Tamba Moustapha Démocratie Senegal Avril 2011
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Mutations politiques au Sénégal : Bilan de cinquante ans d’indépendance (1960 – 2010) Moustapha TAMBA Maître de conférences de Sociologie F.L.S.H, UCAD Sénégal 0 INTRODUCTION Depuis l’indépendance survenue en 1960, le Sénégal a connu de profondes mutations dans beaucoup de domaines. Ces mutations sont perceptibles dans l’économie, dans l’administration, dans l’éducation, dans l’urbanisation, dans la santé, dans la politique, etc. Toutefois, le champ politique demeure de loin celui où la mutation reste visible. En effet, en cinquante ans (1960-2010), le Sénégal a connu trois (3) présidents démocratiquement élus (Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye WADE), onze (11) législatures et cent cinquante et un (151) partis politiques. Il faut dire que cinquante (50) années dans l’histoire politique d’une nation est une période assez récente et encore fraîche dans les mémoires pourqu’on soit en mesure de se souvenir dans les détails, des rêves de ceux qui ont fondé l’État, les défis qu’ils eurent à relever aussi bien en termes d’obstacles à surmonter, les difficultés initiales auxquelles ils durent faire face, les sacrifices individuels et collectifs qu’ils eurent à consentir pour faire démarrer et assurer la pérennité des institutions. Mais également dire que cinquante années constituent une période assez longue pour qu’on puisse mettre au clair les phases, les réformes et les orientations importantes dans le processus d’installation d’une démocratie achevée. Cet article se propose de faire un bilan partiel de la situation politique du Sénégal après un demi-siècle d’indépendance. 1 I- L’ÉVOLUTION CONSTITUTIONNELLE DU SENEGAL L’État moderne du Sénégal a hérité ses institutions de la colonisation française (1816 – 1960). Il est devenu indépendant le 4 avril 1960 et s’est doté d’une constitution le 26 août de la même année. Une constitution dont le moins que l’on puisse dire porte l’empreinte de la France et notamment de sa constitution de 1958 et le Sénégal était le seul pays d’Afrique noire francophone à avoir adopté un régime bicéphale. Dix jours plus tard, Léopold Sédar Senghor fut élu Président de la République par un collège électoral spécial et Mamadou Dia, Président du Conseil depuis la loi-cadre de 1958, nommé premier ministre. C’est l’instauration de la première République, qui, malheureusement va entrer en crise 1 en 1962. Le 7 mars 1963, une nouvelle constitution est adoptée. Celle-ci permet au Président Léopold Sédar Senghor de disposer des pleins pouvoirs, permettant ainsi au régime présidentiel de supplanter le régime parlementaire. C’est la Seconde République qui va connaître vingt (20) révisions constitutionnelles de 1967 à 1999 2. Le Présidentialisme allait se traduire au plan politique par l’interdiction des partis politiques (PAI, BMS) dont certains leaders partent en exil. Combiné au parti unique (UPS), ce présidentialisme va entraîner le marasme et la stagnation économiques et favoriser ainsi l’émergence du mouvement syndical et estudiantin dès les premières années. Il en sera ainsi pendant quarante ans. Au début du vingt et unième siècle, c'est- à-dire précisément en 2001, le nouveau Président Abdoulaye Wade proposa une nouvelle constitution 3 par voie référendaire le 22 janvier. C’est le début de l’ère 1 Après dix mois de fonctionnement la Première République connaît des problèmes compte tenu des clivages idéologiques. En effet, le Président Léopold Sédar Senghor, socialiste proche des milieux français entre en conflit avec le Président du Conseil Mamadou Dia sur l’application du Plan quadriennal de développement fortement inspiré du modèle socialiste des pays de l’Est et qui faisait planer de fortes menaces sur les milieux économiques français et maraboutiques. Les divergences s’accentuèrent le 17 décembre 1962 à l’Assemblée Nationale entre les deux têtes de l’exécutif : Mamadou Dia est accusé de tentatives de coup d’Etat. Il est arrêté, jugé et condamné. Il sera libéré et gracié dix ans après. 2 FALL (Ismaïla Madior), Textes constitutionnels du Sénégal de 1959 à 2007, Editions CREDILA, Faculté des Sciences juridiques, 2007, p.4 3 Ismaïla Madior Fall écrit dan ce sens que : « Après l’alternance survenue en mars 2000, les nouvelles autorités ont fortement exprimé leur volonté et leur engagement à doter le Sénégal d’une nouvelle constitution…. L’ambition de réalisation d’une césure symbolique s’est 2 de la Troisième Constitution ou ce qu’on peut appeler dorénavant la Troisième République. De 2001 à 2009, elle va être l’objet de près d’une dizaine de révisions constitutionnelles dont la plus importante est la septième qui porte sur l’article 39, remplacé par les dispositions suivantes : « En cas de démission, d’empêchement définitif ou de décès, le Président de la République est supplée par le Président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31 ». Cette révision vint mettre un terme au remplacement du chef de l’État en cas d’empêchement, de décès ou de démission par le Président de l’Assemblée nationale. Bref, la nouvelle constitution est plus prolixe que celle qu’elle remplace. En effet, la Constitution de 2001 comprend 12 titres et 108 articles, là où la précédente (celle de 1963) comprenait 11 titres et 91 articles. Au plan sociologique, nous pouvons considérer que les trois constitutions représentent les éléments de la modernité au Sénégal. Si donc, en France la révolution de 1789 marque la modernité, on peut considérer également que la pose de la constitution de 1960 inscrit le Sénégal dans une dynamique. II- LA DYNAMIQUE DE LA VIE POLITIQUE AU SENEGAL Depuis son indépendance survenue en 1960, la vie politique au Sénégal est rythmée par les élections présidentielles, législatives, locales (depuis 1998) et les rapports entre les partis politiques. 1- En cinquante ans : 9 élections présidentielles En Afrique, le Sénégal est un des pays depuis l’indépendance qui organise des élections régulières et multipartites. Ainsi, en cinquante ans, comme l’atteste le tableau 1, le pays a organisé neuf (09) élections présidentielles. Ce fut en 1963 que commença la première élection formellement – mais seulement formellement – caractérisée. La constitution de 2001 est une nouvelle constitution sans lien, sans « bretelle juridique » avec sa devancière » Idem. 3 présidentielle postindépendance, scrutin à l’issue duquel Senghor est élu Président. De 1968 à 1981 (date de démission), il sera toujours réélu. Ensuite, il laissa le pouvoir à Abdou Diouf, son ancien Premier ministre. Héritier du socialisme, Abdou Diouf remporta sa première élection organisée en 1983 puis gagna les autres scrutins de 1988 et 1993. Il restera au pouvoir jusqu’en 2000, année où il perdra le pouvoir face à Maître Abdoulaye WADE 4 Tableau 1 : Vue synoptique des élections présidentielles au Sénégal Élection Candidat Parti Score 1er décembre 1963 Léopold Sédar Senghor UPS 99 % 25 février 1968 Léopold Sédar Senghor UPS 99 % 28 janvier 1973 Léopold Sédar Senghor UPS 97 % Léopold Sédar Senghor PS 82,5 % 26 février 1978 Abdoulaye Wade PDS 17,4 % Majhemout Diop PAI 0,1 % Abdou Diouf PS 83,45 % 27 février 1983 Abdoulaye Wade PDS 14,79 % Mamadou Dia MDP 1,39 % Oumar Wone PPS 0,20 % Majhemout Diop PAI 0,17 % 27 février 1988 Abdou Diouf PS 73,20 % Abdoulaye Wade PDS 25,80 % Abdou Diouf PS 58,40 % 21 février 1993 Abdoulaye Wade PDS 32,03 % Landing Savané AJ/PADS 2,91 % Abdoulaye Bathily LD/MPT 2,41 % Iba Der Thiam CDP/Garab bi 1,61 % Madior Diouf RND 0,97 % Mamadou Lô Indépendant 0,85 % Babacar Niang PLP 0,81 % 19 mars 2000 Abdoulaye Wade PDS + SOPI 58,7 % Scrutin à 2 tours Abdou Diouf PS 41,3 % (résultats 2 ème tour) Abdoulaye Wade PDS 55,90 % Idrissa Seck Rewmi 14,92 % Ousmane Tanor Dieng PS 13,53 % Moustapha Niasse AFP 5,93 % 25 février 2007 Robert Sagna RSD/TDS 2,58 % Abdoulaye Bathily LD/MPT 2,21 % Landing Savané AJ/PADS 2,07 % Talla Sylla Jëf Jël 0,53 % Abdoulaye Dieye FSD/BJ 0,50 % Mamadou Lamine Diallo Tekki 0,48 % Mame Adama Guèye Indépendant 0,40 % Doudou Ndoye UPR 0,29 % Alioune Mbaye Indépendant 0,26 % Jacques Senghor MLPS 0,24 % Modou Dia Indépendant 0,13 % Source : Données du Ministère de l’Intérieur, 200 5 Il faut ajouter que depuis 1963 à 1993 la périodicité des élections était quinquennale. Mais une loi constitutionnelle du 6 octobre 1991 porta révision 4 de la constitution des articles 21 et 22. Ainsi, la durée du mandat présidentiel passe de cinq (05) à sept (07). Du coup, l’élection présidentielle devant avoir lieu durant l’année 1998 fut organisée en 2000. Elle fut fatale au Parti socialiste et au Président Abdou Diouf qui perdit le pouvoir après quarante ans de socialisme au profit de Maître Abdoulaye Wade, premier opposant sénégalais. 2- En cinquante ans : 11 élections législatures L’Assemblée nationale du Sénégal indépendant est née le 20 août 1960. De cette date aux dernières élections législatives de 2007, mille cent quatre-vingt- dix (1190) députés ont été élus par le peuple sénégalais sur un total de onze (11) législatures de cinq ans (05) chacune (sauf pour la première 1960 – 1963 qui a duré quatre ans et la dernière 2001-2007 qui fut portée à sept ans). Tableau 2 : Répartition des députés selon les législatures Sexe Homme Femme Total Législative 1960-1963 80 - 80 1963-1968 79 1 80 1968-1973 78 2 80 1973-1978 76 4 80 1978-1983 92 8 100 1983-1988 107 13 120 1988-1993 102 18 120 1993-1998 106 14 120 1998-2001 121 19 140 2001-2007 101 19 120 4 FALL (Ismaïla Madior), Idem, p. 132 6 2007-2012 122 28 150 Total 1064 126 1190 Source : Assemblée nationale, Direction des services législatifs, 2010 7 À partir de 1978, le nombre de députés a franchi la centaine et les neuvième et onzième législatures comptent plus de députés que les autres législatures avec respectivement 140 et 150 parlementaires à la Place SOWETO (lieu d’érection du Parlement).