9782402546041.Pdf
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
GHISONI GHISONI. — Partie sud-est. Partie nord et route vers Ghisonaccia MONOGRAPHIE DES COMMUNES DE CORSE GHISONI par Marc-François MARTELLI Ingénieur Général Honoraire de la ville de Paris Officier de la Légion d'Honneur Ancien Maire de Ghisoni 1960 1 ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA CORSE De tous temps, les peuples civilisés ont pris soin de conserver les titres établissant leurs droits et les documents qui témoi- gnent de leur passé. (ARCHIVES NATIONALES.) J'avais éteint mon flambeau, et la lune avec tous ses rayons entrait dans ma chambre et m'éclairait comme en plein jour. Je me levais et regardais la campagne, je voyais les chèvres marcher dans les sentiers du maquis et sur les collines ; çà et là, des feux de bergers, j'enten- dais leurs chants ; il faisait si beau qu'on eût dit le jour, mais un jour tout étrange, un jour de lune... Le ciel semblait haut, haut, et la lune avait l'air d'être lancée et perdue au milieu ; tout alentour elle éclairait l'azur, le pénétrait de blancheur, laissait tomber sur la vallée en pluie lumineuse ses vapeurs d'argent qui, une fois arrivées à terre, semblaient remonter vers elle comme de la fumée. G. FLAUBERT : Œuvres complètes : Par les champs et par les grèves, Pyrénées, Corse. Ghisoni (octobre 1840). La route entre Zonza et Ghisoni est très belle. J'aurais vingt ans de moins, je viendrais m'installer à Ospedale, Cozzano ou Ghisoni, dans la forêt de châtaigniers. A. GIDE : Journal (27 août 1930). CHAPITRE 1 Premières notions depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du XIV siècle Origine du nom - Descriptions des lieux Légende des Kyrie et Christe Eleison Dans sa notice historique sur l'île de Corse, l'abbé Letteron, ancien professeur agrégé au lycée de Bastia, écrit qu'il faut arriver à l'an 500 avant J.-C. pour trouver, enfin, sur l'histoire de notre département, des indications précises. Il nous faut attendre près de 2.000 ans encore pour avoir des renseignements pareils sur Ghisoni. On peut rappeler les travaux de Forsyth Major qui, vers 1880, a exploré en Corse plusieurs grottes, dont celles des environs de Ghisoni. Elles n'ont rien révélé concernant l'histoire de la Corse en général, de Ghisoni en particulier. M. Santoni Pierre, fils de San- toni François, a découvert, récemment, en 1953, au cours de ses promenades à travers le territoire de la commune, une pierre dressée où il a cru reconnaître un menhir. Cette pierre est située sur la parcelle 346 (ou 251) de la Section 1 de Sarra du plan cadastral du village, parcelle située à l'ouest de la Croce di à Sarra (1) sur la crête qui sépare l'agglomération ghi- sonaise des hameaux de Galgaccio, et à laquelle on (1) Sarra ou Serra signifie, en Corse, crête montagneuse plus ou moins étendue et plus ou moins élevée située entre 2 versants. Tozza se dit d'une montagne isolée, escarpée, Foce est un passage entre deux montagnes ; on dit aussi Bocca, et s'il est long, Scala. peut accéder par l'ancien chemin de Ghisoni à Vezzani. Cette pierre semblerait indiquer que Ghisoni aurait été habité avant l'ère chrétienne par des peuplades primitives qui sacrifiaient aux dieux. La Corse aurait été occupée par des Phéniciens puis des Phocéens qui fondèrent Aléria vers 560 avant J.C., enfin des Etrusques, bien avant l'ère chrétienne. Les Romains en ont fait la conquête de 260 à 162 avant J.C. et l'ont administrée jusqu'à la chute de l'Empire Romain en l'an 458 de notre ère. Pline (1) attribue 33 villes à la Corse, et Ptolé- mée (2) 23. A l'intérieur, on aurait trouvé, entre autres: Blesinium (soit Ghisoni) (3) avec Cenestum (Corté), Venicum (Venaco) et Charax (Zicavo). La Corse de Ptolémée aurait été habitée par diverses tribus dont les Surboi qui pourraient avoir laissé leur nom au col de Sorba au Nord de Ghisoni. On n'en a aucune certitude. Les Romains ont construit en Corse une route qui partait de Borgo où, suivant la table de Ptolémée, s'élevait Mariana, et passait à Aléria et au Proesidium dont on ne connaît pas l'emplacement exact et que quelques auteurs placent au pied des monts qui bordent Ghisoni au Sud-Est. Le tronçon qui conduisait au Proesidium aurait alors été un rameau de l'artère prin- cipale qui conduisait à travers la plaine d'Aléria jus- qu'à Porto-Vecchio. Les Romains ont dû créer aussi au pied des montagnes des postes militaires pour pro- téger leurs riches possessions de la plaine contre la convoitise et la rapine des montagnards plutôt sauvages dont quelques-uns devaient occuper le cirque du haut Fiumorbo face au Kyrie-Eleison (4). On a découvert (1) Pline, dit le naturaliste, né à Corne en l'an 23 après J.