Le dico des musiques Du même auteur

Louis Armstrong (avec Christine Mulard) Éditions du Seuil, nouvelle coll. « Solfèges »

Rock Vinyl Éditions du Seuil, coll. « Point-Virgule »

Rock Babies (avec Raoul Hoffman) Éditions du Seuil, coll. « Point-Actuel »

Pink Floyd Albin Michel et Seghers

Le Rock de A à Z (avec Jean-Noël Ogouz) Albin Michel, coll. « Rock & Folk » (4 éditions)

U2 Albin Michel, coll. « Rock & Folk »

Sting et Police Albin Michel, coll. « Rock & Folk »

Jacques Higelin (avec Jacques Vassal) Albin Michel, coll. « Rock & Folk » Jean-Marie Leduc

Le dico des musiques musiques occidentales, extra-européennes et world

Éditions du Seuil COLLECTION DIRIGÉE PAR NICOLE VIMARD

ISBN 2-02-026348-3

@ Éditions du Seuil, novembre 1996

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisa- tion collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque pro- cédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants de la propriété intellectuelle. Ce livre n'aurait jamais vu le jour sans les encouragements de Nicole Vimard. Je tiens également à remercier particulièrement Jean-Noël Ogouz et Christine Mulard pour avoir relu le manuscrit et m'avoir fait de judicieux commentaires et fines observations, ainsi qu'Ursula. J.-M. L.

Avant-propos

Nous sommes une génération de zappeurs, qui profitons de la mondialisation des musiques et du formidable tohu-bohu sonore actuel de genres et de styles joyeusement téles- copés. Les quarante dernières années (1960-1990), appelées parfois les « années musiques », ont passablement fait exploser les barrières musicales, géographiques et sociales, et glissé des pétards sous le moelleux tapis du conformisme musical. La musique est aujourd'hui comme la télé, nous sommes passés du noir et blanc à la couleur et à la haute définition. Et, depuis les années 1970, les envies de fusion sont générales, et mêlent jazz, rock, folk, funk, soul, hip-hop, etc. L'apparition de la world music, la « musique du monde », appelée depuis les années 1980 la « sono mondiale », marie, horizontalement et verticalement, les accents électriques occidentaux et les traditions de tous les pays, de toutes les cultures. Les progrès de la musicologie et les divines décou- vertes de la musique ancienne, du baroque, de la techno et du rap ont fait le jeu des éditeurs et des industriels, qui cherchent sans cesse à élargir le marché mondial. Ainsi, le désir de musique a changé ; nous trouvons désor- mais dans le panier du Rouletabille de la fin du xxe siècle et de la consommatrice « branchée musique » les références de toutes les musiques possibles enregistrées, et des compi- lations, plus ou moins réussies, de genres à découvrir, en voie de reconnaissance plus ou moins avancée. La musique est devenue mosaïque. Mais voilà, comment s'y retrouver dans cette caverne d'Ali Baba des mégastores modernes ? Qui joue et chante quoi, où, quand et comment ? Ce dictionnaire vous aidera à vous situer et à reconstituer le paysage musical, le spectre sonore de votre époque ; il vous propose même, en final, une carte générale de quelques dizaines de musiques essentielles ; certaines s'observent, d'autres se jaugent et se frottent déjà, et s'enrichissent mutuellement, au pluriel et au singulier. Ce dictionnaire peut être complété à l'infini et renvoie bien entendu à d'autres ouvrages plus complets, mais malheureusement toujours spécialisés et univoques ; il est autant d'occasions de décou- vertes d'expressions plus ou moins exotiques, synonymes de transes et d'extases électriques ou acoustiques, de vitalité et de volonté de communiquer et d'exister. Dans son œcuménisme actuel, la musique, par ailleurs en danger d'industrialisation et de marketing trop intensif, peut contribuer à éveiller la curiosité et l'imagination, à expéri- menter une sensibilité ; elle est pour certains un modèle initiatique, capable de rétablir une communication dange- reusement codifiée, dévoyée, qui voudrait faire de nous des automates pour boîtes à musique. Comme le disait le maître du jazz américain Duke Ellington, finalement, il n'y a que deux musiques à distinguer, la mauvaise et la bonne. J'ajou- terais : celle qui vit et celle qui refuse la vie. Claude Debussy, avant et après tant d'autres, aura le mot de la fin : « En musique, le plaisir est la seule règle. »

J.-M. L., 1996. de a cappella j A a 1 azriate

A CAPPELLA Le chanteur, la chanteuse sans autre instru- ment que sa voix. De l'italien « de la chapelle » ou « pour la chapelle ». Désigne la musique chorale sans accompagnement instrumental, à une ou plusieurs voix. A l'origine, la musique d'église non accom- pagnée, comme celle de Luigi da Palestrina qui, au XVIE siècle, prit l'initiative de la Contre-Réforme musicale et voulut faire (enfin) comprendre chaque mot chanté des textes catholiques. Par extension, l'expression recouvre aujourd'hui toute expression chantée, sacrée ou profane, sans accompagne- ment instrumental : les work songs, chants de travail des anciens esclaves noirs des États-Unis, les psalmodies de louanges au Prophète des Égyptiens, les chœurs d'hommes sud-africains mbube ou les tchatches des rappers de tout poil. Parmi les innombrables curiosités « a cappella » à explorer, les motets de Henry Purcell ou ceux de Jean- Sébastien Bach, les chœurs profanes de deux musiciens romantiques, Johannes Brahms et Robert Schumann, le Golden Gate Quartet, le premier groupe noir à avoir eu accès à la fin des années 1930 à la radio américaine et à connaître le succès discographique, et les trois CHANSONS A CAPPELLA de Claude Debussy qui renouent avec la Renaissance. Un genre à dimension humaine redevenu d'actualité au milieu des années 1990, saturées de gros sons électriques, électro- niques et technologiques, avec Boyz II Men, quatuor afro- américain de la nouvelle soul d'outre-Atlantique (l'album END OF THE ROAD, chez Motown), Bobby McFerrin, ou les rappers de Bone Thugs'N'Harmony. En France, à la suite du succès de Pow Wow en 1990, ce retour aux sources favorisera les carrières d'Indigo et de Chanson Plus Bifluoré, et la redé- couverte des expressions, extra-occidentales comme le Mys- tère des Voix Bulgares, ou régionales (bretonne avec les kan ha diskan, béarnaise, corse, basque, etc.). En se gardant d'oublier Flying Pickett ou Vocal Sampling, le groupe cubain vivant à Bruxelles, qui imite (à la voix) maracas, congas, cui- vres et guitares salsa, ou encore LES GRANDS BOLÉROS A CAP- PELLA des Cubains Gema 4, et le trio brésilien Esperança (A CAPPELLO DO BRASIL, chez Mercury/Phonogram). Un festival du chant « a cappella » est désormais organisé à Carros, près de Nice. Titre d'un album-fusion du rocker américain Todd Rund- gren (chez Rhino). Voir Bulgare, Chapelle, Chorale, Descriptive, Motet, Poly- phonie, Soul, Work songs.

ABORIGÈNE Des chants venus d'un autre âge et d'un autre monde, des musiques de la Papouasie-Nouvelle- Guinée, de l'Argentine, de Taïwan et surtout d'Australie, dédiés à la nature, aux chiens sauvages, aux wallabys et autres aigles et rapaces. Un fonds musical tout en vibrations de plus de 40 000 ans d'âge, seulement découvert il y a deux siècles par les Occidentaux ! Ces sons simples et cosmiques de sociétés ancestrales « explosent » nos oreilles et nos références occidentales « modernes ». A découvrir les Australiens Yothu Yindi dans une fusion à la mode entre rythmes ancestraux et façons « pop-rock » (TREATY et l'album FREEDOM, chez Hollywood), et les Indiens d'Amazone Xavantes qui rencontrent en 1996 les métallistes de Sepultura dans l'album ROOTS (chez A Roadrunner/Musidisc) ; ceux des communautés côtières B Yolngu du nord-est de l'Australie (TRIBAL VOICES), qui nous servent leur interprétation moderne d'une culture inconnue, ou du désert australien Warumpi, dont une formation jouera en 1986 en première partie du groupe de rock Midnight Oil et auxquels celui-ci dédiera son album-réussite DIESEL AND DUST (chez Columbia/Sony Music). Ou encore David Hud- son et son RAINBOW SERPENT (chez Celestial Harmonies).

ABSTRACTROCK Un« rockabstrait ». Comme la peinture du même nom, il se veut épuré, conceptuel, intellectuel, réfé- rentiel -arty, disent les Anglo-Saxons. Quelques petits maîtres du rock s'y sont essayés selon leur période et leur pays, avec une certaine réussite : David Bowie, souvent, King Crimson, Kraftwerk, Wire, Depeche Mode, Cure, , U2.

ACADIENNE Au nord du Canada, l'Acadie fut colonisée par les Français au début du xvir siècle ; livrée à l'Angleterre en 1713, elle est rebaptisée Nouvelle-Écosse. Ses habitants sont alors chassés et vont pour la plupart s'installer en Loui- siane alors encore française. Appelés Acadiens ou impro- prement Cajuns, les natifs de cette communauté disposent d'un riche patrimoine musical qui a inspiré le monde du blues, de la country et du rock. Ses plus fameuses repré- sentantes sont la dynamique Edith Butler et l'Acadienne du Nouveau-Brunswick, Marie-Jo Thério, qui s'exprime en « chiaque », mélange savoureux d'anglais, de créole cana- dien et d'ancien français. L'album ACADIE du producteur-compositeur-chanteur Da- niel Lanois (0 MARIE, JOLIE LOUISE et JEAN GUY, chez WEA) de 1989. Voir Cajun, Nouvelle-Orléans, Zydeco. ACCORDÉON La Chambre syndicale de la facture ins- trumentale signale dans son bilan 1994 que la vente en France des accordéons est en progression. Le « piano à bre- telles », instrument populaire s'il en est, a retrouvé ses lettres de noblesse, en particulier auprès et grâce aux rockers (comme Willy DeVille), jazzmen alternatifs et musiciens du monde de la vague du Nouvel Accordéon. Un instrument longtemps considéré comme « ringard » par la vague « pop- rock » à redécouvrir dans les traditions folk anglo-améri- caines, celles de l'Europe de l'Est ou dans le grand orchestre de la musique arabe, dans les musette, , tarentelle, reel, jig, cajun et zydeco, ranchera, « haupanga », valle- nato, cumbia, chamané, tango, « gaucha », forro, juju, klezmer, etc. La compilation de trois CD, THE ACCORDION WILL CHANGE YOUR LIFE!L'ACCORDÉON CHANGERA VOTRE VIE (chez Ellipsis Arts). Parfois concurrencé par son cousin, le bandonéon (en par- ticulier dans le tango), il a inspiré à Michel Émer une célèbre composition pour Édith Piaf, L'ACCORDÉONISTE (de 1940), que la grande dame de la chanson française gardera vingt ans à son répertoire, et charmé le jazzman américain Benny Goodman, qui l'a parfois utilisé dans ses petites formations. Voir Musette, Piano, Tango.

ACHOULIE Une ethnie africaine de l'Ouganda, dont la culture nilotique est proche de celles du Soudan et de l'Égypte ; sa harpe-« nanga » est pratiquement celle de l'Égypte ancienne, mais moins large que celle des Tutsis et Hutus du Burundi et du Rwanda ; ses rythmes et thèmes sont proches de la culture « West Nile ». Un porte-parole libre : Geoffrey Oryema, le Leonard Cohen africain, et son afro-beat acoustique découvert dans les années 1990 par Peter Gabriel pour son catalogue Real World chez A Virgin. B Voir Égyptienne, Folk, World music.

ACHY BREAKY Une danse country américaine anecdotique, entre « madison » et « danse des canards » ; cette version simpliste de la traditionnelle des pionniers blancs connaît les faveurs de la mode en 1992 avec le Rambo Country, Billy Ray Cyrus. Voir Country.

ACID HOUSE Encore appelée en Europe EBM, electro- body music. Née en Belgique et en Hollande, c'est l'une des multiples facettes de la dance music, une version élec- tronisée et dépouillée à l'extrême qui porte à une félicité béate. Chronologiquement, la deuxième étape de la techno après la house ; une création d'ordinateurs/synthétiseurs au son froid, acide et pulsé par des batteries de boîtes à rythmes qui accélèrent le rythme disco. Pour certains puristes et fans, la première musique à avoir mérité le nom de techno, pour d'autres, les débuts de la transe. Un groupe : S Express. Voir Dance, House, Techno, Transe.

ACID JAZZ Cette incroyable opération de ravalement a réussi à convertir tout un nouveau public à l'esprit « jazzy ». Des clubs branchés londoniens sort, vers 1983, une musique pleine d'esprit qui veut rendre au jazz sa vocation populaire et le libérer des initiés et des intellectuels. Après les expé- riences de Sade et de Joe Jackson qui serviront de tremplin à une nouvelle «jazz attitude », Giles Peterson, Anglais d'origine franco-suisse, part à la recherche des origines du mouvement jazz et se lance dans des « mix » de jazz, de rap et de dance ; son catalogue Acid Jazz explore, en 1987, un jazz « new look » en le magnifiant de toutes sortes d'ingrédients, jusqu'à produire le jazz rap librement tiré de l'oeuvre de Curtis Mayfield et chanté par Galiano, son emblème. Un état d'esprit plus qu'une formule musicale, qui offre une alternative cool à la house en vogue, aujourd'hui déjà un peu dépassée. L'un de ses chantres, le Londonien James Taylor avec son J. T. Quartet, se veut le descendant des beatniks et le recours à la déferlante « house » de la fin des années 1980, celle des « beat box »/boîtes à rythmes et autres « home studios ». Devenu une vraie passerelle musicale entre jazz, jazz rock et funk, chez des groupes comme The Quiet Boys (BOSH, chez Acid Jazz, en 1995), ou les Français Dis Bonjour à la Dame. La compilation ACID JAZZ STORY de 1995 (chez East- west). Voir Cool, House, Jazz, Rap.

