Campus adventiste du Salève Faculté adventiste de théologie

Est-il permis d'exercer certains métiers le jour du sabbat ?

Une éthique du (non) travail le sabbat

Mémoire présenté en vue de l'obtention du Master en théologie adventiste

présenté par Elioenay RAJAONAH

Directeur de recherche : Gabriel Monet Assesseur : Marcel Ladislas Président du Jury : Jean-Luc Rolland

Collonges-sous-Salève Mai 2016

Remerciements

Nous tenons à exprimer nos remerciements à l'égard de notre directeur de mémoire Gabriel Monet pour les conseils qu'il a su nous prodiguer. Ses encouragements constants, sa disponibilité, ses critiques constructives et ses orientations nous ont aidé dans la progression de notre recherche et nous ont permis d'aller jusqu'au bout de cette étude.

Nous tenons à remercier Marcel Ladislas d'avoir accepté d'être l'Assesseur de ce travail. Nous apprécions son expertise en la matière.

Nous tenons à exprimer nos remerciements à Jean-Luc Rolland, Président du Jury pour son aide dans le domaine des écrits d'Ellen White et qui nous a permis d'élargir notre vision durant notre recherche.

Notre gratitude s'adresse aussi à la Faculté Adventiste de Théologie de Collonges-sous-Salève et à tous les professeurs qui nous ont formé avec rigueur et affection fraternelle. Par la même occasion, nous adressons nos remerciements au personnel du Campus Adventiste de Salève pour son accueil chaleureux grâce à tous ses divers services en particulier la Bibliothèque Alfred Vaucher.

Par ailleurs, nous exprimons notre profonde reconnaissance à l'égard de la Fédération Adventiste de France Nord et ses administrateurs ainsi que l'Association Pastorale de nous avoir soutenu pendant notre étude sur tous les plans : matériel aussi bien que spirituel. Nous apprécions également toutes les églises de cette Fédération qui ont contribué à participer à l'enquête prévue par cette recherche.

Nos remerciements vont particulièrement aux personnes suivantes pour nous avoir aidé sur le plan technique et informatique dans la réalisation de ce travail : Alain Galanth, Jaozaka Razafimahazo, Lucien Palmier et notre fille Shula Rajaonah. Sur tout un autre registre, nous tenons à remercier vivement notre sœur Holda et son mari Ntsoa Ranaivoson, ainsi que notre nièce Fanja Rasoarinosy et sa fille Stéphanie Dublineau qui ont facilité notre séjour d'étude grâce à leur hospitalité et à leur générosité.

Nous gardons dans notre cœur les paroles aimables et encourageantes de nos enfants que nous apprécions beaucoup : Michaël et Nora, Dominique et Lova, Princy et Volatiana, Shula, Dorian cher Béto. Et de nos petits-enfants : Kalina, Daniel, Keicy, Ayron, Jason, Elijah.

Mais par-dessus tout, nous sommes touché profondément par les implications de Harytiana, notre épouse, tout au long de cette étude. Son soutien par la relecture de ce travail, ses prières, ses conseils, ses paroles motivantes et surtout son amour nous ont permis d'avoir non seulement du zèle mais des ailes dans la réalisation de ce mémoire pour quelqu'un qui est à l'orée de la retraite. Que le Seigneur se souvienne de tous ses actes de bonté qui nous ont fait beaucoup de bien !

Enfin nous souhaitons remercier toutes les personnes qui d'une manière ou d'une autre ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

À Dieu seul soit la gloire, Celui qui est à l'origine de la paix grâce au don du sabbat !

2 Table des matières

Remerciements...... 2 Table des matières...... 3 Introduction...... 4

Chapitre 1 : L'exercice d'un métier le sabbat - Regards sur la pratique...... 7 1.1. Les conditions de l'enquête...... 7 1.2. Les résultats de l'enquête...... 10 1.2.1. Les enquêtés à l'épreuve de leur foi dans leur métier...... 10 1.2.2. Attitude et comportement des enquêtés face au sabbat...... 11 1.2.3. Les enquêtés face à eux-mêmes et à leur communauté concernant leur travail le sabbat... 14 1.2.4. Les attentes des enquêtés par rapport à leur situation...... 17

Chapitre 2 : La pratique du travail durant le jour du sabbat dans la Bible ………………..... 21 2.1. La pratique du travail permise durant le jour du sabbat dans l'Ancien Testament...... 22 2.1.1. Le travail effectué par les sacrificateurs pendant le sabbat...... 22 2.1.1.1. Rangement des pains devant l'Eternel chaque jour du sabbat...... 22 2.1.1.2. Activités des sacrificateurs doublées le jour du sabbat...... 24 2.1.2. Le travail des lévites pendant le jour du sabbat...... 26 2.1.2.1. Les lévites et la cuisson des pains de proposition pendant le sabbat...... 26 2.1.2.2. Les lévites en service permanent de garde dans le temple durant le sabbat…..... 27 2.1.3. La mise en place de services de garde par rapport au sabbat au temps de Néhémie...... 29 2.1.4. La pratique de la circoncision coïncidant avec le jour du sabbat...... 30

2.2. La pratique du travail ou activités dans le Nouveau Testament durant le jour du sabbat….. 33

2.2.1. La guérison d'un démoniaque durant le jour du sabbat...... 34 2.2.2. La guérison de la belle-mère de l'apôtre Pierre durant le jour du sabbat...... 36 2.2.3. Les disciples de Jésus arrachant les épis durant le jour du sabbat ...... 37 2.2.4. La guérison de l'homme à la main desséchée durant le jour du sabbat...... 40 2.2.5. La guérison de la femme courbée durant le jour du sabbat ...... 42 2.2.6. La guérison de l'homme hydropique durant le jour du sabbat...... 44 2.2.7. La guérison d'un invalide tout près de la piscine de Béthesda durant le jour du sabbat...... 45 2.2.8. La guérison d'un homme aveugle-né durant le jour du sabbat...... 48

Chapitre 3 : De la pratique du travail durant le jour du sabbat, jusqu'à quelle limite ?...... 54

3.1. Pour des activités restreintes le jour du sabbat. Quelles raisons ?...... 56 3.2. Pour des activités non limitées le jour du sabbat. Quelles raisons ?...... 58 3.3. L’exercice d’un métier le sabbat comme un non-travail. Est-ce possible ?...... 59

Conclusion générale...... 64

Bibliographie ...... 67 Annexe 1 : Questionnaire d’enquête...... 74

Annexe 2 : Tableau des réponses des enquêtés...... 76

3 Introduction générale

Même si chaque membre de l'Eglise Adventiste du 7ème Jour s'engage au moment de son baptême à observer le repos du jour du sabbat, il se trouve que dans certaines circonstances, il ne peut pas réellement se reposer ce jour à cause de son choix personnel. En effet, il travaille à ce moment-là car son métier est lié à la sauvegarde de la vie. Sont concernés par cette pratique généralement admise dans l’église adventiste le médecin, l'infirmier (re), la sage-femme, l'aide-soignant (te) et autres métiers équivalents. Les malades seront bien heureux de bénéficier du service médical mis en place le samedi accompli par ce groupe de personnes le jour du sabbat.

Cette réalité a attiré notre attention dans notre exercice pastoral au sein des églises adventistes de la Fédération France Nord pendant de nombreuses années car elle ne passe pas inaperçue aux yeux de la communauté. Ainsi, d'après ce que nous avons observé, la situation de ce groupe de personnes suscite des interrogations au sein de l'église sur l'interprétation du quatrième commandement de Dieu (Exode 20.8- 11) qui préconise de ne pas travailler le jour du sabbat. Aux yeux de l'extérieur aussi bien que dans l'église, on est alors en présence d'une observation du sabbat à deux vitesses. Le regard négatif de certains membres de la communauté à leur égard est inévitable si bien que certains membres de ce groupe se voient entre autres parfois empêchés d'avoir des postes à responsabilité dans la plupart des cas à l'église ou bien ils reçoivent des critiques et d'autres formes implicites de désapprobation par exemple par des regards tout simplement.

Par ailleurs, nous avons noté que certains de ceux qui sont concernés par le fait de travailler le sabbat dans le domaine de la santé, justifient souvent leur pratique en faisant appel à l’exemple de Jésus qui a fait du bien et qui a guéri le jour du sabbat. Pour eux, il n'y a pas d'heure ni de jour pour aider les personnes à conserver leur vie. Donc, ils passent une grande partie de leur journée du sabbat dans ce service. D'ailleurs, d'aucuns ont choisi justement ce travail en pensant que cela conviendrait mieux à l'esprit du sabbat quand ils l'exercent le jour du sabbat car en même temps ils rendent service à autrui. Par rapport à cela, le sociologue Fabrice Desplan a apporté les remarques suivantes dans son blog : « Ceux qui sont adventistes de longue date, contournent la difficulté qu'est l'incompatibilité entre pratique sabbatique et vie professionnelle en optant pour des situations professionnelles où ils ne travaillent pas le samedi ou des métiers qui sont considérés comme pouvant être pratiqués le samedi (c'est le cas de la médecine par exemple) »1 . D'autres acceptent de travailler le sabbat tout en gardant néanmoins un sentiment de culpabilité et de frustration. Ainsi, ils vivent des tensions en leur for intérieur dans l'exercice de leur métier le sabbat sans compter que l'employeur ne leur permet pas toujours de s'absenter malgré leur demande d’être libérés pour ce jour.

1 Fabrice Desplan, Sociologiser. Blog du sociologue Fabrice Desplan, 11 juillet 2006, La pratique du sabbat chez les adventistes (1) [en ligne] disponible sur http://www.dixmai.com/archive/2006/07/11lapratique-du-sabbat-chez-les adventistes-11.html (consulté le 15 novembre 2015).

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Vu cet état, pour un membre de l'église adventiste du 7ème jour qui souhaite à l'avenir travailler dans le domaine de la santé en exerçant un métier lié directement à la sauvegarde de la vie et par la même occasion souhaite être en adéquation avec sa foi, pour ceux qui sont déjà dans le métier2 et pour la communauté ou bien tout simplement pour des gens de l'extérieur qui s'interrogent si c'est admissible de travailler le sabbat dans le cas que nous évoquons, une étude dans ce domaine s'impose. Ainsi, au vu de tout ce que nous venons d’évoquer, à travers ce travail, nous essayons d'apporter un éclaircissement sur l'attitude à prendre dans une telle situation, ce qui nous a amené à choisir le titre suivant : « Est-il permis d'exercer certains métiers le jour du sabbat ? Une éthique du (non) travail le sabbat ». Par ce titre, notre étude sera animée en toile de fond et implicitement par cet esprit qui anime Jésus lors de ses actions durant le sabbat par la question suivante : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien […] ? » (Marc 3.4)3 Il ne s'agit pas de chercher une réponse en termes de raisonnement binaire qui attend juste un oui ou non. Notre étude se veut dynamique mais non pas statique.

À cet effet, dans un premier temps nous nous intéressons à l'exercice d'un métier le jour du sabbat en nous posant des questions sur la pratique. C'est pourquoi, pour y parvenir, le chapitre 1 dans cette étude s'attelle à présenter les résultats de l'enquête auprès des membres de l'église de la Fédération France Nord sur les métiers relatifs à la sauvegarde de la vie qu'ils exercent le jour du sabbat. Afin de comprendre ce qu'ils vivent, ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent concrètement, nous répondrons dans ce premier chapitre aux interrogations suivantes : Est-ce que le fait de travailler le sabbat est compatible avec l'esprit du sabbat pour ceux qui exercent les métiers cités ci-dessus (médecin, infirmier (re), sage-femme, aide-soignant (te) et autres) ? Si c'est dans l'affirmative, jusqu'où sont-ils convaincus de leur situation ? Et enfin, est-ce qu'ils sont confortables avec leurs convictions dans l'exercice de leur métier durant le sabbat ? Après avoir présenté les conditions de l'enquête, c’est grâce aux résultats et à leur analyse que nous pourrons avoir une idée plus claire sur leur situation. Par la suite, nous allons découvrir les enquêtés à l'épreuve de leur foi dans leur métier. L'enquête va aussi révéler non seulement leur attitude et leur comportement face au sabbat mais aussi face à eux-mêmes et à leur communauté. Et par la suite, nous essayons de dégager leurs attentes. Qu'en est-il pour eux de cette situation de travail le jour du sabbat ?

Dans un deuxième temps, le chapitre 2 de cette étude traitera de la nécessité de comprendre ce que la Bible révèle sur la pratique du travail durant le jour du sabbat. En l’occurrence, est-ce que cette pratique est en contradiction avec le sabbat, c'est-à-dire est-elle compatible avec ce jour de repos ? Si c'est dans l'affirmative, quelles en sont les raisons ? Ainsi, pour répondre à toutes ces questions, d'abord, nous allons recenser la pratique du travail permise durant le jour du sabbat dans l'Ancien Testament. Nous aborderons pour cela le travail effectué par les sacrificateurs pendant le sabbat, c'est-à-dire le rangement des pains

2 La remarque de l'un des enquêtés dans ce travail va dans ce sens : « Sujet de thèse fort intéressant. C'est une question que je me posais depuis longtemps ». 3 Tous les textes bibliques cités dans ce travail sont tirés de la Bible version Louis Segond 1910 [en ligne] disponible sur saintebible.com.

5 devant l'Eternel chaque jour du sabbat, les activités des sacrificateurs doublées le jour du sabbat ; il y a aussi d'une manière particulière le travail effectué par les lévites durant le jour du sabbat et nous nous pencherons donc sur les lévites et la cuisson des pains de proposition pendant le sabbat, les lévites en service permanent de garde dans le temple durant le sabbat. Il y a eu aussi par ailleurs comme au temps de Néhémie une mise en place de services de garde par rapport au sabbat. La pratique de la circoncision coïncidant avec le jour du sabbat sera aussi abordée dans le même sens. Ensuite, dans le même ordre d'idées, nous aborderons la pratique du travail ou les activités dans le Nouveau Testament durant le jour du sabbat, notamment celles accomplies par Jésus avec la guérison d'un démoniaque durant le jour du sabbat, la guérison de la belle-mère de l'apôtre Pierre durant le jour du sabbat, les disciples de Jésus arrachant les épis, les froissant et les mangeant durant le jour du sabbat, la guérison de l'homme à la main desséchée durant le jour du sabbat, la guérison de la femme courbée durant le jour du sabbat, la guérison de l'homme hydropique durant le jour du sabbat, la guérison d'un invalide tout près de la piscine de Béthesda durant le jour du sabbat, et enfin la guérison d'un homme aveugle-né le jour du sabbat.

Fort de toutes ces idées bibliques sur le travail ou activités permis durant le sabbat aussi bien dans l'Ancien que le Nouveau Testament, nous évoquerons des pistes dans le chapitre 3 pour que chacun soit en face de ses responsabilités sur le sabbat vis-à-vis de Dieu. Pour ce faire, nous poserons la question suivante par rapport à un métier lié à la sauvegarde de la vie exercé le jour du sabbat : est-ce qu'il rentre dans le domaine du non-travail ? Notre propos poussera à cet effet à la réflexion par la question suivante : De la pratique du travail durant le jour du sabbat, jusqu'à quelle limite ? Cette interrogation permettra de faire une remise en question, à tort ou à raison, afin de dégager une conclusion viable, objective et sans tomber dans le dogmatisme pour répondre à notre titre : « Est-il permis d'exercer certains métiers le jour du sabbat ? Une éthique du (non) travail le sabbat ».

Malgré ses limites, nous sommes fort persuadé que cette étude apportera un pont, sans prétention, un dialogue entre frères et sœurs dans la communauté ou bien entre collègues ou vis-à-vis des gens de l'extérieur de la communauté pour une compréhension meilleure de ce que Dieu attend de ceux qui travaillent et exercent un métier lié directement à la sauvegarde de la vie le jour du sabbat. Et en même temps, puisse-t-elle faire tomber les préjugés sur cette catégorie de métiers et enlever tout ce qui est cliché sur l'art d'observer le sabbat.

Ainsi, dans la théologie pratique, nous partons sur un aspect concret qui est l'enquête et qui correspond à la démarche de théologie pratique. Ensuite, analyser et réfléchir ce que le texte biblique apporte d'une manière concrète et enfin proposer de corréler cet apport biblique avec la mise en pratique de l'aboutissement de la recherche. C'est ainsi que la théologie pratique est plus qu'utile et porteuse d'édification pour l'église dans ces conditions.

6 Chapitre 1 L'exercice d'un métier le sabbat4 Regards sur la pratique

Bien que le métier lié directement à la sauvegarde de la vie exercé le jour du sabbat soit une réalité au sein des églises adventistes du 7ème jour de la Fédération France-Nord, elle suscite des questions à cause du jour du sabbat qui est utilisé pour le travail. Et d'aucuns s'interrogent si c'est admissible de travailler pendant ce jour. Afin de nous faire une idée à ce sujet et d’avoir des regards sur cette pratique, nous avons fait une enquête auprès des personnes concernées, membres de l'église adventiste, qui exercent leur métier le jour du sabbat à savoir le médecin, l'infirmier (re), la sage-femme, l'aide-soignant (te) ou autres. Nous constatons que leur point en commun réside dans le fait que leur travail est lié directement à la sauvegarde de la vie.

Ainsi l'enquête va nous permettre, d'une part de bien comprendre leur situation, d'autre part de considérer ce qu'elles vivent et ce qu'elles pensent en réalité de l’exercice de leur travail pendant le jour du sabbat. Pour y parvenir, nous présenterons d'abord les conditions de l'enquête, ensuite nous analyserons les réponses de cette enquête touchant les questions ouvertes, et enfin nous tirerons une conclusion à partir des interrogations suivantes qui sont les conséquences des tendances des enquêtés : Est-ce que le fait de travailler le sabbat est compatible avec l'esprit du sabbat pour ceux qui exercent les métiers cités ci-dessus (médecin, infirmier (re), sage-femme, aide-soignant (te) et autres) ? Si c'est dans l'affirmative, jusqu'où sont-ils convaincus de leur situation ? Et enfin, est-ce qu'ils sont confortables avec leurs convictions dans l'exercice de leur métier durant le sabbat ?

1.1. Les conditions de l'enquête

Notre enquête a été réalisée depuis la mi-octobre 2014 jusqu'à la mi-décembre 2014 auprès des membres des églises adventistes de la Fédération France Nord et qui sont médecin, infirmier (re), sage-femme, aide- soignant (te) ou autres. Elle a été mise en ligne sur internet5 et aussi sur papier6. Les formes des questions de l'enquête sont proportionnellement posées en termes de questions fermées d'une part et d'autre part en termes de questions ouvertes dont les réponses sont synthétisées7 . Cette enquête s'est limitée aux trois types de questions qui sont : les questions de fait - les questions d'opinion - les questions de connaissance.

4 Il s'agit notamment de membres de l'église adventiste du 7ème jour qui travaillent directement pour la sauvegarde de la vie telle que : médecin infirmier (re), sage-femme, aide-soignant (te), et autres. 5 À l'aide du Google forms dont voici le lien dudit questionnaire : https://docs.google.com/forms/d/1iYXlGks1MxsDLuoicX x6bHU23oeQl5pCBFabrckLUDE/ consulté depuis le 09/10/2014 au 15/12/2014. 6 Voir Annexe 1 pour le contenu de l'enquête. 7 Voir Annexe 2 pour les réponses des enquêtés.

7 Les données de l'enquête vont nous permettre d'obtenir de la part des répondants : a. des données factuelles : domaine personnel, environnement, comportement des individus - b. un jugement subjectif sur des faits, des évènements, des idées : il peut s’agir d’opinions - d’attitudes - de motivations, d’attentes, de préférences - c. des cognitions : des indices de connaissance de l'objet étudié par l’enquête. Au total, 75 personnes ont répondu aux questionnaires. Toutes les réponses ont été envoyées anonymement. L'enquête nous montre que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans ce groupe de métier : femmes 73 % ; hommes : 27 %. Selon les statistiques officielles, à titre de référence, on dénombrerait que 87 % sont des femmes dans le métier d'infirmier8, et notre enquête montre à peu près un chiffre voisin car sur les 30 infirmiers comptés dans notre enquête, 4 sont des hommes et 26 sont des femmes, ce qui veut dire que les 91 % sont des femmes. Par ailleurs, nous notons une légère surreprésentation des mariés dans notre enquête puisque les mariés représentent 58%, alors que les célibataires ne sont que 36%, le reste c'est-à-dire les divorcés (es) ne représentent que 5%, et les veufs seulement 1%. Cette différence de pourcentage entre mariés et célibataires, nous semble-t-il, pourrait s'expliquer par la différence d'âge des personnes engagées dans ce métier car ceux qui ont entre 18 et 30 ans représentent 27% (en effet, selon les observations : « les Français se marient à plus de 30 ans »9) ; ceux qui sont dans la tranche d’âge entre 30-40 ans représentent 23% ; ceux qui ont entre 40-50 ans représentent 19% et les personnes de plus de 50 ans représentent 31%. Il apparaît d'après ces statistiques que toutes les tranches d'âges sont représentées avec des pourcentages proches les uns des autres. Cependant, concernant le type de métier lié directement à la sauvegarde de la vie, nous soulignons qu'il y a de fortes disproportions d'un métier à l’autre que l'on rencontre dans l'église. En effet, le métier d'infirmier (re) est majoritairement représenté car sur les 75 enquêtés, 30 sont des infirmiers (res), représentant 42 % ; vient ensuite le métier d'aide-soignant (e) : 14 sur 75, représentant 20% ; le métier de médecin : 8 sur 75, et représentant 12%. Nous constatons que lorsque notre enquête a ouvert une

8 Voir Aurélie Trentesse dans Au cœur du métier, 638 248 infirmiers en France [en ligne] disponible sur http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/presentation/638248-infirmiers-france.html (consulté le 06 avril 2016). 9 Voir dans le quotidien Le Figaro la déclaration suivante : « Les Français se marient à plus de 30 ans [...] Désormais, il faut avoir passé 30 ans pour songer au mariage. L'âge du premier mariage ne cesse de s'élever : il a gagné un an depuis 2004 ! Les hommes célèbrent en cette union à 32 ans et 6 mois et les femmes à 30 ans et 5 mois ». [en ligne] disponible sur http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/11/07/01016-20091107ARTFIG00213-les-francais-se-marient-a-plus-de-30ans- .php (consulté le 07 avril 2016).

8 rubrique « autres », nous avons reçu des réponses de la part de personnes qui pensent que leur travail est lié à la sauvegarde de la vie si bien qu'ils travaillent le sabbat. Nous avons ainsi reçu des types de métier prétendant aller dans ce sens au nombre total de 20 sur les 75 enquêtés. En voici principalement leur nombre et le motif qu'ils déclarent pour justifier le travail au cours du sabbat : 1 agriculteur/éleveur avec ce motif : « L'exemple de Jésus au regard des animaux dans les évangiles me suffit » ; 2 ambulanciers avec l'un des motifs suivant : « Jésus quand il posa la question de savoir si un berger laisserait sa brebis en difficulté le jour du Sabbat » ; 1 assistant en soin communautaire avec ce motif : « J'aide les personnes qui ont besoin de moi. Jésus lui-même aide toutes ses créatures, le Sabbat y compris et je prends exemple sur Jésus » ; 1 auxiliaire en puériculture avec ce motif : « Je ne travaille pas le Sabbat mon seul problème est que le vendredi au coucher du soleil, je suis au travail car le soleil se couche tôt vers 16h-16h30 l'hiver » ; 4 auxiliaires de vie avec l'un des motifs suivants : « En aidant la personne, il risque de ne pas manger s'il n'y a pas de gens comme nous travail (sic) » ; 1 dentiste avec ce motif : « Je rends service à des hommes, femmes et enfants y compris à ceux qui sont dans l'église » ; 1 éducatrice sans motif sauf qu'elle ne travaille pas tous les sabbats mais cela n'arrive qu'exceptionnellement ; 3 kinésithérapeutes avec un des motifs suivants : « L'exemple de Jésus et ma conscience » ; 1 protection de l'enfance avec ce motif : ne travaille tout le sabbat qu'exceptionnellement ; 1 psychologue avec ce motif : « Parce que la finalité de ce que je fais va au bénéfices (sic) d'un enfant de Dieu, il est permis de faire du bien le jour du sabbat » ; 2 secrétaires médicaux avec motif : rendre un service ; 1 technicienne de laboratoire en biologie médicale et 1 technicienne de laboratoire en bactériologie avec l' un des motifs suivants : « Je ne me trouve pas forcément en phase avec l'esprit du Sabbat, mais je sais que je ne peux en faire autrement et que les malades le sont toujours même le jour du sabbat ». Suite à cette liste dans la rubrique « autres », nous comprenons qu'un médecin ne travaille pas seul ni un infirmier ni un aide-soignant et qu’il y a toute une équipe de travail dans le processus de sauver une vie : chacun a besoin des uns et des autres pour le bien du patient. De même pour ceux qui travaillent dans les laboratoires d’analyse car du résultat de l'analyse dépend souvent le traitement à donner au malade. C'est valable pour l'ambulancier à titre d'exemple, appelé à transporter d'urgence un malade et le secrétaire qui enregistre le patient avant que les autres unités ne reprennent le relais selon leurs compétences. C'est tout un enchaînement de travail qui est indispensable pour s'occuper d'un seul malade.

9 1.2. Les résultats de l'enquête

Plusieurs thèmes sont mis en évidence par les résultats de cette enquête qui vont nous permettre de comprendre les réalités que vivent et que ressentent nos enquêtés. Ils vont nous permettre non seulement de déterminer les tendances générales qui constituent un regard collectif concernant le travail durant le sabbat par les membres d’église exerçant certains métiers liés à la sauvegarde de la vie, mais aussi les préoccupations de nos enquêtés qui nous conduisent à tirer des enseignements.

1.2.1. Les enquêtés à l'épreuve de leur foi dans leur métier On peut se poser la question de savoir si la situation des enquêtés ont entamé leur foi. Les résultats ont montré clairement que la majeure partie des répondants exerçant leur métier lié à la sauvegarde de la vie sont membres de l'Eglise Adventiste du Septième Jour depuis plus de 20 ans c'est-à-dire 44/75 ou 58%. En voici la répartition : Membres depuis 0-5 ans : 12% ; 5-10 ans : 7% ; 10-15 ans : 8% ; 15-20 ans : 12% ; 20 ans et plus : 58%. Dans ce cas de figure, cela peut suggérer que leur métier n'a pas affecté en général leur foi. Le fait de travailler le sabbat n'a pas déstabilisé leur foi. Cet état est compréhensible dans la mesure où les enquêtés ont répondu massivement non à la question demandant s’ils ont choisi ce métier par rapport à leurs convictions religieuses. Oui : 21% ; non : 79%. La phrase suivante d'un enquêté peut résumer ce choix : « J'aide des personnes qui sont dans le besoin ».

Dans ce métier, qu'il y ait un problème lié à l'observation du sabbat ou non, ils en assument le choix. Nous pouvons avancer que leur foi relève alors d'une conviction personnelle mais non pas calculée par une circonstance. Elle est illustrée par le propos de cet enquêté : « Au-delà d'un métier, c'est l'amour pour mon prochain. Je ne pourrai laisser un malade sans soins même si c'est le jour du Sabbat ».

Fait marquant, nous constatons que la plupart d'entre eux ne sont pas tellement pris par leur métier chaque sabbat car il n'y a tout simplement que 4/75 qui travaillent systématiquement tous les sabbats c'est-à-dire en

10 pourcentage les 5%. Les autres répartitions de fréquence de travail de la catégorie « exceptionnellement » représentent 35% ; ceux qui travaillent 1 fois par mois : 16% ; et ceux de la catégorie « 2 fois par mois » 44%.

Cela peut laisser penser que l'organisation de travail des enquêtés répartie à tour de rôle pourrait contribuer éventuellement à ce genre de souplesse dans leur emploi du temps. Par rapport à cela, un enquêté a souligné : « Je ne trouverai pas juste de faire travailler quelqu'un d'autre à ma place, sous prétexte qu'il n'est pas adventiste. 1 week-end sur deux, c’est déjà bien ? » Vu cette souplesse, est-ce à dire que la fréquence du travail pendant le sabbat influe sur la stabilité de leur foi ? Nous remarquons dans l'enquête que la tranche d'âge de 0 à 5 ans d'exercice dans le métier représente 30/75, c'est-à-dire les 40%. Par ailleurs, on constate que le travail à affronter durant le sabbat chez les enquêtés n'a pas découragé leur vocation pour le métier lié à la sauvegarde de la vie. Fort de toutes ces réalités, nous pouvons dire, quoique la situation des enquêtés soit différente de celle des membres de l'église qui ont leur sabbat libre, qu’ils sont attachés à leur foi. Dans la pratique, comment les enquêtés vivent leur foi par rapport au sabbat dans l'exercice de leur métier ?

