Intégrale Gabriel pour voix des mélodies et piano Fauré

Hélène Guilmette Julie Boulianne Antonio Figueroa Marc Boucher

Olivier Godin | piano Érard (1859)

ACD2 2741 4 CD Intégrale Gabriel pour voix des mélodies et piano Fauré

Hélène Guilmette soprano Julie Boulianne mezzo-soprano Antonio Figueroa ténor | tenor Marc Boucher baryton | baritone

Olivier Godin piano Érard (1859) CD 1

1 w LE PAPILLON ET LA FLEUR, op.1 no 1 HG [ 2:18 ] 14 w AUBADE, op. 6 no 1 MB [ 1:45 ] 2 w MAI, op. 1 no 2 AF [ 1:49 ] 15 w TRISTESSE, op. 6 no 2 MB [ 2:24 ] 3 w PUISQUE J’AI MIS MA LÈVRE AF [ 3:15 ] 16 w SYLVIE, op. 6 no 3 AF [ 2:22 ] 4 w TRISTESSE D’OLYMPIO MB [ 3:50 ] 17 w APRÈS UN RÊVE, op. 7 no 1 MB [ 2:49 ] 5 w DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE, op. 2 no 1 AF [ 1:50 ] 18 w HYMNE, op. 7 no 2 AF [ 1:40 ] 6 w LES MATELOTS, op. 2 no 2 MB [ 1:20 ] 19 w BARCAROLLE, op. 7 no 3 AF [ 1:56 ] 7 w L’AURORE, op. posth HG [ 1:24 ] 20 w AU BORD DE L’EAU, op. 8 no 1 JB [ 2:03 ] 8 w SEULE, op. 3 no 4 JB [ 2:50 ] 21 w ICI-BAS, op. 8 no 3 HG [ 1:19 ] 9 w LA CHANSON DU PÊCHEUR, op. 4 no 1 MB [ 2:57 ] 22 w LA RANÇON, op. 8 no 2 MB [ 1:58 ] 10 w LYDIA, op. 4 no 2 MB [ 2:27 ] DEUX DUOS POUR DEUX SOPRANOS HG – JB 11 w CHANT D’AUTOMNE, op. 5 no 1 MB [ 4:18 ] 23 w I. Puisqu’ici-bas, op. 10 no 1 [ 2:54 ] 12 w RÊVE D’AMOUR, op. 5 no 2 HG [ 2:36 ] 24 w II. Tarentelle, op. 10 no 2 [ 2:18 ] 13 w L’ABSENT, op. 5 no 3 MB [ 3:35 ] CD 2

1 w NELL, op. 18 no 1 AF [ 2:06 ] DEUX CANTIQUES 2 w LE VOYAGEUR, op. 18 no 2 AF [ 2:14 ] 17 w I. En prière MB [ 2:15 ] 3 w AUTOMNE, op. 18 no 3 MB [ 2:29 ] 18 w II. Noël, op. 43 no 1 HG [ 2:28 ]

o JB 4 w LES BERCEAUX, op. 23 n 1 [ 2:27 ] 19 w NOCTURNE, op. 43 no 2 MB [ 2:23 ] o HG 5 w NOTRE AMOUR, op. 23 n 2 [ 1:50 ] 20 w LES PRÉSENTS, op. 46 no 1 JB [ 1:32 ] o MB 6 w LE SECRET, op. 23 n 3 [ 2:29 ] 21 w CLAIR DE LUNE, op. 46 no 2 AF [ 2:48 ] POÈME D’UN JOUR, op. 21 AF 22 w LARMES, op. 51 no 1 AF [ 2:27 ] 7 w I. Rencontre [ 2:21 ] 23 w AU CIMETIÈRE, op. 51 no 2 AF [ 4:20 ] 8 w II. Toujours [ 1:17 ] 24 w SPLEEN, op. 51 no 3 MB [ 2:15 ] 9 w III. Adieu [ 2:23 ] 25 w LA ROSE, op. 51 no 4 HG [ 2:29 ]

10 w CHANSON D’AMOUR, op. 27 no 1 MB [ 1:42 ] , op. 57 (extraits - version pour voix et piano) AF 11 w LA FÉE AUX CHANSONS, op. 27 no 2 HG [ 1:47 ] 26 w I. Chanson [ 1:28 ] 12 w MADRIGAL, op. 35 [Quatuor] HG – JB – AF – MB [ 4:00 ] 27 w II. Madrigal [ 1:26 ]

o HG 13 w AURORE, op. 39 n 1 [ 2:08 ] 28 w VOCALISE-ÉTUDE HG [ 3:02 ] o AF 14 w FLEUR JETÉE, op. 39 n 2 [ 1:25 ] 29 w SÉRÉNADE DU BOURGEOIS GENTILHOMME, [ 1:23 ] 15 w LE PAYS DES RÊVES, op. 39 no 3 AF [ 3:07 ] op. posth MB 16 w LES ROSES D’ISPAHAN, op. 39 no 4 AF [ 2:36 ] CD 3

CINQ MÉLODIES DE VENISE, op. 58 MB 15 w PLEURS D’OR, op. 72 [ 2:34 ] (Duo pour soprano et baryton) HG – MB 1 w I. Mandoline [ 1:44 ] 16 w LE PARFUM IMPÉRISSABLE, op. 76 no 1 AF [ 2:21 ] 2 w II. En sourdine [ 3:06 ] 17 w ARPÈGE, op. 76 no 2 HG [ 2:22 ] 3 w III. Green [ 1:35 ] 18 w MÉLISANDE’S SONG [ 2:38 ] 4 w IV. À Clymène [ 2:33 ] [ext. : Suite Pelléas et Mélisande, op. 80, Acte II] HG 5 w V. C’est l’extase [ 2:34 ] 19 w PRISON, op. 83 no 1 HG [ 2:06 ] LA BONNE CHANSON, op. 61 AF 20 w SOIR, op. 83 no 2 HG [ 2:07 ] 6 w I. Une Sainte en son auréole [ 1:59 ] 21 w DANS LA FORÊT DE SEPTEMBRE, op. 85 no 1 MB [ 3:07 ] 7 w II. Puisque l’aube grandit [ 1:37 ] 22 w LA FLEUR QUI VA SUR L’EAU, op. 85 no 2 MB [ 2:13 ] 8 w III. La lune blanche luit dans les bois [ 2:27 ] 23 w ACCOMPAGNEMENT, op. 85 no 3 MB [ 3:11 ] 9 w IV. J’allais par des chemins perfides [ 1:46 ] 24 w LE PLUS DOUX CHEMIN, op. 87 no 1 MB [ 1:18 ] 10 w V. J’ai presque peur, en vérité [ 2:18 ] 25 w LE RAMIER, op. 87 no 2 MB [ 1:35 ] 11 w VI. Avant que tu ne t’en ailles [ 2:43 ] 26 w LE DON SILENCIEUX, op. 92 JB [ 2:14 ] 12 w VII. Donc, ce sera par un clair jour d’été [ 2:32 ] 27 w CHANSON, op. 94 MB [ 1:15 ] 13 w VIII. N’est-ce pas ? [ 2:38 ] 28 w SÉRÉNADE TOSCANE, op. 3 no 2 AF [ 2:39 ] 14 w IX. L’Hiver a cessé [ 2:51 ] 29 w C’EST LA PAIX, op. 114 HG [ 1:20 ] CD 4

LA CHANSON D’EVE, op. 95 JB MIRAGES, op. 113 HG 1 w I. Paradis [ 7:33 ] 15 w I. Cygnes sur l’eau [ 3:30 ] 2 w II. Prima verba [ 2:21 ] 16 w II. Reflets dans l’eau [ 4:20 ] 3 w III. Roses ardentes [ 1:24 ] 17 w III. Jardin nocturne [ 2:59 ] 4 w IV. Comme Dieu rayonne [ 2:05 ] 18 w IV. Danseuse [ 2:16 ] 5 w V. L’aube blanche [ 1:32 ] LE JARDIN CLOS, op. 106 JB 6 w VI. Eau vivante [ 1:20 ] 19 w I. Exaucement [ 1:08 ] 7 w VII. Veilles-tu ma senteur de soleil [ 1:47 ] 20 w II. Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux [ 1:02 ] 8 w VIII. Dans un parfum de roses blanches [ 1:50 ] 21 w III. La messagère [ 1:47 ] 9 w IX. Crépuscule [ 2:54 ] 22 w IV. Je me poserai sur ton cœur [ 1:37 ] 10 w X. Ô mort, poussière d’étoiles [ 2:57 ] 23 w V. Dans la nymphée [ 2:51 ] L’HORIZON CHIMÉRIQUE, op. 118 MB 24 w VI. Dans la pénombre [ 1:28 ] 11 w I. La mer est infinie [ 1:39 ] 25 w VII. Il m’est cher, Amour, le bandeau [ 1:27 ] 12 w II. Je me suis embarqué [ 2:35 ] 26 w VIII. Inscription sur le sable [ 2:04 ] 13 w III. Diane, Séléné [ 2:03 ] 14 w IV. Vaisseaux, nous vous aurons aimés [ 1:48 ] Note : Les initiales font référence aux noms des chanteurs. The initials refer to the name of the singers. Fauré était encore élève de Saint-Saëns à l’Ecole Niedermeyer lorsqu’il composa en 1861 ses deux premières mélodies op. 1, Le Papillon et la Fleur et Mai, toutes deux sur des poèmes de Victor Hugo, l’auteur favori de Saint-Saëns, qu’il avouera plus tard avoir eu de la difficulté à mettre en musique. L’auteur des Contemplations était lui-même trop éloquent es mélodies de Fauré ont été pensées, lors de leur composition, pour des interprètes et manquait du discret mystère indispensable à la création fauréenne. Ces premières ou du moins des types de voix particuliers. C’est pourquoi, à rebours de la pratique mélodies, comme celles de l’op. 2, sont encore proches de la romance et s’abandonnent Lcourante, il est indispensable de respecter la destination initiale de chaque mélodie, sans retenue à la joliesse mélodique « à la Gounod ». Ces nombreuses mélodies de jeunesse, et donc de les confier à quatre interprètes différents ( soprano, alto, ténor, baryton ), ainsi on entend par là celles composées avant 1873, ont en commun, outre leur agrément que la tonalité originale. L’emploi d’un piano Érard de 1859, accordé au diapason officiel de mélodique, un certain pathos romantique. Peut-être ne les entendrait-on plus guère si l’époque (435 Hz) procède de la même recherche d’une sonorité authentique. elles n’étaient de l’auteur de La Bonne Chanson ou du Clair de lune. On y trouve parfois L’idée même d’intégrale est parfois contestée. Il est certain que toute la production d’un cependant d’intéressantes innovations. Lydia ( Leconte de Lisle ) possède avec sa mélodie compositeur ne se situe pas au même niveau, même chez Fauré. Mais, outre que les pièces pure et soutenue par de sobres accords un aspect hellénique ( qui convient évidemment les plus mineures possèdent leur charme propre, leur présence rend plus sensible l’univers au texte ) et annonce de loin le style des grandes œuvres scéniques futures, Prométhée esthétique et l’évolution du compositeur. Il était donc également utile de faire figurer dans ou Pénélope. Dans d’autres mélodies, l’accompagnement pianistique est au contraire très cette intégrale des pièces qui n’étaient pas vraiment des mélodies au sens classique du travaillé, avec une richesse contrapuntique rare à l’époque dans ce genre de musique. terme, comme la chanson de Shylock ou le « Melisande’s song », tirées de musiques de Enfin et surtout, Fauré s’affranchit à l’occasion ( Chant d’automne, L’Absent ) de la contrainte scène, mais qui s’apparentent au genre. imposée par la forme strophique du texte. C’est alors l’accompagnement pianistique qui varie d’une strophe à l’autre, imposant au texte le principe de la variation musicale.