ACID ROCK Une forme de country rock américain lan- goureuse passée à l'acide, qui cherche l'Ailleurs dans la simplicité et la fraternité, comme chez le légendaire groupe américain Grateful Dead (DARK STAR du LIVE DEAD de 1969) ; ou plus près du folk blues, comme chez Jefferson Airplane (première manière) ou Country Joe and the Fish (ELECTRIC MUSIC FOR THE MIND AND BODY, chez Vanguard), ou encore du folk rock passé au LSD comme chez les Byrds (discographie Columbia/Sony Music). Cette vague californienne de la fin des années 1960, qui marquera les Beatles et Jimi Hendrix, part à l'exploration d'un autre monde et d'une nouvelle culture. Des accents planants, délayés, et des guitar-heros de San Francisco méconnus : John Cipollina (chez Quicksilver), Jorma Kau- konen (chez Jefferson Airplane et Hot Tuna) et une reine, l'« acid queen » Janis Joplin (discographie Columbia/Sony A Music), dont on retrouve le personnage dans l'opéra rock >*,. B TOMMY! Voir Planante, Psychédélique.

ACID SOUL La soul américaine de Stevie Wonder et symphonique d'Isaac Hayes, celle, plus douloureuse, du Sud-Africain Gill Scott-Heron hantent, en 1995, les visions « acid » de Cunnie Willimas (COMIN' FROM THE HEART OF THE GHETTO, chez Chrysalis/EMI).

ACOUSTIQUE Soixante ans après les débuts de l'ampli- fication électro-magnétique et des instruments électrifiés, le débat est plus que jamais d'actualité : électricité ou pas ? folk ou rock ? house ou world ? pureté naturelle ou mise en scène technologique ? En quelque sorte, la suite de l'éter- nelle querelle du monde classique : instruments naturels, d'époque, ou instruments actuels ? L'expression acoustique, qui exclut les instruments électri- ques au bénéfice de l'instrumentation traditionnelle, vient régulièrement rafraîchir et relancer des genres surdimension- nés et saturés d'électricité : le rock unplugged [débranché] des années 1990, le jazz acoustique des années 1980 (à l'inverse du jazz « tout électrique » de la décennie précé- dente) : le LIVE FRIDAY NIGHT IN SAN FRANCISCO de Al Di Meola/John McLaughlin/Paco de Lucia (chez Polygram). Certains audacieux tenteront le mariage improbable (voire impossible) : Bob Dylan avec son folk rock, les Byrds, The Band, Fairport Convention avec son progressive folk. Voir Unplugged.

AFGHANE Entre Pakistan, ex-URSS, Iran et Chine, l'Afghanistan est un puzzle culturel et ethnique mis à mal par la guerre civile des années 1990. Un carrefour musical à explorer dans A JOURNEY TO AN UNKNOWN MUSICAL WORLD (chez World Network).

AFOXES Les écoles de samba traditionnelles, attractions des carnavals brésiliens, aux costumes colorés et aux danses d'origine africaine, qui défilent sur les sambodromes pen- dant le carnaval. Voir Brésilienne, Carnaval, Samba.

AFRICAINE/AFRO « Quand viendra le tour de la musi- que africaine, il ne s'agira pas d'une mode. Ce sera un tour complet. La musique est partie d'Afrique avec ses rythmes et a donné naissance à toutes sortes de formes musicales à travers le monde : blues, jazz, rock, rumba, reggae, samba... Elle est aujourd'hui en train d'achever une boucle pour reve- nir à son point de départ » (Ismaël Touré, décembre 1982). A la fin du second millénaire, le deuxième continent du monde en superficie (soit le tiers de la planète) souffre, politiquement et socialement, de situations humaines sou- vent difficiles, voire tragiques. Mais les Occidentaux com- prennent chaque jour un peu plus que l'on pourrait écrire une encyclopédie sur sa richesse exceptionnelle et une vita- lité musicale, probablement définitivement perdue par l'Occi- dent dans les années 1970. Depuis le début du xxe siècle, elle opère un choc et une influence déterminante sur la musique occidentale, nord et sud-américaine, caractérisée par un retour à l'émotion brute. Selon la croyance locale, une cosmogonie où chaque note est un être humain naissant. Une caractéristique évidente : son tapis rythmique entêtant, souvent survolté, prétexte à des danses extatiques. Dans les années 1990, les musiques africaines viennent, cette fois directement, au secours de nos musiques industrielles, essoufflées, et elles réhabilitent tou- A tes les musiques métisses suscitées à travers la diaspora des B esclaves noirs, depuis le xvne siècle. De nombreuses parutions nous éclairent sur les traditions ancestrales de l'Afrique, son instrumentation et ses fusions avec les chapelles occidentales. En particulier, le remarqua- ble AFRICA : NEVER STAND STILL [Afrique : ne reste pas en place] ; cet ensemble de trois CD (chez Ellipsis Arts) nous propose des extraits de juju du Nigeria, de mbira du Zim- babwe, de chants de mariage nubiens, de rythmes bikutsi de la tribu camerounaise Beti, le kwassa kwassa de Kanda Bongo Man, le chœur a cappella zoulou de Ladysmith Black Mambazo, les guitares soukous du Zaïre, les gnawas de Marrakech, des musiciens mandingues, etc. Et l'AFRICAN , vol. 1 et 2 (chez Mélodie), ou encore 1960- 1990 : 30 ANS DE MUSIQUE AFRICAINE (chez Sonodisc). Au nombre des rencontres Nord-Sud, les albums des années 1980 des Occidentaux Paul Simon (GRACELAND) et Peter Gabriel (So) et du Japonais Ryuichi Sakamoto (BEAUTY), tous trois traversés par la VOIX DE L'AFRIQUE, Youssou N'Dour (son XALE, avec cordes et accents Beatles). Ou encore le télescopage jubilatoire de 1995, LAMBARENA (chez Sony Music), entre le continent africain et la planète luthé- rienne de Jean-Sébastien Bach, tam-tams et « cantates », musiques sacrées des hémisphères Nord et Sud, pleines d'émotion et de belle intelligence. Ou encore le REMAIN IN LIGHT [rester dans la lumière] de 1980 des Talking Heads, manifeste funk new-yorkais qui lorgne vers l'Afrique, et s'impose comme un disque majeur sur la route du rock « global » et tiers-mondiste. A la fin des années 1980, le griot électrique malien Mory Kanté fait entrer la musique africaine dans les hit-parades d'une ex-puissance coloniale, la France, avec YEKE YEKE (chez Barclay). AFRi-jAZZ est le titre d'un grand album-laboratoire du Camerounais Manu Dibango, et AFRIQUES celui d'une rubrique influente en son temps de Jean-Jacques Dufayet dans le mensuel ROCK & FOLK. Voir Achoulie, Afro-américaine, Afro-beat, Burundi, Fuji, Gnawa, Ivoirienne, Juju, Kwassa kwassa, Makossa, Ma- lienne, Mandingue, Marocaine, Mauritanienne, Nubienne, Rumba, Soukous, Sud-africaine, Zouloue.

AFRO -AMÉRICAINE Désigne la musique des 33 millions de Noirs, « blacks », du continent nord-américain selon la terminologie « politiquement correcte » des années 1960 et surtout 1980-1990. Une formidable source de blues, gospel, jazz, rhythm and blues, soul, spiritual, funk, rap, boogie, free, etc., que les « Yankees » blancs n'ont pas manqué de s'approprier pour dynamiser leur folk et autre country. Ce courant majeur, issu des work songs, ballads et spiri- tuals, ne sera reconnu officiellement aux États-Unis qu'avec Ray Charles et El vis Presley dans les années 1950. Il avait commencé à s'affirmer avec le jazz qui prend son essor au cours des années 1890 dans les salles de danse et les bouis- bouis de La Nouvelle-Orléans. Lorsque les premiers enre- gistrements de jazz sont réalisés en 1917 à New York, après trois siècles de gestation clandestine, la musique « afro- américaine » prend peu à peu sa place sur la scène musicale américaine, puis mondiale. La musique populaire occiden- tale, puis planétaire, en est bouleversée. Au sens large, l'adjectif désigne les formes musicales d'Amérique du Nord et du Sud, des Caraïbes, en particulier celles du Brésil et de Cuba, où les esclaves d'Afrique noire ont inventé des cultures originales de danses, de mélodies et de rythmiques à compter de leur arrivée, les fers aux pieds, à partir de 1619. Quelques grands monuments à visiter : Ray Charles, Louis A Armstrong, Mahalia Jackson, Miles Davis, Otis Redding, B James Brown, Jimi Hendrix, Charlie Parker, Aretha Fran- klin, Dizzy Gillespie, Little Richard, Chuck Berry, Prince, John Lee Hooker, Bessie Smith, Billie Holiday, Nat King Cole, John Coltrane, Thelonious Monk, Omette Coleman ou Randy Weston qui, comme Art Blakey et Yusef Lateef, est parti dans les années 1960 à la recherche des sources afri- caines de l'art afro-américain.

AFRO-BEAT « Celui qui a la langue ne se perd jamais » (proverbe africain). Les stars ghanéennes et nigériennes de l'« afro-pop » des années 1970, comme Osibisa (discographie Bronze/Island), et leur « samba soul jazzy » (avec flûtes et solos de guitare électrique comme chez Carlos Santana) préfiguraient la nou- velle musique africaine inaugurée par le « Black Président » Fela. Fela Anikulapo Kuti, le musicien noir le plus pillé de l'univers avec James Brown, joue pour « chasser les démons et réveiller l'Afrique ». Sa rythmique en éternelle gestation et ses accents visionnaires ont inspiré plusieurs générations d'indépendances politiques, sociales et musicales, et inquiété les militaires nigérians. Son afro-beat joué dans sa boîte de Lagos (Nigeria), le Shrine, est un produit de la sorcellerie yoruba où s'entrechoquent binaire et ternaire, modes mineur et majeur. Son fils Femi Anikulapo Kuti flirte avec le reggae, tandis qu'un autre parrain, le Camerounais francophone Manu Dibango, et son saxo distillent le makossa panafricain. Ghetto Blaster (PEOPLE, chez Black- frame Production/Mélodie), sur les traces de Fela, pro- clame : « Le monde est un ghetto dont le son est la bombe ! » Titre d'une chronique régulière du quotidien LIBÉRATION qui, sous la plume de Philippe Conrath, a dans les années 1980 beaucoup fait pour la reconnaissance des musiques africai- nes. Le terme désigne pour beaucoup d'Européens toutes les musiques africaines modernes, voire traditionnelles ; celles qui, depuis 1984 avec la famille Touré Kunda, et surtout depuis 1988 avec Mory Kanté, Johnny Clegg, Alpha Blondy, Geoffrey Oryema et quelques autres, sont rentrées dans les hit-parades hexagonaux.

AFRO-BLOCO Un groupe de percussionnistes brésiliens de Bahia appelé Olodum se constitue en troupe de carnaval pour jouer un rythme samba-reggae, avec Paul Simon (dans son album « brésilien » THE RHYTHM OF THE SAINTS, chez WEA), puis avec Jimmy Cliff. Voir Bloco, Brésilienne, Samba.

AFRO-BRÉSILIENNE Voir Brésilienne.

AFRO-CELTIQUE Un style unique et désopilant, celui de Laura Love qui combine accents celtiques et africains, blues, soul et jazz (THE LAURA LOVE COLLECTION, chez Putu- mayo).

AFRO -CU BAI N E Le mariage « exuberante » des rythmes africains importés par les esclaves noirs et des accents ca- raïbes. Des rythmes calés sur le schéma rythmique de base du clave cubain, de la « tres » (la guitare à trois fois deux cordes) et du « guiro » (le grattoir). Cette mode saisit l'Amérique et l'Europe dans les années 1930 et son « roi du rythme », l'Espagnol Xavier Cugat, fait danser la rumba et le cha- cha-cha aux Occidentaux : ceux-ci découvrent alors les bienfaits des styles tropicaux et les délices de l'« exotisme ». L'expression désigne généralement le style produit, dans la seconde moitié des années 1940, par le rapprochement du jazz be-bop et de la musique cubaine : le cubop. Ce nouveau langage musical coloré est exploré, en particulier, lors de la rencontre au sommet de Charlie Parker et de l'arrangeur- percussionniste Machito en 1948. Mais aussi par les orches- tres de Stan Kenton et Dizzy Gillespie ; Dizzy, créateur en 1947 de CUBANA BE CUBANA Bop, de MANTECA, augmente sa section rythmique de congas et autres bongos (celui de Chano Pozo en premier lieu), flirte avec le mambo, la rumba, la conga, et, en 1948, offre au public parisien de la salle Pleyel à la fois « be-bop » et jazz afro-cubain. Dans les années 1950, les Américains Woody Herman (et son troupeau, le Herd) et Herbie Mann mélangent allègre- ment les influences latines ou caraïbes, calypso, bossa nova et jazz. Et Francisco Grillo, dit Machito, avec son compa- gnon en musique Mario Bauza, refuse la guimauve et assi- mile dans son « orchestra » les trouvailles du « be-bop » (cf. son album jubilatoire de 1977, FIREWORKS). Un disque de chevet pour tout amateur : AFRO-CUBAN JAZZ MOODS, ren- contre au sommet de 1975 entre Machito et Dizzy Gillespie, avec un titre merveilleux, EXUBERANTE (chez Fantasy/ Wamer), et l'AFROJAWS de 1961 d'Eddie « Lockjaw » Davis (chez le même éditeur). Dans les années 1960, naît à New York la salsa, version américanisée et urbaine de la musique « afro-cubaine ». Les émigrés cubains et leurs collègues américains secouent alors les deux Amériques, et le catalogue de référence Fania All- Stars exporte leur « sauce » piquante dans le monde entier. Dans les années 1980, l'arrangeur cubain Mongo Santama- ria, petit-fils d'esclave, rapproche encore une fois jazzmen et « congaceros ». Comme, en 1995, l'ont fait Arturo San- doval et sa « clave », la Nueva Manana, et Irakere, les princes du jazz afro-cubain, et la saxophoniste soprano et flûtiste Jane Burnett (RENDEZ-VOUS, chez Justin Time/Média 7), qui célèbre l'héritage commun du Brésil et de Cuba. Consulter la vidéo-introduction à l'art de la percussion afro- cubaine d'Ignacio Berroa, initiation à la rumba, aux « bem- be », « abakwa », « danzôn », « son montuno », songo, etc. Et la compilation GRANDES CANCIONES DEL GENIAL ARTISTA CUBANO BOLA DE NIEVE (chez Nuevos Medios/Concord), où Boule de Neige revisite les cadences et les classiques « afro- cubains » comme EL MANISERO. Et les RARE AFRO-CUBAN GROOVES de Radio-Nova en 1995. Voir Be-bop, Clave, Conga, Cubaine, Cubop, Descarga, Latine, Salsa.

