Les Acquis du Projet de Recherche-Action “Interface entre Prestataires de Soins Officiels et Traditionnels” dans la Zone Sanitaire de Klouékanmè-Toviklin-Lalo

Juillet 2013

Auteurs : Dr. Julien AISSAN, Médecin Coordonnateur Zone Sanitaire KTL Yves BOKOSSA, Major de Zone à KTL et Point Focal du projet Anaïs DRESSE, Assistante Junior PARZS (CTB Bénin) François ZINSOU, Point Focal (CTB Bénin) Table des matières

1. Contexte du projet et description des activités

1.1. Introduction 3 1.2. Le projet de recherche-action “interface” 4 1.2.2. Problématique de départ 4 1.2.1. Objectifs du projet 4 1.3. Cadre de mise en oeuvre du projet dans la ZS KTL 5

2. Etudes de cas

2.1. Collaboration avec les Tradipraticiens

2.1.1. Introduction 8 2.1.2. Avantages de la collaboration 9 2.1.3. Difficultés rencontrées 10 2.1.4. Conclusion 10

2.2. Sensibilisation par les pairs éducateurs

2.2.1. Introduction 11 2.2.2. Avantages de la sensibilisation par les pairs éducateurs 12 2.2.3. Difficultés rencontrées 12 2.2.4. Conclusion 13

3. Vers une interface durable entre prestataires de soins modernes et traditionnels

3.1. Acquis du projet 14 3.2. Perspectives 16 3.3. Conclusion 17

4. Abbréviations 18

5. Bibliographie 18

6. Annexes

6.1. Plan d’action du comité d’interface de la ZS KTL 19 6.2. Thématiques pour l’animation des séances d’IEC dans les maternités de la ZS KTL par les pairs éducateurs 20 6.3. Résultats de l’enquête auprès des tradipraticiens 21 6.4. Fiche de référence pour les tradipraticiens 23 6.5. Exemples de figurines de référence pour les tradipraticiens 24 6.6. Article de presse paru dans le journal “L’Autre Quotidien” 25 2 1. Contexte du projet et description des activités

1.1. Introduction

L’utilisation d’un service de santé est, dans une large mesure, tributaire de l’organisation de l’offre et de la qualité de ce service. Il s’agit notamment des facilités d’accès en termes de proximité géographique, coûts abordables des soins et de la perception positive des utilisateurs par rapport aux soins qui leur sont offerts. De nombreuses autres composantes sociales ou socioculturelles liées de manière moins directe à l’offre entrent cependant en jeu dans le comportement du malade. Au Bénin, 80% de la population ont recours en première intension à la médecine traditionnelle en cas de problème de santé. 1Cette médecine, de même que l’automédication, sont également fort utilisées dans la Zone Sanitaire de Klouékanmè-Toviklin-Lalo (ZS KTL) en premiers recours en cas de problème de santé, en particulier au sein des populations les plus pauvres.2 Ainsi, dans la zone, la demande des services de santé est fortement influencée par les représentations sociales de la maladie quiest vue comme une fatalité, une conséquence de la violation des interdits ou des normes sociales, un mauvais sort jeté par des jaloux ou par des sorciers. De plus, il a été constaté que les représentants de la société civile ne sont pas organisés de manière efficace pour peser dans la planification de l’offre de soins de santé de la zone. Il faut donc tenir compte de telles réalités de terrain si l’on veut atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en Santé, et c’est ce que le projet de recherche-action sur l’interface entre prestataires de soins modernes et traditionnels mis en oeuvre dans le cadre des accords Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) dans la Zone Sanitaire Klouékanmè-Toviklin-Lalo a compris. En effet, le recours aux soins dans la zone reste faible,3 et a de graves conséquences, en particulier pour la santé infantile et maternelle notamment le nombre élevé de décès maternels et néonatals.4 Pour remédier à cela et dans le cadre de ce projet, la ZS KTL a choisi de se focaliser sur deux aspects: la formation des tradithérapeutes aux pathologies prioritaires afin de les utiliser comme couloir de transfert précoce des malades vers les Centres de Santé, ainsi que dans la sensibilisation des mères et femmes enceintes par des pairs éducateurs. Dans le souci de mener à bien toutes les activités du projet, un comité d’interface a été mis en place pour prendre les décisions de manière concertée et par toutes les parties prenantes. Ce sont les bonnes pratiques et les leçons apprises à travers cette expérience que le présent document vise à capitaliser et à partager avec un large public. 1 OMS : Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2002-2005. 2 LEADD, 2004 : Etude des causes de la faible utilisation des services de santé dans la zone sanitaire KTL: Approche socio-anthropologique. 3 Rapport du monitoring des activités du second semestre 2012. 4 Base SNIGS de la zone KTL.