DU SALON AU GRAND LARGE, LES MÉLODIES DE FAURÉ La fréquentation de la famille de Pauline Viardot, à partir de 1872, puis les brèves fiançailles du compositeur avec Marianne, la fille de la cantarice ( juillet-octobre 1877 ), aurait pu La mélodie française possède une longue histoire, fondamentalement différente du lied infléchir l’inspiration de Fauré vers une écriture plus proche de l’opéra ( La Chanson du allemand. Alors que celui-ci est, à l’origine au moins, indissociable du chant populaire et pêcheur, sur un texte de Gautier ). Mais les fiançailles furent rompues et Fauré reprit son d’une poésie prochaine de la terre, la mélodie est la descendante de la romance, elle- propre chemin. Mais tout n’est pas si simple. Dès 1874, il composait avec Ici-bas ( Sully e même née au XVIII siècle de l’opéra-comique. Pendant la première moitié du siècle Prudhomme ) une courte pièce d’un romantisme discret. Et après la rupture, en 1878, romantique, la romance française ira s’affadissant. Seul un Berlioz, mais assez tardivement la Sérénade toscane, Toujours, la pièce centrale du Poème d’un jour, aux éclats très « grand dans sa carrière, aura su la relever, notamment avec le cycle Les Nuits d’été. Gounod, opéra » ou le célébrissime Après un rêve ( Bussine ) sont les derniers témoignages d’une qui fut prolifique en ce domaine, partit de la romance de salon la plus classique mais esthétique dont il va désormais se détourner. C’est en effet vers cette époque que l’on sut l’orienter vers une composition de goût, volontiers littéraire, n’hésitant pas à enrichir pressent un frémissement nouveau et singulier, qui correspond d’ailleurs avec l’ouverture l’accompagnement de subtiles harmonies, une voie qui fut également suivie, non parfois du « Second Recueil », publié par Hamelle en 1897. Les trois mélodies op.18, Nell ( Leconte sans quelque facilité par Jules Massenet. Saint-Saëns rompit très vite avec la romance, de Lisle ), Le Voyageur et Automne ( Silvestre ) sont à la fois différentes par le ton et choisissant souvent des textes de qualité, et composant avec les Mélodies persanes proches par l’expressivité. Le Voyageur, comme par ailleurs ou Toujours ( Poème d’un jour II ) le premier cycle français entièrement consacré à un poète unique. 12 13 ou plus tard Fleur jetée (Silvestre) sont des pages romantiques âpres et vigoureuses, qui semblent opter pour une sorte de réalisme sentimental et pathétique, très éloigné alors Nell, ainsi que les volets extrêmes du Poème d’un jour de Charles Grandmougin de l’univers imprécis de Verlaine ; Curieusement, dans le même op. 51, les deux dernières ( Rencontre, Adieu ), Automne ( Silvestre ), Les Berceaux ( Sully Prudhomme ) ou encore Le mélodies reviennent à la brume de Verlaine ( Spleen ) et à une certaine préciosité néo Secret ( Silvestre ) sont pleins d’un lyrisme plus intime et douloureux, bien en accord avec hellénique ( La Rose, poème de Leconte de Lisle ). Il semble qu’en cette fin des années 1880, l’univers du poète que Fauré traite alors fréquemment, Armand Silvestre, romantique par Fauré se cherche un peu. Il ne tarde d’ailleurs pas à trouver sa voie authentique avec les le sentiment, parnassien par la forme, poète mineur certes mais qui offre au musicien de cinq mélodies dites « de Venise » ( op.58 ) puis La Bonne Chanson ( op.61 ). Les Mélodies de quoi asseoir son inspiration. Les mélodies de cette époque, par leur charme mélodique Venise sont toutes tirées, comme auparavant Clair de lune, des Fêtes galantes, ce recueil qui dépasse en qualité celui de Gounod ou de Massenet, comptent parmi les plus célèbres qui a séduit tant de musiciens. Ces poésies, publiées en 1869, n’étaient pas toutes récentes du compositeur, marquées parfois par une grâce un brin décadente – Aurore ( Silvestre ), mais coïncidaient avec un certain esprit fin-de-siècle, fasciné par le XVIIIe siècle, les parcs à Les Roses d’Ispahan ( Leconte de Lisle ) au point que de nombreux mélomanes les l’anglaise et tout un monde à la Watteau. Les mélodies furent composées à l’époque d’un considéreront comme le nec plus ultra de la mélodie fauréenne, négligeant les mélodies séjour à Venise effectué par Fauré en 1891 auprès de ( et aux frais de… ) la Princesse de ultérieures et les grands cycles. L’accompagnement pianistique n’y prend pas encore Polignac. Elles furent en fait achevées ou composées au retour en . Outre un climat l’indépendance qu’il acquerra plus tard mais il est beaucoup plus qu’un simple soutien commun, elles possèdent une véritable unité, procurée par un motif récurrent, souplement de la mélodie, évite par la variation la monotonie des répétitions strophiques et crée des transformé mais moins insistant que les leitmotive wagnériens. couleurs harmoniques sensuelles et originales. Une mélodie cependant laisse augurer La Bonne Chanson constitue pour certains le sommet de l’œuvre mélodique de Fauré. un nouveau développement de l’esthétique fauréenne, Le Secret ( Silvestre ), de 1881. On sait que Verlaine avait composé ce recueil à l’occasion de son mariage avec la La sobriété ( qui n’est pas la simplicité ) de la ligne mélodique et de l’accompagnement jeune Mathilde Mauté de Fleurville, union qui n’allait pas tarder à tourner au désastre. anticipe sur le style des meilleures mélodies des années 1890. A ne considérer que l’anecdote, il est évident que c’est aussi l’amour qui a inspiré Fauré, La rencontre avec la poésie de Verlaine, en 1887, a représenté pour Fauré un choc salutaire. celui qu’il porte alors à Emma Bardac ( qui deviendra plus tard Mme Claude Debussy ). Comme de nombreux commentateurs l’ont souligné, Fauré n’illustre pas le poème, ne Cela explique probablement les élans sensuels et passionnés, ainsi que l’ineffable tendresse démarque pas la poésie, ne donne pas vraiment un équivalent sonore du contenu. Il est vrai de la musique. Mais au delà de l’anecdote sentimentale, il est évident que le style de Fauré que la poésie verlainienne, plus suggestive que descriptive, fuyant le pathos, au contraire évolue. La Bonne Chanson est à peu près contemporaine du Sixième Nocturne et de la de celle de Victor Hugo ou d’Armand Silvestre, s’y prêterait mal. Poésie et musique vont Cinquième Barcarolle pour piano, qui voient le compositeur élégamment postromantique, donc emprunter des voies parallèles, la musique possédant sa logique propre, sa forme un peu précieux, un peu salonnard se muer en un artiste audacieusement énergique, déjà propre, nimbant cependant le poème d’un halo poétique d’ensemble illuminant le texte soulevé vers les larges horizons. Saint-Saëns, gardien d’un prudent classicisme s’inquiéta plus qu’elle ne l’illustre ou l’explique. de certaines innovations harmoniques et proclama sans ambages que son ami était devenu fou. De fait, Fauré élargit tellement les parcours harmoniques qu’il en noierait ( presque ) La première mélodie verlainienne de Fauré fut Clair de lune dans lequel, indépendamment le sentiment tonal. du contenu du poème, le piano ( qui semble prédominer ) et la voix s’entrelacent pour faire entendre une sorte de menuet voluptueux et un peu triste. Mais à la même époque, il semble aussi emprunter d’autres chemins, avec Larmes ( op. 51 n°1 ) et Au Cimetière ( op. 51 n°2 ), sur des textes de Jean Richepin, beaucoup plus tendus harmoniquement, 14 15 Quelques mélodies composées entre 1894 et 1897, après La Bonne Chanson semblent Sept ans plus tard, avec Le Jardin clos, Fauré fait encore appel à Van Lerberghe en poursuivre, avec des moyens encore plus raffinés que dans le passé, une inspiration choisissant huit extraits de son recueil Entrevisions. Il confirme aussi son engagement vers d’autrefois. C’est le cas du Parfum impérissable ( Leconte de Lisle ), d’Arpège ( Samain ), une esthétique sobre et concise – les huit mélodies sont brèves – mais au contraire de où l’on retrouve le charme délicat et quelque peu décadent des Roses d’Ispahan ou de La Chanson d’Eve, il opte pour des lignes plus vocales et cantabile, avec parfois même Nell. Avec Prison, il fait ses adieux à Verlaine, dans un style à la fois très lyrique et tout ( « Quand tu poses tes yeux dans mes yeux » ) un élan qui peut rappeler La Bonne Chanson. intérieur. Qu’il ait quitté Verlaine pour Albert Samain n’est probablement pas un hasard. Une fois encore, l’harmonie est simple et sophistiquée. On ne saurait faire plus simple que Le jeune poète lillois incarne la nouvelle poésie, que l’on qualifie du vocable assez imprécis les accords parallèles de Dans la nymphée, mais la tonalité semble tour à tour affirmée, de symboliste. Avec le siècle nouveau, Fauré évolue dans le choix de ses textes, sensible remplacée par des tournures modales ou même franchement suspendue. Ce faisant, Fauré aux brumes de la nouvelle poésie mais aussi dans sa musique, plus sobre, plus concentrée, se montre fidèle à l’atmosphère vague et précise du symbolisme belge. répudiant désormais tout charme trop extérieur et tout alanguissement. Dans la forêt Les poèmes de la Baronne Renée de Brimont n’ont pas toujours bonne réputation auprès de septembre ( Catulle Mendès ) est une bouleversante confession intime d’un homme des spécialistes de Fauré. A tort car cette poétesse aujourd’hui oubliée a su évoquer un qui sent venir la vieillesse, Chanson ( Henri de Régnier ) un cri lyrique d’une étonnante univers personnel avec un art qui rappelle le symbolisme. Les quatre mélodies de Mirages concision, Le Don silencieux ( Jean Dominique ) une brûlante déclaration d’amour, d’un sont globalement de la même encre que Le Jardin clos, avec peut-être des courbes élan schumannien d’autant plus ardent qu’il est sobre et dépouillé. A partir de 1906, Fauré mélodiques et des parcours harmoniques plus construits et accessible. Fauré a composé ne composera plus, hormis une page mineure ( C’est la Paix ) que des cycles de mélodies. Mirages au cours de l’été 1919, à Annecyle-vieux, chez ses amis Maillot qui l’accueillirent La Chanson d’Eve, composée en 1904, se fonde sur dix poèmes ( ou plutôt dix fragments fréquemment. L’art du vieil homme, muré dans sa surdité désormais presque totale a d’un long texte poétique ) du symboliste belge . évolué vers toujours plus d’intériorité, excluant toute facilité. Paradoxalement, Fauré devient de plus en plus classique et rigoureux, tout en évoquant la plus brûlante sensualité Eve à peine née s’émerveille devant le Paradis terrestre et découvre un monde encore ( la « languide et chaude volupté » et les « charmes troublés de désirs et d’ennui » ). vierge avec un regard sensible et sensuel. Après une mélodie liminaire fort développée, les autres numéros, beaucoup plus brefs pour la plupart, sont comment autant d’expressions Le dernier cycle, le plus bref, L’Horizon chimérique (1921) emprunte ses quatre poèmes à fugitives de la perception féminine. Musicalement, Fauré a congédié non seulement toutes Jean de La Ville de Mirmont, jeune écrivain très prometteur tombé au champ d’honneur. les arabesques fin-de-siècle mais aussi toutes les tensions harmoniques qui avaient effrayé Comme dans les meilleurs œuvres de la fin de sa vie ( le Deuxième Quintette, le Trio, le Saint-Saëns dans La Bonne Chanson. L’accompagnement se fait plus sobre, parfois réduit Quatuor à cordes, le Nocturne n°13, la Fantaisie pour piano et orchestre… ), Fauré fait à sa plus simple expression, quoique toujours d’un grand raffinement. La courbe vocale, entendre ici une voix virile. Plus de jardin clos, plus de cygne voguant sur l’eau, cette plus fidèle à la prosodie de la langue, hésite entre le récitatif et le mélisme continu. C’est musique fait voile vers le grand large. N’est-il pas émouvant d’entendre le vieillard clore sa là l’évolution naturelle de la musique française du temps ( que l’on songe à Pelléas et carrière de compositeur de mélodies sur un glorieux accord de ré majeur, dans une tonalité Mélisande ), mais aussi l’évolution particulière de Fauré dont, à cette époque, l’écriture vigoureusement reconquise chantant à pleine voix virile « les grands départs inassouvis » ? devient plus sobre et concentrée, et qui semble prendre goût à la pureté de la ligne – son drame lyrique Pénélope marque à cette même époque l’apogée de cette nouvelle Jacques Bonnaure orientation, que l’on peut aussi constater dans les œuvres contemporaines pour piano ( Barcarolles n°7 à 11, Nocturnes n°9 à 12 ). 16 17 Fauré was still a student of Saint-Saëns at the Ecole Niedermeyer when, in 1861, he composed his first two mélodies, ‘Le Papillon et la Fleur’ and ‘Mai.’ Both of the poems Fauré chose for his Op. 1 were by Victor Hugo, Saint-Saëns’ favorite poet. Fauré later admitted he had difficulty setting Hugo’s words to music; the author of the collection Les auré composed each of his art songs with a particular singer, or at least voice type, Contemplations was too eloquent and lacked the discretion and mystery so crucial to the in mind. For this reason, though contrary to the usual practice, respecting both the music Fauré created. His firstmélodies , such as those of Op. 2, are still close to the romance Finitial assignment (soprano, alto, tenor, or baritone) and original key of each mélodie and unrestrainedly indulge in melodic prettiness in the style of Gounod. Other than their is essential. The quest for authentic sonority also led to the use of an 1859 Érard piano, agreeable tunes, a common feature of the mélodies Fauré wrote in his youth — that is, tuned to the official standard of the period, 435 Hz. before 1873 — is a certain romantic pathos. If they had not been written by the composer The very idea of recording a composer’s complete works is sometimes controversial. of La Bonne Chanson and ‘Clair de lune,’ it is possible that we would hardly ever hear Clearly everything written by any composer, even Fauré, is not of the same quality. them now. They do contain some interesting innovations, however. With its pure melody But even his less significant pieces have their own charm, and including them makes his supported by plain chords, ‘Lydia,’ a setting of a poem by Leconte de Lisle, has a Hellenic esthetic universe and evolution more perceptible. It was also useful to include in this feel which clearly fits the text, and anticipates the style of future major works for the stage recording of all Fauré’s mélodies some pieces that were written as incidental music for the such as Prométhée or Pénélope. In other mélodies, the piano accompaniment is quite the stage — such as Shylock’s or Melisande’s songs — which, though not really mélodies in the opposite: very elaborate, with rich counterpoint then rare in such music. Finally, and most classical sense of the term, are close to the genre. importantly, Fauré occasionally (in ‘Chant d’automne’ and ‘L’Absent’) freed himself from the constraints of the poem’s stophic form, imposing the principle of musical variation on From the Salon to the Open Sea: Fauré’s mélodies the text by allowing the piano accompaniment to vary from verse to verse. French art song has a long history, one that is fundamentally different from that of the His association, beginning in 1872, with the family of the singer Pauline Viardot, and his German lied. While the latter is, at least originally, inseparable from popular song and down- brief (July to October, 1877) engagement to her daughter Marianne, may have nudged to-earth poetry, the former is the child of the romance, a genre of French love songs that, Fauré’s compositional style closer to that of the opera (‘La Chanson du pêcheur,’ to a in turn, originated in 18th-century comic opera. During the first half of the 19th century the text by Gautier). But the engagement was broken and Fauré continued on his own path. romance was dying out. Only Berlioz tried to revive the form, notably in the song cycle Les But all is not so simple. ‘Ici-bas’ (text by Sully Prudhomme), composed in 1874, is a short Nuits d’été, written towards the end of his career. Gounod, a prolific song composer, began piece of discreet Romanticism. In 1878, after he had broken his engagement, he composed by writing classical romances de salon but soon shifted, producing instead compositions three songs — ‘Sérénade toscane;’ ‘Toujours,’ the central song in Poème d’un jour, with that were tastefully, intentionally, and explicitly literary, and unreservedly enriching its very grand-opera outbursts; and the celebrated Après un rêve (text by Bussine) — their accompaniment with subtle harmonies. Jules Massenet followed in the same path, in an esthetic style to which he never subsequently returned. Inklings of new and singular sometimes quite competently. Saint-Saëns very soon broke with the romance, choosing stylistic quirks developing at this time can be heard in the opening songs of Fauré’s instead to set texts of merit; his Mélodies persanes was the first French song cycle entirely Second Recueil, published by Hamelle in 1897. Though in different keys, the three mélodies based on the works of a single poet. of Op.18, ‘Nell’ (Leconte de Lisle), ‘Le Voyageur,’ and ‘Automne’ (Silvestre) are similarly expressive. ‘Le Voyageur,’ like ‘Toujours’ (Poème d’un jour, No. 2) or, later, ‘Fleur jetée’

