploitation soutenue à long terme. La productivité d’une ressource doit être assurée afin d’en soutirer une profitabilité maintenue au fil du temps. Gérer l’État, gérer des ressources (humaines, environnementales), comme une entreprise privée dont il faut assurer productivité et profitabilité, telle est l’une des caractéristiques d’une gouvernance néolibérale. Ce développement durable d’une attraction touristique, par exemple, s’effectue-t-il en accord avec la communauté hôte? Peu importe : l’État « replaces strictures on democratic proceduralism and accountability with norms of good management »66. Puisqu’une accumulation continue et expansionniste fait partie intégrante d’une idéologie néolibérale (et capitaliste), il devient rapidement apparent que la durabilité réfère à un calcul économique, en plus d’un calcul environnemental67. Au-delà d’une contradiction évidente, les effets de ce jumelage pourraient même être néfastes en matière environnementale68. Non seulement ces effets seraient préjudiciables à une protection en soi de l’environnement, mais également pour les populations en situation de pauvreté. Cela se produit notamment car d’une part, les personnes avec le plus de ressources financières acquièrent un contrôle privé de nombreuses « ressources » environnementales, telles que l’eau, et de ce fait en bénéficient d’autant plus69. D’autre part, la dégradation environnementale affecte de façon disproportionnée les populations en situation de pauvreté70, tel que largement documenté et décrié par le mouvement de « justice environnementale ».

23 Le discours de l’un des gardiens de la doctrine néolibérale, le FMI, exemplifie ces propos. Les statistiques de croissance impressionnante des arrivées internationales de touristes dans les Caraïbes présentées en introduction ont sans doute tout pour plaire à cette institution, qui affirmait en 2010 que la région des Caraïbes se développait lentement depuis les vingt dernières années; cela aurait eu pour cause des manquements significatifs en matière de productivité71. Le FMI proposait ainsi que « countries should pursue structural reforms that increase the tourism sector’s productivity and competitiveness, reflected in growing numbers of arrivals and receipts per tourist », le tourisme étant ainsi perçu

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comme étant clé à un développement accéléré72. Récemment, l’institution se déclarait satisfaite de la croissance en République dominicaine, fortement liée à l’activité touristique en matière de produits exportés; cependant, les indicateurs économiques présentés au sein de ce communiqué informent le lecteur que le taux de la population en situation pauvreté est de 35,5%, incluant 7,2% en extrême pauvreté73. Quelques lignes générales énoncent que des réformes sont nécessaires afin de rendre cette croissance économique plus inclusive74. Ce n’est pourtant pas le sujet central de ce communiqué : la hausse de la croissance du secteur constitue l’élément majeur à retenir, et à célébrer.

24 Le FMI a récemment publié une note de discussion portant sur son engagement envers les Objectifs de développement durable (ODD), et son soutien aux États les accomplissant75. Sont énumérées trois façons dont est promue une « croissance durable », soit : « 1) economic diversification and structural transformation within a stable macroeconomic framework; (2) economic, gender, and financial inclusion; and (3) climate and environmental sustainability »76. Il y est donc reconnu la nécessité dans ce contexte d’aborder la question d’une croissance inclusive, qui ne soit pas vectrice d’inégalités de revenus, de genre et d’opportunités financières77. En effet, de grandes inégalités en ce sens peuvent nuire à une croissance durable, selon ce rapport78. En ce qui a trait au développement durable, il est considéré que la durabilité de la composante environnementale est « cruciale » pour une stabilité macroéconomique et une croissance à long terme79. Il est proposé que les politiques publiques visant à mitiger les risques environnementaux peuvent également affecter cette croissance80. Une croissance économique soutenue demeure donc l’enjeu central dans ce discours.

25 La BID, quant à elle, finance actuellement 19 projets actifs de « développement durable » du tourisme81. La redistribution équitable des profits issus du tourisme n’est pas un objectif principal énoncé explicitement par la BID. En effet, la dimension de durabilité de cette voie de développement prévaut. Les trois catégories de résultats promus sont plutôt la protection de la biodiversité, l’amélioration des conditions de travail et de l’implication des communautés locales, ainsi que l’amélioration de l’efficacité énergétique et de la gestion des déchets82.

26 L’appropriation du concept de développement durable par de nombreuses entités s’inscrivant directement dans l’idéologie néolibérale fut l’objet d’un grand scepticisme. La possibilité de cette appropriation serait entre autres due à la flexibilité du terme, de ce fait menant à ce qu’il apparaisse « compatible with an economic system based upon the assumption of perpetual growth », soit le néolibéralisme83. Juan Cervantes propose même que nous assistons plutôt à l’émergence et la consolidation d’un « néolibéralisme durable »84. L’enjeu de la durabilité d’un secteur à potentiel de développement continu nous apparaît être : durable pour qui? Si l’État répond à une logique de marché, la durabilité d’une ressource n’a de valeur que si une profitabilité y est associée. D’autant plus, un secteur économique est-il durable s’il exclut de façon continuelle de ses bénéfices certains groupes de population?

2. Le tourisme « pro-pauvres » : une résistance au développement néolibéral du tourisme?

27 Faisant écho au plaidoyer de professeur de Kadt, notamment, et en réponse aux inégalités criantes se creusant ironiquement par le développement du tourisme de masse dans les

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destinations du Sud Global, la philosophie du tourisme « pro-pauvres » a émergée. En effet, déjà en 1979, il apparaissait évident que la redistribution des richesses était un problème de taille en matière de développement touristique : « growth alone may not suffice to overcome poverty within a reasonable time, and [that] the distribution of the material benefits of development among the poorest countries and the poorest populations groups within individual countries requires special attention »85. Or, tel que démontré par les enjeux se manifestant dans l’industrie touristique contemporaine, la philosophie « pro-pauvres » demeure largement d’actualité.

28 Qu’en est-il exactement? En somme, il s’agit d’une philosophie prônant des stratégies touristiques portant une attention significative aux bénéfices directs pour les populations en situation de pauvreté qui en outrepassent les coûts. Professeur Harold Goodwin a proposé cette philosophie au Department for International Development (DID) du Royaume- Uni, qui avait lancé un appel, en 1998, afin de trouver des façons dont le tourisme pouvait contribuer à l’élimination de la pauvreté86. Professeur Goodwin s’est entre autres inspiré de « Tourism – Passport to Development? » pour sa proposition87. Le DID commanda ensuite un rapport sur le sujet afin de développer un programme concret88. Le tourisme « pro- pauvres » a pour objectif de créer des opportunités de bénéfices nets aux populations en situation de pauvreté plutôt qu’un objectif d’expansion du secteur89. Des exemples de stratégies de tourisme « pro-pauvres » sont : inclure l’élimination de la pauvreté en tant qu’objectif concret de projets touristiques, promouvoir l’inclusion d’opportunités d’emplois dans les secteurs formel, informel et d’entreprenariat pour les personnes en situation de pauvreté, assurer l’inclusion des personnes en situation de pauvreté dans les prises de décision touristiques afin que leurs préoccupations soient également considérées, ainsi que créer des partenariats locaux afin d’entre autres minimiser le taux de fuite90.

29 Considérant ses prétentions, ainsi que sa popularité, la philosophie du tourisme « pro- pauvres » fut l’objet de critiques importantes. La plus majeure concerne le fait que celle-ci ne s’attaque pas directement au système créant les situations de pauvreté qu’elle a pour objectif d’enrayer. Le tourisme « pro-pauvres » serait ainsi compris comme étant une « acceptation tacite » du système de développement néolibéral91. La philosophie aurait également été reprise par des institutions pour lesquelles la croissance économique demeure l’objectif primordial du tourisme, par exemple l’OMT92. Professeur Goodwin reconnaissait d’ailleurs que le terme et son langage furent utilisés sans toutefois qu’il n’y ait d’actions menées pour l’élimination de la pauvreté, ce qu’il lie à une potentielle efficacité en matière d’obtention de financement lorsque la stratégie est citée93.

30 Malgré ces faiblesses attribuées au tourisme « pro-pauvres », dont nous reconnaissons certes la validité, il nous semble qu’il s’agisse tout de même d’une philosophie qui soit explicitement plus dédiée à l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation de pauvreté que certaines autres formes de tourisme dit « durable » ou alternatif, ainsi que flexible dans l’atteinte de ses objectifs. Elle n’est également pas partie prenante au discours de promotion du développement du secteur, en tant que créatrice d’emplois et de profits, mais bien une voix au chapitre de comment et pour qui cette activité devrait se développer lorsque cela est d’emblée le cas94. Notons également que cette philosophie est plus porteuse en matière de réduction de la pauvreté que des formes alternatives populaires de tourisme visant la conservation (de l’environnement, de la culture, etc.). Dans The Moralization of Tourism, Jim Butcher propose plusieurs arguments contre ce qu’il conçoit être des limites indues à la liberté individuelle à travers les

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différentes tendances « éthiques » du tourisme sous la forme de codes de conduite ou de condamnations de certaines formes de tourisme tel que celui de masse, ce qu’il surnomme la vague du « New Moral Tourism »95. D’emblée, précisons que cet argumentaire ayant pour finalité la promotion d’une liberté de conscience pour les touristes, privilégiant le libre choix de chacun au détriment des conséquences de ces dits choix touristiques sur les populations et environnements affectés, nous semble fort problématique et prône à extrapolations dangereuses96. Cependant, nous sommes en accord avec l’une des critiques qui y sont exposées. En effet, professeur Butcher propose que les approches au tourisme favorisant la préservation de l’état social et économique actuel d’une communauté, pour des raisons de crainte d’effets néfastes du « développement », a pour effet de maintenir cette communauté dans une situation de pauvreté : « The forms of ‘sustainable tourism’ advocated by the authors are designed to leave these societies as they are – culturally authentic, but grindingly poor. »97. Tel pourrait constituer l’une des critiques de l’écotourisme, par exemple. Professeur Goodwin a d’ailleurs évoqué la déception liée à cette tendance, en raison des résultats empiriques ne démontrant pas les bénéfices attendus pour les communautés situées autour des parcs nationaux; ce fut d’ailleurs l’un des éléments de motivation du gouvernement anglais à lancer cet appel à des solutions innovatrices bénéficiant les communautés hôtes du tourisme en situation de pauvreté98.

31 En quoi la philosophie « pro-pauvres » répond-elle à la critique de professeur Butcher? Elle a pour objectif clair non pas la promotion d’une certaine forme de tourisme, mais bien la promotion active d’amélioration des bénéfices nets au profit des populations en situation de pauvreté. Cet objectif n’est pas en phase avec toutes formes de tourisme prônant la conservation d’un élément au-delà de toutes autres considérations, si cette conservation ne produit pas de bénéfices nets. Ce n’est donc pas la durabilité de l’activité touristique qui soit promue, mais bien les effets de sa réalisation immédiate. L’approche ne s’attaque pas au secteur en soi : « Many of the disadvantages associated with tourism are actually characteristics of growth and globalisation. Many of the negative impacts that arise as a result of tourism development would also occur with development in other sectors. »99. Les tenants de l’approche demeurent ainsi réalistes quant aux impacts négatifs de cette activité économique, résultant entre autres du fait qu’il s’agisse d’une activité économique capitaliste à la base100. En ce sens, la philosophie du tourisme « pro-pauvres » apparaît ainsi consciente des limites imposées par le système dominant en place.

32 L’on pourrait affirmer que la philosophie d’un tourisme « pro-pauvres » est trop simple, trop évidente. Mais, c’est effectivement car le développement du tourisme, particulièrement de masse, se déroule au sein du système mondial néolibéral que de telles inégalités sont créées, maintenues et reproduites, et que de ce fait un objectif visant explicitement l’amélioration des conditions de vie de populations en situation de pauvreté n’est pas un objectif de développement des affaires naturel. C’est ainsi qu’il est proposé au sein de cet article que sa pertinence est à considérer de façon significative, malgré que cette philosophie ne s’attaque pas directement aux sources systémiques de ces résultats inéquitables. Il est en effet proposé que le tourisme « pro-pauvres » n’éliminera pas la pauvreté, mais bien qu’il s’agit d’une des façons de contrer les inégalités criantes créées par le système économique mondial en place. Il est reconnu que du fait de la promotion de la philosophie du tourisme « pro-pauvres », les initiatives en lien avec la réduction de la pauvreté sont devenues plus prévalentes101; voilà qu’il s’agit maintenant d’un objectif à « l’agenda » de plusieurs formes de discours et de projets de

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développement touristique. Par la promotion de cette approche, il est également possible que les touristes se questionnent sur les impacts de leurs choix et actions.

33 Il demeure que le tourisme, même dans les régions du Sud Global, croît au bénéfice du Nord Global. En les termes de professeur Michael Hall, universitaire proéminent sur la question de l’impérialisme touristique, « [T]he notion espoused by the UNWTO that ‘tourism exchanges benefit primarily the countries of the South’ is a ridiculous one and hides the reality that not only is the consumption of tourism the domain of the wealthy, but in many ways so is its production. »102. Il demeure également qu’un changement systémique est une tâche énorme qui ne peut être réalisée qu’à long terme. Pour le moment, la philosophie du tourisme « pro-pauvres » tire ses racines du fait que le tourisme est aujourd’hui une réalité pour de nombreuses communautés du Sud Global, et qu’il vaut ainsi mieux chercher à réduire les impacts négatifs et améliorer les bénéfices nets pour celles-ci103, ce qui n’exclut pas une lutte plus large face au système en soi. Le tourisme étant une activité économique gagnant exponentiellement en importance, particulièrement pour plusieurs économies du Sud Global, il est primordial de s’y intéresser de plus près en matière de réduction de la pauvreté. D’autant plus, les activités des ministères du tourisme ne sont généralement pas considérées comme étant prioritaires au sein de gouvernements, et l’élimination de la pauvreté n’est souvent pas un objectif explicite de ceux-ci104. Bref, l’état actuel du système n’étant manifestement pas conducteur à la réduction des inégalités, au sein de cette lutte effrénée aux profits, il n’en demeure pas moins qu’il est souhaitable que des initiatives de mitigation soient valorisées et promues. L’approche du tourisme « pro-pauvres » est ainsi une approche pragmatique, au sein de laquelle les tenants s’avouent contraints à « work in the real world »105.

3. Un appel à la cohérence de la résistance par l’exclusion explicite du tourisme en formule des hôtels tout inclus

34 Le bémol qu’il nous importe toutefois de mettre de l’avant quant à la promotion d’une telle philosophie du développement touristique est son inclusion explicite, et de ce fait sa non-exclusion, du tourisme en formule des hôtels tout inclus dans le Sud Global. En effet, nous proposons qu’il s’agit d’une antithèse, joignant deux philosophies de développement d’un secteur, ou modèles d’affaires, qui sont incompatibles. Cette inclusion sera présentée, suivie de ses contradictions inhérentes en ce qui concerne les arguments des acteurs universitaires principaux de la philosophie du tourisme « pro-pauvres » ainsi que des conceptions du développement touristique qui se confrontent.

35 En 2000, dans leur article « Pro-poor tourism: putting poverty at the heart of the tourism agenda », Ashley, Boyd et Goodwin semblent implicitement dissocier le tourisme en formule des hôtels tout inclus de leur stratégie proposée. Ils citent comme obstacle à l’amélioration de la participation économique des personnes en situation de pauvreté le sous-développement du tourisme national, régional et indépendant, et comme l’une des solutions, « Avoid excessive focus on international all-inclusives. »106. Les auteurs affirment également que bien que la formule des hôtels tout inclus soit en croissance, il est peu probable qu’elle génère des liens économiques avec les économies nationales107. En 2008, Goodwin apparaît modérer son approche à ce type de tourisme : « It is important to remember that the impacts of tourism, positive and negative, are not uniform. It is not the case

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that all-inclusives are always bad and that accommodation-only deals are always good. »108. Il affirme que la forme que revêt le tourisme n’est pas ce qui soit important, mais bien ses impacts109.

36 Les consommateurs ne détiennent généralement pas la majorité du pouvoir face aux commerçants en matière d’information. Si les acteurs du tourisme « pro-pauvres » ne désavouent pas le tourisme en formule des hôtels tout inclus en proposant que certains complexes hôteliers concluent des ententes aux fins d’approvisionnement local de produits maraîchers, ou encore permet à des artisans locaux de vendre leurs produits en leur enceinte110, la diligence du consommateur pourrait s’en trouver amoindrie. En effet, si le consommateur est exposé au message que ce ne sont pas tous les voyages en formule des hôtels tout inclus qui ne bénéficient pas de façon équitable aux communautés hôtes, à quel point celui-ci accomplira-t-il des démarches concrètes afin de valider que le complexe dans lequel il souhaite séjourner respecte réellement de telles stratégies « pro- pauvres »? Il semble majeur que le consommateur soit informé du fait qu’en très large majorité, les formules des hôtels tout inclus opèrent selon un plan d’affaires et une conception de la croissance économique grandement détachée de la philosophie du tourisme « pro-pauvres ».

37 D’autant plus, même s’il s’avère qu’un complexe hôtelier en formule des hôtels tout inclus du Sud Global intègre des politiques et actions liées à la diminution du taux de fuite et à la hausse de l’emploi local, par exemple, il demeure que cette forme d’exploitation touristique est génératrice d’exclusion sociale et d’impacts environnementaux alarmants. Malgré sa non-exclusion du tourisme en formule des hôtels tout inclus dans le Sud Global, sont cités comme objectifs de la stratégie « pro-pauvres », notamment, les éléments suivants : « enable local community access to the tourism market and avoid enclaves », « ensure the maintenance of natural and cultural assets » et « control negative social impacts »111. Pourtant, le tourisme en formule des hôtels tout inclus, particulièrement dans les Caraïbes, représente certainement un développement touristique en enclave, nuit à la conservation environnementale ainsi que crée des impacts économiques et sociaux négatifs.

38 De plus, il est largement reconnu que les impacts environnementaux atteignent de façon disproportionnée les populations en situation de pauvreté112. C’est ainsi que les impacts environnementaux des complexes hôteliers en formule des hôtels tout inclus sont d’autant plus criants dans une perspective de bénéfices nets pour les personnes en situation de pauvreté. Comment pourrait-on réellement affirmer qu’est compatible cette formule touristique avec la philosophie du tourisme « pro-pauvres », alors que, par exemple, un touriste y utilise jusqu’à 16 fois plus d’eau qu’une personne locale de la communauté hôte113? Si la recherche de bénéfices nets pour les personnes en situation de pauvreté a théoriquement pour corollaire la réduction des inégalités, de telles variations d’utilisation des ressources, menant à des impacts environnementaux potentiellement catastrophiques, particulièrement en périodes de sècheresse, ne peuvent être argüées comme étant souhaitables dans cette perspective.

39 Il fut démontré comment les tenants du tourisme « pro-pauvres » se situent par rapport à la critique voulant qu’ils ne s’attaquent pas au problème créateur d’inégalités, soit le système économique néolibéral capitaliste dans lequel se développent les activités touristiques, ne suivant que les tendances des marchés. Malgré cette position pragmatique plaidant pour que les effets du développement touristique qui se produit dans tous les cas de façon exponentielle soient au bénéfice des personnes en situation de

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pauvreté, il nous semble cohérent, et certainement souhaitable, que la philosophie délaisse sa généralité et se positionne contre la forme de tourisme qui exemplifie le plus ce que celle-ci condamne. Même si des efforts peuvent être accomplis en matière des actions proposées par la stratégie « pro-pauvres », la formule des hôtels tout inclus demeure simplement incompatible avec la philosophie sous-tendant le tourisme « pro- pauvres », qui ne se limite pas à la création d’emplois et l’achat de certains produits locaux. Puisque cette philosophie se définit sur le plan de bénéfices nets, il apparaît clair eu égard aux effets néfastes sur les communautés hôtes, bien documentés, que ces effets surpassent les bénéfices. Le bénéfice de la création d’emplois, par exemple, est à mitiger lorsque mis en parallèle avec les conditions de travail qui y sont associées : salaires plus élevés et postes de gestion réservés à des non-nationaux114, des contrats à court terme restreignant l’accès aux avantages sociaux et créant un climat d’insécurité de l’emploi115, etc. Ou encore, que penser d’un approvisionnement local en poisson si les complexes hôteliers construits en enclave côtière polluent les eaux environnantes et de ce fait déciment les bancs de poissons, en consommant de façon disproportionnée à la population locale, limitant ainsi leur accès aux ressources116? Il est admis que la philosophie du tourisme « pro-pauvres » ne propose pas de plan d’action de lutte contre le système économique contemporain, en soi créateur d’inégalités. Toutefois, de façon minimale, elle dénonce ces inégalités plutôt que de les ignorer ou de faillir à les reconnaître; il s’agit d’une avancée significative face à plusieurs autres formes de stratégies touristiques.

4. Un partenariat pour une résistance accrue : le tourisme social

40 La philosophie du tourisme « pro-pauvres » gagnerait à jumeler ses réflexions et actions à celles du tourisme social, qui mène une lutte parallèle, avec pour objectif l’accès au tourisme pour toutes et tous, principalement par le biais de l’Organisation internationale du tourisme social (OITS). Ainsi, au-delà du fait qu’il soit impératif que le développement touristique s’accomplisse au bénéfice des communautés hôtes, particulièrement en situation de pauvreté, en matière de lutte contre les inégalités, il importe également de lutter pour que le droit au tourisme ne soit pas unilatéral. En effet, l’OITS combine la lutte historique contre les inégalités en matière d’accès au tourisme avec les préceptes de l’économie sociale, tout en veillant à ce que le type de tourisme promu et mis en œuvre par ses membres conduise à un véritable développement des populations d’accueil et garantisse les droits des travailleurs de ce secteur117.

41 La lutte aux inégalités, tel que conceptualisée par l’OITS, doit donc être inclusive non seulement d’opportunités de tourisme pour les communautés hôtes, mais également de conditions dignes pour les employés du secteur. L’article 6 de la Déclaration de Montréal – Pour une vision humaniste et sociale du tourisme énonce ceci clairement, la création d’emplois n’étant pas un objectif suffisant en soi : « Le secteur touristique doit être générateur d’emploi et garantir, simultanément, les droits fondamentaux des personnes qui y sont employées. »118. L’exclusion sociale est donc condamnée par l’approche du tourisme social, tel qu’en témoigne l’article 4 de l’Addendum d’Aubagne à la Déclaration de Montréal : « […] les populations des pays d’accueil doivent avoir accès à leurs propres ressources touristiques comme aux bénéfices du tourisme »119. Il nous apparaît ainsi fort

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pertinent que la philosophie du tourisme « pro-pauvres » élargisse son spectre de bénéfices nets pour les populations en situation de pauvreté, en incluant le droit au tourisme pour celles-ci de façon proactive. Les objectifs des deux mouvements sont en effet fortement conjugables. Un tel élargissement conceptuel et militant est également conséquent avec un rejet du tourisme en formule des hôtels tout inclus dans le Sud Global, considérant l’exclusion notoire d’accès à celui-ci pour les populations locales, soit par les contraintes d’accès physique, notamment à la plage, soit de manière indirecte par les coûts rendant de ce fait un accès en tant que touriste largement improbable, sinon impossible.

42 La contribution de cet article est donc de proposer que la philosophie du tourisme « pro- pauvres », très large, soit plus proactive en ce qui concerne la mise de l’avant de solutions, par l’exclusion explicite de la forme majeure de tourisme qui produit de façon disproportionnée des inégalités pour les communautés hôtes affectées, soit la formule des hôtels tout inclus dans le Sud Global. Bien que le tourisme « pro-pauvres » ne s’attaque pas directement au système néolibéral dominant, tel que le relèvent légitimement ses critiques, ses tenants peuvent mener une lutte plus accessible, soit de chercher à contrer la popularité de la forme de tourisme qui représente le plus ce système créateur et reproducteur d’inégalités sociales criantes et inacceptables.