2 1.2. Le projet de recherche-action “interface”1

Le projet de recherche-action “Interface entre prestataires de soins modernes Les OMD Santé: et traditionnels” est un projet de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) financé par l’Union Européenne (UE). Il est mis en œuvre au Bénin, au Mali, et au Burkina Faso. Au Bénin, le projet est mis en œuvre par l’Institut Régional de Santé Publique (IRSP) de , à travers deux Zones Sanitaires (ZS) pilotes: la ZS de Comé-Bopa-Grand-Popo-Houéyogbé et la ZS de Klouékanmè-Toviklin-Lalo. Ces deux zones constituent en effet les zones d’intervention test de l’IRSP.

1.2.1. Problématique de départ

Le constat de départ du projet était qu’il existait un manque d’ancrage des politiques internationales dans les réalités du terrain. Ainsi, alors que les politiques internationales se focalisent sur les aspects biomédicaux du problème pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) Santé en Afrique de l’Ouest (voir ci-contre), les populations les plus pauvres recourent le plus souvent à l’automédication et aux tradithérapeutes, et ne se rendent au centre de santé qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres options avaient été épuisées. Or, pour certaines maladies, ce délai de recours à la médecine moderne peut s’avérer critique pour le patient comme le paludisme, les pneumonies et les complications de la grossesse par exemple. Le projet a opté en faveur d’une approche systémique pour régler ce décalage entre l’offre et les attentes en matière de soins, afin de “repenser les modalités de prise en charge jusqu’ici centrées sur le système sanitaire officiel et sur les aspects biomédicaux, pour impliquer efficacement les centres de santé les plus proches des populations ainsi que les autres contributeurs potentiels aux soins”. Le projet mis en oeuvre a donc été conçu de manière a permettre de développer les connaissances de ces acteurs en matière de santé afin de susciter chez eux des comportements appropriés lorsqu’ils seraient confrontés à certains cas de pathologies identifiées comme prioritaires par les OMD Santé. L’une des actions du projet était la mise en place d’un comité d’interface au niveau local pour renforcer les capacités institutionnelles et la collaboration entre tous les prestataires de soins et autres contributeurs à la santé des populations (organisations à base communautaire). Ce projet visait aussi renforcer les capacités des acteurs sur le terrain, y compris la société civile (responsables communautaires, tradithérapeutes, etc.), en matière de participation à l’organisation des services et soins de santé et à la définition du contenu des politiques de santé.

1.2.2. Objectifs du projet

Le but de cette action est, au travers de l’implication de l’ensemble des acteurs de la santé, de renforcer la capacité des malades à gérer leurs problèmes de santé, d’améliorer le fonctionnement et la qualité des services de santé et la qualité de la prise en charge de ces pathologies prioritaires. L’objectif général de du projet est donc de “contribuer à l’atteinte des OMD Santé en Afrique de l’Ouest, à savoir la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles et infantiles et la lutte contre les pathologies prioritaires“. Son objectif spécifique est « de promouvoir une intervention concertée pour renforcer les capacités institutionnelles et l’interface entre prestataires de soins sur le terrain et autres acteurs chargés de la promotion de la santé auprès des populations, en vue d’améliorer la qualité et l’efficience des services et soins de santé.