1.2.2. Attitude et comportement des enquêtés face au sabbat Par rapport aux membres d’église libres de célébrer leur sabbat sans être astreints à un travail et qui ont l'occasion de se rendre à l'église pour le service de culte, il faut s'attendre à une attitude et un comportement différents chez les enquêtés dans leur manière de vivre leur sabbat. Les tendances sont illustrées par les réponses à la question de savoir s'ils ont déjà fait des démarches pour se libérer le jour du sabbat. La réponse est claire et sans ambiguïté car la majorité des enquêtés affirment avoir fait des démarches pour se libérer le jour du sabbat : Ceux qui ont dit oui sont au nombre de 48/75 c'est-à-dire 64% et ceux qui déclarent n’avoir fait aucune démarche dans ce sens représentent 27/75 ou 36%. Toutes ces réponses nous conduisent à estimer que les enquêtés ont une tendance générale qui consiste à ne pas souhaiter exercer leur métier le jour du sabbat et par extension, nous pouvons déceler une soif d'être en communion avec Dieu dans l'église et avec la communauté de son appartenance le jour du sabbat malgré leur présence sur leurs lieux de travail. D'ailleurs, la phrase de l'un des enquêtés traduit cette tendance : «

11 J'aimerais me libérer totalement pour être dans l'adoration le jour du Sabbat ». Si la minorité se résigne et se contente de ne pas réagir pour se libérer le jour du sabbat de leur travail, par contre, la majorité qui ont fait des démarches pour être libérés du travail le sabbat ont utilisé les moyens suivants : ainsi, 11% ont annoncé leur position de ne pas travailler le jour du sabbat dès l'entrée en fonction. Comme l'un d'entre eux a noté dans l'enquête : « D'entrée j'ai posé la condition de ne pas travailler le samedi ». 20% ont fait des démarches pour se libérer le jour du sabbat à cause d'une situation spéciale comme par exemple, un enquêté qui a demandé de se libérer ce jour-là pour qu'il puisse siéger au service pour le culte. Et enfin 28% ont fait des démarches en vue de modifications ou négociations du planning du travail. Au total, ils sont à 59% à avoir utilisé des moyens légitimes pour se libérer le jour du sabbat. Quelle que soit l'issue de leur demande, visiblement les enquêtés ont pu aussi révéler leur identité sur le plan religieux par ces moyens. Il est curieux de constater que si l'on croise ces résultats avec le genre, nous notons que les hommes sont plutôt enclins à prendre l'initiative pour faire des démarches pour se libérer du sabbat tandis que chez les femmes, cette tendance est plutôt faible. Pour les hommes et les femmes qui se sont exprimés uniquement sur les démarches pour avoir leur sabbat libre, nous constatons que 22% des hommes prennent l'initiative pour faire des démarches afin d'obtenir leur sabbat alors que parmi les femmes, ce sont seulement 7 % qui en ont pris l'initiative. L'attitude de l'homme et celle de la femme parmi les enquêtés nous font apparaître que dans leur travail pendant le sabbat, la majorité des femmes s'adaptent à leur situation (déclaration d'une enquêtée pour illustrer ce propos : « cela fait 1 an que je travaille, je ne pensais pas négocier mes sabbats ») alors que la majorité des hommes aimeraient avoir un changement dans leur situation (déclaration d'un enquêté pour illustrer à ce propos : « En tant que médecin généraliste j'essaie de me faire remplacer par un collègue remplaçant le plus souvent possible »). Par ailleurs, il se trouve qu'à la question de savoir si les enquêtés se sentent en phase avec l'esprit du sabbat

12 pendant qu'ils exercent leur métier ce jour-là, alors, ceux qui ne se considèrent pas en phase avec l'esprit du sabbat sont à 38%. Leurs réponses sont diversifiées. Certains enquêtés n'évoquent aucune raison de ne pas être en phase. D'autres notent que l'atmosphère qu'ils vivent sur leur lieu du travail n'est pas propice à vivre une communion avec Dieu. Ainsi, l'une des enquêtées a dit : « C'est impossible d'être en phase avec l'esprit du Sabbat ce jour-là, car nous ne travaillons pas seule, mais je peux m'isoler pour un peu lire la Bible ». Les autres enquêtés sont envahis par le doute, par une remise en question de leur action le jour du sabbat et par un sentiment de culpabilité. Il existe alors une tension dans leur for intérieur entre ce qui est admissible de faire le jour du sabbat et ce qui ne l'est pas chaque fois qu'ils travaillent le sabbat. On sent un mal-être dans ce groupe dans l'exercice de leur métier le jour du sabbat. Par contre, pour ceux qui se considèrent être en phase avec le sabbat (62 %), ils évoquent les raisons suivantes en dehors de ceux qui ne travaillent absolument pas le jour du sabbat (7%), le problème ne se pose pas - pour les 10% des enquêtés, il suffit d'adopter une attitude pour être dans l'esprit du sabbat. Le propos d'une enquêtée illustre bien cela : « c'est premièrement l'esprit dans lequel je suis ce jour et ma manière de travailler. J'ai des enfants et j'en ai mis au monde un jour de sabbat et j'étais très heureuse ». Un autre enquêté considère carrément que ce qu'il fait n'est pas un travail : « Je ne le considérai pas comme un travail ce jour-là (différence d'état d'esprit) mais comme un don de soi (état d'esprit que j'aurai souhaité pouvoir adopter aussi le reste de la semaine - mais il y a une atmosphère spéciale le sabbat !) Je me mets totalement au service des autres ». Justement à ce propos, 36% se considèrent être en phase avec le sabbat car ils font du bien en rendant service aux autres. Et enfin, 9% font référence à Jésus qui a fait du bien le sabbat. Nous constatons que les raisons avancées par les enquêtés assurant qu’ils sont en phase avec l'esprit du sabbat pendant l'exercice de leur métier le jour du sabbat sont majoritaires : raisons d'ordre personnel, d'ordre philosophique, d'ordre théologique. Néanmoins, les autres raisons évoquées par ceux qui ne sont pas en phase avec le sabbat laissent à penser que les répondants font leur

13 métier ce jour-là presque à contrecœur. Un certain malaise est à cet effet palpable. Il se trouve que l'attitude et le comportement des enquêtés sur le sabbat sont répartis en deux groupes : le groupe de ceux qui ne se considèrent pas en phase avec le sabbat et qui sont moins nombreux, et le groupe de ceux qui sont en phase avec le sabbat. Est-ce à dire que ce dernier est dans leur être entièrement à l'aise en travaillant le jour du sabbat ?

1.2.3. Les enquêtés face à eux-mêmes et à leur communauté concernant leur travail le sabbat Il est à souligner que ces enquêtés sont membres de l'Eglise Adventiste du 7ème jour. En leur qualité de membres, comment conçoivent-ils leurs liens avec la communauté ? D'abord vis-à-vis d'eux-mêmes, il se trouve que les enquêtés qui sont tout à fait satisfaits de leur situation actuelle concernant l'observation du jour du sabbat sont à 64%. Le reste des enquêtés se regroupe dans l'insatisfaction dont ceux qui ne sont pas vraiment satisfaits sont à 28% et ceux qui ne sont pas du tout satisfaits sont à 8%. Visiblement, dans l'ensemble, les enquêtés sont satisfaits d'eux-mêmes. Cependant, si l'on cherche à trouver une nette et franche satisfaction sur les enquêtés, nous ne pouvons retenir que les 32% qui sont tout à fait satisfaits car ceux qui sont assez satisfaits sont à 32 % c'est-à-dire plus ou moins satisfaits. Si c'est le cas, nous pensons que la satisfaction totale n'est pas acquise mais relative en général. Ainsi, en allant dans ce sens, notre enquête fait apparaître une situation paradoxale : d'une part sur le plan rationnel, nombreux sont les enquêtés qui se considèrent en phase avec le sabbat mais d'autre part sur tout un autre plan, ils sont plus ou moins satisfaits de leur état ou non satisfaits totalement. Cette situation est traduite à travers les réponses données : par l'absence de réponses ; par le sentiment éprouvé par les enquêtés qu'il y a un manque d’un véritable repos du sabbat lorsqu'ils travaillent ce jour-là ; par la perte de la notion d'adoration comme l'un des enquêtés souligne : « Bien que faisant le bien, travaillant dans un milieu non-chrétien, j'ai du mal à tourner mes pensées vers Dieu » ; par le désir dans l'idéal de ne pas travailler ; par des luttes intérieures concernant le repos du sabbat non observé. Parmi ceux qui sont très satisfaits, 18/75 ont donné des arguments justifiant leur satisfaction en disant qu’ils sont satisfaits parce qu'ils ne travaillent pas justement le samedi. Les autres ont avancé les raisons de leur satisfaction par les arguments suivants : le sentiment d'être utile ; leur conscience pure face au travail exécuté le samedi tel que l'un des enquêtés souligne : « Je n'ai rien à me reprocher » ; la satisfaction entière se trouve aussi dans la joie et le contentement. Nous observons qu'il existe un conflit chez les enquêtés entre ce qui est légitime de faire le jour du sabbat et ce

14 qui est idéal de faire le jour du sabbat, nous semble-t-il. Pour celui qui est entièrement satisfait, ce problème ne se pose pas, mais pour celui qui n'est pas satisfait de lui-même, nous pouvons illustrer l’exemple d'un enquêté à ce propos : d'une part sous la rubrique qui réclame s'il est à l'aise et en phase avec le travail le jour du sabbat, il répond : « J'aide les personnes qui ont besoin de moi Jésus lui-même aide toutes ses créatures, le Sabbat y compris et je prends exemple sur Jésus ». D'autre part sous la rubrique qui lui demande s'il est satisfait vis-à-vis de lui-même concernant l'observation du sabbat en travaillant, il répond : « Un sabbat de libre en plus par mois me conviendrait davantage ». Par ailleurs, nous observons que si l'on croise cette notion de satisfaction avec l'âge des enquêtés, la comparaison de ceux qui sont dans les autres tranches d'âge par rapport à ceux qui ont 50 ans et plus nous donne comme résultat que ces derniers sont les plus satisfaits de leur situation avec un taux de 46% tandis que les autres ne dépassent même pas la moitié de ce taux. Pour d'autres résultats, on retrouve toujours la même allure. A l'extrême, ceux qui ne sont pas du tout satisfaits sont ceux qui ont entre 25-30 ans et 30-35 ans avec le même taux de 33 %. On peut constater que plus les enquêtés sont âgés, plus ils sont satisfaits de leur situation. Mais plus ils sont jeunes, plus ils sont sensibles à leur situation d'où l'insatisfaction de leur situation. Ils sont à vrai dire en quête d'un changement tandis que les plus âgés préfèrent s'installer dans cette situation. On voit à travers cette insatisfaction que les enquêtés aimeraient avoir des contacts et de la communion avec la communauté durant le sabbat.

Mais quels sont les ressentis des enquêtés sur leur personne par rapport au regard des autres c'est-à-dire les membres de la communauté, les dirigeants de l'église vis-à-vis de leur situation ? Il y en a de ceux qui sont sans avis ou qui n'ont pas de réponse là-dessus et qui sont à 31%. Il y en a de ceux qui sont indifférents par rapport au regard des autres et qui sont à 25% : c'est le propos suivant de l'un des enquêtés qui résume cette tendance : « Je ne me soucie de ce qu'ils peuvent penser et dire. Car, je n'ai de compte à rendre qu'à Dieu qui est maître du sabbat » ; il y en a de ceux qui prennent négativement le fait de ne pas leur donner de poste à responsabilité à l'église : 4% ; il y en a à 15% de ceux qui ressentent l'incompréhension par le jugement et par des propos culpabilisants de certains membres de leur église si l'on se réfère au propos de l'un des enquêtés ci-après : « Le regard est compréhensible mais on sent tout de même le jugement dans la bouche des membres ». Par ailleurs, ceux qui ont ressenti un regard positif de leur communauté sont à 19/75 c'est-à-dire les 23 % des enquêtés et cela se traduit par l'empathie, l'attitude fraternelle, la compréhension, les encouragements, l'approbation. L'un des enquêtés dans son propos en réponse à cette question de son ressenti vis-à-vis du regard de la

15 communauté dit ceci : « Beaucoup de compréhension, dans le sens qu'eux-mêmes auraient souhaité être correctement soignés même un jour de sabbat ». C'est vrai que la maladie n'a pas de jour où elle se déclare, d'où le besoin d’avoir quelqu’un pour prendre une personne en charge dans sa maladie et prendre soin d’elle. Dans le même ordre d'idées, nous relevons la remarque suivante de l'une des enquêtés qui parle en connaissance de cause : « Plusieurs sœurs adventistes ont accouché un sabbat. Elles étaient contentes que leur gynécologue soit présente à l'accouchement !!!! ». Quoi qu'il en soit, nous constatons que les ressentis des répondants vis-à-vis de leurs coreligionnaires indiquent que le fossé existe entre les répondants et leur communauté dans la compréhension de l'exercice de leur métier le jour du sabbat. Le regard négatif est plutôt pesant frôlant même une condamnation. À notre avis, ce terrain est encore vague pour l'église et suscite des réactions négatives, faisant suggérer que ce genre d'étude pourrait permettre de briser le tabou. Il est intéressant de souligner qu'un membre de l'église est appelé à s'intégrer et à s'engager dans sa communauté par tous les moyens.

Les enquêtés ont aussi eu à répondre à la question suivante : Est-ce que vous êtes de ceux qui sont en faveur d'offrir comme offrande à Dieu ce que vous gagnez le jour du Sabbat ? Les résultats de la réponse font apparaître que les avis sont partagés dans la mesure où ceux qui ont dit oui sont à 37 sur 75 soit 49 % et ceux qui ont dit non sont à 38 sur 75 soit 51%. Visiblement, l'idée ne fait pas l'unanimité. Cela nous conduit à penser que le sujet mérite une longue réflexion personnelle. Lorsque l'on regarde de près les raisons avancées pour lesquelles les enquêtés justifient leur choix, il se trouve que 12% n'ont aucune réponse à donner, cela veut dire que cette idée ne saute pas à leurs yeux d'autant plus que la plupart de ce groupe ne travaillent pas systématiquement le jour du sabbat, ainsi le problème ne se pose pas. Par contre, les 13% des enquêtés hésitent à entrer dans ce débat sur l'argent comme un enquêté a bien dit : « j'y pense mais je n'ai pas encore fait le pas », voilà pourquoi ils n'ont aucune raison à la fois de refuser ni d’accepter d'offrir comme offrande à Dieu ce qu'ils ont gagné le jour du sabbat ou bien ils ont une autre raison à faire valoir comme l'un des enquêtés a noté : « Oui et non, je me suis déjà posé la question plusieurs fois, c'est vrai que nous ne devons pas gagner d'argent ce jour-là et en même temps je récupère le jour du Sabbat ce qui dans la semaine ne m'est pas payé ». En outre, les 43 % des enquêtés refusent cette idée d'offrir comme offrandes ce qu'ils ont gagné le jour du sabbat en mettant en valeur des arguments d'ordre théologique tels que : on n'achète pas Dieu, Dieu ne demande pas cela ou bien le fait de l'accepter constitue un moyen de se déculpabiliser ; d'arguments d'ordre logique comme l'un des enquêtés l’a bien souligné : « L'offrande est globale, c'est une chance d'exercer ce métier et pas

16 que le samedi » ; d'arguments d'ordre personnel qui consistent à dire que c'est une affaire personnelle entre l'enquêté et Dieu ; d'arguments d'ordre pratique qui consiste à dire que le salaire est fixe. A l'opposé, les arguments pour le oui à 32% sont motivés par la reconnaissance à Dieu, pour se déculpabiliser comme l'un des enquêtés confirme : « Pour être en accord avec l'esprit du service rendu à l'autre et le déculpabiliser ». Les autres arguments pour le oui sont motivés par l'expression de la générosité et le fait de considérer le jour du sabbat comme étant un jour de non-profit qui est illustré par le propos suivant d'un enquêté : « Le travail le jour du sabbat ne doit pas être une source de profit ». Donc, il se trouve que toutes ces diverses raisons évoquées par les enquêtés qu'elles soient pour le refus ou pour l'acceptation sont logiques et compréhensibles. Les réponses données font apparaître que ce domaine fait appel à la conscience et à la liberté de chaque individu quant à la gestion de son argent. Chacun est responsable de ses actions. Ce que Dieu reconnaît et qui se trouve dans 2 Corinthiens 9.7 : « Que chacun donne comme il l'a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie ».

En somme, en général, la majorité des enquêtés pensent qu'ils sont en phase avec le sabbat dans l'exercice de leur métier pendant ce jour, mais la satisfaction entière dans leur situation n'est pas acquise vu leur idéal de jouir pleinement de leur sabbat. En outre, les enquêtés en général ressentent un message négatif de la part des membres de leur communauté quant à leur situation vis-à-vis du sabbat. Il est à souligner que les enquêtés affichent leur liberté et leur indépendance dans leurs actions sans pour autant être déstabilisés par d'autres facteurs extérieurs. Ils montrent malgré tout leur attachement à la liberté de conscience concernant le sujet sur le salaire reçu au cours du sabbat à donner ou à ne pas donner comme offrande. Néanmoins, nous relevons un dénominateur commun qui unit les uns et les autres en ce sens que nous constatons qu'ils ont le sentiment que le travail qu’ils font durant le sabbat constitue un acte de service mais non pas un travail qui a pour but d'avoir un profit. Après toutes ces dimensions de la situation des enquêtés, nous posons la question de savoir ce qu’ils ont comme attente ?

1.2.4. Les attentes des enquêtés par rapport à leur situation À voir l'allure générale de cette enquête, nous constatons que les enquêtés se sentent utiles dans leur travail le jour du sabbat car les patients ne choisissent pas leur jour pour être malades. Le métier des enquêtés nécessite une bonne disponibilité. Au-delà de tout autre métier, leur métier est valorisant par le fait de rendre un service lié directement à la sauvegarde de la vie. Néanmoins, lorsque l'on considère les enquêtés face au sabbat, il nous semble qu'ils sont aussi en quête de paix intérieure dans l'exercice de leur travail pendant le sabbat. Ainsi, dans cette partie, nous essayons de dégager leurs attentes sur ce qu'ils pensent de la Bible à propos de leur travail effectué pendant le sabbat, et sur leurs attentes exprimées en commentaires pour ne pas garder le statu quo.

17 Concernant leur connaissance sur les fondements bibliques de certains métiers qu’il est possible d’exercer le sabbat sans être en porte-à-faux avec le 4ème commandement, il se trouve que les 12 sur 75 enquêtés (voir le pourcentage sur le tableau ci-dessous) se sont contentés de ne pas donner de réponses ; 3 sur 75 sont ceux qui ont déclaré ne pas savoir de textes bibliques à ce propos ; 26 sur 75 ont donné des réponses exprimées par des pensées personnelles sans recours à la Bible à l'instar de cette déclaration de l'un des enquêtés : « aider son prochain chaque jour » ; 29 sur 75 ont donné des réponses par des citations approximatives de la Bible, ou des paraphrases telles que : aimer son prochain, faire du bien à son prochain, Jésus fait du bien le jour du Sabbat ; 5 sur 75 ont pu fournir des textes bibliques proprement dits. Malgré le fait que 5 enquêtés seulement sur les 75 aient pu produire des références bibliques afin d'avoir des bases bibliques pour la possibilité de certains métiers le sabbat, il se trouve que la majorité des réponses avec ou sans appui de textes bibliques tournent autour de l'idée qu’il est possible de travailler le sabbat pour faire du bien comme Jésus le jour du sabbat. Nous pensons que d'autres bases bibliques étayant la possibilité de certains métiers le sabbat existent dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament et elles feront l'objet d'un chapitre dans cette étude. Il se trouve que cela pourrait répondre aux attentes des enquêtés à la recherche d'une clarté et de paix sur leur situation.

Par ailleurs, que penser des autres attentes des enquêtés par rapport aux résultats de la question posée à la fin de cette enquête et qui sollicite de leur part d'autres commentaires ou informations ? Voici les résultats de la synthèse des informations que les répondants souhaitent nous communiquer : sans commentaires : 50% ; avoir confiance en Dieu : 7% ; persévérer et souffrir dans l'attente de vivre pleinement leur sabbat : 5% ; vivre le sabbat pour faire du bien est dans l'esprit du sabbat : 16% ; proposer un projet : avoir des hôpitaux adventistes, orienter les jeunes dans le choix de leur travail par rapport au sabbat : 7% ; pessimisme pour l'avenir : 4% ; message à l'enquêteur : souhait de réussite, encouragements, sujet intéressant qui interpelle, en attente des résultats de ce travail : 11 %. En dehors de la moitié des répondants qui n'ont pas fait de commentaires, l'autre

18 moitié des répondants se sont exprimés en général en termes d'optimisme en espérant que leurs souffrances soient soulagées soit par un aboutissement de projets tels qu’avoir des hôpitaux adventistes (ici on parle de la France, mais est-ce que l'on ne travaillerait pas le samedi dans cet hôpital vu que les maladies et les urgences ne se programment pas ?), soit par la ferme conviction que le fait de se mettre au service d'autrui les place de facto dans l'esprit du sabbat, soit par l'éclaircissement de leur situation par notre étude, soit par la confiance en Dieu dans leurs expériences. La mentalité des enquêtés est une mentalité de battants si bien que l'on peut entrevoir dans cette attitude une ouverture d'esprit comme l'un des enquêtés a noté à propos de cette étude : « Sujet de thèse fort intéressant. C'est une question que je me posais depuis longtemps... » Nous ne pouvons pas mettre en doute la détermination des enquêtés d'être des observateurs du sabbat mais en même temps des bienfaiteurs pendant le sabbat. Nous pensons qu'à travers l'approfondissement de la parole de Dieu on peut tirer des enseignements pour se rendre plus équilibrés qu'avant.

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Il se trouve que cette enquête nous a permis de cerner les réalités de ceux qui travaillent le jour du sabbat par leur métier qui est lié à la sauvegarde directe de la vie. Grâce à cette enquête, ses résultats et son analyse, il semble que nous pouvons répondre à nos préoccupations qui étaient formulées par les questions telles que : est-ce que le fait de travailler le sabbat est compatible avec l'esprit du sabbat pour ceux qui exercent les métiers cités ci-dessus (médecin, infirmier (re), sage-femme, aide-soignant (te) et autres) ? Si c'est dans l'affirmative, jusqu'où sont-ils convaincus de leur situation ? Et enfin, est-ce qu'ils sont confortables avec leurs convictions durant le sabbat dans l'exercice de leur métier ?

À la première question, la réponse est à la fois affirmative et négative dans la mesure où nous avons eu à ce sujet des résultats disparates. Et pourtant personne ne songe à abandonner tout de suite son métier mais garde confiance. Il nous semble que le sujet n'a jamais été débattu de long en large. Une telle étude permettra à chacun de tirer un enseignement qui produira de l'équilibre entre réalité et idéal.

À la deuxième question, jusqu'où sont-ils convaincus de leur situation, la réponse est que sur le plan pratique, ils sont convaincus que leur travail constitue un grand service pour la société mais l'esprit de culpabilité plane toujours sur certains. Et on note l'insatisfaction dans leur esprit même s'ils pensent faire du bien conformément à l'expérience de Jésus.

À la troisième question, sont-ils confortables avec leurs convictions durant le sabbat dans l'exercice de leur métier, la réponse est oui si l'esprit ne se concentre pas sur des choses profanes ce jour-là. Il semble

19 que les répondants montrent leur soif et leur besoin d'adorer Dieu ailleurs que sur leur lieu de travail même s'ils pensent bien agir dans ce métier.

Vu toutes ces remarques et analyses, il nous paraît nécessaire de mettre au clair ce que la Bible préconise afin de retrouver la sérénité concernant le travail ou les actions permises durant le sabbat. D'où une telle étude ne fait qu'enrichir les enquêtés et aussi l'église grâce à la recherche qui suit immédiatement traitant sur les critères bibliques dans l'Ancien Testament et dans le Nouveau Testament permettant l'exercice d'un travail le jour du sabbat.

20 Chapitre 2 La pratique du travail10 durant le jour du sabbat dans la Bible

En termes pratiques, nous pouvons définir que le jour du sabbat est une journée de repos commençant du coucher du soleil du vendredi jusqu'au coucher du soleil du samedi11, ce qui nous amène à dire qu'en principe tout observateur du sabbat cesse donc toute activité profane afin de vivre en communion avec Dieu par un culte d'adoration et par tout ce que Dieu a recommandé à vivre durant ce jour sacré12.

À vrai dire, ce repos n'est pas du tout un repos banal dans la mesure où Dieu et l'homme sont impliqués ensemble pour vivre une communion intense13. Dieu a montré l'exemple en se reposant le jour du sabbat (Genèse 2.1-3), puis il a mis l’observation de ce sabbat dans ses commandements (Exode 20.8-11) en soulignant la nécessité de cesser tout ouvrage14 pour vivre ce jour spécial. Malgré cela, à travers la Bible, il semble que des circonstances révèleront que des travaux ont été permis le jour du sabbat. Alors, sont- ils en contradiction avec le sabbat ou sont-ils compatibles avec ce jour de repos ?

En réponse à cette préoccupation, dans un premier temps, nous allons recenser et étudier sur le plan pratique les textes dans l'Ancien Testament et dans un deuxième temps ceux dans le Nouveau Testament qui font ressortir que des activités permises ont eu lieu le jour du sabbat.

10 Parfois nous utiliserons les mots tels que : activité ou action à la place du mot travail dans cette étude. 11 Voir Robert Leo Odom, The Lord's Day on a Round World, Nashville, Tennessee, The Southern Publishing Association, 1946, p. 33-40. 12 Cf. Encyclopaedia Judaica, vol. 14, 1ère édition 1972, Jerusalem, Ketter Publishing House Jerusalem, 1974, p. 557-558 ; Lévitique 23.32 ; Exode 20.8-11 ; Lévitique 23.3 ; Exode 31.12-17. Voir Gerhard F.Hasel, « The Sabbath in the Pentateuch » in Kenneth A. Strand (éd.), The Sabbath in Scripture and History, Washington D.C, Review and Herald, 1982, p. 21-43 ; Alain- Georges Martin, Repos. Essai sur le sabbat, Issy-Les-Moulineaux, Les Cahiers de Réveil, 1970, p. 9 ; Yolande Boinnard, Le temps perdu, Saint-Maurice, Éditions Saint-Augustin, 2003, p.76-77 ; Francis Weill, L'Ethique Juive en Dix Paroles, Genève, Suisse, MJR, 2006, p. 74 ; Niels-Erik Andreasen, Rest and Redemption, A study of the biblical Sabbath, Berrien, Springs, Michigan, Andrews University Press, 1978, p. 44 ; Jean Vuilleumier, Le jour du Repos à travers les âges, Dammarie les Lys, Éditions Les Signes des Temps, 1936, p. 32. 13 Voir Skip Mac Carty, « The Seventh-Day Sabbath » in Christopher John Donato (éd.), Perspectives on the Sabbath, 4 views, Nashville, Tennessee, B&H Publishing Group, 2011, p. 13 ; Karl Barth, Dogmatique, La doctrine de la création, volume 3, tome 1, Genève, Éditions Labor et Fides, 1960, p. 23 ; Raoul Dederen, « Reflections on a Theology of the Sabbath », in Kenneth A. Strand (éd.), The Sabbath in Scripture and History, Washington D.C, Review and Herald Publishing Association, 1982 p. 296-297 ; , The Sabbath Under Crossfire. A Biblical Analysis of Recent Sabbath/Sunday Developments, Berrien Springs, Michigan, Samuele Bacchiocchi, 1999, p. 86 ; Koranteng-Pipim, « Remember the Sabbath Day » in Affirm, vol.8 n°3, Year-End, 1994, p. 12 ; C.Gary Hullquist,MD, Sabbath Diagnosis, A Diagnostic History and Physical Examination of the Biblical Day of Rest, Brushton, New York, TEACH Service, Inc., 2004, p. 25-27 ; Voir Abraham J Heschel, The Sabbath ; Its Meaning for Modern Man, New York, Farrar, Strauss & Giroux, 1951, p. 13, 23 ; Cifford Goldstein dans A Pause for Peace. What God’s Gift of the Sabbath Can Mean to You, USA, Pacific Press Publishing Association, 1992, p. 26. 14 Voir Ioan Bandean dans La célébration du Sabbat en milieu juif – Le vécu du Sabbat du vendredi soir au samedi soir, Mémoire de Master en Théologie adventiste, Collonges-sous-Salève, Faculté Adventiste de Théologie, 2007, p. 58-62 ; voir aussi dans Exode 16.29 ; 31.14-15 ; 35.2-3 ; Nombres 15.32-35 ; Jérémie 17.21; 17.27 ; Néhémie 10.31; 13.16,17.