AFRO -FEELING Cette musique marie m'balax sénéga- lais traditionnels et sonorités rock occidentales, comme chez le Super Diamono de , orchestre où passera Ismaël Lô. Voir Afro-beat, Sénégalaise.

AFRO-PSYCHÉ Un genre des années 1990, un groove entre voyage psychédélique et rythmes afros : celui de Wasis Diop (son historique WEST AFRICAN COSMOS, chez Mercury).

AFTER-RAÏ Le raï d'après le raï. Voir Raï.

ALAP Le prélude de la musique vocale d'Inde du Nord, un style distingué découvert en France en .1989 avec Bhim- sen Joshi. Voir Dhrupad, Hindoustanie, Indienne, Raga. ALGÉRIENNE L'Algérie est la patrie du raï et de ses frères, le raï love et le pop raï. Mais également du chaâbi LJL . et des accents « berbérophones » de la Kabylie. Elle aime à retrouver l'héritage de ses anciens : celui des noubas et du répertoire pour luth, l'« oud », comme celui du nouveau maître Alla (FOUNDOU DE BÉCHAR et TANAKOUL, chez Al Sur), aux limites de la « kora » mandingue noire du Sud et des guitares flamencas blanches du Nord. Un fonds musical prédominant : la musique arabo- andalouse, instrumentale ou à travers les voix de Habib Guerroumi (en solo, chez Playasound) ou de Mohamed Khaznadji, grande figure de la musique « arabo-andalouse » algéroise, héritière de la tradition cordouane (CANA'A D'ALGER, chez Ocora). Le chant judéo-algérien de Lili Boni- che, le créateur de ET L'ON M'APPELLE L'ORIENTAL et d'innombrables chansons kitsch francarabes (les TRÉSORS DE LA MUSIQUE JUDÉO-ARABE, chez Mélodie), de l'Oranaise Reinette, grande dame du répertoire classique andalou, et de Line Monty, aux frontières de la variété. La SUITE ALGÉ- RIENNE de Camille Saint-Saëns et l'opéra de Gioacchino Rossini, L'ITALIANA IN ALGERI/L'ITALIENNE À ALGER (de 1813). Voir Arabe, Arabo-andalouse, Bédoui, Bédouine, Chaâbi, Francarabe, Nouba, Raï.

ALL STARS Un orchestre composé d'« étoiles », de vedet- tes ; une formule musicale qui a marqué l'histoire du jazz classique, à un moment où le grand orchestre n'est plus économiquement viable et où le public veut des vedettes, toujours plus de vedettes : les All Stars de Louis Armstrong. Une formule toujours en vogue : le trio jazz rock The Rites of Spring de Stanley Clarke, Al Di Meola et Jean-Luc Ponty au milieu des années 1990, et les supergroupes de l'histoire du rock (Cream, Blind Faith, Faces, Traveling Wilburys) ou du classique. Voir Big band, Jazz, Jazz rock.

ALLEMANDE Une danse à trois temps, débutant sur le troisième, et de caractère populaire, ancêtre de la valse ; connue depuis 1575, elle dérive probablement du branle qui se développa alors dans les pays germaniques, à l'époque où la pavane tombe en désuétude. Le premier mouvement à danser des Suites de Jean-Sébastien Bach et de la suite française en général. Un rythme de 4/4 retenu et lent, et une riche ornementation vaguement pompeuse. Cette expression académique revient au XVIII" siècle, avant de disparaître après 1750, pour désigner des danses dans le style de la valse, en 3/4 ou 3/8 : cf. LES BAGATELLES opus 119 de Beethoven, dites « à l'allemande ». Rien à voir avec l'« allemandler » ou « alewander », danse suisse, sorte de valse rapide, dont Haydn et Beethoven com- posèrent certaines pièces restées au répertoire. Les six alle- mandes pour virginal de William Byrd. Le rock allemand est généralement appelé le krautrock, c'est-à-dire le « rock choucroute » ; cette musique alle- mande est, à compter des années 1970, généralement un rock expérimental : celui des groupes Can, Amon Duul II, Faust (qui inspireront en 1995 au rocker new wave anglais Julian Cope le livre KRAUTROCKSAMPLER : ONE' S HEAD GUIDE TO THE GREAT KOSMISCHE MUSIC 1968 ONWARDS) ; ou un rock planant : Tangerine Dream, Klaus Schulze ; « électronique » : Can, Neu, Kraftwerk. L'adjectif est éga- lement synonyme de musique contemporaine (Stockhau- sen), de hard rock (Scorpions), de « thrash metal » (Accu- ser) ou de techno, véritable musique de la réunification des deux Allemagnes. Voir Branle, Minnesanger, Pavane, Planante, Romantique, Suite.

ALPESTRE OU alpine. Une tradition suisse transnationale que l'on retrouve dans THE ALPS (chez World Network/ Harmonia Mundi) et dans la SYMPHONIE ALPESTRE de Richard Strauss.

ALSACIENNE Un folk puissant, plein d'humour, rénové dans les années 1970 par Roger Siffert ; celui-ci a littérale- ment dépoussiéré la chanson populaire alsacienne dialec- tale ; tandis que le groupe Géranium arrangeait à son goût ses interprétations des morceaux traditionnels de la Vallée, de la Forêt et de la Montagne.

ALTERNATIF C' était un putain de mouvement, spon- tané, merveilleux. Il y a eu de grands moments, comme le concert des Bérus au Zénith, mais tout a été gâché par des querelles de clochers à la con. Dès que ça a commencé à marcher, c'était : "Qui est le parrain de tout ça, qui ne l'est pas ?" Ridicule » (Mano Chao aux INROCKUPTIBLES, 1994). A désigné, en France, le courant de rock marginal de la seconde moitié des années 1980, qui conteste le rock officiel, devenu commercial et de plus en plus banal. Des myriades de groupes « post-punk » décomplexés, en réaction contre l'immobilisme ambiant, comme les Porte-Mentaux, OTH, Ludwig Von 88, Thugs, Chihuaha, VRP, Wampas, Satellites, Washington Dead Cats et Oberkampf, inspirés des Anglais Clash ; ou de trash musette, les Nouveaux Fous Chantants des années 1980-1990 ou Mad in . A induit la néo- chanson des VRP proches des Frères Jacques ou des Nones Troppo. Ses figures principales restent historiquement les Béruriers Noirs, la Mano Negra, les Garçons Bouchers et les Négres- ses Vertes avec Helno (Noël en verlan), leur défunt Johnny Gavroche. « On a fait le mouvement alternatif, il n'existe plus, c'est normal qu'on disparaisse avec lui » (les Béruriers Noirs à BEST).

ALTERNATIF (suite) Le rock américain traumatisé du Californien incontrôlable de la fin des années 1960 Captain Beefheart, de ses enfants Pere Ubu (et de son leader David Thomas), ou encore celui de la vague punk new-yorkaise où l'on retrouve pêle-mêle Blondie, Television et Talking Heads, etc. Voir Fusion, Hardcore, Métal.

ALTERNATIVE Par opposition au courant majeur d'un style, d'une vogue, d'une mode, dit mainstream. Lorsque les journalistes, les marchands de la musique enre- gistrée ou les maisons de disques ne savent où et comment classer une musique libre, originale, sans référence, celle-ci devient immédiatement une « musique alternative » ou « underground ». Industrie et médiatisation obligent ! Voir Mainstream.

ALTERNATIVE BEATS Des accents et des rythmes « alter- natifs » à la croisée du hip-hop, de la house, du dub et du jazz ; on les retrouve dans les compilations 1994-1995 DOPE ON PLASTIC, vol. 1 et 2 (chez React/Média 7), qui fleurent bon la techno spatiale, le « jazzy » trip-hop et des compo- sitions bricolées dans une joyeuse ambiance de « fun » et d'éclaté. AMBIENT «L'ambient n'est qu'un des possibles sur J3]ji l'immense palette de la "house" » (Steve Hillage). ,, B L'« ambiance » est le versant atmosphérique, « hippie » ou « post-hippie » de la techno, un mot inventé en 1978 par le producteur et musicien anglais Brian Eno. Le choc frontal entre battements électroniques, pulsations hypnotiques et voluptueuses nappes de synthétiseurs. Une caresse mentale et un style de musique d'ambiance « environnementale » avec un BPM (battement par minute) faible, en référence aux disques de Brian Eno, où la dance devient un voyage planétaire et, aux premières heures de l'aube, un exercice initiatique. A la fin des années 1980, le danseur de l'ambient part à la rencontre des hallucinations suggérées par les ondes positi- ves d'une musique de transe, où Philip Glass rencontre les Gamelans de Java, Pink Floyd, le manifeste new age KOYAA- NISQATSI, Tangerine Dream, la relaxation bio-marine, etc. Fluide et sans beat, cette musique est l'héritière de la musi- que électronique planante et expérimentale des années 1970, des néo-classiques américains John Hassel, Terry Riley, Philip Glass, La Monte Young, et des rockers euro- péens Tangerine Dream ou Pink Floyd. A l'origine, une détente après la fête, musique de repos et de méditation, de « chill out », devenue un style à part entière, où l'écoute l'emporte sur la danse pour explorer de nouvelles frontières musicales, en compagnie de fans de techno, de hip-hop, de rock ou de jazz. Cf. les compilations MACRO DUB INFECTION, vol. 1 ; AMBIENT DUB, vol. 4 ; JEL- LYFISH ; FREE ZONE 2 : VARIATIONS ON A CHILL, etc. Et un chef-d'œuvre de 1995, le TIMELESS de Goldie (deux CD, chez Barclay), qui combine angoisse urbaine survolant un champ de décombres musicaux (soul, symphonie, John Col- trane, « funskters » des années 1980) et une vision de rêve d'un ailleurs lisse, en gros, jouant à fond sur la dualité rythmique et harmonie ; des groupes fascinants comme The Orb, Future Sound of London, System Seven, le groupe des ex-Gong, Steve Hillage et Miquette Giraudy (777 SYSTEM 7.3 FIRE + WATER, disque Yin et Yang de 1995, chez Big Life Records). La compilation internationale FREE ZONE - THE PHENOMELOGY OF AMBIENT (chez Crammed/Columbia). Voir Ethno-ambient, New age, Planante, Psychédélique, Rock progressif.

AMBIENT DUB Une collision urbaine et anglaise des années 1990 entre dub jamaïcain et « ambient house » ; on la retrouve, inventive, dans les compilations, certains remixes de Saint-Étienne et de Banco de Gaia, et les pro- ductions des Rockers Hi-Fi de Birmingham (ROCKERS TO ROCKERS, chez Island/Barclay). Voir Ambient, Dub.

AMBIENT JUNGLE Titre d'une compilation d'ARTCORE (chez React), qui s'achève en beauté dans le feu d'artifice final d'AMENITRY de Link ; cette jungle cherche à (re-) trouver la route de l'exotisme et du dépaysement.

AMBIENT WORLD Entre l'ambient et la world, un métissage tout en couleurs et en exotisme bon marché : cf. les INTERNATIONAL TIMES de Transglobal Underground, chez Sony Music, qui visent le « trip », le voyage horizontal et vertical, le dépaysement absolu, coûte que coûte. Voir Ambient, World music.

AMBROSIENNE Une école de chants liturgiques encore en usage à la cathédrale de Milan, en Italie ; du nom de saint Ambroise (340-397), évêque de Milan ; parfois encore appe- lée « chant milanais ». Cette tradition du VE siècle représen- pillll terait un corpus de chants plus anciens que le grégorien, caractérisés par des mélismes, des glissements de notes et �é B des ornementations plus prononcées (en hoquets) que dans le grégorien ; les héritiers probables du chant antiphonique ramené de Constantinople par Ambroise, et, par extension, un style d'hymnes indéniablement influencés par l'Orient. LES CANTIQUES D'ORIENT, par sœur Marie Keyrouz (chez Harmonia Mundi). Dans un autre style, Bert Ambrose fut l'un des meilleurs chefs d'orchestre anglais des années 1930-1940. Voir Grégorien, Monodie, Swing.

AMERICONGA En 1940, le populaire Arthur Murray rapproche, pour la plus grande joie des danseurs américains, la latine conga et le « Virginia reel » du monde celtique. Une curiosité éphémère des fils et des filles de l'Amérique du Nord qui ont déjà un pied dans la Seconde Guerre mon- diale, mais gardent encore l'autre pour danser. Voir Reel.