1 Les informations qui suivent sont issues de: Ecole de Santé Publique / Université Libre de Bruxelles, 2009 : Formulaire de demande de subvention du Programme ACP Science et Technologie. 4 Domaines de résultat du projet

• R1. Mise en place d’un mécanisme de concertation au niveau local et un réseau sous-régional • R2. Identification des attentes et besoins spécifiques en matière de prise en charge des patients • R3. Mise en place d’un dispositif novateur de prise en charge globale basée sur les attentes des bénéficiaires et les besoins non-couverts • R4. Amélioration des indicateurs de la prise en charge médicale des problèmes de santé prioritaires • R5. La documentation, la capitalisation et la diffusion de l’expérience sont réalisées • R6. Plaidoyer pour influencer les politiques nationales et internatio- nales depuis le terrain (processus bottom-up) et mise en place d’un processus de pérennisation des acquis du dispositif.

1.3. Cadre de mise en oeuvre du projet dans la ZS KTL

La zone sanitaire KTL est une des 34 zones sanitaires du Bénin. Crée par arrêté ministériel en 2002, elle chevauche trois communes qui portent son nom à savoir Klouékanmè, Toviklin et Lalo pour une superficie totale de 824 Km² couvrant 26 arrondissements et 171 villages ou quartiers de ville. Elle est située dans le département du Couffo au Sud Ouest de la république du Bénin en Afrique de l’Ouest à 160Km de la capitale économique et à une vingtaine de kilomètre de la frontière avec le Togo à hauteur de la ville de «Tohoun ». Elle est composée de 30 formations sanitaires publiques et de 03 formations sanitaires privées qui constituent les structures de premier niveau et un hôpital de référence situé dans la commune de Klouékanmè également siège du bureau de coordination de la zone.

En 2013, sa population est estimée à près de 334.180 habitants.1 La couche féminine avoisine les 52% de la population avec un taux d’analphabétisme de plus de 70%. C’est une population rurale très pauvre qui s’adonne à l’agriculture et à l’élevage de subsistance. L’indice synthétique de fécondité est au dessus de la moyenne nationale de 5,7 enfants par femme.2

Le profil épidémiologique de la zone KTL est dominé d’une part par les maladies infectieuses notamment le paludisme, les infections respiratoires aigues et les maladies diarrhéiques avec une forte prédilection pour les enfants de moins de 5 ans (86% des consultations) et d’autre part par les maladies chroniques non transmissibles comme l’hypertension artérielle, le diabète et les traumatismes touchant plus les adultes. En fin 2012 le nombre de personne vivant avec le VIH inscrit sur la file active de la zone est de 735 personnes dont 238 sous ARV. La prévalence du VIH parmi les nouvelles consultantes en CPN est 1,25% en 2011. En ce qui concerne la tuberculose, l’incidence en 2011 a été de 122 nouveau cas dépistés.

1 Estimation à partir du recensement général de la population de 2002. 2 Ministère de la Santé de la République du Bénin, 2006 : Enquête Démo- graphique en Santé du Bénin.

5 La lutte contre les mortalités maternelles et infantiles constitue la première priorité de la zone sanitaire KTL. En effet pour une moyenne hebdomadaire de 14 références dans la zone, 98% concerne les cas compliqués soit chez les femmes enceintes ou soit chez les enfants de moins de 5 ans. Le taux de mortalité maternelle au delà de la moyenne nationale de 397 décès pour 100.000 naissances vivantes est lié dans une grande mesure au recours tardif aux formations sanitaires par les populations et au dysfonctionnement du système de prise en charge à l’hôpital de zone.

La zone KTL bénéficie depuis sa création de l’appui de renforcement par la CTB, l’Agence belge de développement, à travers différents projets d’appui aux Zones Sanitaires1 et des projets de recherche en partenariat avec l’IRSP et l’Union Européenne.

En effet, d’autres projets de recherche avaient par le passé été développés dans la ZS KTL sous financement Européen, notamment les projets FORESA III et EDULINK, mais aucune initiative de collaboration formalisée n’existait au préalable entre la médecine moderne, traditionnelle, et les autres acteurs de la santé sur le terrain. Ainsi, bien que des projets mis en œuvre dans la zone tentent d’y remédier, on constatait un manque d’organisation et de plateforme pour formuler les attentes au niveau de la demande.

