Programme Alimentation en eau potable dans les quartiers périurbains et les petits centres petis centres) Action de recherche n°9

Les opérateurs privés du service de l'eau dans les quartiers RAPPORT (

irréguliers des grandes métropoles n n et dans les petits centres en Afrique BURKINA FASO, CAP-VERT, HAITI, MALI, MAURITANIE, SENEGAL

Travail réalisé par :

HYDRO CONSEIL

Bruno Valfrey

Octobre 1997 Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’un programme intitulé “ Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et petits centres en Afrique ”, financé par la Coopération française et animé par le Programme Solidarité Eau. Les dix opérations de recherche et de six actions pilotes conduites dans le cadre de ce programme ont permis de mobiliser des chercheurs, des gestionnaires, des administrations, des ONG, des collectivités locales, des bureaux d'études, d'Afrique comme de France. Les divers travaux ont approfondi les connaissances sur les aspects fondamentaux de la gestion de l'eau dans les périphéries urbaines et les petits centres sur les thèmes suivants : Thème 1 : Analyse des paramètres économiques de la distribution d'eau Thème 2 : Modes de gestion partagée pour le service en eau potable et participation des habitants Thème 3 : Impact des conditions d'alimentation en eau potable et d'as- sainissement sur la santé publique Thème 4 : Aspects institutionnels et relationnels

Rapport rédigé par Bruno Valfrey (Hydro Conseil) dans le cadre de l’action de recherche pilotée par Bernard Collignon (Hydro Conseil) avec la participation de Jean KIS et Thierry VALLEE (GRDR), Abdoulaye DRAME et Moussa CISSE (Association Diama Djigui)

Hydro Conseil GRDR ADD 53, rue du Moulin des Prés Groupe de Recherche et de Réalisa- Association Diama Djigui 75013 Paris, France tion pour le Développement Rural Village de Marena Tél / Fax : + 33 1 45 65 11 16 dans le Tiers Monde Cvontacts s/c du GRDR Courriel : [email protected] 20, rue Voltaire, 93100 Montreuil Tél : 01 48 57 75 80 Fax : 01 48 57 59 75 Courriel : [email protected]

BP 291 , Mali Tél. : 223 52 18 96 Fax : 223 52 14 60

Cette étude a été financée par le Fonds d’Aide et de Coopération d'Intérêt Général FAC-IG n°94017700 dans le cadre du programme « Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres », coordonné par le Programme Solidarité Eau

Programme Solidarité Eau c/o GRET, 211-213 rue La Fayette, 75010 Paris, France Tél. : 33 (0) 1 40 05 61 23 - Fax : 33 (0) 1 40 05 61 10 E.mail : [email protected]

2 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 Sommaire

1. Résumé...... 5 2. Cadre, objectifs et déroulement de l’étude ...... 9 2.1. Le programme « Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres en Afrique »...... 9 2.2. L’axe de recherche « opérateurs privés »...... 10 2.3. Pourquoi la Région de Kayes ? ...... 11 2.4. Ciblage des opérateurs et déroulement des enquêtes ...... 11 3. L’approvisionnement en eau potable de la Région de Kayes .. 13 3.1. Géographie humaine : quelques données...... 13 3.2. Les différents systèmes d’approvisionnement en eau potable ...... 14 3.3. Le contexte réglementaire et législatif ...... 16 4. Les opérateurs privés du service de l’eau ...... 17 4.1. Une grande diversité de métiers ...... 17 4.2. La vente d’eau au détail à Kayes...... 18 4.2.1. Le service « eau potable » à Kayes...... 18 4.2.2. La livraison d’eau à domicile, une activité temporaire mais rémunératrice pour les nouveaux arrivants à Kayes...... 19 4.2.3. La gestion d’une borne-fontaine à Kayes : un « créneau » porteur et rémunérateur, mais en voie de saturation...... 21 4.3. Les pompistes du Cercle de Yélimané...... 25 4.3.1. Le contexte du Cercle de Yélimané...... 25 4.3.2. Les pompistes, entre bénévolat et professionnalisme...... 25 4.4. Les réparateurs...... 27 4.5. Les entreprises locales engagées dans la conception et la construction des adductions d’eau potable...... 28 4.6. Equipements solaires : le cas du Cercle de Nioro...... 30 4.6.1. Une situation spécifique ...... 30 4.6.2. L’équilibre financier des Comités n’est pas assuré...... 31 4.6.3. Qui va assurer les réparations des équipements solaires ? ...... 31 5. Le poids des privés dans le secteur « eau potable » ...... 33 5.1. La filière « vente de l’eau » à Kayes...... 33 5.1.1. Le chiffre d’affaires de la filière ...... 33 5.1.2. Le secteur privé représente un nombre d’emplois considérable...... 34 5.2. La filière entretien et maintenance des petits réseaux AEP...... 35 5.2.1. Un « créneau » très étroit...... 35 5.2.2. Le nombre d’emplois de ce secteur est faible...... 36 5.2.3. A moyen terme, les perspectives d’évolution de la filière laissent la part belle aux opérateurs privés ...... 36

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 3 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

6. Performances et limites des opérateurs privés...... 37 6.1. La qualité des prestations laisse à désirer...... 37 6.2. ...mais existe-t-il véritablement une demande pour des prestations de meilleure qualité... plus chères ?...... 37 6.3. Les opérateurs privés possèdent une indéniable capacité d’adaptation, qui leur permer de bien « coller » à la demande...... 38 6.4. Le contexte institutionnel et réglementaire ne constitue pas un facteur de blocage au développement des opérateurs privés...... 39 6.5. Perspectives d’évolution des opérateurs privés...... 40 6.5.1. Quel avenir pour la vente d’eau au détail ? ...... 40 6.5.2. Vers une plus grande spécialisation ? ...... 40 6.5.3. De nouveaux « métiers » vont-ils apparaître ? ...... 40 6.6. Un grand absent de la filière : le système bancaire ...... 41 7. La promotion des opérateurs privés ...... 43 7.1. Des opérateurs aux stratégies très diversifiées ...... 43 7.2. Organiser la demande ...... 43 7.3. Faut-il pousser les opérateurs vers le secteur formel ? ...... 43 7.4. Quelles formations et pour qui ?...... 44 7.5. Quels sont les besoins en crédit ? ...... 44 8. Conclusion ...... 45 9. Abréviations utilisées...... 46 10. Documents consultés ...... 47 11. Personnes rencontrées...... 49 12. Annexes...... 51 12.1. Canevas d’entretien artisan-réparateur / entrepreneur...... 53 12.2. Questionnaire d’enquête pompistes ...... 57 12.3. Questionnaire d’enquête Porteur d’eau...... 61 12.4. Questionnaire d’enquête Revendeur (Fontainier)...... 63 12.5. Fiche de renseignements sur l’entretien et la maintenance...... 65 12.6. Typologie des opérateurs ...... 67 12.7. Projets d’AEP et suppressions d’emplois...... 69 12.8. Enquête sur les opérateurs qui assurent l’exploitation des petites adductions d’eau potable dans le Cercle de Nioro...... 71

Nous tenons à remercier tous ceux grâce à qui cette étude a pu être réalisée : · L’équipe de l’Association Diama Djigui, et en particulier Abdoulaye DRAME · MM. Hubert de MILLY et Franck MULLER (Coopération française) · L’équipe du GRDR de Kayes, et en particulier Jean KIS et Moussa DAO · Les responsables de l’EDM à Kayes · MM. Roland LOUVEL et Hervé CHATELET (DNHE, Bamako) · Les responsables de la DRHE à Kayes, et en particulier M. DIALLO · L’équipe du GRDR en France, et notamment MM. T. VALLEE et M. LE CORRE

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 4 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 1. Résumé

1.1. Cadre, objectifs et déroulement de l’étude Cette étude s’inscrit dans le cadre du programme « Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres en Afrique », initié par la Coopé- ration française et animé par le Programme Solidarité Eau, qui a pour vocation d’acquérir une meilleure visibilité du secteur de l’approvisionnement en eau potable des centres secondaires et des petits centres ruraux, c’est-à-dire entre le champ de l’hydraulique « villageoise » et celui de l’hydraulique « urbaine ». HYDRO CONSEIL pilote l’Action de Recherche N°9, qui porte sur l’étude des opé- rateurs privés. Ce rapport s’inscrit plus précisément dans la sous-composante « b », qui se propose de comparer la situation de ces opérateurs privés dans les trois pays riverains du bassin du fleuve Sénégal. Pour le Mali, HYDRO CONSEIL s’est associé dans le cadre de cette étude avec le GRDR, et une ONG locale, l’Association Diama Djigui, qui a réalisé les enquêtes de terrain. La Région de Kayes a été choisie car c’est sans doute la Région du Mali où le stan- dard technique du « petit réseau d’adduction d’eau » pour l’approvisionnement en eau des petits centres est le plus largement répandu. D’autre part deux études ré- centes (l’une menée à Kayes par le CERGRENE, l’autre sur le Cercle de Yélimané par le GRDR et HYDRO CONSEIL) ont permis de bien cerner la problématique.

1.2. La Région de Kayes La Région de Kayes comptait en 1996 plus de 1,3 millions d’habitants, dont 87% de ruraux répartis dans 1 500 villages. Le taux de satisfaction des besoins en eau est estimé à environ 42%. La principale caractéristique de la Région de Kayes est une forte émigration, notamment vers l’Europe. On estime les flux financiers des ressor- tissants vers leur Région d’origine entre 20 et 40 milliards de FCFA.

1.3. Les opérateurs privés du secteur de l’eau La première caractéristique du secteur de l’eau est une grande diversité de « mé- tiers » et donc d’opérateurs : cela va du porteur d’eau appartenant au secteur infor- mel et dont le chiffre d’affaires est de l’ordre de quelques dizaines de milliers de FCFA par mois à l’entreprise publique nationale brassant plusieurs dizaines de mil- lions de FCFA de chiffre d’affaires mensuel. Face à ce foisonnement, nous avons choisi d’étudier trois métiers « névralgiques » : la vente d’eau au détail en ville, l’entretien et la maintenance des petits réseaux d’adduction d’eau dans les centres ruraux, et enfin la conception et la construction de ces réseaux.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 5 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

La vente de l’eau au détail à Kayes La ville de Kayes dispose d’un réseau d’adduction d’eau géré par l’EDM, entreprise nationale en charge de la distribution de l’eau en milieu urbain. Près de 74% des habitants ont recours aux bornes-fontaines publiques. D’après les enquêtes que nous avons menées, il apparaît clairement que le portage d’eau (et sa livraison à domicile) est une activité rémunératrice (revenus mensuels nets estimés à 20 000 FCFA), pratiquée par les nouveaux arrivants (97% des por- teurs interrogés ne sont pas originaires de Kayes), jeunes (moyenne d’âge 28 ans), peu scolarisés. Le portage se fait rarement à plein temps, mais en complément d’autres activités rémunératrices (fabrication de briques, portage de marchandises pour les commerçants ou les particuliers, travaux agricoles, etc.). Les bornes-fontaines de Kayes, quant à elles, sont gérées par des natifs de la ville (à 72%), plus âgés (43 ans en moyenne), et plus scolarisés. L’investissement de départ pour l’ouverture d’une borne est de 200 000 FCFA en moyenne. Les pro- priétaires ont généralement une autre activité (commerçants, fonctionnaires), et ils placent un jeune de la famille à la vente. Le volume d’eau vendu est en moyenne de 225 m3/mois, ce qui représente une marge brute (avant paiement des salaires) d’environ 40 000 FCFA/mois. Cette marge est cependant très variable, et il est pro- bable que le marché soit saturé (sauf dans les quartiers en pleine expansion).

Les pompistes du Cercle de Yélimané Le Cercle de Yélimané se caractérise par une forte densité de petits réseaux d’ad- duction d’eau, financés pour la plupart par les migrants installés en France. Les pompistes sont les seuls « agents techniques » de ces réseaux. Relativement âgés (40 ans en moyenne), ils sont choisis parmi les villageois sur des critères de con- fiance et n’ont pratiquement jamais suivi de formation. Leur activité se situe donc entre le bénévolat et le professionnalisme. Si leur travail est relativement astreignant (8 heures par jour, 7 jours sur 7), leur charge de travail n’est pas très importante (ils n’interviennent pratiquement pas dans la maintenance des réseaux d’adduction d’eau). Leur rémunération moyenne est de 27 000 FCFA/mois. Les relations avec le Comité sont généralement bonnes, et 50% des pompistes en font partie.

Les réparateurs Le fait frappant mis en évidence par les enquêtes est que sur les cinq principaux ré- parateurs intervenant dans la Région, quatre sont des fonctionnaires ou des salariés d’autres structures. D’autre part, aucun réparateur ne s’est installé spécifiquement sur le créneau de la maintenance des installations hydrauliques (tous ont une autre activité : réparation de groupes électrogènes, de motopompes, de véhicules...). Tout semble donc indiquer que le créneau de la maintenance est très étroit dans la Ré- gion, et que les quelques opérateurs rencontrés suffisent à le saturer.

Les entreprises locales En ce qui concerne la conception et la réalisation des petits réseaux d’adduction d’eau, les maîtres d’oeuvre des projets ont presque toujours recours à des opéra- teurs de Bamako, où l’on trouve toute la gamme des prestataires (bureau d’études pour le dimensionnement des réseaux et des ouvrages de génie civil, spécialistes de la géotechnique ou de la géophysique, entrepreneurs BTP...). Un seul entrepre-

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 6 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 neur de Bamako a jugé opportun d’ouvrir une antenne à Kayes, pressentant un mar- ché à venir potentiellement intéressant.

1.4. Le poids des privés dans le secteur « eau potable » La filière « vente de l’eau » à Kayes représente un chiffre d’affaires d’environ 170 millions de FCFA par an, dont plus de 60% correspondent à des opérateurs privés, le reste étant le chiffre d’affaires de l’EDM. Dans cette filière, le secteur privé est donc prépondérant par rapport au secteur public. En terme d’emplois, l’ensemble de la filière représente plus de 300 emplois à plein temps, soit de 2 à 3% des actifs. A l’inverse, la filière « entretien et maintenance des petits réseaux d’adduction », ne représente qu’un chiffre d’affaires de 15 à 21 millions de FCFA, dont seulement 25% pour les prestations de main d’oeuvre des réparateurs. Il s’agit donc d’un créneau très étroit, qui va sûrement s’élargir dans les toutes prochaines années, mais ne créera jamais plus de quelques dizaines d’emplois.

1.5. Performances et limites des opérateurs privés Si la qualité des prestations des opérateurs privés laisse parfois à désirer (notam- ment en ce qui concerne l’entretien et la maintenance des petits réseaux), l’adéquation à la demande n’est pas trop mauvaise, car les clients de la filière sont plutôt demandeurs de prestation de qualité médiocre, à prix très réduits. Enfin, il apparaît clairement que le contexte « institutionnel » flou de la filière (cadre législatif et réglementaire, niveau de contractualisation...) ne constitue pas un fac- teur de blocage majeur. Les opérateurs appartiennent quasiment tous au secteur informel, mais cela leur garantit un faible niveau de taxation et correspond bien au niveau d’organisation actuel de la filière.

1.6. La promotion des opérateurs privés Le trait marquant des opérateurs privés du secteur de l’eau dans la Région est la grande diversité de stratégies. Tout projet d’appui au secteur qui fera l’impasse sur les individus sera voué à l’échec. Un des enjeux majeurs dans les années à venir sera également d’organiser la demande, ce qui constitue la meilleure garantie d’une développement harmonieux de la filière. Nous déconseillons notamment de pousser trop vite les opérateurs dans le secteur formel, processus qui se fera naturellement au fur et à mesure que le volume d’acti- vités de certains d’entre eux dépassera un montant critique. Mais dans l’état actuel des choses, contraindre les opérateurs à une formalisation de leur statut ne ferait que réduire leur nombre et la qualité de leurs prestations. En ce qui concerne la formation, le besoin ne se fait véritablement sentir que pour les pompistes, qui pourraient à terme devenir les concessionnaires ou les exploi- tants des petits réseaux, notamment dans le cadre de la décentralisation. Les répa- rateurs pourraient également faire l’objet d’un programme de formation, à condition qu’il soit destiné aux réparateurs déjà installés dans le métier. Enfin, les besoins en crédit sont très limités, sauf pour les réparateurs. Il faudra néanmoins prendre garde d’adapter les crédit aux capacités de remboursement.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 7 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 8 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 2. Cadre, objectifs et déroulement de l’étude

2.1. Le programme « Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres en Afrique »

Initié par le Ministère français de la Coopération sur un financement FAC-IG, ce programme, dont l’animation est confiée au Programme Solidarité Eau (pS-Eau), a pour objectif de combler certaines lacunes dans la connaissance de la problémati- que accès à l’eau / distribution de l’eau en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale, et plus particulièrement dans quatre types de zones d’habitation : · Les petits centres ruraux ; · Les centres secondaires ; · Les quartiers irréguliers des grandes villes ; · Les quartiers périurbains à habitat peu dense. La présente étude s’intéresse avant tout aux deux premiers types de zones.

Le programme comprend deux composantes : · Une composante « actions pilotes », dont l’objectif est de tester des hypo- thèses de travail novatrices, non encore mises en oeuvre sur le terrain ; · Une composante « recherche », dans laquelle s’inscrit la présente étude.

Les deux composantes doivent répondre à des impératifs communs : · Répondre aux attentes exprimées par les intervenants de terrain ; · Déboucher sur des propositions concrètes ; · Valider et compléter les connaissances existantes, ou au contraire remettre en questions certaines idées reçues ; · Améliorer les outils d’évaluation pour une meilleure appréhension des mé- canismes à l’oeuvre dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable ; · Faire travailler ensemble des acteurs d’horizons différents : opérateurs de terrain (acteurs de la coopération décentralisée, organisations de solidarité internationale...), chercheurs, bureaux d’études, etc.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 9 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Quatre grands axes de recherche ont été identifiés, recoupant aussi bien les actions pilotes que les actions de recherche : Axe 1 : L’analyse des paramètres économiques de la distribution d’eau pour les populations urbaines à faibles revenus ; Axe 2 : Les modes de gestion partagés pour le service en eau potable et la participation des habitants à la gestion ; Axe 3 : L’impact des conditions d’alimentation en eau potable et d’assainisse- ment sur la santé publique ; Axe 4 : Les questions institutionnelles et relationnelles. La présente étude s’inscrit essentiellement dans le cadre de l’Axe 1.

2.2. L’axe de recherche « opérateurs privés »

HYDRO CONSEIL pilote l’Axe de recherche N°9, dont l’intitulé exact est :

« Evaluation du rôle actuel, du potentiel et des limites des opérateurs privés qui participent à la distribution d’eau en complément ou en concurrence aux grands opérateurs publics : a) Dans les quartiers d’habitat spontané (bidonvilles) de trois grandes villes : Dakar, Nouakchott, Port-au-Prince ; b) Dans les centres secondaires des 3 pays du bassin du fleuve Sénégal. »

La présente étude concerne donc la sous-composante b). Les hypothèses de travail sont les suivantes : Les trois pays du bassin du fleuve Sénégal offrent des conditions plutôt favorables à l’installation de système d’AEP simplifiées dans les centres secondaires : · Ce sont des régions sahéliennes, où l’eau est un produit rare qui fait l’objet d’un commerce depuis longtemps ; le principe du paiement de l’eau y est donc plus facilement admis qu’en zone forestière par exemple ; · Ce sont des régions de forte émigration (vers la France, vers les grandes capitales africaines), où une bonne partie des revenus existent sous forme monétaire (transfert d’argent de la part des émigrés), ce qui facilite le recou- vrement des charges récurrentes liées au fonctionnement des réseaux. Les grandes entreprises de distribution d’eau (publiques ou privées) sont incapables d’assurer l’approvisionnement en eau des centres secondaires ou des bourgs ruraux (car leurs charges fixes sont beaucoup trop lourdes). Mais le service de l’eau y est quand même assuré grâce à de petits opérateurs qui interviennent dans un cadre institutionnel très mal défini. Une meilleure collaboration entre ces opérateurs, les collectivités locales et les services décentralisés de l’Hy- draulique favoriserait une amélioration du service de l’eau. Cependant, l’évolution politique récente a été très variée d’un pays à l’autre, et par- ticulièrement pour ce qui est des textes régissant les collectivités locales et la priva- tisation de certains services publics. Le contexte institutionnel et juridique dans le- quel les opérateurs privés du service de l’eau évoluent est donc très différent d’un pays à l’autre. Il s’agit dans cette recherche de s’appuyer sur ces différences pour Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 10 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 mettre en évidence les facteurs qui favorisent ou, au contraire, freinent le dévelop- pement de ces opérateurs et leur intégration dans le service public. Enfin, on étudiera l’implication des opérateurs privés dans la conception, la cons- truction, la maintenance et l’exploitation des AEP simplifiées. Il s’agit là à la fois d’évaluer leur importance (« part du marché » occupée, chiffre d’affaires), et leurs performances (ainsi que leurs limites).