21 2.1. La pratique du travail permise durant le jour du sabbat dans l'Ancien Testament

Dans l'Ancien Testament, il existe, nous semble-t-il, des cas implicites où des activités ont été accomplies à l'évidence le jour du sabbat sans que le nom sabbat ait été mentionné15. Puis, il y a des cas plutôt explicites où des activités ont été accomplies avec la mention précise qu'elles ont été effectuées le jour du sabbat16. Par contre, afin de délimiter notre travail, nous étudierons uniquement les cas plutôt explicites notamment le travail effectué par les sacrificateurs pendant le sabbat, le travail des lévites pendant le jour du sabbat, la mise en place de services de garde par rapport au sabbat au temps de Néhémie, la pratique de la circoncision coïncidant avec le jour du sabbat.

Ainsi, à chaque section de notre étude, nous nous pencherons sur les volets suivants : la description de l'activité, l'explication de l'activité, la compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat.

2.1.1. Le travail effectué par les sacrificateurs pendant le sabbat D'une manière explicite, deux activités principales sont mentionnées et accomplies par les sacrificateurs le jour du sabbat : le rangement des pains devant l'Eternel (Lévitique 24.8) et les activités doublées pour les holocaustes (Nombres 28.1-10).

2.1.1.1. Rangement des pains devant l'Éternel chaque jour du sabbat

Description de l'activité Le rangement des pains devant l'Eternel se passe dans le lieu saint du sanctuaire dans lequel seul le sacrificateur ou le souverain sacrificateur peut entrer17. Dans ce lieu18 se trouvent le chandelier, l'autel des parfums et la table pour les pains de présence19. Les douze pains qui sont mis sur la table restent conservés d'un sabbat à l’autre et sont changés justement chaque sabbat par les sacrificateurs. Ces derniers les consomment après leur enlèvement de la table (Lévitique 24.9). M.L Andreasen note que les sacrificateurs entrant en fonction pour la nouvelle semaine commençaient leurs activités au moment du sacrifice du sabbat soir20. Les entrants et les sortants se joignent ensemble pour enlever les pains et les remplacer par les nouveaux.

15 Par exemple : Tour de Jéricho fait pendant 7 jours (Josué 6.15) - combat d'Israël et de Syrie pendant 7 jours (1 Rois 20.29) - 7 jours de marche et guerre (2 Rois 3.9) - 14 jours de fête (1 Rois 8.65). 16 Nous sommes redevable pour ce recensement au travail de Harold H.P Dressler, « The Sabbath in the Old Testament » in Donald A. Carson (éd.), From Sabbath to Lord's Day, A Biblical, Historical and Theological investigation, Grand Rapids, Michigan, The Zondervan Corporation, 1982, p. 33,34. 17 Voir Nombres 18.1-4 ; voir aussi Théo Truschel, Le Tabernacle, Sanctuaire de Dieu au milieu de son peuple, Editions Viens et Vois, 2001, p. 20. 18 Voir Exode 25.8-40 ; 26.33-35 ; 40.17-33 ; Lévitique 24.1-9 ; Hébreux 9.1-2. 19 Cf. Exode 39.36. Voir au sujet de ces pains dans Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, Revised 1978, 1979, Washington, D.C, Review and Herald Association, 1978, p. 638. 20 Cf.M.L.Andreasen, The Sanctuary Service, Washington, D.C, Review and Herald Publishing Association, 1947, p. 106-107. Il est admis que ce sacrifice du soir ait lieu vers trois heures de l'après-midi. Voir dans Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, op.cit., p. 550-551.

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Explication de l'activité Par rapport à toutes ces actions, il y a lieu de rappeler que pour l’observation du sabbat, Dieu avait demandé à son peuple, pendant le voyage dans le désert, de se préparer la veille du jour du repos afin de cuire ce qui est à faire cuire et bouillir ce qui est à faire bouillir selon Exode 16.22-23. Ainsi, il apparaît que tout ce qui se fait durant le sabbat devait être préparé la veille21. Logiquement, les sacrificateurs auraient dû ranger tous ces pains avant que le sabbat n'arrive22. Alors que dans tout Israël, toute activité s'arrête le jour du sabbat, voici, seuls les sacrificateurs se trouvent en pleine effervescence au travail pour ranger les douze pains. Est-ce que cette activité est-elle vraiment compatible avec le jour du sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat D'abord, nous soulignons que l'ordre de changer les pains devant l'Eternel est une initiative qui vient de Dieu. Il est à constater que si Dieu est maître de son jour qui est le sabbat, c'est en toute légitimité qu'il peut énoncer le mode d'emploi de ce moment sacré (Esaïe 58.13,14).

Ensuite, il semble que le remplacement du pain chaque sabbat pouvait constituer un enseignement vivant23 et en grandeur nature pour les Israélites qui rappelle que Dieu renouvelle auprès d'eux l'idée selon laquelle il est à la fois leur Créateur et celui qui les soutient24. L'enseignement en acte renforce encore le sens du sabbat qui est source de restauration et de re-création25.

Enfin, l'action de renouveler le pain pendant le jour du sabbat nous paraît avoir un aspect pédagogique divin qui n'est pas un acte banal car cela permet de marquer une frontière entre le sabbat et les autres jours signifiant tout simplement que le sabbat est différent des autres jours26.

21 On appelle aussi la veille du jour du sabbat jour de préparation selon Marc 15.42, Luc 23.54. 22 Justement à propos du sabbat et le travail manuel, Abraham Joshua Heschel nous souligne dans op.cit.,p. 13 : « Celui qui veut entrer dans la sainteté de la journée doit d'abord déposer le caractère profane du cliquetis du commerce, de l’asservissement du travail dur […] Il doit dire adieu au travail manuel et apprendre à comprendre que le monde a déjà été créé et survivra sans l'aide de l'homme » (Les sources de langue anglaise, sauf indication contraire, c'est nous qui traduisons). 23 Il est à remarquer que l'une des activités phares du sabbat est l'enseignement. Voir à cet effet dans Luc 4.31 ; 6.6 ; 13.10 ; Marc 1.21 ; 6.2. Les textes suivants y font allusion : Luc 4.16 ; Actes 13.14,15 ; 13.27 ; 13.42 ; 13.44 ; 15.21 ; 16.13 ; 18.4 ; voir Jean-François Froger, Le Maître du Shabbat, Méolans-Revel, Éditions Grégoriennes, 2009, p. 55; Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, op.cit., p. 808. 24 « Le "pain de la Présence" exposé chaque sabbat dans le sanctuaire de Dieu était un signe pour reconnaître qu'il était le Créateur et le pourvoyeur d'Israël (comparer Ps..145:15-16 ». Commentaire sur Lévitique 24.8 dans Andrews Study Bible, Berrien Springs, Andrews University Press, 2000, p.158 . Roy Gane dans Altar call au chapitre 24, partie « Communion », [en ligne], disponible sur http://sdanet.org/atissue/books/altar/altar4-obsession.htm#ch24 (consulté le 16 octobre 2015), souligne que le pain de l'alliance est renouvelé au jour de l'alliance qui n'est autre que le sabbat. 25 Voir Stephen N. Haskell dans The Cross and Its Shadow, Facsimile Reproduction, Nashville, Tennessee, Southern Publishing Association, 1970, p. 57 ; Barney Kasdan, God's Appointed Times, Clarksville, Maryland, 1993, p. 2. 26 Cf. Encyclopaedia Judaica, vol.14, op.cit., p. 558 : « En tant que marqueur du temps, le Sabbat terminait la semaine. Ainsi, dans le culte du Tabernacle, le remplacement hebdomadaire des pains de proposition avait lieu le jour du sabbat (Lev.24: 8; 1 Chron.9.32) » [...] « Encore une fois, en tant que marqueur du temps, le sabbat est le jour où la garde du palais était changée hebdomadairement (II Rois 11.5-9) ». Voir aussi le cas de la manne qui ne tombait pas ce jour-là (cf. Exode 16.25-27).

23 D'après toutes ces considérations, il apparaît que les sacrificateurs, dans l'accomplissement de leur devoir de ranger les pains devant l'Eternel pendant le sabbat, ne sont pas en contradiction avec ce jour car toute l'initiative vient de Dieu. Ensuite, cet acte renforce l'idée de renouvellement et de restauration qui a lieu le jour du sabbat. Et enfin il a valeur pédagogique pour souligner la singularité du sabbat. En somme, cette activité est compatible avec le sabbat.

2.1.1.2. Activités des sacrificateurs doublées le jour du sabbat

Description de l'activité Si chaque jour, les sacrificateurs offrent continuellement un holocauste le matin et un autre le soir27, il n'en est pas ainsi le jour du sabbat comme le livre de Nombres 28.1-10 le décrit. Les sacrificateurs ont alors une tâche supplémentaire à accomplir, c'est-à-dire outre l'holocauste perpétuel matin et soir, il y a aussi l'holocauste du sabbat28. Ainsi, les activités des sacrificateurs sont doublées littéralement le jour du sabbat29. À vues humaines, il est logique de considérer que les sacrificateurs travaillent véritablement le jour du sabbat. Mais quel est alors le sens de ce travail ?

Explication de l'activité Tout d'abord, il convient de noter que le fait de présenter une offrande est incontournable pour le peuple de Dieu à l'époque si l'on veut entrer en contact avec lui via le sanctuaire30 qui est selon Ganoune Diop : « Un lieu de rendez-vous et de rencontre, ainsi que l'indique l'expression "tente de la rencontre" (Ex 27:21; Nb 17:7) »31. À cet effet, le premier ustensile le plus sollicité pour s'approcher de lui est l'autel des holocaustes (Exode 40.6). Il est à remarquer que l'holocauste perpétuel du matin et du soir est une offrande qui est entièrement consumée sur l'autel (Exode 29.18). Elle est synonyme d'une complète consécration à Dieu32. En conséquence, on ne peut pas s'approcher de lui et on ne peut pas lui être agréable sans cette consécration entière33.

27 Cf. Exode 29.38-43. Voir le commentaire de Roy Adams dans The Sanctuary, Hagerstown, Review and Herald Publishing Association, 1993, p. 34. 28 D'autres holocaustes supplémentaires sont ajoutées lors des fêtes : Nombres 28.11-14 ; 28.17-25 ; Lévitique 23.10-14 ; 23.15-21 ; Nombres 29.1-6 ; Lévitique 16 et Nombres 29.7-11; 29.12-34; 29.35-38. 29 Égorger l'animal pour le sacrifice, enlever sa peau, couper l'animal par morceaux, laver les entrailles et les jambes, ranger les bois sur l'autel pour brûler le sacrifice, telles sont les activités des sacrificateurs ce jour-là. Voir le travail type pour l'holocauste (Exode 29.15-18 ; Lévitique 1.1-9 ; 6.9-13). Ce n'est pas du tout un repos à tel point que Jésus y a fait allusion dans Matthieu 12.5. 30 Voir le commentaire de Exode 25.8 dans Francis D.Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, op.cit., p. 636 ; voir aussi Paul F.Kiene, Le Sanctuaire de Dieu dans le désert de Sinaï, Vevey, Editions Bibles et Traités Chrétiens, 1987, p. 15. 31 Ganoune Diop dans Le Sanctuaire, Une clé pour ouvrir les Ecritures, une prophétie pour découvrir Jésus-Christ, une invitation à s'ouvrir à la vie avec Dieu, Série « Découvertes bibliques à l'aube du vingt et unième siècle », Manuel d'accompagnement du Séminaire animé par Ganoune DIOP, Collonges sous Salève, Juillet 1998, ouvrage non publié, p. 14. 32 Voir Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, op.cit., p. 712 ; M.L. Andreasen dans op.cit.,p. 91. 33 Voir Francis D.Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 1, op.cit., p. 654.

24 Dans le même ordre d'idées, puisque le sabbat est une occasion de répondre à une convocation pour rencontrer Dieu34, l'holocauste du sabbat constitue l'expression de la consécration, ainsi que du culte d'adoration de tout un peuple vis-à-vis de son Dieu ce jour-là35.

Puisque que le culte est d'abord une rencontre avec Dieu, l'holocauste s'impose alors en premier lieu36. Il nous semble opportun ici de constater que l'apôtre Paul fait allusion dans Romains 12.1 à l'existence de cette relation entre le sacrifice vivant (qui a le sens de l'holocauste)37 et le culte véritable à Dieu.

Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat Si tel est le sens de l'holocauste du sabbat qui est une expression de consécration, d'adoration et de culte rendu à Dieu par son peuple, nous pouvons avancer que le travail doublé des sacrificateurs durant ce jour de repos, en présentant l'holocauste perpétuel matin et soir plus les deux holocaustes du sabbat, n'est pas en contradiction avec l'esprit de sabbat38. L'action des sacrificateurs est en fait un non-travail car elle constitue une expression de culte à Dieu. Elle laisse entendre l'idée selon laquelle l'homme devrait se vouer entièrement à Dieu le jour du sabbat, se consacrer totalement à lui et se tourner vers lui39. Comme l'a noté Walter F. Specht : « Mais leur travail n'était pas coupable dans la mesure où il était au service de Dieu. Leur service de sacrificateurs était un travail légitime parce que c'était sacré mais non pas séculier »40. Donc, les activités doublées des sacrificateurs sur les holocaustes sont compatibles avec le jour du sabbat.

34 Voir Lévitique 23.3 et Esaïe 66.23. Voir le commentaire ci-après dans Arnold V Wallenkampf, Parts I&II, W Richard Lesher, Parts III & IV (éd.), The Sanctuary and the Atonement, Biblical, Historical, and Theological Studies, Washington, D.C, The Review and Herald Publishing Association, 1981, p. 21: « Le sanctuaire Israélite ne ressemblait pas au bâtiment de l'église chrétienne dans laquelle la congrégation est assise pour écouter un sermon ou un chant, prier et étudier ensemble. Au contraire, le sanctuaire était un lieu où l'assemblée était réunie à des moments désignés pour observer et prier alors que le sacerdoce représentait la nation à l'autel des holocaustes et sur l'autel de l'encens ». Voir aussi Gerhard F.Hasel and W.G.C Murdoch, « The Sabbath in the Prophetic and Historical Literature of the Old Testament » in Kenneth A.Strand (éd.), The Sabbath in Scripture and History, Washington D.C, Review and Herald Publishing Association, 1982, p. 48. 35 Cf. Siegfried H. Horn. (éd.), Seventh-day Bible Dictionnary, vol. 8, Washington, D.C, Hagerston, MD, Review and Herald Publishing Association, 1979, p. 963 : « L’holocauste exprimait l’adoration, la reconnaissance et le dévouement. Elle représentait l’adoration intacte et ininterrompue, le culte, et la dévotion de toute l'assemblée au Seigneur ». 36 Cf. Paul F.Kiene, op.cit., p. 29. 37 Voir Adam Clarke, « Clarke's Commentary on the Bible, Romans 12 », [en ligne], disponible sur http://biblehub.com/commentaries/clarke/romans/12.htm (consulté le 15 octobre 2015). 38 Sakae Kubo déclare dans « L'expérience de la libération », in Journal Servir, 2ème et 3ème trimestres 1982, Collonges sous Salève, Imprimerie FIDES, 1982, p. 37 : « Le sabbat est à l'origine du culte parce qu'il met en exergue la distinction à faire entre le Créateur et la créature, qui constitue la base de l'adoration ». 39 Dwight A.Pryor déclare dans "Last in Creation, First in Intention" in Shabbat Shalom, A Journal for Jewish-Christian Reconciliation, vol. 56, n° 3, 2009, p. 29 : « En se souvenant du sabbat, nous honorons le Créateur en renonçant à nos créations ». 40 Walter F. Specht, op.cit., p. 96.

25 2.1.2. Le travail des lévites pendant le jour du sabbat41 Il semble qu'il existe au moins deux activités explicites accomplies par les lévites le jour du sabbat dont la cuisson des pains de proposition (1 Chroniques 9.32), et le service permanent de garde dans le temple (2 Rois 11.8-9 ; 2 Chroniques 23.1-9).

2.1.2.1. Les lévites et la cuisson des pains de proposition pendant le sabbat

Description de l'activité Avant de ranger les pains de proposition, les sacrificateurs reçoivent des mains des lévites les pains préparés et cuits le jour même du sabbat. Donc, ils sont encore frais42. Mais derrière, il y a eu du travail durant les heures du sabbat : préparer les pâtes , mélanger les ingrédients (Lévitique 2.13), alimenter et surveiller le feu.

Explication de l'activité Alors que dans tout Israël, toute activité s'arrête dès que commence le jour du sabbat, les lévites travaillent pour la cuisson des pains de proposition. Alors qu'il fallait cuire tout ce qui est à cuire avant d'entrer dans le sabbat (Exode 16.23), les lévites n'ont pas fait cuire la veille les pains de proposition. Alors que l'on ne doit pas allumer le feu le jour du sabbat (Exode 35.3), ils ont besoin du feu pour la cuisson des pains. Apparemment, les lévites ont agi contrairement aux exigences du jour du sabbat. Jusqu'où alors pourrait- t-on dire que leur activité dans ce sens serait compatible avec le sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat Il se trouve que le travail effectué par les lévites n'a pas pour but de servir leur propre intérêt, ni leur fournir de la nourriture, mais pour rendre un service à Dieu. Ainsi, en accomplissant cette activité, ils accomplissent un service spirituel au même titre que les sacrificateurs en service le jour du sabbat. A vrai dire, leur activité dans la cuisson des pains de proposition n'est pas d’ordre profane comme lorsque l'on fait cuire des pains chez soi mais relève d'un acte sacré43. Donc, elle est compatible avec le sabbat car elle est tournée vers Dieu qui devrait être au centre de l'être entier et de toutes les actions pendant le sabbat44.

41 Les lévites sont appelés à aider les sacrificateurs à tout moment y compris pour les holocaustes du sabbat. Voir Stephen Haskell, op.cit., p. 84 ; Alfred Kuen, Encyclopédie des Difficultés Bibliques, Ancien Testament, volume II b, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, Saint-Légier (Suisse), Éditions Emmaüs, 2010, p. 324. 42 Voir Carrol Johnson Shewmake, Sanctuary Secrets to Personal Prayer, Washington, DC, Hagerstown, MD, Review and Herald Publishing Association, 1990, p. 41 ; Stephen N.Haskell dans The Cross and Its Shadow, op.cit, p. 56. Voir aussi cet épisode concernant les pains de proposition où il y a mention du pain encore chaud dans 1 Samuel 21.6. 43 Voir Stephen Haskell, op.cit., p. 56. 44 Voir Skip Mac Carty, op.cit., p. 13.

26 2.1.2.2. Les lévites en service permanent de garde dans le temple durant le sabbat

Description de l'activité Avant l'existence du temple, Dieu avait déjà donné les consignes à suivre aux lévites qui auraient la garde du tabernacle (Nombres 1.51-53). Il les a installés autour du sanctuaire pour servir de tampon entre la présence de Dieu et les autres tribus et les sacrificateurs sont placés devant le tabernacle (Nombres 3.38). Un peu plus tard, à Jérusalem, le roi David a réorganisé les tâches des lévites en les divisant en quatre classes45 où les gardes constituent une classe à part.

Des indices dans la Bible nous conduisent à constater que les gardes travaillent le jour du sabbat. En effet, lors du grand mouvement initié par le sacrificateur Jehojada pour détrôner l'usurpatrice Athalie afin de mettre au trône un descendant de David, nous avons les indications dans 2 Rois 11.8-9 et 2 Chroniques 23.1-9 que les lévites sont toujours en activité en tant que gardes ou portiers pendant le sabbat. Il est à souligner que chaque sabbat, un changement d'une nouvelle équipe a lieu pour prendre la relève46 jusqu'au prochain sabbat47. Pourquoi une telle activité ?

Explication de l'activité La présence de Dieu au sein de son peuple par le sanctuaire exige une retenue48. La présence des gardes ou portiers par les lévites au tabernacle ou au temple devaient empêcher toute intrusion et le manquement à ce devoir entraînerait leur mort49. Afin d'éviter de profaner le sanctuaire, preuve tangible de la présence de Dieu et par la même occasion d'éviter la fâcheuse conséquence qui est la mort, Dieu a demandé la mise en place de services de garde assumés par les lévites qui doivent camper autour du tabernacle. Ainsi, les gardes travaillent aussi le jour du sabbat. Dans ce cas, peut-on dire que cette activité est compatible avec ce jour sacré ?

45 On peut résumer ces quatre classes : (1) les assistants des sacrificateurs dans leur travail dans le sanctuaire, (2) les chantres et les musiciens, (3) les gardes ou les portiers, et (4) les juges et les scribes. Chacune des trois premières classes et probablement aussi la quatrième classe a été répartie en groupe de 24 pour accomplir leurs services en rotation (1 Chroniques 24 jusqu'au chapitre 26). Voir à cet effet Siegfried H. Horn (éd.), Seventh-day Bible Dictionnary, vol. 8, op.cit., p. 670. 46 Gerhard F.Hasel and W.G.C Murdoch, op.cit., p. 51-52 : «Le changement de la garde du Temple était sans aucun doute un événement hebdomadaire (1 Chron. 9: 24,25) qui avait lieu chaque sabbat (verset 32)». 47 Kenneth Strand rapporte l'exploitation de ces gardes pour le coup d'état vu que leur nombre est doublé entre les entrants et les sortants dans « The Sabbath », in George W. Reid (éd.), Handbook of Seventh-day Adventist Theology, vol.12, Hagerstown, Review and Herald Publishing Association, 2000, p. 499-500. 48 Déjà, on notait cette retenue observée au Sinaï lors de la manifestation de la présence de Dieu auprès d'Israël (Exode 19.9- 12, 20-21). À combien plus forte raison, elle est exigée avec le sanctuaire qui représente la présence de Dieu au sein de son peuple (Exode 25.8). 49 Cf. Lévitique 21.21-23 ; Nombres 1.51-53 ; 3.38 ; 18.1-4. Marion Adams, « Numbers : in the Desert », [en ligne], disponible sur http://www.easyenglish.info/bible-commentary/numbers-lbw.htm (consulté le 29 octobre 2015) : « Nombres 18. 21-24. La tribu de Lévi faisait un travail important. Leur travail était dangereux parfois. Ils prenaient soin des objets sacrés. Ils portaient les parties de la tente de Dieu quand les Israélites se déplaçaient. En outre, la tribu de Lévi devait garder la tente de Dieu, afin d’empêcher les autres Israélites de venir trop près. Si cela se produisait, c’était la faute de la tribu de Lévi. Donc, la tribu de Levi recevait une punition aussi ».

27 Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat D'abord, si Dieu est en permanence avec son peuple grâce au tabernacle dans le désert, et plus tard au temple à Jérusalem, les gardes ou les portiers devraient être aussi en permanence à leur poste. Leur service est inhérent à la présence et à la sainteté de Dieu. Même si cela est fait pendant le sabbat, il n'y a pas entorse au quatrième commandement de Dieu car leurs actions sont tournées vers Dieu et vers sa sainteté et ils sont entièrement voués à Dieu50. Donc, leur attitude est conforme à l'esprit du sabbat (Esaïe 58.13) c'est-à-dire ne faire que la volonté de Dieu51.

Ensuite, les gardes ou les portiers sont là aussi dans leur rôle pour dissuader les intrus sinon ce sont eux qui vont être punis52. C'est une nécessité de tous les jours d'avoir les gardes et les portiers mais aussi durant le sabbat53qui n'est pas une exception pour l'ordre et la paix. Donc, nous pouvons dire que les lévites qui font la garde pendant le sabbat ne transgressent pas la loi sur le sabbat car au contraire ils ont une tâche qui contribue à la paix du sabbat.

Et enfin, vu que les gardes se tiennent près du temple en permanence, ils sont quasiment tout près de la présence de Dieu. Celui qui est le mieux placé pour exprimer cette prérogative d'être tout près de la présence de Dieu, n'est autre que le psalmiste, l'un des portiers du temple, de la tribu de Koré (1 Chroniques 9.19; 26.1, 12-19) qui relate ce privilège, cette joie et cette bénédiction d'être tout près de la maison de Dieu dans Psaumes 84.1054.

Ainsi, la tâche du portier au cours du sabbat nous semble-t-il, constitue aussi une source de bénédiction, celle de demeurer toujours en présence de Dieu. Alors, on peut affirmer que les gardes en service durant le sabbat ne sont pas en contradiction avec l'esprit du sabbat par un service tout près de Dieu.

Fort de ces arguments, vu que les gardes font leur travail pour la sainteté de Dieu, pour la paix du sabbat, en présence de Dieu, nous pouvons dire que leur activité ne pose aucun problème pour l'esprit du sabbat et elle est compatible avec le repos en communion avec Dieu.

50 On comprend ici par extension ce que Ganoune Diop déclare sur la disponibilité des lévites vis-à-vis de Dieu dans Le Sanctuaire, op.cit., p. 52-53 : « La vie des lévites était entièrement consacrée à Dieu qui était leur bien suprême ». 51 Il est intéressant de souligner le commentaire de Yolande Boinnard sur Esaïe 58.13-14 dans op.cit., p.111 : « Esaïe n'interdit pas simplement de faire du commerce et des affaires le jour du Shabbat; il bannit du Shabbat les projets personnels, c'est-à- dire tout ce que l'on entreprend pour réaliser le but qu'on s'est choisi, sans autres motivations que son intérêt égoïste, sa convoitise ou son ambition [...]. Respecter la sainteté du Shabbat équivaut à le nettoyer de toute préoccupation intéressée ». 52 Cf. Jamieson Fausset Brown, « Commentary Critical and Explanatory on the Whole Bible, Numbers 18 » , [en ligne], disponible sur http://www.biblestudytools.com/commentaries/jamieson-fausset-brown/numbers/numbers-18.html (consulté le 30 octobre 2015) : « Mais les Lévites feront le service du tabernacle de la congrégation: ils porteront leur iniquité - Ils devaient être responsables du bon exercice de ces fonctions qui leur ont été attribuées, et par conséquent supporter la peine qui était causée par la négligence ou le laisser-aller dans la garde des choses saintes ». 53 Encyclopaedia Judaica, vol. 5, Jerusalem, Ketter Publishing House Jerusalem, 1974, p. 558 : « Encore une fois, comme marqueur de temps, le sabbat était le jour où la garde du palais était changée chaque semaine (II Rois 11: 5-9) ». 54 Voir Cambridge Bible for Schools and Colleges [en ligne] disponible sur http://biblehub.com/commentaries/ cambridge/psalms/84.htm (consulté le 02 novembre 2015) : « Après avoir offert la prière du Psaume 84: 9 le Psalmiste revient à la pensée qui inspire sa chanson, le bonheur de s’approcher de Dieu dans sa maison ».

28 2.1.3. La mise en place de services de garde par rapport au sabbat au temps de Néhémie

Description de l'activité Au retour de l'exil, des réformes ont été entamées par Néhémie, celui qui était responsable de la reconstruction des murailles de Jérusalem (Néhémie 6.15)55. L'une d'elles était celle du sabbat qui a débouché sur une résolution du peuple pour le respect de ce jour sacré (Néhémie 10.30-31).

Cependant après une absence de Néhémie du pays, cette résolution n'a pas tenu longtemps. Ainsi, des activités physiques et commerciales ont eu lieu ouvertement tous les sabbats à Jérusalem. À son retour au pays (Néhémie 5.14 ; 13.6,7), Néhémie a pris la décision de mettre en place des services de garde aux portes des murailles chaque sabbat pour arrêter toutes ces transactions56 selon Néhémie 13.15-22. Pour le suivi de cette décision, il a d'abord engagé temporairement ses serviteurs le sabbat pour monter la garde et par la suite il a appelé les lévites pour faire ce service chaque sabbat57.

Explication de l'activité Néhémie a tenu à avertir et rappeler non seulement aux étrangers mais aussi au peuple que toutes ces activités physiques et commerciales sont interdites le jour du sabbat. Après tout, le peuple est censé connaître cette interdiction (Néhémie 10.30-31). Alors, l'entorse à la loi sur le sabbat constitue une profanation de ce qui est sacré58. C'est justement à cause de cette profanation systématique du sabbat que le peuple de Dieu a été puni dans le passé selon l'une des prophéties de Jérémie (Jérémie 17.21-27) et qui est encore relayée par Néhémie (Néhémie 13.18). En présence de cette grave situation de profanation du sabbat qui pourrait de nouveau impacter sur toute la communauté, Néhémie a pris une mesure, celle de faire travailler les gardes aux portes des murailles pendant le sabbat. Donc, la question se pose : cette mesure prise est-elle compatible avec l'idée du sabbat qui implique le repos ?

Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat Il semble que cette mesure de faire travailler les gardes aux portes des murailles est non seulement nécessaire pour dissuader les profanateurs du sabbat mais aussi pour la paix de tous ceux qui veulent observer le sabbat afin que chacun jouisse du maximum de la communion avec Dieu. Il est bien de

55 Voir à cet effet Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 3, 1954, 1976, Washington, D.C, Review and Herald Publishing Association, 1977, p. 419, 394. 56 Marc Rasell, Nehemiah the Sabbath Reformer, Marc Rasell 2010-2012, p. 21 : « Néhémie avait ordonné que les portes de la ville fussent fermées avant le début du Sabbat chaque semaine (Néhémie.13: 19-21). Il n'était pas un chef qui avait peur d’appeler le péché par son nom, et quand il a découvert que le peuple avait pris des épouses étrangères, il les affronta et arracha une partie de leurs cheveux (Néhémie 13:23-27)! Il ne sanctionnerait ni ne tolérerait le péché ». 57 Francis D.Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 3, op.cit., p. 451 : « La mission de ses propres serviteurs pour surveiller les portes (v. 19) le jour du sabbat était probablement temporaire, alors que la charge plus permanente était confiée à ces Lévites que Néhémie avait récemment ramenés à la ville (v. 11) ». 58 On peut souligner ici la pensée d'Abraham Heschel concernant le sens de la profanation dans op.cit.,p. 115: « La sainteté du jour du sabbat était si vivement ressentie que pour le non-respect de ses lois, la Bible a un seul nom: hilel. Hilel signifie polluer, souiller, profaner le saint. C’est un terme de profanation ; cf. Exode 31:14; Esaïe 56; 2,6; Ezékiel 20: 13.16.21.24; 22: 8; 23:38; Néhémie 13: 17.18 ». Voir le commentaire sur Néhémie 13.17 par dans Quand Dieu dit : « Souviens-toi [...].», Colombie, IADPA Maison d'édition interaméricaine, 2010, p. 120-121.

29 souligner la légitimité de cette mesure avec le commentaire suivant : « Même si les portiers qui étaient des lévites travaillaient habituellement en tant que gardes du temple, la violation du sabbat menaçait de détruire la sainteté de la ville (cf. 11:1,18), alors leur déploiement en tant que gardiens des portes de la ville semble approprié »59.

En outre, Néhémie en tant que gouverneur60, garant de l'ordre et de la paix, n'a pas traité cette situation à la légère en prenant toutes les dispositions nécessaires61. Comme Bruce Waltke l'a bien remarqué : « Esdras et Néhémie savent conduire le peuple avec douceur dans un réveil qu'ils n'ont pas besoin de provoquer en lui imposant la loi, mais qui vient du peuple lui-même ; ils savent se réjouir et ils savent pleurer (Né 8-9). Ils savent également sermonner leurs compatriotes quand les alliances sont rompues (13.25) et prendre des mesures décisives pour débarrasser la communauté des mariages mixtes et de ceux qui ne respectent pas le sabbat (10 ; 13.6-22) »62.

Fort de toutes ces remarques, nous pouvons dire que la mesure prise par Néhémie de faire travailler les gardes aux portes des murailles pendant le sabbat est compatible avec l'esprit du sabbat car elle met l'emphase surtout sur l'importance de la sainteté et la paix du sabbat auprès de ses contemporains en vue de leur bien.

2.1.4. La pratique de la circoncision coïncidant avec le jour du sabbat

Description de l'activité Depuis qu'Abraham a reçu l'ordre de pratiquer la circoncision auprès de tous les mâles le huitième jour de leur naissance selon Genèse 17.9-12, tous ses descendants ont gardé cette pratique. Après plusieurs siècles, Dieu a réitéré auprès de son peuple ce qu'il avait dit à Abraham concernant la circoncision dans Lévitique 12.1-3.

L'ordre au peuple est péremptoire et indiscutable. La circoncision s'opère le huitième jour dans tout Israël après la naissance d'un enfant mâle selon la recommandation de Dieu à Moïse. Quel que soit le jour, la circoncision aura lieu bel et bien y compris le jour du sabbat. Jésus, dans son propos, a fait allusion

59 Leander E. Keck (éd.), The New Interpreter's Bible, vol. 3, 1&2 Kings, 1&2 Chronicles, Ezra, Nehemiah, Esther, Tobit, Judith, Nashville, Abingdon Press, 1990, p. 848. 60 Voir quelques aspects du rôle du gouverneur selon Esdras 2.63 ; Néhémie 5.14 ; 7.65,70 ; 8.9 ; 10.1. Edmond Jacob nous rappelle le rôle du dirigeant dans Théologie de l'Ancien Testament, Neuchâtel, Paris, Éditions Delachaux & Niestlé, 1955, p. 187 que : « L'élection du peuple ne crée pas entre les membres de ce peuple une égalité qui supprimerait toute préséance. L'Ancien Testament est fortement convaincu de la nécessité de chefs. [...]. Les diverses fonctions que nous voyons exercées au sein du peuple et à l'intérieur desquelles se trouvent mêlés l'élément religieux et laïque, ainsi que l'institution et le charisme, sont avant tout des fonctions de représentation : qu'il s'agisse de diriger, de juger, d'enseigner, l'objet du ministère est de manifester d'une façon concrète une activité qui est assumée d'une façon parfaite par Dieu lui-même ». 61 On constate dans l'histoire d'Israël qu'en l'absence des hommes responsables pour la nation, il n'y a que du désordre lorsque l'on se réfère à Juges 25.21. 62 Bruce K. Waltke, Charles Yu, Théologie de l'Ancien Testament, Une approche exégétique, canonique et thématique, Charols, Éditions Excelsis, 2012, p. 863.

30 explicitement à cette réalité dans Jean 7.22-23. Ainsi, l'acte est toujours maintenu sauf si la santé de l'enfant est en jeu ou bien si la naissance s’est faite par la césarienne63. Dans le milieu judaïque, celui qui accomplit la circoncision est considéré comme un artisan64. Donc, cela implique qu'il y a du travail derrière chaque circoncision. Mais est-ce compatible avec le sabbat ?

Explication de l'activité L'activité pour la circoncision même pendant le jour du sabbat est toujours maintenue puisque c'est un ordre de Dieu si bien que ne pas l'exécuter est fatal65.

En outre, elle représente un symbole fort spirituellement au sein d'Israël car c'est un signe d'une alliance qui existe entre Dieu et Abraham et que par conséquent ses descendants ne doivent pas manquer à cette recommandation qui conditionne leur relation avec Dieu66. Bruce Waltke affirme que « sans le signe de la circoncision, un mâle perd le droit d'appartenir à la communauté de l'alliance sous la bénédiction de Dieu »67. C'est pourquoi Samuele Bacchiocchi tient à souligner : « pourquoi était-il légitime de circoncire un enfant le jour du Sabbat si c'était le huitième jour après sa naissance (Lév 12.33) ? Aucune explication n'est fournie, car il y avait là une évidence : la circoncision était considérée comme un acte rédempteur, qui procurait le salut de l'alliance »68. Puisque c'est inévitable, dans quelle mesure cette activité est-elle compatible avec le sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le jour du sabbat Il y a lieu de souligner que la loi sur le sabbat vient de Dieu mais convenons aussi que la recommandation sur la circoncision au huitième jour d'un enfant mâle vient de Dieu également pour le peuple de Dieu à l'époque. Bruce Scott souligne que les deux ordres ont les mêmes sentences : « Semblable au signe de la

63 Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa, op.cit., p. 179 : « Elle (la circoncision) est pratiquée sur chaque nourrisson mâle au huitième jour de sa vie, même s'il tombe un chabat ou quelque autre jour chômé; elle peut être différée si la santé de l'enfant le nécessite ». Voir aussi les remarques dans Encyclopaedia Judaica, vol. 5, 1ère édition, 1972, Jerusalem, Ketter Publishing House Jerusalem, 1974, p. 570 et dans Richard Elofer, « Rudiments de judaïsme », in Servir n°3 - 1993, Numéro Spécial, Les Juifs, Théologie et Mission, Imprimerie FIDES, Collonges sous Salève, 1993, p. 47-53. 64 Jewish Virtual Library, « Circumcision - Brit Milah », [en ligne], disponible sur http://jewishvirtuallibrary.org (consulté le 17 septembre 2015) : « Conformément à la législation rabbinique, il est du devoir d'un père juif de faire circoncire son fils (Sh Ar, YD 260:.. 1). S’il négligeait de le faire, il était transféré à la cour rabbinique (ibid, 260:. 2). Ce n’est pas un sacrement, et tout enfant né d'une mère juive est un Juif, qu'il soit circoncis ou non. Bien que la circoncision puisse être effectuée par n’importe quel Juif (y compris une femme, si aucun homme n’est disponible (Maim Yad, Milah, 2:1), dans le premier cas, il est souhaitable que l'opérateur, appelé mohel, soit un adhérent fidèle aux principes du judaïsme (Sh Ar, YD 264:.. 1). Même dans les temps talmudiques, il était décrit comme un artisan. Dans la plupart des communautés modernes, il a été spécialement formé dans les principes de l'asepsie et dans la technique de la circoncision et a reçu une reconnaissance rabbinique ». 65 John Skinner, A Critical and Exegetical Commentary on Genesis commentary on Genesis, 1ère éd. 1910, Edingburgh, T&T Clark, 1980, p. 294 : « La punition de la désobéissance est la mort ou l'excommunication». Voir l'expérience de Moïse (Exode 24.24-26) à cet effet dans Francis D.Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol.1, op.cit., p. 517. 66 « En hébreu Brit mila, littéralement, "Alliance de la circoncision". [...]. , le texte biblique la présente comme un commandement d'origine divine et comme le signe charnel de l'Alliance perpétuelle passée entre Dieu et la descendance d'Abraham (Gn 17.9-13) », selon Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa dans op.cit., p. 179. 67 Bruce K. Waltke, op.cit., p. 328. 68 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, une recherche historique sur les origines du Dimanche chrétien, Paris, Editions P.Lethielleux, 1984, p. 39.

31 circoncision, le sabbat devait être observé dans toutes les générations comme signe de l'alliance entre Dieu et Israël. La même sanction appliquée au manquement d'observer le sabbat était aussi appliquée au manquement de pratiquer la circoncision. Ceux qui ne l'observaient pas étaient retranchés du peuple de l'alliance »69.

Il semble alors que les deux sont compatibles dans la mesure où l'évocation du sens de la circoncision ne conduit en aucun cas à une idée d'un travail car à vrai dire il évoque un message symbolique sur le plan de la rédemption de Dieu auprès des israélites70. Et Dieu ne s'arrête pas dans son œuvre de rédemption sabbat ou non. Ainsi, la pratique de la circoncision est un acte spirituel mais non pas un travail en soi qui vise à produire ou à obtenir un profit ou un intérêt quelconque. Ce n'est pas par hasard si Bruce Waltke nous signale que « la circoncision est une affaire de famille, mais elle est pratiquée au temple »71.

Fort de toutes ces remarques, nous constatons que la circoncision qui a lieu le jour du sabbat ne constitue en aucun cas une violation de la loi sur le sabbat. En fait, l'esprit du sabbat est satisfait à cette occasion dans la mesure où l'acte oriente l'esprit non pas vers soi-même mais vers Dieu, l'initiateur de la rédemption. On peut considérer alors la circoncision comme un non-travail et comme une vérité spirituelle vécue dans les actes. Cette activité est alors compatible avec le sabbat.

***

En résumé, dans le cadre de notre étude sur la pratique du travail ou activités, sous-entendu, permise, durant le jour du sabbat dans l'Ancien Testament, nous avons pu recenser les cas explicites suivants : le travail effectué par les sacrificateurs pendant le sabbat : le rangement des pains devant l'Eternel chaque jour du sabbat, les activités des sacrificateurs doublées le jour du sabbat - le travail des lévites pendant le jour du sabbat : la cuisson des pains de proposition par les lévites pendant le sabbat , les services permanents de garde dans le temple par les lévites durant le sabbat - la mise en place de services de garde par rapport au sabbat aux portes des murailles à l'époque de Néhémie - la pratique de la circoncision coïncidant avec le jour du sabbat. Nous avons pu constater que toutes ces activités en elles-mêmes ne sont pas en contradiction avec le sabbat pour les raisons suivantes : les exécutants reçoivent l'ordre de Dieu lui-même qui est à l'origine du sabbat pour accomplir les actes - nous remarquons que toutes les activités sont tournées vers Dieu uniquement ou vers un symbole d'enseignement d'ordre spirituel pour le bien du peuple - nous soulignons aussi qu'à aucun moment l'importance du sabbat n’est diminuée par les actes en question mais au contraire le sabbat est mis en valeur par tous ces actes. Qu'en est-il pour les cas rencontrés dans le Nouveau Testament ?

69 Bruce Scott, The Feasts of Israel, Seasons of the Messiah, Bellmawr, The Friends of Israel Gospel Minsitry, Inc., 1997, p. 19 ; Robert M. Johnston, « The Rabbinic Sabbath », in Kenneth A. Strand, (éd.), The Sabbath in Scripture and History, Washington D.C, Review and Herald Publishing Association, 1982, p. 71 : « Aucune autre institution n’est plus importante pour le judaïsme que le Sabbat, et c’est seulement la circoncision qui est près de l'égaler ». 70 Bruce Scott l'a bien exprimé dans op.cit., p. 26 : « Le seul travail permis le jour du sabbat est la circoncision, en raison de l'importance symbolique que la circoncision revêt : grâce à elle on devient un membre du peuple de l'alliance ». 71 Bruce Waltke, op.cit., p. 486.

32 2.2. La pratique du travail ou activités dans le Nouveau Testament durant le jour du sabbat

A l'instar de l'étude précédente, nous nous pencherons uniquement sur des textes explicites mentionnant des activités qui ont eu lieu le jour du sabbat. Nous constatons qu'ils concernent surtout les expériences de Jésus avec ses contemporains durant le jour du sabbat et particulièrement la guérison d'un démoniaque, la guérison de la belle-mère de l'apôtre Pierre, les disciples de Jésus arrachant les épis, les froissant et les mangeant, la guérison de l'homme à la main desséchée, la guérison de la femme courbée, la guérison de l'homme hydropique, la guérison d'un invalide tout près de la piscine de Bethesda, la guérison d'un homme aveugle-né72. A cet effet, nous posons la même question que lors de la précédente étude : toutes ces activités sont-elles compatibles avec le sabbat ?

Pour y parvenir, nous aborderons chaque section à travers les trois volets pratiques suivants : présentation de l'activité, réaction autour de l'activité et compatibilité de l'activité avec le sabbat.

Mais avant tout, il nous paraît opportun de mettre en exergue succinctement l'arrière-plan sur les tendances qui prévalaient à l'époque de Jésus afin d'apprécier les activités mentionnées ci-dessus. En fait, l'époque de Jésus était fortement marquée par la tradition73 au sein du peuple juif si bien qu'à un moment donné, il l'a dénoncée (Matthieu 15:1-3,6 ; Marc 7.8-13). L'observation du sabbat n’y échappe pas comme l'a indiqué justement Samuele Bacchiocchi : « le judaïsme post-exilique avait entouré le Sabbat d'une solide barrière, pour assurer son observance rigoureuse »74. Pour cela, « le droit rabbinique a rigoureusement défini et détaillé les tâches interdites le chabat ; il prohibe ainsi 39 travaux de base (M Chabat, 7,2), à quoi viennent s'ajouter maintes activités dérivées, susceptibles de conduire à une transgression, ou non conformes à l'esprit du jour »75. Ainsi, c'est à ces règlements établis par les humains que les conducteurs

72 Selon Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 5, p. 210-212 l'ordre des miracles effectués par Jésus durant le sabbat est comme suit : 1. l'homme invalide tout près de la piscine de Béthesda (Jean 5.1-15) ; 2. le démoniaque dans la synagogue (Marc 1.21-28) ; 3. la belle-mère de l'apôtre Pierre (Marc 1.29-31) ; 4. l'homme à la main desséchée (Marc 3.1- 6) ; 5. l'aveugle-né (Jean 9.1-41) ; 6. la femme courbée (Luc 13.10-17) ; 7. l'homme hydropique (Luc 14.1-4). Pour notre part, nous avons choisi d'étudier d'abord les deux miracles ayant eu lieu durant le sabbat mais qui ont été vécus sans controverse, ensuite un passage sans miracle au cours duquel les comportements des disciples ont soulevé un débat entre Jésus et les pharisiens sur le sabbat, et enfin le reste des miracles au cours du sabbat seront étudiés selon l'ordre de leur apparition dans les évangiles et qui ont occasionné des critiques de la part des conducteurs religieux juifs. 73 Voir l'étude de cette époque avec Sakae Kubo, « The Sabbath in the Intertestamental Period », in Kenneth A. Strand (éd.), The Sabbath in Scripture and History, Washington D.C, Review and Herald Publishing Association, 1982, p. 57-69 ; voir aussi John P. Meier, Un certain Juif JESUS, Les données de l'histoire IV, La Loi et l'amour, Paris, Éditions Cerf, 2009, pp. 148- 151; W.O.E. Oesterley dans Le Sabbat, Textes de la Mishna relatifs au repos du sabbat avec commentaires de W.O.E. Oesterley, Paris, Éditions Payot, 1935, p. 59 ; Francis D.Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol.5, Revised, 1980, Washington, D.C, Review and Herald Publishing Association, 1980, p. 587 ; Bruce Scott dans op.cit., p. 21 ; Marie Vidal dans Le Juif Jésus et le Shabbat. Une lecture de l’Evangile à la lumière de la Torah, Paris, Éditions Albin Michel, 1997, p. 73. 74 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, une recherche historique sur les origines du Dimanche chrétien, op.cit., p. 28. Voir Ricardo Calimani dans Pas facile d'être juif, France, Editions Yago, 2009, p. 57 ; Abraham Heschel dans Les bâtisseurs du temps, Paris, Éditions de Minuit, 1957, p.118 ; Derek J.Morris dans The Radical Teachings of Jesus, Hagerstown, MD, Autumn House Publishing, division of Review and Herald Publishing Association, 2009, p. 72. 75 Jean-Christophe Attias, Esther Benbassa, op.ci., p. 165. Voir dans « Le Talmud : les 39 travaux interdits du sabbat », [en ligne], disponible sur http://letalmud.blogspot.fr/2010/12/les-39-travaux-interdits-du-shabbat.html (consulté le 01 décembre 2015) : « Les travaux interdits le jour du shabbat sont énumérés dans la Michna. Ils correspondent aux travaux nécessaires à la

33 religieux se réfèrent pour apprécier la loi sur le jour du sabbat. Donc, l'enjeu que Jésus a, face à ces contemporains n'est pas alors de montrer que le sabbat est aboli, loin de là, mais de montrer comment l'observer selon la loi divine et l'esprit de la loi76. À l'évidence, Jésus et les chefs religieux de l'époque n'ont pas la même conception concernant la manière d'observer le sabbat. Comment cette divergence se présente-t-elle à travers toutes ces activités ?

2.2.1. La guérison d'un démoniaque durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité Deux évangiles mentionnent l'histoire d'un démoniaque guéri par Jésus le jour du sabbat dont Marc 1.21- 28 et Luc 4.31-37. La guérison a lieu dans la synagogue. Ce dernier n'est pas maître de lui-même à en juger par sa parole. Alors, Jésus le libère de l'emprise de l'esprit malin par cette guérison. Comment qualifier cela ? Apparemment, il s'agit d'une activité car elle produit un changement grâce à un effort par le moyen de la parole 77. Est-elle compatible avec le sabbat ?

Réaction autour de l'activité Visiblement, aucune réaction n'est enregistrée de la part des opposants de Jésus concernant cette guérison durant le sabbat. L’absence de polémique au sujet de cette guérison pourrait être expliquée de la manière suivante : Soit, ils auraient déjà anticipé la réponse de Jésus vu qu'il s'agit d'un deuxième miracle opéré le jour du sabbat78. Soit, comme Jean-François Froger le signale d’une manière indirecte: « Chasser l'esprit mauvais n'est pas considéré comme un travail car l'invasion des esprits mauvais ne fait pas partie de la création de Dieu pendant les six jours [...]. L'homme n'est pas appelé à transformer quoi que ce soit dans

construction du Tabernacle. Liste des 39 travaux - Voici la liste des trente-neuf travaux interdits le Chabbath (selon la Michna Chabbath 7, 2) : 1 – Zoré‘a – planter. 2 - ‘Horèch – labourer. 3 – Qotsèr – moissonner. 4 – Ma‘amèr – mettre en gerbes. 5 – Dach – battre la récolte. 6 – Zoré – vanner. 7 – Borèr – trier. 8 – To‘hèn – moudre. 9 – Meraqèd – tamiser. 10 – Lach – pétrir. 11 – Ofé – cuire. 12 – Gozèz – tondre. 13 – Melabèn – blanchir. 14 – Menapèts – carder. 15 – Tsov‘a – teindre. 16 – Towé – filage (par torsion du fil). 17 – Massèkh – former une chaîne (de tissage). 18 – ‘Ossé chenei batei nirin – installer un métier à tisser. 19 – Orèg chenei ‘houtine – tisser. 20 – Potsè‘a chenei ‘houtine – détisser. 21 – Qochèr – nouer. 22 – Matir – dénouer. 23 – Tofèr chetei tefiroth – coudre. 24 – Haqorè‘a ‘al menath litfor chetei tefiroth – découdre. 25. Tseida – tendre des pièges 26. Cho‘hèt – égorger. 27. Mafchit – dépouiller. 28. Me‘abèd – tanner. 29. Mo‘hèq – lisser. 30. Messartèt – gratter. 31. Ma‘htèkh – couper. 32. Kotèv – écrire. 33. Mo‘hèq – effacer. 34. Boné – construire. 35. Sothèr – démolir. 36. Mav‘ir – allumer un feu. 37. Mekhabé – éteindre. 38. Maké be-patich – achever. Donner un dernier coup pour achever un travail. 39. Hotsaa – sortir. Transporter d’un domaine privé dans un domaine public ». 76 Comme l'a indiqué Robert L. Odom : « Le principal point de litige entre le Rédempteur et ses adversaires concernait la manière d'observer le sabbat » in Sabbath and Sunday in Early , Washington DC, Review and Herald Publishing Association,1977, p. 28. Voir aussi Hans Conzelmann and Andreas Lindemann, Interpreting the New Testament, An introduction to the Principles and Methods of N.T. Exegesis, Peabody, Massachusetts, Hendrickson Publishers, 1992, p. 314- 317 ; Alfred-Félix Vaucher dans Le Jour Seigneurial, Sabbat Mosaïque ou Sabbat Pharisaïque, Collonges-sous-Salève, FIDES, 1970, p. 6 ; Daniel Marguerat, « Jésus et la Loi dans la mémoire des premiers chrétiens », in La Mémoire et le Temps : Mélanges offerts à Pierre Bonnard, Genève, Éditions Labor et Fides,1981, p. 55-74 ; Jean Zumstein, « Loi et Evangile dans le témoignage de Matthieu » in Loi et Evangile, Genève, Éditions Labor et Fides, p. 1981, p. 40. 77 Il est curieux de constater que Dieu a cessé d'utiliser la parole le jour du sabbat en guise de cessation de son travail de création (cf. Genèse 2.1-3). Yolande Boinnard, Le temps perdu, Saint-Maurice, Éditions Saint-Augustin, 2003, p. 76-77 souligne le sens de Dieu qui se repose : « [...] Dieu exécute un travail le Septième Jour. Paradoxe que nous retrouverons dans notre propre expérience : Dieu fait Shabbat. Faire Shabbat signifie littéralement : cesser, accomplir une rupture ». 78 Voir dans supra., note 72, p. 33.

34 le monde des esprits [...] »79. Soit, ils prennent le temps de fourbir leurs armes pour leurs arguments dans les futures autres occasions éventuellement.

Compatibilité de l'activité avec le sabbat En dépit de cette absence de réaction de la part des opposants de Jésus, certains théologiens ne peuvent s'empêcher de conclure tout simplement que l'activité de guérison opérée par Jésus pendant le sabbat constitue un signal que le commandement sur le sabbat n'est plus valable80. Cependant, les réalités sur la guérison d'un démoniaque le jour du sabbat affirment le contraire.

D'abord, il est dit que Jésus est dans la synagogue au moment où il accomplit cette guérison selon Marc 1.21 et Luc 4.31-33. Il n'est pas anodin de le mentionner. À ce titre, personne ne peut objecter que Jésus n'a pas observé le jour du sabbat qui constitue aussi un jour de sainte convocation selon Lévitique 23.381.

Par ailleurs, même si cette guérison n'a pas provoqué de polémique, la question pourrait se poser pour dire : est-ce que Jésus ne pouvait pas éviter d'accomplir ce miracle voire même le reporter car curieusement, un peu plus tard, au coucher du soleil, c'est-à-dire dès la fin du sabbat, Jésus a accompli de nombreuses guérisons (Matthieu 8.16; Marc 1.32-34; Luc 4.40)82 ? Dans quel sens alors la guérison d'un démoniaque le jour du sabbat n'est-elle pas contraire à l'esprit du sabbat ?

Il est intéressant de souligner que le sabbat est aussi un moment de joie selon les explications suivantes : « Le chabat n'est pas seulement le jour des activités interdites; il est aussi et surtout celui de la joie, et du plaisir (oneg) valorisé et positivement recherché [...] »83. Et Abraham Heschel d'ajouter à ce propos : «

79 Jean-François Froger, op.cit., p. 61. 80 Voir les remarques de Samuele Bacchiocchi dans Du Sabbat au Dimanche, p. 23 : « Certains interprètent les guérisons du Christ et ses discussions le jour du Sabbat comme des actes volontairement provocateurs, destinés à montrer que le commandement du Sabbat n'était plus d'obligation. J.Daniélou, par exemple, pense que dans ses guérisons "le Christ apparaît concrètement comme inaugurant le sabbat véritable (le dimanche) qui remplace le sabbat figuratif (le samedi)". W. Rordorf exprime la même conviction : "Le commencement du sabbat n'était pas seulement mis à l'arrière-plan par les œuvres de guérison de Jésus: il était purement et simplement abrogé" ». 81 Kenneth Strand, « The Sabbath », in George W. Reid (éd.), Handbook of Seventh-day Adventist Theology, vol.12, Hagerstown, Review and Herald Publishing Association, 2000, p. 502 : « Par sa présence à la synagogue, Jésus a manifesté son attitude positive envers le Sabbat comme un temps pour " une sainte convocation "(Lévitique 23.3) ». Cela rejoint ce que Niels-Erik Andreasen pense dans son étude « Sabbath and Synagogue : Postexilic Israelite Religion », p. 233-250, in Jírí Moskala (éd.), Creation , Life and Hope, Essays in Honor of Jacques B.Doukhan, Berrien Springs, Andrews University, 2000, p. 250 : « Tant le Sabbat que la synagogue renforcent cette vision spirituelle importante dans le culte Israélite ». Il est intéressant de noter l'attention de Jésus à l'égard du sabbat dans Seventh-day Adventist Church, « Christ and the Sabbath » in Sabbath School Lesson Quarterly, July-August-September-1972, Mountain View, CA, Pacific Press Publishing Association, 1972, p. 73 : « Cela faisait partie de la vie de Jésus d’assister à un culte public chaque sabbat. Donc, ce sera une partie de notre mode de vie quand nous suivons de près son chemin. Jésus allait dehors certainement pour voir les beautés de la nature le jour du sabbat, mais pas au moment du service de culte du sabbat ». 82 Voir à ce propos les explications de Robert L.Odom dans Sabbath and Sunday in Early Chritianity, op.cit., p. 31 : « Pourquoi ces gens attendaient-ils jusqu'au coucher du soleil pour venir à Christ pour être guéris ? À cause de ces rabbins qui considéraient inapproprié de guérir les malades le jour du sabbat (Matthieu 13:14). Les gens, craignant de leur déplaire, attendaient que le jour prît fin au coucher du soleil (Lévitique. 23:32), pour amener à Jésus leurs malades, boiteux, et les possédés du diable pour qu’il les guérît ». 83 Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa, op.cit., p. 166. Voir aussi Karen Holford, « A delightful day » p.17-19 dans Ministry, vol. 87, Number 4, April 2015, USA, Pacific Press Publishing Association. Voir Skip Mac Carty dans op.cit., p. 69, note 122.

35 C'est une journée de l'âme aussi bien que du corps ; bien-être et plaisir font partie intégrante de l'observance du Sabbat. L'homme tout entier, avec toutes ses facultés, doit participer à sa bénédiction »84. Alors, il n'est pas interdit d'être dans la joie le jour du sabbat85 ni aussi de penser au besoin des autres que l'on croise sur son parcours. Nous pouvons penser alors combien la joie de Jésus aurait été incomplète s'il n'avait pas soulagé cette personne qui était sur son chemin. Ainsi, comme Gerard Haddad Didier a remarqué : « Le shabbat doit être considéré comme le don d'un jour de plaisir »86.