AMÉRINDIENNE « Aux États-Unis, sur près de 300 mil- lions d'habitants, il n'y a plus que 2,5 millions d'Indiens » (Robbie Robertson, ex-Band, 1995). « Il y a une chanson en tout », avaient coutume de dire les 500 nations indiennes qui, de la côte Ouest à la côte Est, peuplaient le continent nord-américain avant l'arrivée des Européens, en particulier des « conquistadors » espagnols. Un héritage millénaire en plus de 300 langues, pratiquement disparu ; des traditions sacrées ou profanes qui nous parlent d'un monde de Peaux-Rouges, heureux de vivre dans le jardin américain, « l'endroit du monde le plus parfait ». Des musiques traditionnelles sacrées ou cérémoniales, pour invo- quer la Terre, le Feu et le Ciel, héritées de l'ancienne civi- lisation du Mississippi, de celle des Grandes Plaines ou des Mayas ; des chansons profanes personnelles pour célébrer l'amour, la chance et les animaux ; des airs à danser comme les célèbres « ghost », ces « danses des esprits » interdites par les Blancs, ou de « Pow-wow », enregistrées par les ethnomusicologues dans les années 1920. Une pasionaria des années 1960, la Cree Buffy Sainte-Marie, revenue sur la scène mondiale après quatorze ans de silence en 1995 ; deux groupes « rock » : Xit et Red Bone ; et quel- ques grands poètes-chanteurs tolérés par l'industrie musi- cale : John Trudell, Ben Harper, et l'Iroquois canadien Neil Young, qui incarnent aux yeux du grand public une identité musicale peau-rouge. Redevenue d'actualité avec le succès du film de Kevin Cost- ner DANSE AVEC LES LOUPS, puis INDIENS SACRED SPIRIT (chez Virgin), numéro un des ventes françaises de l'été 1995 (dont on retrouve les enregistrements originaux chez New World Records/Média 7), et la musique du métis Robbie Robertson (ex-Band), Music FROM THE NATIVE AMERICANS (chez EMI) pour la série télévisée du même nom. A parcourir les relectures-expériences de Tony Hymas et Barney Bush (REMAKE OF THE AMERICAN DREAM et LEFT FOR DEAD, chez Nato). Voir Indienne (peau-rouge).

AMOUR COURTOIS La « cortoisie » (selon l'orthogra- phe médiévale), l'idée de l'amour courtois, de l'amour che- valeresque du xir siècle, a inspiré quelques grands courants musicaux du Moyen Age : les chants courtois des trouvères, troubadours, jongleurs, Minnesânger, « cantigas de Santa Maria », ou Carmina Burana. Consulter la compilation LE TEMPS DE L'AMOUR COURTOIS (chez Harmonia Mundi). Voir Cantigas, Chanson courtoise, Chinoise, Médiévale, Minnesanger, Trobar, Troubadours, Trouvères.

AN DRO Une danse populaire bretonne du pays vanne- tais. Voir Bretonne.

ANCIENNE « Le grand public n'aime que la musique ancienne, c'est-à-dire antérieure à Debussy » (Gustav Leon- hardt). En anglais early music, « alte musik » en allemand. Après avoir désigné un temps la musique baroque, « musique ancienne » qualifie aujourd'hui, dans une définition un peu lâche, la musique « pré-classique » et « pré-baroque », c'est- à-dire les musiques européennes pré-médiévales, médiévales et de la Renaissance, soit au sens large près de huit siècles de musiques, de celles des pèlerins du Moyen Age aux « lamenti barrochi » et aux madrigaux spirituels de Roland de Lassus. Comme la musique « baroque », la musique ancienne a été redécouverte, en particulier en Europe, dans les années 1980, et elle est devenue un genre majeur de la musique classique populaire. Quelques grands festivals français à Saintes, Beaune, Dieppe. Consulter le florilège TRÉSORS D'ARCHIV (chez Archiv Produktion), et les parutions Naxos. Voir Baroque, Early music, Médiévale.

ANDALOUE Ou encore andalouse. La musique fla- menca et toutes celles des Andalous du sud de l'Espagne. Également celles des Arabes chassés vers l'Afrique du Nord au moment de la « Reconquista ». Jouées encore aujourd'hui, par exemple, par l'orchestre andalou de Tétouan (avec ses voix de haute-contre : CHEMS LAACHIE, chez Sonodisc) et le Gitan Juan Pena Lebrijano (son furieux cante jondo : ENCUENTROS, chez Worlwide). La suite-fusion SUITE ANDALOUSE de Pedro Soler et Renaud Garcia-Fons (chez AI). Voir Arabo-andalouse, Cachucha, Espagnole, , Gitane, Tzigane.

ANDINE Il devient rare de pouvoir entendre la véritable musique andine précolombienne authentique. Le recueil de l'Unesco SYRINX DE LA BOLIVIE nous le permet à un triangle près : une curiosité particulière, la danse paysanne « que- chua » exécutée par des flûtes de pan « antara » et des tam- bours « wankara ». Voir Bolivienne, Péruvienne.

ANGLAISE Une danse des xvir et XVIIIe siècles. Terme ensuite utilisé pour désigner la danse dite écossaise. Voir Écossaise.

ANGLICANE L' Église anglicane développe au xvr siècle un style de chant qui éclate de l'autre côté de la Manche dans les partitions vocales et autres cantiques ; dérivé des accents des psaumes de la liturgie catholique, ce chant consiste en une récitation sur une note, avec des caractéris- tiques de cadence.

ANTHEM Littéralement : « antienne ». Équivalent de l'hymne, une composition chorale, généralement accompa- gnée à l'orgue, que l'on retrouve dans le chant grégorien. Dans l'office anglican, elle est obligatoirement donnée après le sermon, pendant l'offertoire ; on distingue les verse anthems, en solo, et les full anthems, comme le SALVE REGINA de Hermannus Contractus (1013-1054) (dans SACRED AND SECULAR MUSIC FROM SIX CENTURIES par The Hilliard Ensemble, chez Hyperion). Elle se développe au xvr siècle pour concurrencer le motet des catholiques. Cette forme a grandement inspiré les Anglais William Byrd, John Blow (compositeur d'une centaine d'« anthems »), Henry Purcell (ses ANTHEMS, chez Harmonia Mundi : une soixan- taine) et G. F. Haendel, ou encore, au xixe siècle, le méconnu Samuel Sebastian Wesley. Voir Antienne, Full anthems, Grégorien, Verse anthems.

ANTIENNE Un verset chanté en partie ou en entier avant un psaume liturgique ou un cantique et répété ensuite. Éga- lement un hymne chanté en complies en l'honneur de la Vierge. LES ANTIENNES « 0 » DE L'AVENT, de Marc-Antoine Charpentier, par les Arts Florissants (chez Harmonia Mundi), grandes antiennes qui espèrent la venue du Messie. Par extension, on appelle « chant antiphonaire » un chant alterné entre deux groupes de chanteurs. Voir Anthem.

ANTILLAISE « Comme tout ce qui est antillais, notre musique est hybride » (Jacob Desvarieux, fondateur du groupe Kassav). « Tout Antillais qui se respecte a le rythme dans la peau. Nous avons tous une expérience intuitive de la musique. Ça n'a rien d'académique » (Jean-Michel Mauriello, du catalo- gue discographique Hibiscus). Comme leurs voisines, les Antilles françaises proposent à notre curiosité continentale des styles traditionnels et des modes modernes mélangés par les groupes « tout-fusion » actuels guadeloupéens et martiniquais. Palaviré ou encore Kwak rapprochent dans une sauce épicée, chaude et insou- ciante tous les genres des Caraïbes : zouk, compas haïtien, salsa et biguine, sans oublier le raggamuffin en créole du groupe VIP, ou les anciennes danses merengue, , « tumbele » et autres cha-cha. Ses institutions sont les groupes Kassav, créateur du « zouk », Dédé Saint-Prix et Malavoi et ses violons, l'anti-Kassav qui a contribué à l'électrification de la musi- que des îles. Les stéréotypes musicaux « tipik » et « dou- douistes », conformes à une vision touristique des Antilles, révèlent la spécificité dont rêvait le poète Aimé Césaire. Mais ils ne doivent pas cacher les vingt-huit rythmes des tambours martiniquais et guadeloupéens, leurs « tam- bouyers », et des accents caractéristiques, nés dans l'atmo- sphère des « vidés » (les processions), des carnavals, fêtes de famille et veillées, dont le charme et la sensualité ont touché tous les styles de musique : la BOSSA ANTIGUA du jazzman cool Paul Desmond avec Jim Hall (chez BMG), le coffret LA FÊTE ANTILLAISE (BIGUINES, COMPAS, ZOUK, VALSES CRÉOLES) (chez Ethnokolor), et les compilations ANTILLES, vol. 1 et 2 (chez Arion). Voir Bel air, Biguine, Calypso, Chica, Chouval bwa, Com- pas, Créole, Guadeloupéenne, Gwoka, Makossa, Martini- quaise, Zouk.

ANTILLAISE (suite) Les Antilles néerlandaises, encore appelées de façon plus exotique îles sous le Vent, ont pour nom Aruba, Bonaire et Curaçao. Leur musique créole jux- tapose éléments africains, néerlandais et espagnols (depuis 1498), et leurs orchestres « tpika » ne sont guère éloignés des musiques latino-américaines. La compilation ARUBA-BONAIRE-CURAÇAO, MUSIQUE POPU- LAIRE (au Centre ethnomusicologique Pélul-Collar, Musée royal de l'Afrique centrale, Belgique). ANTIPHONIQUE D'antiphonaire (ou encore « antipho- nier »), le livre d'église contenant le chant noté des offices chrétiens. Des chants anciens, où deux chœurs se répondent, découverts par saint Jean Chrysostome à Antioche et intro- duits par lui dans la liturgie byzantine orthodoxe de Constantinople au rve siècle. Parmi ceux à la Vierge Marie, le SALVE REGINA. Voir Byzantine, Graduel, Sacrée.

APPOLO Les bals maliens des campagnes. Voir Malienne.

ARABE Oum Kalsoum, Fayrouz, Warda, le raï, la nouba, la jeel, le malouf et autres arabesk partagent aujourd'hui la scène musicale moderne du monde arabe, avec, en arrière- plan, la musique traditionnelle savante. Sous ses formes pro- fanes et religieuses, une géographie importante de la musi- que du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. On distingue généralement la période pré-islamique tribale, l'école des chanteuses-servantes-musiciennes, les ancestra- les « Qaïnas », et la tradition musicale de la « djahiliya » (ses chants de deuil, d'amour et de guerre) ; et les grands moments musicaux de la rénovation opérée à Bagdad à compter de 820, puis à Cordoue jusqu'en 1492. Depuis le xixe siècle et la fin de la domination turque, on retient cinq grands styles arabes classiques savants : ceux d'Irak, d'Égypte, de Syrie, de l'Afrique du Nord et de la péninsule arabique, marqués par le tarab, le plaisir lié à la musique. Leur formule rythmique, appelée « ouasn » (littéralement : « mesure »), est également connue sous le nom d'« ousoul » ou « darb » ; le système arabe comporte quelque cent « ouasns ». L'art musical arabe a donné naissance à d'innombrables traités et ouvrages sur le système tonal, dont la plupart furent composés entre les IXe et xme siècles. Voir Algérienne, Arabo-andalouse, Bédoui, Bédouine, Chaâbi, Égyptienne, Irakienne, Iranienne, Libanaise, Maqam, Marocaine, Raï, Tarab, Tunisienne.

ARABESQUE « Les primitifs, Palestrina, Orlando di Lasso, etc., se servirent de cette divine arabesque. Ils en trouvèrent le principe dans les chants grégoriens et en étayè- rent les frêles entrelacs par de résistants contrepoints » (Claude Debussy, LA REVUE BLANCHE, 1901). Dans l'architecture arabe, désigne habituellement une orne- mentation. Chez Robert Schumann, Claude Debussy et quel- ques autres compositeurs classiques occidentaux, le titre de certaines pièces pour piano à considérer, dit le DICTIONNAIRE DE MUSIQUE DE HARVARD, comme de « belles décorations » ; elles sont souvent des pièces assez libres, capricieuses et chéries par leurs auteurs comme LES DEUX ARABESQUES de Claude Debussy.