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NOTES

1. Organisation mondiale du tourisme, « Faits saillants OMT du tourisme – Édition 2015 ». URL : http://www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/9789284416882, à la p.2. 2. Ibid. 3. Ibid, p. 4. 4. Ibid, p. 4. 5. Caribbean News Now, « Caribbean tourism sets new performance records ». URL : http:// www.caribbeannewsnow.com/topstory-Caribbean-tourism-sets-new-performance- records-29355.html. 6. Caribbean Journal, « Barbados Sets Tourism Record, Topping 300,000 Arrivals in First Half ». URL : http://caribjournal.com/2015/08/02/barbados-sets-tourism-record-topping-300000- arrivals-in-first-half/. 7. Caribbean Journal, « Expedia and the Caribbean ». URL : http://caribjournal.com/2015/09/21/ expedia-and-the-caribbean/. 8. Caribbean Journal, « St Vincent Getting $5 Million Loan From Taiwan to Complete International Airport ». URL : http://caribjournal.com/2015/08/17/st-vincent-getting-5-million- loan-from-taiwan-to-complete-international-airport/. 9. [« basic requirement for the development of a modern society »] Ibid. 10. Pour une réflexion à ce sujet, voir en particulier les vastes écrits de la théorie postcolonialiste. Par exemple, dans notre cas à l’étude, cet extrait guide une réflexion en ce sens : « Post-colonial societies have taken up the ‘civilizing’ benefits of modernity, only to find themselves the

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‘barbaric’ instigators of environmental damage. In such ways the dynamic of imperial moral power is maintained globally. » Ashcroft, Bill, Gareth Griffiths et Helen Tiffin (2002). The Empire Writes Back, New York, Routledge, 283 pages, p. 213. 11. Harvey, David (2007). A brief history of neoliberalism, New York, Oxford University Press, 256 pages, à la p. 3. Cet ouvrage offre un historique politico-économique du néolibéralisme largement acclamé. 12. Pour une réflexion sur les liens entre le tourisme et la dynamique d’accumulation capitaliste, cette analyse est significative : Britton, S., (1991). Tourism, Capital, and Place: Towards a Critical Geography of Tourism, Environment and Planning D, volume 9, n° 4, pp. 451-478, p. 451. 13. Notons d’emblée notre désaccord avec l’utilisation du terme « pauvres » pour identifier un groupe de personnes; plutôt qu’une identité, il s’agit à notre sens d’une situation dans laquelle une personne se trouve, qui ne la définit pas. Nous préférons l’utilisation du terme personne en situation de pauvreté. Nous reconnaissons également que l’utilisation du terme « pro-pauvres », en tant que traduction de « pro-poor », plutôt que par exemple « en faveur des pauvres », ne constitue pas un usage linguistiquement élégant. Toutefois, nous en avons sélectionné l’utilisation afin de maintenir une cohérence entre le terme original anglophone et les références qui y sont faites dans la littérature francophone. L’utilisation des guillemets représente le bémol symbolique et linguistique que nous mettons de l’avant par rapport à l’utilisation de ce terme. 14. Il s’agit du terme utilisé par Wendy Brown, emprunté à Michel Foucault, signifiant « a specific form of normative political reason organizing the political sphere, governance practices, and citizenship » : Brown, Wendy, (2006). American Nightmare Neoliberalism, Neoconservatism, and De- Democratization, Political Theory, volume 34, n° 6, pp. 690-714, p. 693. 15. Ibid, p. 694. 16. Brown, Wendy, 2015. Undoing the Demos: Neoliberalism’s Stealth Revolution, New York, Zone Books, 296 pages. 17. Organisation mondiale du tourisme (1999). Code mondial d’éthique du tourisme, Rés AG 406 (XIII), Doc off AG OMT, 13e sess. 18. Hawkins, Donald E., et Shaun Mann (2007). The World Bank’s Role in Tourism Development, Annals of Tourism Research vol. 34, nº 2 pp. 348-363, p. 350. 19. Ibid, pp. 353-355. 20. de Kadt, Emanuel (1979). Tourism – Passport to Development?, Oxford, Oxford University Press, 360 pages. 21. Ibid, p. v. 22. Hawkins et Mann, supra note 18, pp. 355-356. 23. Ibid, pp. 356-357. 24. Ibid, pp. 357-358. 25. Ibid, p. 357. 26. Société financière internationale, « About IFC – Overview ». URL : http://www.ifc.org/wps/ wcm/connect/corp_ext_content/ifc_external_corporate_site/about+ifc_new 27. Hawkins et Mann, supra note 18, p. 360. 28. Société financière internationale, « Tourism: Enhancing Economic Growth in Emerging Markets ». URL :http://www.ifc.org/wps/wcm/connect/Industry_EXT_Content/ IFC_External_Corporate_Site/Industries/Tourism,+Retail+and+Property/Sectors/. 29. Alzboun, Nidal et al, (2016). The effect of sustainability practices on financial leakage in the hotel industry in Jordan, Journal of Hospitality and Tourism Management, volume 27, pp. 18-26, p. 18. 30. Scheyvens, Regina (2007). Exploring the Tourism-Poverty Nexus, Current Issues in Tourism, volume 10, n° 2‑3, pp. 231-254, p. 239. 31. Sandbrook, Chris G., (2010). Putting leakage in its place, Journal of International Development, volume 22, n° 1, pp. 124-136, p. 125.

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32. Gmelch, George (2003). Behind the Smile – The Working Lives of Caribbean Tourism, Bloomington, Indiana University Press, 211 pages, p. 11. 33. Cabezas, Amalia L. (2008). Tropical Blues: Tourism and Social Exclusion in the Dominican Republic, Latin American Perspectives, volume 35, n° 3, pp. 21-36, p. 25. 34. Banque mondiale, « Africa Region Tourism Strategy – Transformation through Tourism ». URL : http://siteresources.worldbank.org/INTRANETTRADE/ Resources/239054-1239120299171/5998577-1254498644362/6461208-1300202947570/ AFR_Tourism.pdf. 35. Ibid, à la p. 3. 36. Ibid, à la p. 11. 37. Ibid, à la p. 9. 38. Pattullo, Polly (2005). Last Resorts, Londres, Latin America Bureau, 274 pages, p. 53. 39. Ley 158-01 que establece la Ley de Fomento al Desarrollo Turístico para los polos de escaso desarrollo y nuevos polos en provincias y localidades de gran potencialidad, y crea el Fondo Oficial de Promoción Turística (2001). 40. Scheyvens, supra note 30, p. 239. 41. Brown, supra note 14, p. 694. 42. Mize, Ronald L., et Alicia Swords (2008). Beyond Tourist Gazes and Performances: U.S. Consumption of Land and Labor in Puerto Rican and Mexican Destinations, Latin American Perspectives, volume 35, n° 3, pp. 53-69, p. 56. 43. Juarez, Ana M., (2002). Ecological degradation, global tourism, and inequality: Maya interpretations of the changing environment in Quintana Roo, Mexico, Human Organization, volume 61, n° 2, pp. 113-124, pp. 113-114. 44. Murray, Grant, (2007). Constructing Paradise: The Impacts of Big Tourism in the Mexican Coastal Zone, Coastal Management, volume 35, n° 2/3, pp. 339-355, p. 339. 45. Ibid, p. 346. 46. Juarez, supra note 43, p. 117. 47. Mize et Swords, supra note 42, p. 57. 48. Murray, supra note 44, p. 346. 49. Ibid, à la p. 348. 50. Voir par exemple Juarez, supra note 43, p. 117 et Wilson, Tamar Diana (2008). Economic and Social Impacts of Tourism in Mexico, Latin American Perspectives, volume 35, n° 3, pp. 37-52, p. 47. 51. Wilson, supra note 50, p. 48. 52. Ibid, à la p. 45. 53. Cabezas, supra note 33, p. 29. 54. Ibid. 55. Ibid, à la p. 30. 56. León, Yolanda M. (2007). The impact of tourism on rural livelihoods in the Dominican Republic’s coastal areas, Journal of Development Studies, volume 43, n° 2, pp. 340-359, p. 350. 57. Sandals, « The Sandals Difference ». URL : http://www.sandals.com/difference/. 58. Chok, Stephanie, Jim Macbeth, et Carol Warren (2007). Tourism as a Tool for Poverty Alleviation: A Critical Analysis of ‘Pro-Poor Tourism’ and Implications for Sustainability, Current Issues in Tourism, volume 10, n° 2‑3, pp. 144-165, p. 158. 59. Cabezas, supra note 33, p. 25. 60. León, supra note 56, p. 349. 61. Voir pour un résumé des débats dans le contexte des Mayas : Medina, Laurie Kroshus (2003). Commoditizing culture: Tourism and Maya Identity, Annals of Tourism Research, volume 30, n° 2, pp. 353-368. 62. Voir par exemple Brown, Denise Fay (1999). Mayas and tourists in the Maya World, Human Organization, volume 58, n° 3, 295-304.

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63. Brown, supra note 14, p. 699. 64. Ibid, p. 696. 65. Ibid. 66. Brown, p. 705. 67. Cervantes, Juan (2013). Ideology, Neoliberalism and Sustainable Development, Human Geographies -- Journal of Studies & Research in Human Geography, volume 7, n° 2, pp. 25-34, p. 32. 68. Arhin, Albert A., Emmanuel Kumi, et Thomas Yeboah (2013). Can Post-2015 Sustainable Development Goals Survive Neoliberalism? A Critical Examination of the Sustainable Development–neoliberalism Nexus in Developing Countries, Environment, Development and Sustainability, volume 16, n° 3, pp. 539-554, p. 540. 69. Ibid, à la p. 543. 70. Ibid. 71. Fonds monétaire international, « IMF Report Looks at Growth Trends in the Caribbean and Recommends Fiscal Consolidation, Reforms to Boost Tourism ». URL : http://www.imf.org/ external/np/sec/pr/2010/pr10394.htm. 72. Ibid. 73. Fonds monétaire international, « IMF Executive Board Concludes 2015 Article IV Consultation with the Dominican Republic ». URL : http://www.imf.org/external/np/sec/ pr/2016/pr1684.htm. 74. Précisément: « Sustaining strong economic growth and making it more inclusive will require concerted reform efforts. The authorities’ reforms in education, strengthening social safety nets, and in promoting financial inclusion should help boost growth and improve social outcomes. ». Ibid. 75. Fonds monétaire international, « From Ambition to Execution: Policies in Support of Sustainable Development Goals ». URL : https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2015/ sdn1518.pdf. 76. Ibid, p. 4. 77. Ibid, p. 11. 78. Ibid, pp. 12-13. 79. Ibid, p. 22. 80. Ibid. 81. Neuf au Brésil, deux en Argentine, un au Belize, un en Bolivie, un en Haïti, un au Nicaragua, un au Paraguay, un en République dominicaine, un au Salvador, et un en Uruguay. Banque interaméricaine de développement, « Overview - Sustainable Tourism ». URL : http:// www.iadb.org/en/sector/sustainable-tourism/overview,18353.html. 82. Banque interaméricaine de développement, « Overview – Sector Framework ». URL : http:// www.iadb.org/en/sector/sustainable-tourism/sector-framework,18403.html. 83. Kambites, Carol Jill (2014). “Sustainable Development”: the “Unsustainable” Development of a Concept in Political Discourse, Sustainable Development, volume 22, n° 5, 336-348, p. 346. 84. Cervantes, Juan, supra note 67, p. 26. 85. de Kadt, supra note 20, p. xii. 86. Goodwin, Harold (2008). Pro-poor Tourism: a response, Third World Quarterly, volume 29, n° 5, pp. 869-871, p. 869. 87. Ibid. 88. Ashley, Caroline, Oliver Bennett et Dylis Roe, « Sustainable Tourism and Poverty Elimination Study - A report to the Department for International Development ». URL : http:// www.propoortourism.info/documents/SustT1999.pdf. 89. Ibid, à la p. 6. 90. Ashley, Caroline, Charlotte Boyd, et Harold Goodwin (2000). Pro-poor tourism: putting poverty at the heart of the tourism agenda, Natural Resource Perspectives, n° 51, pp. 1-6, pp. 5-6.

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91. Harrison, David, (2008). Pro-poor Tourism: a critique, Third World Quarterly, volume 29, n° 5, pp. 851-868, p. 858. 92. Scheyvens, supra note 30, p. 244. 93. Goodwin, Harold, (2008). Tourism, local economic development, and poverty reduction, Applied Research in Economic Development, volume 5, n° 3, pp. 55-64, p. 57. 94. Goodwin, Harold (2009). Reflections on 10 years of Pro‐Poor Tourism, Journal of Policy Research in Tourism, Leisure and Events, volume 1, n° 1, pp. 90-94, p. 90. 95. Butcher, Jim (2003). The Moralisation of Tourism – Sun, Sand… and Saving the World?, Londres, Routledge, 165 pages. 96. Une phrase conclusive de son post-scriptum est indicative à cet égard : « Tourism need only be about enjoyment, and requires no other justification. As for the moralising about tourist behaviour, how people choose to enjoy themselves is a matter for them. » Ibid, p. 142. 97. Ibid, p.56. À noter que professeur Butcher critique également directement le tourisme « pro- pauvres » en ces termes : « Rather than constituting an attempt to liberate people from the constraints of their environment, pro-poor tourism organises around these constraints. » Ibid, p. 129. 98. Goodwin, supra note 93, p. 55. 99. Ashley, Bennett et Roe, supra note 88, p. 11. 100. Goodwin, supra note 86. 101. Harrison, supra note 91, à la p. 865. 102. Hall, Michael C. (2007). Pro-Poor Tourism: Do ‘Tourism Exchanges Benefit Primarily the Countries of the South?, Current Issues in Tourism, volume 10, n° 2‑3, pp. 111-118, p. 116. 103. Ashley, Bennett et Roe, supra note 88, p. 12. 104. Ibid, p. 37. 105. Harrison, supra note 91, p. 863 106. Ashley, Boyd et Goodwin, supra note 90, à la p. 5. 107. Ibid, à la p. 3. 108. Goodwin, supra note 93, à la p. 59. 109. Ibid. 110. Goodwin, Harold, « Background paper - The Poverty Angle of Sun, Sea and Sand – Maximising Tourism’s Contribution ». URL : http://www.haroldgoodwin.info/resources/ povertyangle.pdf, p. 2. 111. Goodwin, supra note 86, pp. 869-870. 112. Nygren, Anja (2014). Eco-imperialism and environmental justice, dans Fisher, Dana R., Stewart Lockie et David A. Sonnenfeld (sous la direction de), Routledge International Handbook of Social and Environmental Change, New York, Routledge, pp. 58-69, p. 58. 113. Kai, Ulrich (2015). The perceived impacts of all-inclusive package holidays on host destinations - A Consumer Survey, Londres, Tourism Concern, pp. 1-26, p. 6. 114. Gursoy, Dogan, et Gaunette Sinclair-Maragh (2015). Imperialism and tourism: The case of developing island countries, Annals of Tourism Research, volume 50, pp. 143-158, p. 153. 115. Tourism Concern (2013). The impacts of all-inclusive hotels on working conditions and labour rights in Barbados, Kenya & Tenerife, Tourism concern, pp. 1-24, p. 2. 116. Cañada, Ernest (2015). Prólogo - El turismo en las disputas por el territorio, dans Monterroso Salvatierra, Neptalí et Lilia Zizumbo Villareal (sous la direction de), La configuración capitalista de paisajes turísticos, Toluca, Universidad Autónoma del Estado de México, pp.13-20, p. 18. 117. Organisation internationale du tourisme social, « Déclaration de Montréal - Pour une vision humaniste et sociale du tourisme ». URL : http://www.oits-isto.org/oits/files/resources/14.pdf. 118. Ibid, à l’article 6. 119. Ibid, à l’article 4 de l’Addendum d’Aubagne.

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RÉSUMÉS

La promotion du tourisme est fréquente au sein des discours et programmes des grandes institutions internationales de développement. Toutefois, la croissance de cette activité économique, particulièrement de masse dans le Sud Global, se produit bien souvent de concert avec la croissance des inégalités des communautés hôtes. Il est proposé que le développement de ce secteur s’accomplit selon la logique du néolibéralisme. Le tourisme en formule des hôtels tout inclus dans les Caraïbes sert d’exemple afin d’analyser les justifications et les effets de cette logique dans le secteur touristique. En réponse aux effets contre-intuitifs d’accroissement des inégalités économiques, sociales et environnementales, la philosophie du tourisme « pro- pauvres » se développa à la fin du siècle dernier. Gagnant en ampleur, nous explorons le potentiel de résistance de cette stratégie à l’idéologie néolibérale de développement, et nous la confrontons à ses critiques. Mitigées, nous ajoutons toutefois aux fins de notre propos la non- exclusion par le tourisme « pro-pauvres » du tourisme en formule des hôtels tout inclus. Des liens avec le courant du tourisme social sont proposés en conclusion, afin de mettre de l’avant un parallèle de résistance aux effets inéquitables d’un développement néolibéral du tourisme dans le Sud Global.

The promotion of tourism is frequent within the discourses and programs of international development institutions. However, the growth of this economic activity, in particular mass tourism in the Global South, often comes accompanied by the growth of inequalities within host communities. It is proposed that the development of this sector is accomplished in line with the logic of neoliberalism. All-inclusive tourism in the Caribbean will constitute the example used in order to analyse the justifications and effects of this logic in the tourism sector. In response to the counter-intuitive effects of increasing economic, social and environmental inequalities, the philosophy of “pro-poor” tourism was developed at the end of the past century. Gaining in popularity, its resistance potential to the neoliberal development ideology is explored, and the strategy is confronted to its critics. Mitigated they be, however, the non-exclusion of all-inclusive tourism by “pro-poor” tourism is added. Links with the social tourism approach are presented to conclude, in order to put forward a resistance parallel to the inequitable effects of a neoliberal development of tourism in the Global South.

INDEX

Mots-clés : développement, néolibéralisme, redistribution des richesses, tourisme pro-pauvres, Caraïbes Keywords : development, neoliberalism, wealth redistribution, pro-poor tourism, Caribbean

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AUTEUR

SABRINA TREMBLAY-HUET B.A., LL.M, Doctorante en droit, Université de Sherbrooke sabrina.tremblay- [email protected]

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Note de recherche Research Note

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L’opérationnalisation de la stratégie de Croissance pro-pauvres au Cameroun

Chantal Marie Ngo Tong

1 Les objectifs relatifs à une action contre la pauvreté à l’échelle mondiale sont passés de l’élimination de la pauvreté décidée à Istanbul1, à la réduction de “l’extrême pauvreté” définie au Sommet du Millénaire2. Dans cette dynamique, les Institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale, FMI) ont mis en œuvre l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) visant à annuler ou réduire la dette de certains pays en développement en vue de leur permettre de dégager des ressources nécessaires au financement des politiques de réduction de la pauvreté. Elles ont conditionné l’éligibilité des États candidats à cette Initiative et aux prêts du FMI par l’élaboration des Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP), document de référence en matière de lutte contre la pauvreté dans lequel est « décrit la gamme des initiatives prévues par le gouvernement, les objectifs développementaux qu’il se propose d’atteindre et les modalités de leur suivi, ainsi que les besoins de financement requis »3. Ces DSRP, Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP tel qu’ils ont élaborés par la plupart des pays en Afrique établissent une relation étroite entre croissance économique et réduction de la pauvreté, et font de la croissance économique soit le « principal moyen de réduire la pauvreté »4, soit « la condition sine qua non de réduction de pauvreté»5. C’est dans cette perspective que le concept de croissance pro-pauvres élaboré par les économistes du développement dans les années 1950 fait irruption dans les analyses des politiques économiques des États africains à l’instar du Cameroun.

2 Le gouvernement camerounais dans sa Déclaration de Stratégie de Lutte contre la Pauvreté (DSLP) adoptée en 1998 s’engage « à poursuivre avec efficacité la lutte contre la pauvreté au Cameroun de manière à réduire considérablement et durablement la proportion de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté ». Il se porte de ce fait candidat à l’IPPTE et est déclaré éligible en 2000. Dans ce processus, il adopte en avril 2003, le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) et décline son objectif principal qui est de « réduire sensiblement la pauvreté au moyen d’une croissance économique forte et durable, d’une

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meilleure efficience des dépenses, des politiques de réduction de la pauvreté convenablement ciblées et du renforcement de la gouvernance »6.

3 La mise en œuvre du DSRP entre 2003 et 2007 n’a pas eu de résultats probants malgré une amélioration perceptible de l’assainissement de gestion des fonds publics. Le Cameroun enregistre une baisse du taux de croissance qui va de 4,3% en 2003, 3,6% en 2004, 2,8% en 2005. Il sera en hausse à partir de 2006 (3,5%), pour fléchir à nouveau en 2007 (3,3 %). Mais cette hausse sera sans incidence réelle, car elle sera accompagnée d’une hausse du taux d’inflation qui va de 1,1% à 5,3% et d’une baisse du taux de croissance en 2008. Il va s’ensuivre une stagnation du taux de pauvreté et une aggravation des situations de précarité qui conduisent aux “émeutes de la faim de 2008”. Le DSRP sera révisé et le gouvernement va adopter en 2009, le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) qui a pour objectif d’assurer à terme une bonne redistribution des fruits de la croissance7. Le DSCE vise en fait à corriger les insuffisances du DSRP « en vue d’obtenir une croissance forte et durable, compatible avec les objectifs socio-économiques fixés, c’est-à-dire génératrice d’emplois décents et redistributive en faveur des pauvres »8. Cependant, si la croissance économique qui est fondamentalement une croissance des revenus est nécessaire9 pour réduire la pauvreté, elle demeure insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’une institutionnalisation « de véritables politiques de lutte contre les inégalités »10 d’où les réflexions sur « le triangle pauvreté - croissance – inégalités »11 : faut-il axer les stratégies de croissance sur la pauvreté ou sur les inégalités ? La question pose évidemment le problème des politiques économiques à mettre en œuvre pour élargir le champ des retombées de la croissance de manière à ce que les plus démunis puissent en tirer profit12. C’est autour de ces questionnements que s’enracine le concept de croissance pro-pauvres comme solution palliative aux insuffisances de la croissance résultant des forces du marché. Cette croissance dite inclusive est une stratégie économique qui consiste à « faire émerger la croissance par la base (…) et en faire profiter l’ensemble de la population par un flux de bas en haut dans le but d’accélérer les mécanismes de réduction de la pauvreté »13. Elle vise à atteindre de manière simultanée les objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté.

4 Les études réalisées sur la croissance pro-pauvre au Cameroun couvrent la période de 1996 à 200714. Les résultats de ces différentes études concluent que si l’on considère l’approche monétaire, la croissance au Cameroun est une croissance anti-pauvre de 1996 à 2001, et faiblement pro-pauvres dans la période 2001-2007. Mais si elle est entre 2001-2007 pro-pauvres au niveau national et en milieu urbain, elle reste anti-pauvres en zone rurale. Par contre si l’analyse est effectuée selon l’approche non monétaire, elle a été anti-pauvre dans les deux périodes malgré un taux de croissance compris entre 3 % et 3, 4 %. Le DSCE élaboré pour assurer au Cameroun de réaliser des objectifs simultanés de croissance économique et de réduction de la pauvreté porte sur la période de 2009-2019. Mais 7 ans après sa mise en œuvre et à 3 ans de la fin de son premier cycle, constat est fait que la croissance du PIB qui est passé de 3,3% en 2007, à 4 % en 2011 et 6,2 % en 2015 n’a pas entraîné une réduction équitable de la pauvreté, dont le taux de prévalence stagne aux alentours de 40 %15. On le voit à ces résultats que la croissance au Cameroun a une très faible incidence sur la pauvreté. Les raisons principales en sont la croissance démographique, la croissance des inégalités géographiques et sociales et les insuffisances des politiques de redistribution. Il s’observe ainsi une réelle difficulté au Cameroun à concilier les objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté malgré les politiques et stratégies élaborées pour les atteindre. Faut-il réformer ces stratégies ? Faut-il élaborer et

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mettre en œuvre d’autres stratégies pour que la croissance ait un impact positif significatif sur la pauvreté ? Quelles politiques mettre en œuvre pour rendre la croissance effectivement pro-pauvres ? Le présent article se propose de mener une réflexion sur le sujet dans une analyse stratégique et prospective, en partant de l’hypothèse selon laquelle les difficultés que rencontre le Cameroun à concilier les objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté (I) résultent du fait que les stratégies élaborées sont insuffisamment mises en œuvre et faiblement opérationnalisées (II).

1. Croissance et réduction de la pauvreté au Cameroun : deux objectifs difficiles à concilier…

5 La politique économique du Cameroun est variable depuis 1960 et s’élabore en fonction de la conjoncture économique. De 1960 à 1980, l’État du Cameroun du fait d’une croissance modérée et équilibrée élabore une politique économique interventionniste qui se décline sous fond de plans quinquennaux16. L’interventionnisme de l’État durant cette période est autant direct qu’indirecte17 de telle manière que tous les secteurs de l’économie sont sous le contrôle de l’État.