2.3. Pourquoi la Région de Kayes ?

Trois raisons principales ont conduit au choix de la Région de Kayes comme zone d’étude pour cette action de recherche : · C’est probablement la Région du Mali où le standard technique du « petit ré- seau d’adduction d’eau » est en train de s’imposer le plus rapidement ; · Deux études récentes ont été menées dans la Région de Kayes, qui ont permis de faire un premier tour d’horizon de la situation : · L’étude conduite par HYDRO CONSEIL sur « l’analyse de la concep- tion et du fonctionnement des réseaux d’adduction d’eau potable dans les petits centres du Cercle de Yélimané » (commande du GRDR et du PJCMY) : voir [9] et [10]. Les enquêtes ont été menées dans 27 villa- ges, dont 9 où une adduction d’eau était déjà fonctionnelle, et 5 où une adduction était en cours de réalisation ; · L’étude conduite par le CERGRENE sur « la gestion des bornes-fontai- nes à Kayes, Ségou et Mopti » (commande de trois acteurs de la coo- pération décentralisée1) : voir référence [11]. Même si les enquêtes menées étaient surtout orientées vers l’analyse de la demande (et de la satisfaction des usagers), elles nous ont fourni des informations de toute première qualité sur la distribution de l’eau à Kayes. · Le GRDR, partenaire d’HYDRO CONSEIL dans cette Action de recherche, dispose d’une connaissance très fine de la zone et des opérateurs (tant as- sociatifs que privés) qui y interviennent.

2.4. Ciblage des opérateurs et déroulement des enquêtes

Lors de la phase de préparation du travail de recherche (décrite dans le document de projet sous le terme de « première étape : état des connaissances utilisables »), le Comité de suivi2 de l’action a dressé un tableau de tous les opérateurs suscepti- bles d’être rencontrés dans les pays concernés, à partir des informations disponibles (voir Annexe 6). Cela nous a donc conduit à cibler les enquêtes dans la Région de Kayes en retenant un nombre relativement restreint d’opérateurs, à savoir :

1 Maurepas / Action Mopti, SAN d’Evry / Ville de Kayes et Ville d’Angoulême / Ville de Ségou. Cette étude s’insère dans l’action pilote N°5 du même FAC-IG.. 2 Composé de Bernard COLLIGNON et Bruno VALFREY (HYDRO CONSEIL), Olivier ALEXANDRE (CEMAGREF), Bernard GAY (GRET), Tidiane KOITA (consultant indépendant) et Thierry VALLEE (GRDR France), ce Comité scientifique et technique est chargé du suivi de l’Action de recherche. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 11 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

· Les bureaux d’études (conception des réseaux dans les centres ruraux) et les entrepreneurs spécialisés dans le BTP (construction des réseaux) ; · Les artisans-réparateurs (plomberie, électromécanique) ; · Les pompistes des forages ruraux ; · Les revendeurs d’eau (fontainiers) ; · Les porteurs / livreurs d’eau à domicile. Conformément à l’esprit de collaboration entre acteurs qui constitue un des princi- pes fondateurs du programme, l’ensemble des travaux d’enquête ont été sous-traités à un opérateur local identifié par le GRDR : il s’agit de l’Association Diama Djigui (voir présentation en deuxième page de couverture de ce rapport). HYDRO CON- SEIL, en relation avec l’équipe locale du GRDR, a eu pour rôle de définir les proto- coles d’en-quêtes et les grilles de dépouillement, et de compiler les données re- cueillies sur le terrain par les enquêteurs de Diama Djigui. L’ensemble des question- naires d’enquête utilisés sont reproduits dans les annexes du rapport. En ce qui concerne les zones d’enquêtes, trois zones ont été identifiées pour une première phase d’enquête : · La Ville de Kayes, et plus particulièrement deux quartiers centraux anciens, Légal Ségou et Liberté, et deux quartiers d’extension plus récente, Kayes N’Di et Lafiabougou ; dans chaque quartier l’enquête a porté sur une dizaine de fontainiers et une quinzaine de porteurs / livreurs ; · Le Cercle de Yélimané, et plus particulièrement les neufs villages dans les- quels une adduction d’eau est déjà fonctionnelle ; · Le Cercle de Nioro, qui ont fait l’objet d’enquêtes complémentaires dans le courant du mois de mai, avec l’appui de l’quipe locale du GRDR.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 12 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 3. L’approvisionnement en eau potable de la Région de Kayes

3.1. Géographie humaine : quelques données

La Région de Kayes, première Région du Mali par sa population, comptait environ 1 300 000 habitants en 1996, et en comptera probablement 1 800 000 en 2010. 87% environ des habitants sont des ruraux, répartis dans 1 500 villages. Le climat est de type soudano-sahélien à sahélien, mais la Région possède encore de fortes poten- tialités hydro-agricoles (sous-exploitées). En 1996, le taux de satisfaction des be- soins en eau potable est estimé par la DNHE à 42%. La principale caractéristique de la Région de Kayes est une forte émigration, tant de longue durée, vers l’extérieur (Europe, Bamako, grandes villes africaines), que saisonnière (migrations internes à la Région en période de travaux agricoles). La conséquence majeure de cette émigration est la très forte dépendance du budget des familles par rapport aux transferts financiers des migrants : on estime que plus d’un quart des revenus monétaires des familles est constitué par l’apport des émi- grés (à ce sujet, voir la très bonne synthèse de Jacques ALVHERNE in [20]). Globalement, on évalue les transferts financiers des émigrés vers leur Région d’ori- gine entre 20 et 40 milliards de FCFA par an3 (dont 4 à 6 milliards pour des projets de développement ou des infrastructures à caractère social : adduction d’eau, école, mosquée, centre de santé, puits, medersa, aménagement hydro-agricoles...). Le Cercle le plus concerné par cette émigration est le Cercle de Yélimané (9 000 res- sortissants installés en France pour une population totale de 136 000 habitants). Il est important de rappeler qu’à l’heure actuelle l’approvisionnement en eau potable constitue la priorité N°1 des ressortissants de la Région de Kayes4, et plus d’une di- zaine de projets sont en cours de réalisation. C’est d’ailleurs le cas dans l’ensemble des pays riverains de la vallée du fleuve Sénégal, mais on ne dispose que de peu de données sur l’implication des migrants de la Région de Kayes dans les projets d’ad-duction d’eau (mis à part pour le Cercle de Yélimané, où une étude a récem- ment été menée par le GRDR et HYDRO CONSEIL). A ce sujet, il parait important de mener auprès des ressortissants de la Région de Kayes en France une enquête du même type que celle menée récemment côté sénégalais (voir la référence [21]).

3 Source : J. ALVERNHE (GRDR), [20] 4 Voir l’enquête réalisée dans le cadre de l’étude « AEP Yélimané » : HYDRO CONSEIL, [9]. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 13 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Si au début les migrants se contentaient de projets « légers » (construction ou sur- creusement de puits, installation de pompes manuelles sur des forages existants, postes autonomes...), depuis une dizaine d’années nombreuses sont les associa- tions de ressortissants qui choisissent de financer (dans leur intégralité ou avec le concours de partenaires extérieurs) de véritables réseaux d’adduction. Ces réseaux offrent un standard de qualité souvent élevé (dans certains villages, plus de 9 con- cessions sur 10 sont équipées de branchements), mais les infrastructures, trop fré- quemment sur-dimensionnées, engendrent des charges récurrentes très lourdes, qui laissent planer des doutes sur leur viabilité à long terme. La capitale régionale, Kayes, compte entre 50 000 et 60 000 habitants, ce qui fait d’elle l’une des cinq plus grandes villes du pays. Placée le long de la voie de chemin de fer Dakar-Bamako, Kayes est un important centre d’échanges commerciaux, no- tamment avec le Sénégal, et connaît une croissance urbaine rapide. Notons enfin que la mise en exploitation récente du gisement d’or de (qui est annoncé comme l’un des plus productifs d’Afrique à ce jour) devrait, par ses effets induits, permettre une relance de l’activité économique de la Région.

3.2. Les différents systèmes d’approvisionnement en eau potable

Dans les centres secondaires5 Deux cas de figure sont possibles : pour trois des centres secondaires de la Région (Kayes, Nioro, Kita), c’est l’EDM qui assure la distribution de l’eau ; dans les autres centres, il s’agit pour la plupart du temps d’un petit réseau d’adduction, financé par l’Etat ou les ressortissants, et géré par un Comité villageois. Pour plus de détails sur l’AEP de la ville de Kayes, voir le § 3.1.1 Dans les deux cas, on observe la superposition de trois systèmes de livraison d’eau6 : · Des branchements privés domiciliaires : c’est le cas pour les réseaux de l’EDM, mais l’on constate aussi que les ressortissants ont de plus en plus tendance à adopter ce standard dans le cadre de leurs projets ; · Des bornes-fontaines publiques plus ou moins « privatisées » : selon les cas, le vendeur d’eau est rémunéré sur la base d’une indemnité mensuelle, ou perçoit une marge proportionnelle à la quantité d’eau vendue ; · Un système plus ou moins élaboré de livraison d’eau à domicile, par l’in- termédiaire de porteurs à bras, à pousse-pousse ou de charretiers. La « revente de voisinage » (revente d’eau dans un faible rayon par les propriétaires de branchements particuliers) semble peu développée dans la Région7, mais rares sont les enquêtes menées spécifiquement sur ce thème.

5 Par « centre secondaire », on entend les centres de plus de 10 000 habitants. 6 Dans cette étude, on ne s’intéresse qu’à l’eau vendue dans le cadre des réseaux de distribution ; mais en ville comme en milieu rural, les sources d’approvisionnement en eau « traditionnelles » (puits, marigot, fleuve, eau de pluie) continuent à être exploitées de façon plus ou moins importante selon la saison, ce qui entraîne de fortes variations saisonnières de la demande. 7 D’après MOREL A L’HUISSIER et VERDEIL [11], moins d’un kaysien sur dix a recours à cette op- tion, le plus souvent à cause de l’éloignement de la borne. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 14 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Dans les petits centres ruraux et les villages Pour l’approvisionnement en eau potable des petits centres ruraux et des villages, on rencontre schématiquement deux grands types de solutions : · Un ou plusieurs forages équipés de pompes manuelles, en complément ou en concurrence avec les puits traditionnels ou modernes ; · Un (ou plusieurs) forage(s) à exhaure motorisée (diesel, solaire, parfois les deux), avec un réseau de distribution plus ou moins développé (cela va du simple « poste autonome »8 au réseau comportant plus d’une centaine de branchements particuliers). Les réseaux de distributions « modernes » sont le plus souvent issus d’initiatives des ressortissants, qui dans la majorité des cas prennent en charge l’intégralité des investissements. Notons cependant que l’Etat malien, avec le concours financier de la KfW, mène actuellement un important programme d’équipement des centres ru- raux avec des « adductions d’eau simplifiées » (neuf centres en tout). Pour compléter ce panorama très rapide de la situation, on trouvera ci-après deux tableaux, l’un présentant le taux de couverture en forages équipés de PMH9, l’autre le nombre de petits réseaux d’adduction d’eau10, et cela pour les quatre « Cercles du Nord » (Kayes, Yélimané, Nioro, Diéma), qui représentent 55% de la population de la Région de Kayes.

NOMBRE DE FORAGES EQUIPES DE PMH Forages Habitants par fo- Nombre de pom- Cercle exploitables rage exploitable pes installées Kayes 395 760 340 Yélimané 120 920 79 Nioro 315 510 251 Diéma 184 710 182 TOTAL 1 014 700 852

NOMBRE DE PETITS RESEAUX AEP

Cercle AEP existantes ou en AEP en projet (avancé) cours d’installation Kayes 4 6 Yélimané 14 6 Nioro 13 ?? Diéma 5 ?? TOTAL 36 Une quinzaine ??

8 Par « poste autonome », on entend un réseau de distribution réduit à sa plus simple expression : le plus souvent, un seule borne-réservoir ou un bassin situés à proximité immédiate du forage. 9 Source : J. ALVERNHE (GRDR), [20]. 10 Source : J. ALVERNHE (GRDR), [20] ; HYDRO CONSEIL, [9]. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 15 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

3.3. Le contexte réglementaire et législatif

Actuellement un seul texte réglemente la gestion de l’eau au Mali : il s’agit de la loi N°90-17 « fixant régime des eaux » et de son décret d’application N°90-088 « por- tant réglementation du régime des eaux ». Ce texte consacre la prédominance ab- solue de l’Etat en matière de gestion de l’eau, puisque tous les petits réseaux d’adduc-tion sont propriété de l’Etat11 qui peut en concéder un « droit d’usage ». La décentralisation en cours va sans doute profondément modifier le paysage juridi- que en matière de gestion du service de l’eau. Même si le texte fondateur de la dé- centralisation (la loi N°95-034 « portant code des collectivités territoriales en Répu- blique du Mali ») reste très vague sur le sujet (comme sur tout ce qui concerne la délégation des services publics aux futures Communes), deux textes fondateurs sont en cours d’élaboration : · Le nouveau Code de l’Eau ; · La loi sur le patrimoine communal, qui déterminera les infrastructures qui se- ront rétrocédées par l’Etat aux Communes. Cette redéfinition du cadre institutionnel de la gestion du service de l’eau, qui laisse parfois apparaître des dissensions entre la Mission de Décentralisation et la DNHE, n’est pas sans inquiéter les Comités de Gestion d’adduction : « Les nouvelles auto- rités communales, qui auront l’avantage de détenir leur pouvoir des populations, tenteront sûrement de récupérer les AU [Associations d’Usagers] ou tout au moins d’in-tervenir dans l’utilisation de leurs fonds, des fonds qu’elles utiliseront, si la pos- sibilité leur en est donnée, à autre chose qu’au service de l’eau. »12 Le flou juridique entoure également les Comités de Gestion des petits réseaux d’ad- duction (qui ne disposent généralement pas de statut juridique), mais aussi les opé- rateurs privés (artisans, porteurs) qui sont en majorité dans le secteur « informel » de l’économie (pas d’impôts, pas de déclarations, pas d’autorisations, pas de cotisa- tions sociales, pas de patentes, etc...). Quoiqu’il en soit, la décentralisation, et d’une façon plus générale la nouvelle donne juridique à venir, vont sans doute permettre l’émergence de nouveaux opérateurs (privés) du service de l’eau, notamment dans le cas où les futures communes confie- ront la gestion de leur patrimoine à des fermiers ou des concessionnaires.

11 Article 2 : « Le domaine hydrique artificiel de l’Etat est constitué par (...) les eaux recueillies ou ca- nalisées pour l’usage public ou collectif, les conduites d’eau de toute nature, canaux et aqueducs qui les conduisent, les fontaines ou bornes-fontaines qui les distribuent, les lavoirs et abreuvoirs » ; l’Article 3 stipule en outre que ce domaine hydrique « est inaliénable et imprescriptible ». 12 Intervention de M. Bilal KEITA, in « Concertation des responsables des centres du Nord avec les gestionnaires des centres du projet AEP 6 centres (5, 6 et 7 mars 1997) » ; DNHE / Gauff Ingenieure. A ce sujet, voir également la référence [9], page 15. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 16 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 4. Les opérateurs privés du service de l’eau

4.1. Une grande diversité de métiers

Bureaux d’études, entrepreneurs, fontainiers, porteurs d’eau, pompistes, distribu- teurs de pièces détachées, plombiers, réparateurs de groupes électrogènes : le sec- teur « eau potable » frappe l’observateur par la diversité des métiers. Tentons un classement sommaire et forcément réducteur de ces « métiers » : Désignation Métier principal Secteur CA mensuel13 Fontainier Vente d’eau au détail Privé « formel » 10 - 100 Encadrement, planifica- DRHE tion, appui conseil, ges- Public NS tion de projets... Production / Distribution 14 EDM Public 20000 - 30000 de l’eau en milieu urbain Comité de Gestion Exploitation de réseau Communautaire 50 - 2000 Fonctionnement, entre- Privé informel Pompiste 10 - 40 tien système de pompage (Salarié du Comité) Relève des compteurs Privé informel très faible Releveur (dans les centres ruraux) Communautaire (symbolique) Assure les fonctions Privé informel très faible Collecteur « commerciales » Communautaire (symbolique) Porteur Livraison d’eau Privé informel 10 - 50 Réparateur Electromécanique Privé (in)formel 30 - 200 Plombier Plomberie Privé (in)formel 10 - 150 Vente de matériel et de Privé formel Commerçant très variable pièces détachées (en général) Géophysique, dimen- Privé Bureau d’études très variable sionnement de réseau... Formel Génie civil, pose Privé Entrepreneur très variable de canalisations Formel

13 Chiffre d’affaires mensuel : fourchette en kFCFA (il s’agit d’un ordre de grandeur). 14 Pour l’activité eau potable exclusivement. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 17 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Diversité des métiers, mais aussi des chiffres d’affaires (de quelques milliers de FCFA par mois à plusieurs dizaines de millions de FCFA...), des statuts (du secteur informel à l’entreprise publique nationale et passant par la structure à dominante communautaire), des stratégies... il s’agit bien d’un secteur en pleine expansion, et en pleine mutation, surtout pour ce qui concerne la répartition des rôles entre les opérateurs publics et privés. Il s’agit également, soulignons-le, d’un secteur très jeune, puisque la plupart de ces métiers ont fait leur apparition très récemment, à la suite de l’explosion de la demande et des investissements considérables consentis depuis vingt ans par l’Etat et les bailleurs de fonds.

Les métiers névralgiques Nous avons choisi de centrer cette étude sur trois « métiers » qui nous paraissaient représenter les métiers névralgiques du service de l’eau : · La vente de l’eau au détail (fontainiers, porteurs...) ; ces métiers étant typi- ques des centres secondaires fortement urbanisés ; · L’entretien et la maintenance des petits réseaux d’adduction (pompistes, réparateurs électromécaniciens, plombiers) ; · La conception et la construction des réseaux de distribution. Ce choix est loin de rendre compte de la totalité du secteur, mais ces trois gammes de métiers constituent les créneaux de prédilection des opérateurs privés ; il s’agit aussi des métiers les plus susceptibles d’une évolution rapide dans les prochaines années, sous l’effet conjoint de la diffusion de nouveaux standards techniques en matière d’approvisionnement en eau et de la redéfinition en cours du rôle (aupara- vant prépondérant) de l’Etat dans le secteur de l’hydraulique.15

4.2. La vente d’eau au détail à Kayes

4.2.1. Le service « eau potable » à Kayes16

La production et la distribution d’eau à Kayes sont le monopole d’une entreprise pu- blique, l’EDM (qui assure également la distribution de l’électricité). L’EDM joue en fait le rôle de grossiste, puisqu’on estime que plus des trois quarts de la population a recours aux bornes-fontaines pour son approvisionnement en eau. Le taux de raccordement (pourcentage de la population disposant d’un branchement particulier) est très variable d’un quartier à l’autre17, mais se situe à 18% pour l’ensemble de la ville. Les sources « traditionnelles » d’approvisionnement en eau sont encore largement utilisées, puisque 25% des ménages continuent à se rendre au fleuve pour la lessive et la cuisine. L’utilisation des puits est plus marginale (6% des ménages). La ville de Kayes dispose d’un réseau important de bornes-fontaines, puisqu’on en comptait 84 à la fin 1996. Ce nombre progresse régulièrement au rythme d’environ 5

15 Ce choix reflète également les centres d’intérêt de l’ensemble des actions de recherche : nous avons volontairement omis les deux opérateurs fondamentaux du secteur hydraulique que sont les puisatiers et les installateurs / réparateurs de pompes manuelles (hydraulique « villageoise »). 16 La plupart des chiffres de ce paragraphe sont tirés de l’étude du CERGRENE, [11]. 17 De 4% pour le quartier de Kayes N’Di (quartier en pleine expansion, où s’installent les nouveaux arrivants) à 60% pour Khasso (coeur historique de Kayes). Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 18 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 bornes par an, ces nouvelles bornes s’ouvrant principalement dans les quartiers d’extension de Lafiabougou et de Kayes N’Di. Le tableau ci-après présente la répar- tition des bornes en fonction des quartiers : Population Nombre de Taux de desserte par Quartier (estimation 1996) bornes-fontaines borne-fontaine Plateau 11 192 10 59% Légal Ségou 12 380 21 65% + Lafiabougou Liberté 9 905 17 61% Khasso 9 935 17 39% Kayes N’Di 10 939 19 85% TOTAL 54 401 84 74% Source : Etude CERGRENE, [8]

4.2.2. La livraison d’eau à domicile, une activité temporaire mais rémunératrice pour les nouveaux arrivants à Kayes

L’enquête menée par Diama Djigui a concerné 62 porteurs de quatre quartiers de Kayes (Liberté, Légal Ségou, Lafiabougou, Kayes N’Di). Cet échantillon représente probablement plus de 25% des porteurs de la ville. Le portage se fait à bras (la quantité livrée est alors limitée à une cinquantaine de litres), en « pousse-pousse » (livraison : 200 litres) ou en charrette (livraison d’un ou deux fût(s)).

