Fiche pédagogique

My Blueberry Nights – Un doux rêve éveillé Sortie prévue en salles 28 novembre 2007

Film long métrage, Hong-Kong, Résumé autres, elle fait la connaissance de Chine, 2007 personnages très éloignés de sa propre personnalité : un policier New York, de nos jours. Elizabeth alcoolique incapable de concevoir la Réalisation : Wong Kar Wai doit faire face à une rupture Interprètes : , séparation d’avec sa jeune épouse ; douloureuse. Elle échange des une habituée des tables de jeu en , David Strathairn, confidences nocturnes avec un , délicatesse avec son père. patron de bar, qui a vécu une situation comparable. C’est Photo : La mise en résonance de ces l’occasion de déguster de destins individuels permet à généreuses parts de tartes aux Production : Wong Kar Wai Elizabeth de relativiser sa situation. myrtilles. Face aux abîmes du vide existentiel

Distribution en Suisse: et aux mirages de la nuit, elle en Pour tourner la page, Elizabeth vient à reconsidérer sa vie sous un Frenetic Films prend le large et occupe des emplois nouvel angle et à explorer sa propre de serveuse dans des restaurants personnalité. Version française ou version populaires de plusieurs Etats originale anglaise, sous-titres différents. Energique et attentive aux français-allemands. ______Durée : 1h40 Commentaires Leung) en 2000. Le très sophistiqué Public concerné : Age légal 10 « 2046 » est reparti bredouille en 2004 après avoir été attendu comme ans / Age suggéré 14 ans Né en 1958 à Shanghaï, Wong Kar la Palme potentielle. Choisi pour Wai a émigré à Hong Kong avec ses ouvrir la 60ème édition du festival en parents à l’âge de cinq ans. 2007, « My Blueberry Nights » est le C’est là qu’il a réalisé, dès 1989, des premier film en anglais de son films à l’esthétique flamboyante, réalisateur. baignés de musiques inoubliables, « Parfois, la distance physique entre aussitôt récupérées par les deux personnes peut être courte, publicitaires du monde entier pour mais la distance émotionnelle se leur irrésistible parfum glamour. mesurer en kilomètres. « My Présente à Locarno en 1994 Blueberry Nights » porte un regard (« »), l’œuvre du sur ces éloignements de différents réalisateur est indissociablement liée points de vue. J’ai voulu explorer ces au Festival de Cannes : son premier étendues, aussi bien au sens figuré film y a été montré à la Semaine de que littéral, et les distances qu’il faut la critique en 1989 (« As Tears Go parcourir pour en venir à bout ». By »). « Happy Together » a obtenu Telle est la note d’intention délivrée le Prix de la mise en scène en 1997, par Wong Kar Wai. « » le Prix

d’interprétation masculine (Tony Catapultant la chanteuse Norah inventivité de tous les instants dans Disciplines et thèmes Jones dans son premier rôle au la manière de traiter l’espace et la concernés cinéma, le réalisateur s’est livré à couleur. Usant de focales souvent une expérimentation formelle qui longues (qui écrasent la donne au film un charme entêtant. perspective), la caméra isole les Education aux médias : Mettant de côté les aspects sociaux personnages dans des zones floues Un genre : le road movie. et politiques du moment, il s’est et indéfinissables, à peine trouées attaché à figurer un espace par les néons de la nuit. Les Etats-Unis sous le regard américain abstrait, impersonnel, L’univers ainsi capté par Wong Kar d’un réalisateur étranger. nocturne et saturé de couleurs. Wai fétichise jusqu’à l’hypnose Raccourci de 16 minutes depuis sa quelques facettes de la société de Esthétique du cinéma, esthétique présentation cannoise, le film est consommation, en même temps qu’il de la peinture et esthétique construit en trois épisodes de même en trahit les failles béantes. publicitaire : des rapports longueur. Dans la première, La confrontation entre la « naïve » complexes Elizabeth et Jeremy échangent leurs Elizabeth et la « menteuse » confidences. Dans la seconde, professionnelle Leslie reflète Elizabeth tente de comprendre et également deux manières très d’enrayer la descente aux enfers différentes de mener sa vie dans une alcoolisée du policier Arnie. Dans la société de l’apparence et du troisième, elle partage un bout de glamour. route avec la flambeuse Leslie. A son habitude, Wong Kar Wai a L’épilogue la ramène dans le bar de complété la partition originale (due à Jeremy à New York. ) par des chansons qui Sous les dehors modestes de son donnent une couleur décisive à argument scénaristique (le film a été certains personnages. Les chansons co-écrit avec l’auteur de romans de Chan Marshall () policiers ), « My donnent ainsi toute sa profondeur Blueberry Nights » fait preuve d’une au chagrin d’Elisabeth. ______

Objectifs présenter un pays qui n’est pas le sien. - Lier arbitrairement l’origine - Faire le lien entre la du road movie au roman de peinture réaliste américaine Jack Kerouac (« On the (Edward Hopper en tête), Road ») et définir son l’esthétique potentiel romanesque, à cinématographique de « My partir de quelques films du Blueberry Nights » et genre. l’esthétique publicitaire. - Situer les choix faits par un Définir à quelles fonctions réalisateur de cinéma pour répond chacune d’entre elles. ______