Donc, en apportant la guérison à ce démoniaque le jour du sabbat, Jésus ne fait qu'accentuer le sens de la joie à vivre pendant le sabbat en soulageant l'autre qui en a besoin87. Ce qu'il a fait constitue une observation correcte du jour du sabbat et est compatible avec l'esprit du sabbat.

2.2.2. La guérison de la belle-mère de l'apôtre Pierre durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité Il est curieux de constater que le miracle de la guérison du démoniaque et celui de la guérison de la belle- mère de la fièvre se déroulent le même jour. Marc et Luc mettent en évidence cet agenda de Jésus durant ce sabbat (Marc 1.29-31 et Luc 4.38,39). Tandis que le premier miracle a lieu dans la synagogue, le deuxième a lieu dans la maison mais Jésus agit avec les mêmes intentions.

Réaction autour de l'activité L'action se passe dans un lieu privé. Cependant, on peut penser que les témoins de cette action de Jésus pour la guérison de la belle-mère de Pierre savent naturellement que le sabbat constitue un jour de joie et le fait de voir l’un des leurs sortir d’une maladie grave leur apporte un soulagement non négligeable.

Compatibilité de l'activité avec le sabbat De même que Jésus ne pouvait pas être indifférent au problème du démoniaque dans la synagogue, un problème d'ordre spirituel, de même il ne pouvait pas l'être concernant la fièvre de la belle-mère de Pierre dans la maison de l'apôtre, un problème d'ordre physique. Alors, comme le souligne bien Samuele Bacchiocchi : « Dans chacun de ces cas, le Christ est poussé par la nécessité et par le sentiment. Dans le premier cas, c'est la nécessité de libérer un homme du pouvoir de Satan, et de préserver ainsi l'ordre du culte. Dans le deuxième cas, le Christ agit à cause d'un disciple qui lui était cher. Dans ce cas la guérison physique fait du sabbat un jour de réjouissance pour toute la famille »88. Ainsi, les mêmes arguments que nous avons utilisés pour la guérison du démoniaque sont aussi valables pour la guérison de la belle-mère

84 Abraham Heschel, Les bâtisseurs du temps, op.cit., p. 120. 85 Voir Josué Sanchez in Le sabbat de joie. Une approche relationnelle, Mémoire de Diplôme d’études supérieures en Théologie, Collonges-sous-Salève, Faculté Adventiste de Théologie, 1998, p. 63-77 ; Sakae Kubo dans op.cit., p. 57-62 ; Samuele Bacchiocchi, Divine Rest for Human Restlessness. A Theological Study of the Good News of the Sabbath for Today, Sixth printing, Michigan, Samuele Bacchiocchi, 1988, p. 137, 194. 86 Gerard Haddad, Didier Long, Tu sanctifieras le jour du repos, Paris, Éditions Salvator, 2012, p. 31. 87 Derek J.Morris, op.cit., p. 74 : « Le sabbat est non seulement un temps de bénédiction pour nous en tant qu'individus. Il est aussi un temps de bénédiction alors que nous permettons à Dieu de bénir les autres à travers nous ». 88 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, p. 25-26.

36 de l'apôtre Pierre. Donc, nous pouvons affirmer que cette activité de Jésus est compatible avec le jour du sabbat.

2.2.3. Les disciples de Jésus arrachant les épis, les froissant et les mangeant durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité Les synoptiques présentent l'activité des disciples de Jésus arrachant les épis, les froissant et les mangeant durant le jour du sabbat (Matthieu 12.1-8, Marc 2.23-28, Luc 6.1-5). Enzo Biancchi l'a bien présentée : « Le récit des épis arrachés présente les disciples traversant, avec Jésus, un champ de blé le jour du sabbat et arrachant des épis (Mc. 2,23). Matthieu et Luc ajoutent, par rapport à Marc, le fait que les disciples "mangeaient" les épis (Mt. 12,1 ; Lc. 6,1) ; Matthieu spécifie la raison de cet acte : "ses disciples eurent faim" (Mt. 12,1) ; Luc en indique la modalité : "en les froissant de leur main" (Lc. 6,1). Marc ne fournit pas d’autre précision, si ce n’est qu’ils arrachaient les épis en "se frayant un chemin" [...] »89. Le fait de prendre les épis en passant devant un champ n'est pas en soi illégal (Deutéronome 23.24,25). Mais est-ce une forme de travail contraire au sabbat ?

Réaction autour de l'activité Pour les dirigeants juifs de l'époque, les disciples transgressent le jour du sabbat par cette activité90. Même si Jésus n'y est pas impliqué directement, il est aussi considéré comme responsable de cette transgression du sabbat comme William L.Lane cité par Walter F.Specht déclare : « Parmi les scribes, il est considéré qu'un maître est responsable de la conduite de ses disciples »91. Comment cette activité constitue-t-elle une entorse à la loi sur le sabbat ?

À titre de rappel, dans l'Ancien Testament, une loi existe interdisant de faire une activité dans l'agriculture le jour du sabbat (labourage et moisson) (Exode 34.21). Or, d'après les pharisiens, les disciples étaient en train de moissonner, lorsqu'ils ont arraché les épis d'une part et d'autre part, ils étaient en train de battre, lorsqu'ils ont froissé les grains avant de les manger. Tout cela constitue du travail selon la tradition rabbinique et qui ne devrait pas avoir lieu le jour du sabbat92. Donc, aux yeux des pharisiens, les disciples

89 Enzo Bianchi, « Qu'est-ce que le dimanche ? », Recherches de Science Religieuse 2005/1 (Tome 93), p. 29. 90 Voir Paulo Lima dans Les épis arrachés – Exégèse de Mc 2 : 23-28, Mémoire de Licence en Théologie Adventiste, Collonges-sous-Salève, Faculté Adventiste de Théologie, 2007, p. 10-31. Voir aussi dans Mourlon Beernaert S.J, « Jésus controversé, Structure et Théologie de Marc 2, 1-3,6 », Nouvelle Revue Théologique n°2, Tournai, Casterman, 1973, p.129- 149. 91 Walter F.Specht, op.cit.,p. 95. Jean-François Froger dans op.cit., p. 65 note que « S'ils (les disciples) sont coupables , leur maître l'est aussi puisqu'il ne les empêche pas de violer le shabbat ». 92 À ce sujet, Georges Hansel dans op.cit., p. 30-31 nous donne un éclaircissement sur ce raisonnement : « Ainsi la dicha, c'est- à-dire le battage du blé est l'un des trente-neuf travaux énumérés dans la Michna [...]. Toute séparation d'une nourriture, d'une graine, de son enveloppe ou de son écorce, lorsqu'elle lui est attachée, relève de ce travail. Par exemple, arracher une graine de lin de sa capsule entre directement dans le travail de dicha. Plus généralement parmi les travaux dérivés de dicha, nous rencontrons entre autres, traire une vache, ou presser un jus de fruit ». Donc, les disciples étaient en faute par rapport aux travaux interdits le jour du sabbat lorsqu'ils ont froissé les grains avant de les manger. Par ailleurs, ajouter à cela, Isidore Grunfeld dans Le chabbat : pour le comprendre et pour l'observer, Paris, Éditions Colbo, 1973, p. 25 explique que moissonner selon l'optique de la loi rabbinique c'est « retirer une plante de l'endroit où elle pousse [...]. Couper ou cueillir sur un arbre ou un buisson des fleurs, de l'herbe, des feuilles, des brindilles, des graines ou des fruits, etc ».

37 étaient en train de faire ce qui n'est pas permis le jour du sabbat. Cependant, dans quelle mesure alors l'on pourrait dire que les disciples n'ont pas eu tort d'avoir agi ainsi ?

Compatibilité de l'activité avec le sabbat Lorsque Jésus prend la défense de ses disciples, il donne d'abord son argument à partir de l'histoire sacrée93. Il relate un fait dans l'histoire du peuple de Dieu quand David, n'étant pas prêtre, avait faim ce jour-là, il prenait les pains de proposition, les mangeait et en donnait aux autres personnes qui l'ont accompagné94. Pour Jésus, si cela a été admis que, dans leur faim et dans leur urgence, ils ont pris les pains de proposition appartenant exclusivement aux prêtres (Lévitique 24.8-9), les disciples étaient aussi en droit à cause de leur faim de prendre les épis et de les consommer95d'autant plus qu'ils n'ont pas violé la loi cérémonielle (Deutéronome 23.24,25)96. Dans ce cas, le sabbat doit être vécu positivement mais non pas en se privant.

C'est dans cette perspective positive que l'argument suivant pour défendre ses disciples se situe lorsque Jésus déclare selon Marc 2.27 que « le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat ». Jésus réitère ici le dessein de Dieu sur le sabbat dès la création97. Comme l'a bien noté Bruce K. Waltke : « Le commandement d'observer le sabbat se rapporte à Dieu, mais pour le bien de l'humanité et de la

93 Voir Desmond Ford, The Forgotten Day, Newcastle, Ca, Desmond Ford Publications, 1981, p. 160. 94 Enzo Bianchi signale dans op.cit., p. 30 : « Une tradition rabbinique atteste que c'est un jour de sabbat que David prit la fuite devant Saül, se présenta au prêtre Ahimélek et mangea les pains consacrés (MMenachot 11,9), et ceci rendrait plus fort le rapport avec le cas de Jésus et de ses disciples, si l'on parvenait à prouver que Marc connaissait cette tradition; mais ce que l'évangéliste tient à souligner, c'est qu'un cas analogue d' "illégalité" fait partie des Écritures et qu'il est accepté par les pharisiens eux-mêmes. Pourquoi accuser alors ses disciples ? L'Écriture elle-même les justifie ! » 95 Cf.J.N.Andrews, op.cit., p. 120. André Chouraqui, L'Univers de la Bible, tome 8, Paris, Éditions Lidis, 1985, p. 87 : « Iéshoua‘ repousse la critique dont il est l'objet en citant l'Écriture (I S 21, 4-7 ; Nb 28, 9-10). Son argumentation s'appuie sur des faits. Il laisse à ses interlocuteurs le soin d'en tirer les conclusions qui s'imposent ». Comme Samuele Bacchiocchi a bien remarqué dans « Le Sabbat, un mémorial de la rédemption », in Journal Servir, 2ème et 3ème trimestres 1982, Collonges sous Salève, Imprimerie FIDES, p. 45 : « Qu'il s'agisse de pain ou de temps mis à part pour un usage saint, l'un et l'autre peuvent servir exceptionnellement à faire face à des exigences personnelles, parce que le commandement du sabbat n'a pas pour but de priver quelqu'un de la vie, mais au contraire de la lui assurer (Marc 2:27) ». 96 Leander E. Keck (éd.), The New Interpreter's Bible, Luke, John, vol. 8, Nashville, Abingdon Press, 1995, p. 278 : « L'image n'était pas des disciples qui savouraient leur déjeûner, mais celle de ceux qui ont tout quitté (4:20, 22; 19:27) afin de suivre Jésus et qui sont véritablement pauvres et qui ont faim ». Evidemment, cette faim des disciples au vu de la tradition rabbinique n'excuse rien car selon Yolande Boinnard dans op.cit., p. 152 : « la Halachah prévoit que l'on doit se munir au cours de la semaine de bonnes choses à manger pendant le jour du repos. Les disciples n'avaient pas pris soin de préparer le Shabbat comme ils l'auraient dû ». Pourquoi ? Il semble que Samuele Bacchiocchi dans Du Sabbat au Dimanche, op.cit., p. 42 nous donne une piste de possibilité de réponse à cette interrogation : « On se demande d'abord pourquoi les disciples doivent assouvir leur faim de cette façon-là. Et d'ailleurs, où allaient-ils en ce jour de Sabbat ? Les pharisiens ne faisant aucune objection sur la distance parcourue, on peut penser qu'elle était inférieure à un "chemin de Sabbat", soit environ un kilomètre. Les textes ne fournissent aucun indice quant à la destination, mais la présence des pharisiens peut suggérer que le Christ avait assisté au culte synagogal et que n'ayant été invité nulle part, il traverse les champs avec ses disciples à la recherche d'un lieu où se reposer. S'il en est ainsi, la réponse du Christ aux pharisiens et surtout la citation 'c'est la miséricorde que je veux, non les sacrifices' (Mt 12, 7) sous-entendrait qu'il reproche de négliger l'hospitalité sabbatique ». 97 Voir Skip Mac Carty dans op.cit., p. 21 qui note bien : « Le mot grec egeneto liait le sabbat avec la création ; il est utilisé 20 fois dans la Septante dans le récit de la création de Genèse 1, une fois dans Hébreux 11: 3 en référence à la création de Dieu de notre monde à partir de rien, et trois fois dans Jean 1: 3, qui établit Jésus comme celui par qui toutes choses ont été "faites" (créées). Le terme grec Anthropos est le terme générique pour l'humanité. De nombreux chercheurs ont compris Marc 2:27 comme étant l'affirmation de Jésus concernant l'origine de la création et le caractère universel du Sabbat ».

38 création »98. Effectivement, il a été fait et créé pour l'homme et pour son bien99. Et on rejoint le même raisonnement concernant le travail fait par les sacrificateurs dans le temple le jour du sabbat (Matthieu 12.5,6) qui constitue un bienfait pour le peuple100. Ainsi, le temple et le sabbat sont là pour rendre un service à l'homme101. Si c'est possible et acceptable de travailler le jour du sabbat dans le temple, il ne faut pas oublier qu'il y a « quelqu'un qui est plus grand que le temple » qui approuve les gestes des disciples au cours de ce sabbat qui n'est autre que le maître du sabbat102.

Et enfin, pour le dernier argument, l'Evangile de Matthieu est le seul à rapporter comment Jésus a défendu ses disciples en citant le prophète Osée : « Si vous saviez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n'auriez pas condamné des innocents » (Matthieu 12.7 ; voir aussi dans Osée 6.6). Alain-Georges Martin l'a bien expliqué : « Par cette citation, Jésus souligne l'impasse dans laquelle s'est engagé le judaïsme : le danger du ritualisme est d'oublier l'amour et, sans l'amour, le sabbat perd toute sa signification »103. C'est pourquoi, si l'on permet aux traditions rabbiniques d'être le maître du sabbat, l'homme sera esclave du sabbat104 mais si Jésus en est le maître, il apportera le soulagement et la liberté105.

Fort de tous ces arguments, nous constatons que les disciples n'étaient pas en contradiction avec l'esprit du sabbat lorsqu'ils ont cueilli les épis de blé, les ont froissés et les ont mangés car ils ont eu faim. L'acte est compatible avec le sabbat. Jésus, le maître du sabbat, l'a admis et a défendu ses disciples106car le sabbat a été fait pour le bénéfice de l'homme, et non l'inverse.

98 Bruce K.Waltke, Charles Yu, Théologie de l'Ancien Testament, Une approche exégétique, canonique et thématique, Charols, France, Excelsis, 2012, p. 433. 99 Barney Kasdan dans God's Appointed Times, New Edition, Clarksville, Maryland, Messianic Jewish Publishers, 1993, p. 8, constate par rapport à ce texte : « [...]. Il (Yeshua) a tenté de corriger les déséquilibres dans la perspective rabbinique en rappelant aux gens que « le Shabbat a été fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le shabbat » (Marc 2.27). Malheureusement, trop souvent, les gens ont oublié de faire du Shabbat un délice, le reléguant à une liste de règles à la place ». Jean Vuilleumier dans op.cit., p. 59 résume le sens du propos de Jésus par cette illustration : « le jour du repos doit être pour l'homme un ami et non un tyran, un bienfait et non un tourment », Skip Mac Carty déclare dans op.cit., p. 67 : « Tel qu'il est conçu par Dieu, le Sabbat répond à un besoin humain profond [...]. Physiquement, émotionnellement, socialement, psychologiquement et spirituellement, le Sabbat de la création des Dix commandements promeut la santé lorsqu'il est correctement observé ». 100 David Bird., Sabbath Challenge, Sabbath Delight, United States of America, Xulon Press, 2003, p. 134 a bien noté à ce propos : « Si le travail des sacrificateurs était acceptable du fait de sa nature rédemptive, alors il en serait ainsi pour les disciples parce qu'ils se sont engagés dans la mission rédemptive et qu'ils avaient besoin de la nourriture pour les soutenir ». 101 Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 5, p. 392 : « Le Christ souligne que tant le Temple que le Sabbat ont été ordonnés au service de l'homme, et non pour dominer sur lui ». Voir aussi Samuele Bacchiocchi, Divine Rest for Human Restlessness, p. 157. 102 Voir Samuele Bacchiocchi, Divine Rest for Human Restlessness, p. 157. 103 Alain-Georges Martin, op.cit., p. 18. Voir les mêmes idées dans Leander E. Keck (éd.), The New Interpreter's Bible, Luke, John, vol. 8, op.cit. p. 278 : « Puisque les sacrificateurs font le sacrifice selon la Loi durant le sabbat, le sacrifice est plus grand que le sabbat. Mais la miséricorde est plus grande que le sacrifice, comme la déclaration divine est claire (Osée 6.6 [...].), ainsi la miséricorde est plus grande que le sabbat » . En développant le sens du commandement de Dieu et surtout Deutéronome 5.10, 15, Carsten Johnsen dans Day of Destiny, The Mystery ofthe Seventh Day, Yucaipa, California, Carsten Johnsen, 1982, p. 67 arrive à la conclusion que « la miséricorde est le thème par excellence du quatrième commandement ». 104 Bruce Scott, op.cit., p. 32 : « Bien que leurs intentions fussent bonnes, les rabbins ont transformé le Sabbat en un fardeau légaliste, et pas un jour de repos ». 105 Voir Derek J.Morris, op.cit., p. 73 ; Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol.5, p. 588 ; Robert L Odom, Sabbath and Sunday in early christianity, op.cit., p.18-23. 106 Église Adventiste du 7ème Jour, « Le Christ et sa loi » in Guide d'étude de la Bible, avril, mai, juin 2014. p. 34 : « Apparemment, Jésus n'a pas pris d'épis. Néanmoins, il a pris le temps de défendre les disciples. Jésus a rappelé aux Pharisiens que même David et ses hommes avaient mangé le pain 'défendu' du sanctuaire un jour où ils avaient faim ».

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2.2.4. La guérison de l'homme à la main desséchée durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité Les synoptiques donnent le récit de la guérison de l'homme à la main desséchée par Jésus le jour du sabbat (Matthieu 12.9-14, Marc 3.1-6, Luc 6.6-11). Jésus est entré dans la synagogue le jour du sabbat et rencontre un homme dont la main droite est desséchée. En présence des scribes et des pharisiens prêts à déclencher les hostilités, Jésus guérit l'homme en lui demandant d'étendre sa main. Est-ce que cette activité est compatible avec le sabbat ?

Réaction autour de l'activité Visiblement, les scribes et les pharisiens sont contre cette guérison pendant le jour du sabbat. Leur état d'esprit rempli de critique et d'hostilité envers Jésus concernant cette activité est révélé selon les récits suivants : « Ils demandèrent à Jésus : Est-il permis107 de faire une guérison les jours de sabbat ? C'était afin de pouvoir l'accuser »108 (Matthieu 12.10) ; « Les pharisiens sortirent, et ils se consultèrent sur les moyens de le faire périr » (Matthieu 12.14) ; « Ils observaient Jésus, pour voir s'il le guérirait le jour du sabbat : c'était afin de pouvoir l'accuser » (Marc 3.2) ; « Ils furent remplis de fureur, et ils se consultèrent pour savoir ce qu'ils feraient à Jésus »109 (Luc 6.11).

Selon eux, le fait de guérir l'homme à la main desséchée ne devrait pas se faire le jour du sabbat car la Mishna n'admet que le fait de sauver une personne en danger de mort le jour du sabbat : « À chaque fois qu'une vie est en danger, la loi du Sabbat est suspendue »110. Or, apparemment, l'homme à la main desséchée n'est pas dans cette catégorie d'une vie en danger111. Il n'est pas dans une situation d'urgence et pourtant Jésus le guérit 112 . Donc, cet acte est sous-entendu incompatible avec le sabbat selon les dispositions rabbiniques. Est-ce vraiment le cas ?

107 Yolande Boinnard rappelle dans op.cit., p. 135 concernant l'expression « est-il permis ? » : « Cette expression, rare dans la Bible de Septante, apparaît fréquemment dans le Talmud, pour introduire la discussion d'une question concrète concernant l'application de la Torah ». 108 Alain-Georges Martin, op.cit, p. 19 : « Dans Marc et dans Luc, c'est Jésus qui pose la question. Dans Matthieu ce sont les personnes qui se trouvent dans la synagogue. Cette question reflète la préoccupation des milieux rabbiniques : comment définir le cas d'urgence en matière médicale ». 109 Samuele Bacchiocchi dans Du Sabbat au Dimanche, p. 26 pense que « ceux-ci sont venus à la synagogue, non pas pour prier, mais plutôt pour épier le Christ et pour voir s'il guérirait le jour du Sabbat; on pourrait ainsi "l'accuser" (Mc 3,2) ». Derek J.Morris signale que ce sont les scribes et les pharisiens qui ont amené l'homme à la main desséchée à la synagogue pour servir de piège à Jésus. Voir Derek J.Morris dans op.cit.,p. 79. 110 Citée par Samuele Bacchiocchi dans ibid., p. 27. Dans le même ordre d'idées, Gerard Haddad, Didier Long cite la Mishna dans op.cit., p. 117 : « Tout danger de mort élimine le shabbat ». 111 Kenneth A.Strand souligne ce fait dans son étude dans op.cit., p. 503 : « Les règlements tels qu’ils étaient codifiés plus tard dans la Michna permettaient qu'une personne malade ou blessée pouvait être traitée le jour du sabbat, mais seulement si c’était une situation mettant la vie en danger. Cette affaire était chronique, et à l’évidence non couverte par cette disposition ». 112 Rivon Kryger, « Le Chabbat de Jésus », in Recherches de Science Religieuse, 93/1, 2005, p. 11 : « C'est le cas de l'impératif de survie qui prévaut sur l'observance sabbatique. Jésus adopte ici une position radicale au regard des autres mouvances : il opère la guérison de malades, le Chabbat, alors même qu'ils ne sont pas présentement en danger ».

40 Compatibilité de l'activité avec le sabbat En réponse à la question posée s'il est permis de faire une guérison le jour du sabbat, Jésus attire l'attention par cette parabole : « […] Lequel d'entre vous, s'il n'a qu'une brebis et qu'elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisira pour l'en retirer ? Combien un homme ne vaut-il pas plus qu'une brebis ! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat » (Matthieu 12.11,12).

Cette fois-ci, Jésus rappelle aux pharisiens les dispositions rabbiniques qui permettent de retirer de la fosse un animal tombé le jour du sabbat113. Et Jésus argumente que si c'est valable de sauver un animal le jour du sabbat, sauver un homme ne serait-il pas raisonnable aussi le jour du sabbat quand il déclare : « combien un homme ne vaut-t-il pas plus qu'une brebis ! »114 (Matthieu 12.12a). En conséquence, Jésus souligne une vérité indiscutable : « Il est donc permis de faire du bien les jours du sabbat » (Matthieu 12.12b). En d'autres mots, la logique veut que comme l'a signalé Samuele Bacchiocchi , « s'il est juste de faire du bien et de sauver le jour du Sabbat, alors refuser de le faire signifie faire le mal ou tuer »115. Confondus par l'interpellation de Jésus (Luc 6.9), les pharisiens vont se taire (Marc 3.4b). Donc, ils seront amenés à admettre que refuser de guérir l'homme à la main desséchée le jour du sabbat, les mettrait en contradiction avec leurs principes116. C'est pourquoi Jésus, tout en étant indigné par rapport aux pharisiens, accomplit le miracle de guérison en faveur de l'homme à la main desséchée117 (Marc 3.5).

À partir de cette expérience de Jésus lors de la guérison de l'homme à la main desséchée, force est de constater que le sabbat constitue une occasion de faire du bien aux autres. Jésus est vraiment en phase avec l'esprit du sabbat et avec la loi d'amour de Dieu118 qui n'abandonne pas celui à qui l'on devrait faire du bien sur son chemin le jour du sabbat. Son acte est compatible avec le sabbat.

113 Voir Kenneth A.Strand, op.cit.,p. 503 ; Bruce Scott, op.cit., p. 32. Jean Vuilleumier nous cite dans op.cit., p. 54 : « [...].La Mischna autorise celui qui a mal a la gorge à se gargariser le jour du sabbat; mais elle ne permet pas de remettre ce jour-là une jambe cassée, ni d'arroser d'eau froide un membre démis. On était plus humain pour les animaux, car il n'était pas défendu de soigner ses bestiaux et de les mener boire le jour du sabbat ». 114 Jésus a réussi à faire passer son enseignement d'une manière subtile et profonde par « l'analogie pour faire connaître une réalité inconnue au moyen de similitudes prises dans la réalité connue » selon Jean-François Froger dans op.cit., p. 79. 115 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au dimanche, op.cit., p. 28. C.E.B. Cranfield a raison d'évoquer en commentant cette question de Jésus adressée aux pharisiens que : « Le fait d'omettre de faire du bien auprès de celui qui est dans le besoin c’est commettre le mal » cité par Walter F. Specht dans op.cit., p. 98. 116 Jean-François Froger montre comment Jésus a apporté une réponse indiscutable aux Pharisiens à ce sujet dans op.cit., p. 76 : « Jésus déplace la question du permis et du défendu qui relève de la jurisprudence en une question légale : doit-on agir bonnement ou méchamment le shabbat ? Ici aussi la réponse devient évidente : on doit faire le bien ! » 117 Yolande Boinnard nous souligne la conséquence de la guérison de la main droite de l'homme dans op.cit., p. 156 : « Jésus rend à un homme sa puissance de travail ». 118 Enzo Bianchi, op.cit., p. 36 : « En ajoutant encore qu’ "il est permis de faire une bonne action le jour du sabbat" (Mt. 12,12), Matthieu soumet l’observance du sabbat au primat du commandement de l’amour (Mt. 12,34-40), affirmant de fait que la véritable violation du sabbat est d’offenser la charité, de refuser de faire miséricorde ».

41 2.2.5. La guérison de la femme courbée durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité L'évangéliste Luc qui est médecin, est le seul à rapporter la guérison durant le jour du sabbat de la femme courbée depuis dix-huit ans (Luc 13.10-17. Cette dernière rencontre Jésus enseignant dans la synagogue le jour du sabbat et ce dernier lui déclare en lui imposant les mains qu'elle est délivrée de son infirmité. Il semble que ce sera le dernier geste de miracle de Jésus dans la synagogue pendant le sabbat. Samuele Bacchiocchi a noté à ce propos que : « L'opposition grandissante des autorités a probablement rendu impossible la continuation du ministère sabbatique à la synagogue ».119. Mais est-ce à dire que cette activité n'est pas compatible avec le jour du sabbat ?

Réaction autour de l'activité Jésus rencontre une opposition à cette guérison à travers le responsable de la synagogue qui soulève le débat : « Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus avait opéré cette guérison un jour de sabbat, dit à la foule : Il y a six jours pour travailler; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat » (Luc 13.14). À ce sujet, Willy Rordorf explique : « La femme a déjà été "altérée" pendant 18 ans; c'est pourquoi il faut l'aider sans tarder. Les scribes tenaient le raisonnement exactement inverse : puisqu' elle avait déjà été malade si longtemps, elle aurait bien pu attendre sa guérison un jour de plus »120. Sinon, la guérir serait incompatible avec le jour du sabbat. Qu'est-ce que cela insinue ? Il se trouve qu'en vertu de la tradition rabbinique supposée connue de tous, Jésus aurait transgressé plusieurs règlements sur le sabbat121. En effet, la Mishna fait état que l'on ne doit pas redresser le corps d'un enfant déformé ou un membre cassé le jour du sabbat. Or, Jésus a redressé le corps de la femme courbée durant le sabbat (Luc 13.13b). Donc, ce que Jésus a fait n’est pas conforme à la loi rabbinique sur le sabbat.