Boubacar COULIBALY, Porteur à bras Originaire de Kouloubougou-Kolokani (Région de Koulikoro), Boubacar COULIBALY est âgé de 37 ans. Installé à Kayes depuis 17 ans, il pratique le portage d’eau à bras depuis 15 ans, de façon indépendante et temporaire. « La première année, j’ai acheté mon matériel avec l’argent gagné en fabriquant des briques ou en travaillant comme manoeuvre. Au début le travail n’a pas été facile, car je connaissais mal le milieu kaysien. J’avais beaucoup de clients, et pendant un an j’ai travaillé avec un système d’abonnement. Comme je suis alpha- bétisé je notais au fur et à mesure les livraisons dans un cahier. Je me suis alors rendu compte que beaucoup des gens qui me devaient de l’argent avaient quitté la ville, ou s’étaient installés dans un autre quartier. De plus ceux qui me devaient de l’argent n’avaient pas marqué les quantité d’eau que je leur avait fournies, et il y a eu beaucoup de contesta- tions. J’ai perdu beaucoup d’argent à cette occasion, car j’avais déjà payé les fontainiers. Le portage d’eau est un métier intéressant, le malheur est qu’il ne soit pas organisé. Ensuite, il y a beaucoup de problèmes avec les femmes, qui ne présentent jamais le même récipient quand il s’agit de vendre l’eau au détail. Aujourd’hui je gagne bien ma vie en faisant d’autres métiers, mais le portage d’eau reste mon activité principale. J’ai même pu me marier ici avec l’argent que j’ai gagné en livrant de l’eau. Maintenant j’économise l’argent que je gagne. »

Origine sociale, niveau d’études Les porteurs sont dans leur immense majorité (97%) de nouveaux arrivants à Kayes, installés depuis peu (6 ans en moyenne). Il s’agit d’une population jeune (âge moyen 28 ans), faiblement scolarisée (67% n’ont pas été à l’école, 22% ont été à l’école primaire, et seulement 9% ont poursuivi leurs études au-delà).

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 19 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Trajectoire individuelle et professionnelle Le premier résultat marquant de ces enquêtes est que les porteurs ne pratiquent pas la vente d’eau depuis très longtemps : 3 ans et demi en moyenne. Cette donnée est confirmée par les intentions affichées par les porteurs pour ce qui est de l’avenir : 10% envisagent de continuer le portage, 15% souhaitent continuer de façon tempo- raire, et 71% souhaitent trouver une autre activité. Cela ne veut pas forcément dire que le « turn-over » est important dans ce secteur : même si l’intention affichée est de passer à une autre activité, il semblerait que bon nombre de porteurs gardent ce métier pendant plusieurs années. Les porteurs d’eau sont à 94% des indépendants. Pratiquement aucun ne pratique cette activité à plein temps (2%) ; cela signifie d’une part que les porteurs suivent l’évolution de la demande dans le temps (en saison des pluies, la demande est très faible, et les porteurs partent souvent travailler comme ouvriers agricoles), et d’autre part qu’ils se livrent au transport d’autres marchandises (à la gare, au marché...) : c’est le cas de 63% d’entre eux.

Un livreur d’eau par pousse-pousse à Kayes N’Di « Je suis né ici à Kayes, je faisais d’abord le manoeuvre, puis j’ai acheté un pousse-pousse pour le transport des petites marchandises au marché. J’avais alors 28 ans, j’en ai au- jourd’hui 38. J’ai acheté un fût pour livrer de l’eau suite aux demandes de certains construc- teurs de maisons dans la partie Extension de Kayes N’Di. Le métier de porteur d’eau peut nourrir une famille moyenne de 4 personnes si l’argent est bien géré. Mais il faut être pré- voyant, car pendant l’hivernage la demande est beaucoup moins forte. Avec l’argent que j’ai gagné en livrant l’eau j’ai même pu acheter un terrain et construire, mais à cette époque [il y a quelques années] certains endroits de la ville étaient très éloignés des points d’eau. Au- jourd’hui je peux vendre une moyenne de 40 fûts d’eau par semaine. Je nourris ma femme, mes deux enfants et ma mère avec cet argent. Je pense que ce métier est très important pour moi. J’ai aussi acheté un second pousse-pousse que j’ai mis en location. Chaque fois qu’il y a de l’eau à vendre, je ne me consacre qu’à cela [et j’abandonne mes autres métiers]. J’ai même suggéré aux autres porteurs que l’on s’organise pour fixer le prix de l’eau en fonc- tion des distances, des saisons et même des heures. Mais je n’arrive pas à les regrouper, chacun se trouve bien dans sa position actuelle. En tous les cas je vous remercie beaucoup pour votre enquête ; rares sont les gens qui s’intéressent à notre métier. »

Investissement de départ, chiffre d’affaires L’investissement de départ est variable selon le mode de transport : pratiquement nul pour un porteur à bras, de l’ordre de 35 000 FCFA pour un livreur avec pousse- pousse, et 150 000 FCFA environ pour un transporteur équipé d’une charrette. Le financement de l’équipement est le plus souvent d’origine familiale. Ce faible inves- tissement de départ explique que peu de porteurs ait recours à la location : 14% dans le cas des pousse-pousse, 22% dans le cas des charrettes. Les porteurs achètent l’eau à la borne-fontaine (ils rayonnent en général à partir d’une ou deux bornes-fontaine(s)) au même tarif que les simples consommateurs, c’est-à-dire 250 FCFA/m3. Le prix de revente est fonction de nombreux paramètres : distance à parcourir, quantité à livrer, degré de fidélité du client18, etc. ; en moyenne, il se situe aux environs de 250 FCFA/fût, soit 1 250 FCFA/m3 (ceci n’est valable que pour les pousse-pousse et les charrettes).

18 Certains porteurs livrent même l’eau gratuitement dans la famille où ils prennent leur repas. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 20 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

La quantité moyenne d’eau vendue est de 5 m3 par semaine et par porteur, ce qui représente donc un chiffre d’affaires mensuel d’environ 25 000 FCFA, pour un reve- nu d’environ 20 000 FCFA par mois. Cette moyenne cache cependant de grandes disparités (la fourchette étant en réalité 10 000 / 50 000 FCFA suivant le dynamisme du porteur, son ancienneté, sa situation géographique...). Au vu de ce revenu potentiel, et sachant que le portage d’eau n’est presque jamais la seule activité des porteurs, on comprend l’attrait qu’il peut exercer sur ces nou- veaux arrivants qui n’ont souvent que leur force physique à « vendre » (et le portage d’eau, particulièrement par pousse-pousse, est un travail très pénible). Pour les porteurs à bras, la marge bénéficiaire est plus réduite, puisqu’ils vendent l’eau au détail à 500 FCFA/ m3 en moyenne. Cette faible marge est cependant com- pensée par une quantité d’eau vendue plus importante. Notons enfin que les porteurs d’eau, comme tous les petits revendeurs, paient à la Mairie de Kayes une taxe forfaitaire mensuelle de 500 FCFA.

Gestion de la clientèle Comme le montre le témoignage de M. COULIBALY (voir ci-dessus), les porteurs abandonnent rapidement le système de l’abonnement. En effet, les porteurs sont souvent en conflit à la fois avec les fontainiers (qui refusent de leur faire crédit) et avec les clients (qui rechignent à payer les « arriérés »). Les porteurs optent donc généralement pour un paiement au comptant de leurs livraisons. Cela n’empêche cependant pas les porteurs d’avoir une clientèle régulière : c’est le cas pour 79% d’entre eux, le nombre moyen de clients « réguliers » s’élevant alors à 4.

4.2.3. La gestion d’une borne-fontaine à Kayes : un « créneau » porteur et ré- munérateur, mais en voie de saturation

L’enquête auprès des fontainiers s’est faite dans les mêmes quartiers que pour les porteurs d’eau. L’échantillon était constitué de 30 fontainiers, soit plus de 35% des fontainiers de la ville, et probablement 50% des bornes-fontaines « actives ». No- tons avant toute chose que par « fontainier », on entend en fait le concessionnaire effectif de la borne-fontaine (c’est-à-dire celui qui a souscrit l’abonnement à l’EDM en son nom propre), qui place généralement un jeune de la famille pour s’occuper de la vente de l’eau proprement dite.

Origine sociale, niveau d’études A la grande différence des porteurs d’eau, près des trois quarts (72%) des fontai- niers sont originaires de Kayes19, et leur âge moyen est beaucoup plus élevé (envi- ron 43 ans). 42% d’entre eux n’ont pas été à l’école, mais la majorité (53%) ont été à l’école primaire ou secondaire. Les porteurs et les fontainiers constituent donc deux populations bien distinctes socialement.

19 Et les 28% restant sont installés à Kayes depuis 15 ans en moyenne : il ne s’agit donc plus à pro- prement parler de « nouveaux arrivants ». Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 21 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Itinéraire personnel et professionnel Beaucoup de concessionnaires de bornes-fontaines sont des commerçants ou des fonctionnaires. 88% se disent indépendants, et pour seulement 28% d’entre eux il s’agit de leur seule source de revenus. L’ancienneté dans l’activité s’établit en moyenne à 5 ans, avec une différence marquée entre les quartiers anciens (ancien- neté moyenne : 6,5 ans) et les quartiers plus récents (ancienneté : 3,2 ans). Très schématiquement (et de façon un peu caricaturale...), on peut distinguer trois types de stratégie chez les propriétaires de bornes-fontaines : · Le « gagne-petit » : propriétaire d’une borne-fontaine un peu par hasard, il consi- dère celle-ci comme un revenu d’appoint. Dans ce cas, la consommation en eau de la famille est du même ordre de grandeur que la vente d’eau, ce qui permet au propriétaire de disposer d’un branchement privé à tarif réduit. Le chiffre d’affaires est alors très réduit, et la marge nette de l’ordre de 10 000 FCFA par mois ; · Le « commerçant » : respecté dans son quartier, ses qualités de gestionnaire et (ou) son intégrité le prédestinaient à la vente de l’eau. En général boutiquier dans le quartier ou au marché, il considère la borne comme un investissement et attend donc qu’elle lui rapporte un revenu conséquent, déduction faite de la facture de l’EDM et du « salaire » de celui qui encaisse l’argent à la borne. Le chiffre d’affai- res de la borne est alors supérieur ou égal à la moyenne ; · Le « professionnel de la vente de l’eau » : son objectif clairement affiché en pre- nant une borne-fontaine en gestion est de « faire » le plus possible l’argent. Il s’est livré à une véritable étude de marché avant de choisir la borne qui dispose d’une clientèle nombreuse. Ce cas de figure se rencontre en général dans les quartiers en expansion, ou le réseau de l’EDM est encore trop peu étendu pour répondre à la demande. Le chiffre d’affaires de la borne peut alors dépasser la centaine de milliers de FCFA par mois.

Moussa SIDIBE, fontainier à Légal Ségou Moussa SIDIBE, menuisier de formation, est né en 1932. Fontainier indépendant depuis 1991. Témoignage : « La vente d’eau est un métier noble. Beaucoup de prophètes l’ont fait. Avant les événements de mars 1991 [chute de Moussa TRAORE], il y avait une borne- fontaine devant ma maison et on m’en avait confié la surveillance. Je ne gardais pas l’ar- gent, j’avais un cahier où je notais tous les volumes vendus. A l’époque, l’argent était versé à la Section de l’UDPM. Un jour j’ai été interpellé par la Mairie pour verser l’argent, j’ai ré- pondu que je n’avais rien. C’est alors le Secrétaire Général de l’UDPM (à qui je versais l’argent) qui est venu à mon secours en disant qu’il allait régler toutes les factures depuis 2 ans. Après enquête j’ai trouvé que l’affaire s’était réglée entre les politiciens, l’EDM et la Mairie. Surviennent alors les événements du 26 mars 1991, les politiciens sont partis, et j’ai alors fait une demande pour rouvrir la borne-fontaine. Mais j’ai eu des problèmes avec l’EDM, car bien qu’il s’agisse d’une borne-fontaine publique on me vendait l’eau au tarif des particuliers [doublement du prix pour une consommation mensuelle supérieure à 20 m3]. L’eau était trop chère pour que j’y trouve mon compte. Renseignement pris auprès des au- tres fontainiers, je suis allé me plaindre et ma situation a été finalement régularisée. (...) Je ne gagne pas trop mal ma vie, chaque semaine je puise 2000 FCFA pour payer les condi- ments. Ensuite, après paiement de la facture à l’EDM, j’ai une moyenne de 12 000 FCFA [par mois], de quoi acheter un sac de mil et combler ma pension de retraite. Je vis bien ainsi. »

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 22 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Investissement de départ, chiffre d’affaires L’investissement de départ pour l’ouverture d’une borne-fontaine est assez élevé : près de 200 000 FCFA en moyenne. Cet investissement de départ comprend la cau- tion à l’EDM (de l’ordre de 50 000 FCFA), mais souvent aussi les arriérés de paie- ment de l’abonné précédent20. Le prix d’achat de l’eau à l’EDM est de 80 FCFA/ m3, quelle que soit la quantité. Le prix de vente est en théorie de 250 FCFA/m3, mais le volume réel des récipients uti- lisés par les usagers semblerait indiquer que le prix effectif de vente est supérieur, et de l’ordre de 350 FCFA/m3. Il est important de souligner que le prix d’achat à l’EDM n’a pas varié depuis près de 10 ans (l’effet de la dévaluation, notamment, n’a pas été pris en compte), ce qui constitue une forme de subvention publique.

Graphique : consommation mensuelle d’une borne-fontaine à Lafiabougou21

Consommation LAFIABOUGOU - M. SOW Moyenne

300

250

200

150

100 (Mètres cubes par mois) 50

0 Mai-88 Mai-89 Mai-90 Mai-91 Mai-92 Mai-93 Mai-94 Mai-95 Mai-96 Fév-88 Fév-89 Fév-90 Fév-91 Fév-92 Fév-93 Fév-94 Fév-95 Fév-96 Aoû-88 Aoû-89 Aoû-90 Aoû-91 Aoû-92 Aoû-93 Aoû-94 Aoû-95 Aoû-96 Nov-88 Nov-89 Nov-90 Nov-91 Nov-92 Nov-93 Nov-94 Nov-95 Nov-96

Commentaires : 1) On voit que la consommation est très stable depuis six ans, malgré le développement de ce nouveau quartier ; 2) Une partie des forts écarts in- ter-mensuels est probablement liée à l’irrégularité du relevé des compteurs.

Le chiffre d’affaires mensuel moyen pour l’ensemble des quatre quartiers s’élève à 70 000 FCFA en moyenne, pour un revenu net de l’ordre de 41 500 FCFA22. Cette moyenne cache cependant de fortes disparités, comme le montre la répartition du nombre de bornes-fontaines en fonction de la consommation mensuelle figurant dans l’étude du CERGRENE ([11], page 80) et présenté page suivante. Cette diver-

20 En ce qui concerne les impayés, VERDEIL et MOREL A L’HUISSIER, [11], page 84, ont bien mon- tré la corrélation très nette entre le montant des impayés et la consommation moyenne de la borne, à partir de l’analyse des données de l’EDM pour 75 bornes-fontaines. 21 Nous tenons ici à remercier M. El Hadji Tidiane SOW d’avoir conservé (presque toutes) ses quit- tances de l’EDM depuis l’ouverture de la borne, en... 1988. 22 Ce chiffre est parfaitement cohérent avec l’estimation de VERDEIL et MOREL A L’HUISSER. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 23 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 sité apparaît aussi dans les comptes d’exploitation (réels) de deux bornes-fontaines de Lafiabougou, l’une particulièrement rentable (celle de M. SOUMARE), et l’autre beaucoup moins (celle de M. SOW) : voir tableaux ci-après.

REPARTITION DES BORNES-FONTAINES DE KAYES EN FONCTION DE LA CONSOMMA- TION D’EAU MENSUELLE (Source : [11], page 80) Consommation mensuelle moyenne (m3) Nombre de bornes % Moins de 100 20 13 De 100 à 200 27 36 De 200 à 300 20 27 De 300 à 400 11 15 Plus de 400 7 9 TOTAL 75 100

COMPTE D'EXPLOITATION POUR L’ANNEE 1996 (BORNE DE M. SOUMARE)

Hypothèse 10% de pertes, donc : 5195,7 m3 vendus Seau de 10 litres = 5 FCFA, soit 500 FCFA/ m3 20% des ventes Bassine de 25 litres = 10 FCFA, soit 400 FCFA/ m3 30% des ventes Fut de 200 litres = 50 FCFA, soit 250 FCFA/ m3 50% des ventes Donc prix moyen de vente de l'eau = 345 FCFA/ m3

RECETTES 5196 m3 à une moyenne de 345 FCFA / m3 1 792 517 FCFA DEPENSES Factures de l'EDM 522 040 FCFA Patente à payer à la Mairie 18 000 FCFA Frais divers de réparation 20 000 FCFA TOTAL 536 040 FCFA MARGE NETTE AVANT PAIEMENT SALAIRE 1 232 477 FCFA

COMPTE D'EXPLOITATION POUR L’ANNEE 1996 (BORNE DE M. SOW) (mêmes hypothèses : 10% de pertes et prix de vente moyen de 345 FCFA / m3)

RECETTES 913 m3 à une moyenne de 345/ m3 314 847 FCFA DEPENSES Factures de l'EDM 102 288 FCFA Patente à payer à la Mairie 18 000 FCFA Frais divers de réparation 20 000 FCFA TOTAL 140 288 FCFA MARGE NETTE AVANT PAIEMENT SALAIRE 174 559 FCFA

Cette forte disparité des chiffres d’affaires entre les bornes d’un même quartier sem- ble indiquer que le marché est en voie de saturation. On va probablement assister dans les prochaines années à une disparition progressive des bornes les moins ren-

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 24 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 tables (c’est-à-dire celles où l’on vend moins de 200 m3 d’eau par mois), au fur et à mesure de l’urbanisation des nouveaux quartiers. Ce phénomène sera influencé par la future politique tarifaire d’EDM à l’égard des particuliers et des bornes-fontaines. Une augmentation des tarifs est probable dans l’hypothèse d’une privatisation de l’EDM.

4.3. Les pompistes du Cercle de Yélimané

4.3.1. Le contexte du Cercle de Yélimané

Le Cercle de Yélimané constitue un cas particulier dans la Région de Kayes, puis- que l’effort financier des ressortissants a permis, depuis la fin de années 1980, d’équiper de nombreux centres de petits réseaux d’adduction d’eau offrant une qua- lité de service de très haut niveau (certains villages disposent d’un taux de raccor- dement par branchements privés de l’ordre de 90%...). Pour une population totale de 130 000 habitants, 9 centres sont déjà équipés, et 5 autres le seront dans un proche avenir (avant la fin de l’année 1998) : Date de mise Situation Population Investissement Village en service actuelle (estimation 96) (kFF actuels) Bidadji ?? 1998 ?? En travaux 927 ??? Dialaka 1995 Fonctionne 2 777 124 000 ?? 1997 ?? En travaux 5 882 4 000 000 ?? ?? 1998 ?? En travaux 2 518 2 000 000 ?? Kersignané 1989 Fonctionne 2 243 1 107 000 Koméoulou ?? 1997 ?? En travaux 3 378 2 000 000 ?? Komodindé 1991 Fonctionne 1 156 696 000 Niogoméra 1975-1980 En panne 2 403 156 000 Sambaga 1993 Fonctionne 2 482 1 093 000 Sambankanou 1995 Fonctionne 1 538 515 000 Tambakara ?? 1997 ?? En travaux 3 956 2 000 000 ?? Yaguiné 1994 Fonctionne 9 014 885 000 Yaguiné Banda 1988-1989 Fonctionne 1 615 344 000 Yélimané 195623 Fonctionne 1 693 ??? TOTAL 41 582

4.3.2. Les pompistes, entre bénévolat et professionnalisme

Le pompiste est bien souvent le seul technicien des petits réseaux AEP en milieu rural, et à ce titre il constitue un élément indispensable au bon fonctionnement du service « eau potable » dans les villages et les centres ruraux du Cercle. L’enquête menée par Diama Djigui a concerné 8 des 9 pompistes du Cercle, ce qui permet de dégager quelques tendances suffisamment nettes.

23 Mais la réhabilitation complète du réseau (financée par la ville de Montreuil) a eu lieu en 1986. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 25 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Itinéraire personnel, niveau d’études Agés en moyenne de 40 ans, 6 des 8 pompistes sont originaires du Cercle, et le plus souvent du village où ils sont en poste. Un seul pompiste a servi sur le site d’un autre forage, pour tous les autres l’ancienneté moyenne à leur poste est de 5 ans, ce qui correspond à l’âge moyen des adductions dans le Cercle. Choisis par le Comité de Gestion de l’adduction sur le principal critère de la con- fiance, les pompistes accomplissent une tâche à la limite du professionnel, puisque 3 seulement d’entre eux indiquent pratiquer cette activité à plein temps, les 5 autres ayant une activité d’appoint (agriculture, commerce). 6 d’entre eux comptent cepen- dant poursuivre leur activité. En ce qui concerne le niveau d’études, 4 n’ont pas été à l’école, 3 ont été à l’école primaire et un seul pompiste suivi une formation technique spécifique à sa fonction (formation en électromécanique dispensée à Bamako par le fournisseur du système d’exhaure). La majorité des pompistes n’ont donc reçu aucune formation initiale. 7 pompistes sur les 8 jugent leur formation insuffisante.