Le projet a démarré en décembre 2009 dans la ZS KTL, avec la création d’un comité d’interface composé de représentants des différentes acteurs du secteur santé.

1 En particulier le Projet d’Appui à la ZS KTL (PAZS-KTL) et le Projet d’Ap- pui au Renforcement des Zones et Départements Sanitaires du Mono-Couffo et de l’Atacora-Donga (PARZS).

IRSP, Ouidah

Dr. Julien AISSAN, Médecin Coordinnateur de la ZS KTL Le comité d’interface est l’instance mise en place dans le cadre de ce projet afin de permettre aux différents acteurs intervenant dans le secteur santé dans la zone de participer aux décisions concernant les activités du projet.

Voici quelques données sur ce comité, qui a agi comme une plateforme entre les deux médecines et les autres acteurs de la société civile et à permis une meilleure communication et collaboration pour le bénéfice de la population de la ZS KTL:

Le comité d’interface dans la ZS KTL

• Le comité est composé de 13 membres: 2 représentants d’ONGs du secteur santé, 1 représentant du personnel de santé, 1 représentante de l’association des femmes, 3 représentants des maladies chroniques, 3 représentants des TP, 3 représentants de l’EEZS (le sociologue, le point focal du projet, et le MC ZS).

• Rencontre de prise de contact entre le comité d’interface et les élus locaux début 2012.

• Trois réunions tenues en 2012 et et 6 réunions mensuelles de janvier à juin 2013.

• Au cours de ces réunion, les membres du comité d’interface ont: évalué les activités réalisées, suivi les activités en cours, et programmé les activités à venir, comme (désignation des 100 TP à former par les représentants des TP, planification des formations pour les TP et les pairs éducateurs, etc.).

• Un plan d’action suivant les domaines de résultats fixés par le projet a été élaboré par le comité d’interface et validé par l’IRSP (Tradithérapeutes, médecine moderne, pairs éducateurs, fonctionnement et renforcement des membres du comité d’interface, capitalisation et documentation du système).

Le plan d’action validé par l’IRSP pour la ZS KTL1 contenait plusieurs activités dans les domaines suivants : tradithérapeutes, médecine moderne, pairs éducateurs, comité d’interface, capitalisation et documentation.

La collaboration avec les tradithérapeutes et les sensibilisations menées avec les pairs éducateurs ont particulièrement retenu l’attention des responsables de la zone pour être capitalisés, avec le fonctionnement du comité d’interface comme thème transversal.

1 Voir annexe 6.1.

7 2. Etudes de cas

2.1. Collaboration avec les Tradipraticiens

2.1.1. Introduction TP d’une part, et les acteurs communautaires d’autre part, était l’un des objectifs centraux Les tradipraticiens (TP) constituent une couche du projet. La Zone Sanitaire KTL a donc importante de la population de la ZS KTL, et consacré une partie de ses activités à former on constate une majorité d’hommes.1 Déjà en ces prestataires de soins afin de garantir une 2004, on en dénombrait près d’une dizaine meilleure prise en charge des pathologies par hameau2 avec des regroupements plus prioritaires identifiées. Cette activité se accentués dans certains arrondissements. Ils concentrait sur les pathologies prioritaires, mais sont sollicités pour tous les cas de maladies aussi les maladies chroniques. considérées comme « provoquées ». Lorsqu’on consulte le les oracles et que l’on constate que Des fiches de référence ont également été la maladie est provoquée, le recours est unique, adoptées pour favoriser la collaboration entre à savoir le tradipraticien. les deux médecines.