6 La crise économique survenue au milieu des années 1980 provoquée par la chute des prix des principaux produits d’exportation (pétrole, cacao, café, caoutchouc) et une dégradation considérable des termes de l'échange (1986-1988) va modifier les orientations économiques du gouvernement. L’État, sous la pression des Institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale, FMI), va s’astreindre à élaborer et mettre en œuvre une politique économique libérale. L’Etat va de ce fait se désengager de l’activité économique et plus particulièrement des secteurs de production agricole et les paysans qui jusqu’ici bénéficiaient de l’encadrement de l’Etat se sont retrouvés plongés dans une misère sans précédent.

7 L’éligibilité d’un État à l’IPPTE étant conditionnée par la mise en place d’« une stratégie globale, cohérente, viable et participativede réduction de la pauvreté »18, le Cameroun va orienter sa politique vers des objectifs prioritaires de réduction de la pauvreté. Les stratégies élaborées à cet effet impliquent la croissance et la création des emplois. L’orientation des stratégies de croissance vers la réduction de la pauvreté (A) s’appuie ainsi sur une stratégie de création des emplois dont l’objectif serait d’accroître les revenus des pauvres (B).

1.1 Croissance pro-pauvres : une croissance pour réduire la pauvreté

8 Le concept de croissance pro-pauvre émerge à partir des années 1950 et réorganise le débat récurrent sur la relation Croissance économique et développement. L’idée qui se développe autour de la notion de croissance pro-pauvres, est que la croissance devrait entraîner une réduction de la pauvreté. Mais dans les années 1960, constat est fait que la croissance n’entraîne pas indubitablement la réduction de la pauvreté et même, l’on observe qu’il peut résulter d’une forte croissance, une aggravation des situations de pauvreté. Néanmoins le concept va s’imposer à partir des années 1990 avec les nouvelles orientations que la Banque Mondiale donne à la lutte contre la pauvreté en conditionnant son aide financière par l’élaboration des documents stratégiques de lutte contre la

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pauvreté. À partir de là nombreuses sont les études monographiques réalisées sur la thématique de croissance pro-pauvres19.

9 L’organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) depuis le début des années 2000 a publié de nombreux ouvrages sur la croissance pro-pauvres dont l’ouvrage de référence Vers une croissance pro-pauvres Orientations à l'intention des donneurs, préconise une stratégie de croissance pro-pauvres en Afrique subsaharienne axée sur l’agriculture pour une réduction sensible de la pauvreté. Mais tout comme le concept de pauvreté, la croissance pro-pauvres est un concept multidimensionnel, susceptible de plusieurs définitions. Jean-Marc Chataîgner et Marc Raffinot en 2005, Dorothée Boccanfuso et Caroline Ménard en 200920 vont classer toutes les définitions proposées en deux approches : la définition relative (1) et la définition absolue (2).

1.1.1 L’approche “relative” de la croissance pro-pauvre

10 De manière relative, la croissance pro-pauvre se traduit par une réduction des inégalités des revenus en faveur des pauvres. Dans ce cas de figure, les pauvres bénéficient plus que les autres catégories sociales des fruits de la croissance. L’intervention de l’État est indispensable et requise dans ce cas de figure pour la réduction des inégalités indépendamment des effets de la croissance. Au Cameroun, si la pauvreté économique21 ou monétaire a reculé entre 1996 et 2001, elle est restée stagnante de 2001-2007. Et le renchérissement du coût de la vie à partir de 2008 donne l’impression d’avoir plombé les efforts du gouvernement pour réduire la pauvreté. La revalorisation des salaires des fonctionnaires à 15 % suite aux émeutes de février 2008 s’est accompagnée d’une inflation ascendante, le taux d’inflation passant de 1,1% en 2007 à 5,3% en 2008. Pour renforcer le pouvoir d’achat des ménages, le gouvernement a procédé à la défiscalisation des produits de première nécessité et renforcé le dispositif des contrôles de prix. Ces mesures vont entraîner une baisse progressive du taux d’inflation 3,0% en 2009 à 1,3% en 2010. Mais il s’observe à partir de 2011, un retour de l’inflation du fait d’une augmentation des prix des produits alimentaires notamment les produits vivriers. Le taux d’inflation remonte donc à 2,9% en 2011. Cette inflation consécutive aux problèmes que connaît le secteur agricole 22 « toujours plongé dans une crise profonde causée par l’effondrement séculaire des prix internationaux [des] produits de base »23, réduit de manière considérable le taux de couverture en besoins alimentaires. Une légère hausse de la croissance en 2012 (de 4,0% en 2011 à 4,6% en 2012) va infléchir le taux de croissance qui descend à 2,4%. Par ailleurs la stabilité des prix des hydrocarbures va contribuer à maîtriser l’inflation de manière à ce qu’en 2013 il baisse à 2,1 % pour chuter à 1,9% en 2014. Cependant, la hausse des prix des hydrocarbures et du gaz ménager en 2014 va renchérir le coût de la vie et faire remonter le taux d’inflation à 2,8% en 2015 malgré une autre revalorisation des salaires de 5% en juillet 2014. Cette revalorisation des salaires intervenant pour compenser la hausse des hydrocarbures et du gaz ménager demeure insuffisante, car 70% de la population active ne jouit pas d’un emploi dans le secteur public, mais travaille plutôt dans le secteur informel dominé par l’activité agricole. La hausse des prix du carburant à la pompe a entraîné une flambée des prix du transport, exerçant ainsi une forte pression sur les producteurs qui ont enregistré des pertes de gains considérables. Malgré une faible augmentation des revenus des pauvres du fait des recrutements massifs de jeunes effectués dans la fonction publique depuis 2008, et une relative maîtrise du taux d’inflation, le rapport de l’ECAM 4 réalisée en 2014 conclut que « la croissance au Cameroun entre 2007 et 2014 a été non inclusive, en ce sens qu’elle bénéficie aux ménages les plus aisés et très

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peu aux populations pauvres »24. Les statistiques disponibles sur les années 2015 et 2016 ne permettent pas de déterminer si la situation connaît une nette évolution en matière de croissance des revenus des pauvres.

1.1.2 L’approche “absolue” de la croissance pro-pauvres

11 Dans l’absolu, la croissance pro-pauvre se traduit par une réduction de l’incidence de pauvreté. Cette approche se concentre sur le lien entre croissance et pauvreté et conduit à s’interroger sur les sources de la croissance. La réflexion initiée par le gouvernement camerounais et poursuivi par certains chercheurs sur les sources de la croissance25 avait pour objectif d’identifier des secteurs d’activités à fort taux de pauvreté dont le développement et l’expansion auraient une forte incidence sur la réduction de la pauvreté.

12 En fait, préalablement à l’élaboration du DSRP, l’État camerounais a initié deux études portant respectivement sur la compétitivité de l’économie camerounaise et sur les sources de la croissance26. Il ressort de ces études que l’agriculture constitue et constituera encore la base de l’économie camerounaise étant donné que « la croissance dépend en premier lieu de l’agriculture (…) »27. Fort de ce constat, le Cameroun redéfinit sa politique agricole et entreprend de réformer son système agricole en passant d’une agriculture de consommation à une agriculture de seconde génération, intensive, moderne et mécanisée28. Cette réforme a pour objectif de favoriser une croissance agricole susceptible de sortir les paysans de la pauvreté et par voie de conséquence, de réduire le taux de pauvreté dans les zones rurales.

13 L’État entend ainsi diversifier la production agricole, élaborer un nouveau schéma de production agricole qui ne reposerait plus exclusivement sur les produits de rente (cacao, café, coton), mais intègrerait les nouvelles dynamiques nationales et mondiales que sont la professionnalisation de l’agriculture et la multifonctionnalité de l’agriculture. Cette orientation implique une formation des jeunes aux métiers agricoles et à cet effet, la société agro-industrielle Hévéa Cameroun, a mis sur pied un projet de création d’un centre de formation professionnelle aux métiers de l’Hévéa en 2016. Cependant les jeunes s’intéressent très peu aux métiers agricoles, étant davantage motivés par la stabilité et les garanties qu’offre l’emploi dans le secteur public. Le désintérêt des jeunes peut aussi s’expliquer par l’insuffisance des subventions accordées par l’Etat pour la création des entreprises agricoles et l’absence d’une politique volontariste de sensibilisation et de mobilisation autour des projets agricoles. L’agriculture de seconde génération peine ainsi à prendre ses marques, car malgré les appuis multiformes et les nombreux programmes d’appui aux activités agricoles mis en œuvre par le gouvernement, le Cameroun enregistre toujours un déficit agricole considérable. Bruno Losch suggère à cet égard de mettre en œuvre des politiques favorisant une croissance agricole inclusive29 dont l’enjeu serait une croissance économique qui s’appuie sur la participation des acteurs à la base et axée sur une forte création d’emplois productifs.

1.2 Croissance pro-pauvres : une croissance génératrice d’emplois productifs

14 Si le gouvernement camerounais entend « s’appuyer sur la création des emplois pour assurer une bonne redistribution des fruits de la croissance »30, il ne faut cependant pas conclure que

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la relation croissance économique et création d’emplois est systématique, car il s’enregistre bien des cas où la croissance économique n’entraîne pas toujours une création d’emplois notamment lorsqu’elle est fondée sur la technologie moderne. D’ailleurs, la croissance enregistrée au Cameroun depuis 1995 « s’est avérée être très peu créatrice d’emplois »31. Réalisée dans un contexte de libéralisation du marché du travail, elle est à l’origine de l’accroissement du chômage en milieu urbain et fait du sous-emploi un phénomène endémique32. Les mesures gouvernementales prises depuis 2008 pour résorber le problème du chômage des jeunes avec pour objectif de résoudre simultanément la problématique de l’emploi et donc du revenu des couches sociales les plus défavorisées (1), restent insuffisantes dans la mesure où les emplois pourvus relèvent du secteur public. Or 70% de la population active est employé dans le secteur informel et précisément l’informel agricole. La promotion des PME/PMI (2) comme mesure complémentaire s’inscrit donc davantage dans une logique d’insertion des pauvres dans les processus de production des richesses.

1.2.1 Recrutements et formation professionnelle des jeunes

15 Deuxième cible de l’OMD 1, l’emploi oscille au Cameroun entre la stagnation et l’aggravation, le problème n’étant pas tant celui du chômage que celui de l’emploi informel, du sous-emploi et des emplois précaires33. Si le chômage continuait à augmenter au Cameroun notamment en milieu urbain34, le taux de sous-emploi pourrait mieux représenter la situation de l’emploi au Cameroun que le taux de chômage35. Cette situation se justifie par les mesures de compressions des emplois dans le secteur public36 — incluant l’arrêt des recrutements dans les Collectivités Territoriales Décentralisées37 — et l’incapacité du secteur privé38 à densifier ses activités pour absorber la part des fonctionnaires licenciés.

16 L’incapacité du secteur public et du secteur privé à absorber les contingents croissants des diplômés a profondément changé la nature du chômage depuis le début des années 200039 liant inextricablement la problématique du chômage à celle de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, plus spécifiquement des jeunes diplômés. À partir de là, la résorption du « chômage des jeunes [devenu] un problème économique au Cameroun » requiert à l’analyse des « mesures politiques (…) axées sur le développement des compétences individuelles, [et correspondantes] aux débouchés »40. Les Enquêtes nationales sur l’Emploi et le secteur informel réalisées par l’Institut national de statistiques en 2005 et 2010 soulignent que la situation de l’emploi au Cameroun ne peut mieux s’appréhender que par la prise en considération du sous-emploi.

17 Le sous-emploi s’analyse au Cameroun sous deux formes : le sous-emploi visible qui touche 14,8% de la population active occupée et le sous-emploi invisible qui affecte 63,7% des actifs occupés, particulièrement les femmes41. Globalement donc, le sous-emploi affecte 71,9% de la population active. La catégorie sociale la plus touchée par ce phénomène est les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (Bac + 2 minimum). Pour résorber le problème, le gouvernement a procédé en 2011 au recrutement spécial de 25000 jeunes diplômés dans la fonction publique en 2011 avec pour objectif de réduire le taux de chômage a permis au Cameroun de stabiliser le taux de chômage autour de 4% considérant les critères d’évaluation du Bureau International du Travail (BIT). À partir de 2013, de nombreux concours directs ont été lancés pour le recrutement des jeunes diplômés dans l’administration publique dans des domaines aussi variés que le génie civil,

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les eaux et forêts, l’aéronautique civile, l’éducation physique et sportive, les mines et la géologie, la météorologie, les douanes, le cadastre, la santé publique, la comptabilité matière… Par ailleurs, l’engagement du Cameroun dans la guerre contre la secte islamiste Boko Haram a ouvert la voie au recrutement de milliers de jeunes dans l’armée. Toutes ces mesures se situent dans le prolongement des recrutements des instituteurs et la contractualisation des temporaires dans l’administration publique en 2008. Elles ont certes eu une incidence positive non négligeable sur la situation de l’emploi et du sous- emploi, mais l’État ne peut pas à lui seul absorber tous ces diplômés. Il est important que le secteur privé s’implique activement dans la résorption des problèmes de chômage et de sous-emploi dans la mesure où l’État dans le DSCE en a fait le levier de la croissance. La stratégie du gouvernement s’axe ainsi sur la promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME) / Petites Moyennes Industries (PMI) et l’auto-emploi. Apparaît ainsi l’importance stratégique de la formation professionnelle dans les politiques de lutte contre la pauvreté, comme mesure permettant de mettre en adéquation l’offre et la demande de capital humainpour pallier la pénurie d’emplois productifs et rémunérateurs.

18 La formation professionnelle s’apprécie au double niveau individuel et organisationnel42 et peut avoir deux orientations : soit elle s’oriente vers une insertion professionnelle, soit elle s’oriente vers la création des emplois. Une formation orientée vers une insertion socio-professionnelle tient compte de l’environnement économique et des offres d’emplois disponibles sur le marché du travail. Une formation ne répondant à aucun besoin sur le marché du travail, peut aggraver plutôt que résoudre la question du chômage, car les personnes formées se retrouveront sans emploi malgré leur qualification. L’insuffisance ou la faiblesse de l’offre de travail peut ainsi entraîner malgré la formation professionnelle, une aggravation de la précarité de l’emploi, le sous-emploi, le non-respect des lois et procédures relatives au marché de travail (contrats de travail, SMIG).

19 L’approche de la formation professionnelle par l’insertion professionnelle étant assez limitée, il apparaît plus opportun de l’orienter vers la création et le développement des activités génératrices de revenus, la création des Petites et moyennes industries (PM) et des Petites et moyennes entreprises (PME). Ces petites entreprises en recevant un appui institutionnel et financier (procédures souples, environnement fiscal favorable) peuvent contribuer à accroître l’offre de travail sur le marché, et il sera alors possible de penser “insertion professionnelle”.

1.2.2 La promotion des PME et PMI

20 Les PME/PMI constituent la cible de la stratégie de « dynamisation du secteur privé pour une réduction sensible de la pauvreté » du gouvernement camerounais43 qui en 2009, a commandé une étude pour évaluer leur importance dans la stratégie de croissance de l’économie nationale dans l’optique d’élaborer un plan directeur pour le développement des PME-PMI. L’importance des PME / PMI mis en exergue par cette étude ne concerne pas que l’économie nationale ; elles le sont encore plus pour l’économie locale dans la mesure où elles constituent la principale source de prélèvement des CAC qui sont reversés aux Collectivités. Il s’ensuit que le développement des PME/PMI est un enjeu autant pour le développement de l’économie nationale que de l’économie locale. L’État a ainsi adopté en 2010 la loi n°2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME), loi qui donne la définition officielle de PME / PMI au Cameroun. Cette loi sera modifiée et complétée en 201544 en vue d’établir de nouveaux

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critères de catégorisation des PME. Toutes ces dispositions textuelles sont accompagnées l’ouverture des centres de formalités de création d’entreprises, notamment les centres pilote de Yaoundé et Douala dont l’objectif est de faciliter et d’alléger les procédures de formation d’une entreprise. Mais le véritable handicap des PME/PMI n’est pas tant le dispositif légal et institutionnel, mais plutôt le financement. Aussi dans cette même année 2015, l’État va-t-il instituer la Banque camerounaise des PME pour pallier à cette difficulté, mais le problème est loin d’être résolu. Toutes ces mesures sont la transcription en actes de la politique gouvernementale de promotion de l’investissement privé au Cameroun, en vue de susciter la création des richesses et la création d’emplois qui sont les gages d’une croissance économique durable. Mais ces mesures demeurent inefficientes si elles sont pilotées et mises en œuvre par le haut sans tenir compte de la dynamique des petits entrepreneurs à la base et du potentiel économique des territoires.

21 Les PME/PMI sont des outils importants pour la répartition sectorielle et l’organisation des activités économiques sur un territoire donné. En effet, le développement des PME/ PMI permet d’identifier les activités économiques menées par différents acteurs du secteur informel et évaluer la capacité contributive de ces activités à la fiscalité. Entre autres exemple d’activités : le ravitaillement et l’approvisionnement des villes45, la transformation et la conservation des produits locaux, l’organisation des “petits métiers” 46, etc. La promotion et le développement des PME/PMI permettent en fait aux pauvres de s’insérer dans les mécanismes de production des richesses. La stratégie des autorités pour faciliter cette insertion repose principalement sur des mesures fiscales notamment l’allègement des charges fiscales afin de leur permettre de s’installer et de croître. Il est difficile d’évaluer jusqu’à ce jour la politique gouvernementale de promotion des PME/ PMI, car les mesures prises en ce sens sont récentes et commencent à peine à être mises en œuvre. Néanmoins, il est à déplorer que jusqu’ici, alors même que les PME constituent l’essentiel du tissu économique camerounais et donc la source essentielle du développement de l’économie du pays, le plan directeur de promotion des PME ne soit pas encore adopté.

2. …du fait d’une stratégie de croissance pro-pauvre faiblement opérationnelle

22 Pour mettre en œuvre sa stratégie de croissance et de l’emploi, l’État s’est doté de plusieurs outils de collecte des données statistiques à l’exemple des Enquêtes camerounaises auprès des ménages (ECAM) conduites par l’Institut National de Statistique depuis 1996. Et depuis 1996, quatre enquêtes47 ont été effectuées au Cameroun auprès des ménages (Enquêtes camerounaises auprès des ménages ; ECAM 1, 2, 3 et 4) pour déterminer les causes et les manifestations de la pauvreté. ECAM 4 a été réalisée dans l’optique d’analyse les tendances de la pauvreté sur la période 2007-2014. Ses enquêtes interviennent comme une évaluation globale de l’impact des politiques publiques implémentées durant les périodes les ayant précédées. Les conclusions de ces enquêtes notamment l’ECAM 4 font état d’une croissance non inclusive parce que ne bénéficiant qu’aux ménages riches. La faiblesse de cet impact de la croissance économique est due au fait que les politiques de redistribution ne prennent pas en compte « la faible capacité des « économies de pauvreté » à capter une part de ladite croissance » 48. Cette faible capacité est elle-même due à l’architecture de la croissance qui place les pauvres en aval plutôt qu’en amont des processus de croissance49. Jean-Marc Chataîgner

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et Marc Raffinot soulignent de ce fait en 2005 qu’une réflexion sur la croissance pro- pauvres ne devrait pas être exclusivement axée sur les données monétaires, mais prendre également en compte les processus d’accroissement du pouvoir de représentation politique des populations les plus pauvres et inscrire les politiques de décentralisation dans lesquels les États sont engagés dans les perspectives de la croissance pro-pauvres50. Mais la participation des pauvres à la croissance au Cameroun reste assez faible (A) ce d’autant plus que la décentralisation qui peut leur offrir des facilités d’insertion s’éloigne dans sa mise en œuvre des perspectives de croissance pro-pauvres (B).

2.1 La faible participation des pauvres à la croissance

23 Les résultats des Enquêtes Camerounaises Auprès des Ménages (ECAM I et II) sur les déterminants de la pauvreté telle que perçue par les populations mettent en exergue l’absence de décentralisation comme l’un des facteurs contribuant à la répartition inégale des fruits de la croissance et à la persistance de la pauvreté au Cameroun51. L’ECAM II52 en particulier réalisée pour déterminer le vécu quotidien des populations et appréhender leurs conceptions de la pauvreté a mis en évidence une nouvelle appréhension de la pauvreté : “la pauvreté des potentialités”. La pauvreté dans ce cadre, causé par l’inaccessibilité aux différentes formes de capital, s’analyse comme « le résultat d’une incapacité à saisir les opportunités qui se présentent en raison d’un manque de capacités résultant d’une santé déficiente, d’une éducation insuffisante, de déséquilibres nutritionnels, etc. »53. L’analyse des recommandations faites par les populations pour remédier à la situation de pauvreté dans laquelle elles se trouvent, révèle que celles-ci sont désireuses de “se prendre en charge” moyennant le concours et le soutien de l’État dont elles déplorent par-dessus tout le désengagement quasi total du monde rural54.

24 Il s’agit en pratique d’« investir dans le développement à visage humain des pauvres, en construisant leur capital humain et en leur donnant accès au crédit et à des actifs productifs tels que la terre »55, en vue d’atteindre l’objectif d’insertion des pauvres dans les circuits économiques inscrits dans les CSLP. Cet objectif est relatif au renforcement de la capacité de production des pauvres et à l’accroissement de leurs revenus, l’idée fondamentale soutenant cette stratégie étant que « les pauvres peuvent contribuer à la croissance et en bénéficier à partir de leurs actions. Ceci donne à la croissance une dimension “pro-pauvres” qui se décline en trois étapes : d’abord, créer des opportunités de croissance économique, ensuite renforcer les capacités des pauvres pour leur permettre de s’insérer dans ce processus de croissance, et enfin, réduire leur vulnérabilité face aux facteurs de pauvreté »56. Il s’agit en fait d’accroître la capacité de production des pauvres en leur facilitant l’accès aux actifs productifs (1) et de réduire leur vulnérabilité par des subventions conséquentes et des facilités d’accès aux crédits pouvant leur garantir des revenus capables de rémunérer non seulement le capital physique, mais aussi le capital humain indissociable à l’agriculture (2).

2.1.1 Le difficile accès des pauvres aux actifs productifs susceptibles d’accroître leur capacité de production

25 L’insertion efficace des pauvres dans les processus de croissance implique pour le

F0 F0 gouvernement de « trouver la meilleure stratégie permettant de mettre l’accroissement 5B des 5D revenus au service du développement (…) »57. Cette stratégie inclurait l’accès des pauvres aux actifs productifs que sont entre autres la terre et le travail. Facteurs de croissance, l’accès

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à ces actifs constitue la base de la politique d’insertion des pauvres dans les circuits économiques en vue de la réalisation d’une croissance économique pro-pauvre, dans la mesure où assurer aux plus défavorisés l’accès à ces moyens de production contribue largement à améliorer leur productivité. En fait, il est reconnu que l’impact du développement économique « dépend en grande partie des droits, de l’accès aux ressources de production (tels les biens fonciers et le crédit) et de leur maîtrise ainsi que du degré d’influence »58.

26 La problématique de l’accès à la terre induit celle de la gestion des espaces et du foncier. L’action requise consiste entre autres à délimiter les espaces cultivables pour l’agriculture, et à faciliter l’accès au pâturage pour l’élevage notamment des bovins. La réduction de la superficie des espaces cultivables, notamment dans les villes, conduit les citadins à se lancer à la conquête des espaces cultivables péri-urbains avec pour conséquence l’empiètement progressif de l’urbain sur le rural. Le développement de l’agriculture péri-urbaine requiert une attention particulière de la part des autorités locales dans la mesure où cette activité en plus d’occasionner des désordres urbains, réduit les opportunités économiques des ruraux.

27 L’accès à la terre en tant que ressource de production et appréhendée exclusivement comme bien économique59 constitue de ce fait un sujet épineux au Cameroun dans la mesure où « la notion d’espace, de sa maîtrise, dans son évolution a atteint une situation de blocage, télescopée sur la question devenue insoluble de savoir à qui appartient la terre ? Aux chefs, à la communauté, à l’État, à l’individu ? Qui y a droit et moyennant quoi ? »60.

28 La rareté de la terre résultant de l’urbanisation et de l’immixtion des citadins dans l’espace péri-urbain pour des fins agricoles est à l’origine de multiples conflits fonciers liés aux limites non matérialisés et aux successions. Dans certaines villes de l’Ouest Cameroun à l’exemple de Dschang ou Bafoussam, la quête des parcelles cultivables sur le péri-urbain occasionne des conflits entre citadins et ruraux qui associent les questions agraires locales aux questions identitaires. En effet, l’accès à la terre dans ces villes est conditionné par l’origine du demandeur. Les natifs de la région auront plus de facilités pour acquérir des parcelles de terres cultivables que ceux venus d’ailleurs61.