Pistes pédagogiques Lister ce que Wong Kar Wai a voulu montrer concrètement des Etats- 1) Le road movie Unis (décors, objets, paysages, mais Etablir une liste de quelques films aussi pratiques et valeurs). célèbres du genre depuis la parution Mettre surtout en évidence ce qu’il a du roman de Jack Kerouac (« Sur la complètement laissé hors champ (la route ») en 1957. politique, l’Irak, la religion, les Montrer en quoi ces films répondent médias…) à un besoin d’évasion, d’expérimentation, de découverte de Tenter de définir les caractéristiques soi, de rupture par rapport au passé, de ce regard : est-il empathique, aux convenances sociales. ironique, désabusé, moqueur ? Mettre en évidence l’identification Wong nous parle-t-il des Américains aisée que le spectateur établit avec en particulier ou des individus en les héros de ces histoires. Evoquer général ? la notion de vie par procuration. 3) L’esthétique 2) Le regard extérieur Présenter les toiles d’Edward Hopper en annexe de la fiche (“Nighthawks” et “Automat”) : Relever enfin en quoi l’esthétique du s’attarder sur leurs caractéristiques cinéaste se rapproche de (composition, couleurs, usage du l’esthétique publicitaire noir et de la lumière, choix des (glamourisation des acteurs, recours personnages). Mettre en évidence à des archétypes, couleurs pétantes, leurs qualités expressives (monde mise en mouvement du désir par le de la nuit, désoeuvrement, solitude, jeu des lumières et des musiques). grand écart entre la foule et les Montrer en quoi sa démarche solitaires). l’éloigne de l’esthétique publicitaire : Comparer avec l’esthétique mise en défiance envers les mirages de place par Wong Kar Wai dans « My l’argent facile, de la fortune Blueberry Nights ») : quelles rapidement amassée. Présentation similitudes ? quelles différences ? de l’envers du glamour. ______

Pour en savoir plus http://fr.wikipedia.org/wiki/Kerouac http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Hopper ______

Christian Georges, collaborateur scientifique, Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, Novembre 2007

Annexes : « Nighthawks », d’Edward Hopper

« Automat », d’Edward Hopper

Trois regards sur MY BLUEBERRY NIGHTS de Wong Kar Wai

Lady sings the Blueberry des trousseaux de clés dans un bocal, si j'ai bien compris. Ces On se console souvent d'une clés abandonnées ou rupture dans les douceurs, ah, repêchées, ce sont les clés des les bienfaits du glucose, surtout liaisons et des ruptures, ce qui s'il a une saveur de myrtilles! Et m'a paru très tiré par les tout particulièrement si on peut cheveux. se gaver de gâteau en La jeune femme nous entraîne compagnie d'un gérant de bistrot de bar en drugstore, de bistrot qui a le look et l'accent de en , croise d'autres êtres Jeremy, joué par l'Anglais Jude L'interprète principale, la dont la souffrance est un peu Law. Mais Jeremy ne semble chanteuse de jazz Norah Hones, comme la sienne, jamais comme pas pouvoir panser l'immense a une voix douce, mesmérisante la sienne. plaie amoureuse d'Elizabeth, elle et caressante, et elle fait un Le fait qu'elle rencontre des ne peut oublier la rupture qui l'a début tout à fait honnête de personnages incarnés par des blessée. Le bar se transforme en comédienne. Sa gracieuse acteurs connus ne m'a pas salle d'attente du bonheur, mais silhouette déambule dans des vraiment réconcilié avec le film : le bonheur se fait attendre, et décors et des éclairages semi- même s'il s'agit d'un couple Elizabeth part, n'en pouvant plus réalistes, au hasards des petits formé par David Strathairn et d'attendre en vain. Le film se boulots et des gens malmenés Rachel Weisz, ou d'une joueuse mue alors en road movie (en par la vie qu'elle rencontre. J'ai invétérée interprétée par Natalie une errance mélancolique), avec cherché à m'intéresser à son Portman. Wong Kar Wai voulait des arrêts boulot-bistrot, à la voyage, j'ai surtout voulu nous donner langueur et poursuite d'une nouvelle vie. comprendre. Mais le réalisateur mélancolie, j'ai surtout trouvé Elle va errer à travers nous offre une histoire des longueurs. l'Amérique, de New York à Las décousue, des rapprochements Vegas, en passant par Los qui n'en sont pas, des Xavier Delmonico, 21 ans, Angeles. rencontres stériles. UNIL, TJC, Lausanne Ce hasard qui guide nos vie, il semble qu'il soit symbolisé par ______