Leur forte présence sur le territoire de la Activités et réalisations zone, leur proximité avec les malades, leur bonne connaissance des représentations • 100 TP et 50 agents de santés formés au de la maladie par la communauté et le coût cours de quatre sessions de formation. • Formation à la reconnaissance des abordable et parfois inexistant de leurs symptômes des maladies chroniques prestations déterminent la confiance solide que (diabète, hypertension artérielle, les populations ont en eux. Pour raccourcir tuberculose, drépanocytose) et les l’itinéraire thérapeutique des patients et éviter autres maladies à potentiel épidémique qu’ils arrivent dans les formations sanitaires en sous surveillance (rougeole, tétanos, phase de complication, le personnel de santé shigelose, dyphtérie, poliomélite, doit considérer les tradipraticiens comme des coqueluche...) acteurs clés au niveau de la communauté et • Formation à l’utilisation des fiches de rechercher les stratégies d’action dans ce sens. référence pour les patients référés des TP vers le Centre de Santé. 8 patients La collaboration entre les agents de santé et les référés en utilisant cette fiche de mars à juin 2013. 1 Voir Annexe 6.3. • 42 TP enquêtés sur leurs impressions 2 Le hameau est une subdivision de village. quant au projet. LEADD, 2004 : Etude des causes de la faible • Réalisation d’émissions radio sur le VIH/ utilisation des services de santé dans la zone Sida et d’autres maladies chroniques. sanitaire KTL, approche socio-anthropologique.

Travaux de groupe lors d’une des séances de formation à Klouékanmé. 8 2.1.2. Avantages de la collaboration le comité d’interface, ces fiches permettront aux agents de santé de savoir d’où le malade Les avantages d’une meilleure collaboration vient et qui l’a orienté, mais aussi d’apprécier le entre agents de santé et TP, sont nombreux. degré de reconnaissance des pathologies par L’enjeu de cette activité est très important, les TP et de définir les besoins de renforcement en particulier pour la zone sanitaire KTL. de capacités à leur niveau. Grâce à ces En effet la confiance mutuelle qui s’établit fiches, les cas référés par un TP ne seront entre les tradipraticiens et le personnel de plus négligés, et les traitements dispensés santé, a induit une nette amélioration du taux par le TP (infusions ou autre) seront valorisés d’utilisation des services. Il s’établit un nouveau par la médecine moderne. L’expérience de type de référence qui implique directement la KTL montre que certains TP accompagnent communauté au côté du personnel de santé le malade qu’ils réfèrent jusqu’au CS, ce qui concernant les maladies prioritaires comme facilite les échanges entre eux et les agents de la tuberculose, le paludisme, le VIH/SIDA, et santé. Même si Anselme reconnait l’importance les maladies chroniques non transmissibles du travail des TP, il précise que, même dans le courantes dans la zone . De plus les fréquents cas d’un envoûtement, la première chose à faire renforcements de capacités des tradipraticiens est de traiter le patient médicalement pour les sur les signes de reconnaissance et de gravité cas de maladies graves présentées au cours de ces maladies par le personnel de santé des formations. Il reconnait cependant que, tant permettent une amélioration de leurs propres que les agents de santé n’adouciront pas leur prestations et renforce d’avantage leur légitimité ton, l’implication des TP sera essentielle pour auprès des populations. améliorer l’accès aux soins des populations. Un autre avantage de la collaboration entre Les TP formés dans le cadre de ce projet, tradipraticiens et personnel de santé réside s’accordent généralement pour dire que ces dans le fait que la plupart des maladies à fiches sont une source de reconnaissance potentiel épidémique (à savoir rougeole, importante pour eux, car elles seront une preuve poliomyélite …) ne sont pas considérées par du rôle que les TP jouent dans la sauvegarde les populations comme des maladies curables des vies humaines. Elles permettront d’identifier par la médecine moderne, et elles n’ont donc précisément le nombre de cas référés et donc recours qu’aux tradipraticiens. Une fois la de savoir combien de patients ont été envoyés collaboration établie, ces cas de maladies ne par un TP au Centre de Santé. Modeste, l’un resteront plus longtemps sans prise en charge d’eux, précise: “Avant, si on envoyait un patient adéquate. à qui on avait appliqué des pommades ou des Concernant les maladies chroniques, la incisions au Centre de Santé, le TP craignait collaboration s’est également révélée très que les agents de santé ne refusent de prendre importante et permettra à l’avenir de réduire cette personne dans ces conditions, alors que les cas de décès dus à ces maladies, alors le TP lui reconnaît l’importance des traitements qu’avant les TP avaient tendance à conserver qu’il a déjà appliqués au patient”. ces cas jusqu’au point ou cela les dépassait et le patient mourrait. Les symptômes et cas “TP et agents de santé ont un montrés dans la formation ont permis aux TP même dénominateur commun: la d’avoir une connaissance plus approfondie de sauvegarde des vies humaines ces maladies et d’adopter des comportements (...) Il y a plein d’avantages à cette appropriés afin d’éviter les complications collaboration.” Modeste, TP préjudiciables aux patients. Cette collaboration est donc importante car, L’introduction d’outils adaptés de référence est toujours selon Modeste, “TP et agents de santé une avancée majeure du projet et l’initiative a ont des connaissances complémentaires, été bien accueillie par les TP. ce qui va leur permettre de se renforcer Pour Anselme, représentant des agents de santé mutuellement”. au niveau de la commune de Klouékanmè dans