Rémunération La rémunération moyenne s’élève à 27 000 FCFA/mois. Un seul des pompistes est entièrement bénévole. Le salaire moyen a progressé de façon assez régulière de- puis 4 ans, puisqu’il était de 20 000 FCFA/mois en 1993. Six pompistes sur huit es- timent néanmoins que leur travail n’est pas suffisamment rémunéré. Les arriérés de salaire à verser par le Comité24 sont souvent élevés.

Charge de travail, responsabilités La durée du travail est assez longue : en moyenne 8 heures par jour, et ceci tous les jours de la semaine, mais les tâches sont souvent assez limitées : arrêt et démar- rage de la pompe, entretien courant du moteur (changement de filtres, vidange, graissage). Un seul pompiste s’occupe de l’approvisionnement en intrants (gasoil, huile), dans les autres cas c’est le Comité de Gestion qui s’en charge. Un seul pom- piste assure la surveillance du réseau. Enfin, un seul des pompistes tient les docu- ments de gestion du forage (carnet de pompage, d’entretien). Le manque de formation technique des pompistes se traduit au niveau de la fré- quence des entretiens, qui est très variable et correspond dans un seul cas à un nombre déterminé d’heures de fonctionnement du moteur. Pour les pannes récentes (que ce soit sur le moteur ou sur le réseau), aucun pompiste n’a participé à la répa- ration, qui dans tous les cas a été effectuée par un artisan extérieur. Aucun pom- piste ne dispose d’ailleurs d’outillage personnel.

24 Les enquêtes menées en décembre 1996 dans le Cercle ont montré que certains pompistes (la majorité) étaient payés directement par les migrants depuis la France. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 26 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Relations avec le Comité de Gestion Tous les pompistes se considérant comme membre du Comité de Gestion de l’ad- duction. Un seul d’entre eux ne participe pas aux réunions du Comité. Dans tous les cas les pompistes jugent leurs relations avec le Comité « bonnes ». Aucun contrat de travail n’existe entre le pompiste et le Comité, et le « cahier des charges » du pompiste est très flou (il dépend de ses compétences initiales et de son dyna- misme). Cela reflète bien la position ambiguë qu’occupe le pompiste dans le fonc- tionnement des petits réseaux d’adduction : il ne se considère pas comme un salarié du Comité de Gestion, mais plutôt comme un de ses membres, indemnisé plus ou moins symboliquement pour les services rendus à la collectivité (au même titre que les collecteurs et les releveurs, par exemple).

Souhaits des pompistes Les cinq souhaits les plus fréquemment exprimés par les pompistes sont : 1. Suivre une formation 2. Augmenter la capacité de stockage (taille du château d’eau) 3. Mettre en place du magasin de pièces détachées 4. Posséder un outillage 5. Posséder un moyen de déplacement

4.4. Les réparateurs

Si l’on ne considère que les petits réseaux d’adduction alimentant en eau les centres ruraux25, deux types de réparateurs peuvent se rencontrer : les plombiers, et les arti- sans spécialisés dans la réparation des groupes électrogènes. En ce qui concerne les plombiers, aucun opérateur privé ne s’est véritablement ins- tallé sur le « créneau ». Plusieurs raisons expliquent cette situation : · Le faible métrage de canalisations installées (quelques dizaines de kilomè- tres seulement pour le Cercle de Yélimané, par exemple) ; · Le bon état global des réseaux, installés depuis peu ; · La présence dans les villages d’artisans disposant d’un minimum de con- naissances en plomberie (parce qu’ils ont travaillé sur un chantier à Bama- ko, parce qu’ils ont été engagé comme manoeuvres sur le chantier de l’adduction), mais pour lesquels il s’agit pas de leur activité principale ; ces artisans, malgré la faible qualité de leurs prestations, répondent parfaite- ment à une demande embryonnaire. Pour les systèmes de pompage, on pouvait s’attendre à trouver quelques artisans spécialisés dans le domaine de l’électromécanique. C’est effectivement le cas, mais pour les rares réparateurs que nous avons rencontrés, deux faits marquants sont immédiatement apparus : · Sur les cinq réparateurs rencontrés, trois sont des fonctionnaires en activité ou à la retraite, le quatrième appartient à une structure de type coopérative

25 En ce qui concerne le réseau de l’EDM à Kayes, les travaux et les réparations sont faits en régie directe (l’EDM dispose d’une équipe technique), ou par des contractuels de l’EDM. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 27 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

de service aux irriguants ; seul le cinquième est véritablement « privé » (il s’agit d’un des pompistes du Cercle de Yélimané) ; · Sur ces cinq réparateurs, aucun n’a fait de l’hydraulique son unique secteur d’activité, ni sa « raison sociale ».

M. Alioune NGUIGN, réparateur Ancien « chef de garage » du service semencier national à Samé agricole, M. NGUIGN, d’origine sénégalaise, est maintenant à la retraite. Il a néanmoins gardé de nombreux contacts avec ses anciens « clients ». Spécialisé en électromécanique, il possède son propre outillage (une boite à outils standard obtenue dans le cadre d’un projet). Ne possédant aucun véhicule, il utilise les transports en commun et son rayon d’action s’en trouve limité (une centaine de kilo- mètres). La majeure de ses interventions se font sur les groupes motopompes, le matériel agricole et les groupes électrogènes. Il lui est également arrivé d’intervenir sur les pompes électriques immergées, mais uniquement pour la pose et la dépose. Selon M. NGUIGN, la principal handicap de Kayes, c’est qu’il n’existe pas de stock de pièces détachées de qualité. Il lui arrive de faire lui-même le déplacement jusqu’à Dakar ou Bamako pour trouver la pièce. De plus, aucune réparation lourde ne peut être faite à Kayes. D’après lui, il peut faire jusqu’à 10 interventions dans le mois. Les tarifs sont très variables. Dans les mois « pleins », il peut ce- pendant gagner plusieurs centaines de milliers de FCFA.

Tout semble donc indiquer que le marché de l’électromécanique est très étroit, et qu’il est déjà occupé par des « opérateurs » pas vraiment privés dont la situation (accès à de l’outillage, à une clientèle, à une filière de pièces) permet de créer une concurrence déloyale aux véritables opérateurs privés qui pourraient avoir dans l’intention de s’installer dans le secteur.

M. Seydou SIDIBE, réparateur M. SIDIBE, 39 ans, est originaire de Bamako. Il a fait son apprentissage à Bamako, puis en Côte-d’Ivoire avant d’entrer à la SOTELMA en 1982, à la suite d’un concours. Il y est actuelle- ment chef du Secteur Energie, et a notamment à sa charge la maintenance de tout l’équipement électromécanique et électronique du central téléphonique. Formé sur le tas, il pense avoir acquis au fil des ans une solide expérience pratique qui lui permet de réparer un peu près tout ce qui touche à l’électrique ou l’électromécanique. Il dispose d’une clientèle « privée » importante, notamment pour les groupes électrogènes, et la SOTELMA lui donne son accord de principe. Le Gouverneur lui passe chaque année un contrat de maintenance, ainsi qu’un commerçant de Kayes. Il ne dispose pour seul moyen de déplacement que d’une moto. Outre les frais de déplacement, à la charge du client, ses prestations sont en général de 10 000 FCFA par jour. Ses interventions dans le domaine de l’hydraulique sont relativement rares, sa dernière intervention sur une électropompe remonte à plus d’un an. M. SIDIBE indi- que ne jamais gagner moins de 150 000 FCFA par mois grâce aux prestations qu’il fait à l’extérieur. Cette somme peut atteindre jusqu’à 500 000 FCFA

4.5. Les entreprises locales engagées dans la conception et la cons- truction des adductions d’eau potable

Sur le « marché » de la construction de petits réseaux d’adduction d’eau, ont ren- contre deux types d’entrepreneurs : · Les bureaux d’études, parmi lesquels on peut distinguer les « généralis- tes » (qui peuvent calculer aussi bien un ouvrage de génie civil que le di- mensionnement hydraulique d’un réseau), et les « spécialistes » (par exem-

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 28 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

ple, géophysique pour l’implantation des forages, géotechnique pour l’im- plantation des châteaux d’eau...) ; · Les entreprises de construction ; comme c’est souvent le cas en Afrique de l’Ouest, les entrepreneurs sont très souples et recrutent les compétences en fonction des marchés à prendre ; ce sont donc généralement les mêmes entreprises qui construisent les ouvrages de génie civil (qu’il s’agisse de gros ouvrages, comme les châteaux d’eau, ou de petits ouvrages, comme les bornes-fontaines, les chambres de vannes, etc.) et qui prennent en charge la partie « plomberie » (pose des canalisations). Sauf dans le cadre des gros programmes d’infrastructures financés par les bailleurs de fonds internationaux, la fonction de « bureau de contrôle » ne se rencontre que très rarement sur ce type de chantier. En ce qui concerne les bureaux d’études proposant parmi leurs services la concep- tion des réseaux, nous n’en avons rencontré aucun dont le siège social soit à Kayes. Il s’agit presque toujours de bureaux d’études de Bamako (voir de bureaux d’études internationaux, comme dans le cas du programme financé par la KfW), pour lesquels le marché régional ne justifie pas encore l’ouverture d’une antenne à Kayes. Il est également symptomatique que le principal « opérateur » dans la conception des ré- seaux du Cercle de Yélimané ait été (et soit encore) un fonctionnaire de la DNHE de Bamako, qui a joué le rôle de prestataire de services à titre privé auprès des mi- grants (et son rôle ne se limitait d’ailleurs pas à l’étude, mais débordait largement sur les fonctions de maîtrise d’oeuvre). Les bureaux d’études « spécialisés » de Bamako (par exemple, le BREESS pour la prospection géophysique) répondent bien à la demande, et même si leurs presta- tions ont un coût élevé, les migrants y ont de plus en plus recours.

M. TOGOLA, entrepreneur en bâtiment Créée en 1994, la société de M. TOGOLA est une Société Unipersonnelle Anonyme à Res- ponsabilité Limitée, spécialisée en construction de bâtiments, en travaux publics et travaux particuliers. Sa gamme de compétences est plutôt large : bâtiments, routes, ouvrages d’art, adductions d’eau, puits, aménagements de périmètres hydro-agricoles... Le personnel per- manent compte 4 ingénieurs, 8 techniciens, 5 administratifs et 15 ouvriers qualifiés, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 600 à 700 millions de FCFA par an, en constante progression. « Togola travaux » travaille dans tout le pays, et a déjà une expérience dans la Région de Kayes (aménagement de micro-barrages pour la FAO et le Génie Rural, construction d’ouvrages d’art à Manantali pour la GTZ...). M. TOGOLA a ouvert une antenne à Kayes car il pense que c’est une zone dans laquelle il est possible de prendre des marchés dans les années à venir. Pour l’instant l’équipe est très réduite (un administratif et un technicien supé- rieur). Togola Travaux a déjà répondu à un appel d’offres du PGRN pour la construction de 19 puits, et mène également quelques autres chantiers de bâtiments (salles de classe...). L’entreprise a déjà construit un château d’eau dans le Cercle de Yélimané (il s’agit de celui de Tambakara), et a déjà été contactée pour des réseaux d’adduction d’eau. Le coût unitaire pour la fourniture et la pose des canalisations PVC (y compris fouilles et remblaiement) est en moyenne de 20 000 FCFA par mètre linéaire. M. TOGOLA estime que son entreprise est bien adaptée à ce marché parfois difficile qu’est la construction de petits réseaux d’adduction en milieu rural. L’entreprise dispose déjà de plusieurs expériences réussies de chantiers avec participation villageoise, mais M. TOGOLA reconnaît sans difficulté que travailler avec les villageois est une grosse contrainte pour une entreprise telle que la sienne.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 29 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Pour ce qui est des entrepreneurs, mis à part l’exemple de Togola Travaux (voir en- cadré), force est de constater qu’ils sont pratiquement inexistants dans la Ré- gion de Kayes. Un recensement récent mené par l’AFVP à la demande de la Pri- mature a d’ailleurs confirmé cette situation (voir [11]). La plupart des réseaux exis- tants ont été réalisés par des entreprises de Bamako, pour lesquelles la Région de Kayes ne constitue qu’une partie de leur activité, voire par des entreprises sénéga- laises (à la différence du Mali, il existe au Sénégal de nombreuses entreprises lo- cales de taille « moyenne » disposant de références sérieuses dans la construction de réseaux, y compris des « gros » ouvrages de génie civil tels que les réservoirs). Compte tenu du dynamisme souvent étonnant du secteur BTP en Afrique de l’Ouest, il est par contre évident que les opérateurs de Bamako vont suivre l’évolution du marché sur la Région de Kayes, comme l’a fait (peut-être par anticipation...) l’entre- prise de M. TOGOLA.

4.6. Equipements solaires : le cas du Cercle de Nioro

4.6.1. Une situation spécifique

A la différence du Cercle de Yélimané (où l’on ne rencontre actuellement que deux installations solaires sur la douzaine de réseaux en fonctionnement ou dont la mise en service est imminente), le Cercle de Nioro se caractérise par une forte densité de petits réseaux à exhaure solaire, en général financés dans le cadre du Programme Régional Solaire, l’apport initial étant le plus souvent apporté par un notable ou un émigré particulièrement riche (certains migrants de la zone ont fait fortune en Afri- que Centrale : Congo, Zaïre, RCA, etc). Contrairement au pompage « diesel » (ie à partir d’un groupe électrogène alimentant une électropompe immergée), les équipements solaires n’entraînent que peu (prati- quement pas) de charges de fonctionnement, mais de lourdes provisions pour les réparations et pour le renouvellement des équipements. Cette prédominance des équipements solaires entraîne plusieurs caractéristiques spécifiques au Cercle de Nioro, qui ne sont pas sans avoir des implications très nettes sur les opérateurs privés du secteur de l’eau : · Les Comités ont tous passé un contrat de garantie (et d’intervention en cas de panne) avec un opérateur privé national recommandé par le PRS, et installé à Bamako ; moyennant une rémunération fixe forfaitaire annuelle, cet opérateur ef- fectue toutes les opérations relevant de la maintenance des équipements (visites régulières d’entretien préventif, réparations exceptionnelles, remplacement des éléments défectueux...) Le Comités ne font donc appel à des opérateurs privés locaux que pour les petites réparations relevant de la simple plomberie ; · Etant donné que les équipements solaires n’exigent qu’une maintenance mini- male (nettoyage des panneaux, relevé du compteur, vérification des vannes...), la fonction de pompiste, que nous avons bien identifiée dans le Cercle de Yélimané, n’a plus de raison d’être ; le seul salarié du Comité est en général le gardien, lorsque le Comité a jugé bon d’en placer un au niveau du forage. Il n’existe donc aucun agent disposant d’un bagage technique minimum au niveau du village.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 30 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

· La réparation des équipements solaires exige une technicité assez importante (électronique de puissance...) ; les réparateurs qui souhaiteraient s’installer sur le créneau de l’entretien et de la maintenance des équipements solaires devront donc posséder un niveau de formation (ou d’expérience ?) au moins équivalent à celui d’un technicien supérieur.

4.6.2. L’équilibre financier des Comités n’est pas assuré

Les enquêtes menées par Diama Djigui dans le Cercle de Nioro (voir tableau de synthèse page suivante, et voir également le compte-rendu détaillé en Annexe 8 de ce rapport) montrent clairement que « l’invisibilité » des charges récurrentes limite fortement les Comités de Gestion mis en place dans le recouvrement de ces char- ges auprès des usagers. Les Comités, souvent peu formés, et fragiles sur le plan du fonctionnement, ont toutes les peines du monde à récolter l’argent nécessaire au paiement du contrat annuel de maintenance ; ils ne font donc pratiquement aucune provision pour le renouvellement des équipements. Les enquêtes ont également montré qu’en sus de l’apport initial, les migrants prennent la plupart du temps en charge tout ou partie du montant de ce contrat. L’équilibre financier des Comités n’est donc pas assuré, puisque les recettes per- cues au niveau du village sont de l’ordre de 100 000 FCFA, juste de quoi payer les salaires et les petites réparations ; les migrants complètent systématiquement le montant nécessaire pour payer le contrat de maintenance, voire virent directement l’argent correspondant sur un compte en banque. Un seul village a fait l’expérience d’une grosse réparation (panneau brisé : 500 000 FCFA environ), qui a été financée pour moitié par les migrants et pour moitié par le Comité.

4.6.3. Qui va assurer les réparations des équipements solaires ?

Dans un Cercle comme Nioro, on peut se demander s’il existe la possibilité pour un réparateur de s’intaller sur le créneau de la maintenance des équipements solaires. La réponse est indéniablement « non », en tous les cas tant que les contrats passés avec l’opérateur du PRS seront valables, et tant que les Comités n’auront pas fait l’expérience du renouvellement d’une partie des équipement (à commencer par les onduleurs, ce qui devrait arriver avant l’an 2000...), et n’auront pas revu leur tarifs de vente de l’eau à la hausse. On peut également douter qur le nombre d’équipements solaires en place dans le Cercle (une dizaine tout au plus) puisse constituer un mar- ché suffisant pour un petit opérateur privé implanté localement. Les enquêteurs n’ont malheureusement pas pu obtenir la copie des contrats de maintenance auprès des Comités. La politique de l’opérateur national retenu par le PRS est également une inconnue : compte-t-il promouvoir un opérateur local lorsque les contrats actuels arriveront à leur terme ? Et sans l’appui en animation du PRS, les Comités renouvelleront-ils d’eux-mêmes ces contrats ?

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 31 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 32 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 5. Le poids des privés dans le secteur « eau potable »

5.1. La filière « vente de l’eau » à Kayes

5.1.1. Le chiffre d’affaires de la filière

Pour estimer grossièrement ce chiffre d’affaires, on fera les hypothèses suivantes : · Population totale de la ville de Kayes : 55 000 habitants ; · Consommations spécifiques : · 100 litres par jour et par habitant pour les branchements privés26 ; · 13,6 litres par jour et par habitant pour les bornes-fontaines27 ; · 15 litres par jour et par habitant pour les porteurs d’eau ; · Ventilation des usagers en fonction des sources d’approvisionnement28 : · 74% des habitants s’alimentent aux bornes-fontaines ; · 20% des habitants ont recours aux services des porteurs ; · 18% des habitants disposent de branchements privés. · Prix de vente finaux : · 130 FCFA / m3 en moyenne pour les branchements privés ; · 350 FCFA / m3 en moyenne pour les fontaines publiques (ce prix a déjà l’objet d’un calcul en 3.2.2, confirmé par le CERGRENE, [11]) ; · 1 250 FCFA / m3 pour les porteurs d’eau. Le nombre moyen d’actifs par ménage est estimé à 4,7 ; les 2 100 branchements privés de Kayes représentent donc une population de 9 900 personnes. Pour une bonne compréhension du tableau page suivante, on rappelle que dans la filière l’EDM joue le rôle de grossiste, que les fontainiers achètent l’eau à l’EDM et que les porteurs achètent l’eau aux bornes-fontaines. Cela explique que l’on doive retirer le coût d’achat de l’eau par les fontainiers et les porteurs avant de faire le total des chiffres d’affaires et déterminer le chiffre d’affaires de l’ensemble de la filière.

26 Cette valeur peut paraître élevée, mais elle correspond à ce que l’on peut rencontrer dans d’autres villes d’Afrique de l’Ouest disposant d’un service comparable. 27 Chiffre obtenu à partir des données figurant dans le rapport du CERGRENE : voir [11]. 28 Le total des pourcentages est supérieur à 100%, certains usagers pouvant avoir recours simulta- nément à plusieurs sources d’approvisionnement en eau. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 33 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

VILLE DE KAYES - DISTRIBUTION D’EAU A PARTIR DU RESEAU DE L’EDM VOLUMES DISTRIBUES - CHIFFRES D’AFFAIRES - EMPLOIS (les chiffres en italique sont des estimations) Opérateur public (EDM) Opérateurs privés Total Branch. Bornes- Bornes- Porteurs ou privés fontaines fontaines d’eau moyenne % usagers 18% 74% 20% Effectifs abonnés 2 100 75 Effectifs usagers 9 900 40 700 11 000 55 000 Conso unitaire (l/j/hab) 100 13,6 15 28 Conso totale (m3/jour) 990 554 554 165 1 544 Conso totale (m3/an) 361 350 202 035 202 035 60 225 563 385 Prix de vente final29 130 88 350 1 250 Taux de pertes 0% 0% 10% 2% Chiffre d’affaires total 46 975 000 17 779 062 63 640 962 73 775 625 Coût d’achat de l’eau 0 0 - 18 571 062 - 15 056 250 Chiffre d’affaires réel 46 975 500 17 779 062 45 069 900 58 719 375 168 543 837 En % 28% 10,5% 26,5% 35% 100% Nombre d’actifs 50 75 200 325 En % 15,5% 23% 61,5% 100% Plus value mens. / actif 78 293 50 078 24 486 38 658 Plus value ann. / actif 939 510 600 932 293 597 463 892

Le chiffre d’affaires annuel et global de la filière « vente de l’eau » serait donc d’environ 170 millions de FCFA pour la seule ville de Kayes, ce qui est considérable, et représente plusieurs fois le chiffre d’affaires annuel de l’EDM à Kayes. On constate également que le portage d’eau représente à lui seul 35% du chiffre d’affaires de la filière, bien qu’il ne s’agisse que de 20% de l’eau vendue.