ARABESQUE/ARABESK (suite) Depuis le début des années 1970, l'«arabesk» est la forme musicale la plus populaire en Turquie ; elle mêle musique égyptienne pop et folklore populaire anatolien électriquement rénové. Depuis 1988, de son côté, l'Égypte propose, loin des clichés et des cartes postales sonores, l'« arabesk jazz funk » du groupe Sharqiyat (littéralement : « Orientales »), dont la dizaine de musiciens tricote musiques égyptiennes, syrien- nes, iraniennes et occidentales (pop, jazz, funk) ; en 1995, Rachi Taha s'envole sur ses arabesks arabo-andalouses techno dans OLE OLE (chez Barclay). Voir Égyptienne, Turque. ARABO-ANDALOUSE A l'origine, l'alliance entre la piBjj culture musicale arabe (celle des « makames » iraniens B adoptés par la culture arabe sous le nom de maqams), la musique nord-africaine d'origine berbère (de caractère pen- tatonique) et la culture espagnole, andalouse ; ce rapproche- ment harmonieux fait suite à la conquête par les Arabes de l'Afrique du Nord et du sud de l'Espagne. Les pays du Maghreb ont, par la suite, progressivement bâti un ensemble de traditions musicales appelées « musiques arabo-andalouses », héritées de leurs liens avec les royaumes d'Andalousie, puis de l'apport culturel des Arabes et des juifs fuyant l'Espagne après la « Reconquista », la Recon- quête de 1492. Un ensemble de traditions historiques des juifs séfardim, de poèmes en arabe classique et d'une musique dont les styles varient sensiblement de la Libye au Maroc. Le Maroc, le pays le plus proche de cette tradition, a développé un réper- toire national dans quelques-unes de ses capitales musica- les : Fès, Tétouan, Chechaouen. Et, depuis le xixe siècle, les villes de Rabat et d'Oujda ont à leur tour produit un autre répertoire arabo-andalou appelé « at-tarab al-gharnâtî », en hommage à la ville de Grenade, le dernier bastion arabe de l'Andalousie. Des genres communs, comme la suite instrumentale et vocale dite nouba, ou le poème chanté arabo-andalou, mouachchah, né au xe siècle, sont très différents au Ma- ghreb et au Proche-Orient. La ville d'Alep, en Syrie, en revendique la paternité, alors qu'il fleurissait probablement déjà dans les cours de Cordoue, Grenade et Séville. Il y a aussi la déploration poétique, le mawal, par opposition à la qasidah, l'ancienne poésie rigide évacuée de la « nouba », sauf en Tunisie. Une grande interprète : Reinette, l'Oranaise qui chante les haouzi dialectaux du XVIIIe siècle. En 1985, Juan Pena Lebri- jano et l'Orquesta Andalusi de Tanger nous proposent une fusion séculaire réactualisée où voix espagnoles et cordes marocaines se retrouvent dans un duo saisissant (chez Scalen Disc). Et dix ans plus tard, Habib Guerroumi, pourtant ama- teur de lourdes orchestrations, tente avec succès l'explora- tion en solo, seul au luth, d'un genre d'avant l'Inquisition (chez Playasound/Auvidis). Fin 1995, l'ex-Carte de Séjour Rachid Taha la recycle en techno et « arabo-transe » dans le brillant OLE OLE (produit par Steve Hillage, chez Barclay). Les compilations L'ANTHOLOGIE AL-ALA/MUSIQUE ANDA- LUCI-MAROCAINE (Auvidis) et la série ANTHOLOGIE DE LA MUSIQUE ARABO-ANDALOUSE (chez Ocora-Radio France). Voir Arabe, Haouzi, Marocaine, Nouba, Sépharade, Transe.

ARAGONAISE Voir Jota.

ARGENTINE « Don't cry for me Argentina » [ne pleure pas pour moi, Argentine], air de la comédie musicale EVITA, de Tim Rice et Andrew Lloyd-Weber (sur la vie d'Evita Peron [1919-1952], la femme de l'ancien dictateur), chantée par Julie Covington en 1976, est devenu l'hymne officieux du pays de l'extrême Amérique du Sud. Sait-on que la patrie de la viande de bœuf, d'Astor Piazzola et du tango (« ce reptile de lupanar », disait l'écrivain Jorge Luis Borges) nous propose une formidable géographie musi- cale ? Le rock métissé de Rodolfito Paez, la grande star d'Amérique latine découverte en France en 1995, entre jazz, rock, folklore argentin et tango, dans une musique urbaine où le rock, « trop mode, trop narcissique », n'est plus essen- tiel ; le chamané de Raul Barboza, la musique de Parana (chez Ocora-Harmonia Mundi), entre polka, valse et accents afro-indiens ; la voix de Susana Rinaldi, référence populaire fpflRf pleine de ferveur, et celle, contestataire, d'Atahualpa Yupan- B qui ; sans oublier l'institution du Quarteto Cedron, entre musique populaire et tango, et les rockers dingues et mange- tout des Todos Tus Muertos (DALE ABORIGEN, chez Mélo- die), les percussions de Minino Garay et la fièvre des légen- daires pianistes classiques Martha Argerich, Miguel Angel Estrella et Daniel Barenboïm. A l'autre extrême de la société argentine, l'Indien solitaire, Una Ramos, nous offre une initiation à la culture aborigène et à ses musiques tritoniques du Nord-Ouest, recueillies par l'Unesco depuis 1991, et le compositeur classique Alberto Ginastera (1916-1983) s'inspire du folklore national qu'il traite dans un style « moderne » proche de celui de Béla BartÓk. Voyagez avec les compilations historiques des chansons d'amour locales : CANTAN CANCIONES DE AMOR, vol. 1 et 2 (chez Planet), LAS CANCIONES DEL TANGO ARGENTINO (chez Milan/BMG), et les TANGOS ARGENTINOS (chez Music Memoria), FLÛTES, GUITARES ET CHANTS D'ARGENTINE par les Calchakis (chez Arion). Voir Aborigène, Chamané, Tango, Zamba.

ARMÉNIENNE Entre Caucase et Méditerranée, Orient et Occident, l'Arménie est, pour certains scientifiques, le ber- ceau de l'Humanité ; persécutée depuis soixante-quinze ans, c'est la première nation à avoir adopté officiellement le christianisme au VE siècle ; la plus ancienne musique reli- gieuse écrite au monde est marquée par une liturgie ortho- doxe ni « grecque », ni « russe », exportée par une diaspora fidèle : THE MUSIC OF ARMENIA (chez Celestial Harmonies), les CHANTS LITURGIQUES DU MOYEN AGE ET MUSIQUE INSTRU- MENTALE (chez Ocora), ou ceux de la COMMUNAUTÉ MÉKHI- TARISTE ARMÉNIENNE DE VENISE/CHANTS POUR LE CARÊME ET LES FÊTES DE PÂQUES (à l'Unesco), ou encore, dans un regis- tre moins sérieux, les CHANTS TRADITIONNELS ARMÉNIENS par Seda Aznavour (chez Tréma), sans oublier le répertoire de son frère Charles qui a marqué le public anglophone, Bob Dylan en particulier. Le classique Aram Katchaturian est célèbre pour sa fou- gueuse DANSE DU SABRE, reprise par le groupe de rock pro- gressif anglais The Nice. Une éblouissante tradition de « duduk », ce hautbois plaintif joué par Djivaan Gasparian (« artiste du peuple de la République d'Arménie », chez Land Records), et par Yeghish Manoukian (Manoukian, Mouradian, Bartikian, SOURCES, vol. 1, chez Buda).

ARS ANTIQUA Littéralement : « savoir-faire ancien ». Désigne la musique occidentale des xne et xnr siècles par opposition à l'ars nova du XIVe. L'« art ancien » est dominé par les deux grandes figures connues de l'École dite « de Notre-Dame » de Paris, Pérotin et Léonin, qui composèrent dans les deux styles. Ces deux maîtres écrivirent organum (pluriel : « organa »), conduits et clausulae, qui vont bientôt donner le motet médiéval. Le style de l'« ars antiqua » est caractérisé par une écriture à la métrique régulière pour trois et quatre voix. Ce déve- loppement de la polyphonie, qui n'exclut pas une vogue pour la chanson monophonique, gagnera l'Espagne, l'Angle- terre et l'Italie. Consulter la compilation LES PREMIÈRES POLYPHONIES (chez Harmonia Mundi), qui nous éclaire sur le style du haut Moyen Age et nous conduit en Aquitaine, à Paris, à Mont- pellier et même dans l'Angleterre du xnr siècle. Voir Ars nova, Cantigas, Conduit, Minnesanger, Motet, Organum, Polyphonie, Troubadours, Trouvères. ARS NOVA L'Ile-de-France, berceau de l'art gothique, voit au cours du xne siècle naître l'« art nouveau » ; la poly- 1 "lâ� a phonie commence à s'y exprimer dans un jeu de voix har- monieux qui conditionnera toute la musique occidentale à venir. Pérotin et Guillaume de Machault, dans sa MESSE DE NOTRE-DAME, fixent les canons d'un genre vertical et sévère qui s'adoucira au contact des cours et églises européennes, en particulier italiennes. Josquin des Prés, le « prince des musiciens », forgera bientôt l'apogée de la « polyphonie médiévale » en un style qui tendra à devenir luxuriant et suave. Une révolution en son temps, où des musiciens en route vers le raffinement transposent leurs trouvailles, voca- les en particulier, instrumentales aussi, et vont, d'un château l'autre, d'une cour de château fort à une abbaye, faire décou- vrir l'« art nouveau ». Quelques grandes pièces à explorer : le satirique et gaillard ROMAN DE FAUVEL, sur les cours des rois et des papes, la MESSE DE TOURNAI (« la plus ancienne polyphonique com- plète qui nous soit parvenue », dixit le musicologue et chef de chœur Marcel Pérès), et toutes sortes de styles et genres en mouvement, comme l'« estampi(ll)e » anonyme, le motet (à cinq voix de Roland de Lassus), les « rondeau » et « bal- lade », la musique courtoise et sacrée, etc. Une étape capitale de l'histoire de la musique occidentale, incarnée par Guillaume de Machault, que certains diction- naires et autres précis considèrent comme le premier vrai chapitre de notre tradition musicale. La musicologie mo- derne assimile l'« ars nova » à l'ensemble de la production musicale française et italienne du xive siècle. Titre d'un célèbre traité de musique du compositeur et théo- ricien Philippe de Vitry, écrit vers 1320-1325, fondement de la révolution musicale qui s'opère alors en France en aban- donnant les vieux modes rythmiques. La compilation LE SIÈCLE DE L'ARS NOVA (chez Harmonia Mundi) nous entraîne en Angleterre, en Italie et dans les Flandres. Redécouverte par les amateurs de musique planante et de « space rock » des années 1970-1980, et par les nouvelles générations au moment de l'explosion de la musique ancienne et baroque. Également le nom d'un groupe de rock new-yorkais connu pour sa PAVANE FOR My LADY de 1967. Voir Ars antiqua, Ars subtilior, Chorale, École de Notre- Dame, Médiévale, Polyphonie.

ARS SUBTILIOR Le sommet de la musique occidentale médiévale ? A la fin du XIVe, au début du xve siècle, cette surenchère formelle propose, dans la lignée de l'« ars nova », un feu d'artifice final et une écriture virtuose, où le mélisme écrase tout. Le Moyen Age s'efface devant la Renaissance, l'immense Guillaume Dufay s'impose et les riches heures de la chapelle de Bourgogne font rêver l'Europe du milieu du xve siècle. Consulter la compilation LE SIÈCLE DE L'ARS NOVA du coffret LES TRÈs RICHES HEURES DU MOYEN AGE (chez Harmonia Mundi), et le D'AMOR RAGIONDO, par le groupe italo-américain Mala Punica (chez Arcana).

ARTCORE Une fusion épileptique de techno et d'énor- mes bases dub, une avant-garde jungle du milieu des années 1990, qui expose ses angoisses urbaines et modernes dans les ETERNAL AFFAIRS de Goldie.

ARTY Les courants « artistiques » des musiques populai- res anglo-américaines. Des accents intellos, des références culturelles, artistiques, d'où leur nom. Leurs concepteurs officient souvent dans le rock progressif - Pink Floyd, Soft Machine, les Talking Heads, David Bowie, Brian Eno -, ou : A dans le jazz et l'acid jazz. B

ASIE CENTRALE (d') Des traditions mystérieuses de jou- tes oratoires, de chant « diphonique » (deux voix pour un seul chanteur), de poèmes épiques, d'épopées, de romances et de chroniques de régions à peine connues, entre la chaîne de l'Oural et le désert de Gobi, des solistes et des formations kirghizes, ouzbèkes, tadjikes, turkmènes, kalmoukes et tou- vines. Une culture en kurde, persan, turc, de bardes- chamanes du Turkestan, Ouzbékistan et Khorasan, maîtres du luth « dôtar », venue jusqu'à nous, au Théâtre de la Ville à Paris, en 1996. La pièce de Borodine DANS LES STEPPES DE L'ASIE CENTRALE. En Sibérie, en Asie septentrionale, la population indigène, de race mongole, est peu nombreuse : Tchoutches, Toun- gouses, Ostiaks, Tartars, Kirghizs et Yakoutes, connus pour leur tradition de guimbarde « khomous » et de chants d'invo- cation et de guérison chamaniques. Retrouver la transe sibé- rienne des origines dans BUURA IN VOICES FROM DISTANT STEPPE (chez Realworld/Virgin). Voir Touvine.

ASTURIES (des) Une région rude et préservée du nord- ouest de l'Espagne. Un particularisme sourcilleux et des traditions simples de chants de femmes ; ces « muyeres », découvertes au Festival Interceltique de 1995, proposent des spécificités locales des grandes danses et genres populaires espagnols, comme celle du fandango. Voir Espagnole.

ATLANTIC Un catalogue discographique d'outre- Atlantique, créé vers 1948 par un jeune désœuvré, fils de l'ambassadeur de Turquie à Washington, Ahmet Ertegun, et son frère Nesuhi. Un rôle déterminant dans l'histoire du rhythm and blues américain, puisqu'il a révélé Ray Char- les, LaVern Baker, Ruth Brown dans les années 1950 ; puis, dans la décennie suivante, Otis Redding, Wilson Pickett, Aretha Franklin ; également spécialisé dans le rock (Led Zeppelin, Crosby, Stills, Nash & Young, AC/DC) et dans le jazz (en stéréo) : le Modern Jazz Quartet, Thelonious Monk, Omette Coleman, John Coltrane, Charlie Mingus, Billy Cob- ham, Jean-Luc Ponty ; dans le rap : Dr Dre ; la disco : Chic ; et la country : Confederate Railroad. Avec Tamla Motown et Stax, une influence décisive sur la reconnaissance des musiques afro-américaines. Voir Stax sound, Tamla.

Au BADE Une musique belle et calme du matin, par oppo- sition à la sérénade du soir ; le pendant de l'« alba », le chant blanc, le chant d'aube du Moyen Age, idyllique et serein. Voir Sérénade.

AUJAKO Voir Soudanaise.

AUSTRALIENNE Voir Aborigène, Salomon.