9 2.1.3. Difficultés rencontrées

Malgré les avantages présentés ci-dessus, les du soutien en matériel de travail et l’insuffisance TP émettent quelques craintes quand aux effets des formations reçues qui, si elles sont un bon néfastes que cette collaboration pourrait avoir début, n’ont pas suffi à couvrir tous les sujets, 2 sur leur profession si elle s’avérait être à sens et le manque de supports de formation. unique. En effet, si les figurines de référence fournies aux TP dans le cadre du projet ont été Du côté des patients, les TP ont également un élément décisif dans leur reconnaissance constaté des réticences à se rendre au CS. Les comme “partenaires” de la médecine moderne, raisons invoquées peuvent être de différente il existe quelques problèmes. nature, mais elles sont le plus souvent d’ordre financier. Ces patients se rapprocheraient L’un des problèmes majeurs, pour les TP, en effet de cas d’indigence mais ne sont pas est le fait que leur contribution à la guérison reconnus comme tel, et ne sont donc pas des patients envoyés au Centre de Santé exonérés des frais médicaux. Le processus en (CS) n’est pas reconnue. En effet, lorsqu’un cours des indigents permettrait une meilleure patient est référé et trouve satisfaction au CS, lecture des cas en vue de leur pris en charge le risque pour les TP est que les patients ne mais aussi une analyse appropriée de ces reconnaissent plus leur rôle et pensent que refus. c’est le CS seul qui les a guéris, alors que des traitements avaient été entamés par le TP, 2.1.4. Conclusion dans le cas d’un envoûtement par exemple. Plusieurs TP ont confirmé cette impression lors “C’est important que les TP du mini-focus group organisé sur le sujet début reconnaissent leurs limites et réfèrent juillet au Bureau de Zone de Klouékanmè. Dans les patients qu’ils ne peuvent pas de tels cas, le travail fourni par le TP n’est pas aider pour éviter les cas de décès.” reconnu, et s’apparente à du bénévolat, et ce Togbo, TP manque de rétribution est un risque qui, pour les TP, peut conduire à leur démotivation et Même si des difficultés subsistent, il y a affecter la collaboration bien amorcée entre les donc de nombreux avantages à une telle acteurs. Il souhaite donc que la valorisation de collaboration. On constate que la formation l’intervention du TP soit aussi un fait de l’agent a été particulièrement bénéfique aux TP qui du CS auprès du patient référé. Pour les TP, n’avaient pas l’habitude d’envoyer des patients la fragilité de la collaboration entre les acteurs au CS. La plupart des TP ont confirmé que, au de la santé réside dans leur faible organisation terme de ces formations, ils savaient reconnaitre et la méconnaissance de l’autorité communale. les cas qu’ils n’étaient pas en mesure de traiter. Ils expriment ainsi le désir d’une meilleure organisation des TP et la prise en compte de Les fiches de référence ont également permis leur préoccupation dans les programmations aux patients référés par les TP d’être pris en budgétaires. Il semble aussi que plusieurs TP charge plus rapidement et de manière plus ont réfèré des patients sans utiliser la fiche car agréable, car les agents savent par qui ce ils l’ont reçue trop tard après la formation.1 patient a été référé et quels traitements il a déjà subi. Cependant, les TP craignent que Selon le Major du Centre de Santé Communal cela ne leur fasse perdre leur rôle auprès de la de Klouékanmè, il manque des rencontres communauté et diminue leurs revenus. L’idéal périodiques pour faire le point des références serait une collaboration dans les deux sens: permettraient d’assoir cette collaboration. lorsqu’un agent de santé aura un cas qu’il ne Il faudrait que tout cela soit documenté peut pas traiter, il pourra aussi l’envoyer chez précisément afin de d’apprécier au mieux l’un des TP qui lui réfère souvent des cas. les problèmes et déterminer les bases d’une 2 Un manque de matériel comme des tensi- collaboration efficace et durable. Les TP omètres a également été noté chez la plupart des pointent aussi du doigt la non prise en compte TP, mais le projet n’a pu couvrir cela. De plus, l’ac- quisition de tensiomètres pour les TP n’a pas été opportune car il faudrait d’abord penser à les former 1 Voir résultats de l’enquête auprès des TP sur comment l’utiliser. (Annexe 6.3). 10 2.2. Sensibilisation par les pairs éducateurs