Another piece of (Jude Law) auprès duquel Elle devient Lizzie, puis Betty, blueberry pie, please Elisabeth trouve un certain mais reste égale à elle-même ; réconfort et… de la tarte. En attentionnée envers les autres On reprendrait bien un peu de effet, au début du film on nous quoiqu’un peu crédule. Au fur et ce film savoureux et fait comprendre qu’un homme a à mesure de son périple à délicatement bluesy. Ce fut un quitté Elisabeth pour une autre travers les Etats-Unis, elle se délice pour les sens. Amateurs femme, ce qui la bouleverse. rend compte qu’il y a des de blues et de road movies, Elle entre, ce n'est pas un hommes, tout aussi désemparés rendez-vous dans les salles hasard, dans un bar très "coloré" et vulnérables qu'elle, des obscures. (une composition de couleurs et hommes attachants, et qui ont d'éclairages extrêmes) et remet tous un point commun avec elle, Elizabeth (Norah Jones), une les clés de l’appartement de son le passé, dont ils n’arrivent pas jeune femme à la recherche ex au gérant, qui les range dans tous à faire le deuil et qui les a d’une autre vie, suite à une un pot où se mêlent d’autres conduits parfois à des situations déception amoureuse, nous clés n’ayant jamais retrouvé très difficiles. emmène à sa suite dans les leurs propriétaires. S’ensuit des bars et restaurants très discussions entre Elisabeth et Ce long-métrage, signé Wong modestes, dans lesquels elle va Jérémy, entre tarte aux myrtilles Kar-Waï, fait quelque part office travailler comme barmaid et et glaces. A partir de là, de miroir pour le spectateur, car serveuse et où elle va rencontrer Elizabeth prend conscience on retrouve tous une part de soi des gens qui lui feront assez vite qu’elle ne se détachera du dans les personnages. Qui peut oublier ce lourd passé passé que lorsqu’elle aura mis en effet prétendre ne jamais sentimental qu’elle a laissé un peu de distance entre elle et avoir eu de doutes face à derrière elle. lui. Elle décide de prendre la certains choix ou à certaines poudre d’escampette, pour situations de la vie ? On fait la Tout commence dans un bar changer d’horizon et faire le connaissance des protagonistes géré par un certain Jérémy point. comme on rencontre quelqu’un au hasard d’une rue, d’un bar. Natalie Portman font des Quelqu'un qui, à son insu, et au apparitions remarquées et nôtre sans doute, influence notre remarquables. Rachel Weisz en existence par un sourire, une fille de bar, avide d’hommes, et discussion ou un simple regard. Natalie Portman en flambeuse d’argent, jouant au poker le La prestation de Norah Jones moindre dollar qu'elle a en est très réussie pour son entrée poche. Cette belle distribution dans le monde du cinéma. Elle n'a fait que confirmer le plaisir incarne un personnage qui gourmand que j'ai pris au film. semble avoir été fait sur mesure Les personnages sont hauts en pour cette talentueuse auteur- couleurs, mélancoliques et interprète de blues (Norah Jones délicieux. Et le film est bercé par n’est autre que la fille du célèbre la bande originale que j'ai Ravi Shankar). Jude Law, quant trouvée très belle et dont la à lui, nous surprend en campant plupart des titres sont interprétés un personnage loin de ceux qu'il par l’actrice principale en a incarnés dans ses derniers personne ! films et très loin de son image de Fantasmagorique…et doux Mélanie Beier, 20 ans, TJC, sex-symbol … Rachel Weisz et comme un « blueberry pie » Gymnase de Morges, Bière ______

Voyage au bout de soi- lumières et de ralentis qui même donnent du caractère au film. Des destins se croisent au fil des Fantastiquement et absolument emplois de serveuse génial !!!! Un « road movie » qu'Elizabeth, alias Lizzie, exerce agréable à voir avec des au travers des Etats-Unis. Partie personnages vraiment attachants. de New York, elle n’aura peut- La chanteuse Norah Jones être pas pris le chemin le plus devient le temps de ce film une court pour traverser la rue et se actrice avec une aura de poésie, laisser « simplement » aller dans de tendresse et de nostalgie les bras d’un Jude Law séduisant fascinante. Elle donne envie de la et captivant. suivre sur son chemin. Chacun Au fil des rencontres, des désirs, des personnages que son des regrets et des remords des personnage rencontre cache une autres, à la croisée de son destin sensibilité et une souffrance sous et de celui des êtres auprès une fragile carapace, et parfois il de Norah Jones qui desquels elle s'arrête un peu, laisse apparaître une partie de sa accompagnent ponctuellement sa Lizzie progresse peu à peu dans douleur. Au fil des rencontres, on prestation. Des images qui sont la découverte d'elle-même, de sa a de plus en plus envie de se de véritables tableaux. Des propre sensibilité et de ses laisser emporter et bercer par les couleurs sensibles, violemment attentes, mélodies douces contrastées, ou harmonieusement fondues, qui dansent sur les Nina Spahr, 25 ans, licenciée notes de musique. Des prises de en sciences sociales, TJC, vues inattendues, avec un jeu de Bussigny ______

Coordination : Suzanne Déglon Scholer, enseignante au gymnase, responsable de Promo-Film EcoleS et de la TRIBUne des Jeunes Cinéphiles, janvier 2008