29 À Limbé, tout comme dans le Moungo ou à Edéa, les agriculteurs sont confrontés à « une pénurie réelle des espaces cultivables »62 due à la présence des sociétés industrielles63 qui ont ôté aux populations leur capital foncier. Dans les villes en expansion comme Kribi, la situation n’est pas meilleure. L’expansion de la ville, le développement du tourisme et la dynamique d’industrialisation en cours complexifient la problématique du contrôle de la destination de l’usage des sols et la situent au cœur de multiples jeux d’intérêts.

30 L’imbrication des questions agraires locales dans les questions foncières64 révèle les difficultés des autorités à gérer un monde rural en transition vers l’urbain65. Les mutations du droit coutumier à la faveur de la dynamique d’urbanisation et des nouvelles réglementations en matière foncière modifient substantiellement les logiques coutumières d’utilisation du sol, car « la ville change les conditions d’utilisation du sol (…), bouleverse les conditions d’usage du sol, et donc des droits qui leur sont liés »66. Il existe néanmoins, malgré l’urbanisation de vastes réserves d’espaces cultivables dans les zones rurales les plus reculées67, mais l’enclavement de ces zones cultivables par rapport aux grandes villes, a un impact économique important étant donné que les régions susceptibles d'être exploitées ne sont pas reliées aux marchés. Comment espérer susciter dans de telles conditions un engouement pour l’agriculture ?

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31 L’accès aux crédits et aux terres par les populations défavorisées que sont les jeunes, les femmes et les paysans a un impact direct sur la productivité des terres. Mais les politiques mises en œuvre et la pression démographique ne facilitent pas à ces catégories sociales les plus touchées par la pauvreté d’y avoir accès. Si accéder à la terre constitue déjà en soi un handicap, qu’en est-il du crédit qui est censé financer les activités requérant au minimum un titre de propriété?

2.1.2. Le faible impact des subventions et appuis à la microfinance

32 La pratique de la subvention des agriculteurs est constante dans les pays tels que les USA, les pays de l’UE, la Chine, le Brésil, le Mexique, etc. Ainsi, après avoir souscrit aux différents accords commerciaux qui stipulaient l’arrêt des subventions à l’agriculture, le Cameroun, pour redynamiser « le secteur agricole (…) plongé dans une crise profonde causée par l’effondrement séculaire des prix internationaux de[s] produits de base »68, n’a pas eu d’autres options que de reprendre avec la pratique des subventions agricoles. A cet effet, le gouvernement s’est fixé pour objectif de base de mobiliser 1500 milliards de F. Cfa pour le financement du Programme national d’investissement agricole (PNIA) le coût global de ce programme pour la période 2014-2020 étant de 3700 milliards de F.Cfa. Les sommes déjà mobilisées par le Cameroun auprès de ses partenaires financiers dans le cadre de Programme pour subventionner son agriculture sont mal orientées parce que ne bénéficient pas effectivement au monde rural qui en a le plus besoin. Il en est ainsi parce que les agriculteurs du monde rural sont très peu sensibilisés sur les différents programmes agricoles qui bénéficient des subventions de l’État. Par voie de conséquence, le Cameroun continue d’importer les produits alimentaires primaires à l’exemple du riz et du maïs. Tout comme les subventions agricoles, le secteur de la microfinance malgré l’importance que l’État lui reconnaît dans sa stratégie de réduction de la pauvreté connaît de sérieuses difficultés qui réduisent son efficacité.

33 Pour faciliter l’accès des pauvres au crédit, le Cameroun a mis en place un Programme National de Micro-finance (PNMF) dont le but est « l’amélioration de l’accès des ruraux aux institutions de micro-finance et le renforcement des capacités des institutions de microfinance »69. Mais les résultats mitigés de ce dispositif divisent l’opinion entre ceux qui estiment que les microfinances accentuent les situations de pauvreté70, ceux qui soutiennent que la microfinance contribue efficacement à lutter contre la pauvreté71. En fait, outre le micro- crédit, des actions complémentaires sont à envisager telle la formation, l’information72 et le transfert des technologies modernes73.

34 En réponse aux difficultés des populations d’accéder aux crédits, l’appui aux micro- projets est une alternative qui permet « (…) d’améliorer leurs capacités à générer des activités économiques afin de “se prendre en charge”, d’appuyer les filières agricoles de production et de faciliter l’insertion des jeunes et des pauvres dans les circuits économiques par des actions ciblées » 74. Cet appui n’est pas que financier, il est aussi technique et structurel. De nombreux projets montés dans les secteurs d’activités primaires (agriculture, pêche, élevage, artisanat) ou les secteurs d’activités touristiques nécessitent une assistance technique, des structures d’encadrement et des finances. Les agents de développement local qui disposent d’une expertise sont sollicités soit par les autorités communales, soit par les partenaires au développement pour identifier les activités dont le développement peut être source de revenus et d’emplois pour les populations et résoudre par la même occasion des problèmes socio-culturels que rencontrent les populations au quotidien.

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35 En 2014, le gouvernement camerounais a mis en place un nouveau mécanisme de financement des activités agropastorales et halieutiques en zone rurale à savoir ; la création d’un fonds de facilitation mis en œuvre par le Projet d'appui au développement de la micro-finance rurale (PADMIR) dont l’action se déploie en synergie avec le programme national de développement des racines et tubercules (PNDRT) et le projet d’appui au développement des filières agricoles (PADFA). Le principe consiste à mettre des lignes de crédits à la disposition des établissements de micro-finance qui devront en respect de leurs procédures d’octroi de crédit, mettre cet argent à la disposition des producteurs dans toutes les chaînes de valeur des crédits de moyen terme. Mais l'inégale répartition géographique des établissements de micro-finance sur le territoire national limite quelque peu l’efficacité de cette stratégie.

36 Tous ces résultats si peu efficients s’expliquent par le fait que la stratégie de croissance mise en œuvre par l’État pour réduire la pauvreté est orientée principalement si ce n’est exclusivement depuis le haut. Ce qu’il faut c’est permettre aux pauvres d’être représentés et d’influer sur les processus d’élaboration et de mises en œuvre des stratégies de croissance et des politiques de redistribution des fruits de la croissance dont ils sont les cibles et bénéficiaires. Il s’avère de ce fait nécessaire de mettre en place une politique de décentralisation qui offre l’opportunité aux instances locales au sein desquelles les pauvres sont mieux représentés et possèdent des cadres d’expression adéquats, de participer et de contribuer aux politiques de promotion d’une croissance pro-pauvres.

3. Les difficultés de l’État à inscrire effectivement la décentralisation dans une perspective de croissance pro-pauvres

37 Le Cameroun est depuis la révision constitutionnelle de 1996, un “État unitaire décentralisé ”75 qui connaît deux niveaux de décentralisation : « (…) les régions et les communes ». Cependant, malgré le texte de loi de 2004 portant règles applicables aux régions et le décret de 2008 qui organise administrativement les régions, les régions ne sont pas encore fonctionnelles, les conseils régionaux n’étant pas encore formés. Par conséquent, la décentralisation en cours au Cameroun repose sur les communes, Collectivités territoriales décentralisées de base qui ont une mission générale de développement local et d'amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants. Elles sont de ce fait coresponsables avec l’État de la réalisation et la poursuite des objectifs de développement équilibré et durable des territoires, de la création d’activités nouvelles et d’emplois, de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, de la fourniture de services adaptés aux évolutions des techniques et des attentes. Dans cette perspective, les Cadres Stratégiques de lutte contre la pauvreté (DSRP, DSCE) élaborés au Cameroun ont fait de la décentralisation, « une modalité utile de prise en charge des besoins et des aspirations des populations »76 par les démembrements de l’État que sont les Collectivités territoriales, permettant aux autorités de « tirer la croissance au niveau local »77. Mais Jean Philippe Platteau, au regard des risques d’accaparement de pouvoir et captation de rentes de la part des élites locales, se demande si le développement décentralisé constitue pratiquement une stratégie de réduction de la pauvreté78. La réponse à cette interrogation établit que la décentralisation ne s’accompagne pas systématiquement d’une réduction de la pauvreté. Pour qu’elle ait un impact positif sur la pauvreté, il convient que l’État implique davantage les Collectivités

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dans l’élaboration et la mise en œuvre de ses stratégies de croissance et de lutte contre la pauvreté et qu’il mette en œuvre tout un dispositif de renforcement de leur pouvoir d’intervention économique. Or à l’observation, non seulement les communes sont très peu impliquées du fait d’une faible autonomie (1), mais elles ont une capacité d’intervention extrêmement limitée (2).

3.1 La faible autonomisation des Collectivités territoriales décentralisées dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de croissance pro-pauvres

38 Si les Collectivités territoriales décentralisées n’ont pas été associées à l’élaboration des Cadres stratégiques de Lutte contre la pauvreté (DSRP, DSCE), le DSCE leur octroie cependant des responsabilités dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté79. Il s’agit notamment de :

39 —réaliser le ciblage des populations pauvres et la mise en œuvre à leur profit des mesures et actions de réduction de la pauvreté décidées au niveau local comme niveau au national.

40 — rendre compte de la mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté dans leurs localités.

41 — Ils sont aussi supposés, à la lumière du DSCE, proposer les mesures d’accompagnement et les actions à leur niveau permettant d’améliorer l’exécution de la stratégie.

42 — Ils représentent les populations et constituent une force de proposition dans le processus de réactualisation, de mise en œuvre et de suivi de la stratégie.

43 À cet effet, le gouvernement va débuter les opérations de transfert de compétences aux communes en 2010 avec le transfert des compétences dites de 1re génération au nombre desquelles l’agriculture, la pêche et l’élevage, activités principales des populations les plus pauvres. Suivra en 2011, le transfert des compétences dites de 2e génération qui va se poursuivre en 2012 et en 2015 avec la signature de deux décrets. Mais si les décrets fixant les modalités d’exercice de ces compétences transférées sont adoptés, l’effectivité de ces transferts dans la pratique pose problème, car le transfert des ressources subséquent est loin d’être opéré. En fait, selon le rapport de l’étude relative à l’impact de la décentralisation sur les populations entre 2010 et 2015 présenté lors de la session Conseil National de la Décentralisation de juin 2016, le taux de transfert des ressources aux collectivités territoriales décentralisées reste insuffisant.

44 Par ailleurs, les financements accordés aux communes dans le cadre de la Dotation Générale de la Décentralisation, sont principalement orientés vers la réalisation des projets sociaux ayant une faible incidence sur le rendement économique alors même que la majorité des compétences transférées relèvent des secteurs de développement économique. Or la mise en œuvre du DSCE requiert des investissements conséquents dans les secteurs économiques. Cette situation s’explique du fait que la décentralisation en tant que processus s’élabore et se construit par le haut. Il n’existe pas de cadres de concertation formels entre l’État et les élus locaux pour définir et déterminer les stratégies opérationnelles à mettre en œuvre en tenant compte des disparités entre régions. L’Etat en fait définit une politique globale, mais comme l’a fait remarquer l’OECD, « si les grandes orientations politiques doivent certes être définies à l’échelon central, de nombreuses politiques qui influent sur le climat de l’investissement (coûts d’activité, infrastructure, etc.) et politiques sociales (santé, éducation, protection et cohésion sociales, etc.)

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seraient vraisemblablement plus pertinentes et plus favorables aux pauvres si leur élaboration était décentralisée »80. Mais jusqu’ici les communes peinent à élaborer des stratégies de développement pertinentes. Les cadres dans lesquelles elles se déploient (Plans Communaux de Développement) sont définis et construits par l’État. Elles se plaignent de ne pas voir suffisamment de marges de manœuvre pour agir, mais l’État s’en défend et déplore plutôt l’indélicatesse des élus locaux dans la gestion des financements qui leur sont alloués. Le fait demeure cependant que pendant longtemps l’État a conçu les communes non comme des pouvoirs politiques locaux, mais principalement comme des administrations destinées à servir les intérêts nationaux à l’échelle locale. Il s’ensuit que celles-ci sont tenues de l’application stricte des décisions de l’État à l’échelle locale. Or pour que le transfert de compétence opère comme une stratégie « porteuse d’opportunités pour améliorer les résultats de la lutte contre la pauvreté »81, l’État a « l’obligation de mettre à la disposition des élus et des acteurs de développement des profils adéquats et le savoir-faire nécessaire pour gérer rationnellement et efficacement, dans le respect des normes, leurs responsabilités et leurs attributions »82.

3.2 Les capacités limitées d’intervention économique des institutions décentralisées

45 La prépondérance de l’Etat dans le secteur économique et le déficit en ressources humaines qualifiées et compétentes en matière de développement économique limitent les capacités d’intervention économique des communes. En fait, les opérations de développement économique à l’exemple de la planification requièrent des compétences techniques et technologiques dont ne dispose pas la majorité des communes. La politique gouvernementale de planification, trop générale et globalisante intègre difficilement si ce n’est les situations spécifiques et les disparités entre les communes.

46 Les communes ont de la peine à s’insérer dans le schéma de la planification de l’économie camerounaise, car elles interviennent en aval d’un processus dont elles maîtrisent difficilement les enjeux et les ressorts. Or une politique de décentralisation « conçue comme un véritable processus de développement local »83 implique une capacité des Collectivités territoriales décentralisées à concevoir des stratégies de développement économique susceptibles d’améliorer le cadre de vie et des conditions de vie de ses résidents. Ces stratégies sont diverses et multiples et fondent le pouvoir d’intervention économique des Collectivités. Les relations entre les communes et l’économie ont toujours été définies au Cameroun dans le cadre de l’interventionnisme de l’État qui en a fait de simples unités territoriales où se déploient les stratégies nationales de développement économique. Mais le désengagement de l’État du secteur économique et la réforme décentralisatrice dans les années 1990 ont redéfini le rôle économique des Collectivités. À partir des lois de la décentralisation de 2004, l’État en décidant de transférer aux communes des compétences en matière de développement économique lui reconnaît implicitement un rôle et un pouvoir d’intervention économique. L’exercice de ce pouvoir peut prendre deux orientations : directe par l’octroi d’une aide aux entreprises installées sur le territoire ou indirecte par l’élaboration des stratégies visant à attirer des entreprises nouvelles sur le territoire. L’intervention directe est au regard des difficultés financières des communes assez peu pragmatiques par contre avec la réforme de la fiscalité locale intervenue en 2009, les communes ont l’opportunité d’élaborer des stratégies fiscales permettant soit de favoriser l’essor des activités à fort potentiel de

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développement économique pour le territoire, soit d’accroître les opportunités des opérateurs économiques d’obtenir plus rapidement un retour sur investissement.

47 Le rapport de la Coopération Technique Allemande au Cameroun (GTZ) à la suite d’un séminaire organisé en 2010 sur le Rôle des Collectivités territoriales décentralisées (CTD) établit que ces dernières ne prennent pas encore la mesure de leurs responsabilités dans le domaine économique et continuent de limiter leurs actions aux services sociaux. Se limitant à indexer le gouvernement sur les lenteurs enregistrées dans le transfert des ressources, elles négligent l’aspect stratégique de la question qui nécessite une vision de développement et des aptitudes managériales qu’elles ont la responsabilité d’acquérir et de développer.

48 Les communes sont pour la plupart d’entre elles très peu proactives. Or les limites institutionnelles et structurelles qu’elles déplorent peuvent être surmontées par une dynamique interne à l’exemple de celle créée par la Communauté urbaine de Douala pour mobiliser, dans tous les secteurs, les opérateurs qui peuvent faciliter le développement des industries et de l’économie locale84.

4. Conclusion

49 La reprise de la croissance85 en 1995 et la stabilisation du taux de croissance à 3,5 % en 2010 n’ont pas fait observer un net recul de la pauvreté au Cameroun, car entre 2001 et 2007 par exemple, l’incidence de la pauvreté est pratiquement la même (40,2% en 2001 contre 39,9% en 2007). Les résultats obtenus à la suite de la mise en œuvre du DSRP entre 2003 et 2007 révèlent un taux moyen de croissance réelle [du PIB] de 3,32 %, moyenne qui se situe en dessous de celle de 4,32 % observée entre 2000 et 2002 alors même que le Cameroun ne mettait en œuvre aucun programme formel visant essentiellement la lutte contre la pauvreté. Cet écart fonde la présente réflexion sur la pertinence des stratégies élaborées pour susciter une croissance réductrice de la pauvreté. En effet, le présent article avait comme objectif d’examiner les difficultés du Cameroun à concilier les objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté au regard des résultats des études et enquêtes faites entre 1996 et 2014 qui concluent à une croissance non inclusive. Ces difficultés relèvent de deux constats : une implication insuffisante des producteurs dans l’élaboration des mesures de politique agricole et des politiques de décentralisation qui s’intègrent très peu aux stratégies de croissance réductrices de la pauvreté.

50 La persistance du phénomène de la pauvreté depuis l’engagement du Cameroun à mettre en œuvre un programme formel de lutte contre la pauvreté, oblige à identifier les problèmes dans l’optique de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies capables de les résorber. Il ressort à l’analyse que les stratégies élaborées ne constituent pas en soi un problème. Le problème réside dans leur mise en œuvre. Si elles sont si peu opérationnelles, c’est d’une part que les principaux bénéficiaires que sont les pauvres participent très peu à leur élaboration et à leur mise en œuvre e d’autre part, que les acteurs locaux disposent de marges de manœuvre assez limitée pour initier des stratégies de développement économique adaptées aux réalités économiques du territoire. Par conséquent, si le Cameroun veut parvenir à atteindre des objectifs de croissance pro- pauvres, il conviendrait d’œuvrer à une insertion efficace et efficiente des pauvres en amont des processus de croissance et de renforcer l’autonomie administrative et financière des Collectivités territoriales décentralisées pour de meilleures performances dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de croissance pro-pauvres.

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NOTES

1. Il s’est tenu à Istanbul, du 3 au 14 juin 1996, la Conférence des Nations Unies sur les Établissements Humains (Habitat II). À l’issue de ce sommet, une déclaration a été adoptée par les États présents qui, reprenant les conclusions du Sommet sur le développement social de Copenhague (1995) et d’autres Conférences des Nations Unies, ont reconnu que « le développement des établissements humains exige l’élimination de la pauvreté ». 2. Le sommet du Millénaire s’est tenu au siège des NU à New York du 6 au 8 septembre 2000. C’est à l’issue de ce sommet qu’ont été adoptés les Objectifs du Millénaire pour le développement au nombre desquels la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim. 3. Isaac, Tamba, (2009). Panorama de la politique économique, dans Fabien Eboussi Boulaga (sous la direction de), L’état du Cameroun 2008, Yaoundé, Terroirs, pp. 157-181 spéc. p. 165. 4. Gustave, Niébé, (2003). Nouveaux rapports entre acteurs, nouveaux modèles de croissance. Réflexion sur des pistes novatrices de stratégies et politiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités, dans Afrique contemporaine vol. 4 n° 208, pp. 13-29, spéc. p. 23. 5. Samuel C. Nana-Sinkam, (1999). Le Cameroun dans la globalisation. Conditions et prémisses pour un développement durable et équitable, CLE, Yaoundé, p. 73. 6. DSRP, Cameroun, avril 2003, Préface, Premier Ministre Peter Mafany Musonge. La stratégie de réduction de la pauvreté se trouve ainsi globalement définie ainsi que ses axes stratégiques de mise en œuvre que sont : — la croissance économique, — l’assainissement dans la gestion des dépenses publiques, — des politiques publiques adéquates et adaptées, — la gouvernance. 7. Objectif qui traduit le fait que la croissance économique n’a pas toujours l’effet escompté, elle n’induit pas de manière automatique la réduction de la pauvreté, encore faut-il que des mesures soient prises par les pouvoirs publics pour que les fruits de la croissance soient équitablement redistribués au sein de la société. 8. MINEPAT/PNUD, (2009). Rapport national sur le développement humain 2008/2009. Cameroun: le défi de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, p. 11. 9. La croissance économique entraîne dans son principe une augmentation perceptible des revenus des « pauvres » et par voie de conséquence une amélioration de leur qualité de vie. Qualité de vie qui implique l’accessibilité et la qualité des services publics, comme les centres de santé et les écoles, entraînant ainsi, une baisse des coûts des investissements en capital humain pour les familles. Des revenus plus élevés se traduisent généralement par une augmentation de la scolarisation et une amélioration de la qualité des services de santé. 10. Gustave Niébé, op. cit., p. 22. Pour plus de détails Cf. Marc Lévy (2002).Comment réduire pauvreté et inégalités ? Pour une méthodologie des politiques publiques, Paris, IRD-Karthala, 11. François Bourguignon (2004). Le triangle pauvreté - croissance – inégalités, dans Afrique contemporaine Vol. 3 n°211, pp. 29-56. Khalid Soudi (2007). Le triangle croissance économique, inégalité, pauvreté : Synthèse des controverses, dans Les Cahiers du Plan n° 13, pp. 18-30. 12. Cf. Gustave Niébé, op. cit. 13. Dorothée, Boccanfuso et Caroline, Ménard, (2009). La croissance pro-pauvre : un aperçu exhaustif de la “boîte à outils”, dans Cahier de recherche / Working Paper 09-06, GREDI, URL : http:// gredi.recherche.usherbrooke.ca/wpapers/GREDI-0906.pdf 14. Luc Nembot, Ndeffo, Arnault Christian Emini et Paul Ningaye (2009). Analyse spatiale de la croissance pro-pauvres au Cameroun : une double approche monétaire et non monétaire, Étude proposée par la Banque Mondiale et la coopération allemande GTZ au Cameroun dans le cadre du projet

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24. INS (2015), Quatrième Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM 4). Tendances, profil et déterminants de la pauvreté au Cameroun entre 2007-2014, Yaoundé, INS, p. 22. 25. Le gouvernement a lancé une étude sur les sources de croissance pour la pauvreté au Cameroun en 2002 avec pour objet d’identifier les sources de croissance hors pétrole pour l’économie camerounaise. Pour les études scientifiques sur le sujet cf. Aloysius, Ajab Amin, (2009). Les sources de la croissance économique au Cameroun, dans Aloysius, Ajab Amin et Jean-Luc Dubois (sous la direction de), Croissance et développement au Cameroun : d’une croissance équilibrée à un développement équitable, Bamenda, Langaa RPCIG, pp. 31-58. 26. Les deux études ont été effectuées en 2002, celle sur la compétitivité de l’économie a été commanditée par le Comité de compétitivité et financée par la coopération allemande GTZ. Tandis que celle sur les sources de la croissance a été lancée par le gouvernement avec l’appui du PNUD et de la Banque Mondiale avec pour objet d’identifier les sources de croissance hors pétrole pour l’économie camerounaise. 27. Dans une étude réalisée en 1989, la Banque Mondiale notait que « la croissance dépend en premier lieu de l’agriculture (…) ». Cf. Banque Mondiale (1989). L’Afrique subsaharienne : de la crise à une croissance durable. Étude de prospective à long terme, Washington, Banque Mondiale, p. 46. 28. Jean Koufan Menkéné et Mireille Ebéné Nyamnding (2013), De l’urgence agricole: plaidoyer pour “l’agriculture de seconde génération”, dans Alphonse Zozime Tamekemta et Jean Koufan Menkéné (sous la direction), L’urgence d’une révolution agricole au Cameroun, Paris, L’Harmattan, pp.139-165, 29. Bruno Losch (2008), La recherche d’une croissance agricole inclusive au cœur de la transition économique africaine, dans Jean-Clause Devèze (sous la direction) Défis agricoles africains, Paris, Karhala, pp. 47-72. 30. Propos de Philémon Yang, Premier Ministre, préface du DSCE, p. 8. 31. DSCE, op. cit., p. 46. Entre 1984 et 1991, le niveau de l’emploi a baissé de 10 % et le taux de chômage a atteint 17 % en 1995 frappant avec plus d’acuité les femmes et les jeunes. 32. Ibidem., p. 46. 33. Le rapport du Ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle établit que le taux de chômage est de l’ordre de 4,4%. Mais le plus grand mal est l’emploi précaire, car 70% de ceux qui ont une activité rémunérée ont un salaire en deçà du SMIG qui en 2006 est de 23 500 frs cfa (soit 40 euros). Le sous-emploi lui est de l’ordre de 12,7% de la population active tandis que le secteur informel emploie 90% des actifs. Lire ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, État des lieux du système d’information du marché du travail au Cameroun, Rapport final, Octobre 2008. 34. En 2001, la moyenne nationale du taux de chômage est de 7,9 %. Le milieu urbain enregistre le taux de chômage le plus élevé soit 18,9 %. Cf. MINEPAT/PNUD, op. cit., p. 23. 35. Le taux de sous-emploi est passé de 19,9 % en 2001 à 73,3 % en 2005 pour atteindre le seuil de 69 % en 2007 contre 8,2 % de taux de chômage. Cf. MINEPAT/PNUD, op. cit., p. 23. Il apparaît donc clairement qu’au Cameroun, la problématique de l’emploi se rapporte à la résorption du sous- emploi. 36. Le secteur public de l’emploi au Cameroun a été profondément affecté par « les opérations de déflation et de baisse drastique des salaires menées au début des années quatre-vingt-dix » (Martin Paul Zé, L’emploi dans l’administration publique camerounaise : entre précarité et pérennité » dans Revue EDJA n° 75, octobre-novembre-décembre 2007, pp. 5-22, spéc. p. 9). Ces opérations ont donné voie à la précarisation de l’emploi public remettant en cause, et ce, de manière fondamentale la stabilité du système camerounais de la fonction publique. Les certitudes jusque- là établies en matière d’emploi ayant été fondamentalement bouleversées, la question de l’emploi public se pose désormais en termes de sécurité, de garantie et de stabilité. Dans ce contexte, la situation des emplois communaux initialement imprécise sur le plan juridique s’est considérablement aggravée du fait de l’émergence des agents temporaires.