18 19 (Silvestre) are Romantic works, pungent and vigorous. On the other hand, ‘Nell,’ the Curiously, the last two mélodies in the same Op. 51 return to Verlaine’s fog (‘Spleen’) and outer sections of Poème d’un jour by Charles Grandmougin — ‘Rencontre’ and ‘Adieu’ to a certain Neo-Hellenic affection (‘La Rose’, poem by Leconte de Lisle). As the 1880s —‘Automne’ (Silvestre), ‘Les Berceaux’ (Sully Prudhomme), or even ‘Le Secret’ (Silvestre) drew to a close, Fauré seemed to be questioning himself. However, he soon found his are full of a more intimate and sad lyricism. This music is well suited to the world of Armand authentic voice with the five ‘Venetian’mélodies (Op. 58), and then with La Bonne Chanson Silvestre, whose poems Fauré frequently set. Though only a minor poet, his romantic (Op. 61). The poems of the Mélodies de Venise are all by Verlaine; they come, like ‘Clair de feelings and Parnassian forms sparked the composer’s inspiration. With their melodic lune,’ from Fêtes galantes, a collection that has seduced so many musicians. Though these charms and occasional touches of decadence – ‘Aurore’ (Silvestre), ‘Les Roses d’Ispahan’ poems had been published some decades before — in 1869 — they captured a certain (Leconte de Lisle) — the mélodies Fauré wrote in this period are superior to those of other fin-de-siècle fascination with the 18th century, with English-style parks and the world of composers such as Gounod or Massenet. Many music lovers, in fact, deem these works Watteau. Fauré began composing the mélodies while visiting Venice in 1891 as a guest of to be superior to Fauré`s later mélodies and grand song cycles, and consider them to the Princesse de Polignac, and completed them when he returned to France. They have be his very best songs. In accompanying these songs the piano has not yet acquired the real unity, assured not just by a common mood but by a recurring motif which, with its independence it will have in later works, but it does much more than simply support the supple transformations, is less insistent than a Wagnerian leitmotiv. melody. It avoids, by means of variation, the monotony of strophic repetition and creates For some, La Bonne Chanson is the summit of Fauré’s song-writing. We know that Verlaine sensual and original harmonic colors. One mélodie, however, ‘Le Secret’ (Silvestre) of 1881, wrote the poems in this collection on the occasion of his marriage to the young Mathilde signals a new development in Fauré’s esthetic. The sobriety (but not simplicity) of both Mauté de Fleurville, a union which soon turned into a disaster. The story goes that love also the melodic line and the accompaniment gives an early prophetic glimpse of the style of inspired Fauré: his love for Emma Bardac, who later married Claude Debussy. This probably the best mélodies of the 1890s. explains the music’s sensual and passionate outbursts, and its ineffable tenderness. It is Verlaine’s poetry, which he first read in 1887, gave Fauré a healthy shock. As many clear that Fauré’s style, for whatever reason, was evolving. La Bonne Chanson is more commentators have pointed out, Fauré did not illustrate poems or mark out their rhythms. or less contemporary with his Nocturne No. 6 and his Barcarolle No. 5, works for piano Nor did he really create sonic equivalents of their contents. And Verlaine’s poetry, unlike in which the composer seems like an elegant, post-Romantic, and somewhat precious that of Victor Hugo or Armand Silvestre, does not lend itself to such musical responses: lounge-lizard turning into a boldly energetic artist already scanning broad horizons. Saint- it is more suggestive than descriptive, and steers clear of emotionalism. Instead, when he Saëns, who as a guardian of prudent classicism was bothered by some of Fauré’s harmonic started to set Verlaine, Fauré wrote music whose path paralleled the poetry. His settings innovations, bluntly declared that his friend had gone mad. In fact, Fauré had so extended have their own musical logic and form. Rather than illustrating or explaining each poem, harmonic sequences as to (almost) drown the feeling of tonality. they illuminate it all, like a halo. Several mélodies composed betwen 1894 and 1897, after La Bonne Chanson, seem In Fauré’s first setting of Verlaine, the mélodie ‘Clair de lune,’ the piano seems to to continue in a former style, though with more refined means. For instance, ‘Parfum predominate. It intertwines with the voice quite independently of the poem’s content, impérissable’ (Leconte de Lisle) and ‘Arpège’ (Samain) echo the delicate and somewhat what we hear is a kind of voluptuous and somewhat sad minuet. But at the same period decadent charm of ‘Roses d’Ispahan’ or ‘Nell.’ With ‘Prison,’ in a style that is both very Fauré was also taking other approaches. There is much more harmonic stress in ‘Larmes’ lyrical and introspective, Fauré bids farewell to Verlaine, replacing him with Albert Samain. (Op. 51, No. 1) and ‘Au Cimetière’ (Op. 51, No. 2). In these settings of texts by Jean Richepin, This was probably not just a matter of chance. Samain, a young poet from Lille, was a Fauré opts for sentimental and emotional realism, very far from Verlaine’s vagueness. central figure in the new school of poetry with the quite imprecise label of Symbolism. 20 21 As the new century began, Fauré was evolving both in his choice of texts — he liked sophisticated. Nothing could be simpler than the parallel chords of ‘Dans la nymphée,’ the mistiness of the new poetry — and also in his music, which became more sober and but the tonality is in turn affirmed, replaced by modal ambiguity, or frankly suspended. In concentrated. Henceforth he relinquished all charming effects that were too superficial writing like this, Fauré showed his fidelity to the vague yet precise atmosphere of Belgian and all languor. ‘Dans la forêt de septembre’ (Catulle Mendès) is a startling and intimate Symbolism. confession by a man who feels old age approaching. ‘Chanson’ (Henri de Régnier) is an Fauré specialists do not always think highly of the poems of Baroness Renée de Brimont. astonishingly concise lyric cry. ‘Le Don silencieux’ (Jean Dominique), a burning declaration Such a verdict is unwarranted, for this now-forgotten poetess was capable of evoking a of love, is as fervently Schumannesque as it is sober and plain. From 1906 on, other than a personal universe through an art reminiscent of Symbolism. The four mélodies of Mirages minor autonomous work (‘C’est la Paix’), Fauré composed only song cycles. are consistent with those of Le Jardin clos, though their melodic contours and harmonic La Chanson d’Eve, composed in 1904, is based on 10 poems (or rather 10 fragments of a sequences may be more structured and accessible. Fauré composed Mirages during long poetic text) by the Belgian Symbolist Charles van Lerberghe. the summer of 1919 at Annecy-Le-Vieux while staying, once again, with his old friends the Maillots. He was now an old man, isolated by deafness; it had been increasing and Eve marvels at the Earthly paradise into which she has just been born. Through sensitive, henceforth was almost complete. His art continued to evolve towards more introspection, sensual eyes she sees a whole, virginal world. After a strongly developed introductory eschewing any glibness. Paradoxically, while becoming more classical and rigorous, Fauré number the other mélodies, most much shorter, resemble so many fugitive expressions of evoked the most ardent sensuality (on, for example, the words languide et chaude volupté feminine perception. Musically, Fauré dispenses not only with all fin-de-siècle ornamentation and charmes troublés de désirs et d’ennui). but also with all the harmonic tension that Saint-Saëns had found so upsetting in La Bonne Chanson. The accompaniment becomes more sober — sometimes it is stripped down The last and shortest song cycle, L’Horizon chimérique (1921) sets four poems by Jean de to the simplest possible expression — while always showing great refinement. The vocal La Ville de Mirmont, a promising young artist who had been killed in action. Here, as in contour, now more faithful to the language’s prosody, hesitates between recitative and the best works of the end of Fauré’s life — Piano Quintet No. 2, Piano Trio, String Quartet, continuous melisma. This is the result of the natural evolution both of French music of Nocturne No. 13, Fantasy for piano and orchestra — his voice is virile. There are no more the period (think of Pelléas et Mélisande), but also, specifically, of Fauré’s music. His style walled gardens or swans gliding on the water. This music sets sail for the open sea. Is it not had become simpler and cleaner, seemingly in response to the purity of textual lines. This moving to hear an old man end his career as a writer of mélodies by vigorously returning new approach is evident in his contemporary works for piano — Barcarolles No. 7 to 11, to home key and singing, in full, manly voice of les grands départs inassouvis on a glorious Nocturnes No. 9 to 12 — and reaches its apogee in his lyric drama Pénélope, also written D major chord? at this time. Jacques Bonnaure Seven years later, with Le Jardin clos, Fauré once again set texts by Van Lerberghe, Translated by Sean McCutcheon choosing eight extracts from the latter’s collection Entrevisions. In doing so he confirmed his commitment to a plain and concise esthetic — the eight mélodies are brief — but he

opted for vocal lines that are more singable than those of La Chanson d’Eve. At times — for instance at the words “Quand tu poses tes yeux dans mes yeux” — there is a forward drive reminiscent of that in La Bonne Chanson. Once again, the harmony is simple and

22 23 Hélène Guilmette

aluée pour son timbre lumineux, sa cclaimed for her luminous voice, refined musicianship, and remarkable stage musicalité raffinée autant que pour presence, Quebec soprano Hélène Guilmette has been leading a spectacular Sson abattage scénique, la soprano Ainternational career since she won Second Prize at the prestigious Queen Elisabeth québécoise Hélène Guilmette poursuit une Competition of Belgium in 2004. Over the years, she has performed in some of the world’s brillante carrière internationale depuis son major concert halls and opera houses such as Opera, Royal Opera House Covent deuxième prix au prestigieux Concours Reine Garden in London, Bayerische Staatsoper in Munich, Théâtre de la Monnaie in Brussels, Élisabeth de Belgique en 2004. Au fil des Théâtre du Capitole in Toulouse, Dutch National Opera and Concertgebouw in Amsterdam, ans, on a pu l’entendre tant en concert qu’à Maggio Musicale Fiorentino, Teatro Colón in Buenos Aire and Carnegie Hall in New York. l’opéra sur les plus grandes scènes lyriques du She is renowned for her interpretation of French repertoire and especially Francis Poulenc’s monde dont l’Opéra National de Paris, le Royal music. She has sung La Voix humaine with the Orchestre symphonique de Québec, his Opera House Covent Garden de Londres, le Stabat Mater with the Accademia Nazionale di Santa Cecilia in Rome and his Gloria with Bayerische Staatsoper de Munich, le Théâtre de the Orchestre National de France at the Théâtre des Champs-Élysées in Paris, the roles of la Monnaie de Bruxelles, le Capitole de Toulouse, soeur Constance and Blanche de la Force (Dialogues des Carmélites) in Munich, Bologna, le Dutch National Opera et le Concertgebouw Toronto, Nice, and Lyon and the role of Thérèse (Mamelles de Tirésias) at the Opéra d’Amsterdam, le Maggio Musicale Fiorentino, Comique in Paris, in Lyon and with the BBC Symphony Orchestra at the Barbican Center le Teatro Colón de Buenos Aires, le Carnegie Hall in London; she also did many recitals and have recorded his songs. She has collaborated de New York… Elle est une interprète recherchée with some of the greatest conductors : Emmanuelle Haïm, Bernard Labadie, Kent Nagano, pour ses interprétations du répertoire français, Michel Plasson, François-Xavier Roth, Christophe Rousset, Masaaki Suzuki, Marcello Viotti notamment de Francis Poulenc : le Stabat Mater and stage directors: Robert Carsen, Mariame Clément, Christophe Honoré, Benoît Jacquot, avec l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome, le Gloria avec l’Orchestre National Moshe Leiser, and Patrice Caurier, Macha Makeïeff, Laurent Pelly, Jean-François Sivadier, de France au Théâtre des Champs-Élysées de Paris, des récitals et enregistrements de ses and Dmitri Tcherniakov. mélodies, les rôles de sœur Constance et Blanche de la Force ( Dialogues des Carmélites ) à Munich, Bologne, Toronto, Nice et Lyon ainsi que celui de Thérèse ( Mamelles de Tirésias ) à l’Opéra comique de Paris, à Lyon et avec l’orchestre de la BBC au Barbican Center de Londres. Elle a collaboré avec des chefs d’orchestres de renom tels Michel Plasson, Christophe Rousset, Masaaki Suzuki, Marcello Viotti, Emmanuelle Haïm, Bernard Labadie, Kent Nagano, François-Xavier Roth et les metteurs en scène Robert Carsen, Mariame Clément, Patrice Caurier et Moshe Leiser, Christophe Honoré, Benoît Jacquot, Macha Makeïeff, Laurent Pelly, Jean-François Sivadier et Dmitri Tcherniakov. 25 Julie Boulianne

a mezzo-soprano québécoise Julie rench-Canadian mezzo-soprano Julie Boulianne is a graduate of the Julliard School Boulianne est diplômée de la Juilliard in New York City and of the Schulich School of Music of McGill University. Known for LSchool of Music de New York et de l’École Fthe agility and expressive power of her dark-hued voice in a wide repertoire, she has de musique Schulich de l’Université McGill. a special affinity for the music of Mozart, Rossini, Massenet, and Berlioz. Reconnue pour l’agilité et l’expression de son She has performed operas and concerts with the Metropolitan Opera in New York; at the timbre riche dans un large répertoire, elle a une Royal Opera House and the Royal Albert Hall in London; at the Opéra de Paris and the affinité particulière pour la musique de Mozart, Théâtre des Champs-Élysées; at Carnegie Hall; at the Concertgebouw in Amsterdam; at Rossini, Massenet et Berlioz. the festivals of Aix-en-Provence, San Sebastian, and Matsumoto; and with conductors On a pu l’entendre à l’opéra et en concert au such as Charles Dutoit, Yannick Nézet-Séguin, Michael Tilson-Thomas, Sir John Eliot Metropolitan Opera de New York, au Royal Gardiner, Sir Roger Norrington, Sir Mark Elder, Placido Domingo, Emmanuel Villaume, and Opera House et au Royal Albert Hall de Londres, Alain Altinoglu. She has twice been awarded Opus Prizes by the Conseil Québécois de la à l’Opéra de Paris et au Théâtre des Champs- Musique— the 2014 prize for rayonnement à l’étranger (overseas influence), and the 2017 Élysées, à Carnegie Hall, au Concertgebouw prize for performer of the year. As well, she has been nominated for Grammy Awards, d’Amsterdam, au Festivals d’Aix-en-Provence, International Classical Music Awards, ADISQ, and Juno Awards. de San Sebastian et de Matsumoto, avec des chefs tels Charles Dutoit, Yannick Nézet-Séguin, Michael Tilson-Thomas, Sir John Eliot Gardiner, Sir Roger Norrington, Sir Mark Elder, Placido Domingo, Emmanuel Villaume et Alain Altinoglu. Elle a reçu les Prix Opus de rayonnement à l’étranger 2014 et le Prix Opus de l’Interprète de l’année 2017 offerts par le Conseil Québécois de la Musique, en plus de plusieurs nominations aux Grammy Awards, aux International Classical Music Awards, aux Juno Awards et à l’Adisq.

26 27 Antonio Figueroa

riginaire de Montréal, Antonio Figueroa orn in Montreal, Antonio Figueroa started his career when joining the lyrical Academy débute sa carrière en entrant à l’Atelier of Montreal Opera. He has been rewarded several times, notably by the International Olyrique de l’Opéra de Montréal. Plusieurs BVocal Art Institute when he was granted the Silverman Price for his interpretation fois récompensé, il est notamment remarqué par of Belmonte (Die Entführung aus dem Serail). His highly acclaimed first appearance in l’International Vocal Art Institute qui lui décerne the part of Nadir (Les Pêcheurs de perles) at Avignon Opera paved his way for European le Silverman Price pour son interprétation de theatres, he has indeed been invited to sing on prestigious stages such as Opéra Comique, Belmonte ( Die Entführung aus dem Serail ). Philharmonie de Paris, Théâtre du Capitole in Toulouse, in Liège, Lausanne, at the Theater Ses débuts très remarqués dans le rôle de Nadir an der Wien... while concurrently developing his career across the Atlantic: Pacific Opera, ( Les Pêcheurs de perles ) à l’Opéra d’Avignon lui the operas of Québec, Montréal, Ottawa... His large repertoire extends from baroque music ouvrent les portes de l’Europe, il se produit ainsi (Messiah by Handel, Magnificat and St. John Passion by Bach, Castor et Pollux, Armide) à l’Opéra Comique, à la Philharmonie de Paris, to contemporary creations (The Tempest by Thomas Adès), with a pronounced taste for au Capitole de Toulouse, à Liège, à Lausanne, Mozart (Mitridate, Così fan Tutte, Die Zauberflöte, Die Entführung aus dem Serail ...), french au Theater an der Wien... tout en développant opera of the 19th century (Hamlet, Lakmé, Les Pêcheurs de Perles, Les Mousquetaires sa carrière outre-Atlantique : Pacific Opera, au couvent...), or bel canto (Il Barbiere di Siviglia, L’Elisir d’amore, La Fille du régiment, les opéras de Québec, Montréal, Ottawa... Son Don Pasquale...). répertoire s’étend du baroque ( le Messie de Haendel, le Magnificat et la Passion selon saint- Jean de Bach, Castor et Pollux, Armide ) aux créations contemporaines ( The Tempest de Thomas Adès ), avec une inclination également pour Mozart ( Mitridate, Così fan Tutte, Die Zauberflöte, Die Entführung aus dem Serail… ), l’opéra français du XIXe siècle ( Hamlet, Lakmé, Les Pêcheurs de Perles, Les Mousquetaires au couvent... ), ou le bel canto ( Il Barbiere di Siviglia, L’Elisir d’amore, La Fille du régiment, Don Pasquale... ).

28 29 Marc Boucher

epuis près de 20 ans, le baryton canadien or nearly 20 years, Canadian baritone Marc Boucher has had an active career Marc Boucher mène une carrière active performing in operas, symphony concerts, and recitals. He has sung operatic roles Dtant à l’opéra, au concert symphonique Fin New York and Mexico, including Zurga in Bizet’s The Pearl Fishers, Pelléas in qu’au récital. À l’opéra, soulignons ses Debussy’s Pelléas et Mélisande with the Opéra de Montréal, Escamillo in Bizet’s Carmen prestations à New York et Mexico dans le rôle de in Dublin, Citheron in Rameau’s Platée at the Megaron in Athens, and the Duke of Santa Zurga des Pêcheurs de Perles de Bizet, Pelléas Fe in Théodore Dubois’ Aben Hamet. Upcoming appearances include Golaud in Pelléas et dans Pelléas et Mélisande de Debussy à l’Opéra Mélisande at the Festival d’Opéra de Québec and Publio in Mozart’s La clemenza di Tito de Montréal, Escamillo dans Carmen de Bizet with the Atelier lyrique de Tourcoing. à Dublin, Citheron dans Platée de Rameau au Following the release of the complete songs of Francis Poulenc in autumn 2013 on the Megaron d’Athènes et le Duc de Santa Fe dans ATMA label, he embarked on the complete songs of Gabriel Fauré. Marc Boucher is currently Aben Hamet de Théodore Dubois. Il sera Golaud working on another major undertaking, the complete songs of Jules Massenet. In January dans Pelléas et Mélisande au Festival d’Opéra de 2007, he received the Conseil québécois de la musique’s Opus Award for Recording of the Québec et Publio dans La clemenza di Tito de Year in the Classical, Romantic and post-Romantic Music category, and in 2009, he was Mozart à L’Atelier lyrique de Tourcoing. the recipient of the Opus Award in the Outreach Outside Quebec category. Since 2011, Suite à l’intégrale des mélodies de Francis Marc Boucher has served as the general and artistic director of Festival Classica, in Saint- Poulenc parue à l’automne 2013 sous étiquette Lambert, Quebec, Canada. ATMA, il a initié le projet d’intégrale des mélodies de Gabriel Fauré. Chantier énorme, l’intégrale des mélodies de Jules Massenet, occupe activement l’artiste. Le Conseil québécois de la musique décernait au baryton en janvier 2007 un prix Opus pour le disque de l’année, catégorie Musiques classique, romantique et postromantique. En 2009 il recevait le prix Opus pour son « rayonnement à l’étranger ». Depuis 2011, Marc Boucher assume les fonctions de directeur général et artistique du Festival Classica à Saint-Lambert, Québec, Canada.