AUVERGNATE Le cœur de la France, aujourd'hui méconnu, recèle chansons et musiques multiples, campa- gnardes et paysannes pour la plupart ; celles-ci ont été en vogue dans tout l'Hexagone jusqu'à la Première Guerre mondiale. Depuis les années 1950 et la révolution rock, elles tentent de se maintenir, malgré leur connotation désuète. L'ancienne Arverne propose en particulier des musiques avec vielle et « cabrette », accordéon, batterie de cirque et orgue électrique minimal ; airs à danser les scottish- f A auverpines, bourrées, piquées et gigues (LA GIGUE illlï DE LA FILLE DU MEUNIER QUI N'Y TENAIT GUÈRE !). Un recueil historique passé dans l'Histoire, LES CHANTS D'AUVERGNE, collectés et arrangés par le classique ardéchois Joseph Can- teloube (BAILERO, LE PÂTRE), où l'on retrouve la « pastou- relle » et la fidèle « bourrée ». Les bals auvergnats, si populaires dans le Paris ouvrier et artisan des xix' et xxe siècles, sont, après la Seconde Guerre mondiale, supplantés par le musette et le swing musette. Et la « Petite Auvergne » du quartier de la Bastille se laisse gagner par l'accordéon des immigrés italiens. Une tradition aujourd'hui perpétuée par le groupe la Gigue Auvergnate, ou par la « cabrette » sensible et virtuose de Michel Esbelin, l'Auvergnat de Paris (LES BRAYAUDS : MUSI- QUES DE BASSE AUVERGNE, chez Ocora/Harmonia Mundi). Voir Bourrée, Musette, Swing musette.

AVANT-GARDE « Tant qu'il y aura friction entre l'indi- viduel et le collectif, il y aura des avant-gardes » (David Bowie, septembre 1995). Cette opinion de l'électron libre du rock et de la pop rejoint tout à fait celle du chef d'orchestre jazz Duke Ellington qui préférait, lui aussi, le terme « individualiste ». Quant à John Coltrane, l'« Icare du jazz », disparu en 1967, il ajoutait : « L'histoire montre, on dirait, que l'innovateur est traité plus souvent qu'à son tour avec mépris. Il est rejeté, hors-la-loi, sous-homme. Le changement est si dur à admettre ! Souvent il endure une énorme tragédie personnelle dans sa vie... » Un concept passionné cherchant le bonheur musical dans l'audace, l'innovation, comme le London Jazz Composers Orchestra (ODE, chez Intakt/Orkhêstra) des années 1970, ou le Kronos Quartet qui mêle aujourd'hui les archets, les sty- les, les écoles diverses et les provenances géographiques (les Beatles, John Cage, Arvo Part et Charles Ives, Samuel Bar- ber, Jimi Hendrix et Arnold Schonberg). Ce qui n'exclut pas les avant-gardismes officiels, d'État ou de l'industrie. Désigne généralement la seconde École de Vienne (Schon- berg, Berg et Webern), atonale, alors qu'à la même époque, dans la première moitié du xxe siècle, Igor Stravinsky, Jana- cek, Jean Sibelius, Michael Tippett cherchaient les harmo- nies de l'avenir sans pour autant renoncer à la tonalité néo- classique. L'album THE AVANT-GARDE est un disque historique de John Coltrane et Don Cherry, enregistré en juillet 1960, qui ne doit pas occulter la compilation AVANT GARDE (chez Atlantic Jazz) de 1986. Le mot de la fin est pour le musicien « free » Steve Lacy : « L'avant-garde, c'est quand les gens commen- cent à siffler... »

AVANT-GARAGE Désigne plus particulièrement le rock expérimental de la mythique formation de l'Ohio, Pere Ubu ; une production déstructurée héritière du légendaire Magic Band du Californien explosé Captain Beefheart des années 1960-1970, ce dernier continuant à marquer la scène anglo- américaine des « nineties ». Voir Avant-garde, Garage.

AVE MARIA «Je te salue Marie... » Une prière à la Vierge Marie en usage dans l'Église catholique romaine ; harmonisée, elle constitue l'une des pages les plus connues du chant grégorien le plus pur, le plus nu. Se reporter à l'enregistrement des années 1956-1957 des moines bénédic- tins espagnols de San Domingo de Silos, devenus vedettes des hit-parades mondiaux occidentaux dans les années 1990 (chez Jade/Harmonia Mundi). W " " ■w4" Un genre qui a inspiré Josquin des Prés, Nicolas Gombert au xve siècle, Johannes Ockeghem et tant d'autres musiciens, LB_ connus ou anonymes, du Moyen Age ou de la Renaissance. Quelques grands classiques : celui de Franz Schubert, le célébrissime AVE MARIA de Charles Gounod où il reprend le premier prélude de Jean-Sébastien Bach. Voir Grégorien.

AYRES Des chansons pour luth de la Renaissance anglaise. John Dowland, luthiste et chanteur, en a composé quatre livres où sa monodie accompagnée s'affirme remar- quablement en s'affranchissant de l'influence italienne ; Henry Lawes également.

AZERBAÏDJAN (d' ) Le « pays du feu vivant », contrée- carrefour, faisait rêver Shéhérazade ; il recèle effectivement une musique fascinante, savante et souvent très mélodique. Celle-ci éclate dans le genre mugam moderne : il est chanté par la voix nasale et tremblée du grand Alem Kassimov (le MUGAM D'AZERBAÏDJAN, vol. 1 et 2, chez Inédit W), par Bahram, Aqakhan Abdullaev, ou encore le trio Jabbâr Garyaghdu Oglu, célèbre dans tout le monde caucasien, et Saquiné Ismaïlova. Hâji Baba Huseynov est, pour sa part, considéré comme le dernier représentant du « mugam » azéri : il a ainsi préservé de l'oubli plus de trois cents gha- zals, à la fois raffinés et virils. Des virtuoses comme Mansourov, l'ancêtre joueur de « tar », soliste depuis 1930, créateur et improvisateur-né, ou encore le spectaculaire « Paganini oriental » Hâbil Aliev, grand maî- tre de la vièle kémentché à pique et de l'arabesque. A l'inverse, la pianiste-chanteuse-compositeur Aziza Mustafa- Zadeh, découverte en France en septembre 1995, mélange, après son père Vagif Mustafa Zadeh, avec sensualité jazz occidental post-bop et musiques locales (cf. DANCE OF FIRE, avec les jazzmen américains Al Di Meola et Stanley Clarke). Consulter LA MUSIQUE TRADITIONNELLE D'AZERBAÏDJAN (au Chant du Monde). Voir Ghazal, Mugam, Post-bop.

AZRIATE Les chants berbères des femmes libres et licen- cieuses des Aurès (Algérie), véritables bardes accompagnées de flûtes et de « bendirs », et plus récemment de synthéti- seurs. Une influence certaine dans la genèse du raï. L'album aux accents futuristes de Houria Aïchi, HAWA (chez Auvidis en 1993). Voir Algérienne, Berbère, Raï. B de bachata aN byzantine

BACHATA La musique dominicaine bénéficie, au milieu des années 1990, de la vogue des deux côtés de l'Atlantique de la musique latino. Mais elle reste à découvrir véritable- ment en France et en Europe. Voir Dominicaine.

BACHERAF Ou « bachraf ». Une forme instrumentale, le pendant turc de la musique andalouse, arabo-andalouse. Voir Arabo-andalouse, Turque.

BACKGROUND Littéralement : « arrière-fond ». Le fond musical d'accompagnement.

BADINERIE Encore appelée « badinage ». Un air de caractère joyeux, enlevé, mutin, comme LA BADINERIE de J.-S. Bach pour flûte et alto.

BAGAD Les fanfares bretonnes des rues du pays Breizh, avec bombardes, cornemuses, caisses claires et batteries. En 1995, le Bagad Briec fait sensation avec ses fusions gavottes/ sambas et autres suites celtiques inspirées des « pipebands » écossais (DALC'H DA NOZ, chez Arfolk/Coop Breizh). Voir Bretonne, Celte, Gavotte. BAGATELLE Pièce courte pour piano. Un terme utilisé d'abord et surtout par le classique romantique Ludwig von Beethoven au xixe siècle pour ces pièces pianistiques de la fin de sa vie de compositeur. Les BAGATELLES de Webern.

BAGGY Un son pop rétro des années 1960, revenu en odeur de sainteté au début des années 1990, cuisiné à Man- chester (« Madchester » England) par des groupes cherchant le plaisir du moment comme les Charlatans.

BAHIA Salvador de Bahia, la première capitale du Brésil, est l'une des grandes métropoles musicales des Amériques. Connue pour ses traditions de carnaval, de samba-reggae et de percussions inventives, visitées dans son album THE RHYTHM OF THE SAINTS par le folk-rocker américain Paul Simon (chez WEA) et son Folklorique qui explore ses racines africaines à travers le candomblé et les choré- graphies capoeiras. En 1996, le percussionniste Antonio Carlos Santos Freita, alias Carlinhos Brown, se définit comme un « post-tropicaliste » et propose une fusion inouïe dans ALAFAGAMABETIZADO (chez Delabel/Virgin) entre Grèce antique et Brésil mystérieux. Titre de l'un des chefs-d'œuvre du saxophoniste ténor amé- ricain John Coltrane qui enregistre cette « samba-be-bop » le 26 décembre 1958 (dans l'album BAHIA, chez Fantasy/ Warner Jazz). La compilation TEMPO DE BAHIA (chez Blue Moon) et le BAHIA BLACK de Bill Laswell (chez Axiom). Voir ci-dessous, et Brésilienne, Carnaval.

BAIAO Cette musique douce du nord-est du Brésil s'appuie largement sur la guitare. Rurale et rustique, elle choquait les oreilles urbaines policées des gens du Sud, mais Luiz Gonzaga réforma dans les années 1940 ce forro nor- destin ; il l'agrémenta d'accordéon, de triangle et de grosse caisse, une trilogie instrumentale venue tout droit du nord du Portugal. Mariée en 1995 au funk de la « néo-samba » chez Sergie Brandao (NEWDAY). La compilation BRÉSIL SUR scÈNE/NoRDESTE (chez NTI).

BALINAISE Ses accents métalliques de gamelans et de gongs dégagent un calme et une finesse volubile découverts chez des groupes hypnotisants, comme le Gong Keybar de Peliatan, dans un répertoire tantôt aristocratique, tantôt vil- lageois, tantôt religieux et tantôt épique : MUSIQUE DE COUR ET MUSIQUE BANJAR (de la collection de l'Unesco). Des curiosités : les répertoires de « semar pegulingan » (grand ensemble de percussions mélodiques), de « gambuh » (nés au xive siècle), et, plus connus, de gongs « keybar » (mot qui signifie « explosion de sonorités »), nés au début du xxe siècle de la réunion des orchestres de cour et religieux ; sur le CD BALI/CLASH OF THE GONGS (chez Long Distance) ; dans BALI - SEBATU - LES DANSES MASQUÉES (chez Ocora) ; et (chez le même éditeur) dans le double CD LES GRANDS GONGS KEYBAR DES ANNÉES 60. REBAB AND FEMALE SINGING OF CENTRAL BALI JAVANESE GAMELAN (chez Media 7). Voir Gamelan, Javanaise, Ketjak, Méditation, Odalan.

BALKANS (des) Un ensemble de musiques mélancoli- ques traversées par des moments de danses allègres. Des traditions bulgares, hongroises, roumaines, serbes, macédo- niennes, croates, grecques, albanaises, marquées par les orchestrations tziganes. THE BALKAN LEGEND du groupe Zsaratnok (chez New Tone/Concord).

BALLADE Du latin « ballare », danser. Cette chanson populaire à danser combine rêverie romantique et faits divers narratifs. On la retrouve, anonyme ou, plus récemment, clai- rement revendiquée, dans le monde entier : dans la grande plaine hongroise (par le groupe folk Kolinda, chez Hexa- gone), en Grande-Bretagne, en Irlande (la BALLADE IRLAN- DAISE de Bourvil !), aux États-Unis, au Mexique où elle est appelée corrido. Désigne par extension une mélodie populaire américaine de style romantique ou lent (en anglais « ballad »), qui a joué un rôle majeur dans la musique vocale afro-américaine d'avant le jazz : le 1 CAN'T GIVE You ANYTHING BUT LOVE de Louis Armstrong de 1929 ; les ballades soul d'Otis Red- ding (GREAT SOUL BALLADS, chez Atlantic/Eastwest), celles du duo folk rock Simon and Garfunkel, ou du crooner black Johnny Hartman (UNFORGETTABLE), et un album avec John Coltrane (chez Impulse/MCA) ; apocalyptique chez le folk- singer historique des années 1930 et 1940, Woody Guthrie (ses DUST BowL BALLADS, chez Rounder), ou le rocker aus- tralien Nick Cave en 1996 (MURDER BALLADS). La BALLADE ET FANTAISIE POUR PIANO du classique Gabriel Fauré et I'HYPERBALLAD de 1996 de la rockeuse islandaise Bjôrk. En France, le mot a désigné une forme de poésie et de musique médiévale répandue aux xiir et xive siècles, constituée de trois strophes égales de sept ou huit vers, le dernier plus court, voire les deux derniers, servant de refrain ou d'« envoi ». La musique des deux premières lignes y est reprise dans les deux suivantes. Les premières ballades de la fin du XIIIe siècle, cel- les d'Adam de la Halle (1230-1287) et de Guillaume de Machault (1300-1377), sont de forme polyphonique, puis bientôt monophonique chez François Villon. LES BALLADES FRANÇAISES médiévales reprises par Jean-François Duteurtre (pour l'éditeur Adda), autour de traditions nivernaises, occi- tanes, savoyardes et bretonnes. Et les BALLADES, VIRELAIS ET RONDEAUX de Jehan de Lescurel par l'ensemble Gilles Bin- chois (chez Virgin Veritas). Elles seront harmonisées à partir i B ' du xive siècle par Guillaume de Machault. En Allemagne, le terme recouvre des poèmes épiques et lyriques à la fois, écrits à l'imitation des vieilles ballades anglaises : les ballades de Bürger et de Goethe ; ceux-ci sont mis en musique par le classique Carl Loewe (1796-1869). Les romantiques Franz Schubert, Chopin, Brahms et quel- ques autres y voient une pièce de piano habitée, voire agitée. Voir Folk music, Rondeau, Virelai.