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37. Les communes à effectif pléthorique avaient reçu du MINATD l’ordre non seulement de réduire leurs effectifs, mais également de ne plus procéder aux recrutements. Du fait de l’arrêt des subventions de l’État, elles ne parvenaient plus à payer le personnel en place; certaines se sont ainsi retrouvées à accumuler des arriérés de salaires de 6 mois, 9 mois, voire même parfois un an. Cependant, malgré cette situation de crise et l’injonction du MINATD d’arrêter les recrutements, plusieurs maires ont adopté la formule des emplois temporaires, sans respecter les dispositions de la loi sur le statut de temporaire. C’est ainsi que l’on peut retrouver aujourd’hui dans les communes des personnes qui sont « temporaires » depuis 5, 8 ans, sans que jamais leur situation n’ait été revisitée. Pareille situation s’observe également dans certains ministères et entreprises parapubliques. Cette formule d’emploi temporaire est à l’origine d’une forte précarisation de l’emploi dans l’administration publique. 38. Les mesures prises par l’Etat pour réduire son personnel auraient dû en principe s’accompagner de mesures complémentaires visant à restructurer et à renforcer la capacité d’employeur du secteur privé afin qu’il puisse absorber une bonne partie des fonctionnaires licenciés par l’État. Mais c’est tout le contraire qui se produisit : les entreprises privées frappées par la crise, asphyxiées par la pression fiscale, incapables de « maintenir un niveau d’activités satisfaisant pour conserver les emplois » ont elles aussi été contraintes de compresser leur personnel, quand elles n’ont pas tout simplement déclaré faillite, augmentant ainsi le chômage et accentuant la pauvreté monétaire. Cf. MINEPAT/PNUD, op. cit., résumé exécutif. 39. Cf. Jean-Joël Aerts, Denis Cogneau, Javier Herrera, Guy de Monchy et François Roubaud (sous la direction),(2000). L'économie camerounaise : un espoir évanoui, Paris, Karthala, pp. 94-97. Dans la décennie 1990, le taux de chômage était une fonction décroissante du capital scolaire. La catégorie des personnes en chômage se recrutait parmi les sous-scolarisés. Mais la tendance s’inverse à partir de la décennie 2000. Sont désormais les plus touchés par le chômage, la catégorie des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. 40. Samuel C. Nana-Sinkam, op. cit., p. 84, 110-111. Il convient de rappeler que la 2 e cible de l’OMD n° 1 est d’assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif. 41. Institut National de Statistique (2011), Jeûnes et marché du travail au Cameroun en 2010, Rapport de la 2e Enquête nationale sur l’emploi et le secteur informel. 42. AFD (2008). Rapport sur l’aide au développement 2005-2006 : les défis d’un environnement stable, pp. 15-16. Sur le plan individuel, « elle permet aux jeunes et aux adultes d’améliorer leurs compétences professionnelles, d’accroître leurs chances d’insertion professionnelle et de pouvoir prétendre à un revenu décent » (p. 15). Sur le plan organisationnel, « elle permet aux entreprises, grâce à l’amélioration des compétences professionnelles des employés, d’augmenter la qualité de leurs produits et services, d’améliorer leur potentiel d’innovation et de compétitivité, et de passer d’une logique de survie à une logique de croissance » (p. 16). 43. DSRP, op. cit., p. 63 44. Loi n° 2015/010 du 16 juillet 2015 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi No 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des Petites et Moyennes Entreprises au Cameroun. 45. Michel, Olinga Olinga et Jean Calvin, Nyemb, après avoir étudié les difficultés d’approvisionnement de la ville de Limbé en produits vivriers, ont proposé entre autres solutions, la rationalisation des circuits d’approvisionnement par la création des PME et Coopératives d’achat et de vente de produits vivriers nationaux. Cf. Michel Olinga Olinga et Jean Calvin Nyemb, (2006). L’approvisionnement de la ville de Limbé en produits vivriers, dans Martin Elouga Valentin Nga Ndongo et Luc Mebenga Tamba (sous la direction) Dynamiques urbaines en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, p. 233-258, spéc. p. 237. 46. Petit commerce, couture, coiffure, mécanique, soudure, peinture, maçonnerie, charpente, pêche, etc.

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47. La première enquête ECAM 1 a eu lieu en 1996, ECAM 2 s’est déroulée en 2002, ECAM 3 a été effectuée en 2007 et ECAM 4 en 2014. 48. Ahmed, Ould Amar, (2003). Amélioration des méthodes ou réforme politique ? Quel cadre d’analyse pour opérationnaliser la démarche de conception des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités ?, Afrique Contemporaine vol.4, n° 208, pp. 47-55. 49. À ce sujet, Ould fait la proposition suivante: « Au lieu de privilégier une action en faveur de ce que certaines politiques qualifient de "sphère économique des pauvres" située en aval de la croissance, il serait plus réaliste d’agir en amont de la croissance: en concentrant l’investissement public, dans une logique non pas redistributrice, mais plutôt distributrice, par la recherche de la croissance dans les secteurs qui n’en sont pas classiquement moteurs (secteurs périphériques à effets potentiels directs sur l’environnement économique, social et politique de la pauvreté). Cela ne veut pas dire que les secteurs classiques de croissance seraient à délaisser, mais il s’agirait plutôt, tout en y intégrant une dimension d’homogénéisation, de tenter de réformer une logique qui a été pendant longtemps expérimentée sans qu’elle ne puisse faire preuve d’efficacité ». Ahmed Ould Amar, op.cit. 50. Jean-Marc Chataîgner et Marc Ruffinot, op.cit. 51. DSRP, op. cit., p. 25. 52. Enquête sur la pauvreté des conditions de vie. 53. DSCE, Cadre de référence de l’action gouvernementale pour la période 2010-2020, Doc/INS, août 2009, p. 38. 54. DSCE, op. cit., p. 42. 55. Samuel C. Nana-Sinkam, (1999). Op. cit., p. 51. 56. Jean-Luc Dubois (2005). Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté peuvent-ils intégrer la question de la durabilité du développement ?, dans Cahier du GEMDEV n° 30-Quel développement durable pour les pays en développement, pp. 13-22, spéc. p. 16. 57. Samuel C. Nana Sinkam, op. Cit., p. 73. 58. Banque Mondiale, (2003). Genre et développement économique, vers l’égalité des sexes dans les droits, les ressources et la participation, Paris, Nouveaux Horizons, Saint-Martin, p. 44. 59. La terre en tant que ressource de production a de tout temps été l’objet de multiples conflits entre peuples, car hormis les activités qui peuvent y être menées, il s’agit aussi d’un facteur d’identification culturel et d’un capital politique en ceci qu’elle constitue aussi une source de pouvoir. 60. Elvis Tangwa Sa’a, (2010). Décentralisation et gouvernance locale au Cameroun. Réflexion sur la commune de Mbouda, des personnes de référence lancent le débat, Knowledge for all, Mbouda, p. 116. 61. Pour plus de détails sur le sujet, cf. Joséphine Lemouogué, (2008). Conquête citadine des parcelles agricoles périurbaines et dégradation des rapports urbains / ruraux dans le péri-urbain de Dschang (Cameroun), Communication proposée pour le colloque ASRDLF, référence thématique de l’atelier : Les rapports urbains / ruraux : conflits d’usage et cohabitation d’activité. 62. Michel Olinga Olinga, Jean Calvin Nyemb, op. cit., p. 238. Il est à noter que la CDC, société agro-industrielle installée à Limbé et à Dschang, n’exploite que 40 % des terres mises à sa disposition. 63. À Limbé, la ville compte deux grandes exploitations industrielles : la Société Nationale de Raffinage de pétrole (SONARA) et la Cameroon Development Coorporation (CDC). Edéa est une ville industrielle avec la société ALLUCAM, le Barrage Hydro-électrique, la ferme suisse PALMOR’S, etc. 64. Le titre de l’éditorial du Cahiers Agricultures vol. 16, n° 5, septembre – octobre 2007, « Le jeu croisé des dynamiques foncières et agraires » est assez illustratif sur le sujet. 65. Jean-Pierre Cheveau, (2007). Sociétés agraires, urbanisation et question foncière. Une exception africaine ?, dans Cahiers Agricultures vol. 16, n° 5, septembre-octobre, pp. 374-378.

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66. Jean-Luc Piermay (1993). Citadins et quête du sol dans les villes d’Afrique Centrale, Paris, L’Harmattan, p. 9. 67. C f. Mateusz Filipski, Christian Seignobos et Jean-Philippe Colin (2007). Émergence et évolution des droits de propriété dans un contexte d’abondance foncière. Le cas du pays Yambassa (Cameroun), dans Cahiers Agricultures vol. 16, op. cit., pp. 387-393. 68. Samuel C. Nana-Sikam, (1999). op. cit., 158. 69. DSRP, op. cit., p. 43. 70. Les acteurs de développement au Cameroun à l’instar de l’association Appui au Développement et aux Marginalisés (ADEM), jugent que les microfinances sont loin de réduire la pauvreté aggrave plutôt les situations de précarité des pauvres. 71. Gérard Tchouassi et Honoré Tekam Oumbe (2003), Microfinance et réduction de la pauvreté, le cas du crédit du Sahel au Cameroun, dans Revue internationale de l'économie sociale : Recma, n° 288, pp. 80-88. Gisèle M.Yitamben (2004), La microfinance en Afrique : en lutte contre la pauvreté, dans Finance & Bien Commun 3/ n° 20, pp. 74-78. 72. La question de l’information est cruciale dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de formation. Il existe de multiples programmes nationaux pour assister les populations dans divers domaines de production tels l’agriculture, l’élevage, la pêche et la pisciculture. Mais très souvent, ces populations ne sont pas sensibilisées et ne bénéficient pas de ces programmes. Il appartient aux communes de créer des espaces d’information et de consultation pour garantir aux populations (hommes, femmes et jeunes) la possibilité de consulter des techniciens des programmes officiels. Parfois, au-delà du fait que seule une frange de la population est informée de ces programmes, il apparaît dans la pratique que l’accès à ces informations est extrêmement limité pour les femmes en zone rurale et dans les régions où la marginalisation des femmes est accentuée. La création et la mise en fonction des télécentres communautaires polyvalents constituent une stratégie palliative. 73. Les technologies modernes de production deviennent impératives pour relever le niveau de compétitivité des produits agricoles de l’Afrique subsaharienne tant sur le marché international que national. Ces technologies concernent prioritairement la transformation et la conservation du surplus agricole. Effectivement transférées et acquises aux pays pauvres, un double effet : la création des emplois et la restauration de l’équilibre économique, l’autonomie économique des paysans. L’économie actuelle des pays en voie de développement et sous-développés à l’instar du Cameroun souffre énormément d’une trop forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Par conséquent, toute stratégie de lutte contre la pauvreté qui n’intègre pas dans ses finalités, l’atteinte de cette autonomie économique des États et de leurs collectivités aura un impact très limité. 74. DSRP, résumé exécutif, op. cit., p. x 75. Loi constitutionnelle n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972, article 1er, al. 2. 76. Jean-Christophe Deberre (2007), Décentralisation et développement local, dans Afrique contemporaine 1, n° 221, pp. 45-54. 77. DSCE, op. cit., p. 48. 78. Jean Philippe Platteau (2004), Le développement décentralisé, une stratégie de réduction de la pauvreté ?, dans Afrique Contemporaine vol. 3 n° 211, pp. 159-214. 79. Ibidem, p. 48 et 131. 80. OECD, (2008). Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD Vers une croissance pro –pauvres. Orientations à l'intention des donneurs. Auflage, OECD, p. 49. 81. DSCE, op. cit., p. 48. 82. Amadou Diop (2008). Les enjeux de la décentralisation au Sénégal : un bilan d’étape contrasté, dans Amadou Diop (sous la direction), Développement local, gouvernance territoriale : Enjeux et perspectives, Karthala, Paris, pp. 197-227, spéc. p. 209.

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83. DSCE, op. cit., p. 48. 84. Jean-Roger Essombè Edimo (2005), Le développement territorialisé à Douala : fondements et repérage des modalités institutionnelles d'une dynamique nouvelle, dans Mondes en développement 2/n° 130) , pp. 111-130. 85. La croissance économique au Cameroun connaît trois phases : — de 1965 à 1985, la croissance du Cameroun s'accélère en termes réels : le PIB par tête double quasiment. Au cours de cette envolée, on distingue trois sous-périodes : 1. 1965-1977, la croissance atteint un rythme moyen annuel d'environ 4 %, permettant une lente amélioration du PIB par tête ; 2. 1977-1981, la croissance s'accélère (+ 13 % en moyenne) à la suite de la découverte du pétrole et de sa mise en exploitation ; 3.1982-1985, la croissance se maintient à un rythme soutenu (autour de 8 %).Tout au long de la phase de décollage (1977-1985), le PIB réel par tête augmente rapidement, plaçant le Cameroun dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire selon la classification de la Banque mondiale. — En 1986, le Cameroun, devant la chute des prix des matières premières, entre dans une longue phase de récession économique qui va de 1986 à 1994. Durant cette période, le Cameroun sera astreint au P.A.S. — 1995 marque le début de la reprise de croissance et suscite un espoir de sortie de crise. Cf. Jean-Joël Aerts, Denis Cogneau, Javier Herrera, Guy de Monchy et François Roubaud (sous la direction),op.cit.

RÉSUMÉS

Les études réalisées sur la croissance pro-pauvre au Cameroun sur la période 1996 -2007 ont révélé que si l’on considère l’approche monétaire, la croissance au Cameroun est une croissance anti-pauvre de 1996 à 2001, et faiblement pro-pauvres dans la période 2001-2007. Par contre si l’analyse est effectuée selon l’approche non monétaire, elle a été anti-pauvre dans les deux périodes. Le rapport de la quatrième Enquête Camerounaise auprès des Ménages réalisée en 2014 conclut que la croissance au Cameroun a été non inclusive et donc anti-pauvres entre 2007 et 2014. Pourquoi la croissance au Cameroun ne parvient-elle pas à avoir une incidence positive significative sur la pauvreté ? Le présent article se propose dans une analyse prospective et stratégique de démontrer que les difficultés du Cameroun à concilier croissance et réduction de la pauvreté est le fait de stratégies d’une croissance pro-pauvres faiblement opérationnelles.

Studies on pro-poor growth in Cameroon over the period 1996 -2007 revealed that considering the monetary approach, growth in Cameroon is an anti-poor growth from 1996 to 2001, and slightly pro-poor in the period 2001-2007. By cons, if the analysis is performed according to non- monetary approach, it was anti-poor in both periods. The report of the fourth Cameroonian Household Survey conducted in 2014 concluded that growth in Cameroon was not inclusive and therefore anti-poor between 2007 and 2014. Why the growth in Cameroon do not succeed to have significant positive impacts on poverty? This article proposes in a prospective and strategic analysis to demonstrate that the difficulties of Cameroon to reconcile growth and poverty reduction is the result of strategies of a low operational pro-poor growth.

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INDEX

Keywords : pro-poor growth, poverty, strategy, operational, decentralization Mots-clés : croissance pro-pauvres, pauvreté, stratégie, opérationnelle, décentralisation

AUTEUR

CHANTAL MARIE NGO TONG Dr. Ph.D en Science politique, chargée de Cours à la FSJP/Université de Ngaoundéré, Cameroun [email protected]

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Entrevue débats Debates interview

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Sur les inégalités, la pauvreté, les économies « à marché émergent » et le développement : dix questions à James Kenneth Galbraith

Chalmers LaRose

« The main challenge facing our societies is to find employment for those who want it, and to create institutions that provide employment in sectors and activities that are actually socially constructive. »

1 James K. Galbraith est titulaire de la Chaire Lloyd M. Bentsen Jr. in Government/Business Relations et professeur à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs de l’Université du Texas à Austin. Il est diplômé de Harvard et Yale (Ph. D. en économie, 1981). James Galbraith tient également une chronique dans The Texas Observer et écrit régulièrement dans The Nation, The American Prospect, Mother Jones et The Progressive . On retrouvera également ses chroniques sur le site du CEIM à l’adresse suivante :

2 http://www.ieim.uqam.ca/spip.php?page=mot-ceim&id_mot=318

3 Son plus récent ouvrage Inequality: What everyone needs to know (Oxford University Press, 2016) aborde les problèmes liés à l’accroissement des inégalités dans le monde et dresse un portrait lucide et saisissant des questions urgentes de notre temps.

4 De passage à Montréal le 3 avril 2016, Professeur Galbraith nous a livré ses réflexions sur les enjeux relatifs au développement économique et social des pays émergents. Il a abordé des sujets brûlants, tels que l’accroissement/diminution des inégalités, la spirale de la pauvreté et la place des politiques publiques et du marché dans l’établissement du bien- être collectif.

5 1. In your recent book about inequality entitled « Inequality: what everyone needs to know », you address a whole set of issues, theoretical, conceptual and empirical.

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What should we (students, researchers, policymakers, decision makers, and citizens) need to know now about inequality in the 21st century?

6 J. G. That is a question about which I have written an entire book. My best suggestion is that those interested should read it.

7 2. In recent years, as a result of both sustained economic growth as well as aggressive redistributive policies, poverty has been declining in the world. Yet, at the same time, inequality has been rising in many parts of the world. How can you explain this paradox?

8 J. G.First of all, I am not entirely sure that is an accurate characterization. Let’s take the two pieces of it. If we look at the world as a whole up until the year 2000, significant decline in deep poverty occurred primarily in one country, which is China. And so this is a very particular phenomenon that is specific to the Chinese experience. After 2000, there were further gains, substantial ones, especially in Latin America and parts of Africa. And the main reasons for that are, first of all, favorable economic conditions, in particular high commodity export prices, but also a reorientation of policy in those regions away from the highly anti-egalitarian Washington consensus that dominated the previous generation. So given that, in Brazil for example, one had a consolidated policy for fifteen years of social housing, health care, education, and so on. It is not surprising, and it’s very heartening, that deep poverty in Brazil was reduced very substantially between 2000 and 2015. As that phenomenon happened there and elsewhere in Latin America, inequality also declined.

9 What had happened in China is another story. Inequality certainly rose in China through much of the period of rapid growth. And that was primarily because the cities are much richer than the countryside. So as the cities developed, initially Shanghai, Beijing and the cities of Guandong province, especially Guangzhou, you had a growing gap between the rich and the poor. This was compounded, in the period of economic reforms, by increasing incomes in certain sectors, including finance, utilities and transportation, which enjoyed monopoly power as the economy became more market-oriented.

10 My evidence is that after about 2002, the inter-regional gap tended to stabilize and even decline, mainly because urbanization spread out well beyond the leading cities and provinces, and became dominant in other provinces, such as Zhejiang, Jiangsu, Fujian and elsewhere. And then after 2008, finance and some of the other monopoly sectors also lost some of their lustre. So in our most recent data, we see some leveling and even decline in inequality in China, which others are also finding as survey data come in.

11 3. Ideas about how to fight inequality vary from one expert to another. And, in some instances, some argue that there might a « tolerance threshold » in which inequality would be acceptable. What is your opinion on this controversy?

12 J. G. Well, to a certain degree, inequality is inevitable. No society escapes it entirely. The question remains, to what degree one regulates it and keeps it under reasonable control. I think the experience of the world I have investigated suggests that societies that do a better job of keeping inequality under control have many advantages, including advantages on the social side, and advantages in terms of productivity and higher levels of employment. So it’s a good idea to have effective regulatory and tax mechanisms to control inequality. And in order to do that, there are basically two sides of distribution that you have to worry about. At the lower end, higher minimum wage and social insurance are the most important measures; at the higher end, it's the control of those sectors that are the most effectively predatory, particularly finance. If you can keep the

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financial sector under some degree of control, then you have a chance of stablising the society, precisely because you are controlling the most destabilising force.

13 4. Can the objectives of eliminating poverty be achievable without reducing the level of inequality in a given society?

14 J. G. Not on a sustainable basis. We do occasionally observe that you get a business boom that is associated with rising levels of inequality and also lots of jobs. The period of the late 1990s in the United States had that character. But it fell apart in the 2000s, because everything that is built on credit is essentially and inevitably transitory.

15 5. For some, during the last centuries, economic growth has been unprecedented and, since the Industrial Revolution of the 19th century, the world has become more egalitarian. Hence, capitalism might not be the problem but the solution? How do you respond to that line of reasoning?

16 J. G. Well, I would argue that the classical capitalism collapsed during the 1920s, and what was built up in the 20th century in every advanced society was a mixed economy in which there was a very large and stable public sector, and that is essential to counterbalance the destabilising dynamic and inegalitarian tendencies of the capitalist private sector. That model of a mixed economy was severely weakened during and after the 1980s, and with predictable results. The world became more unequal and unstable.

17 If you look forward into the present century, we have a new set of problems that developed out of the success of the 20th century capitalism, especially climate change, which we have to deal with by an entirely different set of mechanisms, if it’s going to be dealt with at all. So we can’t go back to these earlier models as examples of what we need to do now, because we are facing problems we have not faced before. But we should, nevertheless, learn from the experience we actually had, and not from some imaginary construct called « free market capitalism » that never actually existed.

18 6. You partly answered this question earlier, but I would like you to elaborate further on this issue. In your opinion, what is the best way to fight inequality in today’s modern industrialised societies? Some suggest that state intervention should tax the richest segments of societies, whereas others propose to help the poor. Still, others are of the view that the solution relies on the growth of revenues of middle-class families in relation to the productivity growth rate.

19 J. G. All three of these things are different sides of the same policy. Every advanced society taxes the wealthy more than it taxes the poor. And should. The definition of a civilised society is one in which your payment into the common wealth is in proportion, at least, to your capacity to pay. So every advanced and civilized society has standards which hold up the base for the population as a whole, which includes wage standards, public education, social insurance, health insurance, unemployment insurance, nutrition assistance, insurance of bank deposits, etc.

20 So there is a set of institutions that serve everybody. And that is the feature of advanced societies without which they would not have the success or the population they are presently able to sustain.

21 When you put those two things together, the result is a middle class. The features of a middle class that are crucial are a sense of the population that you have a reasonable degree of economic security, and a reasonable prospect for maintaining your living standards over a substantial period into the future.

22 The characteristic of a working-class population is that it lives hand to mouth. They get a weekly or a bi-weekly wage, and their employment depends upon the whim of the employer and the state of the market.

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23 Middle class societies are societies where people have homes, have professional careers or expect their children to have them, can invest in education. That is what a middle-class society is. So when you have dealt with the instabilities that affect the working class population, what happens is that those working-class population become middle-class. And that is the definition of a social success.

24 7. Let’s talk about the so-called emerging market economies. These countries are identified as countries that are growing economically. For those that are part of this group, what should be in the direction of public policy? Should policies be directed toward reducing inequality, or should the emphasis be on eliminating poverty. Or should both strategies go hand in hand?