5.1.2. Le secteur privé représente un nombre d’emplois considérable

L’estimation du nombre d’emplois de la filière est le suivant : · Personnel de l’EDM : environ 50 individus (il s’agit là d’une estimation du personnel affecté au service « eau potable » à plein temps) ; · Revendeurs d’eau (fontainiers) : environ 75 individus ; · Porteurs d’eau : environ 400 individus à mi-temps, soit 200 individus à plein temps (ce qui correspond bien aux ventes d’eau observées lors des enquê- tes, qui sont sans doute un peu sous-estimées) ; soit un total de 325 emplois à plein temps. Si l’on fait l’hypothèse que la ville de Kayes compte entre 10 000 et 15 000 actifs, la filière « vente de l’eau » représente donc entre 2 et 3% du nombre d’actifs en terme d’emplois. C’est considérable, et cela correspond bien à la proportion de leurs revenus que les ménages sont prêts à consacrer à l’eau potable.

29 En FCFA par mètre cube. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 34 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

5.2. La filière entretien et maintenance des petits réseaux AEP

5.2.1. Un « créneau » très étroit

On ne s’intéressera dans ce paragraphe qu’à l’entretien et la maintenance des petits réseaux d’adduction d’eau en milieu rural. En effet, les interventions sur le réseau de l’EDM sont essentiellement faites en régie directe, et les particuliers n’ont recours à des plombiers privés que pour des réparations minimes. Quelle est la somme moyenne que les gestionnaires des petits réseaux d’adduction d’eau consacrent aux frais de réparations et d’entretien ? Analysons deux cas réels : · Pour les centres de Nara, Kangaba, Djenne, Douentza, Bankass et Koro (Régions de Mopti et Koulikoro), le bilan de l’année 1996 laisse apparaître un poste « entretien » (qui englobe l’entretien préventif et les réparations) d’un montant moyen de 23 FCFA par m3 d’eau produit30 ; · Pour l’adduction d’eau de Komodindé, la période allant de novembre 1995 à Décembre 1996 laisse apparaître des dépenses d’entretien d’environ 543 000 FCFA, pour 15 750 m3 d’eau vendus ; soit une dépense moyenne pour l’entretien de 35 FCFA par m3 vendu31. Dans la suite nous prendrons comme hypothèse de travail que l’entretien et les ré- parations représentent une moyenne de 30 FCFA par m3 d’eau vendu. A l’heure actuelle on peut estimer que 10% des habitants de la Région de Kayes sont approvisionnés en eau potable à partir de petits réseaux d’adduction d’eau32, soit 130 000 habitants, à raison de 10 à 15 litres par jour et par habitant (il ne s’agit là que de la demande solvable, d’après les observations de situations réelles). Cela représente donc un volume d’eau vendu compris entre 475 000 et 700 000 m3 par an pour l’ensemble de la Région (hors Kayes), soit un chiffre d’affaires pour la filière entretien et maintenance compris entre 15 et 21 millions de FCFA/an. En faisant l’hypothèse que dans le poste « entretien et maintenance » est composé à 75% de l’achat des pièces et à 25% du paiement de la main d’oeuvre, cela repré- sente donc un chiffre d’affaires annuel de la filière « entretien et maintenance » compris entre 3 750 000 et 5 250 000 FCFA. Il s’agit donc d’un créneau très étroit, et de surcroît très risqué (grande dispersion géographique des sites, faible solvabi- lité des Comités de Gestion villageois, etc.), qui ne peut pas permettre l’installation de plus de 4 ou 5 opérateurs privés. Ces calculs, même approxima- tifs, correspondent bien à la situation, telle que nous avons pu l’appréhender sur le terrain.

30 CCAEP (Cellule de Conseil aux Adductions d’Eau Potable) : « Rapport technique et financier au 31 décembre 1996 ; DNHE / Gauff Ingenieure 31 Pour plus de détails, voir la référence [9], et notamment l’Annexe A4. 32 On sait déjà que dans le Cercle de Yélimané, ce chiffre atteint 25%, mais il doit probablement être très faible dans le Cercle de Kayes (en milieu rural) et dans les Cercles du Sud. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 35 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

5.2.2. Le nombre d’emplois de ce secteur est faible

Comme nous venons de le voir, le chiffre d’affaires très réduit de la filière ne crée que peu d’emplois (5 opérateurs privés, ce qui peut représenter au maximum une dizaine de personnes), à la différence de ce que l’on peut observer dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest (où le taux de raccordement aux petits réseaux est plus élevé : par exemple le département de Matam au Sénégal). Cela explique bien le principal trait caractéristique de la situation que nous avons observée, à savoir la prédominance des réparateurs bénéficiant d’une stabilité sta- tutaire (fonctionnaires, salariés d’autres structures...), qui leur permet de minimiser la prise de risque que représente l’engagement dans un secteur d’activité si réduit.

5.2.3. A moyen terme, les perspectives d’évolution de la filière laissent la part belle aux opérateurs privés

Les perspectives sont plutôt bonnes en ce qui concerne l’évolution du nombre de petits réseaux d’adduction d’eau dans la Région de Kayes : en l’espace d’une di- zaine d’années, la population desservie par ce type de système devrait plus que doubler. De plus, le vieillissement des réseaux devrait augmenter les charges unitai- res de maintenance. Le chiffre d’affaires de la filière « entretien et maintenance » pourrait donc approcher les 50 millions de FCFA à l’horizon 2010. Enfin, le processus de désengagement de l’Etat devrait encourager l’émer- gence d’opérateurs privés dans le secteur de la maintenance, mais il est clair que le nombre de nouveaux opérateurs susceptibles de s’installer sur le cré- neau « entretien et maintenance » sera très réduit.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 36 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 6. Performances et limites des opérateurs privés

6.1. La qualité des prestations laisse à désirer...

Un thème récurrent La mauvaise qualité des prestations a été un thème récurrent lors des entretiens que nous avons pu avoir avec les différents acteurs de la filière, que ce soit le Co- mité de Gestion villageois qui se plaint des tarifs prohibitifs du réparateur ou ce même réparateur qui dénigre les nouveaux venus dans le secteur en les jugeant tout juste bons à « gâter » les moteurs qu’ils réparent. La vente d’eau au détail Dans le secteur de la vente de l’eau, la demande des usagers est plus d’ordre quantitatif que qualitatif, comme le montre l’enquête menée par le CERGRENE et notamment les priorités des usagers des bornes-fontaines : les deux attentes majeu- res concernent le nombre de bornes et le nombre de robinets aux bornes, alors que la propreté des bornes et les heures d’ouverture viennent en dernière position. On peut considérer que dans ce secteur l’offre est à peu près en adéquation avec la demande, ce qui se justifie également par la forte concurrence entre les fontainiers et les porteurs / livreurs d’eau (sauf ceux qui sont en situation de monopole, ce qui est le cas dans les quartiers récents). L’entretien et la maintenance En ce qui concerne l’entretien et la maintenance des petits réseaux d’adduction, il est évident que le manque de formation des réparateurs (et par exemple leur man- que de données techniques sur les moteurs récents) les conduisent parfois à des interventions plus que discutables, ce qui peut expliquer la durée de vie parfois très réduite des systèmes de pompage (et notamment des groupes électrogènes). Un bon indicateur de la médiocre qualité des prestations des réparateurs est aussi le faible niveau de développement de la filière d’approvisionnement en pièces déta- chées : aucun commerçant de Kayes ne s’est encore lancé dans la distribution de pièces d’origine, et les mécaniciens « sérieux » sont obligés de passer commande directement à Bamako ou à Dakar pour obtenir des pièces de qualité.

6.2. ...mais existe-t-il véritablement une demande pour des presta- tions de meilleure qualité... plus chères ?

Cela dit, analyser ab nihilo la qualité des prestations des opérateurs privés (c’est-à- dire, en d’autres termes, l’offre de service) serait prendre le problème à l’envers. Le fait est très net en ce qui concerne les réparations des petits réseaux d’adduction :

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 37 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 les Comités de Gestion villageois sont demandeurs de prestations de qualité mi- nimale à des prix réduits, correspondant à leur capacité à mobiliser des fonds pour ces réparations - et les réparateurs répondent bien à cette demande. Ce phénomène apparaît bien, par exemple, dans le choix des pièces détachées pour les réparations : les réparateurs que nous avons rencontrés indiquent souvent que leurs clients se livrent à des arbitrages fréquents dans ce domaine, préférant acheter des pièces de mauvaise qualité (sachant très bien qu’elles ne tiendront que quelques semaines ou quelques mois), plutôt que de rechercher des pièces d’origine, deux à trois fois plus coûteuses, toujours dans l’objectif d’étaler le plus possible dans le temps les dépenses à faire (puisque les provisions sont très rares et que la trésorerie est souvent proche de zéro). Pour que les opérateurs privés puissent revoir à la hausse la qualité de leurs pres- tations, il faudrait d’abord que les clients (usagers des bornes-fontaines à Kayes, Comité de Gestion des réseaux en milieu rural, migrants dans le cas des bureaux d’études et des entrepreneurs...) soient prêts à y consacrer des sommes plus im- portantes qu’aujourd’hui : c’est l’enjeu de l’organisation de la demande (voir § 7.2).

6.3. Les opérateurs privés possèdent une indéniable capacité d’adaptation, qui leur permer de bien « coller » à la demande

Les opérateurs privés interviennent dans une « fenêtre » relativement étroite, dont les limites peuvent être tracées assez facilement : · A la marge du service public de distribution d’eau en milieu urbain (l’EDM), qui ne possède pas la souplesse ni la capacité d’investissement suffisantes pour répon- dre à la demande des usagers habitant les quartiers périphériques des villes en pleine croissance, comme c’est le cas de Kayes ; · Ils assurent également des prestations qui dépassent les compétences (forcé- ment limitées) des Comités villageois en charge de la gestion de l’eau dans les petits centres (c’est le cas des réparateurs par exemple). A l’intérieur de cette fenêtre, les opérateurs privés font preuve d’une grande capa- cité d’adaptation, qui leur permet de répondre à des demandes très spécifiques. Dans le cas de la vente d’eau au détail (porteurs et livreurs en particulier), cette ca- pacité d’adaptation est fortement liée au faible montant de l’investissement de dé- part, mais également au faible niveau de taxation. Dans la limite du « marché de l’eau » existant (qui reste tributaire du niveau de la demande solvable), les opéra- teurs privés « collent » donc relativement bien à la demande. On peut cependant se demander quelle est la part de la demande à laquelle les opérateurs privés ne parviennent pas encore à répondre. Il est clair que le secteur privé ne parvient pas encore à répondre à certaines demandes bien précises : en particulier l’alimentation en eau potable des petits centres ruraux et des quartiers périphériques des grandes villes comme Kayes. Les rares opérateurs qui occupent ces créneaux pratiquent des prix très élevés, qui ne leur permettent de toucher que

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 38 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 quelques % de la population. Un bon exemple de ce type d’opérateurs est le porteur d’eau dans les centres ruraux importants33. Cependant, le secteur privé n’est pas responsable du déficit d’initiative du secteur public ou des investisseurs potentiels : les secteurs de la demande auxquels les opérateurs privés ne peuvent répondre sont également ceux auxquels le secteur public ne parvient pas lui-même à répondre, bien que cette demande soit forte.

6.4. Le contexte institutionnel et réglementaire ne constitue pas un facteur de blocage au développement des opérateurs privés

On a souvent souligné le flou du contexte institutionnel dans lequel évoluent les ac- teurs du service de l’eau, que ce soit les opérateurs privés ou les Comités villageois gérant les petits réseaux d’adduction d’eau, en lui imputant les déficiences consta- tées dans le fonctionnement de la filière, ou en le reliant de façon un peu abusive à la médiocre qualité de service offerte aux usagers. Nous ne pensons cependant pas que ce flou soit un facteur de blocage pour les opérateurs privés. Par exemple, le niveau de taxation des fontainiers et des porteurs d’eau est relativement faible (sans compter qu’ils bénéficient d’un prix d’achat de l’eau fortement subventionné). La situation est la même pour les réparateurs : comp- te tenu de l’étroitesse du créneau, l’inclusion de ces opérateurs dans le secteur for- mel (et donc leur taxation) aurait pour seule conséquence de réduire leur nombre... et de renchérir le coût de leurs prestations. D’un point de vue contractuel, les fontainiers de Kayes sont liés à l’EDM par une po- lice d’abonnement qui est en fait la même que celle des abonnés privés, à la diffé- rence notable du prix d’achat, garanti quelle que soit la quantité d’eau. Le contrat entre les fontainiers et l’EDM ne constitue donc pas à proprement parler une délé- gation de service public, mais cela arrange les deux parties. Pour les réparateurs intervenant sur les réseaux d’adduction d’eau, le niveau de contractualisation est également très faible, et ils ne font l’objet d’aucun agrément de la part des services techniques de l’Etat34. Cela correspond également aux intérêts des deux parties : les réparateurs, qui souhaitent minimiser leur prise de risque en ne se consacrant pas exclusivement à ce secteur, mais en gardant d’autres activités pour l’instant plus sûres et plus rémunératrices ; et les Comités, qui peuvent choisir dans une gamme très large de prix et d’opérateurs (depuis le « bricoleur » de brousse jusqu’au mécanicien spécialisé de Kayes), en fonction de leurs capacité à mobiliser l’argent pour les réparations. A moins que l’on ne passe rapidement à un système d’exploitation ou de gestion déléguées des réseaux à des opérateurs privés, la décentralisation, dans un premier temps, ne devrait pas beaucoup modifier cette situation.

33 Voir la note de Jean-Louis COUTURE (GRDR) en Annexe 7 de ce rapport. 34 Sauf dans le cas du Programme Régional Solaire, où les Comités de Gestion sont dans l’obligation de contracter avec un opérateur désigné par la DNHE. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 39 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

6.5. Perspectives d’évolution des opérateurs privés

6.5.1. Quel avenir pour la vente d’eau au détail ?

On a vu que la vente de l’eau au détail dans une ville comme celle de Kayes repré- sente plusieurs centaines d’emplois à plein temps. C’est également le cas dans les centres secondaires de la Région. Ces emplois sont-ils appelés à disparaître, com- me certains le craignent (voir la note de J.-L. COUTURE en annexe 7) ? Le déve- loppement des systèmes « modernes » de distribution d’eau signifie-t-il la mort lente des petits métiers de l’eau : fontainiers, porteurs et livreurs ? Nous ne le pensons pas, pour au moins trois raisons : · La demande en eau est loin d’être couverte par les systèmes de distribution ac- tuellement en place, alors même que les usagers sont de plus en plus deman- deurs d’un service de qualité ; · L’accroissement du « marché » de l’eau est biologiquement relié à l’accroisse- ment démographique, qui reste élevé dans la Région de Kayes, et plus encore dans la ville de Kayes ou dans les centres secondaires ; · Entre l’apparition d’une demande en eau est sa satisfaction en termes d’investis- sements (extension des réseaux existants, augmentation du taux de couverture par branchements domicilaires...), il existera toujours un laps de temps pendant lequel les usagers auront recours aux services des porteurs et livreurs : c’est no- tamment le cas des quartiers périphériques de villes comme Kayes.

6.5.2. Vers une plus grande spécialisation ?

Une des tendances que l’on pourrait imaginer quant à l’évolution du secteur privé est une plus grande spécialisation des opérateurs, spécialisation qui n’est pas en- core, il faut le reconnaître, à l’ordre du jour. Aucun opérateur ne se définit actuelle- ment comme « spécialiste » du service de l’eau, compte tenu de la relative étroi- tesse du marché. Une évolution pourrait cependant se faire à au moins deux niveaux : · Au niveau de la conception et de la construction des petits réseaux d’adduction d’eau, qui requière des compétences particulières ; dans les années à venir, on va sans doute assister à l’émergence de petits entrepreneurs spécialisés dans ce domaine, comme c’est déjà le cas au Sénégal ; · Au niveau de l’entretien et de la maintenance des petits réseaux d’adduction : lorsque le nombre de réseaux aura atteint une taille suffisante, il n’est pas impro- bable que des artisans spécialisés en électromécanique et/ou en plomberie se consacrent à plein temps à cette activité, à condition d’avoir un volume d’activité suffisant (ce qui veut dire au moins une dizaine de sites d’intervention).

6.5.3. De nouveaux « métiers » vont-ils apparaître ?

L’augmentation du nombre des petits réseaux d’adduction d’eau va très certaine- ment entraîner l’apparition de nouveaux métiers de l’eau dans la Région de Kayes.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 40 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Parmi ces « nouveaux métiers », et même si cette liste n’a qu’un caractère prospec- tif, on peut imaginer : · Des plombiers intervenant sur les réseaux secondaires et tertiaires, en particulier pour l’installation de branchements domiciliaires ; · Des « comptables » ambulants, offrant leurs prestations aux Comités (ce qui sup- pose que les Comités améliorent leur fonctionnement actuel, et soient davantage indépendants sur le plan financier par rapport aux migrants) ; · Des « gestionnaires » de petits réseaux, disposant à la fois de compétences techniques et de capacités de gestion ; ceci dans l’hypothèse d’une « privatisa- tion » des réseaux ou de la délégation de leur gestion par les communes.

6.6. Un grand absent de la filière : le système bancaire

Il est notable que le secteur bancaire (et en particulier les deux grandes banques présentes dans la Région de Kayes, la BDM et la BNDA, puisqu’il n’existe aucun ré- seau alternatif de type Caisses d’épargne et de crédit) ne s’intéresse que très peu au secteur de l’eau potable, qui représente pourtant des volumes financiers relati- vement importants (le Comité de Gestion d’une adduction d’eau dans un petit centre, par exemple, gère plusieurs millions de FCFA par an). Outre que rares sont les Comités de Gestion, les fontainiers ou les réparateurs pos- sédant un compte bancaire, pratiquement aucun crédit n’est actuellement ouvert pour financer un équipement ayant rapport avec la distribution d’eau potable, alors même que le recours au crédit serait une solution intéressante pour le renouvelle- ment des équipements, compte tenu des difficultés qu’éprouvent les Comités à constituer des amortissements à partir des seules recettes de la vente de l’eau. Il est vrai que lorsque l’argent doit être mobilisé pour faire face à une panne ou à un renouvellement de matériel, les Comités préfèrent s’adresser à leurs « banquiers » habituels (les migrants), ou utilisent l’enjeu social de l’eau pour faire jouer des mé- canismes (parfois très complexes) de réaffectation de l’argent au sein du village : emprunt à la boutique villageoise, cotisation exceptionnelle, etc. Plusieurs raisons peuvent également expliquer cette frilosité du système bancaire : · L’absence de statut juridique clairement défini pour les Comités de Gestion ; · La faible solvabilité des Comités (voir ci-dessus) ; · Le nombre très réduit d’opérateurs intervenant dans le secteur de l’eau potable : on a vu, par exemple, qu’il n’y a que quatre ou cinq « privés » dans la Région de Kayes sur le créneau de l’entretien et de la maintenance ; · L’absence d’une véritable politique commerciale spécifique des banques en di- rection du secteur de l’eau, qui ont davantage l’habitude de travailler avec des commerçants, des exploitants agricoles ou des entrepreneurs en bâtiment.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 41 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 42 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 7. La promotion des opérateurs privés

7.1. Des opérateurs aux stratégies très diversifiées

Un trait marquant des métiers de l’eau dans une Région comme celle de Kayes est l’extrême diversité des trajectoires et donc des stratégies individuelles. La principale difficulté d’un programme d’appui aux opérateurs privés (que ce soit ceux du secteur de la distribution d’eau, de l’entretien et de la maintenance des petits réseaux ou de la conception / construction des réseaux) sera de tenir compte de cette diversité, et de considérer avant tout les entreprises individuelles sans chercher à définir un opé- rateur « idéal » qu’on prendrait comme modèle pour l’ensemble de la filière.

7.2. Organiser la demande

Comme c’est souvent le cas pour les « filières » qui se sont organisées d’elles- mêmes, sans appui extérieur notable, la façon la plus efficace d’agir est d’organiser la demande, en appuyant par exemple les Comités de Gestion des réseaux d’adduction d’eau pour qu’ils augmentent leur volume de trésorerie en agissant de façon plus efficace sur la gestion financière et technique du réseau. Ce type de programme, souvent très délicat à mener, est actuellement testé au Sé- négal, dans le département de Matam, dans le cadre d’une action pilote AFVP / ISF, qui s’inscrit dans ce même FAC (à ce sujet, voir la référence [19]). Dans le cadre de l’étude « AEP Yélimané », HYDRO CONSEIL et le GRDR ont également proposé quelques pistes pour un programme semblable sur le Cercle de Yélimané (le seul Cercle de la Région qui puisse justifier un tel programme pour l’instant).

7.3. Faut-il pousser les opérateurs vers le secteur formel ?

Une des tentations du « développeur » potentiel serait de pousser les opérateurs à s’intégrer dans un secteur formel. Cette stratégie n’est possible que si le chiffre d’affaires de la filière était suffisamment important pour justifier l’installation de nom- breux opérateurs, dont les plus gros pourraient acquérir un volume d’activité leur permettant de quitter le secteur informel. Mais dans l’état actuel des choses, con- traindre les opérateurs privés du service de l’eau à la formalisation (enregistrement aux Chambres de Commerce ou de Métiers) ne ferait que réduire leur nombre et renchérir le prix de leurs prestations.