30 31 Olivier Godin

riginaire de Montréal, le pianiste Olivier Régulièrement invité à donner des cours de maître en Europe, en Amérique du Nord et au Godin poursuit une brillante carrière au Mexique, il fait partie de plusieurs jurys de concours. Nommé professeur au Conservatoire OCanada et à l’étranger. Invité à se produire de musique de Montréal à l’âge de 25 ans, il travaille également avec les jeunes chanteurs pour de nombreux festivals internationaux tels de l’Université McGill et occasionnellement à l’Atelier lyrique de l’opéra de Montréal. que l’Académie Francis Poulenc et le Festival international Albert-Roussel en France, le Festival native of Montreal, Olivier Godin is pursuing a brilliant career as a pianist in both du Palazzetto Bru Zane à Venise et sur les ondes Canada and abroad. He has been invited to perform in several international festivals de France-Musique et Radio-Canada, on a pu Asuch as l’Académie Francis Poulenc and the Festival international Albert-Roussel in également l’entendre au Canada aux festivals France, the Festival du Palazzetto Bru Zane in Venice, as well as on the airwaves of France- Orford, Lanaudière, Lachine, Classica et Parry Musique and Radio-Canada. In Canada, he has performed at the Orford, Lanaudière, Sound. Lachine, Classica and Parry Sound festivals. Olivier Godin a enregistré une vingtaine de Olivier Godin has recorded over twenty albums, including the complete melodies of disques dont les mélodies complètes de Gabriel Gabriel Fauré (ATMA Classique), Francis Poulenc (ATMA Classique), Henri Dutilleux Fauré ( ATMA Classique ), Francis Poulenc (Passavant) and Henri Duparc (XXI-21); Rachmaninov’s complete works for two pianos ( ATMA Classique ), Henri Dutilleux ( Passavant ) (Société métropolitaine du disque); as well as several records dedicated to works by lesser- et Henri Duparc ( disques XXI-21 ) ; une intégrale known French composers such as André Jolivet, Théodore Dubois and Émile Pessard. His des œuvres pour deux pianos de Rachmaninov recordings have received several awards, including the Orphée d’Or (France) and Opus ( Société métropolitaine du disque ) ; et plusieurs Awards (Quebec). disques consacrés aux œuvres de compositeurs français méconnus tels qu’André Jolivet, Théodore Dubois et Émile Pessard. Ses enregistrements ont reçu plusieurs distinctions tels He has collaborated with numerous lyrical artists, notably Aline Kutan, Hélène Guilmette, qu’un Orphée d’Or (France) et des Prix Opus (Québec). Julie Fuchs, Karina Gauvin, Pascale Beaudin, Julie Boulianne, Michèle Losier, Marie-Nicole Lemieux, Pascal Charbonneau, François Le Roux, Wolfgang Holzmair, Marc Boucher, Parmi les artistes avec qui il a collaboré, on compte notamment les chanteurs Aline Kutan, Russell Braun and Thomas Dolié. He has also given piano four hands recitals with Myriam Hélène Guilmette, Julie Fuchs, Karina Gauvin, Pascale Beaudin, Julie Boulianne, Michèle Farid, Suzanne Blondin, François Zeitouni and Michel Béroff. Losier, Marie-Nicole Lemieux, Pascal Charbonneau, François Le Roux, Wolfgang Holzmair, Marc Boucher, Russell Braun et Thomas Dolié. Il a également donné des récitals à quatre Regularly invited to give master classes in Europe, North America and Mexico, he has mains avec les pianistes Myriam Farid, Suzanne Blondin, François Zeitouni et Michel Béroff. been a jury member in several contests. Appointed as a professor at the Conservatoire de musique de Montréal at the age of 25, he also works with up-and-coming singers at McGill University and periodically at l’Atelier lyrique de l’opéra de Montréal. 32 33 le piano Érard DE LA SALLE BOURGIE

Le piano à queue Érard de la salle Bourgie à Montréal a été fabriqué à Londres en 1859. The Érard grand piano in Montreal’s Bourgie Hall was built in London, Il a été entièrement et minutieusement restauré par Claude Thompson entre 2009 et England in 1859. Claude Thompson completely and meticulously 2011, avant d’être acquis par Pierre Bourgie en octobre 2014. L’instrument est tout à restored it between 2009 and 2011, before Pierre Bourgie fait représentatif du piano romantique tel que le connurent Chopin, Liszt, Schumann, acquired it in October 2014. This instrument is Schubert et les interprètes de leur époque. an authentic exemplar of the Romantic piano as it was known to Chopin, Liszt, Schumann, Ce piano mesure 2,54 m et porte le numéro de série 5974. Schubert, and performers of their time. Il est arrivé au Canada en très mauvais état, après une traversée de l’Atlantique dans un conteneur au miliieu de vieux objets. Soucieux de rendre à l’instrument les qualités sonores The piano measures 2.54 metres in length and bears si typiques des pianos du XIXe siècle, Claude Thompson the series number 5974. When it first arrived in Canada, n’aura ménagé aucun effort pour en faire un instrument digne it was in an advanced state of deterioration after de la réputation de la maison Érard. Les pianos Érard sont crossing the Atlantic in a container along with other aujourd’hui très prisés pour leur sonorité subtile et riche antique objects. Claude Thompson spared no effort qui permet une reconstitution fidèle du style pianistique in restoring the piano’s characteristic 19th-century de l’époque afin de nous faire redécouvrir l’esprit sound qualities, making it a worthy representative de la musique romantique. Pour l’enregistrement of the prestigious Érard firm. Today, Érard pianos are de l’intégrale des mélodies de Gabriel Fauré, highly sought-after for their subtle, rich sonority, le piano Érard était accordé au la 435 Hz, which is fundamental in recapturing Romantic piano style conformément au diapason normalisé en France and reviving the spirit of that period’s music. par l’arrêté ministériel de 1859. The Érard piano used for recording the complete mélodies of Gabriel Fauré was tuned to A=435, the pitch standard established in France by ministerial decree in 1859.

