Document généré le 26 sept. 2021 19:33

Ciné-Bulles

Sous les charmes des néons fluorescents My Blueberry Nights de Wong Kar-wai Stéphane Defoy

Volume 26, numéro 3, été 2008

URI : https://id.erudit.org/iderudit/60816ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique)

Découvrir la revue

Citer ce compte rendu Defoy, S. (2008). Compte rendu de [Sous les charmes des néons fluorescents / My Blueberry Nights de Wong Kar-wai]. Ciné-Bulles, 26(3), 61–62.

Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 2008 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ My Blueberry Nights, il ressasse les mê­ a transposé l'action dans un snack-bar où My Blueberry Nights mes obsessions,celle s surtout de ses deux atterrit Elizabeth (Jones),un e femme trom­ de Wong Kar-wai œuvres précédentes, le futuriste 2046 péepa rso n amoureux etdon t Jeremy (Law) • (2004) et le languissant In the Mood for écoute les confidences tout en succom­ Love (2000). Au menu, on retrouve des bant aux charmes de la malheureuse. Le Sous les charmes êtres qui tentent de se rapprocher tout en reste du film illustre le voyage solitaire de des néons étant incapable de s'unir, des cœurs en la jeune femme faisant escale dans des bandoulière et des âmes esseulées incar­ coins perdus des États-Unis. Délaissant la fluorescents nés, entre autres, par la chanteuse Norah douce et intemporelle mélancolie chinoise, Jones, qui décroche son premier rôle au le réalisateur d'Happy Together (1997) STÉPHANE DEFOY grand écran tout en composant l'une des façonne cette fois un univers dans lequel pièces musicales du film, ainsi que Jude il expose une vision simpliste et éculée de omme plusieurs cinéastes de re­ Law(Breakin g and Entering,Col d Moun­ l'Amérique profonde. Àcoup s de bagnoles nommée internationale, WongKar - tain) en barman compréhensif. de luxe,d e clinquants,d e bagarres C wai s'est laissé tenter par l'aven­ de rue et de beuveries dans des bars mi­ ture américaine.Tournan t pour lapremièr e Lapremièr e partied u film reprend latram e teux, il ressort les clichés d'une Amérique fois en anglais, le réalisateur hongkongais d'un court métrage que le cinéaste a réa­ rurale sans foi ni loi.Loi n des regards fur- accouche d'un film mineur qui porte néan­ lisé à sesdébuts ,u n dîner filmé tel un huis tifs et des mystères enrobés dans des am­ moins lescea u des agriff e inimitable.Dan s clos. Pour son plus récent long métrage,i l biances vaporeuses qui faisaient le charme

