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Séquences La revue de cinéma

The House of the Spirits (La Maison aux esprits)

Number 172, May–June 1994

URI: https://id.erudit.org/iderudit/59462ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this article (1994). (La Maison aux esprits). Séquences, (172), 45–46.

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C'est le piège dans lequel avait Dianne Greaves — Dir. art.: Maggie Gray — Dans sa chronique familiale couvrant un succombé en son temps Vincente Minnelli Cost.: Lindy Hemming — Int.: Hugh Grant demi-siècle de l'histoire de son pays, elle en filmant The Four Horsemen of the (Charles), Andie MacDowell (Carrie), (Fiona), Simon Callow (Gareth), parvenait à donner au cours des choses un Apocalypse d'après le roman de Vicente James Fleet (Tom), John Hannah (Matthew), itinéraire émotionnel puissant. Sa prose se Blasco Ibânez: face à une histoire Charlotte Coleman (Scarlett), David Haig faisait facilement histoire, ses personnages admirablement romanesque (une famille (Bernard), Sophie Thompson (Lydia), David aisément héros, tandis que le récit argentine divisée par la guerre mondiale), Bower (David), Corin Redgrave (Hamish), il avait succombé à son goût immodéré de Rowan Atkinson (Père Gérald) — Prod.: empruntait au souffle épique sa vélocité Duncan Kenworthy — Grande-Bretagne — enchanteresse, son impatience, sa l'élégance et du raffinement esthétique. Le 1994 — 116 minutes — Dist.: Cineplex Odeon. pétulance toute latine. Il s'agissait pour traitement d'un roman de cette envergure elle de dépasser sa propre mémoire des (que ce soit celui de Blasco Ibânez ou événements, de rétrécir ses moments de d'I. Allende) nécessite une retenue qui frénésie intellectuelle, afin de nous peut permettre à l'oeuvre de conserver tout The House of the embarquer plus adéquatement sur le dos son souffle, sa richesse, ses moments de Spirits des chevaux furieux de son existence. passion, et cette magie dont on parlait plus The House of the Spirits essaie haut. Mettons tout de suite de côté le fait d'emprunter le même parcours. Lorsque, En tant que chronique familiale, The que les paysages censés être chiliens sont en 1926 se construit lentement la famille House of the Spirits se laisse néanmoins véritablement danois et portugais. Quelle importance lorsque la beauté de l'image confère avec justesse les grands espaces esthétiquement superbes. Éliminons également ce cliché habituel qui veut que les grands noms au générique d'un film le déparent beaucoup de sa séduction. Erreur: la présence de et de ne fait que confirmer encore une fois ce que tout le monde savait déjà depuis belle lurette — nous sommes en présence de deux très grandes comédiennes qui donnent aux scènes où elles apparaissent ensemble une perfection sublime, un prestige infini. , pour sa part, résonne de tous ses pores. Quant à (dont nous avons toujours préféré les rôles modernes, comme , à ceux d'une autre époque, tel ), elle n'a pas de difficulté à mêler son talent à celui de ses aînés et nous voudrions ici lui tirer notre chapeau. Meryl Streep et Alors que se passe-t-il? Trueba, les lumières étincelantes du jour regarder avec plaisir. En mettant de côté le Jeremy Irons Il se passe que l'extraordinaire roman se conjuguent avec subtilité aux roses du fait que le scénario ne constitue qu'une d' ne passe pas l'écran, qu'il jardin, aux petits gâteaux et aux tentures part infime de la création cinémato­ reste «en bas», stagnant parmi les réussites du salon de té, aux jours filés d'or et de graphique, le film de Bille August littéraires de troisième ordre, ramené, par soie. Esteban Trueba, devenu riche, comporte des scènes inoubliables: celle où l'intermédiaire du cinéma, à l'état de best- épouse Clara Del Valle, après la mort de Glenn Close et Meryl Streep se rencontrent seller de piètre qualité. On dit d'habitude Rosa, soeur de celle-ci, décédée dans des dans une gigantesque salle à manger et se que la magie du cinéma peut opérer circonstances qu'avaient vaguement communiquent leurs impressions sur le d'étranges transformations sur le média prévues la jeune Clara dont les visions et mariage d'Esteban, frère de la première et original. Ici, justement, c'était de magie les aptitudes mentales défient la plupart du futur mari de la seconde, celles où Winona qu'il s'agissait, de magie comme temps les lois de la logique et de la Ryder va rencontrer au atmosphère principale d'une oeuvre. physique. Et c'est là que résident le poids bord de l'eau la nuit. Comment donc parvenir par l'image à du livre, son ascendance sur le film et rendre magique la magie? Singulier conséquemment son immense puissance C'est peu. paradoxe que Bille August n'a sans doute d'évocation. August, quant à lui, s'est Maurice Elia