@ Etienne Gautier 34 35 Qui tombe sur la terre à travers tant je n’ai plus à vieillir ! CD 1 Paroles de voiles, Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ; Que l’arbre pénétré de parfums J’ai dans l’âme une fleur que nul et de chants, ne peut cueillir Que le souffle embrasé de midi Votre aile en le heurtant ne fera rien Tu fuis, puis tu reviens ; dans les champs, 1 w LE PAPILLON ET LA FLEUR répandre HG puis tu t’en vas encore Et l’ombre et le soleil, et l’onde, [Victor Hugo] Du vase où je m’abreuve et Luire ailleurs. et la verdure, que j’ai bien rempli. La pauvre fleur disait au papillon céleste : Aussi me trouves-tu toujours Et le rayonnement de toute la nature Mon âme a plus de feu que vous n’avez Ne fuis pas ! à chaque aurore Fassent épanouir comme une double fleur, de cendre ! Vois comme nos destins sont différents. Toute en pleurs ! La beauté sur ton front et l’amour dans Mon cœur a plus d’amour Je reste, ton cœur ! Tu t’en vas ! Oh ! Pour que notre amour coule que vous n’avez d’oubli ! des jours fidèles, Pourtant nous nous aimons, Ô mon roi, 3 w PUISQUE J’AI MIS MA LÈVRE 4 w TRISTESSE D’OLYMPIO AF MB nous vivons sans les hommes Prends comme moi racine, [Victor Hugo] [Victor Hugo] Et loin d’eux, ou donne-moi des ailes Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe Les champs n’étaient point noirs, Et nous nous ressemblons, et l’on dit que Comme à toi ! encor pleine ; les cieux n’étaient pas mornes, nous sommes Puisque j’ai dans tes mains posé Non, le jour rayonnait dans un azur Fleurs tous deux ! 2 w MAI [Victor Hugo] AF mon front pâli ; sans bornes Mais, hélas ! Puisque j’ai respiré parfois la douce haleine Sur la terre étendue. Puisque Mai tout en fleurs dans l’air t’emporte et la terre m’enchaîne. De ton âme, parfum dans l’ombre enseveli ; L’air était plein d’encens et les prés les prés nous réclame. Sort cruel ! de verdures Viens ! ne te lasse pas de mêler à ton âme Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire Je voudrais embaumer ton vol Quand il revit ces lieux où par tant La campagne, les bois, Les mots où se répand le cœur mystérieux ; de mon haleine de blessures les ombrages charmants, Puisque j’ai vu pleurer, puisque j’ai vu sourire Dans le ciel ! Son cœur s’est répandu ! Les larges clairs de lune au bord Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur Mais non, tu vas trop loin ! - Parmi des des flots dormants : mes yeux ; Hélas ! se rappelant ses douces aventures, fleurs sans nombre Le sentier qui finit où le chemin commence, Regardant, sans entrer, par-dessus Puisque j’ai vu briller sur ma tête ravie Vous fuyez, Et l’air, et le printemps et l’horizon immense, les clôtures, Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ; Et moi je reste seule à voir tourner L’horizon que ce monde attache humble Ainsi qu’un paria, Puisque j’ai vu tomber dans l’onde de ma vie mon ombre et joyeux Il erra tout le jour, à l’heure où la nuit tombe, Une feuille de rose arrachée à tes jours, A mes pieds. Comme une lèvre au bas de la robe Il se sentit le cœur triste comme une tombe, des cieux ! Je puis maintenant dire aux rapides années : Alors il s’écria : Viens ! et que le regard des pudiques étoiles, - Passez ! Passez toujours ! 36 37 « Ô douleur ! j’ai voulu, moi, dont l’âme 5 w DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE On se cherche, on se poursuit, Au sein de l’infini ; est troublée, [Victor Hugo] AF On sent croître Des flots rasant la cime, Savoir si l’urne encor conservait la liqueur, Ton aube, amour, dans la nuit Dans le grand désert bleu Et voir ce qu’avait fait cette heureuse vallée Seuls, tous deux, ravis, chantants ! Du vieux cloître. Nous marchons avec Dieu ! De tout ce que j’avais laissé là de mon cœur, Comme on s’aime ! Comme on cueille le printemps On s’en va se becquetant, Que peu de temps suffit pour changer Que Dieu sème ! On s’adore, 7 w L’AURORE, op. posth. HG toutes choses ! On s’embrasse à chaque instant, [Victor Hugo] Quels rires étincelants Nature au front serein, comme vous oubliez! Puis encore, L’aurore s’allume ; Et comme vous brisez dans Dans ces ombres Sous les piliers, les arceaux, L’ombre épaisse fuit ; vos métamorphoses Jadis pleines de fronts blancs, Et les marbres, Le rêve et la brume Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés ! De cœurs sombres ! C’est l’histoire des oiseaux Vont où va la nuit ; Eh bien ! oubliez-nous, maison, jardin, On est tout frais mariés Dans les arbres. Paupières et roses ombrages ! On s’envoie S’ouvrant demi-closes ; Les charmants cris variés Du réveil des choses Herbe, use notre seuil ! 6 LES MATELOTS De la joie. w On entend le bruit. ronce, cachez nos pas ! [Théophile Gautier] MB Chantez, oiseaux ! ruisseaux, coulez ! Frais échos mêlés Tout chante et murmure, Sur l’eau bleue et profonde croissez, feuillages ! Au vent qui frissonne ! Tout parle à la fois, Nous allons voyageant, Ceux que vous oubliez Gaîté que le noir couvent Fumée et verdure, Environnant le monde ne vous oublieront pas. Assaisonne ! Les nids et les toits ; D’un sillage d’argent, Le vent parle aux chênes, Car vous êtes pour nous l’ombre Seuls, tous deux, ravis, chantants ! Des îles de la Sonde, L’eau parle aux fontaines ; de l’amour même ! Comme on s’aime ! De l’Inde au ciel brûlé, Toutes les haleines Vous êtes l’oasis qu’on rencontre en chemin! Comme on cueille le printemps Jusqu’au pôle gelé... Deviennent des voix ! Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême Que Dieu sème ! Nous pensons à la terre Où nous avons pleuré nous tenant par Tout reprend son âme, Quels rires étincelants Que nous fuyons toujours, la main ! » L’enfant son hochet, Dans ces ombres À notre vieille mère, Le foyer sa flamme, Jadis pleines de fronts blancs, À nos jeunes amours; Le luth son archet ; De cœurs sombres. Mais la vague légère Folie ou démence, Avec son doux refrain On effeuille des jasmins Dans ce monde immense, Endort notre chagrin. Sur la pierre Chacun recommence Où l’abbesse joint les mains Existence sublime ! Ce qu’il ébauchait. En prière. Bercés par notre nid, Nous vivons sur l’abîme 38 39 8 w SEULE [Théophile Gautier] JB 9 w CHANSON DU PÊCHEUR 10 w LYDIA [Leconte de Lisle] MB Il me semble bercé par ce choc monotone, [Théophile Gautier] MB Qu’on cloue en grande hâte un cercueil Dans un baiser, l’onde au rivage Lydia sur tes roses joues quelque part ! Dit ses douleurs : Ma belle amie est morte : Et sur ton col frais et si blanc, Pour qui ? c’était hier l’été ; Pour consoler la fleur sauvage, Je pleurerai toujours ; Roule étincelant voici l’automne ! L’aube a des pleurs ; Sous la tombe elle emporte L’or fluide que tu dénoues ; Ce bruit mystérieux sonne Le vent du soir conte sa plainte Mon âme et mes amours. Le jour qui luit est le meilleur, comme un départ ! Aux vieux cyprès, Dans le ciel, sans m’attendre, Oublions l’éternelle tombe ; La tourterelle au térébinthe Elle s’en retourna ; J’aime, de vos longs yeux, Laisse tes baisers de colombe Ses longs regrets. L’ange qui l’emmena la lumière verdâtre, Chanter sur ta lèvre en fleur. Ne voulut pas me prendre. Douce beauté ! Aux flots dormants, quand tout repose, Un lys caché répand sans cesse Que mon sort est amer ! mais aujourd’hui tout m’est amer ! Hors la douleur, Une odeur divine en ton sein : Ah ! Sans amour, s’en aller sur la mer ! Et rien ni votre amour ni le boudoir, ni l’âtre, La lune parle, et dit la cause Les délices comme un essaim La blanche créature Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer ! De sa pâleur. Sortent de toi, jeune déesse. Est couchée au cercueil. Ton dôme blanc, Sainte-Sophie, Comme dans la nature Je t’aime et meurs, ô mes amours. HG Parle au ciel bleu, 12 w RÊVE D’AMOUR [Victor Hugo] Tout me paraît en deuil ! Mon âme en baisers m’est ravie ! Et, tout rêveur, le ciel confie La colombe oubliée O Lydia, rends-moi la vie, S’il est un charmant gazon Son rêve à Dieu. Pleure et songe à l’absent ; Que je puisse mourir toujours ! Que le ciel arrose, Arbre ou tombeau, colombe ou rose, Mon âme pleure et sent Où naisse en toute saison Onde ou rocher, Qu’elle est dépareillée. Quelque fleur éclose, 11 w CHANT D’AUTOMNE Où l’on cueille à pleine main Tout, ici-bas, a quelque chose Que mon sort est amer ! [Charles Baudelaire] MB Pour s’épancher... Ah ! Sans amour, s’en aller sur la mer ! Lys, chèvrefeuille et jasmin, Moi, je suis seul, et rien au monde Bientôt nous plongerons dans J’en veux faire le chemin Sur moi la nuit immense Ne me répond, les froides ténèbres, Où ton pied se pose ! Plane comme un linceul ; Rien que ta voix morne et profonde, Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! Je chante ma romance S’il est un sein bien aimant Sombre Hellespont ! J’entends déjà tomber, Dont l’honneur dispose ! Que le ciel entend seul. avec un choc funèbre, Ah ! Comme elle était belle, Dont le tendre dévouement Le bois retentissant sur le pavé des cours. N’ait rien de morose, Et combien je l’aimais ! J’écoute en frémissant chaque bûche Je n’aimerai jamais Si toujours ce noble sein qui tombe ; Bat pour un digne dessein, Une femme autant qu’elle. L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho Que mon sort est amer ! J’en veux faire le coussin plus sourd. Où ton front se pose ! Ah ! Sans amour, s’en aller sur la mer ! Mon esprit est pareil à la tour qui succombe Sous les coups du bélier infatigable et lourd; 40 41 S’il est un rêve d’amour, 14 w AUBADE [Louis Pomey] MB Célèbrent sous les treilles Vers celui-là Parfumé de rose, Le vin et la beauté ; Qui l’aimera ! Où l’on doive chaque jour L’oiseau dans le buisson La musique joyeuse, Si tu veux savoir ma blonde, Quelque douce chose, A salué l’aurore, Avec leur rire clair Pourquoi sur terre, et sur l’onde Un rêve que Dieu bénit, Et d’un pâle rayon S’éparpille dans l’air, La nuit tout s’anime et s’unit ? Où l’âme à l’âme s’unit, L’horizon se colore, Hélas ! J’ai dans le cœur Je te le dirai ma blonde, Oh ! J’en veux faire le nid Voici le frais matin ! une tristesse affreuse. C’est qu’il est une heure au monde Où ton cœur se pose ! Pour voir les fleurs à la lumière, S’ouvrir de toute part, En déshabillé blanc, Où, loin du jour, Entr’ouvre ta paupière, Les jeunes demoiselles Veille l’amour ! MB 13 w L’ABSENT [Victor Hugo] Ô vierge au doux regard ! S’en vont sous les tonnelles Si tu veux savoir, Sylvie, Au bras de leur galant ; Sentiers où l’herbe se balance, Pourquoi j’aime à la folie La voix de ton amant La lune langoureuse Vallons, coteaux, bois chevelus, Tes yeux brillants et langoureux ? A dissipé ton rêve, Argente leurs baisers Pourquoi ce deuil et ce silence ? Je te le dirai Sylvie, Je vois ton rideau blanc Longuement appuyés, « Celui qui venait ne vient plus ! » C’est que sans toi dans la vie Qui tremble et se soulève, Hélas ! j’ai dans le cœur Tout pour mon cœur Pourquoi personne à ta fenêtre ? D’amour signal charmant ! une tristesse affreuse. Et pourquoi ton jardin sans fleurs ? Descends sur ce tapis de mousse N’est que douleur ! Ô maison ? où donc est ton maître ? La brise est tiède encor, Moi, je n’aime plus rien, 17 w APRÈS UN RÊVE « Je ne sais pas ! il est ailleurs. » Et la lumière est douce, Ni l’homme, ni la femme, Accours, ô mon trésor ! Ni mon corps, ni mon âme, [adapt : Romain Bussine, d’après MB Chien, veille au logis ! « Pourquoi faire ? Pas même mon vieux chien : un auteur anonyme toscan] La maison est vide à présent. » 15 TRISTESSE [Théophile Gautier] MB Allez dire qu’on creuse, Dans un sommeil que charmait ton image Enfant, qui pleures-tu ? « Mon père. » w Sous le pâle gazon Je rêvais le bonheur, ardent mirage, Femme, qui pleures-tu ? « L’absent. » Avril est de retour, Une fosse sans nom, Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure La première des roses, Où donc est-il allé ? « Dans l’ombre. » Hélas ! j’ai dans le cœur et sonore, De ses lèvres mi-closes, Flots qui gémissez sur l’écueil, une tristesse affreuse. Tu rayonnais comme un ciel éclairé Rit au premier beau jour ; D’où venez-vous ? « Du bagne sombre ! » par l’aurore ; La terre bien heureuse Et qu’apportez-vous ? « Un cercueil. » 16 w SYLVIE [Paul de Choudens] AF S’ouvre et s’épanouit, Tu m’appelais et je quittais la terre Tout aime, tout jouit, Si tu veux savoir, ma belle, Pour m’enfuir avec toi vers la lumière, Hélas ! j’ai dans le cœur Où s’envole à tire d’aile, Les cieux pour nous entr’ouvraient une tristesse affreuse ! L’oiseau qui chantait sur l’ormeau ? leurs nues, Je te le dirai ma belle, Splendeurs inconnues, Les buveurs en gaîté, Il vole vers qui l’appelle lueurs divines entrevues, Dans leurs chansons vermeilles, 42 43 Hélas ! Hélas, triste réveil des songes Où s’allument tous les soirs, 21 w ICI-BAS ! [Sully Prudhomme] HG DEUX DUOS POUR SOPRANOS HG – JB Je t’appelle, ô nuit, rends moi Tes yeux noirs, mon épousée. tes mensonges, Ma gondole est aux heureux, Ici-bas tous les lilas meurent, 23 w Puisqu’ici-bas [Victor Hugo] Tous les chants des oiseaux sont courts ; Reviens, reviens radieuse, Deux à deux je les promène, Puisqu’ici-bas toute âme Reviens, ô nuit mystérieuse ! Et les vents légers et frais Je rêve aux étés qui demeurent Toujours... Donne à quelqu’un Sont discret sur mon domaine. Sa musique, sa flamme, 18 w HYMNE [Charles Baudelaire] AF J’ai passé dans les amours, Ici-bas les lèvres effleurent Ou son parfum ; Plus de jours et de nuits folles, Sans rien laisser de leur velours ; Puisqu’ici toute chose À la très chère, à la très belle, Que Venise n’a d’ilots Je rêve aux baisers qui demeurent Donne toujours Qui remplit mon cœur de clarté, Que ses flots n’ont de gondoles. Toujours... Son épine ou sa rose À l’ange, à l’idole immortelle, A ses amours ; Salut en immortalité ! Ici-bas, tous les hommes pleurent 20 w AU BORD DE L’EAU Leurs amitiés ou leurs amours ; Puis qu’avril donne aux chênes Elle se répand dans ma vie [Sully Prudhomme] JB Je rêve aux couples qui demeurent Un bruit charmant ; Comme un air imprégné de sel, S’asseoir tous deux au bord Toujours... Que la nuit donne aux peines Et dans mon âme inassouvie du flot qui passe, L’oubli dormant ; Verse le goût de l’Éternel. Le voir passer, MB 22 w LA RANÇON [Charles Baudelaire] Puisque, lorsqu’elle arrive Comment, amour incorruptible, Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace, S’y reposer, T’exprimer avec vérité ? Le voir glisser, L’homme a, pour payer sa rançon, L’onde amère à la rive Grain de musc, qui gis invisible, À l’horizon, s’il fume un toit de chaume, Deux champs au tuf profond et riche, Donne un baiser ; Au fond de mon éternité ! Le voir fumer, Qu’il faut qu’il remue et défriche Aux alentours si quelque fleur embaume, Je te donne, à cette heure, À la très chère, à la très belle, Avec le fer de la raison. S’en embaumer. Penché sur toi, Qui remplit mon cœur de clarté, Entendre au pied du saule où l’eau murmure Pour obtenir la moindre rose, La chose la meilleure À l’ange, à l’idole immortelle, L’eau murmurer, Pour extorquer quelques épis, Que j’ai en moi ! Salut ton immortalité ! Ne pas sentir, tant que ce rêve dure, Des pleurs salés de son front gris, Le temps durer, Sans cesse il faut qu’il les arrose ! Reçois donc ma pensée, 19 w BARCAROLLE [Marc Monnier] AF Mais n’apportant de passion profonde L’un est l’Art, et l’autre, l’Amour. Triste d’ailleurs, Pour rendre le juge propice, Qui, comme une rosée, Gondolier du Rialto Qu’à s’adorer, Sans nul souci des querelles du monde, Lorsque de la stricte justice T’arrive en pleurs ! Mon château c’est la lagune, Paraîtra le terrible jour, Mon jardin c’est le Lido, Les ignorer ; Reçois mes vœux sans nombre, Mon rideau le clair de lune, Et seuls, tous deux devant tout ce qui lasse Il faudra lui montrer des granges Ô mes amours ! Gondolier du grand canal, Sans se lasser, Pleines de moissons, et de fleurs, Reçois la flamme ou l’ombre Pour fanal j’ai la croisée Sentir l’amour, devant tout ce qui passe Dont les formes et les couleurs De tous mes jours ! Ne point passer ! Gagnent le suffrage des Anges. 44 45 Mes transports pleins d’ivresses, Purs de soupçons, CD 2 Paroles Et toutes les caresses De mes chansons ! Mon esprit qui sans voile 1 w NELL [Leconte de Lisle] AF Et c’est dans son linceul de feu Que je veux m’en aller du monde ! » Vogue au hasard, Ta rose de pourpre à ton clair soleil, Et qui n’a pour étoile Ô Juin, étincelle enivrée, Voyageur, presse donc le pas : Que ton regard ! Penche aussi vers moi ta coupe dorée : L’astre, vers l’horizon, décline... Reçois, mon bien céleste, Mon cœur à ta rose est pareil. « Que m’importe, j’irai plus bas L’attendre au pied de la colline. O ma beauté ! Sous le mol abri de la feuille ombreuse Mon cœur, dont rien ne reste, Monte un soupir de volupté : Et lui montrant mon cœur ouvert. L’amour ôté ! Plus d’un ramier chante au bois écarté. Saignant de son amour fidèle, Ô mon cœur, sa plainte amoureuse. Je lui dirai : j’ai trop souffert, 24 w Tarentelle [Marc Monnier] Soleil ! emporte-moi loin d’elle ! » Que ta perle est douce au ciel enflammé. Aux cieux la lune monte et luit, Étoile de la nuit pensive ! 3 w AUTOMNE [Armand Silvestre] MB Il fait grand jour en plein minuit ! Mais combien plus douce est la clarté vive Viens avec moi, me disait-elle Qui rayonne en mon cœur, en mon cœur Automne au ciel brumeux, Viens sur le sable grésillant, charmé ! Aux horizons navrants, Où saute et brille en frétillant, Aux rapides couchants, aux aurores pâlies, La chantante mer, le long du rivage, La Tarentelle... Je regarde couler, comme l’eau du torrent, Taira son murmure éternel, Tes jours faits de mélancolie. Sus ! sus ! les danseurs, en voici deux, Avant qu’en mon cœur, chère amour, Foule sur l’eau, foule autour d’eux ! Ô Nell, ne fleurisse plus ton image ! Sur l’aile des regrets mes esprits emportés, L’homme est bien fait, la fille est belle ; Comme s’il se pouvait que notre âge Mais gare à vous, sans y penser, 2 w LE VOYAGEUR [Armand Silvestre] AF renaisse ! C’est jeu d’amour que de danser Parcourent, en rêvant, La Tarentelle... Voyageur, où vas-tu, marchant Les coteaux enchantés, Dans l’or vibrant de la poussière ? Où jadis sourit ma jeunesse ! Doux est le bruit du tambourin ! « Je m’en vais au soleil couchant, Si j’étais fille de marin Pour m’endormir dans la lumière. Je sens, au clair soleil du souvenir vainqueur, Et toi pêcheur, me disait-elle Refleurir en bouquet les roses déliées, Toutes les nuits, joyeusement Car j’ai vécu n’ayant qu’un Dieu, Et monter à mes yeux des larmes, Nous danserions en nous aimant, L’astre qui luit et qui féconde. qu’en mon cœur, La Tarentelle... Mes vingt ans avaient oubliées ! 46 47 4 w LES BERCEAUX [Sully Prudhomme] JB Notre amour est chose infinie, Ô dis-moi, serais-tu la femme inespérée, Mais n’espérez pas que mon âme Comme les chemins des couchants, Et le rêve idéal poursuivi vainement ? S’arrache à ses âpres douleurs Le long du Quai, les grands vaisseaux, Où la mer, aux cieux réunie, Ô, passante aux doux yeux, serais-tu donc Et se dépouille de sa flamme Que la houle incline en silence, S’endort sous les soleils penchants ; l’amie Comme le printemps de ses fleurs ! Ne prennent pas garde aux berceaux, Qui rendrait le bonheur au poète isolé, Notre amour est chose éternelle, Que la main des femmes balance. Et vas-tu rayonner sur mon âme affermie, Comme tout ce qu’un dieu vainqueur 9 w III. Adieu Comme le ciel natal sur un cœur d’exilé ? Mais viendra le jour des adieux, A touché du feu de son aile, Ta tristesse sauvage, à la mienne pareille, Comme tout meurt vite, la rose Car il faut que les femmes pleurent, Comme tout ce qui vient du cœur ; Aime à voir le soleil décliner sur la mer ! Déclose, Et que les hommes curieux Notre amour est chose éternelle ! Tentent les horizons qui leurrent ! Devant l’immensité ton extase s’éveille, Et les frais manteaux diaprés Et le charme des soirs à ta belle âme est Des prés ; Et ce jour-là les grands vaisseaux, 6 w LE SECRET [Armand Silvestre] MB cher ; Les longs soupirs, les bien-aimées, Fuyant le port qui diminue, Fumées ! Je veux que le matin l’ignore Une mystérieuse et douce sympathie Sentent leur masse retenue Déjà m’enchaîne à toi comme un vivant Par l’âme des lointains berceaux. Le nom que j’ai dit à la nuit, On voit, dans ce monde léger, Et qu’au vent de l’aube, sans bruit, lien, Changer, Comme une larme il s’évapore. Et mon âme frémit, par l’amour envahie, Plus vite que les flots des grèves, HG 5 w NOTRE AMOUR [Armand Silvestre] Et mon cœur te chérit sans te connaître Nos rêves, Je veux que le jour le proclame bien ! Plus vite que le givre en fleurs, Notre amour est chose légère, L’amour qu’au matin j’ai caché, Comme les parfums que le vent Nos cœurs ! Et sur mon cœur ouvert penché 8 w II. Toujours Prend aux cimes de la fougère, Comme un grain d’encens il l’enflamme. À vous l’on se croyait fidèle, Pour qu’on les respire en rêvant ; Vous me demandez de me taire, Cruelle, Je veux que le couchant l’oublie Notre amour est chose légère ! De fuir loin de vous pour jamais, Mais hélas ! les plus longs amours Le secret que j’ai dit au jour, Et de m’en aller, solitaire, Sont courts ! Notre amour est chose charmante, Et l’emporte avec mon amour, Sans me rappeler qui j’aimais ! Et je dis en quittant vos charmes, Comme les chansons du matin, Aux plis de sa robe pâlie ! Sans larmes, Où nul regret ne se lamente, Demandez plutôt aux étoiles Où vibre un espoir incertain ; Presqu’au moment de mon aveu, POÈME D’UN JOUR De tomber dans l’immensité, Notre amour est chose charmante ! Adieu ! [Charles Jean Grandmougin] AF À la nuit de perdre ses voiles, Notre amour est chose sacrée, Au jour de perdre sa clarté, 7 w I. Rencontre Comme les mystères des bois, Demandez à la mer immense Où tressaille une âme ignorée, J’étais triste et pensif quand De dessécher ses vastes flots, Où les silences ont des voix ; je t’ai rencontrée ; Et, quand les vents sont en démence, Notre amour est chose sacrée ! Je sens moins aujourd’hui, D’apaiser ses sombres sanglots ! mon obstiné tourment. 48 49 10 w CHANSON D’AMOUR 11 w LA FÉE AUX CHANSONS 12 w MADRIGAL (Quatuor) HG – JB – AF – MB Du jardin de mon cœur qu’un rêve lent enivre [Armand Silvestre] MB [Armand Silvestre] HG [Armand Silvestre] S’envolent mes désirs sur les pas du matin, Comme un essaim léger qu’à l’horizon J’aime tes yeux, j’aime ton front, Il était une Fée ( Les jeunes gens ) de cuivre, Ô ma rebelle, ô ma farouche, D’herbe folle coiffée, Inhumaines qui, sans merci, Appelle un chant plaintif, éternel et lointain. J’aime tes yeux, j’aime ta bouche Qui courait les buissons Vous raillez de notre souci, Où mes baisers s’épuiseront. Sans s’y laisser surprendre Aimez quand on vous aime ! Ils volent à tes pieds, astres chassés En avril, pour apprendre des nues, J’aime ta voix, j’aime l’étrange ( Les jeunes filles ) Aux oiseaux leurs chansons. Exilés du ciel d’or où fleurit ta beauté Grâce de tout ce que tu dis, Ingrats qui ne vous doutez pas Et, cherchant jusqu’à toi des routes Ô ma rebelle, ô mon cher ange, Lorsque geais et linottes Des rêves éclos sur vos pas inconnues, Mon enfer et mon paradis ! Faisaient des fausses notes Aimez quand on vous aime ! Mêlent au jour naissant leur mourante En récitant leurs chants, J’aime tes yeux, j’aime ton front, ( Les jeunes gens ) clarté. La Fée, avec constance, Ô ma rebelle, ô ma farouche, Sachez, ô cruelles Beautés, Gourmandait d’importance J’aime tes yeux, j’aime ta bouche Que les jours d’aimer sont comptés AF Ces élèves méchants. 14 w FLEUR JETÉE [Armand Silvestre] Où mes baisers s’épuiseront. ( Les jeunes filles ) Sa petite main nue, Emporte ma folie J’aime tout ce qui te fait belle, Sachez, amoureux inconstants, D’un brin d’herbe menue Au gré du vent, De tes pieds jusqu’à tes cheveux, Que le bien d’aimer n’a qu’un temps. Cueilli dans les halliers, Fleur en chantant cueillie Ô toi vers qui montent mes vœux, Aimez quand on vous aime ! Pour stimuler leurs zèles, Et jetée en rêvant, Ô ma farouche, ô ma rebelle ! Fouettait sur leurs ailes ( Ensemble ) Emporte ma folie J’aime tes yeux, j’aime ton front, Ces mauvais écoliers. Un même destin nous poursuit Au gré du vent. Ô ma rebelle, ô ma farouche, Et notre folie est la même : Par un matin d’automne, Comme la fleur fauchée, J’aime tes yeux, j’aime ta bouche C’est celle d’aimer qui nous fuit, Elle vient et s’étonne Périt l’amour : Où mes baisers s’épuiseront. C’est celle de fuir qui nous aime ! De voir les bois déserts : La main qui t’a touchée Avec les hirondelles Fuit ma main sans retour. Ses amis infidèles 13 w AURORE [Armand Silvestre] HG Comme la fleur fauchée, Périt l’amour. Avaient fui dans les airs. Des jardins de la nuit s’envolent les étoiles Et tout l’hiver la Fée, Abeilles d’or qu’attire un invisible miel Que le vent qui te sèche, D’herbe morte coiffée, Et l’aube, au loin, tendant la candeur O pauvre fleur, Et comptant les instants de ses toiles, Tout à l’heure si fraîche Sous les forêts immenses, Trame de fils d’argent le manteau bleu Et demain sans couleur, Compose des romances du ciel. Que le vent qui te sèche, Pour le prochain Printemps ! Sèche mon cœur. 50 51 15 w LE PAYS DES RÊVES 16 w LES ROSES D’ISPAHAN DEUX CANTIQUES 18 w II. Noël [Victor Wilder] HG [Armand Silvestre] AF [Leconte de Lisle] AF 17 w I. En prière [Stéphan Bordèse] MB La nuit descend du haut des cieux, Veux-tu qu’au beau pays des rêves Les roses d’Ispahan dans leur gaine Si la voix d’un enfant peut monter Le givre au toit suspend ses franges. Nous allions la main dans la main ? de mousse, jusqu’à Vous, Et, dans les airs, le vol des anges Plus loin que l’odeur des jasmins, Les jasmins de Mossoul, Ô mon Père, Éveille un bruit mystérieux. Plus haut que la plainte des grèves, les fleurs de l’oranger, Écoutez de Jésus, devant Vous à genoux, Veux-tu du beau pays des rêves Ont un parfum moins frais, ont une odeur L’étoile qui guidait les mages, La prière ! Tous les deux chercher le chemin ? moins douce, S’arrête enfin dans les nuages, Si Vous m’avez choisi pour enseigner Ô blanche Léïlah ! que ton souffle léger. Et fait briller un nimbe d’or J’ai taillé dans l’azur les toiles vos lois Sur la chaumière où Jésus dort. Du vaisseau qui nous portera, Ta lèvre est de corail et ton rire léger Sur la terre, Et doucement nous conduira Sonne mieux que l’eau vive et d’une voix Je saurai Vous servir, auguste Roi des rois, Alors, ouvrant ses yeux divins, Jusqu’au verger d’or des étoiles. plus douce. Ô Lumière ! L’enfant couché, dans l’humble crèche, J’ai taillé dans l’azur les toiles Mieux que le vent joyeux qui berce Sur mes lèvres, Seigneur, mettez la vérité De son berceau de paille fraîche, Du vaisseau qui nous conduira. l’oranger, Salutaire, Sourit aux nobles pèlerins. Mieux que l’oiseau qui chante au bord Pour que celui qui doute, avec humilité Mais combien la terre est lointaine Eux, s’inclinant, lui disent : Sire, d’un nid de mousse Vous révère ! Que poursuivent ses blancs sillons ! Reçois l’encens, l’or et la myrrhe, Ne m’abandonnez pas, donnez-moi Au caprice des papillons Ô Leïlah ! depuis que de leur vol léger Et laisse-nous, ô doux Jésus, la douceur Demandons la route incertaine. Tous les baisers ont fui de ta lèvre si douce Baiser le bout de tes pieds nus. Nécessaire, Ah, combien la terre est lointaine Il n’est plus de parfum dans le pâle oranger, Pour apaiser les maux, soulager la douleur, Comme eux, ô peuple, incline-toi, Où fleurissent nos visions. Ni de céleste arôme aux roses dans leur La misère ! Imite leur pieux exemple, mousse. Vois-tu : le beau pays des rêves Révélez-Vous à moi, Seigneur en qui je crois Car cette étable, c’est un temple, Est trop haut pour les pas humains. Oh ! que ton jeune amour, ce papillon léger Et j’espère : Et cet enfant sera ton roi ! Respirons à deux les jasmins, Revienne vers mon cœur d’une aile Pour Vous je veux souffrir et mourir sur Et chantons encor sur les grèves. prompte et douce. la croix, Vois-tu : du beau pays des rêves Et qu’il parfume encor la fleur de l’oranger, Au calvaire ! L’amour seul en sait les chemins. Les roses d’Ispahan dans leur gaine de mousse.

