Grand Palais 11 Octobre 2017 - 22 Janvier 2018
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L’ALCHIMISTE Grand Palais 11 octobre 2017 - 22 Janvier 2018 « Gauguin l’alchimiste » se propose d’explorer la capacité de Gauguin à transformer les matériaux par une approche décloisonnée et expérimentale des disciplines. Si son œuvre de peintre est connu, ses autres productions (céramiques, bois, gravures) ont été moins regardées et souvent dépréciées. Son "bibelotage", comme le désignait Camille Pissaro, révèle pourtant un aspect majeur du processus créateur de Gauguin : par la manipulation, la reprise, l’association de matériaux, l’accident, cet autodidacte s’engage dans une voie inédite. En 1889, il évoque dans une lettre à Émile Bernard une « terrible démangeaison d’inconnu qui me fait faire des folies ». Son désir d'explorer l’inconnu est l’une des lignes directrices de son art et de sa vie. Sans cesse en quête du lieu où son art pourra fructifier et où il trouvera son identité, il s'intéresse aux sociétés extra-occidentales et à l'art primitif. Au fil de ses changements de résidence (Bretagne, Martinique, Arles, Tahiti, îles Marquises), Gauguin poursuit ainsi sa quête d’un moi sauvage et barbare. #ExpoGauguin TÉLÉCHARGEZ L'APPLICATION DE L'EXPOSITION http://tinyurl.com/appgauguin maîtrise toutes les étapes, du façonnage LE LABORATOIRE DES FORMES 1. traditionnel au colombin jusqu’à la cuisson, et invente pour cette nouvelle pratique le terme Employé chez un agent de change, Gauguin de « sculpture céramique ». Gauguin est fasciné pratique le dessin puis la peinture pendant par le grès, un matériau modeste transformé ses loisirs. Au contact des impressionnistes, par la cuisson qu’il assimile au feu de l’enfer. découverts grâce à Camille Pissarro, Gauguin Les céramiques adoptent souvent la forme aborde les médiums les plus variés. Il reprend d’un pot ou d’un vase, même si l’étrangeté et des motifs de Degas dans certaines de ses la complexité des formes semblent les rendre oeuvres: c’est sans doute après avoir vu sa impropres à tout usage. Petite danseuse de 14 ans en cire à l’exposition L’artiste mêle des motifs empruntés à la impressionniste de 1881 que Gauguin réalise Bretagne, à la Martinique, à Tahiti, avec d’autres des portraits en cire de ses enfants. sources (céramique andine précolombienne, Il travaille le bois, réservé jusqu’alors à une japonaise, ou encore française). pratique artisanale, taillant notamment la Dame en promenade avec une remarquable économie de moyens. 2. LE GRAND ATELIER Gauguin trouve sa voie dans ce bouillonnement de recherches, toujours en quête de nouveaux Entre 1886 et 1889, l’artiste change sans cesse supports. de résidence, de Paris à la Bretagne, de la Martinique à Arles. Cependant, la Bretagne lui L’OBJET MIS EN SCÈNE - Dès 1880, Gauguin sert durablement de réservoir de formes : les réalise des toiles dans lesquelles l’objet joue un motifs de la Bretonne penchée, aux bras en rôle central, véritable élément symbolique du croix, ou encore de la ronde sont sans cesse monde personnel de l’artiste. repris, adaptés, métamorphosés. Dans Intérieur du peintre, rue Carcel, un Certains principes de composition se bouquet de fleurs fait écran à la scène de genre retrouvent également d’une œuvre à l’autre, à l’arrière-plan. Une céramique possiblement du dessin à la céramique, du bois sculpté à péruvienne posée sur l’armoire, les sabots la peinture. Gauguin se démarque ainsi de accrochés au mur ou encore le carnet de la vision pittoresque de ses prédécesseurs croquis posé sur la table semblent suggérer un et abandonne progressivement la pratique autoportrait caché. impressionniste de la peinture en plein air L’inanimé prévaut encore dans la Nature morte pour réaliser des compositions qu’il qualifie à la mandoline : l’instrument de musique de « synthétiques ». Cette recherche de la renvoie à une toile de Corot qui appartenait à synthèse est confortée par l’arrivée d’Émile son tuteur Gustave Arosa, et l’œuvre encadrée Bernard à Pont-Aven au mois d’août 1888 de blanc serait un tableau impressionniste : les artistes travaillent côte à côte et la d’Armand Guillaumin acquis par l’artiste. confrontation avec le jeune peintre pousse La présence humaine prend une importance Gauguin à redoubler d’audace formelle. accrue dans ses toiles des années 1890, Simplification de la forme et distance à notamment son Portrait de femme à la nature l’égard du modèle permettent à l’artiste de morte de Cézanne. Pourtant, là encore, la toile consommer la rupture avec la nature : « L’art évoque une œuvre de sa propre collection. est une abstraction, malheureusement on devient de plus en plus incompris », confie-t-il MONSTRUOSITÉS - À partir de 1886, Gauguin à Vincent Van Gogh en juillet 1888. C’est au réalise des grès dont il espère tirer des cours de son séjour à Arles en sa compagnie, à revenus dans l’atelier parisien