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 43 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

7.4. Quelles formations et pour qui ?

Pour le secteur de la vente de l’eau Dans ce secteur la demande en formation est très faible. Un programme de forma- tion des fontainiers à la gestion ne permettrait d’améliorer la qualité de leurs presta- tions que dans une très faible mesure. Pour les pompistes A la différence d’un pays comme le Sénégal (où tous les pompistes bénéficient d’une formation de qualité dispensée par la Direction de l’Exploitation et de la Main- tenance au Centre de Louga : voir [6]), le niveau de formation des pompistes est très faible. La formation constitue d’ailleurs la première demande des pompistes interro- gés dans le cadre de notre enquête. Cette formation pourrait être dispensée par les représentants des grandes marques de matériels hydrauliques, comme cela se pra- tique pour les groupes motopompes. Un programme de formation plus complet pour- rait également être envisagé, dans un deuxième temps, dans le cas où l’on évolue- rait vers une exploitation des points d’eau concédée par les Communes ou les asso- ciations d’usagers, et pour laquelle les pompistes seraient les candidats naturels. Pour les réparateurs Là encore le besoin en formation est patent. Mais la principale difficulté est bien d’identifier les réparateurs qui interviennent déjà dans le secteur, et qui seraient candidats pour améliorer et/ou diversifier leurs prestations. Certains projets ont trop souvent tendance à prendre le problème à l’envers, c’est-à-dire à mettre en place des centres de formation à destination des jeunes sans expérience, ce qui a pour conséquence de saturer la filière sans améliorer la qualité des prestations. Pour les bureaux d’études et les entrepreneurs Là encore, la formation directe de ce type d’opérateurs n’aurait qu’un impact très li- mité. La meilleure garantie d’améliorer les prestations des bureaux d’études et des entrepreneurs est de les mettre en concurrence et de développer la fonction de contrôle lors de la réalisation des adductions d’eau.

7.5. Quels sont les besoins en crédit ?

Les besoins en crédit sont très faibles, sauf dans le cas des réparateurs qui ont in- déniablement des besoins en terme d’équipement. Mais il faudra prendre garde d’adapter le montant des crédits avec les capacités de remboursement (c’est-à-dire le chiffre d’affaires) de ces opérateurs. Un abus de crédit pourrait conduire à la création de « monstres » (par exemple, d’ateliers de maintenance) qui ne corres- pondraient pas au chiffre d’affaires limité de cette filière (limité car les ménages ne consacreront jamais que quelques % de leurs revenus à l’eau).

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 44 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 8. Conclusion

Le fait le plus marquant du secteur privé de l’eau dans la Région de Kayes est sa diversité, comme nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, mais également son dynamisme. Il s’agit d’un secteur en pleine mutation, et cette évolu- tion s’est faite pratiquement sans apport extérieur. Les opérateurs du secteur répon- dent bien à la demande des usagers, et « comblent » dans la mesure du possible les failles du service public, surtout dans le cas des centres ruraux. Il est notable de constater que l’environnement « institutionnel » ne constitue pas un facteur de blo- cage au développement du secteur, comme on a parfois pu l’affirmer. Sans anticiper sur les résultats des études qui sont actuellement conduites dans les autres pays du bassin du fleuve Sénégal, on pourrait conclure que l’on assiste dans la Région de Kayes aux premiers balbutiements du secteur privé de l’eau. La vente d’eau en ville représente un volume d’activités important, ce qui se traduit par un chiffre d’affaires élevé (170 millions de FCFA d’après nos estimations) et un nombre d’emplois induits considérable. Les deux métiers de la vente de l’eau sont cependant bien différenciés : d’un côté, la vente de l’eau aux bornes-fontaines, as- surée par des natifs de Kayes, et qui se révèle dans certains cas très rémunéra- trice ; de l’autre côté, la livraison d’eau à domicile, qui constitue un « métier d’insertion », temporaire et complémentaire, pour les nouveaux arrivants à Kayes. On pouvait croire que l’entretien et la maintenance des petits réseaux d’adduction d’eau en milieu rural mobiliserait un nombre important de petits réparateurs. Notre étude démontre au contraire qu’il s’agit encore d’un créneau très étroit, principale- ment occupés par les individus dont la situation (salariat, retraite, fonctionnariat...) minimise la prise de risques. Il s’agit d’une des conclusions les plus surprenantes de cette étude, qui devrait inciter à la prudence les concepteurs de projets, qui envisa- gent trop souvent que la mise en place de deux ou trois réseaux d’adduction d’eau peut justifier l’installation d’un opérateur privé pour leur maintenance. Le désengagement de l’Etat et l’accroissement de la demande vont indubitablement conduire au développement des opérateurs privés dans les années à venir. Les dé- veloppeurs potentiels, devant un tel dynamisme, pourraient être tentés d’appuyer ces opérateurs. Nous incitons là encore à la prudence. Tout programme d’appui au secteur privé de l’eau devra commencer par une analyse la plus fine possible de la stratégie des opérateurs déjà existants.

Paris, le vendredi 3 octobre 1997

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 45 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 9. Abréviations utilisées

ADCYF : Association pour le Développement du Cercle de Yélimané en France ADD : Association Diama Djigui AEP : Adduction d’Eau Potable / Alimentation en Eau Potable AFVP : Association Française des Volontaires du Progrès BM : Banque Mondiale BNDA : Banque Nationale du Développement Agricole CERGRENE : Centre d’Enseignement et de Recherche sur la Gestion des Ressources Naturelles et de l’Environnement CFD : Caisse Française de Développement DNHE : Direction Nationale de l’Hydraulique et de l’Energie DRHE : Direction Régionale de l’Hydraulique et de l’Energie EDM : Electricité du Mali FCFA : Franc de la Communauté Financière d’Afrique FAC : Fonds d'Aide et de Coopération FAO : Food and Agriculture Organization FED : Fonds Européen de Développement GRDR : Groupe de Recherche et de Réalisations pour le Développement Rural dans le Tiers-Monde GTZ : Coopération bilatérale allemande HIM : Haute Intensité de Main d’oeuvre HMT : Hauteur Manométrique Totale INPS : Institut National de Prévoyance Sociale ISF : Ingénieurs Sans Frontières KfW : Kreditanstalt für Wiedeaufbau (Allemagne) MFCAC : Mission Française de Coopération et d'Action Culturelle OMS : Organisation Mondiale de la Santé PIB : Produit Intérieur Brut PJCMY : Programme de Jumelage Coopération Montreuil Yélimané PMH : Pompe à Motricité Humaine PRS : Programme Régional Solaire (UE/CILSS) UE : Union Européenne UNICEF : United Nations Children's Emergency Fund

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 46 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 10. Documents consultés

Documents généraux sur l'hydraulique et la gestion des points d'eau [1] Alimentation en eau des petits centres africains : aspects socio-économiques et culturels (Mémoire de DEA en Sc. et Tech. de l'Environnement), par J. ETIENNE Université Paris XII, ENPC, ENGREF, CERGRENE, Paris, sept. 1993 [2] Etude méthodologique de l'alimentation en eau potable des zones périurbaines afri- caines, étude commandée par le DEV/I, Burgéap, Paris, 1994 [3] Quelle gestion pour les bornes-fontaines payantes ?, par A. MOREL A L'HUISSIER In Bul. de Liaison du CIEH 82, Ouagadougou, octobre 1990, pp 25-38 [4] L'eau à quel prix ? La participation communautaire et la prise en charge des coûts d'entretien par les usagers, par Christine van WIJK-SIJBESMA CIR, Occ. Papers, La Haye, 1989 [5] La gestion du service de l'eau dans les centres secondaires. Séminaire organisé à Paris en décembre 1994 par le Programme Solidarité Eau Actes (sous la direction de B. COLLIGNON et D. ALLELY), Ed. GRET, 1995 [6] La gestion et la maintenance des petits réseaux AEP au Sénégal Par Bruno VALFREY, Ed. AFVP / ISF, deux tomes, janvier 1996 [7] La mise en place d’un système de gestion d’adduction d’eau potable Par P.-Y. RAULO et M. RODIERE, AFVP Bamako, mai 1996 [8] Inventaires des opérateurs locaux en Région de Kayes Présidence de la République du Mali / MFCAC / AFVP, 1997 [9] Analyse du fonctionnement et de la conception des adductions d’eau potable dans les petits centres du Cercle de Yélimané (Région de Kayes, Mali) Etude commandée par le FAC et le PJCMY, Hydro Conseil, février 1997 [10] Actes du Séminaire de Yélimané (les 4 et 5 janvier 1997) Hydro Conseil / PJCMY / ADCYF, avril 1997 ; Diffusion : GRDR [11] Gestion de bornes-fontaines : étude comparative et évaluation de projets réalisés ou en cours de réalisation (Kayes, Ségou, Mopti) A. MOREL A L’HUISSIER, V. VERDEIL, CERGRENE, novembre 1996 [12] Programme de réhabilitation des AEP de 6 centres semi-urbains (divers documents de projet et rapports de suivi / évaluation) ; DNHE / KfW, Bamako, 1995-1997 [13] Réflexion en vue de la définition d’une stratégie nationale pour le développement et la gestion des systèmes d’alimentation en eau potable dans les centres ruraux et semi-urbains (document de travail pour l’atelier des 25-28 juin 1996) DNHE / UE / FAC / KfW, Bamako, 1996 [14] Etude de l’alimentation en eau des centres semi-urbains et ruraux en 1ère Région (Phase 4 : APS pour un programme d’équipement en AES de 11 centres) DNHE / KfW / IGIP, Bamako, 1995 [15] Rapport d’expertise sur le droit et les institutions du Mali dans le domaine de l’eau Par Jacques SIRONNEAU (OIE), Bamako, avril 1996 [16] Loi 90-17 fixant le régime des eaux Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 47 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

République du Mali, Secrétariat Général du Gouvernement, 1990 [17] Lois et décrets de la décentralisation Primature / Mission de décentralisation, novembre 1996 [18] Entrepreneurs puisatiers du Sahel, par T. DEBRIS et B. COLLIGNON Ed. AFVP, Paris, 1994, 142 pages [19] Action pilote « appui à la gestion du service de l’eau dans les centres secondaires de la zone de Matam » - Rapport de suivi N°1, par B. VALFREY, Hydro Conseil AFVP, novembre 1996, 60 pages [20] Les quatre Cercles Nord (Kayes, Yélimané, Nioro, Diéma) : Diagnostic économique et axes de développement, par Jacques ALVERNHE Etude commandée au GRDR par le Ministère de la Coopération, décembre 1996 [21] Actes du Séminaire de Dakar sur les interventions des migrants dans le domaine de l’hydraulique au Sénégal (décembre 1996), sous la direction de B. COLLIGNON (Hydro Conseil) et D. ALLELY (PSEau) ; PSEau / RADVFS, 1997

Documents méthodologiques / Aspects sociologiques / Divers [22] Enquêtes en milieu rural sahélien, par R. BILLAZ et Y. DIAWARA PUF, Coll. "Techniques vivantes", Paris, 1981 [23] Gens d’ici, gens d’ailleurs - Immigration soninké et transformations villageoises Par Catherine QUIMINAL, Christian BOURGOIS Ed., Paris, 1991 [24] Quand les Immigrés du Sahel construisent leur pays Christophe DAUM / Institut PANOS, L'Harmattan, Paris, 1993 [25] MALI : nouvelle démocratie, nouvelles impatiences Supplément au Monde Diplomatique, mai 1997 [26] Cheminement d'une action de développement : de l'identification à l'évaluation Collectif, L'Harmattan, Paris, 1992 [27] L'analyse des données en sociologie, par Philippe CIBOIS, PUF, Paris, 1991

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NOM ORGANISME / FONCTION

A BAMAKO

M. Roland LOUVEL Assistant Technique DNHE M. Hervé CHATELET Conseiller Technique DNHE M. Daniel FAGGIANELLI Gauff Ingenieure M. Christian JOLU Délégué Régional AFVP Mlle Nathalie GIBON Responsable des Opérations AFVP M. Didier ALLELY Programme Solidarité Eau M. TOGOLA Entrepreneur, Togola Travaux M. Hubert de MILLY Conseiller, MFCAC

A KAYES

M. TRAORE Responsable de l’exploitation, EDM M. DOUMBIA Responsable clientèle, EDM M. Franck MULLER Cellule Migration / Développement (Coopération française) M. Eric VERCAUTEREN PJCMY - GRDR M. COULIBALY Direction Régionale de l’Hydraulique et de l’Energie

... ainsi que les membres des Comités de Gestion de Dialané et Balding Caré

A PARIS

M. Didier ALLELY Programme Solidarité Eau M. Mathieu LE CORRE GRDR / PSEAU / GRET M. Olivier ALEXANDRE CEMAGREF / Comité scientifique FAC M. Christophe LE JALLE Programme Solidarité Eau

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Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 50 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 12. Annexes

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12.1. Canevas d’entretien artisan-réparateur / entrepreneur

1. PRESENTATION GENERALE, ITINERAIRE Nom de l’artisan / de l’entreprise : Localisation : Age : Profession du père : Ville ou village d’origine : Date d’installation à Kayes : Formation initiale (études, apprentissage) : Principales activités ayant un lien avec l’hydraulique (classement ) :

Date d’installation dans l’activité actuelle : Autres activités (sans lien avec l’hydraulique) :

Statut juridique : formel / informel - entreprise / artisan / GIE / Autre Histoire succincte de l’artisan et/ou de son entreprise :

L’artisan a-t-il bénéficié d’aides ? De qui ? A-t-il travaillé dans le cadre d’un projet ? Lequel ? Selon l’artisan, quels sont ses points forts / points faibles actuellement ? :

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2. ANALYSE DES MOYENS DE PRODUCTION Description succincte du matériel possédé (nature / date d’acquisition / valeur) :

L’artisan a-t-il déjà remplacé son matériel ? Si oui, à quelle(s) occasion(s) et avec quel(s) financement(s) ? L’artisan envisage-t-il de s’équiper davantage dans un proche avenir ? Si oui, préciser la liste du matériel dont il envisage l’acquisition :

Utilise-t-il du matériel en commun avec d’autres artisans ? Travaille-t-il seul ? Si non, liste des ouvriers / associés (avec le rôle, l’ancienneté, le niveau de qualification, la rémunération, etc.) :

L’artisan dispose-t-il d’une couverture sociale pour lui / ses employés ? Utilise-t-il de la main d’oeuvre occasionnelle ? Dispose-t-il d’un moyen de déplacement ? Si oui, lequel ? Conditions d’acquisition ? Lui arrive-t-il de travailler sur des chantiers à HIM villageoise ?

3. ANALYSE DE L’ACTIVITE Rayon d’action de l’artisan : Principaux sites d’intervention (s’il y en a peu) :

Distance moyenne des sites d’intervention : Durée moyenne des chantiers effectués : Estimation du nombre de jours de travail par an : Quelles sont les autres activités de l’artisan :

L’artisan a-t-il déjà envisagé / souhaite-t-il développer son activité ? Si oui, de quelle façon et dans quel(s) domaine(s) :

Clientèle habituelle (DRHE, CdG, Collectivités locales, particuliers) :

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Description des trois derniers chantiers / trois dernières interventions :

Etat du carnet de commandes :

Qui fournit les matériaux / les pièces lors des chantiers / des réparations ?

Fait-il des achats groupés avec d’autres artisans ? L’artisan peut-il mener plusieurs chantiers / réparations de front ? Chaque travail fait-il l’objet d’un contrat ? S’il n’y a pas de contrat, quels sont les points de négociation avec le client :

4. ANALYSE ECONOMIQUE ET FINANCIERE L’artisan / l’entreprise dispose-t-il(elle) d’une comptabilité séparée ? Quels documents comptables utilisés ? Dispose-t-il d’un compte bancaire ? Dispose-t-il d’un livret d’épargne ? Qui élabore les devis ? L’artisan prévoit-il une marge sur les matériaux / les pièces ? A-t-il des problèmes de trésorerie ? Quels sont les délais exigés pour le payement ? Accepte-t-il des payements en nature ? Fait-il des crédits à ses clients habituels ? Montant total des arriérés de paiement ou impayés ? L’artisan / l’entreprise est-il(elle) endetté(e) ? Auprès de qui ? Estimation du chiffre d’affaires depuis le 1er janvier 1997 :

Estimation du chiffre d’affaire annuel (indiquer la méthode utilisée) :

Estimation de la répartition des charges (indiquer la méthode utilisée) :

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5. L’AVENIR Comment l’artisan / l’entrepreneur voit-il l’avenir ? Compte-t-il développer et amélio- rer son activité dans le secteur hydraulique ?

6. SUR L’ENQUETE Fiabilité de l'enquête : m Bonne m Moyenne m Faible Difficultés rencontrées : m Problèmes de compréhension m Absence de documents m Refus de parler ou de répondre m Autres difficultés : ...... Enquête réalisée le : ...... 1997 Par (tous les noms) : ......

Remarques, observations

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12.2. Questionnaire d’enquête pompistes

Identification du forage Village principal Arrondissement

1. Histoire personnelle, itinéraire professionnel du pompiste Nom et prénom : ...... Age : ..... ans Village ou ville d'origine : ...... Date d’arrivée dans le village : ...... Profession du père : ...... ; En poste à ce forage depuis : ...... Le pompiste a-t-il été impliqué dans la réalisation du projet : m oui m non Comment a-t-il été choisi par le Comité de Gestion : ...... Niveau d'étude initial : ...... A-t-il été pompiste sur un autre forage : m oui m non Si oui, lequel et pendant combien de temps : ...... Formation reçue à l’origine : ...... Formation spécifique à cette activité : ...... Quel avenir le pompiste envisage-t-il :

2. Rémunération Rémunération perçue en 1997 : m Salaire de ...... CFA par ...... m % du chiffre d’affaires : ...... m prime au m3 d’eau produit : ...... m primes occasionnelles : ...... Evolution de la rémunération sur les quatre dernières années : 1993 : ...... ; 1994 : ...... ; 1995 : ...... ; 1996 : ...... Jugement sur cette rémunération : m Suffisante m Insuffisante Le Comité de Gestion a-t-il des arriérés de salaire à verser : m oui m non Si oui, ordre de grandeur des arriérés : ...... FCFA Le travail de pompiste constitue-t-elle une activité à plein temps : m oui m non Si non, quelles sont les autres activités (rémunératrices) du pompiste :

Est-il déclaré à l’INPS : m oui m non A-t-il un contrat de travail avec le Comité : m oui m non Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 57 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

3. Charge de travail, responsabilités 3.1. Horaires de travail Heures de pompage : de ..... à ..... et de ..... à ...... Heures de présence sur le site du forage : de ..... à ..... et de ..... à ..... Jours de travail LU MA ME JE VE SA DI Le pompiste passe-t-il la nuit sur le site du forage : m oui m non

3.2. Travail habituel Demander au conducteur quelles tâches accomplit-il régulièrement : m Arrêt-démarrage de la pompe m Approvisionnement en gasoil et en huile (achat, transport) m Approvisionnement en pièces détachées (achat, transport) m Vidange du moteur (si diesel) m Nettoyage filtre à air m Changement filtre à huile m Changement filtre à gasoil m Graissage pompe m Réglage soupapes m Réparations des fuites sur le réseau m Surveillance d’un point d’eau (fontaine, abreuvoirs) m Tenue de carnets de pompage, d’entretien m Nettoyage de la cabine de pompage m Nettoyage du réservoir de stockage m Réparations sur l’armoire de commande de la pompe m Autre : ...... m Autre : ......

3.3. Formation Le pompiste juge que sa formation est : m Bonne m Moyenne m Insuffisante Si le Pompiste voulait suivre des formations, quels domaines choisirait-il :

3.4. Entretien Le pompiste effectue-t-il régulièrement les opérations d'entretien (si diesel) : m Vidange ; fréquence : ...... m Filtre à GO ; fréquence : ...... m Filtre à air ; fréquence : ...... m Filtre à huile ; fréquence : ...... m Graissage ; fréquence : ...... Le pompiste dispose-t-il de l'outillage nécessaire : m oui m non Si oui, descriptif de l’outillage :

L’outillage est-il propriété du pompiste : m oui m non

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3.5. Pannes et réparations Sur le moteur ou la pompe Date de la dernière panne : ...... Durée de celle-ci : ...... jours Origine de la panne : ...... Qui a réparé : m Artisan, lequel : ...... m Pompiste m Structure projet : ...... m Autre : ...... Qui a fourni l'argent pour : Les pièces : ...... La main d'oeuvre : ...... Les déplacements : ...... Quel a été le rôle du pompiste lors de la réparation :

Sur le réseau de distribution Date de la dernière panne : ...... Durée de celle-ci : ...... jours Origine de la panne : ...... La distribution d’eau a-t-elle été arrêtée : m oui m non Qui a réparé : m Artisan, lequel : ...... m Pompiste m Structure projet : ...... m Autre : ...... Qui a fourni l'argent pour : Les pièces : ...... La main d'oeuvre : ...... Les déplacements : ...... Quel a été le rôle du pompiste lors de la réparation :

3.6. Relations avec le Comité de Gestion de l’adduction Le pompiste appartient-il au Comité de Gestion : m oui m non Les relations avec le CdG sont-elles : m Bonnes m Passables m Mauvaises ; si oui, pourquoi : ...... Le pompiste participe-t-il aux réunions du CdG : m oui m non

3.7. Relations avec la DRHE Les visites des techniciens de la DRHE sont-elles : m Fréquentes m Rares m Très rares m Inexistantes Le pompiste communique-t-il régulièrement les informations concernant le forage à la Direction de l’Hydraulique à Kayes: m oui m non

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3.8. Souhaits Demander au Pompiste d'émettre trois souhaits pour améliorer son travail : 1)

2)

3)

4. Analyse des documents concernant le forage Documents Le docu Qualité de la tenue ou carnets existe régulière irrégulière bonne passable mauvaise 1. De pompage m m m m m m 2. D'entretien - de la pompe m m m m m m - du moteur m m m m m m 3. De visite m m m m m m

Opinion de l’enquêteur sur ces documents :

5. Sur l'enquête Fiabilité de l'enquête : m Bonne m Moyenne m Faible Difficultés rencontrées : m Problèmes de compréhension m Absence de documents m Refus de parler ou de répondre m Autres difficultés : ...... Enquête réalisée le : ...... 1997 Par (tous les noms) : ......