52 53 19 w NOCTURNE 21 w CLAIR DE LUNE [Paul Verlaine] AF Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre. 24 w SPLEEN [Paul Verlaine] MB [Auguste Villiers de L’Isle-Adam] MB Une larme tombe, puis une autre. Votre âme est un paysage choisi, Peut-être toi-même, ô triste mer, Il pleure dans mon cœur La nuit, sur le grand mystère, Que vont charmant masques Mer au goût de larme âcre et salée, Comme il pleut sur la ville Entr’ouvre ses écrins bleus : et bergamasques Es-tu de la terre inconsolée Quelle est cette langueur Autant de fleurs sur la terre, Jouant du luth et dansant, et quasi Le pleur amer ! Qui pénètre mon cœur ? Que d’étoiles dans les cieux ! Tristes sous leurs déguisements fantasques ! Ô bruit doux de la pluie, On voit ses ombres dormantes Tout en chantant, sur le mode mineur, 23 w AU CIMETIÈRE [Jean Richepin] AF Par terre et sur les toits ! S’éclairer à tous moments, L’amour vainqueur et la vie opportune, Pour un cœur qui s’ennuie Autant par les fleurs charmantes Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur, Heureux qui meurt ici, Ô le chant de la pluie ! Que par les astres charmants. Et leur chanson se mêle au clair de lune ! Ainsi que les oiseaux des champs ! Son corps, près des amis, Il pleure sans raison Moi, ma nuit au sombre voile Au calme clair de lune, triste et beau, Est mis dans l’herbe et dans les chants. Dans mon cœur qui s’écœure. N’a, pour charme et pour clarté, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres, Il dort d’un bon sommeil vermeil, Quoi ! nulle trahison ? Qu’une fleur et qu’une étoile Et sangloter d’extase les jets d’eau, Sous le ciel radieux. Mon deuil est sans raison. Mon amour et ta beauté ! Les grands jets d’eau sveltes parmi Tous ceux qu’il a connus, venus, C’est bien la pire peine, les marbres ! Lui font de longs adieux. De ne savoir pourquoi 20 w LES PRÉSENTS À sa croix les parents pleurants, Sans amour et sans haine JB AF [Auguste Villiers de L’Isle-Adam] 22 w LARMES [Jean Richepin] Restent agenouillés, Mon cœur a tant de peine ! Si tu demandes quelque soir Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre ; Et ses os, sous les fleurs, de pleurs Le secret de mon cœur malade, Une larme tombe, puis une autre ; Sont doucement mouillés 25 w LA ROSE [Leconte de Lisle] HG Je te dirai pour t’émouvoir, Toi, qui pleures-tu ? ton doux pays, Chacun sur le bois noir, Je dirai la rose aux plis gracieux. Une très ancienne ballade ! Tes parents lointains, ta fiancée. Peut voir s’il était jeune ou non, La rose est le souffle embaumé des Dieux, Moi, mon existence dépensée Et peut, avec de vrais regrets. Si tu me parles de tourments, Le plus cher souci des Muses divines ! En vœux trahis ! L’appeler par son nom, D’espérance désabusée, Je dirai ta gloire, ô charme des yeux, J’irai te cueillir seulement Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre ; Combien plus malchanceux Ô fleur de Kypris, reine des collines ! Des roses pleines de rosée ! Une larme tombe, puis une autre. Sont ceux qui meurent à la mé, Tu t’épanouis entre les beaux doigts Semons dans la mer ces pâles fleurs ! Et sous le flot profond De l’Aube écartant les ombres moroses ; Si pareille à la fleur des morts, À notre sanglot qui se lamente S’en vont loin du pays aimé ! L’air bleu devient rose, et roses les bois ; Qui fleurit dans l’exil des tombes, Elle répondra par la tourmente Ah ! pauvres ! qui pour seul linceuls La bouche et le sein des vierges sont roses ! Tu veux partager mes remords. Des flots hurleurs. Ont les goëmons verts, Heureuse la vierge aux bras arrondis Je t’apporterai des colombes ! Où l’on roule inconnu, tout nu, Qui dans les halliers humides te cueille ! Et les yeux grands ouverts ! Heureux le front jeune où tu resplendis !

54 55 Heureuse la coupe où nage ta feuille ! 27 w II Madrigal Ruisselante encor du flot paternel, CD 3 Paroles Quand de la mer bleue Aphrodite éclose Celle que j’aime a de beauté Étincela nue aux clartés du ciel, Plus que Flore et plus que Pomone, La Terre jalouse enfanta la rose ; Et je sais pour l’avoir chanté, Et l’Olympe entier, d’amour transporté, Que sa bouche est le soir d’automne, CINQ MÉLODIES DE VENISE Mêlons nos âmes, Salua la fleur avec la Beauté ! Et son regard la nuit d’été ! [Paul Verlaine] MB Nos cœurs et nos sens extasiés, Pour marraine elle eut Astarté, Parmi les vagues langueurs AF 1 w I. Mandoline SHYLOCK [Edmond Haraucourt] Pour patronne elle a la Madone, Des pins et des arbousiers. Car elle est belle autant que bonne, Les donneurs de sérénades 26 w I. Chanson Ferme tes yeux à demi, Celle que j’aime ! Et les belles écouteuses Croise tes bras sur ton sein Oh ! les filles ! Venez, les filles Échangent des propos fades, Elle écoute, rit et pardonne, Et de ton cœur endormi aux voix douces ! Sous les ramures chanteuses. N’écoutant que par charité : Chasse à jamais tout dessein. C’est l’heure d’oublier l’orgueil Elle écoute, mais sa fierté C’est Tircis et c’est Aminte et les vertus, Laissons-nous persuader N’écoute ni moi ni personne Et c’est l’éternel Clitandre Et nous regarderons éclore dans Au souffle berceur et doux Et rien encore n’a tenté Et c’est Damis qui, pour mainte les mousses, Qui vient, à tes pieds, rider Celle que j’aime. Cruelle, fit maint vers tendre. La fleur des baisers défendus. Les ondes des gazons roux. Leurs courtes vestes de soie, Les baisers défendus c’est Dieu qui Et quand, solennel, le soir 29 w SÉRÉNADE DU BOURGEOIS Leurs longues robes à queues, les ordonne MB Des chênes noirs tombera GENTILHOMME [Molière] Leur élégance, leur joie Oh ! les filles ! Il fait le printemps pour Voix de notre désespoir, Et leurs molles ombres bleues, les nids, Je languis nuit et jour et ma peine Le rossignol chantera. Il fait votre beauté pour qu’elle est extrême. Tourbillonnent dans l’extase nous soit bonne, Depuis qu’à vos rigueurs vos beaux D’une lune rose et grise, 3 w III. Green Nos désirs pour qu’ils soient unis. yeux m’ont soumis ! Et la mandoline jase Voici des fruits, des fleurs, des feuilles Si vous traitez ainsi, belle Iris, Parmi les frissons de brise. Oh ! filles ! Hors l’amour rien n’est bon sur qui vous aime, et des branches… la terre, Hélas ! que pourriez-vous faire Et puis voici mon cœur qui ne bat que 2 w II. En sourdine Et depuis les soirs d’or jusqu’aux à vos ennemis ! pour vous… matins rosés Calmes dans le demi-jour Ne le déchirez pas avec vos deux mains Les morts ne sont jaloux, dans leur paix Que les branches hautes font ; blanches, solitaire, Pénétrons bien notre amour Et qu’à vos yeux si beaux, l’humble présent Que du murmure des baisers ! De ce silence profond. soit doux !