No 172 —Mai-juin 1994 4S rejeton sera un fils. C'est ainsi que grandit de la virilité, Zahra découvre l'amour dans THE HOUSE OF THE SPIRITS (La Maison aux Ahmed, dont personne, hormis les parents, les bras d'un homme qui n'épouse pas esprits) — Réal.: Bille August — Scén.: Bill August, d'après le roman d'Isabel Allende — pas même les soeurs, ne connaît le l'image d'homme qu'on lui avait demandé Phot.: Jorgen Persson — Mont.: Janus Billeskov véritable sexe. Sous la plume de Ben elle-même d'assumer. Le voyage Jansen — Mus.: Hans Zimmer — Son: Niels Jelloun, l'aspect revêche de ce faux mâle initiatique de Zahra la mène donc, sur le Ari Id Nielsen — Dir. art.: Anna Asp — Cost.: établit non pas une véritable ambiguïté plan sexuel mais aussi sur d'autres plans, à Barbara Baum — Int.: Meryl Streep (Clara), sexuelle, mais plutôt une relative «non- un épanouissement auquel on n'accède Jeremy Irons (Esteban Trueba), Glenn Close (Ferula), Winona Ryder (Blanca), Antonio sexualité», toujours réelle même lorsque pas par les chemins habituels. Elle apprend Banderas (Pedro), (Nivea), Ahmed devient Zahra. Première distance à se rapprocher d'un homme qui a «les Armin Mueller-Stahl (Severo), Maria Conchita prise par la scénariste Elisabeth Perceval: yeux au bout des doigts et dont les Alonso (Transito), Sarita Choudhury (Pancha), elle a recentré, redéfini le personnage. caresses recomposent son image». Cet être Vincent Gallo (Esteban Garcia), Jan Niklas (Satigny) Teri Polo (Rosa) — Prod.: Berndt Selon Perceval, Ahmed/Zahra est une vraie sans regard mais qu'une lumière intérieure Eichinger — Allemagne/Danemark/Portugal femme refoulée, une femme en devenir. La anime, ouvre les yeux de Zahra sur un /États-Unis — 1993 — 140 minutes — Dist.: pulpeuse interprète qui tient le rôle monde dont elle ne souçonnait pas la C/FP. accrédite manifestement ce regard, mais le complexité. choix de l'actrice n'aurait-il pas lui-même Mais le travail de Nicolas Klotz et de conditionné la redéfinition du personnage? sa scénariste ne se limite pas à une La Nuit Sacrée En tout cas, c'est au cours de la nuit sacrée réflexion d'ordre psycho-social. Puisqu'il que le père mourant va donner à Ahmed la s'agit d'un film, adapté d'un double Dans la tragédie, la destinée plane de liberté de (re)trouver sa nature de femme. roman, ils ont opté pour une adaptation manière mythique. Les romans de Tahar La nuit sacrée, comme l'explique Tahar ouverte qui colore différemment l'oeuvre Ben Jelloun illustrent cette assertion, tout Ben Jelloun, c'est «la vingt-septième du initiale. Le récit se veut plus linéaire, en s'inscrivant dans un contexte bien mois de ramadan, nuit de la «descente» du édulcorant sensiblement la dimension défini, à la fois local et universel. Le Livre de la communauté mulsumane, où onirique si présente chez Ben Jelloun. romancier passe constamment d'un niveau les destins des êtres sont scellés». C'est Klotz revendique pourtant cet aspect, mais à un autre, du fait divers au mythe, du réel aussi la nuit «où tout mulsulman sent il aurait pu creuser beaucoup plus loin à la poésie. Dans L'Fnfant de sable, Ben passer dans son corps le frisson de la dans les fantasmes des personnages, Jelloun fait alterner plusieurs narrateurs — mort». A partir de ce point tournant, lesquels établissent une distance dont un principal — qui proposent des Ahmed reprend sa véritable identité interdisant une réelle émotion chez le Miguel Bose et spectateur. Amina A l'image de l'héroïne telle que repensée par la scénariste, La Nuit sacrée devient sous la houlette de Nicolas Klotz un film éminemment séduisant et formellement très soigné. Tout au long du film, la mobilité d'une caméra au service de plans souvent longs (et souvent subjectifs, car Ahmed est scruté par le regard des autres) confère à l'ensemble une sorte de respiration haletante, en accord avec un dialogue abondant. La musique, lancinante, langoureuse, fait écho aux images superbement cadrées du paysage marocain. Il reste quand même un arrière-goût d'artificialité qui nous empêche d'être totalement envoûtés. versions différentes. Le lecteur non averti sexuelle, je devrais dire: la découvre, en sort quelque peu déconcerté, mais sans puisqu'il/elle en ignorait jusqu'alors toute Denis Desjardins doute fasciné. Ce livre parut en 1985. la nature. Le personnage du Consul, fort Deux ans plus tard, La Nuit Sacrée vaudra bien défendu ici par Miguel Bosé, chez à son auteur le Prix Goncourt. Ce roman qui Zahra séjourne, sert de catalyseur à sa LA NUIT SACREE — Réal.: Nicolas Klotz — ne se veut pas une simple suite du féminité. Toutefois, la délicatesse et la Scén.: Elisabeth Perceval — Phot: Carlo Varini — Mont.: Jean-François Naudon — Mus.: précédent, mais une approche plus fragilité de cet aveugle illustre aussi une Goran Bregovic — Son: Jean-Pierre Ruh, subjective de la même histoire, racontée forme de féminité, et les rapports troubles Maurice Laumain — Dir. art.: Didier Naert — — et complétée — par sa protagoniste qu'il entretient avec sa soeur hyper- Cost.: Jacques Schmidt, Emanuel Peduzzi — centrale. Je rappelle le sujet: un riche protectrice achèvent de lui donner une Int.: Amina (Ahmed-Zahra), Miguel Boss (Ie fabricant marocain se désespère de n'avoir singularité certaine. En quittant une consul), Maite Nahyr (la femme assise), François Chattot (le père), Carole Andronico (Ahmed eu «que» sept filles et aucun héritier; il identité masculine marquée par une enfant) — France — 1992 — 110 minutes — décide que, quoi qu'il arrive, le prochain conception traditionnelle et peu nuancée Dist.: Prima Films

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