Remarques, observations

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12.3. Questionnaire d’enquête Porteur d’eau

1. Le Porteur : histoire personnelle Nom et prénom : ...... Age : ...... Ville ou village d'origine : ...... Date de l'arrivée dans la ville : ...... Profession du père : ...... Quelle formation a-t-il à l'origine : ...... Depuis quand pratique-t-il le portage d’eau : ...... S'agit-il d'une activité à temps plein : ...... Si non, quelles autres activités génératrices de revenus :

Est-il d'un indépendant ou employé par quelqu’un : ...... Dans ce dernier cas, par qui : ...... Et pour quelle rémunération : ...... Est-il déclaré à l’INPS : ...... Comment le porteur envisage-t-il l'avenir :

2. Chiffre d’affaires, investissement et revenus Quel est le prix d'achat d'une charrette avec son fût : ...... (détailler éventuellement le calcul) Est-il possible de louer une telle charrette pour une journée, une semaine, et si oui à quel prix : ...... Le porteur est-il propriétaire de sa charrette : ...... Si non, à qui appartient-elle : ...... Où le porteur s’approvisionne-t-il : ...... A quel prix le porteur achète-t-il l'eau : ...... A quel prix la revend-il : ...... Et de quelle façon (prix de la bassine, du seau, du fût...) :

Ce prix varie-t-il avec le quartier, la saison, l'heure : ...... Si oui, préciser les variations : ...... Combien de fûts a-t-il vendus la veille : ...... Ce nombre est-il moyen, au-dessus, en dessous de la moyenne ? Combien de fûts vend-il par semaine : ......

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3. La clientèle du Porteur Qui achète de l'eau par fut : ...... S’agit-il d’une clientèle régulière (fidèle) : ...... Combien de clients réguliers : ...... Le porteur vend-il aussi de l'eau à la bassine : ...... Si oui, à qui et à quel prix : ......

4. Activité commerciale Le porteur pratique-t-il des systèmes d'abonnement (tarif préférentiel si on lui achète un fût régulièrement) : ...... Si oui, quel est le tarif préférentiel appliqué : ...... Fait-il de la vente à la criée (annonce orale en passant dans les rues) : ...... Profite-t-il du parcours dans les quartiers pour vendre d'autres produits : ...... Si oui, lesquels : ......

5. Sur l'enquête Fiabilité de l'enquête : m Bonne m Moyenne m Faible Difficultés rencontrées : m Problèmes de compréhension m Absence de documents m Refus de parler ou de répondre m Autres difficultés : ...... Enquête réalisée le : ...... 1997 Par (tous les noms) : ......

Remarques, observations

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12.4. Questionnaire d’enquête Revendeur (Fontainier)

1. Le Revendeur : histoire personnelle Nom et prénom : ...... Age : ...... Ville ou village d'origine : ...... Date de l'arrivée dans la ville : ...... Profession du père : ...... Quelle formation a-t-il à l'origine : ...... Depuis quand pratique-t-il la vente d’eau : ...... S'agit-il d'une activité à temps plein : ...... Si non, quelles autres activités génératrices de revenus :

Est-il d'un indépendant ou employé par quelqu’un : ...... Dans ce dernier cas, par qui : ...... Est-il déclaré à l’INPS : ...... Au nom de qui est souscrit l’abonnement de la borne : ...... Comment le revendeur envisage-t-il l'avenir :

2. Chiffre d’affaires, investissement et revenus Quels investissements a réalisé le revendeur : ...... A quel prix le vendeur achète-t-il l'eau : ...... A quel prix la revend-il : ...... Et de quelle façon (détailler : fût, seau, bassine) :

Quel a été son chiffre d’affaires de la veille : ...... Ce chiffre est-il moyen, au-dessus, en dessous de la moyenne : ...... Quels sont les horaires d’ouverture de la borne : ...... Y a-t-il de la pression toute la journée : ...... Si non, entre quelle heure et quelle heure : ...... A combien le revendeur estime-t-il son chiffre d’affaires mensuel : ...... FCFA A combien le revendeur estime-t-il ses revenus mensuels : ...... FCFA Estimation des quantités d’eau achetées à partir des dernières quittances (si possi- ble sur une période longue : 6 mois ou un an) :

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3. Le mode de rémunération Si le revendeur est indépendant : passer à la question suivante Si le revendeur est employé par quelqu’un d’autre : Est-il salarié : ...... FCFA par ...... Est-il payé en fonction du nombre de m3 vendus : ...... Autre système : ......

4. Variation de l’activité au cours de la journée / de l’année

Analyse de la variation saisonnière (à partir des quittances d’eau) :

Analyse de la variation au cours de la journée :

5. Sur l'enquête Fiabilité de l'enquête : m Bonne m Moyenne m Faible Difficultés rencontrées : m Problèmes de compréhension m Absence de documents m Refus de parler ou de répondre m Autres difficultés : ...... Enquête réalisée le : ...... 1997 Par (tous les noms) : ......

Remarques, observations

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12.5. Fiche de renseignements sur l’entretien et la maintenance

Identification du réseau AEP Village Arrondissement

Questions à poser au pompiste, et / ou au membre du Comité de Gestion de l’adduction le plus impliqué dans l’entretien et la maintenance.

1. Les réparations sur le réseau d’adduction (fuites dans les canali- sations, robinets, etc.) et sur le réservoir (château d’eau) Qui répare habituellement : ...... Est-ce toujours la même personne : ...... Est-ce quelqu’un du village : ...... Sinon, d’où vient-il et quels sont ses frais de déplacements : ...... De quelle façon est-il payé : ...... Nombre de réparations au cours des 6 derniers mois et estimation de la somme consacrée par le Comité à ces réparations : ...... Le Comité est-il satisfait du travail : ......

2. Les réparations sur la pompe du forage, le groupe électrogène ou l’armoire de commande de la pompe Pour les 3 dernières pannes importantes (c’est à dire ayant provoqué l’arrêt de la distribution d’eau) survenues récemment : Date de la panne : ...... Durée totale de la panne : ...... (heures, jours) Qui a réparé : ...... Est-ce quelqu’un du village : ...... Si non, d’où est-il venu et à quel prix : ...... Est-ce toujours le même réparateur : ...... Quel est le réparateur « habituel » du Comité : ...... Quelle était l’origine de la panne : ...... Combien de temps a duré la réparation : ...... (heures, jours) Prix des pièces et lieu de leur achat : ...... Quel a été le prix de la main d’oeuvre : ...... Le réparateur a-t-il fait un devis avant la réparation : ...... Le Comité a-t-il été satisfait du travail effectué : ...... AUTRES INFORMATIONS INTERESSANTES

DATE : ...... 1997 ENQUETEUR : ......

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12.6. Typologie des opérateurs

Ouest Nord Burkina Terrains d’étude Mauritanie Mali Sénégal Faso 1. Etude et construction de réseaux Bureaux d’études 1 géophysique BREESS BREG-PHY 2 géotechnique LABOGEC 3 topographie Topo-Fouta 4 réseau CAMARA 5 génie civil Entreprises 1 BTP GIC, Togola 2 adduction Kayes GIE Podor 3 forage Artisans 1 plombier ASHYR 2 maçon 3 électricien Fonction « intrants » 1 importateurs ASHYR Dakar 2 revendeurs ASHYR Matam 2. Exploitation et maintenance Fonctions techniques 1 pompiste R. de Kayes Matam 2 mécanicien Kayes ASHYR Matam réparateur 3 plombier Kayes Matam réparateur Fonctions commerciales 1 fontainier Yélimané ASHYR Bobo 2 revendeur de Kayes Ourosogui voisinage 3 porteur d’eau 4 charretier Yélimané ASHYR Bobo 5 fermier ASHYR Bobo 6 concessionnaire ASHYR Fonctions de gestion 1 expert comptable Matam Fonction « intrants » 1 importateurs ASHYR Matam 2 revendeurs ASHYR Matam

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12.7. Projets d’AEP et suppressions d’emplois...

Projets d’AEP35 et suppressions d’emplois : Les conséquences sociales des « châteaux d’eau » des développeurs Par Jean-Louis COUTURE (GRDR), le 22 avril 1997

Les porteurs d’eau, charretiers, cordonniers, réparateurs et puiseurs forment les multiples métiers d’une économie de l’eau dans de nombreux gros villages ou peti- tes villes africaines comme c’est le cas en Région de Kayes. Leurs rangs sont gros- sis des manoeuvres saisonniers, jeunes ou mariés, constituant une main d’oeuvre peu chère, souvent issue de familles pauvres et d’autres régions, déficitaires en cé- réales, qui évacuent leurs « bouches à nourrir » pendant la longue saison sèche. Ces saisonniers bénéficient de la circulation de l’argent de la migration et consti- tuent une relève de la main d’oeuvre servile (anciens captifs) aujourd’hui mobilisée par la migration internationale. De plus, de nombreux « petits entrepreneurs » du portage d’eau, propriétaires de charrettes et d’ânes, bénéficient d’un petit revenu fixe mensuel supplémentaire en louant leur matériel. Ce revenu complète souvent d’autres ressources, que ce soit celles de fonctionnaires, au petit salaire plus ou moins régulièrement versé, ou que ce soit celles de femmes, souvent non Soninké, aux activités dispersées, qui trou- vent là une occasion d’investissement qu’elles peuvent maîtriser. Cette activité de puisage et portage d’eau permet d’avoir des liquidités régulières dans un contexte économique et social où l’on ne peut pas garder trop de liquidités thésaurisées en famille et où les possibilités d’épargne sont peu diversifiées. Il s’agit donc d’une immobilisation (de 200 à 500 000 FCFA) productive, investie dans la prestation de services. Mais il faut aller plus loin. La gestion de l’approvisionnement en eau potable passe par des réseaux sociaux établis : parenté, affinités, alliances, contrats oraux... Elle met en oeuvre des stratégie dont les intérêts sont troublés par certains projets, mo- dernistes et rationnels en apparence, qui visent à centraliser le pompage et la distri- bution d’eau mais qui font preuve d’une certaine fragilité technique et sociale. Com- ment comprendre les pannes à répétition, les défauts d’entretien, le non-paiement des redevances, le crédit systématique non remboursé, voire le sabotage de sys- tème d’alimentation en eau potable dont l’envergure dépasse les limites du maillage social de caution solidaire existant ? De nombreuses associations de développe- ment, africaines ou non, ONG ou comités de jumelage en font l’expérience depuis plus de dix ans, comme la ville de Montreuil et l’adduction d’eau de la petite ville de Yélimané, projet en cours depuis 14 ans. Et que dire de l’arbitrage, voire de la ges-

35 AEP : Adduction en Eau Potable. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 69 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 tion, censée être impartiale, des questions d’AEP d’une administration locale sou- cieuse de maintenir une certaine paix sociale entre autochtones et gens des petits métiers de l’eau, du puiseur saisonnier au multipropriétaire de charrettes, dont on risque de supprimer l’emploi ? Il faut se poser cette question même si l’on prend en compte les différences entre gros villages Soninké aux nombreux migrants36 et les petits chefs-lieux administratifs à la population hétéroclite souvent sans ressources. Toutes localités où la moindre circulation d’argent est source de petits revenus quo- tidiens ou de parcelle de pouvoir, enjeu économique et socio-politique local, mais aussi où la commande, le transport, la livraison d’eau sont autant d’occasions so- ciales de rencontre et de négociation, formant un véritable « tissu social de l’eau ». Un article récent du journal malien « l’Essor » sur la mise en place d’un système d’AEP à Kidal, région très aride du Nord Mali, relevait le même genre de problèmes sociaux. Que vont faire les gens des petits métiers de l’eau ? Les « développeurs » y ont-ils pensé ?

36 Un porteur d’eau peut puiser et livrer 4 000 litres d’eau par jour, soit 20 fûts ou 10 charrettes. Un gros village Soninké de 6-7 000 habitants peut avoir de 100 à 500 porteurs d’eau, manoeuvres fami- liaux ou « indépendants », partiellement ou totalement employés à cette tâche, avec des pointes sai- sonnières marquées. Cette situation varie avec les autres ressources en eau domestique mobilisées (puits « privé », rivières en écoulement...), l’éloignement et la profondeur des puits ainsi que le degré d’investissement des cadets familiaux dans cette tâche domestique. Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 70 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997

12.8. Enquête sur les opérateurs qui assurent l’exploitation des peti- tes adductions d’eau potable dans le Cercle de Nioro

Enquêtes réalisées par l’association Diama Djigui Synthèse : Jean KIS (GRDR)

Introduction

Le travail de recherche proposé ici se situe dans le prolongement des études déjà menées par Bruno VALFREY, dans les deux cercles de Kayes et de Yélimané sur la gestion du service de l’eau potable et les opérateurs privés du secteur.

Rappel des termes de référence et adaptation Logiquement et conformément aux termes de références définis par Hydro Conseil, les enquêtes suivies de l’analyse de la situation prévalant en matière de service de l’eau devaient porter sur : · Les revendeurs et porteurs d’eau · Les pompistes · Les artisans réparateurs De plus, les enquêtes devaient se faire tant au niveau des utilisateurs qu’à celui des prestataires de service, c’est-à-dire au niveau de l’offre et de la demande. Toutefois, on constate que l’installation quasi générale de systèmes à énergie so- laire change radicalement les données du problème : · Absence de porteurs d’eau et de revendeurs d’eau · Pompistes inexistants · Comités de gestion inexistants ou totalement désorganisés · Prix de l’eau totalement arbitraire et très largement sous estimé (pas de provi- sions constituées pour renouveler les pompes et les onduleurs). Cela semble dû à la grande facilité d’utilisation du solaire qui nécessite moins de surveillance et d’entretien (pas de vidange à réaliser, ni de gasoil à acheter, pannes moins fréquentes...). Du coup, il semble que les villages accordent moins d’importan-ce à la quantité d’eau consommée qui devrait être connue par un relevé permanent des compteurs d’eau qui ne se fait quasiment pas ou de façon intermit- tente.

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De plus, on notera que plusieurs adductions ont été financées par des individus mi- grants qui ont fait fortune en Afrique Centrale (Gawal, Nama). Cela a des effets très négatifs sur le système d’organisation villageoise autour de l’adduction puisque pour certaines d’entre elles , même les frais de fonctionnement courants (salaires) sont pris en charge de l’extérieur.. Ceci découle du mode d’organisation des migrants en Afrique centrale, qui est très différent de celui de l’Europe (plus grand individua- lisme, beaucoup plus de chance de faire fortune dans le commerce de l’or, des dia- mants...).Ces migrants fortunés recherchent une certaine forme de notoriété auprès des villages, en finançant l’intégralité des frais de l’adduction d’eau. D’une façon générale, on constate aussi que la taille de ces adductions d’eau est beaucoup plus petite que celles que l’on trouve dans les cercles de Kayes et de Ye- limane. Quant à la ville de Nioro, les fontaines et bornes publiques sont pratique- ment toutes fermées (cf. chapitre Nioro)

Déroulement de la mission Les enquêtes menées sur le Cercle de Nioro ont concerné 7 villages et la ville de Nioro elle-même. Le calendrier des enquêtes a été le suivant : Gourel : 31 mai 97 matin Boïny : 31 mai 97 après midi Bana : 1er juin 97 matin Touragoumba : 2 juin 97 matin Korera Kore : 3 juin 97 matin Nama : 4 juin 97 après midi Gogui : 5 juin 97 après midi Nioro ville : 6 juin 97 après midi Les déplacements se sont faits en voiture pour certains villages et en moto pour d’autres. On notera que les distances parcourues sont grandes du fait de l’éloigne- ment des villages (60 à 85 km entre les villages).

Contexte du Cercle de Nioro

La situation du service de l’eau dans le Cercle de Nioro est la résultante de deux facteurs spécifiques à ce Cercle : · Présence pendant plusieurs années du projet ODIK (Opération de Développe- ment Intégré du Kaarta) ; · Le fait que l’émigration est tournée plus spécifiquement vers l’Afrique Centrale, à la différence du Cercle de Yélimané, par exemple, où c’est l’Europe qui est la destination la plus répandue.

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En effet, les résultats de l’enquête font ressortir : · Un choix technique prédominant : celui des équipements solaires ; · Des associations villageoises de petite taille : · Une absence quasi totale d’opérateurs privés (et en particulier, des pompistes et des réparateurs) ; · La quasi inexistence des Comités de gestion des points d’eau, et un manque total d’outils de gestion. Bien que l’enquête ait porté sur seulement 8 sites, la tendance observée sur ces si- tes se retrouve sur l’ensemble des adductions du Cercle (une vingtaine). Analysons un peu plus l’impact de ces deux facteurs précédemment cités : Le projet ODIK Important programme de développement couvrant une bonne partie des Cercles de Nioro et de Diéma, l’ODIK, sous la tutelle de l’Etat malien et avec un fort cofinance- ment canadien, a mis en place de nombreuses actions de développement sur des secteurs diversifiés : · Agriculture, élevage ; · Santé ; · Micro-activités économiques ; · Approvisionnement en eau potable ; · Hydraulique souterraine. Pour certaines de ces actions (forages, santé...) l’ODIK, en lien avec le PRS a en- couragé l’utilisation d’équipements solaires. C’est ainsi que plusieurs centres de santé, des unités économiques, des adductions d’eau potable ont bénéficié d’installations solaires. Il s’agit donc de l’explication du choix technologiques du solaire sur le Cercle de Nioro. L’avantage du solaire est qu’il nécessite une maintenance moins fréquente (mais pas forcément moins coûteuse à long terme) que les groupes diesel. Par contre, le solaire nécessite une plus grande technicité des réparateurs, ainsi que des investissements coûteux. D’autre part, le fait qu’il n’y ait pratiquement pas d’entretien journalier n’encourage pas le bon fonctionnement (et la motivation) des Comités chargés de gérer ces installations. D’où une gestion déplorable des adductions sur le Cercle de Nioro (absence de ca- hiers de gestion, sous-tarification du prix de l’eau...). La migration vers l’Afrique Centrale Les migrants de cette zone se tournent essentiellement vers le Gabon, le Cameroun, le Zaïre, l’Angola. C’est donc une émigration différente de celle que l’on constate vers la France ; notamment : · Migrations plus récentes, donc moins structurées ;

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· Objectifs plus « personnels » des migrants, liés au fait que les activités en Afrique Centrale sont plus orientées vers le commerce, ainsi que vers l’achat et la vente de minerais précieux (diamants...). D’où un suivi moins prononcé des actions de développement financées par ces mi- grants, et des villageois souvent livrés à eux-mêmes (absence d’accompagnement), d’autant plus que les grands programmes de type ODIK n’ont pas forcément créé des situations favorables à un tel accompagnement.

Description générale du fonctionnement des AEP En dehors d’un village (Gourel) et de Nioro ville, tous les autres sites disposent d’installations ayant les caractéristiques suivantes : · AEP composées de forages, sur lesquels sont mises en place des pompes élec- triques et des panneaux solaires. La marque et la puissance des pompes n’ont pu être identifiées, mais elles correspondent probablement aux normes définies dans le cadre du PRS ; · AEP récentes (1993-1995) et n’ayant pas encore, pour la plupart, été confrontées à des pannes importantes. Lors de leur mise en place, ces AEP ont bénéficié de conventions entre : · L’ODIK et le village bénéficiaire. Cette convention est relative au fait que les villa- ges bénéficiaires s’engagent, sur plusieurs années, à déposer sur un compte ban-caire une somme d’argent (en moyenne 250 000 FCFA / an) au titre de l’amortis-sement de l’investissement (fonds de garantie). Tout village ne respec- tant pas cet engagement se voit retirer son équipement. Actuellement, c’est la Cellule de Consolidation des Acquis du Kaarta qui suit le bon déroulement de cette opération. · Le PRS et la société SOMIMAD, qui est une des rares sociétés privées à Bamako qui peut assurer des prestations de maintenance et la vente d’équipements solai- res. Dans le cadre de cette convention, la SOMIMAD s’engage à fournir des pres- tations de suivi (visite annuelle) des villages où l’ODIK a implanté de tels systè- mes et à maintenir un stock de pièces détachées adapté. Par contre, toute répa- ration ou achat de pièces est payant pour le village (cash). Pour l’instant, seuls des panneaux solaires ont dû être changés, les pompes étant pratiquement neu- ves. Le coût est assez prohibitif : 450 000 FCFA par panneau de 2 m². Actuelle- ment, le PRS est en train de rechercher des fonds pour poursuivre le programme.