56 57 J’arrive tout couvert encore de rosée, 5 w V. C’est l’extase Avec cela le charme insigne 8 w III. La lune blanche luit dans les bois Que le vent du matin vient glacer D’un frais sourire triomphant à mon front. C’est l’extase langoureuse, Eclos dans des candeurs de cygne La lune blanche Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée C’est la fatigue amoureuse, Et des rougeurs de femme-enfant, Luit dans les bois ; Rêve des chers instants qui la délasseront. C’est tous les frissons des bois, De chaque branche Parmi l’étreinte des brises, Des aspects nacrés blancs et roses, Part une voix Sur votre jeune sein, laissez rouler ma tête C’est vers les ramures grises Un doux accord patricien, Sous la ramée Toute sonore encore de vos derniers baisers, Le chœur des petites voix. Je vois, j’entends toutes ces choses Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête. Dans son nom Carlovingien. Ô bien aimée O le frêle et frais murmure. Et que je dorme un peu, puisque vous L’étang reflète, Cela gazouille et susurre, reposez. Profond miroir. Cela ressemble au bruit doux 7 w II. Puisque l’aube grandit La silhouette Que l’herbe agitée expire Puisque l’aube grandit, Du saule noir 4 w IV. À Clymène Tu dirais, sous l’eau qui vire, puisque voici l’aurore Où le vent pleure Mystiques barcarolles Le roulis sourd des cailloux. Puisqu’après m’avoir fui longtemps Rêvons c’est l’heure Romances sans paroles Cette âme qui se lamente l’espoir veut bien Chère, puisque tes yeux Revoler devers moi qui l’appelle Et cette plainte dormante, Un vaste et tendre Couleur des cieux et l’implore C’est la nôtre, n’est-ce pas ? Apaisement Puisque tout ce bonheur veut Puisque ta voix étrange La mienne, dis, et la tienne, Semble descendre bien être le mien, Vision qui dérange Dont s’exhale l’humble antienne Du firmament Et trouble l’horizon Par ce tiède soir, tout bas. Je veux, guidé par vous, beaux yeux Que l’astre irise. De ma raison aux flammes douces C’est l’heure exquise. LA BONNE CHANSON [Paul Verlaine] AF Par toi conduit, ô main où tremblera Puisque l’arôme insigne ma main, De ta pâleur de cygne 6 w I. Une Sainte en son auréole Marcher droit que ce soit par des sentiers 9 w IV. J’allais par des chemins perfides Et puisque la candeur de mousses De ton odeur Une Sainte en son auréole, J’allais par des chemins perfides, Une châtelaine en sa tour, Ou que rocs et cailloux encombrent Douloureusement incertain, Ah ! pour que tout ton être, Tout ce que contient la parole le chemin ; Vos chères mains furent mes guides ; Musique qui pénètre Humaine de grâce et d’amour Et comme pour bercer les lenteurs Nimbes d’anges défunts, Si pâle à l’horizon lointain de la route, Tons et parfums La note d’or que fait entendre Luisait un faible espoir d’aurore Le cor dans le lointain des bois, Je chanterai des airs ingénus, je me dis Votre regard fut le matin ! A sur d’almes cadences, Mariée à la fierté tendre Qu’elle m’écoutera sans déplaisir sans doute, En ses correspondances Des nobles Dames d’autrefois ; Et vraiment je ne veux pas d’autre Paradis. Nul bruit, sinon son pas sonore, Induit mon cœur subtil N’encourageait le voyageur, Votre voix me dit : « Marche encore ! » Ainsi soit-il ! 59 Mon cœur craintif, mon sombre cœur 11 w VI. Avant que tu ne t’en ailles Sur nos deux fronts qu’auront pâlis 14 w IX. L’Hiver a cessé Pleurait, seul, sur la triste voie, L’émotion du bonheur et l’attente ; L’amour, délicieux vainqueur, Avant que tu ne t’en ailles, L’hiver a cessé : la lumière est tiède Nous a réunis dans la joie. Pâle étoile du matin, Et quand le soir viendra, l’air sera doux Et danse, du sol au firmament clair. – Mille cailles Qui se jouera, caressant, dans vos voiles, Il faut que le cœur le plus triste cède Chantent, chantent dans le thym. – Et les regards paisibles des étoiles À l’immense joie éparse dans l’air. 10 V. J’ai presque peur, en vérité w Bienveillamment souriront aux époux ! Tourne devers le poète, J’ai depuis un an le printemps dans l’âme J’ai presque peur, en vérité Dont les yeux sont pleins d’amour ; Et le vert retour du doux floréal, Tant je sens ma vie enlacée – L’alouette 13 w VIII. N’est-ce pas ? Ainsi qu’une flamme entoure une flamme, A la radieuse pensée Monte au ciel avec le jour. – Met de l’idéal sur mon idéal. Qui m’a pris l’âme l’autre été ; N’est-ce pas ? Nous irons gais et lents, Tourne ton regard que noie dans la voie Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne Tant votre image à jamais chère, L’aurore dans son azur ; Modeste que nous montre en souriant L’immuable azur où rit mon amour Habite en ce cœur tout à vous, – Quelle joie l’Espoir, La saison est belle et ma part est bonne Ce cœur uniquement jaloux Parmi les champs de blé mûr ! – Peu soucieux qu’on nous ignore ou qu’on Et tous mes espoirs ont enfin leur tour. De vous aimer et de vous plaire nous voie. Et fais luire ma pensée Que vienne l’été ! Que viennent encore Et je tremble, pardonnez-moi Là-bas – bien loin, oh, bien loin ! Isolés dans l’amour ainsi qu’en un bois noir, L’automne et l’hiver ! Et chaque saison D’aussi franchement vous le dire, – La rosée Nos deux cœurs, exhalant leur tendresse Me sera charmante, ô Toi que décore À penser qu’un mot, qu’un sourire Gaîment brille sur le foin. – paisible, Cette fantaisie et cette raison ! De vous est désormais ma loi Seront deux rossignols qui chantent Dans le doux rêve où s’agite dans le soir. HG – MB Et qu’il vous suffirait d’un geste, Ma vie endormie encor... 15 w PLEURS D’OR (Duo) D’une parole ou d’un clin d’œil, – Vite, vite, Sans nous préoccuper de ce que [Albert Samain] Pour mettre tout mon être en deuil nous destine Car voici le soleil d’or. – Larmes aux fleurs suspendues. De son illusion céleste ! Le Sort, nous marcherons pourtant Larmes de sources perdues du même pas, Mais, plutôt, je ne veux vous voir, 12 w VII. Donc, ce sera par un clair Aux mousses des rochers creux. Et la main dans la main, L’avenir dût-il m’être sombre jour d’été Et fécond en peines sans nombre, avec l’âme enfantine. Larmes d’automne épandues. Donc, ce sera par un clair jour d’été ; Larmes de cor entendues Qu’à travers un immense espoir De ceux qui s’aiment sans mélange, Le grand soleil, complice de ma joie, Dans les grands bois douloureux. n’est-ce pas ? Plongé dans ce bonheur suprême Fera, parmi le satin et la soie, Larmes des cloches latines. De me dire encore et toujours, Plus belle encor votre chère beauté ; En dépit des mornes retours, Carmélites, Feuillantines, Que je vous aime, que je t’aime ! Le ciel tout bleu, comme une haute tente, Voix des beffrois en ferveur, Frissonnera somptueux, à longs plis,

60 61 Larmes des nuits étoilées, 17 w ARPÈGE [Albert Samain] HG O yet! if he came!” 20 w Soir [Albert Samain] HG Larmes des flûtes voilées “O hope!” says the second, Au bleu du parc endormi ; L’âme d’une flûte soupire Voici que les jardins de la nuit vont fleurir. Au fond du parc mélodieux ; “Was that the lamps’ flare, Les lignes, les couleurs, Larmes aux grands cils perlées, Limpide est l’ombre où l’on respire Or a sound of low footsteps? les sons deviennent vagues ; Larmes d’amante coulées Ton poème silencieux, The Prince on the stair!” Vois ! le dernier rayon agonise Jusqu’a l’âme de l’ami ; à tes bagues, Nuit de langueur, nuit de mensonge, But the holiest sister Ma sœur, n’entends-tu pas Larmes d’extase, éplorement délicieux, Qui poses, d’un geste ondoyant, She turns her about: quelque chose mourir ? Tombez des nuits ! Tombez des fleurs ! Dans ta chevelure de songe “O no hope now forever, Tombez des yeux ! La lune, bijou d’Orient. Our lamps are gone out!” Mets sur mon front tes mains fraîches comme une eau pure, Sylva, Sylvie et Sylvanire, HG Mets sur mes yeux tes mains douces 16 w LE PARFUM IMPÉRISSABLE Belles au regard bleu changeant, 19 w PRISON [Paul Verlaine] AF comme des fleurs. [Leconte de Lisle] L’étoile aux fontaines se mire, Le ciel est, par-dessus le toit, Et que mon âme où vit le goût secret Allez par les sentiers d’argent, Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor, Si bleu, si calme ! des pleurs. De son âme odorante a rempli goutte Allez vite, l’heure est si brève, Un arbre, par-dessus le toit, Soit comme un lys fidèle et pâle à goutte, Cueillir au jardin des aveux, Berce sa palme. à ta ceinture ! La fiole d’argile ou de cristal ou d’or, Les cœurs qui se meurent du rêve La cloche, dans le ciel qu’on voit, C’est la pitié qui pose ainsi son doigt Sur le sable qui brûle on peut l’épandre toute. De mourir parmi vos cheveux ! Doucement tinte, sur nous, Les fleuves et la mer inonderaient en vain Un oiseau sur l’arbre qu’on voit Et tout ce que la terre a de soupirs Ce sanctuaire étroit qui la tint enfermée, 18 w MÉLISANDE’S SONG Chante sa plainte. qui montent. Il garde en se brisant son arôme divin [Maurice Maeterlinck] HG Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là Il semble, qu’à mon cœur enivré, Et sa poussière heureuse en reste parfumée! The King’s three blind daughters Simple et tranquille ! le racontent Puisque par la blessure ouverte Sit locked in a hold. Cette paisible rumeur-là Tes yeux levés au ciel, si tristes et si doux ! de mon cœur In the darkness their lamps Vient de la ville. Tu t’écoules de même, ô céleste liqueur, Make a glimmer of gold. Qu’as-tu fait, ô toi que voilà, 21 w DANS LA FORÊT DE SEPTEMBRE Inexprimable amour qui m’enflammait Up the stair of the turret Pleurant sans cesse, [Catulle Mendès] MB pour elle ! The sisters are gone, Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, Ramure aux rumeurs amollies, Qu’il lui soit pardonné, Seven days they wait there De ta jeunesse ? Troncs sonores que l’âge creuse, que mon mal soit béni ! And the lamps they burn on. L’antique forêt douloureuse Par de là l’heure humaine et le temps infini S’accorde à nos mélancolies. Mon cœur est embaumé “What hope?” says the first, And leans o’er the flame. d’une odeur immortelle ! Ô sapins agriffés au gouffre, “I hear our lamps burning. Nids déserts aux branches brisées, 62 63 Halliers brûlés, fleurs sans rosées, L’ouragan hurleur 23 w ACCOMPAGNEMENT 24 w LE PLUS DOUX CHEMIN Vous savez bien comme l’on souffre ! Lui baisa la bouche [Albert Samain] MB [Armand Silvestre] MB Et lui prit la fleur ! Et lorsque l’homme, passant blême, Tremble argenté, tilleul, bouleau... A mes pas le plus doux chemin Pleure dans le bois solitaire, Dans l’océan sombre, La lune s’effeuille sur l’eau... Mène à la porte de ma belle, Des plaintes d’ombre et de mystère Moins sombre déjà, Et, bien qu’elle me soit rebelle, Comme de longs cheveux peignés au vent L’accueillent en pleurant de même. Où les trois mâts sombres, J’y veux encor passer demain. La fleur surnagea du soir, Bonne forêt! Promesse ouverte L’odeur des nuits d’été parfume le lac noir ; Il est tout fleuri de jasmin De l’exil que la vie implore, L’eau s’en est jouée, Le grand lac parfumé brille comme Au temps de la saison nouvelle, Je viens d’un pas alerte encore Dans ses noirs sillons ; un miroir. Et, bien qu’elle me soit cruelle Dans ta profondeur encor verte. C’est une bouée J’y passe, des fleurs à la main. Pour les papillons Ma rame tombe et se relève, Mais d’un fin bouleau de la sente, Ma barque glisse dans le rêve. Pour toucher son cœur inhumain Une feuille, un peu rousse, frôle Et l’embrun, la Houle Ma barque glisse dans le ciel Je chante ma peine cruelle, Ma tête et tremble à mon épaule ; Depuis cette nuit, Sur le lac immatériel ! Et, bien qu’elle me soit rebelle, C’est que la forêt vieillissante, Les brisants où croule C’est pour moi le plus doux chemin. Un sauvage bruit, En cadence les yeux fermés, Sachant l’hiver, où tout avorte, Rame, ô mon cœur, ton indolence MB Déjà proche en moi comme en elle, L’alcyon, la voile, A larges coups lents et pâmés. 25 w LE RAMIER [Armand Silvestre] Me fait l’aumône fraternelle L’hirondelle autour, Là-bas la lune écoute, accoudée au coteau, Avec son chant doux et plaintif, De sa première feuille morte ! Et l’ombre et l’étoile Ce ramier blanc te fait envie : Se meurent d’amour, Le silence qu’exhale en glissant le bateau. Trois grands lys frais coupés meurent sur S’il te plait l’avoir pour captif, 22 w LA FLEUR QUI VA SUR L’EAU Et l’aurore éclose mon manteau… J’irai te le chercher, Sylvie. [Catulle Mendès] MB Sur le gouffre clair Vers tes lèvres, ô Nuit voluptueuse et pâle, Mais là, près de toi, dans mon sein, Sur la mer voilée Pour la seule rose Est-ce leur âme, est-ce mon âme qui Comme ce ramier mon cœur chante, D’un brouillard amer De toute la mer ! s’exhale ? S’il t’en plait faire le larcin, La Belle est allée, Cheveux des nuits d’argent peignés aux Il sera mieux à toi, méchante. La nuit, sur la mer ! longs roseaux. Pour qu’il soit tel qu’un ramier blanc, Elle avait aux lèvres Comme la lune sur les eaux, Le prisonnier que tu recèles, D’un air irrité, Comme la rame sur les flots, Sur mon cœur, oiselet tremblant, La Rose des Fièvres, Mon âme s’effeuille en sanglots ! Pose tes mains comme deux ailes. La Rose Beauté ! D’un souffle farouche

64 65 26 w LE DON SILENCIEUX 27 w CHANSON [Henri de Régnier] MB 28 w SÉRÉNADE TOSCANE 29 w C’EST LA PAIX [Jean Dominique, pseudonyme [adapt : Romain Bussine, [Georgette Debladis] HG Que me fait toute la terre de Marie Closset] JB d’après un texte italien anonyme] AF Inutile où tu n’as pas Pendant qu’ils étaient partis pour la guerre, Je mettrai mes deux mains sur ma bouche, En marchant marqué ton pas Ô toi que berce un rêve enchanteur, On ne dansait plus, on ne parlait guère, pour taire Dans le sable ou la poussière ! Tu dors tranquille en ton lit solitaire, On ne chantait pas Ce que je voudrais tant vous dire, Éveille-toi, regarde le chanteur, Il n’est de fleuve attendu Mes sœurs, c’est la paix ! La guerre est finie âme bien chère ! Esclave de tes yeux, dans la nuit claire ! Par ma soif qui s’y étanche Dans la paix bénie Éveille-toi mon âme, ma pensée, Je mettrai mes deux mains sur mes yeux, Que l’eau qui sourd et s’épanche, Courons au devant de nos chers soldats. Entends ma voix par la brise emportée : pour cacher De la source où tu as bu. Entends ma voix chanter ! Et joyeusement, toutes en cadence, Ce que je voudrais tant que pourtant La seule fleur qui m’attire Entends ma voix pleurer, dans la rosée ! Nous irons vers eux en dansant la danse vous cherchiez. Est celle où je trouverai Sous ta fenêtre en vain ma voix expire. Qu’on danse chez nous Je mettrai mes deux mains sur mon cœur, Le souvenir empourpré Et chaque nuit je redis mon martyre, Nous les aimerons ! La guerre est finie, chère vie, De ta bouche et de ton rire ; Sans autre abri que la voûte étoilée. Ils seront aimés, dans la paix bénie Pour que vous ignoriez de quel cœur Le vent brise ma voix et la nuit est glacée : Et, sous la courbe des cieux, Sitôt leur retour. je vous prie ! Mon chant s’éteint en un accent suprême, La mer pour moi n’est immense Ma lèvre tremble en murmurant je t’aime, Pour avoir chassé la horde germaine Et puis je les mettrai doucement Que parce qu’elle commence Je ne peux plus chanter ! Ils auront nos cœurs, au lieu de la haine dans vos mains, À la couleur de tes yeux. Ah ! daigne te montrer ! daigne apparaître ! Ils auront l’amour. Ces deux mains-ci qui meurent Si j’étais sûr que tu ne veux paraître d’un fatigant chagrin... Je m’en irais, pour t’oublier, demander Elles iront à vous, pleines de leur faiblesse, au sommeil Toutes silencieuses, et même sans caresse, De me bercer jusqu’au matin vermeil, De me bercer jusqu’à ne plus t’aimer ! Lasses d’avoir porté tout le poids d’un secret Dont ma bouche et mes yeux et mon front parleraient. Elles iront à vous, légères d’être vides, Et lourdes d’être tristes, tristes d’être timides ; Malheureuses et douces, et si découragées Que peut-être, mon Dieu, vous les recueillerez. 67 2 w II. Prima verba Et c’est en toi, force suprême, Paroles Soleil radieux, CD 4 Comme elle chante Que mon âme elle-même Dans ma voix Atteint son dieu ! L’âme longtemps murmurante Des fontaines et des bois. LA CHANSON D’EVE Et Eve s’en alla, docile à son seigneur, 4 w IV. Comme Dieu rayonne [Charles Van Lerberghe] JB En son bosquet de roses, Air limpide du paradis, Donnant à toutes choses Avec tes grappes de rubis, Comme Dieu rayonne aujourd’hui, 1 w I. Paradis Une parole, un son de ses lèvres de fleur : Avec tes gerbes de lumière, Comme il exulte, comme il fleurit C’est le premier matin du monde, Avec tes roses et tes fruits. Parmi ces roses et ces fruits ! Chose qui fuit, chose qui souffle, Comme une fleur confuse exhalée chose qui vole... Comme il murmure en cette fontaine ! dans la nuit, Quelle merveille en nous à cette heure ! Des paroles depuis des âges endormies, Ah ! Comme il chante en ces oiseaux... Au souffle nouveau qui se lève des ondes, Cependant le jour passe, et vague, En des sons, en des fleurs Qu’elle est suave son haleine Un jardin bleu s’épanouit. comme à l’aube, Sur mes lèvres enfin prennent vie. Dans l’odorant printemps nouveau ! Au crépuscule, peu à peu, Tout s’y confond encore et tout s’y mêle, L’Eden s’endort et se dérobe Comme il se baigne dans la lumière Frissons de feuilles, chants d’oiseaux, Depuis que mon souffle a dit leur chanson, Dans le silence d’un songe bleu. Avec amour, mon jeune dieu ! Glissements d’ailes, Depuis que ma voix les a créés, Quel silence heureux et profond Toutes les choses de la terre Sources qui sourdent, voix des airs, La voix s’est tue, mais tout l’écoute encore, Naît de leurs âmes allégées ! Sont ses vêtements radieux. voix des eaux, Tout demeure en l’attente, Murmure immense, Lorsqu’avec le lever de l’étoile du soir, 5 w V. L’aube blanche Et qui pourtant est du silence. Eve chante. 3 w III. Roses ardentes L’aube blanche dit à mon rêve : Ouvrant à la clarté ses doux Roses ardentes « Éveille-toi, le soleil luit ». et vagues yeux, Dans l’immobile nuit, Mon âme écoute et je soulève La jeune et divine Eve C’est en vous que je chante Un peu mes paupières vers lui. S’est éveillée de Dieu, Et que je suis. Et le monde à ses pieds s’étend En vous, étincelles Un rayon de lumière touche comme un beau rêve. A la cime des bois, La pâle fleur de mes yeux bleus. Une flamme éveille ma bouche, Or, Dieu lui dit : « Va, fille humaine, Que je suis éternelle Un souffle éveille mes cheveux. Et donne à tous les êtres Et que je vois. Que j’ai créés, une parole de tes lèvres, Ô mer profonde, Et mon âme, comme une rose Un son pour les connaître ». C’est en toi que mon sang Tremblante, lente, tout le jour, Renaît, vague blonde, S’éveille à la beauté des choses, Et flot dansant. Comme mon âme à leur amour. 68 69 6 w VI. Eau vivante Sait-il à cette heure, 9 w IX. Crépuscule 10 w X. Ô mort, poussière d’étoiles Que j’entr’ouvre ma chevelure, Que tu es simple et claire, Et qu’elle respire ? Ce soir, à travers le bonheur, Ô mort, poussière d’étoiles, Eau vivante, Le sent-il sur la terre ? Qui donc soupire, qu’est-ce qui pleure ? Lève-toi sous mes pas ! Qui, du sein de la terre, Qu’est-ce qui vient palpiter sur mon cœur, Viens, ô douce vague qui brille Jaillis en ces bassins et chantes ! Sent-il que j’étends les bras Comme un oiseau blessé ? Et que des lys de mes vallées, Dans les ténèbres. Ô fontaine divine et pure, Ma voix qu’il n’entend pas Est-ce une voix future, Emporte-moi dans ton néant ! Les plantes aspirent Une voix du passé ? Est embaumée ? Viens, souffle sombre où je vacille, Ta liquide clarté. J’écoute, jusqu’à la souffrance, Comme une flamme ivre de vent ! La biche et la colombe en toi se désaltèrent. Ce son dans le silence. 8 VIII. Dans un parfum de roses blanches w C’est en toi que je veux m’étendre, Et tu descends par des pentes douces Île d’oubli, ô Paradis ! M’éteindre et me dissoudre, De fleurs et de mousses, Dans un parfum de roses blanches, Quel cri déchire, dans la nuit, Mort où mon âme aspire ! Vers l’océan originel, Elle est assise et songe ; Ta voix qui me berce ? Et l’ombre est belle comme s’il s’y mirait Toi qui passes et vas sans cesse Quel cri traverse Viens, brise-moi comme une fleur d’écume, un ange... et jamais lasse Ta ceinture de fleurs, Une fleur de soleil à la cime des eaux ! De la terre à la mer et de la mer au ciel… L’ombre descend, le bosquet dort ; Et ton beau voile d’allégresse ? Et comme d’une amphore d’or Entre les feuilles et les branches, Un vin de flamme et d’arôme divin, Sur le paradis bleu s’ouvre un paradis d’or ; 7 w VII. Veilles-tu ma senteur de soleil Épanche mon âme Une voix qui chantait, tout à l’heure, Veilles-tu, ma senteur de soleil, En ton abîme, pour qu’elle embaume murmure... Mon arôme d’abeilles blondes, La terre sombre et le souffle des morts. Flottes-tu sur le monde, Un murmure s’exhale en haleine et s’éteint. Mon doux parfum de miel ? Dans le silence il tombe des pétales... La nuit, lorsque mes pas Dans le silence rôdent, M’annonces-tu, senteur de mes lilas, Et de mes roses chaudes ? Suis-je comme une grappe de fruits Cachés dans les feuilles, Et que rien ne décèle, Mais qu’on odore dans la nuit ?