My Blueberry Night*

CINF3L/LLES VOLUME 26 NUMÉRO 3 .61 CRITIQUES

de , My Blueberry et de snack-bars. Ainsi, le rose et le vert Redbelt Nights est farci de dialogues qui parfois des lumières fluorescentes ressortent àmer ­ sonnent faux et donnent au film un aspect veille des ambiances feutrées dans les­ de David Mamet superficiel. Rarement a-t-on autant parlé quelles le réalisateur prend visiblement • — souvent pour dire peu de choses — plaisir à installer ses histoires de cœurs dans les œuvres précédentes du cinéaste. brisés. Il faut également voir My Blue­ La ceinture berry Nights pour les magnifiques scènes souillée Cependant,cett edérive ,tan t géographique de nuit, captées par le directeur de la pho­ quesentimentale ,s'avèr e teintéed'un e légè­ tographie , qui servent de OLIVIER THIBODEAU reté absente de 2046 ou de Fallen Angels transitions entre les différents segments. (1997). My Blueberry Nights propose D'ailleurs,ce simage s d'un NewYor knoc ­ néanmoins des instants délectables, surtout turne ne sont pas sans rappeler l'œuvre la n film d'arts martiaux de David Mamet? Le dramaturge a-t-il dans lepremie rchapitr e tourné àNe wYork , plus réussie du cinéaste, Chungking Ex­ changé de cap au gré de la brise? la nuit, dans un restaurant de quartier. Le press (1995),qu i avait été filmée dans les U Ouie tnon .Faut e de jurisprudence,o n pour­ cinéaste fait ressortir de cet endroit une ruelles de Hong-Kong aux petites heures rait le qualifier de «tragédi e martiale ». atmosphère chaleureuse etaccueillant e pré­ du matin alors qu'il travaillait le reste de C'est unbe lovn i qui,malheureusement , ris­ cisément lorsque lesdeu xpersonnage s prin­ lajourné e à d'autres projets. que devit e quitter lescieu x hollywoodiens, cipaux s'apprivoisent mutuellement, après car il y a fort à parier que les spectateurs la fermeture du commerce. Par contre, la Danscett e grande poésied el'imag e jamais avides de sensations fortes seront rebutés chimie entre le personnage d'Elizabeth et lassante,l e cinéaste continue de filmer les par son verbiage et sa moralité. les étrangers qu'elle rencontre au cours de femmes avec une envoûtante sensualité. son périple n'opère pas toujours. Cela est Après l'ensorcelante Maggie Cheung et la Dans ce film, Chiwetel Ejiofor incarne dû en grande partie au manque de consis­ pétillante ,c'es t au tour de Norah MikeTerry , un professeur de jiu-jitsu dont tance,e n matière de profondeur psycholo­ Jones de faire chavirer les cœurs. Alors la rectitude morale constitue un fardeau gique, des protagonistes secondaires qui qu'on la découvre assoupie au comptoir dans unmond eo ù règne l'avarice.Pa rprin ­ sont poutant incarnés de façon plutôt con­ du snack-bar de Jeremy, un soupçon de cipe,i l refuse decompétitionner , bien qu'il vaincante par des acteurs de renom tels crème glacée au bord des lèvres, on est pourrait ainsi alléger sesproblème s moné­ que (The Constant Garde­ séduit par cette image enchanteresse. taires.Cett edéterminatio n autodestructrice ner) et (Golden State). Confirmant son raffinement visuel, Wong se poursuit jusqu'au jour où le sort l'ac­ Kar-wai demeure plus que jamais le spé­ cable de telle sorte qu'il se trouve forcé de participer contre son gré à un tournoi où Si l'intrigue n'est pas des plus passionnan­ cialiste d'une mise en images toute asia­ les principes premiers des arts martiaux tes, la griffe du réalisateur s'avère toute­ tique et totalement singulière. Il faut sont dénaturés au profit du spectacle. fois éloquente sur le plan formel. D'une maintenant espérer qu'il puisse sortir del a élégance suprême et d'un style totalement redondance des récits d'amour pur et Malgré sa narration linéaire,Redbel t neli ­ assumé, My Blueberry Nights peut aisé­ révolu dans laquelle il patauge depuis le vrepa s sessecret s sifacilement . C'est avant ment être admiré pour sa beauté formelle. succès international de In the Mood for tout une œuvre symbolique dont les aléas Le maniérisme duréalisateu r s'affiche dans Love. • du récit s'inscrivent dans la constatation cette œuvre aérienne et gracieuse au pos­ globale que fait l'auteur : l emond e contem­ sible. Toujours aussi perfectionniste lors­ My Blueberry Nights porain est corrompu par l'argent. Ce n'est qu'il s'agit d'étaler son savoir-faire, il use pas là un thème nouveau, mais grâce à lui, de procédés déjà expérimentés dans ses 35 mm / coul. / 95 min / 2007 / fict. / on retrouve le Mamet des beauxjour s (on Hong-Kong-France-États-Unis précédents projets.Ainsi ,le s mouvements pourrait aller jusqu'à affirmer que Red­ de caméra auxquels on intègre des ralentis Real. : Wong Kar-wai belt est au jiu-jitsu cequ e Glengarry Glen hypnotiques sont toujours aussi présents, Seen. : Wong Kar-wai et Ross était à l'immobilier). Qui plus est, conférant au film un effet lancinant. Kar- Image : Darius Khonji Mus. : puisqu'on applique ce thème aux films wai utilise également le rayonnement des Mont. : Suk Ping d'arts martiaux,un e nouvelle dimension se néons afin de confectionner des éclairages Prod. : A JetTon e Films profile.Ainsi ,au-del à de la critique sociale gonflés de halos lumineux donnant un Dist. :Équinox e Films Int. : , , Rachel Weisz, qu'il propose,c efil m est assorti d'une cri­ caractère irréel à plusieurs scènes de bars Natalie Portman tique du genre.

62. VOLUME 26 NUMÉRO 3 CME3ULLES