BALLET Des musiques traditionnelles (rarement), ou des partitions savantes, voire classiques, pour faire danser les scènes de théâtre. Dans notre civilisation européenne, il prend sa forme en France au xve siècle (LE BALLET COMIQUE DE LA ROYNE de 1581) ; il connaît un premier âge d'or sous Louis XIV, et se perpétue avec les pièces baroques de Jean- Philippe Rameau et Gluck. L'âge romantique est friand de musiques de ballet, et facilite l'apparition de la « ballerina »/« ballerine », qui s'empare du centre de la scène. C'est l'époque de GISELLE, du LAC DES CYGNES, de LA BELLE AU BOIS DORMANT et de CASSE-NOISETTE où l'École de Danse Russe culmine sous l'égide du Français Marius Petipa (1819-1910). Serge Diaghilev, à la tête des Russes, révolutionne la danse et la musique du début du xxe siècle, en faisant appel aux compositeurs Erik Satie pour PARADE, Igor Stra- vinsky pour PETROUCHKA, L'OISEAU DE FEU, LE SACRE DU PRINTEMPS, Maurice Ravel pour DAPHNIS ET CHLOÉ, Manuel de Falla pour L'AMOUR SORCIER et LE TRICORNE, Darius Milhaud pour le TRAIN BLEU, etc. Ces pages explosives ouvriront la porte aux partitions pour le ballet moderne de l'après-guerre, dominé par l'école américaine, les composi- teurs Aaron Copland, Leonard Bernstein, etc.

BALOUTCHE Les musiques des nomades vivant entre l'Iran et le Pakistan ; une tradition soufie traversée par des accents évoquant parfois les Berbères ou encore les Tziga- nes, et des chants, poèmes épiques et musiques rustiques et habités, sur instruments à cordes : « sarangui », « tanribag » et viole « sordu » (quatre cordes amplifiées par six ou huit cordes sympathiques) (BALOUTCHISTAN, MUSIQUES D'EXTASE ET DE GUÉRISON, chez Ocora). Un maître du « sorud », Rasoule Bakhs, et Firuz Sajjadi et sa double flûte « doneli ». LE SECRET DU BALOUTCHISTAN (chez Grasset).

BAMBOULA Au début du xixe siècle et jusqu'en 1880, les terrains vagues du nord-ouest de La Nouvelle-Orléans accueillaient, le dimanche matin, les danses antiques de l'Afrique occidentale dont les esclaves noirs conservaient la nostalgie. Dans ces lieux baptisés Congo Plains, puis Congo Square, puis Louis Armstrong Park, ces Afro-Américains sortaient tam-tams, tambours carrés, castagnettes, calebas- ses, et des tambours en bambou qui donnèrent leur nom à l'ensemble de ces danses sauvages : les « bamboulas ». Passé dans le langage courant, « faire la bamboula », faire la fête. Titre d'une composition de Louis Moreau Gott- schalk. Voir Nouvelle-Orléans.

BANDA Une fanfare d'instruments à vent qui à la fin du xixe siècle, sous l'influence des colons allemands, impose au Mexique sa formule traditionnelle avec grosse caisse (tan- bora), tuba et saxhorns. Deux grandes formations, la Banda El Recodo et la Banda Machos, furent à l'origine du boom ' des bandas de 1992 et réhabilitèrent cette musique de pay- A sans souvent méprisée. Un rythme de danse traditionnel du Î B Mexique et d'Amérique centrale et du Sud ; sa version élec- trique fait le bonheur des années 1990 sous la forme d'une techno banda music, très présente sur les bords du golfe de Californie et en Baja. Les compilations SAMBA NON STOP : BANDA DO CARNAVAL (chez RGE) et LA BANDA (Sony Music). Voir Big Band, Brésilienne, Mexicaine.

BARBER S HOP Littéralement : « boutique du barbier, du coiffeur ». Une tradition américaine du sud des États-Unis, faite de chants, de chœurs et de guitare, chez les barbiers et les coiffeurs, où, avant l'apparition de la radio ou du ciné, l'on rasait et coiffait en musique ! On y chantait des mélodies populaires, en accompagnant le soliste à intervalles harmo- niques. On retrouvera cette tradition dans la genèse et l'his- toire du blues et du jazz vocal, et bientôt dans le nord de l'Union, où les « blacks » émigrent en masse avant et pen- dant la Première Guerre mondiale. Les descendants d'émi- grés européens que furent les Italo-Américains étaient éga- lement les rois du « barber-shop quartet » : cf. la compilation LAURIE V OCALS GROUPS : THE SIXTIES SOUND (chez Ace).

BARCAROLLE De l'italien « barcaruolo », gondolier. Une chanson de batelier vénitien ; par extension, une musi- que nostalgique, au rythme nonchalant, particulièrement pri- sée pendant l'époque romantique où elle est quasiment un passage obligatoire pour les compositeurs : cf. les BARCA- ROLLES de Chopin, les 13 de Gabriel Fauré (DOLLY dans sa version pour piano, SOUVENIR DE BAYREUTH), de Saint- Saëns, Bartok, et la BARCAROLLE des CONTES D'HOFFMANN de Jacques Offenbach. BAROQUE « La musique baroque est celle dont l'har- monie est confuse, chargée de modulations et de dissonan- ces... » (Jean-Jacques Rousseau, L'ENCYCLOPÉDIE, 1776.) A l'origine, un mouvement de rébellion et de libération. Du mot portugais « baroco », irrégulier, bizarre. Désigne à la fin de notre deuxième millénaire la musique de l'Europe, de l'Amérique espagnole et du Brésil à la Renaissance, au xvne et dans la première partie du xviir siècle ; celle-ci s'affran- chissait alors des formes classiques et académiques. Redé- couverte après la Seconde Guerre mondiale par les Anglais et les Hollandais, elle est devenue un genre majeur en passe de dépasser la musique classique romantique, allemande et viennoise. Bach, Vivaldi et Haendel ont été les premiers monuments de la musique baroque, mais ils sont, chaque mois, un peu plus concurrencés, voire éclipsés, par Purcell, Rameau, Lully et des dizaines de musiciens redécouverts ou en cours d'exploration. Aujourd'hui, quelque 200 opéras et 700 grands motets seraient à redécouvrir. Une expression humaniste individuelle et pleine d'émotions, loin des musiques médiévales, dont « carpe diem » [cueille le jour] pourraît être la devise. Le baroque musical, à l'inverse du baroque architectural, pictural ou littéraire, est une éti- quette pouvant recouvrir un inventaire sonore considérable de musique profane et religieuse, joué aujourd'hui avec élan et ferveur dans une relecture moderne par le Jardino Harmonico. Ses caractéristiques sont l'introduction du style concertant, l'usage de la « basse continue » et de la variation instrumen- tale, le travail de la tonalité et le chromatisme. Le style « baroque » (aujourd'hui toujours vivant en Sicile, au sud de l'Espagne et en Amérique latine) culmine en France vers 1650 ; il suit alors pas à pas les flux psycholo- giques de l'auditeur, d'où son succès actuel, mais finalement tombe vers 1750 dans une évanescence fatale. L'ORFEO de « «y Gluck, de 1762, est considéré comme sa dernière œuvre A majeure. A consulter la collection discographique LES CHE- B MINS DU BAROQUE, qui se propose de découvrir le baroque d'Amérique centrale et du Sud, importé par les « conquis- tadors » et les jésuites, revu et corrigé par les Indiens et les chorales locales. L'ouvrage de Philippe Beaussant, Vous AVEZ DIT « BAROQUE » ?, Arles, 1988. « Vive Rameau ! A bas Gluck ! » (Claude Debussy.)

BAROQUE (suite) Les « barrocks », ex-« thrash punk », tâtent, eux, de la chanson réaliste française et du musette ; et ils explorent dans les années 1980 tous les paradoxes musicaux pour réactiver, renouveler un rock figé et com- mercialisé.

BAROQUISME Nom donné au baroque flamboyant et spectaculaire de la musique versaillaise de Jean-Baptiste Lully, en particulier ATYS, l'opéra préféré de Louis XIV, le Roi-Soleil. Voir Baroque, Versaillaise.

BARRELHOUSE « Jelly Roll Morton jouait cette musique de barrelhouse qu'aimaient les putains. Elles hurlaient : "Écoutez-moi ce tombeur !" » (Bunk Johnson, l'un des pre- miers trompettistes connus de La Nouvelle-Orléans et de l'histoire du jazz.) Littéralement : « maison à tonneau » ou « du tonneau », où la bière était tirée au fût. Des tavernes, des assommoirs, des « bouis-bouis », voire des bordels bon marché. C'est là, dans les années 1880, que va naître à La Nouvelle-Orléans, puis le long du Mississippi, l'early jazz, le premier jazz, synthèse de dizaines de syncopes et de traditions mêlées, dont Buddy Bolden est le premier roi. Désigne également un style de piano jazz percussif sur une trame mélodique rudimentaire, proche des accents boogie woogie : la compilation BARRELHOUSE BOOGIE (chez RCA- Bluebird/BMG) qui réunit les grands Meade « Lux » Lewis, Jimmy Yancey, Pete Johnson et Albert Ammons. A distin- guer du honky-tonk piano de Big Maceo par exemple. Voir Boogie woogie, Early jazz, Honky-tonk, New Orleans.

BARZAZ-BREIZH Ce recueil fameux de chants populai- res bretons fut collecté auprès des paysans des villages de Basse-Bretagne au début du xixe siècle par un patriote conservateur, le vicomte Hersart de la Villemarqué. Une somme considérable et exceptionnelle, que George Sand a comparée à l'antique ODYSSÉE ; plus ou moins arrangée par Villemarqué et traduite en anglais et en allemand, elle a largement profité au renouveau culturel et musical breton- celtique des années 1970, puis 1990. Voir Bretonne, Celte, Gwerziou breizh-izel, Soniou breizh- izel.

BASQUE Des deux côtés de la frontière espagnole, une tradition de belles voix (d'enfants et d'hommes en particu- lier) et de beaux chants en « euskera », considérée comme l'une des plus vieilles langues d'Europe (et peut-être même, pour certains, comme celle des anciens Atlantes). Un goût du chant bien fait dans les chorales d'église de montagne, des polyphonies réputées comme celle du groupe Oïo, mélange de grande douceur, de sophistication et de rudesse pastorale. Deux instruments de base rythment les accents basques : le « txixtu », flûte à trois trous de taille variable, et le tambourin à cordes frappé à l'aide d'un petit bâton, le « soinua », de la province de la Soule, où la musi- que et les danses locales (fandango, arin-arin, etc.) et les traditions de mascarade et de « pastorale soulétine » se sont R A "�� le mieux maintenues. fc B Des chorales (Goraki, la Rine Nekesari de Saint-Jean-Pied- de-Port) et des chanteurs originaux, entre tradition et moder- nité, infra-graves et aigus, l'ombre et la lumière, qui témoi- gnent de la civilisation pyrénéenne : Mikel Laboa du côté espagnol, les frères Azora dans les années 1960, ou, plus près de nous, Benat Achiary, a cappella, ou s'accompagnant au tambour à friction « eltzagora », pour des chants sans paroles des bergers aux accents navajo ou berbères, et Peio Serbielle. Un accordéoniste, Joseba Tapia, et un groupe découvert lui aussi en 1995, la Force Basque. Le CAPRICE BASQUE de Pablo de Sarasate, le natif de Pampelune, LA MESSE DES CORSAIRES de Juan Urteaga, tout le répertoire de l'enfant de Ciboure, par accident Maurice Ravel, l'opéra basque MAÏTENA de M. Colin et les expériences de Benat Achiary avec le saxophoniste «jazzy» toulousain Michel Doneda (CE N'EST POURTANT..., chez Harmonia Mundi).

BASSE-DANSE L'ensemble des danses anciennes non sautées, c'est-à-dire marchées ou glissées : branle, pavane, allemande, tordion, sarabande, gavotte, menuet, etc. Pour certains spécialistes, désigne l'ensemble des danses popu- laires de la Renaissance par opposition aux danses de cour. Plus spécifiquement, une danse de cour française des xrve et xve siècles, lente, à deux temps, qui doit son nom à ses pas marchés ou glissés, à la mode à la cour d'Angleterre pendant la Renaissance anglaise.

BASTRINGUE La tradition gouleyante et piquante des musiques et chansons de taverne et de zinc, devenue celle des cafés et des cabarets. Après avoir prospéré tout au long du xxe siècle, elle est pratiquement balayée par le rock. Réhabilitée dans les années 1980 avec les rockers franco- phones alternatifs, en particulier le Belge Arno, le double électrique de Jacques Brel, entre rock et java, syllabes entre- choquées et guitares fiévreuses, ou encore les swingantes Castafiore Bazooka.

BAYOU BLUES Nom donné au zydeco. Titre des premiè- res faces du roi des Bayous, le Louisianais Clifton Chenier, pour le catalogue Specialty. Voir Acadienne, Cajun, Zydeco.

BÉARNAISE Comme chez beaucoup de peuples des mon- tagnes, des traditions mélodiques de bergers (Pierre Arrius Mesplé, CHANTS DE LA VALLÉE D'OSSAU, 1995) et de poly- phonies ornementées (le chœur CHANTS POLYPHONIQUES TRA- DITIONNELS DU BÉARN). Des chansons de troubadours du pays d'Oc et de la diaspora aveyronnaise des cafés et bras- series parisiens, que l'on a retrouvées en 1995 dans le Fes- tival Occitan de Rodez. Voir Polyphonie.