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Résultats des enquêtes

Gourel Dans ce village Peul de 700 habitants situé à 6 km de Nioro, le chef de village est un ancien migrant fortuné. C’est lui qui a financé le coût de mise en place du forage villageois pour une valeur de 1,6 millions de FCFA en 1993, puis un second en 1995 sur lequel il avait installé un château d’eau pour un montant total de 6 millions de FCFA. C’est l’homme providentiel pour le village. Sur cette installation sont branchées 7 bornes publiques en libre service gratuit. On note que le débit du forage (20 m3 par heure) autorise une telle installation. Cette installation fonctionne avec un groupe électrogène de 185 kVA (sic) qui est à même de fournir l’éclairage public installé par le même chef de village. Cette adduction d’eau est aussi équipée d’un château d’eau en aluminium de 13 m3 logé dans la concession de la famille du chef de village ! Un pompiste Sénégalais a été embauché par le chef de village . C’est un électro mécanicien de formation. Il est rémunéré à raison de 50 000 FCFA par mois ; il est nourri et logé. Ses horaires de travail sont de 2 heures par jour de 18 à 20 heures . C’est le temps qu’il faut pour remplir le château d’eau. Après 20 h , le groupe continue à fonctionner pour faire fonctionner l’éclairage public et d’autres besoins (vidéo). Il n’existe aucun document comptable, de stock et d’entretien. Approximativement nous avons évalué, selon les données recueillies auprès du chef de village, les charges de fonctionnement suivantes : · Gasoil : 50 litres par jour x 275 FCFA/l x 365 j/an = 5 018 750 FCFA / an · Salaire pompiste 50 000 FCFA X 12 mois = 600 000 FCFA / an · Soit un total de 5 618 750 FCFA par an Cela sans compter l’entretien courant (vidanges, filtres gasoil...) dont aucune comptabilité n’existe. Le pompiste est très affirmatif quand il déclare qu’il n’y a pas eu de pannes sur le réseau ou le groupe. L’adduction d’eau de Gourel est donc l’œuvre de bienfaisance « privée » d’une famille mais la continuité de cette action dans la durée est douteuse.

Boïni Ce village peul ,situé à une dizaine de kilomètres de Nioro, a vu son adduction d’eau potable installée par l’ODIK le 23 juin 1994 Cette adduction est équipée de deux bassins (un pour la population, l’autre pour l’abreuvement des animaux). Le village ignore totalement le coût d’investissement et le coût de fonctionnement. La seule chose qu’il connaisse c’est la somme annuelle de 250 000 FCFA en garan-

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 75 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 tie et qui est exigée par l’ODIK (pour le paiement du contrat de garantie PRS ?). Personne ne sait ce qu’il y a sur le compte d’épargne ? L’adduction fonctionne avec l’énergie solaire ce qui justifie l’absence de pompiste. Par contre, quatre membres du Comité de Gestion ont été rencontrés . Ils ne savent rien de plus sur le plan gestion et sur le plan financier que le reste du village Ils n’ont aucun outil de gestion . Le Comité se compose d’un Président, d’un plombier amateur, d’une releveur de compteurs et de trois agents de recouvrement qui ont beaucoup de mal à faire rentrer l’argent. D’après eux, c’est une caractéristique des populations peules de la zone (même l’impôt ne rentre pas). La tarification Les prix ont été arbitrairement fixés et sont ridiculement bas puisqu’ils ne tiennent pas compte des charges. Ainsi un forfait de 200 F FCFA par mois et par foyer a été établi et 1250 F FCFA pour un parc à bétail (qui peut contenir jusqu'à 100 têtes !). Avec ce prix, on ne tient absolument pas compte des charges de fonctionnement et d’amortissement. Partant de ce constat, on peut imaginer les difficultés de Comité de Gestion . Par ailleurs, nous signalons l’intérêt du Comité pour : · Le changement du système à énergie solaire par un groupe électrogène · Le rehaussement du château d’eau en vue d’avoir la charge hydraulique suffi- sante pour amener l’eau dans chaque concession · La volonté de se servir de l’eau de l’adduction pour le maraîchage.

Bana Le chef de ce village de taille modeste, situé à 50 km de Nioro, Président du comité et releveur de compteurs est également un ancien migrant de Côte d’Ivoire bien in- formé sur les activités liées à l’adduction. Il était malheureusement absent lors de l’enquête, ce qui fait que les informations sont de fiabilité moyenne. L’adduction de Bana date de 1994 et a été mise en place par l’ODIK ; c’est une mini adduction d’eau (moins de trois km de longueur). Le coût d’investissement n’est pas connu. Il semblerait que le coût de l’eau ait été fixé au regard des charges annuelles de cette mini adduction par le Président, ancien commerçant qui aurait de bonnes no- tions de gestion . Les tarifs établis sont · 150 FCFA par mois et par foyer · 2500 FCFA par mois et par parc de bétail (2) Même si ces tarifs sont très bas, le compte d’exploitation qui a pu être établi, montre que ces restes couvrent les charges courantes, ainsi que l’amortissement des pan- neaux solaires (sur une durée de 5 ans) Recettes Foyers 150 X 12 mois X 300 Foyers = 540 000 FCFA Bétail 2 500 X 4 mois X 2 parcs = 20 000 FCFA Recettes totales = 560 000 FCFA

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Charges Un surveillant 10 000 FCFA / mois = 120 000 FCFA 3 agents de recouvrement = 84 000 FCFA Entretien courant = 0 FCFA Amortissement annuel = 300 000 FCFA Charges totales = 504 000 FCFA Résultat = 56 000 FCFA pour 1996 Les recettes sont supérieures aux charges car il n’y a pas eu de pannes. Par contre, en cas de panne ou de défectuosité de l’adduction, il n’est pas sûr que ces recettes suffisent à couvrir les charges. Ainsi au début de 1997, une seule tête de robinet à dû être changée sur l’abreuvoir et elle a coûté 10 000 FCFA. C’est le réparateur de Nioro qui a effectué cette réparation

Touragoumba Chef lieu d’arrondissement, c’est un gros village de 7 838 habitants situé à 85 km de Nioro, le Chef-lieu de Cercle. Ici aussi , l’adduction est équipée avec un système à énergie solaire. Elle a été ins- tallée le 12 08 1994 par l’ODIK, sur un forage ayant un débit d’exploitation de 50 m3 / jour (financement BID). Le château d’eau a un volume de 25 m3. Il est complété d’un bassin où se trouve une tête de robinet. On remarque que le point d’eau est situé en dehors du village et est assez éloigné, ce qui pose des contraintes pour son utilisation. Aussi ne compte-t-on que : · 11 abonnés à raison de 1000 F CFA mois (quantité illimitée) · 6 abonnés à raison de 2 fûts par jour et à raison de 1000 F CFA (soit 16,66 f CFA par fût de 200 litres !) Un groupement de jeunes utilisant l’eau pour leur jardin maraîcher (sur 4 mois par an) à un taux forfaitaire de 50 000 F CFA pour 4 mois Le nombre d’abonnés est donc faible ; quant aux prix de détail, ils sont les suivants : · Bassine (20 litres) = 15 FCFA · Seau = 10 FCFA · Parc à bétail = 5 000 FCFA par mois Encore une fois, la tarification est faite de façon quelque peu incohérente si l’on compare le prix payé par les abonnés et le prix payé au détail. · Pour un abonné : 200 litres à 16,66 CFA · Au détail : 200 litres à 150 F CFA Cela n’encourage guère l’accroissement de la clientèle s’approvisionnant au détail et qui n’est pas intéressée par un abonnement. On a pu établir le compte d’exploitation suivant sur 8 mois

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Recettes sur 8 mois 11 Abonnés à 1000 F / mois X 8 mois = 88 000 F CFA 6 Abonnés à 1000 F / mois X 8 mois = 48 000 F CFA Jardin de jeunes (4 mois) = 50 000 F CFA Total approché (absence de documents de gestion) = 186 000 F CFA Charges sur 8 mois Salaire releveur compteur 15 000 F / mois X 8 mois = 120 000 F CFA Petites réparations = 20 000 F CFA Total approché = 140 000 F CFA Résultat sur les 8 mois : 46 000 F CFA Un aspect manque dans ce compte d’exploitation, c’est la somme de 380 000 FCFA versée en « garantie » (système ODIK ?) sur un compte bancaire. Il faut ici aussi comprendre ce fond de garantie comme une dotation aux amortissements pour le panneau solaire. Selon les membres du Comité de Gestion, cette somme est bien versée chaque an- née . Or si on regarde le résultat d’exploitation calculé, on voit qu’il ne suffit pas pour couvrir le fonds de garantie. Ce qui voudrait dire que cette somme est payée par des cotisations exceptionnelles (village, migrants ?). Pour cette adduction, l’inexistence totale de documents comptables et de cahier de relevés de consommation fait que l’on arrive à des chiffres théoriques très approxi- matifs. On ignore aussi le nombre de personnes/jour qui s’approvisionnent au détail. On signale que les éleveurs ont refusé le tarif forfaitaire de 5 000 CFA/ mois. Ils souhaitent que ce montant soit revu à la baisse. Pour l’avenir proche, la population a décidé le prolongement du réseau de distribu- tion avec 4 fontaines publiques dans le village pour un coût total de près de 10 mil- lions de F CFA, répartis de la manière suivante : · Villageois = 15,9% soit 1 500 000 F CFA · Migrants = 5,3% soit 500 000 F CFA · Autres bailleurs = 78,8% soit 7 432 600 F CFA Cette dernière somme sera financée par le Comité de Jumelage de Dourdan. Les travaux ont démarré et se font dans le cadre du programme Essonne / Sahel. N’est- ce pas aussi le moment propice pour une totale réorganisation de ce Comité, pour revoir le système de tarification et d’assurer une formation à la gestion ?

Kaera Kore Village de 2500 habitants situé à 80 Km à l’est de Nioro. Il se caractérise par une forte émigration vers l’Afrique Centrale. Dans ce village, on ne compte pas moins de 6 forages dont 5 équipés de pompes manuelles et un avec un système à énergie

Les opérateurs privés du service de l’eau dans la région de Kayes (Mali) 78 HYDRO CONSEIL - FAC N°94017700 - Action de recherche N°9 - Octobre 1997 solaire installé en 1995. Les forages ont été mis en place par l’ODIK avant 1995. La participation du village avait été de 650000 F CFA. Quant à l’adduction d’eau (solaire) également mise en place par l’ODIK, l’unique participation villageoise a été de 249 300 F CFA payée par les migrants au Gabon. Le prix de vente pratiqué dans ce village est de 100F CFA/ fût. Le releveur de compteur ne dispose d’aucun document de gestion et ce malgré une formation récente qu’il vient de recevoir. Il semble que ce village doute de la gestion saine du Comité. Selon les dires du releveur, il perçoit 10 000 F CFA par mois pendant trois mois (saison chaude) et 3500 F CFA le reste de l’année soit 61 500 F CFA par an. Ses horaires de travail sont de 7 h à 12 h et de 16 h à 18 h Il a aussi une fonction de fontainier puisque c’est lui qui récupère les fonds. Durant l’année 1996, un panneau solaire est tombé en panne (panneau brisé) . Le coût de son remplacement a été de 495 000 F CFA payé par le village (250 000 F CFA) et les migrants (245 000 F CFA)

Nama Ce village est situé à 15 Km de Nioro. Il a une population de 5 500 habitants. La mi- gration se fait surtout en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Congo. Il possède 4 quar- tiers. On compte 8 forages dans le village. L’un d’eux ne marche pas du tout, car l’ODIK a retiré la pompe, suite au refus du village de payer sa participation. Un autre ne marche pas car la tringle est tombée dans le forage. Il y a des contradictions entre la version des faits du réparateur (ci-dessus) et celle des membres du Comité. Pour le Comité, le premier forage est en panne à cause du vol de la pompe (ce qui n’est pas possible). Quant au deuxième, il y aurait manque de matériel de repêchage. Or, selon le réparateur, c’est le village qui refuse de payer la réparation. Il reste donc 6 forages en état dont un est équipé d’une pompe solaire. Celle-ci a été financée par un individu fortuné suite à son émigration. (3 750 000 F CFA). La prise de l’eau à cette pompe a été fixée villageois à · Un forfait de 3000 F CFA /mois par parc de bétail · Un forfait de 150 F CFA/mois par foyer En pratique, l’unique recette du comité villageois provient des parcs à bétail puis- que le forage solaire est éloigné du village et que chaque quartier dispose d’une pompe à motricité humaine dont les prix sont identiques à ceux du forage solaire mais dont les recettes (prélevées au niveau de ces pompes) rentrent dans les cais- ses des quartiers. On s’aperçoit qu’il existe un problème d’unité du village. Pour le forage solaire, le Comité de Gestion est composé des notables du village (dix personnes). Le salarié du comité s’occupe de relever les compteurs et ce uni- quement pour les 8 parcs à bétail, durant 4 mois de l’année.

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Recettes 8 parcs X 3000 FCFA X 4 mois = 96 000 FCFA Dépenses Un salarié X 12 500 FCFA X 5 mois = 62 500 FCFA Encore une fois l’équivalent de la dotation aux amortissements (fonds de garantie) n’est pas pris en compte puisqu’elle est intégralement payée par les migrants (780 000 FCFA pour 1995, 1996 et1997 soit 260 000 FCFA par an). Cette somme est versée sur un compte en banque.

Gogui Ce village de taille moyenne est situé près de la frontière Mauritanienne (6 Km) et à 70 Km de Nioro. Dans ce village on compte 4 forages installés en 1984 et 3 forages installés en 1989. Deux forages sont fermés pour cause de salinité. Un forage tari (sic) a été équipé d’un puits lui aussi tari aujourd’hui. Pour ces forages, la participation du village à l’investissement a été de 580 000 FCFA. Sur l’un des forages, un système à énergie solaire a été installé. Ce forage fait 83 m de profondeur. Le système est le suivant : · Panneau solaire faisant fonctionner la pompe · Un château d’eau (25 m3) · 4 têtes de robinet L’ensemble de l’investissement s’élève à 11 265 000 FCFA financés en grande par- tie par les migrants et le reste par le village. Une dotation aux amortissements de 372 000 FCFA par an est versée sur un compte bancaire (cette dotation est sûre- ment payée par les migrants). Le Comité de Gestion, inorganisé, ne suit les activités que sur 8 mois de l’année et cela de façon intermittente. Les 4 mois d’hivernage voient la disparition totale du Comité (pour des raisons peu claires). Tarification Un premier tarif de 10 FCFA par bassine et 5 FCFA par seau a été refusé par la po- pulation. La tarification a été revue à la baisse pour le prix de la bassine (5 FCFA). Ce tarif ne concerne que la consommation humaine car le village a écarté la con- sommation animale à partir de cette adduction. Le Comité de Gestion prend en charge : · Les salaires des 4 fontainiers travaillant à l’adduction (à tour de rôle) : 10 % des recettes versées mais non communiquées par le Comité · Le salaire du gardien (nettoyage du panneau et surveillance) : 2 500 FCFA par mois, soit 30 000 FCFA par an · Le releveur de compteur : 2 500 FCFA par mois soit 30 000 FCFA par an

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Ici aussi on note la présence d’un comité pratiquement fictif et l’absence de transpa- rence et de document de gestion.

Nioro Ville C’est le Chef-lieu du Cercle. Elle compte 30 000 habitants. Nioro est équipée : · D’un forage équipé d’un groupe diesel très ancien et chargé d’assurer l’alimenta- tion en eau de la ville · De deux châteaux d’eau · D’un réseau de distribution : branchements privés et 17 bornes publiques La nappe phréatique s’épuise, ce qui fait que l’eau est rationnée. Un autre forage devrait être mis en place grâce à un financement de la coopération allemande, sur une autre nappe (sic). L’EDM (exploitant du réseau) est en pleine réorganisation, ce qui fait que depuis 1995 les bornes fontaines sont fermées. A ce sujet, on nous a signalé un manque total de rigueur dans la gestion avant 1995 ainsi qu’un désaccord entre l’EDM et la mairie sur la réouverture des bornes publiques. En effet les 7 bornes publiques étaient sous la tutelle de la mairie. Or l’EDM demande le recouvrement de tous les arriérés au niveau de la municipalité qui s’y refuse. Tant que ces arriérés ne seront pas payés, les bornes seront fermées. Par contre, il semble qu’un processus de privatisation de ces bornes soit en cours puisque des privés ont repris depuis fin mai 1997 la gestion de 3 bornes. La condi- tion fixée par l’EDM est le paiement des arriérés de ces bornes et le paiement de la police d’abonnement (77 000 FCFA remboursables en fin de contrat). On peut dire que l’approvisionnement en eau se fait uniquement : · Par des puits de quartier (eau gratuite) · Par des puits privés · Par intermittence via le réseau EDM (2h à 7 h du matin)

Cercle de Nioro - Synthèse : Prise en charge des frais de fonctionnement des adductions

Date Participation (FCFA) Observations Village MES Village Migrants Autres Remarques Gourel 1993 0 0 5 618 750 Charges payées par un notable Boïni 1994 ? ? ? Aucune gestion Bana 1994 504 000 0 0 Touragoumba 1994 140 000 0 0 Pas d’amortissements Kaera Kore 1995 311 500 494 300 0 Pas d’amortissements Nama 1995 62 500 260 000 0 Concurrence pompes manuelles Gogui 1994 ? ? ? Comité fictif

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Artisans réparateurs Le seul véritable artisan réparateur qui exerce dans le Cercle de Nioro est M. Taga Ba, avec son adjoint Mohamed Lemine Eyi, qui travaillaient à l’ODIK. Suite à la fin du programme ODIK, ils ont été licenciés et se sont mis à leur compte, pour la maintenance des pompes à motricité humaine. Ils disposent d’outils de travail qui leur ont été laissés par l’ODIK, et, tout récem- ment, ils ont reçu de l’équipement de la DNHE. Notons qu’il existe une certaine con- tradiction entre le discours de la DNHE, qui affirme vouloir privatiser le secteur de la maintenance et le fait qu’elle oblige ces artisans à n’intervenir que dans l’arrondis- sement central, où le marché est tout à fait insuffisant. Heureusement pour eux, leur compétence et le fait qu’ils disposent de matériel spé- cialisé (outillage pour la récupération de tringles) font qu’ils sont appelés à interve- nir, au coup par coup, sur l’ensemble du Cercle. Hélas, ils n’ont aucun carnet de commande, ni aucun outil comptable. De plus, le stock de pièces détachées a été installé par l’ODIK auprès d’un grand commerçant de Nioro. Ces deux artisans cherchent un troisième associé ayant des compétences en élec- tromécanique, pour intervenir sur les petits stations de pompage, dont la majorité sont équipées de pompes solaires. En dehors de ces artisans, une formation de réparateurs a été dispensée fin 1996 dans le cadre du programme Essonne Sahel. Elle a concerné Gourel, Noro, Gogué, Korera, Tarragoubé, Bana.

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Conclusion

Diagnostic · Les petites adductions sont alimentées en majorité par des systèmes photovoltaï- ques et l’eau y est stockée dans des réservoirs de 15 à 25 m3 ; · La mise en place de ces adductions a été faite soit par l’ODIK, soit par des mi- grants fortunés, sans guère d’implication des villages concernés ; cette absence d’implication est particulièrement marquée par : · La non participation des villageois aux études préalables à la mise en place des adductions ; · L’absence totale de comités de gestion réels et fonctionnels ; · L’absence quasi totale d’une participation financière directe des vil- lageois eux-mêmes ; · Des tarifications qui ne sont pas basées sur un calcul économique du coût de re- vient réel de l’eau, car les relevés de compteurs sont très imprécis, voire inexis- tants et il n’y a aucun document de gestion. Ainsi, on peut dire que la plupart de ces adductions fonctionnent encore seulement grâce à la prise en charge des charges de fonctionnement et des amortissements par l’extérieur, les recettes ne couvrant pas les charges.

Recommandations Toute nouvelle adduction d’eau qui sera mise en place dans le Cercle de Nioro doit impérativement tenir compte de l’expérience quelque peu négative des adductions déjà existantes. Avant de construire de nouvelles adductions, il serait opportun de consolider les adductions déjà mises en place par : · Une animation visant à réorganiser les comités de gestion ; · Des formations adressées aux membres des comités de gestion, dans le domaine de la gestion et des techniques spécifiques aux systèmes à énergie solaire ; · Une insertion de ces projets d’adduction dans une démarche globale de dévelop- pement et d’autonomisation des associations villageoises, car ces projets d’adduction sont encore trop souvent l’affaire de quelques individus.

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