25 J. G. Again, my view is that this is a false dichotomy. A systematically effective policy to eliminate deep poverty in a sustainable way will also control gross inequalities. That may not be true in a very short run because you can have a situation where you have very rapid growth, and inequality rises while poverty declines, which was characteristic of China.

26 But in order for that to be sustainable you have to bring inequality under control. And this is something obviously the Chinese have recognized. They have to deal now with a political situation in which they have created a great many extremely wealthy people who enjoy vast political influence. They realize that it is an enormous problem that creates corruption, distortion of policy, and political and social instability as well.

27 8. In your opinion, is Latin America still (with Africa) one of the most unequal regions in the world? What explains this situation?

28 J. G.First of all, so far as my measures reflect reality, Latin America is very unequal but it is not more unequal than parts of sub-Saharan Africa, nor parts of South Asia. So there is a data question involved here.

29 Why is Latin America highly unequal? Land tenure is a part of it, the history of slavery another part of it, and in more recent times, the partial success and then reversal of the success of import- substituting industrialisation which was the creation of the middle-class in Latin America during the 1940s and 1960s under the structuralist development policies. As that policy was essentially reversed in the 1980s with de-industrialisation in places like Mexico and Brazil, inequality rose further.

30 On the other hand, Latin America is a region where there has been significant progress toward reducing inequality in the last fifteen years. That’s been true under progressive governments in Brazil, Argentina, Chile, certainly in Venezuela, Ecuador and Bolivia. So as the continent acquired a progressive political flavour, it has made significant progress toward reducing both poverty and inequality. That progress is very much endangered by the resurgence of the right in Latin America at the present time.

31 9. In a recent Morgan Stanley Research report, "Can Demographics Reverse Three Multi-Decade Trends?" Charles Goodhart argues that, by looking at the last 30-odd years, it’s the “demographic sweet spot" of labor oversupply that has kept wages low and allowed competitive pricing to drive down inflation. As population growth slowing and populations ageing in Western countries, the same is true in China, exacerbated by China’s infamous one child policy. As a result, we are entering a phase where the global labour supply is shrinking due to both Western and Chinese demographics. The implication is that the trends that we have experienced over the past 30 years could start going into reverse: higher wages, more expensive goods, higher inflation, a savings shortfall, higher interest rates and stagnant asset prices. Is demographics the real engine of inequality?

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32 J. G.I would be extremely skeptical of that analysis. In the Chinese case, to begin with, we are not talking about the overall gross increase of the population but the flow of labour from the villages to the cities. That is the demographic force that is at issue here. It could have been happening with a rapidly growing, a slowly growing or even a declining population. That’s industrialisation/ urbanization process rather than a demographic acceleration or deceleration per se.

33 As China becomes a predominantly urban society, which is close to happening – that transition is now pretty far advanced – does that mean there will be a shortage of workers in the manufacturing sector? No, that’s preposterous. The manufacturing sector simply isn’t that large, and in every Chinese City the proportion of people outside manufacturing as compared to those inside is enormous. Most people are in service activities as they are everywhere in the world, shops and various sectors of non-manufacturing activities. So the notion that factories are going to run out of workers simply because there are not enough of teenage girls to staff the cubicles of Foxconn (the subcontractor for Apple) is a big stretch of a simple idea to me.

34 10. And migration can easily substitute to internal shortage of labour…

35 J.G. It may well be true, and it is true, that as industries develop in China they become like any complex industry. They begin to have to negotiate with the workers, and so wages will rise. But that is not for demographic reasons. It is because, as the industrial sector consolidates, working people become somewhat more empowered to negotiate a better deal for themselves. And that’s a good thing. Again demography has little to do with it. It happens because you are developing an industrial base that is sufficiently rooted in the territory that it can’t easily move on to the next labour colony. So there is an intrinsic amount of improvement in the negotiating position of the workers. That process is happening in China; it is not making workers wealthy but it has produced increased wages in some cases.

36 You can go on and on here. Is there going to be a worldwide shortage of working people, equally in the United States? Well, the United States has been facing this problem for many years and to the extent that it has required more workers it is relying on immigrants for that. And that will continue. Another factor that runs counter to the demographic trend is the technology factor. New technologies have been radically cutting back on the demand for labour generally.

37 I would maintain that the main challenge facing our societies is to find employment for those who want it, and to create institutions that provide employment in sectors and activities that are actually socially constructive. There are still massive gaps in education, in the caring professions (child care, elder care) and in dealing with our environmental questions. And if we dealt with those by carrying out the great project of institutional construction that is required to make that happen, then we will have met the challenge.

38 On that positive note, I thank you very much for your time and generosity in sharing your thoughts with Interventions Économiques. It was a very important moment talking to you. I wish you all the best in the future.

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Comptes rendus Reports

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À propos de l’ouvrage de Virgile Perret, Monnaie et citoyenneté. Les citoyens à l’épreuve de la globalisation financière, Berne, Peter Lang, 2015, 380 p.

Vincent Gayon et Virgile Perret

1. Finance globale et démocratie. Un regard de sociologie politique de l'économie internationale, par Vincent Gayon

1 Comment ne pas souscrire au programme de recherche ambitieux que Virgile Perret s’est donné dans cet ouvrage tiré de sa thèse de doctorat en science politique. L’auteur entend en effet relier par un même fil analytique différents domaines trop souvent disjoints et que diverses mobilisations citoyennes, bien avant la crise financière de 2008 et depuis, ont tenté de mettre au centre des discussions politiques : globalisation, monnaie, financiarisation, souveraineté, citoyenneté politique et sociale. Pour peu que l’on s’y penche sérieusement, la tâche est au plan analytique difficile. Elle se heurte à un éclatement conceptuel et à un compartimentage disciplinaire : à la science politique l’analyse de la démocratie, de la citoyenneté et des droits sociaux, à la science économique celle de la monnaie et de la finance, et aux relations internationales (RI) celle de la globalisation et de la souveraineté. Comment dépasser cette division du travail académique ?

2 Il faut d’abord à l’auteur un travail de discussion, patient et précis, des principaux travaux de chacune des disciplines sur ces thèmes d’élection. Sur ce plan, l’ouvrage s’apparente à une synthèse informée et accessible de travaux anglophones et francophones, rédigée dans un souci d’explication aux non-spécialistes, en particulier des

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mécanismes monétaires et financiers et de leur histoire. Mais cette synthèse, qui rapproche l’ouvrage d’un manuel – ce qui ne serait pas un tort –, loin de juxtaposer les approches ou, pire encore, d’opposer de manière schématique les sciences économiques aux autres sciences sociales, les articule à un questionnement d’ensemble et à une thèse : la monnaie, et sa transfiguration financière actuelle, ne saurait être réduite à un simple « voile » sur l’économie ou à un « lubrifiant » des échanges économiques comme le postule l’économie classique et néoclassique, ni même à une composante des sociétés capitalistes qu’il faudrait « neutraliser » politiquement comme le souhaitent les monétaristes. Elle est au contraire au fondement politique des sociétés en tant que médium de construction de la citoyenneté (notamment démocratique). L’auteur fait alors le pont (au chapitre 2 en particulier) entre l’économie institutionnaliste, (post- ) keynésienne et régulationniste de la monnaie1 et les approches de science politique (voire de sociologie ou d’histoire) des faits économiques, en prenant dans chacune de ces approches ce qui permet de faire avancer le questionnement sur les liens de la monnaie à la citoyenneté. Bref on trouve dans ce livre une interdisciplinarité maîtrisée et féconde, dénuée d’œcuménisme béat autant que d’impérialisme disciplinaire, qui fait tout l’intérêt et l’originalité plus générale de l’Économie politique internationale (EPI), en particulier britannique, suisse et canadienne.

3 Dans cette veine, sont ainsi questionnées une série d’oppositions figées et réifiées – principalement États vs marchés, public vs privé, économique vs social, ordre interne vs ordre externe – au profit d’une approche en termes de « champ de la finance globale » (p. 33) intégrant dans un même mouvement des acteurs publics (gouvernements, Trésor, Banques centrales, FMI, OCDE, Commission européenne) et privés (banques, fonds de pension, fonds mutuels, sociétés d’assurance, firmes multinationales, agences de notation), intervenant à différentes échelles, pour rendre compte des transformations de cet univers, de ses frontières mouvantes et des rapports de force qui le traversent et le structurent. Susan Strange est mobilisée en soutien de l’analyse plus que Pierre Bourdieu (curieusement absent ici), même si l’on croit mieux déceler en actes les vertus exploratoires du concept de champ de ce dernier2. Celles-ci permettent à l’auteur, au moins en visée, d’abattre certains angles morts disciplinaires comme, entre autres, le stato-centrisme et le postulat d’indifférenciation fonctionnelle des États en RI (néo- réalistes), la faible articulation national-international dans l’économie hétérodoxe, le marketo-centrisme de l’économie néoclassique (mais aussi, faudrait-il ajouter, d’une grande part de la « nouvelle sociologie économique »), l’absence de réelle sociologie de l’État et de l’action publique dans la théorie de la régulation ou dans la théorie keynésienne, la faible attention aux conséquences sociopolitiques « internes » de l’évolution du système monétaire international (SMI) en EPI en particulier sur la figure du citoyen et sur la protection sociale, etc.

4 Monnaie et citoyenneté vivraient donc liées : une politique monétaire nationale ou une configuration du SMI données auraient des conséquences sur les formes de la citoyenneté et réciproquement. L’auteur cherche à pister les voies d’articulation ou les médiations entre les diverses fonctions retenues de la monnaie (politique, symbolique, socioéconomique, psychoaffective), entre les « niveaux » d’action (national ou international) et enfin entre les dimensions de la citoyenneté (statutaire et identitaire, politique et sociale) et de la démocratie (formelle et substantive). En la matière, il serait illusoire ou dogmatique de chercher une causalité univoque entre monnaie et citoyenneté. On est bien plus en présence de logiques de transformations croisées : les

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échelles nationales et internationales s’entremêlent et les facteurs déclencheurs des transformations ne sont pas tous de même nature ni n’obéissent à une parfaite intentionnalité. Après avoir campé ce cadre théorique résolument ouvert, les bornes historiques choisies, de la reconstruction du SMI avec les accords de Bretton Woods en 1944 jusqu’aux états les plus récents du système financier actuel post-crise des subprimes, permettent à l’auteur de saisir les réagencements et de styliser la transformation générale : de l’ « État keynésien » défendant une souveraineté monétaire à vocation sociale et planificatrice de l’économie, à celle d’un « État concurrentiel » axé sur la quête de compétitivité internationale autour d’une régulation financière et monétaire de marché.

5 Dans la première configuration, l’État social national assure une fonction de « protection monétaire » bâtie sur la manipulation du taux d’intérêt directeur (en jouant sur l’offre de monnaie par la banque centrale et les banques, ainsi – mais V. Perret l’évoque peu – qu’un endettement public administré) et le contrôle des mouvements de capitaux (spécialement ceux à court terme). Dans la seconde, et du fait de la financiarisation de la monnaie (désintermédiation bancaire, titrisation, financiarisation de l’endettement public), de nouveaux intermédiaires financiers interviennent, en particulier les investisseurs institutionnels dont principalement les fonds de pension et les fonds mutuels, et pèsent par leur (chantage à la) mobilité internationale sur le périmètre et le mode d’action de l’État social. Les guillemets seraient ici de rigueur pour désigner ces « investisseurs » (les « zinzins » dans le jargon) tant il s’agit là d’une auto-labellisation indigène légitimante, visant à instituer « l’investisseur » en « sujet politique dominant » (p. 289) – l’expression est de Stephen Gill – et laissant accroire à un engagement toujours fécond dans l’appareil productif, ce label jouant donc son rôle dans la délégitimation de l’investisseur institutionnel keynésien type qu’est l’État. La première configuration – nous pourrions dire le premier état du champ – est marquée par des systèmes financiers nationaux cloisonnés, mais administrés politiquement dans leur relation extérieure, notamment à travers des organisations intergouvernementales pour des ajustements négociés de leur balance des paiements et des taux de change. La seconde se caractérise par un système financier libéralisé ouvert et global où, en premier lieu, la valeur de la monnaie est désormais dérivée de la série actualisée de ses valeurs futures anticipées sur les marchés financiers ; ce que les spécialistes peuvent désigner comme une nouvelle forme de monnaie autoréférentielle, « intangible »3 , où la monnaie s’est financiarisée sur des marchés internationaux. En second lieu, les ajustements monétaires internationaux s’opèrent directement sur les marchés financiers qui jugent de la solvabilité des Etats sur la base de la notation d’agences privées oligopolistiques, au détriment d’une évaluation globale ou systémique reposant sur des critères de plein emploi et de croissance réalisée au sein d’institutions multilatérales.

6 En conférant ainsi « un pouvoir de sanction à des acteurs financiers (privés) sur les gouvernements » (p. 138), ce processus a « pour effet de soumettre le processus d’ajustement international à une rationalité non plus d’abord politique, mais à une logique financière » (p. 207) de maximisation des profits, et interroge, réciproquement, « la capacité et/ou volonté de l’État à assurer la protection sociale des citoyens face aux forces du marché. » (p. 78) Cette grande transformation des capitalismes occidentaux d’après-guerre, identifiée dans ses grandes lignes par de nombreux observateurs (référence est ici faite à Bob Jessop ou à Philip Cerny), ne saurait du reste se réduire à une soumission des Etats aux seules stratégies des acteurs financiers. Elle signe aussi bien, et

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progressivement, la « transformation de la rationalité politique des gouvernements » (p. 33) indexée à la quête de la compétitivité internationale qui conduit à une situation où même « en l’absence de flux de capitaux effectifs, la capacité du capital à se déplacer internationalement tend à être anticipée par les gouvernements qui […] adaptent leurs politiques [monétaires, fiscales et sociales] aux attentes des investisseurs. » (p. 139) Illustration typique de pouvoir structurel façon Susan Strange.

7 Depuis les travaux pionniers de cette dernière ou ceux d’un Eric Helleiner (copieusement mobilisés dans l’ouvrage), l’histoire de la réémergence de la finance globale est désormais mieux connue. L’auteur livre ici une synthèse de qualité sur les transformations du système de Bretton Woods (chapitres 3 et 4) plus qu’il n’innove véritablement en défrichant de nouveaux terrains. Il rappelle ainsi contre les tenants d’une vision complotiste, policière, intellectualiste ou téléologique de ce « tournant » que la transformation d’ensemble, peu contestable, n’a été, dans son ampleur et son rythme, voulue ou maîtrisée par personne et que certains acteurs, notamment étatiques, ont joué à un certain moment un rôle déclencheur ou déstabilisateur pour des fins particulières, spécifiques, pragmatiques, défensives, circonscrites, nationales et parfois paradoxalement ou stratégiquement « keynésiennes » ou « sociales », sans avoir le dessein de mettre à bas l’ensemble du système de Bretton Woods. Il en est ainsi, entre autres, du gouvernement travailliste britannique dans les années 1960 soutenant le marché des eurodollars pour défendre la place de Londres face à Wall Street et construire, dans le même temps, le Welfare State beveridgien. Il en va tout autant, d’un autre point de vue, des pays de l’OPEP dans les années 1970 qui cherchent à replacer leurs dollars après la hausse spectaculaire et unilatérale du prix du pétrole en 1973 et ne peuvent le faire qu’en favorisant les marchés monétaires et financiers états-uniens seuls capables de les absorber. Mais aussi bien des pays jusqu’ici réticents à financiariser leur endettement sur les marchés internationaux, à l’instar de la France. Ces lignes d’action spécifiques concourent pourtant, pour des raisons différentes et sans coordination explicite, à la réémergence des marchés financiers internationaux.

8 On souscrit donc pleinement à cette lecture incrémentale et contingente de cette transformation, où chaque situation configure un espace de choix dans lequel certains acteurs, loin d’être tous « convertis » au néolibéralisme, contribuent bon an mal an et pour des raisons et des intérêts variés à cette grande transformation. Ni Reagan, ni Thatcher, ni Volcker, ni encore Nixon plus tôt n’ont donc été les seuls instigateurs de cette dynamique, ni même, de manière univoque, le Trésor américain, la City, Wall Street ou la Bundesbank. Encore moins les seuls Friedman, Hayek et autres Société du Mont Pèlerin. Sur ces différents points, une discussion des travaux portant sur l’hégémonie américaine (ceux d’un Leo Panitch par exemple) et son vacillement réel ou supposé dans cette décennie charnière où se délite et se recompose le système de Bretton Woods aurait été la bienvenue. Par ailleurs, si les controverses au sein des sciences économiques concernant la monnaie et le système monétaire international sont restituées (aucune référence n’est néanmoins faite à Hyman Minsky), les transformations du champ des sciences économiques et ses liens avec les gouvernements, les organisations multilatérales et les acteurs financiers transnationaux manquent4. Dans la même direction, des travaux désormais plus conséquents portant par exemple sur les G5, G6, G7, G20 (remarquablement absents de l’ouvrage), sur le FMI ou sur l’OCDE auraient permis de désagréger ces entités internationales (et nationales) et de mieux cerner les logiques sociales variées à l’œuvre en leur sein et entre elles5.

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9 S’il n’y a donc rien d’uniforme, de linéaire ou de parfaitement intentionnel dans cette transformation générale, des acteurs occupant néanmoins des positions plus stratégiques que d’autres, défendent localement et très tôt, spécialement dans les Trésors, des lignes d’action qui grignotent, à petits pas ou non, des marges d’action à l’État social keynésien. Et certains d’entre eux internalisent la « contrainte extérieure », c’est-à-dire bien souvent l’instrumentalisent ou prennent appui sur elle (qui est d’abord une résultante de l’absence de coopération internationale), pour peser dans les arbitrages politiques et les rapports de forces bureaucratiques nationaux. À cet égard, la discussion de la « thèse des contraintes extérieures » (p. 221-222) manque ce point sociologique qui permet d’échapper à tout mécanicisme et fatalisme économiques6. Ces différents éléments de critique renvoient à une question plus générale concernant le manque de travaux sociologiques en soutien de l’analyse et sur lequel nous reviendrons plus loin.

10 C’est lorsqu’il articule les transformations de la sphère financière globale aux enjeux de justice sociale résultants d’une définition substantive, et non plus simplement formelle, de la démocratie que Virgile Perret amène son lecteur dans des contrées moins fréquentées et des plus stimulantes. Le point est a priori paradoxal puisque « le néo- libéralisme est particulièrement réfractaire à toute définition substantive de la démocratie attribuant des objectifs sociaux à l’intervention économique de l’État » (p. 91), mais on aurait pourtant tort de considérer que le « néolibéralisme » séparerait « l’économique » et le « social » alors que seul le keynésianisme les relierait. La configuration « néolibérale » réorganise en fait les termes de leur relation en organisant la domination du premier sur le second, les totalise à sa façon (individuelle et compétitive) et in fine les transforme. Par exemple, les sentinelles des opérateurs financiers que sont les agences de notation (chapitre 5), auxquelles il faudrait aussi ajouter désormais certaines institutions financières multilatérales (Banque mondiale et OCDE notamment), ne se focalisent pas seulement sur « l’économique », c.-à-d. sur la solvabilité financière immédiate des États en surveillant leur niveau d’endettement et de déficit. Elles intègrent aussi dans leur évaluation du risque et de la rentabilité financière les engagements « sociaux » des États (la « dette sociale »), par exemple le niveau des salaires dans la fonction publique ou surtout les régimes de retraites et de santé par répartition qui sont des composantes intrinsèques de la citoyenneté sociale. Ces institutions financières développent donc aussi, à leur façon, une évaluation systémique, « bouclée », des politiques économiques et sociales, mais en poursuivant des objectifs bien différents de la période keynésienne (lutte contre l’inflation, contre la création monétaire et contre les déficits publics, au soutien de la rentabilité du capital) et pour une clientèle spécifique éloignée de la scène de la démocratie représentative et sociale.

11 Ceci s’observe nettement sur le dossier des retraites (chapitre 6). Le « capitalisme de fonds de pension » – l’expression est empruntée à Catherine Sauviat – déplace et remodèle à leur profit les fonctions de protection sociale étatique (ou para-étatique). Mais pour pouvoir se réaliser, l’utopie d’une protection sociale dérégulée s’appuie, comme de coutume, sur un interventionnisme soutenu visant à « responsabiliser » et à « éduquer » financièrement les citoyens, remodelant ainsi les politiques sociales et recodant le citoyen de l’État social keynésien jusque-là « titulaire » ou « bénéficiaire » de droits sociaux. Ce dernier est désormais perçu comme « passif » et « dépendant » – ce qui s’observe aussi, l’auteur n’en dit mot, en matière de politiques de l’emploi avec la topique pré-keynésienne et réactualisée du « chômeur volontaire » à « activer » –, par rapport au citoyen discipliné financièrement « prudent » et « prévoyant » face à un avenir

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économique incertain. Ce « citoyen néolibéral » improbable se réduit alors à la figure d’un consommateur d’assurance averti ou d’un investisseur actif et calculateur heureux d’assumer des risques. La nouvelle « nécessité » de délivrer une bonne dose d’éducation financière aux populations est célébrée, spécialement à l’OCDE, par une « coalition d’acteurs hétérogènes » (p. 298) qui se lance dans la lutte contre « l’illitératie financière » (financial illeteracy) au nom de la « démocratisation de la finance ».

12 Ce nouveau thème « social » porteur pour l’OCDE déplace le débat et cadenasse dans le même temps, en le renvoyant sur une toile de fond intangible, le choix macroéconomique de la capitalisation des retraites. Cette entreprise éducative pourrait ainsi se résumer à une « technologie politique et sociale destinée à accompagner le passage des systèmes de retraite par répartition aux systèmes par capitalisation » (p. 300) et « à légitimer le transfert de risques aux salariés/citoyens » (p. 302). Le moindre des paradoxes n’est pas que cette éducation financière néglige systématiquement de considérer les relations de pouvoir au sein des fonds de pension qui profitent de manière structurelle aux seuls intermédiaires financiers. S’appuyant ici sur le travail de Sabine Montagne, l’auteur rappelle que la forme juridique héritée du trust (à laquelle sont le plus souvent rattachés les fonds) permet de confiner les salariés-épargnants à un rôle d’investisseurs passifs et quasiment mis sous tutelle. Quand par ailleurs des dispositifs législatifs (comme la loi fédérale états-unienne ERISA de 1974) redéfinissent l’intérêt du bénéficiaire de manière exclusivement financière (la maximisation du rendement du portefeuille) sans plus de considération pour d’autres objectifs, désormais taxés de « partisans », tels que le maintien dans l’emploi, le développement syndical, la lutte contre les OPA, etc. Soit autant de composantes qui participaient de la relative stabilité économique et sociale de la configuration keynésienne antérieure et que sape structurellement ce processus localisé et privatisé de financiarisation de la protection sociale.

13 Pour rendre compte de toutes ces transformations, Virgile Perret insiste sur le déplacement de la prise de décision politique dans des institutions internationales, publiques ou privées. Pour tout ce qui concerne la conception, le fonctionnement, la supervision et le contrôle de ces dernières, les institutions traditionnelles de la démocratie représentative, comme les Parlements, sont mises sur la touche, et le citoyen- électeur avec. Au plan procédural, les organisations multilatérales échappent en effet le plus souvent au verdict électoral ou référendaire et à la discussion publique. Quant aux acteurs non étatiques peuplant les arènes internationales privées (Forum de Davos, clubs élitaires transnationaux type Bilderberg, etc.) et particulièrement pour le cas des dirigeants de grands groupes, c’est le plus souvent à leurs actionnaires de référence respectifs qu’ils ont des comptes à rendre, c’est-à-dire in fine à la sphère financière elle- même. Les transformations de la « gouvernance d’entreprise » (corporate governance), soumettant les entreprises aux normes de la rentabilité boursière et redéfinissant la « création de valeur » sur cette base (le fameux ROE pour « Return on Equity » de 15%), ne font qu’accentuer cette tendance qui ferme la boucle d’autoréférentialité et autonomise ce secteur internationalisé du jeu de la démocratie représentative et sociale, resté essentiellement national. Elles placent alors, d’un côté, les salariés au rang de variable d’ajustement pour créer de la valeur dans des stratégies de fusion-acquisition destinée à réduire la masse salariale, et, d’un autre, les dirigeants dans le rôle de fondé de pouvoir des actionnaires permettant à ces derniers d’acquérir le droit au prélèvement prioritaire sur la valeur ajoutée et le profit des groupes. S’organise ainsi ce que l’on pourrait désigner, dans les mots de Polanyi (non usités par l’auteur), de processus de

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désencastrement financier au cœur même des entreprises : le fonctionnement et la finalité de la firme s’ordonnent sur une optimisation de sa valeur exclusivement financière au détriment d’autres finalités (industrielles, sociales, familiales, réputationnelles, environnementales, etc.)7.