Par ailleurs, un autre règlement a été encore transgressé par la guérison de la femme courbée car en fait, il est interdit de délier un nœud le jour du sabbat122. Alors quel rapport y a-t-il entre ce que Jésus a prononcé sur la femme et cette interdiction ? Jésus déclare : « Et cette femme, qui est une fille d'Abraham, et que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de cette chaîne le jour du sabbat ? » (Luc 13.16). Le mot grec utilisé ici luein signifie délier ou délivrer123. Ce qui veut dire que Jésus a délié un nœud par la guérison de cette femme courbée124. Alors, il a agi à l'encontre de la loi rabbinique en vigueur sur l'interdiction de délier un nœud le jour du sabbat. En revanche, comme l'a remarqué Bruce

119 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au dimanche, op.cit., p. 31. Leander E. Keck (éd.), The New Interpreter's Bible, Luke, John, vol. 9, Nashville, Abingdon Press, 1995, p. 273, mentionne à propos de cette guérison dans la synagogue : « Pour la dernière fois dans l'Evangile, Jésus est entré dans une synagogue. Toutefois, son activité dans l'enseignement se poursuivra dans les derniers chapitres (13: 22,26 ; 19: 47 ; 20: 1; 21: 37) ». 120 Willy Rordorf, Sabbat et dimanche dans l'Eglise ancienne, Neuchâtel, Éditions Delachaux et Niestlé, 1972, p. 13. 121 Nous sommes redevable à Bruce Scott pour les explications à ce sujet dans op.cit., p. 30. 122 Voir la liste des travaux interdits pendant le sabbat selon la tradition dans supra,,note 75. 123 Cf. Bruce Scott, op.cit., p. 30. 124 Cf. Idem.

42 Scott, si Jésus avait utilisé une seule main pour cette guérison, il aurait été épargné de toute critique car selon la Mishna, personne ne se rend coupable de délier un nœud par une seule main au cours du sabbat125. Et pourtant, dans son geste, Jésus a utilisé ses deux mains pour guérir la femme selon la précision de Luc : « Et il lui imposa les mains » (Luc 13.13a). Donc, l'acte est contraire aux traditions rabbiniques. Jusqu'où l'on pourrait affirmer alors le contraire ?

Compatibilité de l'activité avec le sabbat Face aux attaques de ses adversaires sur son activité le jour du sabbat en guérissant la femme courbée depuis dix-huit ans, Jésus va dénoncer leur hypocrisie (Luc 13.15a) en les confrontant avec une autre loi rabbinique qui permet de détacher ou délier un animal le jour du sabbat à cause de sa soif126. Jésus reproche aux pharisiens et aux scribes de réserver un traitement plus humain à l'égard des animaux au cours du sabbat qu’aux êtres humains127. C'est pourquoi, il attire l'attention de tous sur le fait que cette femme a plus de valeur que les animaux d'autant plus qu'elle est non seulement un être humain mais aussi de la race d'Abraham, de la race privilégiée128 (Luc 13. 16). André Wenin a bien noté sur cette délivrance que : « Face au légalisme étroit et à la mesquinerie du chef de la synagogue soucieux seulement d'un respect formel de la loi, Jésus est clair : c'est justement le jour du sabbat qui est le jour adéquat pour "délier" [...]. Car le sabbat est ce jour où la liberté reçue de Dieu se célèbre dans l'acte même de libérer les autres de ce qui les enchaîne »129. Mais au-delà de ces considérations, il est important de souligner aussi que ce miracle constitue plus qu'une œuvre à dimension sociale car Jésus vient de libérer une femme de l'emprise du diable pendant dix-huit ans130. Ainsi, le terme en grec luein qui signifie libérer, délivrer ou détacher qui revient par trois fois131 au cours de ce miracle démontre que le sabbat est fait pour libérer quelqu'un132sur tous les plans. Donc, l'acte de libération et de rédemption n'est pas condamnable durant le

125 Cf. Idem. 126 Les remarques suivantes soulignent cette hypocrisie dans Samuele Bacchiocchi, Divine Rest for Human Restlessness, p. 150 : « En argumentant d'une affaire mineure à une affaire majeure, le Christ montre comment le sabbat avait été paradoxalement déformé. Un bœuf ou un âne pouvait être légitimement délié le jour du sabbat pour boire (peut-être parce qu'un jour sans eau aurait pu entraîner une perte de poids et par conséquent une moindre valeur sur le marché), mais une femme souffrante ne pouvait pas être libérée un tel jour des chaînes de son infirmité physique et spirituelle ». 127 Cf. Kenneth A.Strand, op.cit.,p. 504. Trois fois, Jésus faisait référence aux soins particuliers apportés aux animaux durant le sabbat : Matthieu 12.11-12 ; Luc 13.15-16; Luc 14.5. 128 Cf. Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol. 5, op.cit., p. 802. 129 André Wenin, Le Sabbat dans la Bible, Bruxelles, Éditions Lumen Vitae, 2005, p. 70. Le même auteur dans ibid., p. 69, décrit la femme comme se trouvant « bloquée dans la position d'une esclave sans cesse au travail ». Par ailleurs, Yolande Boinnard note une relation étroite entre le nombre d'années du handicap de cette femme et la notion de la délivrance : « Prisonnière depuis trois fois six ans, la femme courbée n'avait encore jamais été mise au bénéfice de l'année sabbatique. C'est désormais chose faite. Non seulement il n'est pas question pour Jésus de différer, serait-ce d'un jour, la guérison de l’infirme ; mais encore il n'est pas de temps plus approprié qu'un Shabbat pour mettre en œuvre une délivrance ». 130 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, p. 32 : « Cette image employée par le Christ rappelle ce qu'il dit de sa mission d'annoncer aux captifs la délivrance (Lc 4,18). Libérer une fille d'Abraham des liens de satan est l'accomplissement de la typologie messianique du Sabbat ». 131 Samuele Bacchiocchi, « Le Sabbat, un mémorial de la rédemption », p. 43 : « Par trois fois Jésus utilise le verbe "luein" = "libérer, délivrer, détacher". Luc 13.10-17 ». 132 Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, p. 31-33 : « Pour le Christ, qui voulait rétablir l'être entier, il n'y avait pas de meilleur jour que le Sabbat. Le verbe "libérer" est employé deux fois pour préciser cette fonction du Sabbat [...]. Développant son idée, le Christ emploie une troisième fois le verbe sous forme d'une question : "Et cette fille d'Abraham que Satan avait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délier le jour du Sabbat ?" (13,16) ».

43 sabbat. Jésus, en libérant la femme, est en phase avec la bonne observation du sabbat. Cette activité est compatible avec le sabbat.

2.2.6. La guérison de l'homme hydropique durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité L'évangile de Luc est le seul à rapporter le récit de la guérison de l'homme hydropique durant le jour du sabbat (Luc 14.1-6). C'est dans la maison de l'un des chefs des pharisiens et en présence des docteurs de la loi et des pharisiens que Jésus, étant invité au repas, accomplit la guérison de l'homme hydropique. Jésus demande à tous ceux qui sont là présents si c'est permis ou non de faire la guérison le jour du sabbat. En d'autres mots, est-ce que cette activité de guérison est compatible avec le jour du sabbat ?

Réaction autour de l'activité D'abord, comme Jean-François Froger le souligne : « Nous ne sommes plus à la synagogue où il peut entrer librement et enseigner car le peuple aime l'entendre. Il est chez ceux qu'il offusque et dont le parti est pris de le prendre en défaut »133. À cette occasion, au lieu de passer tout de suite à l'acte de guérir comme il l'a fait avec la femme courbée depuis dix-huit ans, Jésus pose une question aux docteurs de la loi et aux pharisiens : « [...] Est-il permis, ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? » (Luc 14.3). Aucune réaction n'est enregistrée. Probablement, ils n’auraient pas voulu s'engager dans le débat car la réponse que Jésus avait déjà donnée lors de ses interventions sur ses précédents miracles de guérison durant le sabbat ne leur était pas inconnue. Et l'on peut comprendre qu'avec ce dernier miracle134, opéré pendant le sabbat, ils n'auraient plus d'arguments à faire valoir135. Ainsi, Jésus guérit l'homme hydropique (Luc 14.3,4). Comment justifiera-t-il la compatibilité de cette activité avec le sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le sabbat Il se trouve que Jésus sachant leurs intentions va utiliser une autre question par rapport au traitement des animaux pendant le sabbat, dans le but de démasquer leur hypocrisie136 : « Puis il leur dit : Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans un puits, ne l'en retirera pas aussitôt, le jour du sabbat ? »137 (Luc 14.5). En d'autres mots, nous pourrions paraphraser le propos de Jésus de la manière suivante : allez-vous attendre longtemps jusqu'à ce que le coucher du soleil, la fin du sabbat, arrive pour sauver un animal tombé dans un puits le jour du sabbat ?

133 Jean-François Froger, op.cit., p. 87. 134 Voir note 72, p. 33. 135 André Chouraqui, op.cit., p. 328 : « Ils observent le silence parce qu'ils sont divisés sur ce point ». 136 Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol.5, p. 806 souligne : « Il est concevable, comme certains l'ont suggéré, que certains des Pharisiens présents avaient pris des dispositions pour que l'homme malade fût là, afin de piéger Jésus en l’amenant à le guérir le jour du sabbat. Voir aussi dans ibid., « Il (Jésus) "répondait" aux pensées des pharisiens, qui regardaient pour voir ce qu'il ferait ». 137 L'évidence textuelle est divisée entre la traduction fils et âne dans Luc 14.5 selon ibid. Voir les remarques de Ralph Earle sur Luc 14.5 sur le mot âne dans Word Meanings in the New Testament, One Volume Edition, Grand Rapids Michigan, fifth printing, Baker book House, 1989, p. 69.

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Évidemment, la réponse serait non dans la mesure où selon la tradition, si un bœuf tombe dans un puits le jour du sabbat, on doit travailler même toute la journée du sabbat pour sortir l'animal hors du puits138. En revanche, les pharisiens voient d'un mauvais œil que l’on puisse soulager un être humain malade durant le jour du sabbat. Effectivement, à l'époque de Jésus, vu la rigidité de l'attitude des pharisiens, si quelqu'un tombe malade le jour du sabbat, il devrait attendre jusqu'au coucher du soleil avant de recevoir de l'aide ou des soins139. Il se trouve que le rappel de Jésus concernant cette pratique confond les conducteurs religieux présents dans la salle : « Et ils ne purent rien répondre à cela » (Luc 14.6).

On peut dire qu'à travers le miracle de la guérison de cet homme hydropique, Jésus ne transgresse pas le sabbat dans la mesure où il peut arrêter la souffrance de cet homme qui avait duré longtemps comme il avait arrêté la souffrance de la femme courbée depuis dix-huit ans. De même que la femme ne pouvait pas se libérer d'elle-même comme un bœuf ou un âne attaché, de même l'homme hydropique ne pouvait pas se libérer de lui-même comme un âne ou un bœuf tombé dans un puits, mais Jésus les a libérés tous même si c'était le jour du sabbat.

Ainsi, libérer quelqu'un de son fardeau et de ses souffrances est compatible avec le sabbat. Si c'est valable pour les animaux, à combien plus forte raison cela l’est pour les êtres humains. Jésus est dans l'esprit de la correcte observation du sabbat en permettant à quelqu'un d'avoir le véritable repos le jour du sabbat. Son activité est compatible avec ce jour sacré.

2.2.7. La guérison d'un invalide tout près de la piscine de Béthesda durant le jour du sabbat

Présentation de l'activité L'évangile de Jean est le seul à rapporter le récit de la guérison d'un invalide ou d'un paralytique depuis 38 ans140tout près de la piscine de Béthesda durant le jour du sabbat (Jean 5.1-17). Le voyant couché parmi les malades sur le lieu dans l'attente d'une guérison141, Jésus lui demande s'il veut être guéri. Ayant suivi l'ordre de Jésus de se lever, de porter son lit et de marcher, cet invalide fait l’expérience de la guérison. Est-ce que cette situation est compatible avec le sabbat ?

138 Cf.M.L.Andreasen, The Sabbath, p. 119. 139 Cf. ibid., p.118-119. Voir aussi Francis D. Nichol (éd.), Seventh-day Bible Commentary, vol.5, op.cit., p. 802, 806. 140 À ce sujet, Yolande Boinnard note op.cit,. p. 120 que : « Ce chiffre rappelle l'histoire d'Israël : "De Qadès Barnéa au torrent de Zéred notre errance avait duré trente-huit ans ; ainsi avait été éliminée toute la génération des hommes en âge de porter les armes" (Dt 2,14). L'homme est resté infirme, le temps que vive et meure une génération - pour lui l'heure est venue d'entrer en Terre Promise, de commencer une vie nouvelle ». 141 Il se trouve que Jésus a selectionné celui qui semblait être plus dans le besoin selon Frank E. Gaebelein (éd.), The Expositors Bible Commentary with The New International Version of Holy Bible, vol. 9 ( John - Acts ), 1ère édition 1981, Grand Rapids Michigan, Zondervan Publishing House, 1982, p. 62.

45 Réaction autour de l'activité Apparemment, cette situation est incompatible avec le sabbat d'après les juifs c'est-à-dire les chefs religieux142 de l'époque qui reprochent à l'invalide guéri de transgresser le sabbat par le fait de porter son lit (Jean 5.9-10). Ce qui n'est pas du tout admissible au vu de la loi rabbinique qui interdit de transporter quoi que ce soit et qui pourrait entraîner même la lapidation143. Par la même occasion, Jésus, à l'origine de la guérison est visé aussi par la désapprobation des chefs spirituels de l'époque (Jean 15.15-17). Comme Jean-François Froger a bien noté : « Nous sommes au jour du shabbat et Jésus vient manifestement de transgresser deux interdits aux yeux des Judéens : en guérissant un malade et en lui faisant porter sa civière »144. Face à toutes ces objections, peut-on dire encore que cette action de Jésus est compatible avec le sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le sabbat Il y a lieu de souligner qu'il semble que c'était le premier miracle accompli par Jésus le jour du sabbat145. Il a eu lieu à Jérusalem lors d'une fête146 tandis que les autres miracles pendant le sabbat se passent ailleurs sauf celui de la guérison de l'aveugle-né à Jérusalem (Jean 8.59 ; 9.1-41).

Ainsi, on ne peut pas douter que ce miracle ait eu beaucoup d'écho dans la ville car la fête à Jérusalem est une occasion de rassemblement147. Et en plus, après cette guérison, l'homme guéri, exposé implicitement à tous, est présent au temple148 (Jean 5.13-14)149. Ses retrouvailles avec Jésus lui permettent d'avoir une précision sur l'identité de celui qui l'a guéri si bien qu'il peut révéler aux autres que c'est Jésus qui l'a guéri (Jean 5.15) mais aussi une occasion pour Jésus de s'intéresser non seulement à l'état physique mais aussi à l'état spirituel de l'homme. Ceci est suggéré par ces termes adressés à l'homme : « ne pèche plus »150.

142 David Guzik, Commentary on the Bible Home / Bible Commentaries / Guzik Commentary / John / Chapter 5 [ en ligne], disponible sur http://www.studylight.org/commentaries/guz/view.cgi?book=joh&chapter=005 (consulté le 15 décembre 2015) : souligne : « Tout au long de son Evangile, Jean utilise le terme de Juifs dans le sens des dirigeants juifs, et non de tous les Juifs à Jérusalem ». 143 Nous citons à ce propos dans Commentaries: Robertson's Word Pictures (NT) [en ligne], disponible sur http://www.bibletools.org/index.cfm/fuseaction/Bible.show/sVerseID/26221/eVerseID/26221/RTD/rwpnt/version/gnb (consulté le 09 décembre 2015) : « La lapidation était la punition rabbinique ». Voir aussi la déclaration suivante dans John Lightfoot's Bible Commentary [en ligne], disponible sur http://www.christianity.com/bible/comments/john/light/john5.htm (consulté le 09 décembre 2015) : « Celui qui le sabbat porte quoi que ce soit à partir d'un lieu privé à un lieu public, ou d'un lieu public à un lieu privé, ou l’y apporte, s'il fait cela imprudemment, il est tenu d'offrir un sacrifice pour le péché; mais s’il l’a fait présomptueusement, il est puni par l’isolement et la lapidation ». 144 Jean-François Froger, op.cit., p. 92. 145 Voir note 72, p. 33. 146 David Guzik Commentary on the Bible Home / Bible Commentaries / Guzik Commentary / John / Chapter 5 [en ligne] disponible sur http://www.studylight.org/commentaries/guz/view.cgi?book=joh&chapter=005 (consulté le 15 décembre 2015) : « Une fête des Juifs: Nous ne savons pas quelle fête c’était, mais elle était probablement l'une des trois principales fêtes où la fréquentation était nécessaire ». 147 Cf. 2 Chroniques 30.13; Luc 2.41; Actes 2.5. En commentant au sujet de cette fête mentionnée dans Jean 5.1, André Chouraqui dans op.cit., p. 406 signale que « 5, 1. Une fête, sans doute une des trois fêtes qui obligeaient tous les Hébreux à se rendre en pèlerinage à Ieroushalaïm [...]. ». 148 Auparavant, cet invalide ne pouvait pas entrer dans le Temple selon Jean-François Froger dans op.cit., p. 92 « un infirme est impur et ne peut participer au culte ». 149 Kenneth A Strand, op.cit., p. 504 : « Le bien-être de l'homme impliquait une dimension spirituelle autant que physique ». 150 Cf. Frank E. Gæbelein (éd.), The Expositors Bible Commentary with The New International Version of Holy Bible, vol. 9 (John - Acts), op.cit. p. 63.

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Face à ses détracteurs, Jésus va élargir les horizons sur le dessein de Dieu sur le sabbat. Jésus va se référer à Dieu le Père pour étayer son argument dans les termes suivants : « Jésus leur répondit: Mon Père agit jusqu'à présent; moi aussi, j'agis » (Jean 5.17). Le père à qui Jésus fait allusion ici n'est pas évidemment son père physique qui est Joseph (Matthieu 1.16; 13.55; Luc 2.22-33) exerçant le travail de charpentier. Et ce n'est pas non plus à son travail de charpentier qu'il fait allusion mais à l'autre père151 qui ne cesse de travailler. Comme l'a bien noté Yolande Boinnard : « A l'aide d'une rapide parabole, Jésus se décrit lui- même comme l'apprenti à qui son père enseigne son métier : "un fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit faire au père" (v. 19). Jésus ne fait rien d'autre que ce qu'il a appris de son Père : donner la vie. Le Shabbat devient aussi un témoin : il atteste à sa manière la filialité de Jésus et son imitation obéissante du Père ; il donne à Jésus l'occasion de révéler qu'il est l'Envoyé de Dieu »152. David Guzik153 a bien noté que Jésus n'essaie pas vraiment d'expliquer qu'il a travaillé le jour du sabbat. À la place, il explique sans crainte auprès des dirigeants spirituels que son Père travaille le jour du sabbat et par conséquent il travaille aussi le jour du sabbat. Robert L. Odom154 laisse entendre que sans l'opération continuelle du soutien de Dieu par sa puissance, le monde périrait. Walter F. Specht rappelle les deux actions permanentes de Dieu en faveur de la création et de l'être humain en ces termes : « [...] gouverner l'univers [...] engagé constamment dans l'œuvre de rédemption »155.

Visiblement les dirigeants spirituels accueillent négativement l'argument de Jésus et surtout sa déclaration qu'il est égal à Dieu (Jean 5.18). Mais comme l'a bien souligné Alain-Georges Martin « Jésus va se défendre en opposant au repos prescrit à l'homme le jour du sabbat, l'activité de Dieu (v. 17). On a souvent discuté, chez les rabbins, pour savoir comment interpréter le repos de Dieu le septième jour de la création (Genèse 2, 1). Dieu cesse-t-il de s'occuper de sa création ce jour-là ? Gouverne-t-il encore le monde ? Il semble bien qu'au moment où Jean écrivait, le courant d'idées le plus en vue affirmait que Dieu continuait à agir, à gouverner sa création [...]. Pour les rabbins, seul Dieu peut enfreindre le sabbat ; par la liberté qu'il prend de guérir un jour de sabbat, Jésus affirme sa divinité »156.

Face à cet acharnement, Jésus remet de l'ordre dans la discussion en interpellant ces dirigeants religieux de réviser leur compréhension des Saintes Ecritures d'une part, comme l'indique le texte de Jean 5.39, 46 et d'autre part, en leur lançant le défi pour trouver si lui-même est en contradiction avec ce que le père fait dans toutes ses actions comme le texte l'indique dans Jean 5. 26, 36. Ce qu'il vient d'accomplir dans la

151 Voir la même allusion au père céleste dans le même chapitre Jean 5.18,19,20,21,22,23,26,36,37,43. 152 Yolande Boinnard, op.cit., p. 122. 153 Voir David Guzik, op.cit., sans pagination. 154 Voir Robert L. Odom, op.cit., p. 29. 155 Walter F. Specht, op.cit, p. 100. 156 Alain-Georges Martin, op.cit., p. 20. Yolande Boinnard note dans op.cit., p. 122 : « En s'arrogeant le droit de travailler à la vie un jour de Shabbat, Jésus s'empare d'une prérogative qui appartient à Dieu seul, car Dieu seul, dit le Midrash, peut poursuivre au cours du Septième Jour son œuvre de création et de jugement ».

47 guérison de l'invalide est un témoignage vivant de l'œuvre de Dieu incarné, une preuve à l'appui à la vue de tous ceux qui sont venus nombreux à Jérusalem pour la fête.

Il se trouve qu'à la fin, les détracteurs de Jésus n'ont plus d'arguments à faire valoir lorsqu'il a ajouté un argument faisant référence à la pratique de la circoncision157 qui coïncide avec le jour du sabbat (Jean 7.21-26). Samuele Bacchiocchi rappelle à ce sujet que : « Pour mettre fin à la controverse, Jésus cite encore avec pertinence l'exemple de la circoncision (Jean 7.22-24). Il prétend que si les prêtres sont autorisés le jour du sabbat à mutiler l'une des 248 parties que compte le corps humain (selon l'estimation des Juifs), afin de sauvegarder la loi par l'application de ce rite, ils n'ont aucune raison d'être "irrités" contre lui parce qu'il a opéré en ce même jour la guérison d'un homme tout entier »158. L'acte de guérison est ici mis au même plan que la circoncision qui est aussi un acte qui concerne le salut159. Ainsi, Jésus touche un élément sensible au judaïsme du premier siècle qui définit : « une identité autour des trois pratiques dont la circoncision, les lois sur la nourriture, l'observation du sabbat »160. L'homme invalide est guéri complétement, de même qu’un enfant mâle circoncis devient complet comme l'indique le commentaire suivant : « Le fait de circoncire un Juif mâle c'était de marquer son appartenance au peuple de l'alliance si bien qu'il était considéré comme étant incomplet sans la circoncision »161.

Ainsi, Jésus a non seulement montré le non-fondement de la logique de la loi rabbinique à travers ce miracle d'un invalide depuis 38 ans mais il a permis aussi de voir ce que Dieu fait pendant le sabbat pour que ses créatures vivent dans la paix physiquement aussi bien que spirituellement. Ce que Jésus a fait le jour du sabbat auprès de cet homme invalide à Bethesda ne constitue pas un travail à proprement parler, c'est l'œuvre de Dieu qui est de rétablir la vie au grand complet à la fois sur le plan physique et aussi spirituel162. Cette activité est compatible avec le sabbat.

2.2.8. La guérison d'un homme aveugle-né durant le jour du sabbat

Il semble que la situation de l'homme aveugle-né durant le jour du sabbat partage une similitude avec celle de l'homme invalide depuis trente-huit ans163. Ainsi, dans l'ensemble, les mêmes arguments utilisés avec

157 À vrai dire, la circoncision pourrait être classée parmi l'un des 39 travaux interdits le jour du sabbat désignée par le verbe tondre dont le sens par rapport à la loi rabbinique est expliqué par Isidore Grunfeld dans op.cit., p. 27 : « Tondre - séparer de l'organisme humain ou animal les parties qui le couvrent extérieurement ». 158 Samuele Bacchiocchi, Le Sabbat, un mémorial de la Rédemption, p. 44. 159 Il est intéressant de noter avec Kim Papaioannou, « John 5.18 : Jesus and Sabbath law - A fresh look at a challenging rest » dans Journal of The Adventist Theological Society, volume 20, Numbers 1&2, 2009, p. 254 : « Jésus a répondu que selon la loi mosaïque, une personne peut être circoncise le Sabbat (07:22). La circoncision signifiait l'entrée dans une relation d'alliance avec Dieu et était donc un acte de plénitude. Son acte de guérison est aussi un acte de salut, encore plus grande que la circoncision (ὅλον ἄνθρωπον ὑγιῆ ἐποίησα) ». 160 Leander E. Keck (éd.), The New Interpreter's Bible, vol. 9, op. cit. p. 579. 161 Ibid., p. 619. 162 Samuele Bacchiocchi, The Sabbath in the New Testament. Answers to questions, Michigan, Samuele Bacchiocchi, 1985, p. 78 : « Pour le Christ, le Sabbat est le jour pour œuvrer en vue de la rédemption entière de l'homme ». 163 Cf. Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, p. 33 et Kenneth A.Strand, op.cit.,p. 504.

48 ce dernier sont aussi applicables et valables pour ce qui concerne la guérison de l'homme aveugle-né164. Notre étude soulignera certaines caractéristiques essentielles pour comprendre cette activité.

Présentation de l'activité Comme la mention du miracle de la guérison pendant le sabbat en faveur de l'homme invalide est citée uniquement par l'évangéliste Jean, il en est de même pour le miracle de la guérison de l'aveugle-né signalée dans le même évangile (Jean 9.1-41) et qui se déroule aussi à Jérusalem. Ainsi, pour guérir l'aveugle-né, Jésus crache à terre, et fait de la boue avec sa salive avant de l'appliquer sur les yeux de l'aveugle. Ce dernier, ayant accepté l'ordre de se laver au réservoir de Siloé recouvre la vue. Tout comme avec l’homme invalide à qui il a demandé de prendre son lit et de marcher, Jésus implique le malade dans le processus de guérison en demandant à l'aveugle-né de se laver les yeux au réservoir de Siloé165 (Jean 9.6-7). Cette activité est-elle compatible avec le sabbat ?

Réaction autour de l'activité Comme ils ont procédé avec l'invalide guéri, les pharisiens demandent à l'aveugle-né guéri aussi comment il avait recouvré la vue. Sa réponse ne mentionne pas encore l'identité de son bienfaiteur mais il décrit les faits : « Et il leur dit: Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois » (Jean 9.15). Il se trouve que le fait d'avoir fait de la boue correspond à l'un des travaux interdits le jour du sabbat selon la loi rabbinique qui est désigné par le verbe pétrir. Cela veut dire selon Isidore Grunfeld : « Pétrir - Mouiller de fines particules de substance avec un liquide et les malaxer pour en faire une pâte »166. Donc, ce que Jésus a fait n'est pas permis selon ses détracteurs.

Il est curieux de constater qu'au lieu de se réjouir de la guérison de l'homme invalide depuis trente-huit ans, les juifs ou les dirigeants spirituels de l'époque voient de mauvais œil ce miracle qui a lieu le jour du

164 Voir les explications concises suivantes concernant leur similitude selon Samuele Bacchiocchi dans Divine Rest for Human Restlessness, p. 153-154 : « Similitudes. Deux miracles du Sabbat rapportés par Jean illustrent davantage la relation entre le sabbat et l'œuvre de salut de Christ (Jean 5 : 1-18 ; 9 : 1-41). Les deux épisodes peuvent être examinés ensemble puisqu’ils montrent une similitude substantielle. Les deux hommes guéris avaient été des malades chroniques : L’un malade pendant 38 ans (5 : 5) et l'autre aveugle de naissance (9 : 2). Dans les deux cas le Christ dit aux hommes d'agir. À l'homme paralysé Il dit: "Lève-toi, prends ton grabat et marche" (5 : 8) ; à l'aveugle, "Va te laver à la piscine de Siloé" (9 : 7). Ces deux actions représentent la violation des lois rabbiniques du Sabbat, et donc les deux sont utilisées par les pharisiens pour accuser le Christ de transgression du Sabbat (Jean 5 :10, 16 ; 9 : 14-16). Dans les deux cas Christ rejette une telle accusation en faisant valoir que ses œuvres de salut ne sont pas exclues, mais plutôt envisagées par le commandement du sabbat (5 :17; 7 :23; 9 :24). La justification du Christ est exprimée en particulier par une déclaration mémorable: "Mon Père travaille jusqu'à maintenant et je travaille" (Jean 5 :17 ; cf. 9 : 4) ». 165 Yolande Boinnard nous rappelle à propos de Siloé dans op.cit., p. 123 : « On quitte la piscine de Bethzatha, chiche en vertus curatives, pour celle de Siloé, la piscine de l'Envoyé - donc celle de Jésus, l'Envoyé de Dieu [...]. Une légende raconte que les eaux de Siloé sauvèrent Esaïe de la soif ; un midrash affirme qu'elles offrent le pardon et la purification, et qu'elles servaient à un rite d'expiation célébré lors de la fête de Soukkôt ». 166 Isidore Grunfeld, op.cit., p. 27. Par ailleurs, ajouter à cela, il est aussi interdit de moudre selon Isidore dans ibid., p. 26 et qui a comme conséquence selon le même auteur dans idem : « Moudre - Réduire un produit naturel ou toute autre substance en poudre ou en parties ténues (au moyen d'un instrument adapté) pour en tirer un meilleur profit. [...]. Par conséquent, il est interdit [...] de préparer un médicament, d'en prendre, de suivre tout traitement pour éviter la douleur, ou la moindre indisposition (En effet, cette activité est liée, par habitude, au fait de piler les différents ingrédients d'un médicament) ».