du céramiste l’automne suivant, que se révèlent pleinement Ernest Chaplet. Il redéfinit les règles de la ces nouvelles préoccupations esthétiques. collaboration entre céramiste et artiste : il FEMMES FATALES - Son séjour à Panama puis MISÈRES HUMAINES - Lors de son séjour à en Martinique en 1887, résonne comme un Arles avec Van Gogh, Gauguin approfondit sa premier appel des tropiques. Si son départ est conception du symbolisme. Cette recherche du avant tout une fuite loin de Paris, Gauguin le symbole est particulièrement perceptible dans présente aussi comme la quête d’un nouveau le motif de la femme prostrée qui apparaît pour terreau pour son art : « Je m’en vais à Panama la première fois dans La Vendange. Au cours de pour vivre en sauvage, je connais une petite île l’année 1889, cette figure mélancolique évolue presque inhabitée, libre et fertile. J’emporte : son attitude renvoie désormais au désespoir mes couleurs et mes pinceaux et je me plus qu’à la tentation, comme dans l’Ève retremperai loin de tous les hommes. » bretonne. La même année, Gauguin réalise À la Martinique, Gauguin installe son atelier plusieurs portraits peints et sculptés du peintre dans une case. Sa palette se dote durablement hollandais Meijer de Haan dans la pose de la de tons chauds et il enrichit son répertoire de mélancolie. La figure de son compagnon hante motifs qu’il reprend lors de ses séjours bretons Gauguin jusqu’à la fin de sa vie. ultérieurs : pour la salle à manger de Marie Henry au Pouldu, il associe sur un tonnelet des motifs bretons (gardeuse d’oies, Bretonnes en 4. L’IMAGIER DES TROPIQUES costume, animaux) à une femme nue exotique. On retrouve cette figure de la séductrice qui À Tahiti, Gauguin part en quête de sa nature préfigure l’Ève tahitienne, sur le décor peint de première, de son instinct étouffé par la la salle à manger Femme Caraïbe ou encore civilisation. Lorsqu’il accoste pour la première dans la figure en boisLa Luxure. fois en 1891, Tahiti n’est une colonie française que depuis peu et conserve sa réputation de paradis d’abondance libre et insouciant. 3. DU SUJET AU SYMBOLE Pourtant, Gauguin est vite déçu : coutumes et traditions ont cédé le pas aux évangélisations Entre 1886 et 1889, les œuvres de Gauguin chrétiennes et il ne subsiste que de très rares acquièrent une grande portée symbolique. En traces matérielles des mythes traditionnels. 1891, le critique Albert Aurier définit d’ailleurs Il s’appuie dès lors sur ce qu’il trouve : le symbolisme en peinture à partir de l’œuvre photographies et livres écrits par des de Gauguin : un art idéiste, symboliste, Européens, objets du quotidien, collections synthétique, subjectif et décoratif. tahitiennes d’objets d’art, dont Gauguin Si l’artiste emploie volontiers les mêmes combine styles et motifs sans tenir compte de motifs, leur signification évolue avec le temps. leur provenance – Tahiti, îles Marquises, voire Les études et toiles naturalistes d’enfants nus île de Pâques. Il est attiré par le degré élevé réalisées à Pont-Aven à partir de l’été 1886 d’abstraction et le caractère décoratif de l’art prennent une autre dimension deux ans plus océanien. Avec ses rudiments de tahitien, tard. Baigneurs ou baigneuses androgynes Gauguin inscrit les titres de ses tableaux dans trouvent leur déclinaison sur différents cette langue, accentuant leur dimension supports (pastels, projet d’éventail, céramique) énigmatique. avant de réapparaître en Léda séduite par Jupiter sous l’apparence d’un cygne. L’ARCADIE TAHITIENNE - Gauguin est frappé par Un autre motif récurrent dans l’œuvre de la grâce naturelle et la morphologie androgyne Gauguin est celui de la femme dans les des habitants de l’archipel. Il relève également vagues, esquissé dès 1885 dans le tableau un mélange d’indolence et de mystère qui Les Baigneuses. Dans les vagues, elle imprègne ses œuvres : le seul sujet semble être devient une icône rousse et animale, une le dialogue silencieux, teinté de mélancolie femme énigmatique dans son relief Soyez entre deux femmes, dans une atmosphère mystérieuses. irréelle. C’est une existence sans entrave, simple religions. Il admire la figure de Bouddha, dont mais pour autant riche de sens, que Gauguin on retrouve les poses dans des œuvres comme s’attache à représenter (Sous les pandanus). Tii à la perle et Tii à la coquille, sculptures de Le lien entre les Tahitiens et la nature fascine divinités en bois et matériaux variés. Gauguin. Il voit en sa compagne Tehamana une Ève libre, impudique et nourricière (Nave Nave ESPRITS - À partir de 1892, Gauguin donne une Fenua (Terre délicieuse) ; Tehura). forme plastique à l’esprit des morts maori. Les Après plusieurs mois d’observation, Gauguin Tahitiens pensaient que les tupapau erraient confère à ses paysages une dimension parmi les vivants et que l’on pouvait les spirituelle et panthéiste. Dès 1892, il traduit rencontrer, notamment la nuit.