14 Différents dossiers choisis par l’auteur, qui ne pouvait bien entendu prétendre en épuiser la liste, montrent cette « autorité privée » s’ériger en nomothète international de l’ordre politique par délégation de la puissance publique. Parmi ces « quangos » (pour « quasi autonomous non-governmental organizations »), on trouve l’Institut international de la finance (IIF) créé en 1983. Devenant très vite l’interlocuteur du Comité de Bâle (qui réunit désormais les banquiers centraux d’une trentaine de pays sous l’égide de la Banque des règlements internationaux) il aurait réussi à faire adopter des standards bancaires conformes à ceux des banques commerciales avec les accords Bâle I en 1988 sur leurs fonds propres règlementaires (ratio Cooke), puis Bâle II en 2006 qui reprend les évaluations du risque de crédit développées par les agences de notation elles-mêmes deux ans avant la débâcle financière, et enfin Bâle III en 2010 qui ignore superbement la partie du hors bilan des banques à l’origine de la crise des subprimes. Virgile Perret évoque aussi l’Organisation internationale des commissions des valeurs (OICV) pour la régulation des marchés boursiers qui se considère elle-même comme une ONG et s’inscrit dans le long mouvement d’autorégulation de l’industrie financière. On pourrait aussi y ajouter d’autres officines, non mentionnées dans l’ouvrage, telles que l'International Federation of Accountants (IFAC) et l'International Accounting Standard Board (IASB) qui édictent de concert les normes comptables relatives au secteur public (International Public Sector Accounting Standards - IPSAS) et alignent silencieusement et à petits pas les métrologies comptables publiques sur la rationalité marchande et financière. À cet égard, si la réforme des comptes publics ne rencontre que peu d’opposition, c’est sans doute aussi parce que les États ont majoritairement indexé leurs modes de financement aux marchés mondialisés de capitaux. Autre élément qui mériterait de figurer à ce dossier, la Commission européenne a offert un levier de légitimation politique à ces instituts privés en leur confiant en 2000 l'élaboration des normes pour les entreprises européennes cotées en Europe8. Ces amendements réalisent là encore une forme de désencastrement financier par la réforme de la comptabilité publique et privée.

15 La parenthèse keynésienne en s’évertuant à contrôler le secteur financier, et plus précisément à organiser une forme de « répression financière », l’assujettissait à une autorité politique dans un cadre national et international. La dérégulation financière internationale prive au contraire les gouvernements élus d’un levier de contrôle politique de ces acteurs. Or, ces derniers affectent, par les règles du jeu économique et financier qu’ils concourent puissamment à produire, « les capacités des gouvernements à définir leurs politiques macroéconomiques [en particulier monétaire et fiscale] et à façonner leur société en accord avec les préférences politiques internes exprimées par les citoyens. » (p. 85) Se pose alors avec acuité la question d’un jeu à somme nulle entre, d’un côté, l’accroissement du pouvoir structurel d’acteurs privés et, de l’autre, l’affaissement des capacités des gouvernements représentatifs à gouverner sans délégation, et enfin des citoyens à s’autogouverner. Virgile Perret a raison de préciser ici en citant Jan Aart Scholte que : « La globalisation contemporaine du capital constitue non pas un défi pour la survie des États, mais pour la réalisation de la démocratie. » (p. 92) Les marchés financiers et les firmes multinationales ne sauraient en effet se passer des États pour exercer leur domination et capter la richesse produite.

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16 Postérieure à l’écriture de l’ouvrage, l’expérience du gouvernement Tsipras en Grèce illustre à l’extrême ce processus global. Mais s’y révèle aussi, par la trajectoire sociale des acteurs au sein de la Troïka (FMI, BCE, Eurogroupe) chargée d’auditer la situation économique grecque, ainsi qu’au sein de l’équipe gouvernementale, la collusion entre secteurs financiers publics et privés. Cet exemple pointe un angle mort de l’ouvrage : la sociologie de ces « élites financières transnationales » composées de banquiers centraux, de technocrates, d’économistes et d’ « experts ». Cette question est abordée de manière expéditive : « Formés dans les mêmes universités, ils partagent un langage technique et spécialisé peu accessible aux personnes extérieures et passent leurs carrières à circuler dans le cercle restreint des agences financières, ce qui favorise le développement d’une vision étroite de la régulation financière, le développement d’une culture du secret et le sentiment d’immunité face au contrôle démocratique. » (p. 84) Le lecteur n’en apprendra pas beaucoup plus sur ces groupes, tant des travaux, certes récents pour la plupart, de sociologie politique de l’économie, de l’international ou des professions ne sont pas mobilisés9. Il pourrait aussi se poser la question de savoir si et dans quelle mesure les « élites keynésiennes » différaient grandement de leurs successeurs au plan sociographique.

17 Cette omission, comme très souvent en EPI, laisse suggérer une forte cohésion et intégration a priori de ces groupes et écrase toute curiosité pour la différenciation sociale. C’est là une des faiblesses de ces approches. Et que l’on désigne ces groupes comme une « classe dirigeante transnationale » ou, beaucoup plus chic dans les débats académiques, comme des « communautés épistémiques » ne change rien à l’affaire. Si Virgile Perret ne s’y enlise pas, il n’en demeure pas moins que reste dans l’ombre et dans un déficit explicatif les forces, les faiblesses, la diversité, les contradictions, les conflits, les résistances et les évolutions des acteurs en présence. Le lecteur peine à cerner, et surtout pour la dernière période (où l’auteur peut moins puiser chez les historiens), où et comment s’imbriquent dans les États (au sein des Trésors, dans des agences publiques dédiées, mais aussi dans les ministères du travail et des affaires sociales, dans les instances de régulation financière, etc.) et dans les OI (dans quels départements, au contact de quels marchés des idées, dans quelles filières avec les champs bureaucratiques et universitaires nationaux, et avec les entreprises privées) ces rapports de force structurels avec les « marchés ».

18 Quels en sont, autrement dit, les « embrayages », au niveau des trajectoires des membres, des savoirs d’État produits, des outils et des dispositifs d’action publique utilisés. Ici et là dans l’ouvrage, il est par exemple dit que la Commission des affaires économiques et sociales de l’ONU, à l’instar du Bureau international du travail, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (p. 241) ou de l’Association internationale de la sécurité sociale (p. 280), est marginalisée pour contrer l’évolution financière générale qui affecte les droits sociaux des travailleurs. Mais il est difficile de comprendre les ressorts sociaux de cette marginalisation sans une analyse de la structuration de ces univers.

19 Redéployer la description sociologique permettrait aussi de déverrouiller une histoire toujours célébrée comme inéluctable, de (se) saisir des éléments de critiques internes et de possibles non advenus, et/ou enfin de réarmer une critique publique que l’auteur appelle mezzo voce de ses vœux10. Car si ces transformations ont largement bénéficié de leur non discussion publique, de leur invisibilité politique11, elles ont tout autant bénéficié de la dépersonnalisation ou de la désincarnation de ces processus (parfois explicitement naturalisés) ; certains parlaient encore en France en 2012 de la finance

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comme d’un « adversaire sans visages ». Il est à notre sens lacunaire sinon ruineux sur le plan de l’analyse de séparer les phénomènes structurels, clairement synthétisés par Virgile Perret, de leur incarnation dans des hommes, des institutions et des techniques. Et vouloir au contraire les relier passe sans nul doute par une sociologie politique de l’économie (internationale).

20 Cette voie de recherche aurait des implications analytiques immédiates, comme par exemple, concernant les organisations internationales (mais il en serait mutatis mutandis de même pour les États), celle de questionner leur façade institutionnelle qui font d’elles des totalités signifiantes homogènes ou, si l’on veut, des « auteurs institutionnels ». Cela emporte des conséquences sur l’interprétation à donner de leurs productions symboliques (essentiellement des rapports) et de la force sociale qu’on leur prête. Il en va ainsi de l’interprétation unilatérale – et très répandue, y compris parmi les spécialistes des politiques sociales et des organisations internationales – du rapport de l’OCDE L’Etat protecteur en crise publié en 1981 (p. 213 et 219). S’il sonne bruyamment dans son titre et dans le texte inaugural du Secrétaire général de l’OCDE le tocsin néolibéral sur l’État social (la protection sociale devient un fardeau pour la croissance économique), son contenu est beaucoup plus ambivalent. Surtout, son succès prophétique ultérieur cache un échec organisationnel cuisant, dans sa préparation, pour le « pôle social » de l’OCDE face au « pôle économique et financier ». Ce dernier est lui-même au contact des transformations politiques et financières internationales de ces années et aussi sous leur emprise la plus directe par le biais du Comité de politique de l’OCDE et de son groupe de travail n°312.

21 Dans le même élan, étudier la rédaction du célèbre rapport de 1994 de la Banque mondiale sur les retraites permettrait sans doute de saisir les rapports de force et de collusion de diverses natures (politiques, universitaires, économiques, nationaux, etc.) qui s’opère sur ce dossier dans cet espace social spécifique et au-delà. Gagner en précision sociologique peut alors conduire à poser sur de bien meilleures bases la question- ritournelle sur « l’influence » des OI sur les gouvernements (ou, on l’oublie trop souvent, sur d’autres OI), en questionnant le schème « émetteur-récepteur » et en considérant que certains récepteurs (et non des moindres) participent déjà de l’émission13. Cette incarnation sociologique aurait de surcroît des conséquences sur le plan du débat démocratique, puisqu’il s’agirait ici d’ouvrir à d’autres vents ces espaces confinés, d’identifier ces acteurs, de les voir en actes, au travail, et de les placer enfin – ce qui ne manque pas d’ironie pour ceux qui n’ont en général pas leur pareil pour l’exiger désormais des chômeurs ou des retraités –devant leur « responsabilité » (politique et sociale).

22 Une dernière remarque sur cet ouvrage, stimulant dans son ambition de synthèse et qui donne à penser « large », concerne le lien, tenu pour évident, opéré entre monnaie et citoyenneté à l’échelle nationale (ou, par endroits, européenne). N’y aurait-il pas lieu d’intégrer au questionnement, pour finir de s’émanciper de toute forme de stato- centrisme, les expériences de relocalisation de la monnaie dans des monnaies alternatives (sociales et solidaires), qui rompent avec l’unification monétaire nationale (très partielle, variable et tardive selon les États), et qui délivrent à leurs membres aussi bien des droits- libertés que des droits-créances sur le groupe, fabriquant ainsi de nouvelles citoyennetés 14 ?

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2. Réplique de Virgile Perret

23 Je remercie vivement Vincent Gayon pour sa lecture attentive, nuancée et fort stimulante de mon ouvrage. Il en a relevé les principales forces et faiblesses tout en apportant certains éclairages à bien des égards complémentaires de mon approche. Je saisis néanmoins l’occasion qui m’est offert de réagir pour apporter quelques commentaires en réponse à certaines de ses critiques.

24 Tout d’abord j’aimerais souligner que le simple fait d’ouvrir une discussion, aussi modeste soit-elle, sur le thème des rapports entre la monnaie et la citoyenneté constitue déjà en soi un résultat positif du point de vue de l’ambition initiale de la thèse de doctorat dont est issu l’ouvrage. Rappelons en effet qu’au début de mon investigation, qui a commencé avant la crise financière de 2008, le thème des relations entre la monnaie et la citoyenneté était quasi-absent des débats académiques. D’ailleurs, nombreux sont les collègues qui, à l’époque, m’ont fait part leurs doutes quant à la faisabilité de mon projet, tant la monnaie et la citoyenneté leur semblaient renvoyer à des pratiques sociales totalement disjointes, impossibles à intégrer dans une réflexion commune.

25 Le caractère novateur de cette problématique n’a toutefois pas été relevé par mon commentateur qui déplore au contraire « le lien, tenu pour évident, opéré entre monnaie et citoyenneté à l’échelle nationale (ou, par endroits, européenne). ». Cette remarque est surprenante à deux égards. Premièrement, l’objectif principal de l’ouvrage est précisément de démontrer tout en conceptualisant l’existence d’une relation entre la monnaie et la citoyenneté, ce qui a nécessité de créer des synergies entre des approches multiples et variées. Autrement dit, loin d’être « tenue pour évidente », cette relation est le problème même auquel se confronte mon ouvrage. Deuxièmement, la relation entre monnaie et citoyenneté n’est pas analysée uniquement « à l’échelle nationale » ou par endroits « européenne ». Au contraire, l’un des principaux arguments que je développe est que cette relation transite par le système monétaire et financier international qui a des répercussions sur la pratique de souveraineté des États, leur système de régulation et leur régime de citoyenneté. De ce point de vue, la critique d’une forme de « stato-centrisme » (dont il faudrait s’émanciper) me semble particulièrement peu pertinente, d’autant que je prends soin par ailleurs de préciser qu’« il n’existe aucune concordance naturelle entre l’espace de circulation de la monnaie et les territoires nationaux » et que le « “modèle westphalien de géographie monétaire“ centré sur le principe “une nation, une monnaie“ », n’est qu’une « configuration historique particulière. » (pp. 114-115).

26 Venons-en à présent à la critique principale de Vincent Gayon qui pointe « le manque de travaux sociologiques » concernant le rôle des élites financières transnationales. Cette « omission » laisserait dans un « déficit explicatif les forces, les faiblesses, la diversité, les contradictions, les conflits, les résistances et les évolutions des acteurs en présence. ». Il plaide pour une meilleure « incarnation sociologique » impliquant l’analyse de la dynamique des rapports de forces à l’intérieur des Etats (par ex. entre ministères, instances de régulation…) et des OI (par ex. entre départements) afin de saisir plus finement les ressorts de leur influence.

27 Il est difficile, dans l’absolu, de ne pas donner raison à Vincent Gayon, lui-même un spécialiste de la sociologie politique de l’économie (internationale). En effet, il est vrai que ces travaux auraient certainement permis de construire un récit plus nuancé sur le plan sociologique en offrant une analyse plus fine des logiques différenciéee à l’œuvre au

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sein des États et des organisations internationales. Par ailleurs, ils auraient aussi pu contribuer à offrir une lecture plus précise de l’articulation des rapports entre les agents et les structures et donc de la causalité dans l’analyse des transformations historiques. Je me défends toutefois d’avoir séparé dans l’analyse les phénomènes structurels « de leur incarnation dans des hommes », comme en témoigne l’importance accordée aux controverses entre John Maynard Keynes et Harry Dexter White dans le chapitre consacré au régime monétaire de Bretton Woods. De même, je ne me sens pas concerné par l’allusion à « une histoire toujours célébrée comme inéluctable », car en adoptant une approche herméneutique, j’ai à mon sens évité le piège du téléologisme en accordant une attention particulière à la reconstruction du contexte historique dans mes études de cas. Il y a toutefois une ambiguïté à ce sujet, car Vincent Gayon dit par ailleurs, au sujet de mon analyse de la transformation néolibérale, souscrire pleinement « à cette lecture incrémentale, aléatoire et contingente de cette transformation, où chaque situation configure un espace de choix dans lequel certains acteurs, loin d’être tous “convertis“ au néolibéralisme, contribuent bon an mal an et pour des raisons et intérêts variés à cette grande transformation. ».

28 À un niveau plus général, j’émets un bémol par rapport à la critique sociologique de Vincent Gayon qui, si elle se justifie pleinement au niveau (spécifique) de la critique de l’économie politique internationale, voit à mon sens sa pertinence quelque peu diluée lorsqu’elle est replacée dans le contexte d’une étude interdisciplinaire à large spectre dont l’objet concerne en premier le lien entre la monnaie et la citoyenneté. À l’évidence, l’auteur d’une étude interdisciplinaire, n’étant pas spécialiste de chacune des disciplines qu’il mobilise, s’expose inévitablement aux critiques des spécialistes de ces disciplines. Ainsi, je suis susceptible d’essuyer les critiques d’un large éventail d’experts de disciplines ou de courants théoriques (l’EPI, l’école de la régulation, l’histoire, la sociologie, la théorie économique, l’anthropologie, la théorie politique) qui pointeront ce qui constitue, à leurs yeux, des imprécisions ou des omissions plus ou moins importantes. Ces critiques seraient-elles pour autant toutes (également) pertinentes ? Comment faire le tri ? Vincent Gayon apporte lui-même, il me semble, un élément de réponse à cette question lorsqu’au sujet de mon approche, il précise que « l’auteur fait le pont entre plusieurs approches » « en prenant dans chacune de ces approches ce qui permet de faire avancer le questionnement sur le lien de la monnaie à la citoyenneté. » Autrement dit, c’est le questionnement interne, propre à la recherche, qui permet d’apprécier la fécondité des croisements disciplinaires opérés (ou non) par l’auteur. Envisagée de ce point de vue, la critique sociologique de Vincent Gayon me semble perdre en partie de sa force, car les travaux qu’ils citent, s’ils ont des vertus non négligeables, n’auraient contribué que marginalement à faire avancer mon questionnement central relatif au lien entre la monnaie et la citoyenneté. Il n’en demeure pas moins qu’ils apportent un éclairage tout à bienvenu et complémentaire de mon analyse.

3. Réponse de Vincent Gayon

29 Il n’est pas si courant de pouvoir dialoguer sur de si bonnes bases et nous devrions être reconnaissants à Interventions économiques d’entretenir de tels espaces de lecture et de discussion. Il va bien sûr de soi que tout lector un tant soit peu exigeant – et aussi un tant soit peu auctor à ses heures – importe dans ses lectures professionnelles ses intérêts méthodologiques, théoriques et, plus largement, expressifs. À cet égard, il est plus que

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probable que j’ai donné du livre de Virgile Perret une lecture plus systématique au plan sociohistorique que ne l’eut envisagé son auteur, et que je me suis donc, pour ainsi dire, approprié l’ouvrage pour avancer aussi mes conclusions. Virgile Perret a l’honnêteté et l’humilité de considérer que son ouvrage est justiciable d’une critique polymorphe, venant des divers horizons disciplinaires auxquels il a dû se confronter pour construire son objet d’étude. Je ne crois pas, à cet égard, avoir négligé l’originalité de cette construction. Il me semble même que mon compte-rendu débutait par-là et soulignait l’ambition du projet de recherche. Il invitait ainsi pour l’essentiel à la poursuite de la discussion de cet objet et de sa construction.

30 Il est à cet égard regrettable que Virgile Perret ne prenne pas le temps, ou la peine, de justifier son assertion conclusive sur la contribution marginale d’une approche sociologique à une meilleure compréhension des liens entre monnaie et citoyenneté. Je crains qu’une telle position ne convainque que les lecteurs les moins exigeants en la matière, et qu’elle ne fasse retomber dans les travers d’une lecture mécaniste, fataliste, fonctionnaliste et, pour tout dire, objectiviste des réalités économiques nationales et internationales. Virgile Perret a néanmoins raison de ne pas se sentir visé au premier chef quand j’évoque le souci de déverrouiller l’histoire économique marquée par le biais téléologique : ce que je pointais-là est une tentation analytique récurrente et générale, spécialement marquée pour les « faits » économiques ou financiers supposément livrés à une logique propre, s’imposant à tous, sur la base de leur objectivation, de leur technicité et de leur univocité statistiques elles aussi présumées. Cette tentation peuple par exemple les discours médiatique et politique, mais aussi académique. Cela ne signifie pas pour autant que l’ouvrage, spécialement dans les chapitres couvrant les périodes plus récentes, ne tombe pas par endroits dans ce travers ; sans doute parce qu’il peut alors moins puiser aux travaux d’historiens ou de politistes – ou qu’il ne repose pas sur une enquête propre –, qui permettent de désagréger ces macro-entités que sont les États, les marchés, les « zinzins », etc. Ce qui fait toute la différence avec les chapitres consacrés à la mise en place et aux transformations du système de Bretton Woods qui en font au contraire une habile synthèse.

31 Nous retombons alors dans les deux cas sur le souci ou la nécessité de l’enquête sociohistorique. Et il est symptomatique à cet égard que Virgile Perret prenne appui sur les quelques pages qui relatent, de seconde main, les intéressants échanges entre Keynes et White pour se dédouaner de tout objectivisme et se conforter dans une lecture « compréhensive » de l’économie internationale. C’est en effet l’un des rares moments de l’ouvrage où certains acteurs sont resitués, à grands traits, dans leurs espaces d’action. Pour tout ce qui commence après les années 1980, le récit s’organise globalement autour de macro-entités qui s’entrechoquent et trahit alors la faible prise en considération de l’argument sociohistorique. Or cet ancrage sociohistorique n’est pas simplement ce qui permet de nuancer de manière cosmétique les réalités sociales ou de leur donner un supplément d’âme. Elle impacte directement les modes de compréhension causale des configurations et autorise des lectures non téléologiques et non mécanicistes des processus sociaux. Ce qui donne déjà des résultats probants pour la configuration keynésienne manque donc pour la recomposition des liens entre monnaie et citoyenneté dans la période néo-libérale. Je crains donc que Virgile Perret me prête ici une ambigüité ou une ambivalence qui n’est pas la mienne. Le fait qu’il évite ou esquive par ailleurs de répondre à diverses questions portant sur la (re)structuration des États et du champ des OI, ou sur l’usage stratégique en « interne » des « contraintes extérieures », le fait qu’il

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évoque enfin de manière simplement évasive l’apport et la complémentarité d’une approche de sociologie politique de l’économie (internationale), témoigne en creux de cette gêne.

32 Ma remarque conclusive touchait à un point que Virgile Perret ne semble pas davantage vouloir aborder de front. Si je partage évidemment l’idée, après bien d’autres, que monnaie et État-nation ne se superposent qu’exceptionnellement, il n’en demeure pas moins que le cadre sociohistorique choisi dans l’ouvrage présente des situations monétaires de monopole étatique inscrites dans un système monétaire international en évolution. Or quelle place peut être faite dans un tel cadre « stato-centré » – c.-à-d. où l’État-nation demeure un acteur incontournable à la jonction entre l’interne et l’externe – à des systèmes d’émission monétaire parallèle et locaux dans la production de nouvelles citoyennetés ? La question au plan théorique demeure largement ouverte et j’attendais l’amorce d’un dialogue avec différents courants très actifs en économie sur ces questions ; je signalais par exemple les travaux de Jérôme Blanc ou de Bruno Théret. Pour poursuivre sur l’exemple grec que j’avais choisi pour ancrer empiriquement la discussion, celui-ci nous donne à voir de manière exacerbée combien, en pratique, une force politique, se présentant pourtant comme alternative et clamant la préservation de la citoyenneté politique et sociale de son peuple, a sur cette question une vision exclusivement stato- centrée de l’émission monétaire. Par le truchement de son Etat, la nation grecque, bénéficiaire de droits politiques et sociaux, se voit en effet insérer-enserrer dans l’eurosystème et son corset de contraintes à géométrie variable. Cette insertion emporte des conséquences dirimantes sur la citoyenneté et son exercice. Le gouvernement Tsipras, et spécialement Yanis Varoufakis (sans évoquer bien sûr George Provopoulos à la Banque centrale grecque), n’intégrera la question de l’émission monétaire alternative ou complémentaire à l’euro que tardivement, sans conviction, sans moyens et dans la controverse. Là encore seule l’enquête sociohistorique permettrait de savoir de quelle nature étaient les résistances, les inerties, les affrontements sur cette question-clé articulant monnaie et citoyenneté, dette financière et dette sociale. C’est dire ainsi combien l’enquête sociohistorique pourrait contribuer de manière substantielle et non pas simplement « marginale », comme le soutient Virgile Perret d’une manière étrangement défensive, à faire avancer le « questionnement central relatif au lien entre la monnaie et la citoyenneté ». Et ce ne serait alors pas le moindre mérite de ce livre que d’avoir pu attirer l’attention sur cette relation et nourri un stimulant espace interdisciplinaire de discussion.