-C., mort en l'an 79. (2) Célèbre astronome né en Egypte au 2me siècle après J.-C. (3) Histoire générale de la Corse, par J.M. Jacobi. (4) Les cartes de Ptolémée au XIXme siècle, par Cecaldi. près de Vezzani une voie romaine se dirigeant vers l'Inzecca et peut-être aussi vers Ghisoni. On retrouve des traces de fondations d'un château sur les rochers qui dominent la route de l'Inzecca aux bords du sentier qui conduit de la fontaine de Parabughia sur la route forestière N° 10 au hameau de la Piève.. Elles pour- raient être les restes d'un préside romain. Ghisoni faisait partie de la piève de Castello (1). La piève, du latin plebs, peuple, désignait à l'ori- gine une tribu ou peuplade. Elle devint une circonscrip- tion religieuse établie par l'Eglise des premiers siècles du christianisme correspondant à une région géogra- phique. Elle signifiait en 1750 un ensemble de villages réunis qui se subdivisaient en paroisses. Les Pisans et les Gênois adoptèrent les pièves comme bases de leurs circonscriptions administratives. Dans sa « Chronica sacra Sanctuaria di Corsica », publiée à Florence en 1639, le R.P. Salvatore Vitale signale l'existence en l'an 430 de notre ère d'une église S. Thomoe de Grisino (2) donnée entre autres au mo- nastère de S. Salvatore et de S. Maximilien de l'île de Monte-Christo. Il fournit une liste de monastères qui existaient en Corse aux temps anciens. Y figure S. Thomas de Grisino avec la mention suivante : c'est une population nombreuse et cet endroit s'appelle Guisone. Après la chute de l'empire romain (en l'an 458), les invasions se succédèrent en Corse pendant cinq siècles. Ce fut à partir de 455, celle des Vandales, puis celle des Grecs ou Byzantins qui dura plus de deux siècles de 535 à 755. Le pape, Grégoire-le-Grand, intervint vers 590. Les (1) Castello est une dénomination assez répandue à Ghisoni (et ailleurs) : les rochers du Christe Eleison s'appellent Castello. Cas- tellucio (petit château) désigne la sortie de Ghisoni vers Ghisonaccia. Un des sommets les plus élevés de Ghisoni à 4 km. au N.E. du Renoso porte le nom de Pointe Castellone (1.744 m.). (2) Des terres et châtaigniers sis aux lieux dits Salice et Gris- cione, commune de Ghisoni ont été vendus le 31 mars 1882. évêques insulaires au nombre de six durent lui obéir. Des monastères furent fondés. Les clercs et les fidèles furent défendus contre le gouverneur ou l'empereur d'Orient. Pépin le Bref fait cadeau de l'île au pape Etienne II à l'assemblée de Kesy (754) (1). En 807, la Corse est pillée par les Musulmans. Le pape Léon III supplie Charlemagne de prendre la défense de l'île dont il lui a été fait donation. Charlemagne intervient et met en fuite les Sarrasins qui avaient débarqué en Corse. L'Empire et la papauté s'affaiblissent après Char- lemagne (850) et les Arabes ou Sarrasins musulmans reviennent ou arrivent en Corse et s'installent. Ils massacrent et pillent. Les populations fuient sur les montagnes ou émigrent en Italie. Beaucoup de Corses se réfugient à Rome où ils ont leur rue, leurs écoles, leurs confréries. Ils devaient s'y multiplier dans les siècles postérieurs. Ceux qui restent dans l'île oublient toute civilisation antérieure et retombent dans leur ancienne barbarie. Montagnards méfiants et pillards pour la plupart, ils vivent de leurs troupeaux et de leur butin, isolés dans une caverne inconnue ou un village escarpé. Ils se groupent en oetites communau- tés indépendantes, sur des rocs inaccessibles et sous la direction d'un chef. L'individualisme triomphe, les sentiments violents l'emportent. Les Sarrasins devaient garder la Corse jusqu'au XIIme siècle. Le pape Grégoire VII affirme à nouveau d'une ma- nière effective les droits de l'Eglise sur la Corse, en la donnant à l'évêque de Pise en 1077. Les Pisans l'occupèrent de 1088 à 1284 où, battus à Meloria par les Gênois, ils durent abandonner l'île par le traité de 1346. (1) Dom Gai. La tragique histoire des Corses, page 23r Passage , 4 vféïhzecca GHISONI. — Vue générale avec le Kyrie et le Christe Eleison. Sambucuccio d'Alando prit la tête d'un mouvement de révolte en 1359, battit les nobles et organisa en « Terra del Commune » la moitié Nord-Est de l'île comprenant l'arrondissement actuel de Corté (1). Dès le 12 février 1297, le pape voulant sauvegarder ses droits fit donation du royaume de Corse et de Sardaigne à Jayme II le Juste, roi d'Aragon. Il y aura deux pouvoirs en Corse : l'un de fait, Gênes ; l'autre de droit, le roi d'Aragon.