49 sabbat. Nous retrouvons les mêmes réactions lors du miracle de la guérison de l'aveugle-né167. Ainsi ce n'est pas l'homme guéri et libéré de sa maladie chronique qui est important aux yeux de ces dirigeants religieux mais la recherche de la faille quant à l'observation de la loi sur le sabbat selon leur tradition168 comme le texte l'indique selon Jean 9.13-16a. . Tellement préoccupés par la sainteté du sabbat, les pharisiens manquent de découvrir celui qui a sanctifié le sabbat169 à tel point qu'ils considèrent que Jésus ne vient pas de Dieu et qu'il est pécheur (Jean 9.24).

Comme le fait de transporter quelque chose d'un endroit privé à un endroit public est interdit par les lois rabbiniques le jour du sabbat, le transgresseur risquant la lapidation, l'invalide a pu éviter ce drame mais les pharisiens cherchent à trouver celui qui est à l'origine du miracle pour le condamner. Il se trouve aussi qu'ils ont agi pareillement pour trouver celui qui est à l'origine du miracle de la guérison de l'aveugle-né pour l'accuser (Jean 9.24). Est-ce que l'on peut maintenir alors que cette activité est compatible avec le sabbat ?

Compatibilité de l'activité avec le sabbat Comme le miracle de l'homme invalide a permis de révéler la divinité de Jésus170, il en est de même pour le cas de cet aveugle-né. On peut percevoir cela à travers les deux phrases qui se trouvent dans Jean 5.17 et 9.3 : « Mais Jésus leur répondit : Mon Père agit jusqu'à présent ; moi aussi, j'agis ». « Jésus répondit : Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui ». Le travail du père n'est autre que le soutien de l'univers et l'œuvre de rédemption sans interruption concrétisé par le rétablissement physique aussi bien que spirituel de l'être humain. Il est à noter que Jésus non seulement a apporté la guérison physique à l'aveugle-né mais également une guérison spirituelle. De même qu’il y a des retrouvailles entre Jésus et l'invalide après la guérison, de même aussi il y a des retrouvailles entre Jésus et l'aveugle-né, ce qui allait permettre à ce dernier de vivre en paix aussi sur le plan spirituel (Jean 9.35-38). Jésus n’accomplit pas d’œuvre de miséricorde à moitié durant le jour du

167 En commentant les réactions de ces dirigeants spirituels, Samuele Bacchiocchi soulignent la différence entre leurs préoccupations et celles de Jésus en ces termes dans Divine Rest for Human Restlessness, p. 156 : « Pour eux, la paillasse et l'argile sont plus importantes que l'unification sociale (5.10) et la restauration de la vue (9.14) que ces objets symbolisaient. Il était donc nécessaire pour le Christ d'agir contre les idées fausses qui prévalaient dans le but de rétablir le Sabbat à sa fonction positive ». 168 Cf. Samuele Bacchiocchi, Du Sabbat au Dimanche, op.cit., p. 33 ; Enzo Bianchi, op.cit., p. 36 : « On retrouve également chez Jean les critiques des pharisiens (en Jn il s’agit des "juifs") qui accusent Jésus de "ne pas observer le sabbat" (9.16), parce qu’il ordonne au paralytique guéri de faire une action défendue le jour du sabbat (5.20 : "c’est le sabbat, il ne t’est pas permis de porter ton grabat"), ou parce qu’il guérit l’aveugle en accomplissant une série de gestes interdits (9.6) : la vie de l’aveugle n’était pas en danger, un jour de sabbat on ne peut pétrir de pâte (MShabbat 7.2), ni oindre un œil (bAdodah Zarah 28b), ni appliquer à jeun de la salive sur les yeux (jShabbat 14d, 17f) [...]. ». 169 Cf. Clifford Goldstein, op.cit., p. 75-76. 170 Ibid., « Le message est exactement le même que celui proclamé à la guérison de l'homme boiteux à la piscine de Bethzatha. Ces miracles étaient donc une proclamation de la Divinité de Jésus et de sa messianité. En effet, Jésus a appelé ce miracle une œuvre de Dieu (verset 3). Juste avant d'effectuer cette guérison, Jésus a dit des mots très similaires dans leur signification à ceux qu'il avait prononcés dans le cadre de la guérison à Bethzatha. Maintenant, Il disait : "Nous devons faire les œuvres de lui [le Père] qui m'a envoyé pendant qu'il fait jour " (verset 4). Ce miracle révélait encore une fois la participation du Christ dans l'œuvre de Dieu le Père, et donc Jésus ici aussi a appelé l'attention sur lui-même comme le Messie, par lequel la grâce divine et la bénédiction sont accordées ».

50 sabbat. C'est ainsi qu'il a apporté non seulement un soulagement physique mais aussi spirituel en offrant à l'aveugle-né le salut.

Comme dans le cas de l'homme invalide, lorsque les pharisiens veulent chercher celui qui avait accompli le miracle le jour du sabbat, c'est l'homme invalide qui décrit l'identité de son bienfaiteur ; il en est de même aussi pour cet aveugle-né. Il se trouve aussi que c'est l'intéressé qui révèle l’identité de son bienfaiteur. Par son témoignage, l’aveugle-né guéri embarrasse les opposants de Jésus lorsqu'il déclare que Jésus est un prophète (Jean 9.17) ou bien lorsqu'il dit que : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (Jean 9.30-32). Yolande Bonnard a raison de donner des explications logiques concernant les réactions des uns et des autres en ces termes : « Jésus est-il un pécheur ou un prophète ? Les pharisiens s'achoppent à cette question. Parmi eux, les uns considèrent que les signes qu'il opère ne prouvent rien, puisqu'il transgresse le Shabbat. Le Deutéronome l'avait prévu : il pouvait surgir des hommes capables d'accomplir des prodiges pour séduire Israël et le détourner de sa fidélité au Seigneur (Dt 13.2-4). Mais d'autres se souviennent que le Messie aura pour mission d'ouvrir les yeux des aveugles et d'être "la lumière des nations" (Es 29.18 ; 49.6). Et c'est Esaïe encore qui le dit : Dieu n'exauce pas les pécheurs (1.15) »171.

Dans les deux cas, c'est-à-dire celui du miracle de la guérison de l'invalide aussi bien que celui de l'aveugle-né pendant le sabbat, les pharisiens attaquent Jésus par rapport aux restrictions imposées par les lois rabbiniques. Mais Jésus, dans ses arguments confirme encore son rôle en tant que Messie libérateur172 comme il l’a révélé à l'aveugle-né au vu et au su des autres pharisiens présents selon ce texte : « Puis Jésus dit: Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Quelques pharisiens qui étaient avec lui, ayant entendu ces paroles, lui dirent : Nous aussi, sommes-nous aveugles? » (Jean 9.39-40). Lors de ces deux guérisons pendant le jour de sabbat, Yoland Boinnard a bien remarqué que « Jésus rend la vie à un infirme (Jn 5 ; 7.21-24) et la vue à un aveugle (Jn 9). Il s'affirme ainsi comme la Vie et la Lumière, venues au nom de Dieu pour sauver et éclairer les humains »173.

Même si les deux miracles n'ont pas eu lieu en même temps, ils nous permettent de voir que Jésus n'a pas changé d'attitude concernant les actions à accomplir pendant le sabbat : manifestation de la miséricorde de Dieu sur le plan physique aussi bien que spirituel afin de rétablir l'homme entièrement. Les pharisiens

171 Yolande Boinnard, op.cit., p. 125. 172 Bruce Scott, op.cit., p. 31 : « D'abord, par sa vie miraculeuse et son ministère (comme la guérison le jour du sabbat), Jésus a accompli les prophéties spécifiques prouvant qu'il était le Messie d’Israël attendu depuis longtemps ». Dans le même ordre d'idées, en commentant le texte de Luc 4.16-19, C.Gary Hullquist dans op.cit., p. 265 arrive à la conclusion suivante sur Jésus et le sabbat par rapport à sa messianité : « Le Christ choisit Ésaïe 61 comme sa lecture parce qu'il parlait d'être "oint" avec l'esprit. Il a été oint à son baptême avec le symbole visible de l'Esprit Saint quand Jean vit la forme d'une colombe de lumière au-dessus de sa tête. Jésus déclarait en effet qu'il était le Messie puisque le mot Messie en hébreu et Christ en grec signifient tous deux "l'oint". Et ici, Jésus décrivait sa mission en termes de langage du Sabbat: la libération des captifs, la libération des prisonniers, et la proclamation de l'année acceptable ». Voir aussi Samuele Bacchiocchi dans Divine Rest for Human Restlessness, op.cit., p. 138. 173 Yolande Boinnard, op.cit., p. 118.

51 loin de changer préfèrent rester dans leur position de légalistes malgré l'évidence de tous les arguments de Jésus pour démontrer leur égarement dans la manière d'observer le sabbat. Il se trouve que comme la guérison de l'homme invalide durant le sabbat est compatible avec le sabbat, celle de la guérison de l'aveugle-né l'est aussi.

***

En résumé, dans le cadre de notre étude sur la pratique du travail ou activités, sous-entendu, permise, durant le jour du sabbat dans le Nouveau Testament, nous avons pu recenser les cas explicites suivants à travers les expériences de Jésus : la guérison d'un démoniaque durant le jour du sabbat - la guérison de la belle-mère de l'apôtre Pierre durant le jour du sabbat - les disciples de Jésus arrachant les épis, les froissant et les mangeant le jour du sabbat - la guérison de l'homme à la main desséchée durant le jour du sabbat - la guérison de la femme courbée durant le jour du sabbat -la guérison de l'homme hydropique durant le jour du sabbat - la guérison d'un invalide tout près de la piscine de Béthesda durant le jour du sabbat - la guérison d'un aveugle-né durant le jour du sabbat.

Nous avons pu constater que l'enjeu dans toutes ces activités consiste à montrer non pas que le sabbat ne devrait plus être observé mais c'est surtout comment l'observer authentiquement. Et Jésus face à ses contemporains a apporté une nouvelle fraîcheur quant à l'observation du sabbat. La remarque de W.A.Fagal, à juste titre, correspondrait avec les résultats de notre étude : « Sa (on parle de Jésus) manière de garder le sabbat n'était pas acceptable par les chefs juifs de l'époque parce qu'elle n'était pas en harmonie avec les lois mesquines qu'ils cherchaient à imposer. Jésus, par son exemple et ses enseignements, a libéré le sabbat de ces restrictions qui ne sont pas scripturaires et a restauré l'intention originelle de Dieu - un jour de communion avec le ciel, un jour de rafraîchissement physique et spirituel, un jour donnant l'occasion de faire du bien à l'humanité »174.

Il semble alors que toutes ces activités qui apparemment pourraient être considérées comme du travail surtout d’après les chefs juifs de l'époque n'ont aucun rapport avec le sens véritable du travail qui aboutit à un intérêt quelconque et un profit. Alors, il existe dans le Nouveau Testament des activités faisables et permises durant le jour du sabbat mais qui sont de l'ordre du non-travail de par leur essence.

174 W.A.Fagal, « Le Sabbat du Nouveau Testament » dans la série d'étude de cours de Bible Mieux Vivre, Mountain View, California, USA, sans date. Il est aussi intéressant de souligner ici le tableau que C. Gary Hullquist, MD dans op.cit., p. 268, a établi concernant la différence entre la conception du sabbat de Jésus et celle des pharisiens : « L’Approche de Jésus L’Approche des Pharisiens Un jour pour l’amour Un jour pour la loi Un jour pour vivre pleinement Une journée pour seulement supporter Axé sur la joie Axé sur le devoir Mettait l’accent sur faire le bien Mettait l’accent sur éviter le mal ». En un mot, comme l'a résumé Alain-Georges Martin dans op.cit., p. 55 : « La limite du sabbat est celle de l'amour et du service ».

52 Ainsi, en parcourant la Bible, dans l'Ancien Testament aussi bien que dans le Nouveau Testament, et en étudiant toutes les circonstances explicites mentionnant des activités faites pendant le jour du sabbat que nous avons évoquées, nous arrivons à la conclusion de ce chapitre d'abord qu'il existe bel et bien des actions permises et non condamnables que l'on peut entreprendre le jour du sabbat. Elles sont loin de le banaliser. Ensuite, elles ne sont pas considérées comme du travail mais un service rendu généreusement pour Dieu ou pour l'homme. Et enfin, elles ont comme critère en commun, une œuvre initiée par Dieu ou bien voulue par Dieu selon sa miséricorde soit pour le bien physique soit pour le bien spirituel de l'être humain.

Vu toutes ces observations sur les actions admises faites au cours du sabbat, que penser des métiers, objet de notre enquête ? Est-ce qu'ils sont réellement en accord avec l'esprit du sabbat ? Est-ce justifiable d'exercer certains métiers au cours du sabbat si on les compare avec les actions menées pendant le sabbat dans la Bible ? Quels enseignements sont à tirer pour une bonne pratique du sabbat dans les métiers que nous avons étudiés ?

53 Chapitre 3 De la pratique du travail durant le jour du sabbat, jusqu’à quelle limite ?

Le premier chapitre de notre étude nous montre que dans la plupart des cas, les membres adventistes qui exercent le métier lié directement à la sauvegarde de la vie travaillent le jour du sabbat soit systématiquement (ils sont en minorité), soit de temps en temps (ils sont en majorité) selon l'organisation du programme qui table sur le tour de rôle du personnel de leur institution. Lorsque l'on considère de près les activités de ce métier exercées le jour du sabbat d'après notre enquête, elles ne sont pas loin des activités de Jésus accomplies le jour du sabbat par rapport aux situations notées dans les évangiles et que nous avons traitées dans le deuxième chapitre de cette étude. Elles sont compatibles avec le sabbat. Néanmoins, elles se situent d'une manière permanente tandis que celles de Jésus sont le fruit de rencontres ponctuelles selon les circonstances. Malgré cela, il y a une évidence que les deux situations ont comme seul objectif de faire du bien aux autres au cours du sabbat. Jésus l’a bien résumé dans sa parole : « Il est donc permis de faire du bien les jours du sabbat » (Matthieu 12.12b). Nous constatons alors que le métier lié directement à la sauvegarde de la vie exercé pendant le sabbat est une position privilégiée pour faire le bien le jour du sabbat. Ce métier est en rapport avec la santé tout particulièrement même si on peut énumérer d'autres métiers qui tendent à sauvegarder la vie. Nous citons un exemple parmi tant d'autres : les policiers qui protègent la population. Ainsi, par rapport à d'autres métiers, exercer le métier lié à la sauvegarde de la vie dans le domaine de la santé pendant le sabbat correspondrait à l'état d'esprit du sabbat consistant à faire du bien au prochain qui a besoin d'un service urgent et immédiat et qui ne peut être reporté175. Il est loin d'être un signe de manque de loyauté envers Dieu et ses lois. Ellen G.White déclare à ce propos en commentant la réaction de Jésus face à ses détracteurs lors de la guérison de l'homme paralytique le jour du sabbat à Béthesda : « Jésus leur fit savoir que l'acte de travailler au soulagement des affligés était en harmonie avec la loi du sabbat, en harmonie aussi avec le ministère des anges de Dieu qui font constamment la navette entre ciel et terre pour soulager l'humanité souffrante »176.

Ne pas le faire constituerait un manquement à la loi de Dieu mais aussi un manquement à un devoir élémentaire humain car par exemple les maladies ne choisissent pas leur jour, et si nous citons un autre exemple : une femme qui est près de son accouchement ne peut pas attendre le coucher du soleil du samedi

175 Paul Nouan déclare à ce propos dans Un jour à part, Dammarie-lès-Lys, Editions Vie et Santé, 1996, p. 103 : « Parmi les observateurs du sabbat, on dénombre des centaines de médecins, des chirurgiens, des infirmières et des sapeurs-pompiers qui se font un devoir de répondre aux appels d'urgence survenant un samedi. Car ils prennent au sérieux les avertissements du Christ adressés à certains croyants plus soucieux de se conformer à la lettre du quatrième commandement que de porter secours à leur prochain ». Dans le même ordre d'idées, Paul Nouan ajoute dans ibid., p.104 : « Autrement dit, certains travaux d'urgence et de nécessité vitale pour le bien des autres ne sont des violations du sabbat qu'en apparence. A l'exemple du Christ son Maître, le chrétien est sans cesse à l'œuvre au service des hommes, y compris le jour du sabbat qu'il observe dans son véritable esprit libérateur ». Notre développement sur ce que Jésus a fait pendant le sabbat dans cette étude nous permet de confirmer ce que Paul Nouan déclare. 176 Ellen G.White, Jésus-Christ, Dammarie-Les-Lys, Editions Vie et Santé, 2000, p. 189.

54 pour donner naissance à son bébé. Ainsi, ne pas travailler ce jour-là pourrait être considéré comme une non-assistance à personne en danger. Le langage de l'épître de Jacques qualifie cette situation comme étant un péché d'omission selon Jacques 4.7 : « Celui donc qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché ». Cela rejoint ce qu'Ellen G.White note sur l'importance de ne pas négliger les souffrants le jour du sabbat selon la déclaration suivante : « Il faut parer aux exigences de la vie, soigner les malades, subvenir aux besoins des nécessiteux. Celui qui néglige de venir en aide aux souffrants et aux malheureux le jour du sabbat ne sera pas considéré comme innocent »177.

Quoiqu'il en soit, dans leur for intérieur, les enquêtés selon le premier chapitre de cette étude, souhaitent être cohérents à la fois avec les réalités des besoins de l'humain le jour du sabbat et avec Dieu par rapport à l'art d'observer le sabbat qui est résumé comme suit : se reposer de son travail, adorer Dieu par le service de culte, faire du bien aux autres, contempler la nature de Dieu pour être près de lui, faire plaisir à Dieu178. Que faire pour éviter de tomber d’une part dans l'extrême sous prétexte que le sabbat est uniquement fait pour adorer Dieu par le service de culte ou de tomber d’autre part dans une autre extrême que le sabbat est uniquement fait pour faire du bien ?

Il se trouve que le deuxième chapitre de notre étude pourrait nous apporter un éclairage à ce sujet quand nous découvrons que dans la Bible, des circonstances et des motifs ont conduit les observateurs du sabbat à travailler le jour du sabbat sans s'inquiéter, sans se culpabiliser. D'ailleurs, leur travail a été considéré comme un non-travail et qui est en fin de compte l'expression de la volonté de Dieu, celui qui est le maître du sabbat. Donc, les éléments essentiels découverts dans le chapitre deux, nous semble-t-il, aideraient, dans cette étude, à trouver un repère pour réguler le travail permis le jour du sabbat et en même temps pour ne pas banaliser le jour du sabbat. C'est nécessaire d'avoir cette référence car la situation de ceux qui font un métier lié directement à la sauvegarde de la vie le jour du sabbat d'après notre enquête, se présente avec une nuance par rapport à celle de Jésus même si à terme l'objectif est le même et consiste à faire du bien le jour du sabbat. Pour le cas de Jésus, il a tenu à être dans la synagogue pour l'adoration au cours du sabbat mais en même temps il a tenu le même jour à faire du bien et à accomplir des œuvres de bienfaisance auprès des malades. Quant au cas des enquêtés dans notre étude, ils sont obligés de se confiner dans le lieu de leur travail ou dans leur institution le jour du sabbat pour leurs activités ayant trait à la bienfaisance mais par contre ils ne peuvent aller au service de culte.

Faut-il alors tempérer la pratique du travail durant le jour du sabbat même s'il est lié directement à la sauvegarde de la vie ?

177 Ellen G.White, Avec Dieu chaque jour, Dammarie-les-Lys, Éditions Vie et Santé, 1994, p. 236. 178 Voir l'article de Ekkehardt Mueller, "How to keep Sabbath Holy?" [en ligne] disponible sur adventistbiblicalresearch.org (consulté le 28 mai 2015). Ellen G.White a souligné la même perspective dans Jésus-Christ, notre Sauveur, Gland, Suisse, Société Internationale de Traités, sans date, p. 60 : « De même que Dieu, après avoir achevé son œuvre créatrice, s'est reposé le jour du Sabbat, nous devons aussi nous reposer. Il nous invite à délaisser nos occupations journalières et à consacrer ses heures sacrées à un repos bienfaisant, au culte, et à des œuvres de miséricorde ».

55 Face à cette problématique, est-ce qu'il y a un seuil à respecter pour la pratique du travail le jour du sabbat ? Si c'est oui, quelles en sont les raisons ? Et si c'est le contraire, quelles en sont encore les raisons ? Et enfin, quelle serait la voie envisageable pour que la pratique du travail effectué le jour du sabbat ne soit pas considérée comme un travail mais un non-travail dans l'esprit du sabbat ?

3.1. Pour des activités restreintes le jour du sabbat. Quelles raisons ?

Avons-nous des raisons majeures pour justifier que ce serait bien de restreindre ses activités liées à la sauvegarde de la vie le jour du sabbat ?

Nous pouvons constater que cette question ne se pose pas dans des pays où les observateurs du sabbat sont dispensés de travailler le samedi. Nous pouvons à titre d'exemple citer l'étude de Daniele Pellegrini nous indiquant une mesure prise en Italie à cet effet en 1988 : « La République italienne reconnaît aux membres des églises chrétiennes adventistes le droit d'observer le repos du sabbat biblique qui va du coucher du soleil du vendredi au coucher du soleil du samedi. Les adventistes employés de l'Etat, d'organismes publics ou privés ou qui exercent une activité indépendante ou commerciale, ou qui sont assignés au service substitutif civil, ont le droit de jouir, sur leur requête, du repos du sabbat en tant que repos hebdomadaire. Ce droit s'exerce dans le cadre de la flexibilité de l'organisation du travail. Il va sans dire que les heures de travail non-effectuées le samedi sont compensées le dimanche ou les autres jours de la semaine, sans donner droit à une rétribution particulière » 179.

Par rapport à notre enquête, il se trouve que les enquêtés dans la majorité ont ressenti le besoin de limiter leur travail le jour du sabbat soit en tentant de faire des démarches pour ne pas travailler le sabbat si possible, soit en demandant de faire l'aménagement de leur emploi du temps, ou enfin tout simplement en adoptant une attitude de retenue dans les gestes, dans les paroles, lors de leur travail pour garder l'esprit du sabbat et pour ne pas succomber dans l'oubli total que c'est le jour du sabbat180. Cela nous conduit à considérer que c'est une nécessité d'ordre spirituel et personnel de leur part de souhaiter et de désirer limiter ou réduire leur travail le jour du sabbat car eux aussi ont un besoin non pas de secours physique comme les malades à leur charge durant le sabbat mais il s’agit d'un besoin d'ordre spirituel et d'un besoin de recevoir de Dieu de la force sur tous les plans181. Dans l'Ancien Testament, les prêtres devaient travailler doublement le jour du sabbat pour présenter une deuxième offrande, l'holocauste du sabbat, et qui avait pour but de marquer la consécration et la rencontre des israélites avec Dieu le jour du sabbat. Ils

179 Daniele Pellegrini, Le repos du sabbat à la lumière des lois fondamentales et dans la législation italienne, Mémoire de Maîtrise en Théologie Adventiste, Collonges-sous-Salève, Centre Universitaire et Pédagogique du Salève, 2001, p. 94. 180 Voir le chapitre 1 dans supra. 181 Samuele Bacchiocchi a bien souligné dans The Sabbath under Crossfire, Berrien Springs Michigan, Samuele Bacchiocchi, 1999, p. 299 que : « L'observation du sabbat n'est pas seulement un service rendu à Dieu mais un service rendu à nous. Le service proprement dit que nous offrons à Dieu le jour du sabbat dans le repos et dans l'adoration à Dieu n'a pas pour but d'ajouter de la force et de la puissance à Dieu mais de permettre à Dieu de nous fortifier et de nous revigorer dans nos vies personnelles ». Voir aussi le même ordre d'idées par le même auteur dans Divine Rest for Human Restlessness, op.cit., p. 217- 226.

56 avaient besoin de cet enrichissement spirituel pour signifier que Dieu était en communion avec eux. Il y avait aussi ce pain renouvelé confectionné le jour du sabbat pour signifier le renouvellement spirituel dont avait besoin le peuple et par extension tout observateur du sabbat. Il en est de même pour tout observateur du sabbat. A ce propos, Ellen G.White tend à conseiller ceux qui travaillent le jour du sabbat dans le domaine médical de ménager leur emploi du temps afin d'avoir un repos et de pouvoir assister au service de culte. Par conséquent, un travail non nécessaire tel que des traitements ordinaires et opérations pouvant être reportés devraient être différés182.

Et Jésus n'est pas en reste dans cette perspective de restauration spirituelle personnelle le jour du sabbat. Il est intéressant de constater que Jésus n'a pas laissé de côté l'aspect d'enrichissement spirituel lors de son observation du sabbat d'après notre étude précédente. La preuve, à chaque occasion de guérisons qu'il avait opérées le jour du sabbat183, les évangélistes n’oubliaient pas de mentionner, soit qu’il était dans la synagogue pour opérer des miracles, soit qu’il les avait faits après la sortie de la synagogue ou en dehors du culte mais évidemment tous les événements se passaient durant le jour du sabbat. Ainsi, son sabbat n'était pas seulement lié au fait d'apporter un soulagement aux malades qu'il rencontrait mais il était lié aussi à cet acte d'adoration de Dieu avec la communauté dans la synagogue pour son enrichissement spirituel.

Certes, le métier lié directement à la sauvegarde de la vie peut correspondre à l'esprit du sabbat184 par rapport à d'autres métiers, mais l'exercice d'un tel travail devrait être assorti de limites à l'initiative de chacun afin de pouvoir bénéficier d'une expérience personnelle et d’une communion avec Dieu et de recevoir son enrichissement spirituel promis par Dieu ce jour-là. Trouver l'équilibre est un exercice compliqué car un sabbat sans relation intime avec Dieu n'est pas un sabbat selon l'esprit du sabbat qui sous-entend l’adoration et une rencontre avec Dieu185, mais un sabbat passé en négligeant l'autre n'est pas non plus selon l'esprit du sabbat.

Ainsi, notre étude va se poser la question s'il est aussi défendable de dire non aux limites à poser pour le travail lié à la sauvegarde de la vie durant le sabbat. Si la réponse est non, pour quelles raisons ?

182 Voir Ellen G.White, Testimonies for the Church, vol 7, Mountain View, California, Pacific Press Publishing Association, 1948, p. 106. Voir aussi le même auteur dans un ouvrage de compilations, Medical Ministry, Mountain View, California, Pacific Press Publishing Association, 1932, p. 214-215. 183 Voir le chapitre 2 dans supra. 184 Il est intéressant de noter la déclaration d'Ellen G.White dans l' article « Week of Prayer in Australia - N°4 », The Advent Review and Sabbath Herald, du 18 octobre 1898, p. 615 qui va dans ce sens : « les sabbats du Christ étaient souvent tournés vers la guérison et l'enseignement, il menait de sérieux efforts en ce sens. Une infirmière qui soigne une famille malade le jour du sabbat est tout aussi fidèle au sabbat qu'une personne animant une classe d'école du sabbat. La manière de vivre du Christ ne plaisait pas aux pharisiens de son temps ; ne nous attendons pas à ce que les pharisiens d'aujourd'hui apprécient l'engagement de ceux qui servent le Seigneur. » Traduction de Jean-Luc Rolland, Collonges-sous-Salève, Centre de recherche Ellen White. 185 Hans K LaRondelle déclare : « Sans la communion et la relation divine durant le septième jour, sans l'entrée de l'homme dans le repos de Dieu ce jour-là, toute la création serait coupée de son Créateur et chercherait nécessairement à se focaliser sur elle-même ». Cité par Angel Manuel Rodriguez dans The Biblical Sabbath : The Adventist Perspective [en ligne] disponible sur https://www.adventistbiblicalresearch.org/sites/defaukt/files/pdf/sabbath-catholic2002_0.pdf (consulté le 17 décembre 2015).

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3.2. Pour des activités non limitées le jour du sabbat. Quelles raisons ?