NOTES

1. Voir la récente anthologie de recherches francophones en la matière : Pierre Alary, Jérôme Blanc, Ludovic Desmedt, Bruno Théret, eds., Théories françaises de la monnaie, Paris, PUF, 2016. 2. Voir à cet égard le récent : Pierre Bourdieu, Sociologie générale. Cours au Collège de France. 1981-1983. Vol. 1, Paris, Seuil / Raisons d’agir, 2015. 3. Voir André Orléan, « La monnaie autoréférentielle : réflexions sur les évolutions monétaires contemporaines », in M. Aglietta et A. Orléan (éd.), La monnaie souveraine, Paris, Odile Jacob, 1998,

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p. 359-386 ; et pour une mise au point générale : Vincent Gayon, Benjamin Lemoine, « L'argent public et les régimes économiques de l'ordre politique : entretien avec Bruno Théret », Genèses, 80 (3), 2010, p. 136-152. 4. Voir pour de premiers jalons en ce sens : Yves Dezalay, Bryant G. Garth, La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d'État en Amérique latine, entre notables du droit et « Chicago boys », Paris, Seuil, 2002 ; Bruno Théret, « Du keynésianisme au libertarianisme. La place de la monnaie dans les transformations du savoir économique autorisé », Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, 10 (2), 2011. 5. Rawi Abdelal, Capital rules. The construction of global finance, Cambridge, Harvard University Press, 2007 ; Jeffrey M. Chwieroth, Capital ideas: The IMF and the rise of financial liberalization, Princeton, Princeton University Press, 2009 ; Vincent Gayon, « Homologie et conductivité internationales. L'État social aux prises avec l'OCDE, l'UE et les gouvernements », Critique internationale, 59 (2), 2013, p. 47-67. 6. Sur ce point : Vincent Gayon, L’OCDE au travail. Contribution à une sociologie historique de la «coopération économique internationale» sur le chômage et l’emploi (1970-2010), thèse de doctorat en science politique, Paris, Université Paris-Dauphine, 2010, p. 68 et suiv. 7. Pour une actualisation et opérationnalisation du concept polanyien de désencastrement, nous nous permettons de renvoyer à Vincent Gayon, Benjamin Lemoine, « Maintenir l’ordre économique. Politiques de désencastrement et de réencastrement de l’économie », Politix, vol. 27, 105 (1), 2014, p. 7-35. 8. Eve Chiapello, Karim Medjad, « Une privatisation inédite de la norme: le cas de la politique comptable européenne », Sociologie du travail, 49 (1) 2007, p. 46-64. 9. Sans souci d’exhaustivité et pour de récents exemples, voir les dossiers de revue suivants : Sabine Montagne, Horacio Ortiz, dir., « Sociologie de l’agence financière vol. 1 et vol. 2 », Sociétés Contemporaines, 93, 2013 et 94, 2014 ; Vincent Gayon, Benjamin Lemoine, dir., « Mise en ordre de l'économie », Politix, vol. 27, 105 (1), 2014 ; Vincent Gayon, Benjamin Lemoine, dir., « Pédagogie économique », Genèses, 93 (4), 2013. Voir aussi les travaux convergents de sociologie de la quantification : Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’Argument statistique I et II, Paris, Presses des Mines, 2013 et 2014. 10. Ce qu’a pu proposer récemment pour le cas français Benjamin Lemoine, L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché,Paris, La Découverte, 2016. 11. À plus de 80 euros l’ouvrage, l’éditeur Peter Lang réserve d’ailleurs les savoirs universitaires produits à quelques happy few et participe donc de cette invisibilité. 12. Vincent Gayon, « When prophecy succeeds. « The Welfare State in Crisis » de l'OCDE », 13ème Congrès national de l'Association française de science politique, Aix-en-Provence, juin, 2015. 13. Nous nous permettons de renvoyer sur ces différents points à Vincent Gayon, « Un atelier d’écriture internationale : l’OCDE au travail. Éléments de sociologie de la forme "rapport" », Sociologie du travail, 51 (3), p. 324-342 et, pour une plus ample systématisation, à Vincent Gayon, « Écrire, prescrire, proscrire. Notes pour une sociogénétique de l’écrit bureaucratique », Actes de la recherche en sciences sociales, 213 (2), p. 84-103. 14. Voir par exemple Jérôme Blanc, Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire, Paris, L’Harmattan (Logiques économiques), 2001.

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AUTEURS

VINCENT GAYON Institut de recherche interdisciplinaires en sciences sociales (IRISSO), UMR CNRS, Université Paris Dauphine, PSL Research University [email protected]

VIRGILE PERRET Ph.D en Science politique, Université de Lausanne [email protected]

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Martin Ravaillon, The Economics of Poverty: History, Measurement and Policy, Oxford University Press, 2016, 702 p.

Chalmers LaRose

1 Les sociétés organisées modernes sont jugées à l’aune de la manière dont elles traitent leurs couches les plus vulnérables. Depuis le 16e siècle, période qui a vu l’introduction des Poor Laws (Lois sur les indigents) en Angleterre, la pauvreté - son accroissement aussi bien que les meilleurs moyens de combattre ce phénomène humainement et socialement dégradant - occupe une place centrale dans le débat public.

2 Aujourd’hui il existe une cohorte d’économistes qui, à l’instar des James K. Galbraith, Thomas Piketty, Angus Deaton, et bien d’autres encore, consacrent une très grande partie de leur cheminement professionnel à l’étude du phénomène des inégalités et de la pauvreté dans les sociétés organisées au nord comme au sud. Martin Ravaillon fait figure de proue au sein de ce club illustre. Toutefois la particularité de l’économiste australien est attribuable à son parcours pour le moins singulier. En effet, Ravaillon a passé l’essentiel de sa carrière au sein de la Banque mondiale comme expert des questions relatives à la lutte contre la pauvreté dans le monde. À ce titre, il a observé, pensé et proposé des politiques sur l’ensemble des secteurs d’intervention de l’institution internationale dans ce domaine.

3 Au terme de cette aventure dans le fonctionnariat international, et fort d’un fonds de savoirs et d’expériences accumulés au cours de nombreuses années, l’auteur nous offre un ouvrage testament dans lequel il aborde un ensemble de sujets couvrant les aspects économiques, historiques et sociaux de la pauvreté. Aujourd’hui Martin Ravaillon occupe un poste à l’université Georgetown où il dispense un cours fondamental sur le sujet.

4 The Economics of Poverty: History, Measurement and Policy est une brique de 702 pages. L’ouvrage propose une perspective à la fois historique et globale sur la manière de penser la pauvreté. À ce sujet, tant les débats antérieurs et actuels qui interviennent dans les

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pays riches aussi bien qu’à l’intérieur des pays pauvres y sont abordés avec clarté et profondeur. Par le biais d’une synthèse accessible de la pensée économique, l’auteur apporte également des réponses à certaines questions brûlantes et d’intérêt majeur: Comment la pauvreté est-elle mesurée ? Combien y a-t-il de personnes vivant dans la pauvreté dans le monde? Pourquoi la pauvreté existe? Qu’est-ce qui peut être fait pour la réduire, voire même l’éliminer? Quelles en sont les politiques les plus appropriées et les mieux adaptées?

5 L’ouvrage se décline en trois parties. L’aventure commence par une histoire de la pensée économique dans laquelle l’auteur met en relief les idées mercantilistes sur l’inévitabilité de la pauvreté. Ici Ravaillon explique comment la pauvreté en est venue à être perçue comme un « mal social » capable d’être réduit de manière significative, voire même éliminée. En même temps, il présente les idées qui sous-tendent les politiques anti- pauvreté en apportant un éclairage opportun sur les effets incitatifs qui consistent à aider les personnes pauvres, et le changement d’emphase qui s’y est installé. Dans cette première partie, l’auteur soulève des discussions très animées sur la guerre contre la pauvreté aux États-Unis d’Amérique, de même que les approches initiées en Grande- Bretagne en plus de faire ressortir l’accent mis récemment sur les pays en développement.

6 Les questions de nature conceptuelle et certains problèmes liés aux instruments de mesure de la pauvreté et aux méthodes constituent l’intégralité de la deuxième partie de l’ouvrage. Ici les concepts clés y sont expliqués de façon intuitive, incluant les nombreux débats au sujet de la meilleure manière d’évaluer le bien-être et de mesurer la pauvreté et les inégalités. L’auteur propose des explications prudentes sur un ensemble de questions que soulève la conceptualisation de la pauvreté, notamment la manière dont on établit les seuils de pauvreté, les prix, les échelles subjectives, etc. Ravaillon y aborde également la manière dont a été établi le seuil de pauvreté aux États-Unis, comment la Russie a établi son seuil de pauvreté basée sur des manières différentes de fixer le prix des paniers de consommation lequel varie d’un point à l’autre du territoire.

7 Quant à la troisième partie, elle est en partie prescriptive. Celle-ci est intégralement réservée aux politiques de lutte contre la pauvreté. L’ouvrage fournit un panorama général des tendances en matière de pauvreté à travers le monde, et un tour d’horizon d’un ensemble d’approches différentes en vue de lutter contre la pauvreté, incluant des politiques macro et sectorielles y compris des politiques ciblées et spécifiques. Après avoir passé en revue les savoirs actuels sur les dimensions de la pauvreté et des inégalités dans le monde, le lecteur fait connaissance avec les théories et les données concernant la distribution des bénéfices émanant de la croissance économique aussi bien que les sources de cette croissance. La discussion s’étend aussi aux politiques économiques sectorielles plus larges et aux interventions directement ciblées en direction des personnes pauvres. Ici l’emphase est mise sur l’explication des idées qui sous-tendent les politiques, et des discussions sur les raisons pour lesquelles celles-ci ne fonctionnent pas toujours comme espérée.

8 Somme toute, il s’agit d’un ouvrage qui peut servir indifféremment de manuel pédagogique et de référence de portée générale qui intéressera à la fois les chercheurs aussi bien que les professionnels travaillant pour les gouvernements et les organisations internationales. Bien que l’auteur ne semble pas opter pour une politique anti-pauvreté particulière, il aurait été utile toutefois que l’ouvrage rende des discussions au sujet des programmes novateurs, comme les transferts monétaires conditionnés et la manière dont

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ceux-ci orientent les politiques publiques actuelles au sein des pays en développement. Néanmoins il s’agit d’un ouvrage pertinent lequel conviendrait donc à la fois à un auditoire éclairé composé de lecteurs orientés vers l’élaboration de politiques anti- pauvreté.

9 Au final, l’ouvrage demeure une lecture d’intérêt tant pour ceux qui considèrent enseigner un cours sur la pauvreté que pour ceux-là qui travaillent dans le domaine ou sont à la recherche d’une mise à jour sur certains concepts et questions clés.

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Michel Aglietta, en collaboration avec Pepita Ould Ahmed et Jean- François Ponsot, La monnaie : entre dettes et souveraineté, Paris, Éd. Odile Jacob, Coll. Économie, 2016, 456 p.

Charles Guay-Boutet

1 Dans son dernier ouvrage, La monnaie : entre dettes et souveraineté, Michel Aglietta poursuit le cycle de recherche commencé il y a plus de trente ans (Aglietta et Orléan, 1982 ; 1998) sur la théorie monétaire et le rapport entre monnaie et société. Dans un ton volontiers polémique, l’auteur introduit son propos en rappelant les apories de la théorie monétaire néoclassique : incapacité à introduire de manière satisfaisante la monnaie dans le modèle de l’équilibre général, difficulté à conceptualiser le rapport entre les fonctions de moyen d’échange et d’unité de compte lors de son introduction dans le monde marchand, etc. C’est dans une volonté explicite de réinsérer une théorie économique de la monnaie dans l’ensemble des recherches en sciences sociales qu’Aglietta s’emploie en mobilisant la recherche récente sur les origines de la monnaie. L’auteur mobilise par exemple le récent ouvrage de l’anthropologue américain David Graeber (2013), dans lequel est développée une vaste histoire mondiale des rapports entre monnaie, dette et domination politique, le tout en dialogue constant avec les thèses chartalistes pour lesquelles la monnaie est d’abord un système étatique. Pour Aglietta, un constat s’impose : la monnaie existe depuis la sédentarisation des humains et sa première fonction fut d’établir une zone d’équivalence monétaire, c’est-à-dire un espace de règlement comptable des paiements. La monnaie comme dette, c’est-à-dire comme créance sur d’autres agents de l’espace monétaire, marchands ou étatiques, apparaît elle aussi dès les origines. Ces fonctions n’ont pu se développer qu’avec le concours constant de la souveraineté étatique (p. 15). Ici, Aglietta pose une thèse que tout l’ouvrage cherchera à démontrer. Le développement des systèmes monétaires est inintelligible si abstrait du développement, en parallèle, de l’État, des modalités d’exercice de son pouvoir (des monarchies médiévales jusqu’aux

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États bureaucratiques modernes), du rapport d’appartenance subjectif entre celui-ci et ses sujets, en un mot : la confiance. À partir de cette thèse centrale, Aglietta esquisse une histoire presque universelle de la monnaie, de ses origines antiques en Mésopotamie et en Chine, de son développement dans le système bancaire médiéval rendant possible l’émergence du capitalisme jusqu’aux défectuosités de son espace d’innovation le plus récent, c’est-à-dire la zone euro. Insistons sur cette thèse d’un rapport de confiance devant exister, selon l’auteur, entre un émetteur et un utilisateur de monnaie pour garantir la viabilité d’un espace monétaire.

2 La validité de la monnaie, comme organisatrice d’un système de paiements, apparaît dès les origines comme totalement traversée par des rapports de confiance soutenus par le pouvoir souverain. Sa viabilité est intrinsèquement liée à des sentiments aussi subjectifs que l’éthique de l’appartenance sociale et la légitimité du monopole du monnayage, ayant renforcée les identités nationales dans la modernité. En ce sens, la monnaie est nécessairement politique : « Parce que la monnaie procède de la souveraineté, elle n’est pas une créature de l’État. Mais elle entretient des rapports organiques étroits avec l’État. »’ (p. 75) Le prix représente un système de valeurs partagées. En d’autres mots, la monnaie, en assurant effectivement la coordination des échanges dans une société marchande en opérationnalisant un système de comptes, apparaît comme le lien social élémentaire de la société marchande et le premier concept économique devant être analysé (p. 26). Objet de désir privé, la liquidité monétaire nécessite néanmoins, pour être fonctionnelle, un ordre hiérarchique de rapports de confiance dont le garant ultime transcende les intérêts privés : (…) l’architecture institutionnelle qui permet à la monnaie d’être l’opérateur du rapport social d’appartenance qu’est la valeur engendre trois étapes hiérarchisées de confiance : éthique-hiérarchique-méthodique. Cet opérateur est le système de paiements qui fonctionne selon trois règles : l’évaluation à partir de l’unité de compte, la circulation des dettes, la finalité des paiements par le règlement. C’est l’efficacité et la robustesse des règles dans la validation des transactions qui reproduisent la confiance. (Aglietta, 2016 : 206)

3 Antérieur logiquement et causalement au marché, la monnaie permet à la valeur de se phénoménaliser dans la société en conférant aux marchandises leur caractère échangeable. Ceci n’est possible que pour autant que la valeur implique une norme d’équivalence dans le paiement monétaire : toute théorie substantialiste de la valeur est réfutée par Aglietta.

4 La monnaie révèle l’altérité au cœur de la vie sociale. Plutôt que collection d’individus instituant cet espace par contrat ou bien émergeant spontanément, la société marchande ne peut exister et se développer que si existe un sentiment de confiance hiérarchisé entre la sphère monétaire et celle de la souveraineté. Cette altérité du politique et de l’économique s’est révélée lorsque, à différents moments dans l’histoire, les souverains ont annulé la convertibilité de la monnaie en or : ce faisant, toute apparence de naturalité dans la valeur a été suspendue par décision souveraine (p. 169). Le rapport hiérarchisé de ces sphères apparaît avec force dans une économie bancaire : les opérations économiques y apparaissent comme une masse d’opérations de bilan de la part des banques. Mais le fonctionnement de ces opérations de solde interbancaire n’est possible sur le long terme qu’en relation avec la banque centrale, garante de la liquidité ultime du système de comptes. La création de la première en Angleterre, en 1694, a contribué à instituer les rapports de confiance hiérarchisés entre les marchands de différents espaces souverains, nécessaires au développement du capitalisme, en minimisant la fréquence des crises

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monétaires rendues possibles par l’offre en principe parfaitement élastique de liquidité par les banques. ‘’Cas d’école‘’ pour une théorie de la monnaie, le cas anglais illustre la hiérarchie moderne des dettes dans laquelle la dette ultime, garante de la liquidité des autres et donc de la viabilité de l’ensemble du système de paiements, est la dette publique monnayée par la banque centrale (p. 227). Encore là, le caractère politique de l’espace monétaire apparaît avec force. Comme prêteur en dernier ressort, une banque centrale moderne est en mesure de suspendre l’obligation de règlement des dettes privées en vue de maintenir la pérennité ultime d’une économie. Si la hiérarchie entre le politique et l’économique devient dysfonctionnel, c’est la crise monétaire qui apparaît : ainsi du cas allemand, où la confiance en sa possibilité de rembourser ses propres dettes affecta, en 1923, la croyance en la viabilité de sa monnaie nationale.

5 Pour Aglietta, si la monnaie est une dette, elle l’est à un de niveau de généralité équivalent à celui de la société, c’est-à-dire qu’elle permet l’annulation des dettes individuelles par paiement monétaire, ce système étant valide à l’intérieur d’espaces sociaux et monétaires déterminés par la liquidité conférée par la dette d’un État souverain. Dans une économie bancaire développée, les banques se trouvent principales créatrices de la liquidité monétaire. Ce faisant, la monnaie, dont le rapport nécessaire avec la dette est rappelé avec force, apparaît comme droit du créancier-émetteur sur une richesse future (p. 61). Mais, pôle symétrique de la monnaie comme actif, les dettes sont elles aussi nécessairement hiérarchisées entre elles. L’émetteur de la dette ultime, l’État, doit être en mesure d’imposer des contraintes de règlement des dettes de niveau inférieur pour que, mitigeant l’hostilité entre débiteur et créditeur, la continuité de l’espace du système de paiements soit maintenue dans le temps (p. 209). Par le développement des systèmes de fiscalité au Moyen-Âge, l’État moderne et l’identité nationale se sont construits comme nous les connaissons aujourd’hui, vis-à-vis les intérêts particularistes des marchands.

6 L’ouvrage se conclut par une partie consacrée entièrement à l’analyse des crises monétaires. Celles-ci, de la crise entre le Parlement et la royauté anglaise à la fin du XVIIe siècle jusqu’à la crise allemande de 1923, ont toutes pour nœud commun une crise de la hiérarchie des rapports de confiance à la base de la liquidité d’un système de paiements. Si Aglietta examine les dysfonctionnements contemporains de la zone euro, sa recommandation n’en est pas une de dissolution de cette zone, à l’instar d’autres économistes français issus de l’École de la régulation, pour qui la souveraineté monétaire en Europe doit revenir dans le cadre de la souveraineté nationale, tels Sapir (2012) et Durand (2013). Aglietta propose plutôt la constitution d’une souveraineté européenne dotée de la légitimité démocratique nécessaire à l’instauration d’un sentiment de confiance immanent et transversale à cette zone monétaire. À cet égard, des mesures telles que la redevabilité des institutions européennes comme la BCE devant le Parlement et la constitution d’un budget fédéral apparaissent nécessaires.

7 L’ouvrage d’Aglietta est proprement transdisciplinaire en ce qu’il puise aux acquis des différentes sciences sociales pour fonder une théorie de la monnaie, entreprise jamais complètement réussie par la théorie néoclassique. La précision de l’analyse économique n’en souffre pas. Les différentes équations fondant un modèle matriciel du système des paiements trouvent leurs places, souvent placées en annexe. En d’autres mots, la polémique avec la théorie néoclassique ne donne pas lieu à un abandon de la modélisation, mais plutôt à sa fondation conceptuelle, sociologique et historique, nécessaire à une modélisation incarnée dans la réalité empirique des espaces sociaux

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dans lesquels la monnaie se développe. Plusieurs des thématiques abordées par l’auteur rappelleront sans peine les thèses postkeynésiennes sur la définition de la monnaie comme dette et la description d’une économie bancaire comme série d’opérations de bilans des institutions financières. Toutefois, la force de l’ouvrage, par rapport à plusieurs manuels postkeynésiens, est de fournir la fondation historique de ces thèses monétaires en puisant généreusement dans les sciences sociales. À cet égard, l’explication fournie des crises monétaires, comme processus sociaux où les rapports de confiance sont brisés, est tout à fait convaincante.

BIBLIOGRAPHIE

Aglietta, M. et Orléan, A. (1982). La violence de la monnaie, Presses Universitaires de

France, Coll. Économie et liberté, Paris, 324 p.

(1998). La monnaie souveraine, Éd. Odile Jacob, Paris, 398 p.

Durand, C. (dir.) (2013). En finir avec l’Europe, Éd. La fabrique, Paris, 149 p.

Graeber, D. (2013). Dette : 5 000 ans d’histoire, Les Liens qui libèrent, trad. par F. et P.

Chemla, 667 p.

Sapir, J. (2012). Faut-il sortir de l’euro? Éd. Le Seuil, Paris

AUTEUR

CHARLES GUAY-BOUTET Candidat à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal. [email protected]

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Thibauld Moulaert et Suzanne Garon (sous la direction, 2016), Age Friendly Cities and Communities in International Comparison. Political Lessons, Scientific Avenues, and Democratic Issues, New York: Springer Editor, 329 p.

Diane-Gabrielle Tremblay

1 It is always difficult to synthesize the main message from a collective book, given the diversity of issues and countries mentioned in the book. This book is no exception. However, many important themes are covered, and many countries, which make the diversity interesting. One of the main dimensions to be noted here is the comparison between Europe and North America, including Canada. With the European Union financing, there are more and more European comparisons, but as the world goes beyond Europe, it is a good thing to see America, Asia and Australia considered and analyzed in this book.

2 The international comparison is not really present, or at least the readers have to do it largely themselves as most chapters are in one zone or country (France, Belgium, Québec, New York City…) so the analysis cannot readily be considered comparative, although there is a lot of information on various places, and a few more general articles.

3 There is also an excellent index at the end, which helps find specific information easily. So the book is an interesting addition to all the works on Active Ageing.

4 The first part of the book on “Age-Friendly Cities and Communities: From Ideas to Practices” is an excellent contribution to research, but can also be used in teaching, as it gives the history of the implementation of the Age-Friendly Cities and Communities

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concept from the World Health Organization to more recent European Lessons. Alan Walker is amongst the main contributors to the analysis of Age-Friendly Cities and Communities, and his contribution presents a Global and Theoretical Perspective, as well as European Lessons on Active Ageing. This first part, with four articles, is thus very useful to better understand the history of the concept, but also the theoretical underpinnings.

5 The second part of the book is centered on the idea of “One Model, Many Programs”, and it is here that the reader has to do a bit of work, to compare the various situations, understand the various contexts for the implementation of the Age-Friendly Cities and Communities concept in various countries, regions or cities. There is a diversity of levels of government involved in this and surely this makes the international comparisons interesting, while being somewhat more difficult as the policy issues and options vary whether we are considering a city, a region or a whole country. The diversity of countries or regions is impressive, but it is not always clear why these zones are considered, or considered interesting: Hong Kong, Argentina, New York City, Québec and Waterloo in Canada, France, Belgium, Victoria and Australia, and finally the European Union is analyzed.

6 While the analysis is not always exactly on the same themes and builds on different methodologies (some based essentially on documentary analysis, others more oriented towards research and lessons learned), some articles present interesting elements that could possibly be transferred to other countries. This part II of the book is largely descriptive (context, program, lessons…), but Part III leads to more elements of comparison, by highlighting the challenges and issues that arise in this context. The articles are not overly critical of the Age-Friendly Cities and Communities concept and programs, as many authors seem close to the implementation, but there are a few questions posed here and there, on the interrelated nature of Age-Friendly domains as well as the differential needs and priorities of various groups and stakeholders (Andrew Scharlack), the possible confusion of terms (Active and Healthy Ageing) and the issue of empowerment (in a very interesting article by Moulaert, Boudiny and Paris), the issue of spaces for All Ages (Biggs and Carr). These last articles in Part III bring together some elements of the previous case studies of cities, regions and countries, to lead us to a more general questioning of the concept and implementation of Age-Friendly Cities and Communities.

7 All in all, a very interesting book for researchers and professors teaching on these themes. The book is surely an important addition to all the works of Age-Friendly Cities and Communities, and has the quality of bringing together a series of case studies and also more general perspectives on Age-Friendly Cities and Communities.

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AUTHOR

DIANE-GABRIELLE TREMBLAY École des sciences administratives, TÉLUQ | Université du Québec. diane- [email protected]

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