70 71 L’HORIZON CHIMÉRIQUE 12 w II. Je me suis embarqué 13 w III. Diane, Séléné MIRAGES [Renée de Brimont] HG [Jean de la Ville de Mirmont] MB Je me suis embarqué sur un vaisseau Diane, Séléné, lune de beau métal, 15 w I. Cygne sur l’eau 11 w I. La mer est infinie qui danse Qui reflète vers nous, par ta face déserte, Et roule bord sur bord et tangue Dans l’immortel ennui du calme sidéral Ma pensée est un cygne harmonieux La mer est infinie et mes rêves sont fous. et se balance. Le regret d’un soleil dont nous pleurons et sage La mer chante au soleil en battant Mes pieds ont oublié la terre la perte. Qui glisse lentement aux rivages d’ennui les falaises et ses chemins ; Sur les ondes sans fond du rêve, O lune, je t’en veux de ta limpidité Et mes rêves légers ne se sentent plus d’aise Les vagues souples m’ont appris du mirage, Injurieuse au trouble vain des pauvres âmes, De danser sur la mer comme d’autres cadences De l’écho, du brouillard, de l’ombre, Et mon cœur, toujours las et toujours agité, des oiseaux soûls. Plus belles que le rythme las de la nuit. Aspire vers la paix de ta nocturne flamme. Le vaste mouvement des vagues des chants humains. Il glisse, roi hautain fendant un libre espace, les emporte, Poursuit un reflet vain, précieux A vivre parmi vous, hélas ! 14 w IV. Vaisseaux, nous vous aurons aimés La brise les agite et les roule en ses plis ; avais-je une âme ? et changeant, Jouant dans le sillage, ils feront une escorte Mes frères, j’ai souffert sur tous Vaisseaux, nous vous aurons aimés Et les roseaux nombreux s’inclinent Aux vaisseaux que mon cœur dans leur vos continents. en pure perte ; quand il passe, fuite a suivis. Je ne veux que la mer, je ne veux Le dernier de vous tous est parti Sombre et muet, au seuil d’une lune d’argent ; Ivres d’air et de sel et brûlés par l’écume que le vent sur la mer. Le couchant emporta tant de voiles ouvertes De la mer qui console et qui lave des pleurs, Pour me bercer, comme un enfant, Et des blancs nénuphars chaque Que ce port et mon cœur Ils connaîtront le large au creux des lames. corolle ronde sont à jamais déserts. et sa bonne amertume ; Hors du port qui n’est plus Tour à tour a fleuri de désir ou d’espoir... Les goélands perdus les prendront qu’une image effacée, La mer vous a rendus à votre destinée, Mais plus avant toujours, sur la brume pour des leurs. Les larmes du départ ne brûlent Au-delà du rivage où s’arrêtent nos pas. et sur l’onde, plus mes yeux. Nous ne pouvions garder Vers l’inconnue fuyant, glisse le cygne noir. vos âmes enchaînées ; Je ne me souviens pas Or j’ai dit, « Renoncez, beau cygne Il vous faut des lointains de mes derniers adieux... chimérique, que je ne connais pas O ma peine, ma peine, À ce voyage lent vers de troubles destins ; où vous ai-je laissée ? Je suis de ceux dont les désirs Nul miracle chinois, nulle étrange Amérique sont sur la terre. Ne vous accueilleront en des havres certains; Le souffle qui vous grise emplit Les golfes embaumés, les îles immortelles mon cœur d’effroi, Ont pour vous, Cygne noir, des récifs périlleux, Mais votre appel, au fond des soirs, Demeurez sur les lacs où se mirent, fidèles, me désespère, Ces nuages, ces fleurs, ces astres Car j’ai de grands départs inassouvis en moi. 72 et ces yeux. » 73 16 w II. Reflets dans l’eau Ô cher Passé mystérieux 18 w IV. Danseuse LE JARDIN CLOS Qui vous reflétez dans mes yeux [Charles Van Lerberghe] JB Etendue au seuil du bassin, Comme un nuage, Sœur des Sœurs tisseuses de violettes, Dans l’eau plus froide que le sein Il me serait plaisant et doux, Une ardente veille blémit tes joues... 19 w I. Exaucement Des vierges sages, Danse ! Et que les rythmes aigus dénouent Passé, d’essayer avec vous Alors qu’en tes mains de lumière J’ai reflété mon vague ennui, Tes bandelettes. Le long voyage !... Tu poses ton front défaillant. Mes yeux profonds couleur de nuit Que mon amour en ta prière, Et mon visage. Si je glisse, les eaux feront Vase svelte, fresque mouvante et souple, Un rond fluide... un autre rond, Danse, danse, paumes vers nous tendues, Vienne comme un exaucement. Et dans ce miroir incertain Pieds étroits fuyant tels des ailes nues Un autre à peine... Alors que la parole expire J’ai vu de merveilleux matins... Qu’Eros découple... Et puis le miroir enchanté Sur ta lèvre qui tremble encor, J’ai vu des choses Reprendra sa limpidité Et s’adoucit en un sourire Pâles comme des souvenirs, Sois la fleur multiple un peu balancée, Froide et sereine. De roses, en des rayons d’or ; Sur l’eau que ne saurait ternir Sois l’écharpe offerte au désir qui change, Sois la lampe chaste, la flamme étrange, Nul vent morose. Que ton âme calme et muette, 17 III. Jardin nocturne Sois la pensée ! w Fée endormie au jardin clos, Alors au fond du Passé bleu, En sa douce volonté faite, Mon corps mince n’était qu’un peu Nocturne jardin tout rempli de silence, Danse, danse au chant de ma flûte creuse, Trouve la joie et le repos. D’ombre mouvante, Voici que la lune ouverte se balance Sœur des Sœurs divines. – La moiteur glisse, Sous les lauriers et les cyprès En des voiles d’or fluides et légers ; Baiser vain, le long de ta hanche lisse... J’aime la brise au souffle frais Elle semble proche et cependant lointaine... Vaine danseuse ! 20 w II. Quand tu plonges tes yeux Qui nous évente... Son visage rit au cœur de la fontaine dans mes yeux Et l’ombre pâlit sous les noirs orangers. J’aimais vos caresses de sœur, Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux, Vos nuances, votre douceur, Nul bruit, si ce n’est le faible bruit de l’onde Je suis toute dans mes yeux. Aube opportune ; Fuyant goutte à goutte au bord des vasques rondes, Quand ta bouche dénoue ma bouche, Et votre pas souple et rythmé, Mon amour n’est que ma bouche. Nymphes au rire parfumé, Ou le bleu frisson d’une brise d’été, Au teint de lune ; Furtive parmi des palmes invisibles... Si tu frôles mes cheveux, Je sais, ô jardins, vos caresses sensibles Je n’existe plus qu’en eux. Et le galop des aegypans ; Et votre languide et chaude volupté ! Et la fontaine qui s’épand Si ta main effleure mes seins, En larmes fades... Je sais votre paix délectable et morose, J’y monte comme un feu soudain. Par les bois secrets et divins Vos parfums d’iris, de jasmins et de roses, Vos charmes troublés de désirs et d’ennui... Est-ce moi que tu as choisie ? J’écoutais frissonner sans fin Là est mon âme, là est ma vie. L’hamadryade. Ô jardin muet ! – L’eau des vasques s’égoutte Avec un bruit faible et magique... J’écoute 74 Ce baiser qui chante aux lèvres de la Nuit. 75 21 w III. La Messagère Je me poserai sur ton cœur 24 w VI. Dans la pénombre 26 w VIII. Inscription sur le sable Comme l’oiseau sur la mer, Avril, et c’est le point du jour. Dans le repos de ses ailes lasses, À quoi, dans ce matin d’avril, Toute, avec sa robe et ses fleurs, Tes blondes sœurs qui te ressemblent, Et que berce le rythme éternel Si douce, et d’ombre enveloppée, Elle, ici, redevint poussière, En ce moment, toutes ensembles Des flots et de l’espace. La chère enfant au cœur subtil Et son âme emportée ailleurs S’avancent vers toi, cher Amour. Est-elle ainsi tout occupée ? Renaquit en chant de lumière. Tu te tiens dans un clos ombreux 23 w V. Dans la nymphée Pensivement, d’un geste lent, Mais un léger lien fragile De myrte et d’aubépines blanches ; En longue robe, en robe à queue, Dans la mort brisé doucement, La porte s’ouvre sous les branches ; Quoique tes yeux ne la voient pas, Sur le soleil au rouet blanc Encerclait ses tempes débiles Le chemin est mystérieux. Pense en ton âme, qu’elle est là, A filer de la laine bleue. D’impérissables diamants. Comme autrefois divine et blanche. Elles, lentes, en longues robes, A sourire à son rêve encor, En signe d’elle, à cette place, Une à une, main dans la main, Sur ce bord reposent ses mains. Avec ses yeux de fiancée, Seules, parmi le sable blond, Franchissent le seuil indistinct Sa tête est entre ces jasmins, A travers les feuillages d’or, Les pierres éternelles tracent Où de la nuit devient de l’aube. Là ses pieds effleurent les branches. Parmi les lys de sa pensée. Encor l’image de son front. Celle qui s’avance d’abord, Elle sommeille en ces rameaux, Regarde l’ombre, te découvre, Ses lèvres et ses yeux sont clos, 25 w VII. Il m’est cher, Amour, le bandeau Et sa bouche à peine respire. Crie, et la fleur de ses yeux s’ouvre Il m’est cher, Amour, le bandeau Splendide dans un rire d’or. Parfois, la nuit, dans un éclair, Qui me tient les paupières closes ; Et, jusqu’à la dernière sœur, Elle apparaît, les yeux ouverts, Il pèse comme un doux fardeau Toutes tremblent, tes lèvres touchent Et l’éclair dans ses yeux se mire. De soleil sur de faibles roses. Leurs lèvres, l’éclair de ta bouche Un bref éblouissement bleu Si j’avance, l’étrange chose ! Éclate jusque dans leur cœur. La découvre en ses longs cheveux, Je parais marcher sur les eaux ; Elle s’éveille, elle se lève, Mes pieds plus lourds où je les pose, 22 IV. Je me poserai sur ton cœur S’enfoncent comme en des anneaux. w Et tout un jardin ébloui Je me poserai sur ton cœur S’illumine au fond de la nuit, Qui donc a délié dans l’ombre Comme le printemps sur la mer, Dans le rapide éclair d’un rêve. Le faix d’or de mes longs cheveux ? Sur les plaines de la mer stérile Toute ceinte d’étreintes sombres, Où nulle fleur ne peut croître, Je plonge en des vagues de feu. A ses souffles agiles, Mes lèvres où mon âme chante, Que des fleurs de lumière. Toute d’extase et de baisers, S’ouvrent comme une fleur ardente Au-dessus d’un fleuve embrasé ! 76 77 Cette intégrale des mélodies de Gabriel Fauré a été réalisée grâce à la participation du Festival Classica ( Marc Boucher, directeur général et artistique ). This recording of the complete songs of Gabriel Fauré was made possible thanks to the participation of Festival Classica (Marc Boucher, general and artistic director).

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien (Fonds de la musique du Canada). We acknowledge the financial support of the Government of Canada through the Department of Canadian Heritage (Canada Music Fund). Merci à Thanks to Réalisation et montage / Produced, and edited by Johanne Goyette Marie-Paule Rouvinez Ingénieur du son / Sound engineer Carlos Prieto Assistant technique / Technical assistant Jack Kelly Direction artistique / Artistic direction Marc Boucher Salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal (Québec) Canada Octobre / October 2015 ; Janvier et juin / January and June 2016 ; Mars et septembre / March and September 2017 Technicien du piano / Piano Technician Claude Thompson Piano ÉRARD 8’4’’ 1859, diapason 435 Graphisme / Graphic design Adeline Payette Beauchesne Responsable du livret / Booklet editor Michel Ferland Photo de couverture / Cover photo iStock Nous tenons à remercier tout particulièrement la Fondation Arte Musica, Isolde Lagacé, Jacques Bonnaure, Jean-Michel Nectoux Claude Thompson et musicaction de leur précieuse contribu- tion à la réalisation de cette intégrale des mélodies de Gabriel Fauré. We would particularly like to thank the Fondation Arte Musica, Isolde Lagacé, Jacques Bonnaure, Jean-Michel Nectoux, Claude Thompson, and Musicaction for their invaluable help in making this recording of the complete mélodies of Gabriel Fauré.