Si l'on considère les problèmes liés aux conséquences du péché telles que les souffrances humaines, les maladies et les luttes entre la vie et la mort de chaque jour, ceux qui font un métier lié à la sauvegarde de la vie le jour du sabbat n'auraient pas besoin de poser une limite durant le jour du sabbat. Les réalités nous enseignent qu'à toute heure, ceux qui sont souffrants et qui nécessitent des soins urgents ont besoin d'être pris en charge immédiatement car les maladies ne se programment pas vu la complexité de l'être humain. D'où la nécessité d'être disponibles à tout moment lorsque l'on pense que des vies sont en danger en permanence. Donc, il n’y a pas d’heure ou de jour pour aider les personnes à conserver leur vie. Paul Nouan déclare à propos de ceux qui ont leur métier lié directement à la sauvegarde de la vie : « Quels que soient donc la fatigue et les efforts qu'impliquent les services d'urgence accomplis le jour du sabbat, ils s'imposent comme un devoir à la conscience chrétienne »186. Ellen White souligne cette permanence de souffrances mais en même temps cette nécessité permanente d'être disponibles pour aider les autres même le jour du sabbat : « Dieu ne veut pas qu'une seule heure de douleur afflige ses créatures qui pourraient être soulagées un jour de sabbat ou tout autre jour »187. Il fut un moment où le chef de la synagogue voulait restreindre l'action de Jésus qui consistait à faire du bien le jour du sabbat selon Luc 13.14 : « Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus avait opéré cette guérison un jour de sabbat, dit à la foule: Il y a six jours pour travailler; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat ». Mais Jésus a signifié que l'on n'a pas à poser des limites pour faire du bien le jour du sabbat. Ellen G.White parle du sens du ministère de la bienfaisance le jour du sabbat qui ne devrait pas être limité : « Selon le quatrième commandement, le jour du sabbat doit être consacré au repos et aux services religieux. Tout travail séculier doit donc être interrompu, mais on peut accomplir ce jour-là des œuvres de miséricorde. Ni le moment ni le lieu ne les limitent. Soulager les affligés, consoler ceux qui pleurent, voilà une œuvre d'amour qui honorera le Seigneur et son saint jour »188. Mais est-ce que l'exercice d'un métier lié à la sauvegarde de la vie est un travail séculier ? Comme tout travail, c'est un travail séculier mais celui ou celle qui comprend la générosité de Dieu dans l'esprit du sabbat va agir comme Jésus avait agi le jour du sabbat dans l'accomplissement de son service. Ainsi, son attitude et ses actions auront une autre dimension par rapport à ses collègues qui n'ont pas cette vision.

L'Ancien Testament reconnaît dans notre chapitre précédent qu'il y a certaines circonstances qui sont intransigeantes et qui entraînent le travail pendant le sabbat car il s'agit d'une question de vie ou de mort. Ainsi, si les lévites pendant leur tour de garde pour surveiller le lieu sacré ne faisaient pas leur travail quand cela tombe le jour du sabbat, la mort s'ensuivrait pour tous ceux qui pénètrent dans le sanctuaire ou le temple y compris les lévites qui auraient négligé leur tâche. Une autre situation va dans le même sens concernant le travail de la circoncision c'est-à-dire que si elle n’était pas faite, la mort s'ensuivrait. Ainsi,

186 Paul Nouan, op.cit., p. 105. 187 Ellen G.White, Jésus-Christ, p. 190. 188Ellen G.White, Le Ministère de la Bienfaisance, Dammarie-les-Lys, France, Editions S.D.T, 1970, p. 61.

58 la circoncision a lieu bel et bien même lorsqu'elle coïncide avec le jour du sabbat. Il n'y a pas le choix de ne pas travailler dans toutes ces situations lorsque l'on évoque la question de vie ou de mort. Dans le cas du métier lié à la sauvegarde de la vie, le même état d'esprit est aussi applicable. L'on ne peut pas poser de limites au travail de ceux qui sont dans ce métier dans la mesure où la vie d'une personne est en jeu.

Il est inévitable qu'il y aura toujours des souffrants et des malades, donc il est du devoir de chacun de trouver un équilibre dans ce travail sans abuser de sa force et de sa propre santé aussi bien physique que spirituelle. Le sabbat devrait être un jour de délices mais non pas une corvée même si l'on a une mission noble de sauver les autres et de leur rendre un service pour leur bien le jour du sabbat. Il ne faut pas oublier que le sabbat a été fait aussi pour ceux qui font le métier lié directement à la sauvegarde de la vie pour leur bien189. Mais qu'en est-il des gens qui ne sont pas adventistes qu’on laisserait travailler car de toute façon ils ne respecteraient pas le sabbat ? La question est vaste mais si le cas se présente à titre d'exemple et que l'on demande à une personne qui ne partage pas la valeur du sabbat de remplacer quelqu'un le jour du sabbat, il serait loyal que chacun agisse toujours selon sa conscience et en toute liberté car au bout du compte, un être souffrant quelque part aurait besoin d'aide et on pourrait demander à chacun se trouvant devant cette situation : si ce n’est pas vous, ce sera alors qui ? On peut penser dans ce cas-là à cette déclaration de Alain-Georges Martin : « La limite du sabbat est celle de l'amour et du service »190.

Voilà pourquoi, dans la partie qui suit, nous essayerons de dégager une possibilité, une voie, une piste pour le métier lié directement à la sauvegarde de la vie exercé le jour du sabbat et qui sera vécu en non- travail.

3.3. L’exercice d’un métier le sabbat comme un non-travail. Est-ce possible ?

Répondre à cette attente qui consiste à trouver une voie envisageable pour un sabbat vécu en un non- travail relève d’un défi car à notre connaissance, aucun manuel n'existe pour traiter de long en large cette question. Comment vivre le métier lié directement à la sauvegarde de la vie exercé le jour du sabbat comme étant un non-travail pour un membre de l'Eglise Adventiste du Septième Jour ?

Contrairement au judaïsme qui a comme références les lois rabbiniques, les commentaires du Talmud, la tradition de la Mishna, il n'existe pas dans l'Eglise Adventiste du Septième Jour de règlements qui dictent ce que l'on peut faire ou ce que l'on ne peut pas faire le jour du sabbat et il n’y a pas non plus de lois prenant la forme d'interdits. Le seul principe à suivre sur le sabbat peut être résumé par l'engagement du futur membre de l'église lors de son baptême à répondre à la question suivante : « Reconnaissez-vous dans les dix commandements une expression du caractère divin et une révélation de sa volonté ? Avez-vous

189 Voir Ellen G.White dans Medical Ministry, op.cit., p. 50. 190 Alain-Georges Martin, op.cit., p. 55.

59 l'intention, par la puissance du Christ qui demeure en vous, de garder cette loi, y compris le quatrième commandement, qui requiert l'observance du septième jour de la semaine comme le sabbat du Seigneur et le mémorial de la création ? »191. Néanmoins, il existe des recommandations de l'Eglise adressées à ceux qui travaillent dans le milieu médical et paramédical. Pour qu'un sabbat soit vécu dans ce milieu comme un sabbat de non-travail tout en exerçant le travail pour le bien des patients ou des souffrants, les recommandations suivantes sont suggérées : « Afin d'éviter des situations dans lesquelles nos membres d'église auront à confronter un problème de l'observation du sabbat dans des institutions non-adventistes, il est recommandé que : (1) Lorsque les adventistes du septième jour acceptent un emploi dans des hôpitaux non-adventistes, ils feront connaître leurs principes sur l'observation du sabbat et feront la demande d'un emploi du temps de travail qui le libérera des tâches faites durant le sabbat. (2) Lorsque l'emploi du temps du travail ou d'autres facteurs ne le permettent pas, les adventistes auront le devoir d'identifier les tâches, s'il y en a, où ils peuvent en toute bonne conscience les accomplir le jour du Sabbat y compris leur fréquence. (3) Lorsque que tous ces aménagements ci-dessus ne peuvent pas aboutir, les membres devraient garder leur loyauté en priorité envers les exigences de Dieu et de s'abstenir de faire le travail de routine »192.

Ces recommandations laissent entendre qu'il n'y a pas d’interdit formel de la part de l'Eglise mondiale concernant le fait d'exercer son métier lié directement à la sauvegarde de la vie. Mais en même temps elles font appel à la conscience et à la responsabilité de ceux qui sont dans le métier de voir jusqu'où est la limite du travail profane et du non-travail dans ce métier ou bien tout simplement de le considérer comme un service rendu dans le sens de faire le bien pour l'autre. Car faire le bien aux autres ne constitue pas un travail le jour du sabbat. À ce propos, Ellen G. White souligne que « la tâche qui consiste à guérir la souffrance fut présentée par notre Sauveur comme une œuvre de miséricorde et non comme une violation du sabbat »193.

Le non-travail se situe alors autour du sens du métier lié directement à la sauvegarde de la vie et qui est différent de tout travail de routine dans une institution médicale ou équivalent. Etant donné que l'objectif du travail lié directement à la sauvegarde de la vie consiste à faire le bien et à rendre service aux êtres humains le jour du sabbat, celui ou celle qui l'accomplit devrait avoir la conviction que ce qu'il ou elle fait ne constitue pas un travail mais un non-travail. Par travail, selon la définition biblique que nous avons vue dans le deuxième chapitre, on entend qu’il apporte une production et un profit. Or, leur travail ou activité durant le jour du sabbat est un service pour soulager les souffrances et les maladies et pour sauver des vies. C'est un travail aux yeux des autres mais cela devrait être un non-travail dans leur esprit. Ainsi Ellen

191 Eglise Adventiste du Septième Jour, Manuel d'Église, Révision 2010, Dammarie-Les-Lys, Éditions Vie et Santé, 2011, p. 64. 192 George W.Reid, Sabbath Observance - Guidelines [en ligne] disponible sur https://www.adventist.org/en/information/ official-statements/documents/article/go/0/sabbath-observance/12/ (consulté le 17 décembre 2015). Nous n'avons pas cité ici les recommandations adressées aux institutions médicales adventistes qui peuvent être résumées comme suit : le travail pour des traitements urgents existe mais l'effectif du personnel est réduit pour ne faire que le travail minimum. 193 Ellen G.White, Avec Dieu chaque jour, op.cit., p. 236.

60 G.White déclare ce qui suit concernant la manière d’honorer le saint jour : « Soulager les affligés, consoler ceux qui pleurent, voilà une œuvre d'amour qui honorera le Seigneur et son saint jour »194. Si l'on exerce dans cette perspective cette catégorie de métier, alors c'est la personne qui change d'attitude par rapport à son métier durant le sabbat. Son travail est considéré comme un travail missionnaire si nous empruntons l'expression de Arthur L.White qui parle au sujet de la considération de l'église sur le travail dans le milieu hospitalier195. Nous constatons que cette attitude de considérer le travail fait pendant le sabbat débouche pour la presque moitié des enquêtés dans cette étude sur le fait d'envisager que ce qu'ils gagnent ce jour- là constituent un non-salaire et qui peut être affecté dans les offrandes à Dieu car ils ont exercé un travail de miséricorde mais non pas un travail de profit comme tous les autres jours. À un moment donné, Ellen G.White s'est adressée aux médecins qui travaillent le jour du sabbat et qui gagnent en conséquence de l'argent : « Les médecins ont besoin de cultiver un esprit de dévouement et de sacrifice. Il est parfois même nécessaire d'utiliser les heures du sabbat pour soulager la souffrance de l'humanité. Toutefois, les honoraires d'un tel travail devraient être mis dans le trésor du Seigneur puis utilisés pour aider les pauvres, qui ont certes besoin de compétences médicales mais ne peuvent pas se permettre une telle dépense »196.

Toutes ces remarques nous amènent à penser que le travail du jour du sabbat vécu en un non-travail est possible à tous ceux qui exercent le métier lié directement à la sauvegarde de la vie. Cette possibilité dépend non pas de l'Eglise mais de chaque individu personnellement. C'est lui qui voit et vit ce qui l'attend le jour du sabbat quand il exerce son métier. C'est lui qui peut évaluer si le travail relève vraiment de faire le bien et de manifester de la miséricorde. Il a choisi ce métier, il connaît le principe de l'Eglise sur le sabbat. Ainsi, la notion du non-travail dépend en grande partie de lui.

Donc, tout part alors d'une conviction personnelle de ce que la personne vivra tout au long de cette journée du sabbat. En dehors du fait de faire le bien et pour marquer le sabbat, si on se réfère à notre enquête, on peut envisager qu'elle adoptera une attitude nouvelle par rapport à son environnement. À cet effet, sur le plan pratique, ainsi, dans l'attente de rendre un service à un patient, elle peut trouver ou choisir un endroit pour se recueillir et pour garder contact avec Dieu, soit par exemple comme l'un des enquêtés a fait comme expérience, prier silencieusement et méditer sur la parole de Dieu qu'il a apportée avec lui-même. Donc, en fin de compte, il s'agit d'adopter une attitude de retenue par rapport aux autres jours afin de garder l'esprit du repos du sabbat qui n'a rien à voir avec tout ce qui est profane.

La liberté de conscience joue un grand rôle dans cette situation. Todd R.McFarland, directeur juridique adjoint pour le compte de l'Eglise mondiale adventiste déclarait que « L'Eglise adventiste considère que

194 Ellen G.White, Le Ministère de la Bienfaisance, op.cit., p. 61. 195 Voir Arthur L.White, Ellen G.White Counsels Bearing on Sabbath Work in Seventh-Day Adventist Medical Instittutions, 27 septembre 1968, Collonges-sous-Salève, Centre de Recherche Ellen White. 196 Ellen G.White, Health, Philanthropic and Medical Missionary Work, Selections from the Unpublished Writings of Mrs E.G.White Relative, ouvrage non-publié, 1896, p. 42. Traduction de Jean-Luc Rolland, Collonges-sous-Salève, Centre de recherche Ellen White.

61 l'observation du Sabbat constitue une question de conscience personnelle dans le domaine des secteurs de soins et de la santé. [...]. Cela dépend individuellement du membre »197.

C'est un non-travail lorsque le concerné a bien compris le sens de son travail ce jour-là qui est un travail missionnaire, un travail pour exprimer la miséricorde de Dieu, la générosité de Dieu. Mais en même temps, le concerné gardera l'esprit du sabbat dans son âme, dans son corps, dans son être entier car il faut se souvenir du jour du sabbat même pendant le jour du sabbat comme le début du quatrième commandement l'a souligné : « Souviens-toi... » (Exode 20.8).

La responsabilité est sur les épaules de chaque individu en vertu du respect du choix, de la conscience et de la liberté de chacun dans ce domaine. Donc, c'est une voie envisageable pour le travail le jour du sabbat vécu en un non-travail. La communauté devrait avoir un non-jugement par rapport à cette situation car elle relève du domaine de la conscience. En matière de conscience, la responsabilité entière repose sur la personne face à Dieu. Le respect de la communauté à la personne est vivement sollicité car qui peut juger les motivations profondes et intimes d'un être pensant accomplir la volonté de Dieu le jour du sabbat comme Jésus l'a fait. C'est ici que la parole de l'apôtre Paul dans tout le chapitre 14 de son épître aux Romains trouve sa place qui incite à ne pas juger, à ne pas mépriser, mais à respecter les convictions et les opinions de la personne car l'affaire est entre Dieu et elle.

***

Y-a-t-il une limite pour la pratique du travail lié à la sauvegarde de la vie le jour du sabbat ? Jusqu'où pourrait-elle être envisagée ?

Notre étude a souligné qu'à partir du moment où le métier lié directement à la sauvegarde de la vie correspond à celui que Jésus a pratiqué le jour du sabbat, il correspond alors à l'esprit de la loi de Dieu et de sa volonté.

Cependant, il y a deux idéaux en tension à surveiller pour ne pas sortir du sens du sabbat qui est à la fois une occasion de faire du bien pour le prochain mais en même temps une occasion pour avoir une communion avec Dieu. Or, travailler uniquement pour le bien des autres le jour du sabbat pourrait priver d'un enrichissement spirituel à cause de l'activisme. Mais l'inverse est aussi vrai car adorer uniquement Dieu sans tenir compte du besoin de l'autre constitue une religion fade.

Il est possible de travailler le jour du sabbat en exerçant le métier lié à la sauvegarde de la vie tout en vivant cela comme un non-travail. Cependant, cela dépend de chaque individu, de son degré de foi, de sa

197 Andrew McChesney, Hospital Sued for Not Giving Adventist Nurse the Sabbath Off, The U.S. governnment takes a Minnesota hospital group to court, dans Adventist News, posted September 17, 2015 [en ligne] disponible sur http://www.adventistreview.org/church-news/story3249-hospital-sued-for-not-giving-adventist-nurse-the-sabbath-off (consulté le 17, septembre 2015).

62 connaissance sur le sens du sabbat, de sa conscience. Certes le métier lié directement à la sauvegarde de la vie est propice pour faire le bien le jour du sabbat, mais c’est l'attitude de celui qui l'exerce qui va délimiter si c'est un non-travail. Donc, il y a place à une expérience personnelle avec Dieu et avec son saint sabbat car ce jour n'a pas changé d'objectif.

63 Conclusion générale

Parvenu au terme de cette étude portant le titre : « Est-il permis d'exercer certains métiers le jour du sabbat ? Une éthique du (non) travail le sabbat », nous avons envie de dire que la réponse à cette question nous paraît tout à fait affirmative même si elle nous semble assortie de nuances que nous mentionnerons dans cette conclusion. Dans le cadre de notre recherche, à l'heure du XXIème siècle, nous pouvons identifier les métiers qui sont liés directement à la sauvegarde de la vie dont le médecin, l'infirmier (re), la sage- femme, l'aide-soignant (te) et autre équivalent dans le domaine médical, comme pouvant remplir les conditions pour être compatibles avec le sabbat.

Nous estimons que grâce à ce travail nous avons pu lever la confusion qui régnait dans les esprits de certaines personnes concernant le métier lié directement à la sauvegarde de la vie exercé le jour du sabbat considéré d'une part avec peu de conviction comme des métiers légitimes pour le jour du sabbat , et d'autre part attaqué comme ne respectant pas le sabbat à l’instar de tout autre métier qui a le sens en commun du travail s'il est exercé le jour du sabbat.

Le besoin d'une clarté par l'intermédiaire d'une enquête à laquelle ont répondu 75 personnes, nous a conduit à travers le chapitre 1 de cette étude à nous rendre compte que même chez les personnes qui exercent le métier lié directement à la sauvegarde de la vie, il existe une appréhension concernant leur situation. C'est pourquoi, elles sont à la fois convaincues mais aussi sceptiques quant il s’agit de considérer que leur métier pourrait être compatible avec le sabbat. Et ajouté à cela, même si sur le plan rationnel, elles sont fort persuadées qu'elles rendent un service à la société le jour du sabbat et apportent du soulagement aux souffrants et aux malades, l'idée de culpabilité est latente dans leur esprit quand elles pensent à cette tension entre la notion du repos du sabbat et le travail à accomplir en même temps. Elles soupirent après ce moment de communion et d'adoration à Dieu comme l'enquête l'a révélé. C'est ainsi qu'il nous a paru nécessaire d'apporter une connaissance biblique sur la notion du travail effectué durant le jour du sabbat mais qui est considéré comme un non-travail.

C'est au chapitre 2 de notre étude que nous avons pu identifier les critères dans la Bible c'est-à-dire dans l'Ancien Testament aussi bien que dans le Nouveau Testament qui signifieraient qu'un tel travail fait pendant le sabbat est un non-travail devant Dieu, donc qu’ il est compatible avec la lettre et l'esprit du sabbat. Nous avons conclu alors que le travail demandé aux sacrificateurs, aux lévites, aux gardes à l'époque de Néhémie, et le travail de circoncision le jour du sabbat ont un point en commun : c'est Dieu qui demande et donne l'ordre pour le travail à effectuer, ce qui veut dire que le même travail fait sans l'ordre de Dieu ou sa recommandation serait considéré comme un travail et constitue une entorse à la loi de Dieu car Dieu a dit : Tu ne feras aucun ouvrage (travail) le sabbat. En conséquence, par exemple lorsque les lévites préparent les pains de proposition le jour du sabbat, cela ne veut pas dire que les boulangeries dans tout Israël exercent un métier compatible avec le sabbat. Loin de là. Donc, nous arrivons à la

64 conclusion que dans l'Ancien Testament, ces personnes qui exerçaient un travail pendant le sabbat n'avaient pas pris l'initiative seules, cette dernière vient de Dieu, propriétaire du sabbat, maître de son jour, et qui peut modifier le mode d'emploi de son jour, en tant que souverain de son jour. Le travail est alors un service rendu à Dieu qui en est le centre. Ainsi, toutes les activités sont tournées vers Dieu exclusivement. Cela rejoint l'esprit du sabbat prôné par le prophète Esaïe qui souligne : « Si tu retiens ton pied pendant le sabbat, Pour ne pas faire ta volonté en mon saint jour, Si tu fais du sabbat tes délices, Pour sanctifier l'Éternel en le glorifiant, Et si tu l'honores en ne suivant point tes voies, En ne te livrant pas à tes penchants et à de vains discours, Alors tu mettras ton plaisir en l'Éternel, Et je te ferai monter sur les hauteurs du pays, Je te ferai jouir de l'héritage de Jacob, ton père; Car la bouche de l'Éternel a parlé » (Esaïe 58.13-14). En ce qui concerne le Nouveau Testament, les activités de Jésus pour faire le bien ont permis de conclure que le sabbat, loin d'être un fardeau, devrait être porteur de libération. Les activités de Jésus pendant le sabbat considérées par ses contemporains comme du travail étaient tout simplement dans l'esprit du sabbat qui apporte le soulagement, la paix physique et spirituelle. Elles sont compatibles avec le sabbat. Faire le bien le jour du sabbat, y compris soulager les souffrances des autres, sont des activités faisables et permises durant le jour du sabbat mais qui sont de l'ordre du non-travail. C'est Jésus lui-même qui le confirme dans Matthieu 12.12b : « Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat ». Ainsi, quels enseignements à tirer pour notre époque afin d'avoir une bonne pratique du sabbat ?

Dans le chapitre 3 nous mettons en évidence qu'il existe des métiers qui sont compatibles avec le jour du sabbat, notamment les métiers liés directement à la sauvegarde de la vie qui se situent au niveau médical. Cependant, la pratique du travail durant le jour du sabbat réclame une cohérence dans l'expression de sa foi. Voilà pourquoi, il existe une limite à ne pas franchir dans ce métier qui consiste à opposer le besoin de la communion avec Dieu pour son propre enrichissement spirituel d’une part au besoin de l'autre qui a besoin d’être soulagé de ses souffrances d’autre part. Jésus a montré un exemple dans ce sens car en accomplissant de bonnes œuvres de miséricorde, il n'a pas oublié de se ressourcer dans la synagogue. Il n'y a rien à reprocher à ceux qui exercent le métier lié directement à la sauvegarde de la vie, mais il y a aussi intérêt à penser sur le sens du sabbat pour celui qui exerce ce métier vis-à-vis de Dieu. Certes le travail accompli ce jour-là peut être mis sur le compte d'un non-travail car le but est de faire du bien selon l'exemple laissé par Jésus. Mais c'est à lui personnellement de mesurer jusqu'où il veut aller dans ce travail pour ne pas oublier que le sabbat a été fait justement pour avoir une communion intense avec Dieu seul et aussi avec la communauté dans l'adoration. Place à la conscience de chacun d'évaluer comment l'observation du sabbat dans ce genre de métier est possible même si en principe et théoriquement en soi, ce genre de métier est compatible avec le sabbat contrairement à d'autres métiers.

Cette situation invite chaque acteur à penser sérieusement son engagement avec Dieu, à sa logique avec Dieu et à son honnêteté personnelle. Tout ceci relève de la conscience personnelle. Faire un métier lié directement à la sauvegarde de la vie est tout à fait légitime mais adorer Dieu constitue aussi une loyauté

65 de la part des observateurs du sabbat. Il devrait y avoir un équilibre entre croire au sabbat, le pratiquer, et lui être fidèle pour une mise en pratique pertinente et cohérente de la foi198.

Mais au-delà de tout ce que nous avons étudié en parlant tout particulièrement du métier lié directement à la sauvegarde de la vie qui est permis d’être exercé le jour du sabbat avec toutes les nuances qui s’en sont ensuivies, nous pensons que le monopole pour faire du bien le jour du sabbat ne devrait pas s'arrêter avec le professionnel de la santé car il concerne tous les observateurs du sabbat. Chacun a le devoir d'accomplir des œuvres bienfaisantes le jour du sabbat. Un aspect à notre avis qui a été un peu perdu de vue au sein de l'église. C'est dans ce sens que l'on peut avoir aussi une observation du sabbat dans le sens complet : adorer, servir. Cela constitue une piste à explorer dans le programme hebdomadaire de l'église dans l'accomplissement de sa mission.

198 C'est ici que nous estimons la pertinence de la déclaration de Gabriel Monet à ce propos dans son article « Des croyances justes ne suffisent pas ! », in Revue Adventiste 1838 (décembre 2015), p. 6 : « Des croyances justes ne suffisent pas ; il importe aussi d'avoir des pratiques justes qui soient en cohérence avec ce que l'on dit croire. Plus encore, il est essentiel d'avoir un cœur juste. L'idéal chrétien est de trouver l'équilibre entre ces trois pôles, que l'on peut appeler respectivement l'orthodoxie, l'orthopraxie et l'orthopathie ».

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73 Annexe 1 Questionnaire d’enquête

Enquête sur les métiers liés à la sauvegarde de la vie durant le jour du Sabbat auprès des membres de l'Eglise adventiste du 7èmejour, Fédération France-Nord qui exercent un métier lié à la sauvegarde de la vie durant le jour du Sabbat (médecin, infirmier (ère), sage-femme, aide-soignant (te) et autres).

01. Votre genre : □ Homme □ Femme

02. Votre situation familiale : □ Célibataire □ Divorcé (e) □ Marié (e) □ Veuf (ve)

03. Votre Age : □ Entre 18-25 ans □ Entre 25-30 ans □ Entre 30-35 ans □ Entre 35-40 ans □ Entre 40-45 ans □ Entre 45-50 ans □ 50 ans et plus

04. Quel est votre métier lié à la sauvegarde de la vie ? □ Médecin □ Infirmier (ère) □ Sage-femme □ Aide-Soignant (te) □ Autre à préciser : ......

05. Avez-vous choisi ce métier par rapport à vos convictions religieuses ? □ Oui □ Non □ Autre : ......

06. Depuis combien de temps exercez-vous votre métier ? □ 0-5 ans □ 5-10 ans □ 10-15 ans □ 15-20 ans □ 20 ans et plus

07. Depuis combien d'années êtes-vous membre de l'Eglise Adventiste du Septième Jour ? □ 00-05 ans □ 05-10 ans □ 10-15 ans □ 15-20 ans □ 20 ans et plus

08. À quelle fréquence exercez-vous votre métier le Sabbat, c'est-à-dire entre le vendredi soir et le samedi soir au coucher du soleil ? □ Tous les sabbats □ Environ 2 fois/mois □ 1 fois/mois □ Exceptionnellement

09a. Avez-vous déjà fait des démarches pour vous libérer le jour du Sabbat ? □ Oui □ Non

09b. Quelles en étaient les circonstances ?

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10. Quelles sont les raisons qui vous assurent que vous êtes en phase avec l'esprit du Sabbat pendant que vous exercez votre métier ce jour-là ? ......

11a. Est-ce que vous êtes de ceux qui sont en faveur d'offrir comme offrande à Dieu ce que vous gagnez le jour du Sabbat ? □ Oui □ Non

11b. Pour quelles raisons ? ......

12. Quel est le regard des autres (membres de la communauté, les dirigeants de l'église) sur votre personne, que vous avez ressenti vis-à-vis de votre situation particulière sur l'observation du Sabbat ? ......

13a.Est-ce que vous êtes satisfaits de votre situation actuelle concernant l'observation du jour du Sabbat ? □ Oui, tout à fait □ Pas vraiment □ Assez □ Non, pas du tout

13b. Pourquoi ? ......

14. Quelles sont d’après vous les bases bibliques qui rendent certains métiers possibles à exercer le sabbat, sans être en porte-à-faux avec le 4ème commandement ? ......

15. Autres commentaires ou informations que vous souhaitez nous communiquer qui pourraient nous aider dans cette enquête : ......

75 Annexe 2 Tableau des réponses des enquêtés

Dans ce tableau, une vue panoramique où toutes les réponses des enquêtés sont enregistrées. Tous les enquêtés sont numérotés anonymement de 1 à 75. La colonne verticale marque la réponse à chaque question posée au début de chaque colonne tandis que la colonne horizontale marque l'ensemble des réponses aux questions de chaque enquêté.

Par ailleurs c'est à dessein que nous avons gardé les fautes diverses d'orthographe ou de grammaire afin de garder intactes les réponses telles que nous les avons reçues. Ce sont des faits que nous respectons pour ne pas les dénaturer et pour rester objectif.

Evidemment, il est à remarquer que les caractères sont petits et presque à peine lisibles dans ce tableau car nous nous efforçons de mettre toutes ces données avec les mêmes dimensions de la page que nous utilisons pour la recherche (la page A4).

Si c'est dans cet esprit que le tableau sera lu, l'enquête et ses réponses seront compréhensibles aisément.

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