BEAT Littéralement : « battement », « temps ». Le mot apparaît d'abord dans le jazz américain, pour désigner le tempo, la pulsation et le swing. Dans une mesure à quatre temps, le «jazz beat » (tempo de jazz) peut être fort (sur les premier et troisième temps) ou faible (sur les deuxième et quatrième). Toutes les variantes du « beat » (« after-beat », « off-beat », « back-beat », « down-beat », etc.) donnent généralement, seules ou associées, les caractéristiques du style d'un musicien de jazz, de rhythm and blues, de rock, etc. : le « beat » de Cab Calloway, de James Brown, de Prince, de Massive Attack. Également une manière de jouer des percussions ou du tam- bour : le « beat » des Tambours du Burundi, tambours royaux séculaires d'un peuple agricole qui retrouve dans l'instrument ses racines (chez Real World/Virgin). Nom enfin d'un groupe anglais multiracial de ska des années 1970. Le terme a été popularisé aux États-Unis dans les années 1950 par la « beat generation », la « génération du tempo ». Allen Ginsberg, William Burroughs et Jack Kerouac, les premiers beatniks, familiers de poésie moderne et de jazz alternatif, étaient les têtes chercheuses d'un nouvel art de vivre occiden- tal. Ils refusaient la fadeur et le conformisme des années de la présidence Eisenhower. Revenu sur le devant de la scène du milieu des années 1990 à travers une vague néo-beat et le mou- vement chaleureux d'acid jazz qui s'en inspire. Allen Gins- berg peut alors dire en 1995 : « La planète est au fond du gouf- fre d'un point de vue écologique ; la sous-classe est de plus en plus importante, l'anarchie règne dans certains coins ; et le SIDA est partout. Face à cela, il y a Kerouac et Snyder et Bur- roughs qui ont exploré les thèmes de la sexualité, de l'écologie, de la résistance au lavage de cerveau gouvernemental et à la civilisation du plastique. La Beat Generation propose quelque chose. » A donné également, par contraction, le mot Beatles (jeu de mots sur « beetle ») et l'expression « beat music », synonyme de pop music, la musique pop-rock des années 1960. L'expression BPM, c'est-à-dire « beats per minute », donne le nombre de temps forts par minute d'un morceau de dance ou de techno.

BEATNIK Néologisme des années 1960, né du mariage des mots beat et « spoutnik », le satellite que venaient de lancer les Soviétiques et nec plus ultra de la modernité d'alors. Une génération s'éveille aux rythmes anglo-américains : folk, folk rock et jazz free. En France, le style yé-yé laisse la place au genre « beatnik » lorsque Antoine rencontre les Problèmes en 1965. Trente ans plus tard, les Beatnigs noirs (contraction de « beatnik » et de « nigger ») réhabilitent le mot et le concept. Voir Folk, Folk rock, Yé-yé.

DE -BOP L'expression désigne le « nouveau jazz » apparu au début des années 1940, celui que Louis Armstrong appe- lait malicieusement la « musique chinoise ». Joué en petites formations, en réaction contre le jazz « classique » d'avant- guerre (« le be-bop n'est pas un enfant du jazz » - Charlie Parker), ce style dur et romantique se caractérise par des voix solistes discontinues, volatiles, en pointillé, une conti- nuité rythmique paradoxalement inexorable et un élargisse- ment du spectre harmonique. Ce courant a lancé une danse universelle célébrée en France par Mistinguett dans sa dernière revue à l'ABC en 1949 et la mode des lunettes à monture épaisse, de la barbiche et du béret. Ses temples sont les cabarets de la 52" de New York - le Milton's, le Savoy - et ses premiers maîtres Charlie Parker (sa composition KOKO), Dizzy Gillespie (sa compo- sition BE-BOP, reprise par Arturo Sandoval & The Latin Train en 1995) et Thelonious Monk (sa composition EVIDENCE). Deux « must » : le livre du critique Leonard Feather INSIDE BE-BOP (New York, 1949), et les compilations THE BE-BOP REVOLUTION, enregistrée entre 1946 et 1949 pour le catalo- gue Blue Bird, et BE-BOP (chez Atlantic Jazz). Les « Be-Bop Boys » étaient, dans les années 1945-1946, le nom de plusieurs groupes du catalogue Savoy, où figurèrent Charlie Parker et Dizzy Gillespie (« le be-bop ne m'a jamais empêché de danser... »). Lui succédèrent le jazz cool, le post-bop et le hard bop. Revient sur le devant de la scène avec la mode du hip-hop et du néo-beat dans les années 1990 (Ypocrisis, Tag). Serge A Gainsbourg sur le chemin de Gainsbarre a joué avec ses tem- Î B pos particuliers dans Du JAZZ DANS LE RAVIN (chez Philips). Voir Beatnik, Cubop, Free jazz, Hip-bop, Jazz, New thing, Post-bop.

BÉDOUI Littéralement : « rural », en arabe. Désigne un genre traditionnel chanté avec un accompagnement où domi- nent deux flûtes.

BÉDOUINE Les musiques des Arabes nomades d'Afri- que du Nord, d'Égypte, de Syrie, d'Arabie Saoudite ; un art autochtone et tribal, en voie de modernisation ou de dispa- rition, comme celui des tribus du Yémen et du Hedjaz, consi- déré comme l'origine du classicisme arabe. Leurs chants de cavalier (« khabab ») et de chamelier (« hida ») ont façonné quelques rythmes fondamentaux de la musique arabe. La Sira, l'odyssée en quelques milliers de vers des Beni Hilal d'Égypte, fut donnée pour la première fois à Paris en janvier 1996, par le barde égyptien Sayed Al Dowwi. Voir Ouroubis.

BEL Al R Le quartier des pop et rock-stars de Los Angeles, une station de métro parisienne et une musique traditionnelle de la Martinique dans laquelle le groupe Kassav a pioché un rythme syncopé pour élaborer son zouk. Le nom vient du tambour martiniquais, le « tambour bel air » ou « gros tambour », dont la cadence est donnée par les « ti-bois », baguettes en bois du tambourinaire. Voir Martiniquaise, Zouk.

BEL CANTO Littéralement : « beau chant ». Ce style vocal traditionnel italien prend ses racines dans les vocalises des liturgies médiévales et les tropes du chant grégorien. Devient un genre à part entière au xvir siècle à Rome, avec les castrats de la chapelle Sixtine, et à Florence, avec la naissance des « camerata », qui vont inventer l'opéra autour de 1600 à Venise et surtout à Naples. On distingue le « bel canto » baroque, de la seconde moitié du XVII" jusqu'à la fin du xvnr, qui connaît son apogée avec Haendel ; et le « bel canto » romantique du xixe, qui trouve son apogée et sa décadence à travers la trilogie-reine consti- tuée par les œuvres de Rossini, Bellini et Donizetti. Ce style de virtuosité vocale met l'accent sur la pureté du ton, le contrôle de la respiration, l'élégance du phrasé, la bravoure et la flexibilité, et le sens du dramatique. LES PURITAINS de Bèllini (avec Maria Callas et Giuseppe di Stefano, direction T. Serafin, chez EMI) sont généralement considérés comme le sommet du « bel canto romantique ». Revenu à la mode dans le monde classique et du chant lyrique à partir des années 1950. La compilation L'AGED'ORDESCASTRATS (chez EMI). Nom d'un excellent groupe de rock atmosphérique norvé- gien.

BÉNÉVENTAIN Le chant sacré du sud-ouest de la pénin- sule italienne, celui des débuts du Moyen Age et d'avant le grégorien. Une liturgie proscrite en 1058 (Aux PREMIÈRES HEURES DE L'ÈRE CHRÉTIENNE, chez Harmonia Mundi). Voir Ambrosienne, Grégorien.

BENGA Un rythme des bords du lac Victoria et du fleuve Zambèze. Ces guitares et voix sucrées , ne sont pas sans rappeler celles de la rumba zaïroise de Kinshasa ; mais, dans ce cas, elles ont pour vocation de lutter précisément contre la colonisation des ondes du Kenya par la musique congolaise ! Un groupe ambassadeur : Shirati Jaz, découvert en Europe en 1989. l AB Voir Rumba.

BÉNIN (du) Entre Togo et Nigeria, le royaume des rois africains, dont certaines musiques ont été consignées dans la compilation du CNRS. Une lionne, héritière des anciennes amazones noires : la chanteuse du Dahomey Angélique Kidjo, qui explore un « afro-funk » en langue « fon » et rapproche le vaudou et le groove de la soul américaine (FIFA, PAIX, chez Mango/Island en 1996). , le Franco-Béninois, élégant et raffiné des synthés, compte parmi les premières grandes figures de la world (ECHOES, chez Island). Voir Yoruba.

BERBÈRE « Pour les Berbères, la voix, les mots ont un pouvoir magique, car ils sont en rapport avec le monde entier, avec les quatre éléments. Une vertu mystérieuse est attribuée au souffle, principe vital qui personnifie l'âme en un pouvoir particulier » (Ariane Ségal, 1974). Appelé encore « kabyle », de la Kabylie (habituellement symbolisée dans les concerts par la lettre Z placée en fond de scène) et de ses montagnes de Djurdjura, dont elle se nourrit. La musique berbérophone est la musique indigène de l'Afrique du Nord, celle qui précède historiquement et localement la musique arabe. Encore largement représentée au Maroc, elle souffre de la situation politique de l'Algérie de 1995 et se souvient du soulèvement de 1980. Une tradition poétique, vive et tolérante, découverte en France avec la grande Taos Amrouche, dans les années 1970 (INCANTATIONS MÉDITATIONS DANSES SACRÉES BERBÈRES, de 1974, chez Arion, et CHANTS BERBÈRES DE KABYLIE, chez Buda) ; puis avec trois sœurs rebaptisées Djurdjura (LE DÉFI, chez Kondo Râ/Columbia). Des auteurs-compositeurs- poètes engagés dans la lutte pour la reconnaissance berbé- rophone : Idir, Ferhat, Maatoub Lounès, le chanteur-militant, l'écorché destroy Ait Menghuelet, Houria Aîchi, Abdelli (NEW MOON, chez Real World/Virgin, 1995). Takfarinas, fondateur de la dance kabyle (WEYTHELHA/QU'ELLE EST BELLE, en 1986), et Brahim Izri, auteur, en pleine vague raï, d'un rock kabyle endiablé (DACHOU YIKH, au milieu des années 1980, et un album 1995, chez Eastwest), où « dar- boukas » et mandoles entraînent basses et guitares. Azwaw Oussadi, ancien du groupe Igman, et Massa Bouchafa, la nouvelle figure pop. LES POÈMES D'AMOUR DES FEMMES DU SUD MAROCAIN (chez Al Sur/Média 7) et le livre de Jean Amrouche CHANTS BERBÈRES DE KABYLIE (aux Éditions Monomotapa). Voir Algérienne, Azriate, Marocaine.

BERCEUSE Des airs pour endormir les enfants. On en retrouve dans toutes les traditions encore préservées : les berceuses « nyuba nunuli » de Savo, l'une des îles Salomon (au Chant du Monde), les lullaby anglo-saxonnes ou amé- ricaines ; dans la musique classique : les BERCEUSES de Cho- pin, de Fauré, de Ravel (sur le nom de Gabriel Fauré pré- cisément), la BERCEUSE HÉROÏQUE de Claude Debussy, le SUMMERTIME de la comédie musicale PORGY AND BESS devenu un « standard » de la chanson américaine. LA BER- CEUSE TENDRE de Damia de 1931 et celle du PETIT GUEUX de Frehel trois ans plus tôt, et, dans un registre plus tradi- tionnel, les BERCEUSES de la série du CHANT DES ENFANTS DU MONDE (chez Arion), ou la BREZAIROLA des CHANTS D'AUVERGNE de Joseph Canteloube. La compilation BERCEU- Savez-vous ce qu'est la soca, et le merdoum ? L'industriel et la salsa ? La saudade et la funana ? Le tango et la sou/? Le baroque et le musette? La musique contemporaine ou romantique, le bel canto ? Le free-style est-il l'un des genres du rap ou du rock free? Le fonk est-il du funk ? Les field-hollers du blues ? La house a-t-elle précédé ou suivi le hip-hop? Le reggae a-t-il quelque chose à voir avec le raggamuffin ? Qu'est-ce qu'un scater? Un crooner ? Une canari(e) ? La promenade est-elle vraiment une danse et le congé une chanson d'adieu ? Quand la musique occidentale s'est-elle libé- rée des paroles ? Avec l'estampie ou avec l'ars nova ? Et toutes ces musiques du monde appelées aujourd'hui « world» et toutes ces danses/dances ?

Comment résister à cette joyeuse et envoûtante cacophonie? Qui joue et chante quoi ? Où ? Quand et comment? Ce dictionnaire propose de tracer et définir le panorama de la planète musique, spectre sonore d'aujourd'hui, du monde entier et de tous les temps : ondes multipliées qui s'étirent, se coupent, se rejoignent, s'enrichissent au gré des techniques, du désir de fusion des genres, de la musicologie, des découvertes, du jeu des éditeurs et industriels et surtout de ceux qui la font vibrer, de Miles Davis, Erik Satie, Philip Glass, Ray Charles, Pierre Boulez, Iggy Pop, Michel Audiard qui nous parle de l'accordéon, Jean- Marie Le Clézio du séga, Cervantès de la sarabande, Jean Cocteau du blues et de la musique d'ameublement, Casanova de la forlane, Jean-Jacques Rousseau du menuet, Gabriel Garcia Marquez du tango, Neil Young, Jimi Hendrix, Isaac Hayes, Quincy Jones, Peter Gabriel, Pete Townshend, Carlos Santana, Louis Armstrong, Claude Debussy, à Claudio Monteverdi.

Jean-Marie Leduc est l'auteur de monographies de musiciens et chanteurs, et co-auteur du Armstrong avec Christine Mulard (collection « Solfèges ») et du Rock de A à Z (quatre éditions avec Jean-Noël Ogouz).

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