2.2.1. Introduction niveau de chaque commune de la ZS KTL, et trois représentantes des femmes ont été élues L’activité des pairs éducateurs faisait partie comme membre du comité d’interface. Ensuite, intégrante du projet et se focalisait sur les ces représentantes ont identifié avec l’aide des activités de la santé de la mère et de l’enfant formations sanitaires 60 pairs éducateurs parmi niveau des maternités, car une faible utilisation les membres de la communauté. Les femmes des services de la mère et de l’enfant avait retenues étaient des patientes ayant utilisé été constatée. L’objectif était de contribuer à de façon spontanée et suivant les normes l’amélioration des OMD en réduisant la mortalité requises les services des maternités de la maternelle et infantile. Pour cela, la stratégie zone, selon les critères retenus par le comité était de passer par des pairs éducateurs d’interface. Ces femmes ont été identifiées choisies parmi les membres de la communauté comme “modèles” pour leurs communautés, et afin d’amener les femmes enceintes, les mères, les pairs éducateurs ainsi identifiés ont ensuite et les gardiennes d’enfant à utiliser les services été formées aux techniques d’animations et à la de la maternité pour la vaccination maternelle et santé maternelle et infantile. Une fois formées, infantile, la planification familiale, la consultation le rôle des pairs éducateurs était de contribuer prénatale, l’allaitement maternel exclusif, et à la sensibilisation des femmes dans les CS l’accouchement dans un Centre de Santé et les hameaux et les inciter à se rendre aux agréé par l’état. Grâce à ces sensibilisations soins. menées par des pairs, les femmes seront plus informées par rapport à ces thèmes, ce qui En avril 2012, l’accompagnement des sages- diminuera les complications. Cette stratégie femmes et des responsables de maternités permettra par exemple à terme d’éviter que les par les pairs éducateurs a commencé lors de femmes enceintes ne meurent en couches ou débats avec les patients. Les pairs éducateurs des suites de celle-ci, comme ça peut être le ont également suivi les sages-femmes pour les cas lors d’accouchements à domicile. visites à domicile et pourront servir de relais au sein de leurs communautés pour amener Pour mettre en œuvre cette stratégie, trois les femmes à fréquenter les services de la sages-femmes centrales ont été identifiées au maternité.

De gauche à droite: Rosaline (l’une des femme sensibilisées), Hortense (paire éducatrice), Marthe (infirmière à ), Gilberte (représentante des femmes dans le comité d’interface), et Marie-Josée (sage-femme centrale à Toviklin). 11 2.2.2. Avantages de la éducateurs a été constaté. Ceci risque de créer sensibilisations par les pairs un manque de motivation pour les encourager éducateurs dans leur travail.

Les enjeux d’un tel système sont nombreux. Il y a aussi un manque d’effectif car le nombre Les sensibilisations menées par les pairs de pairs éducateurs formés par commune n’est éducateurs au sein même des communautés pas suffisant, et Marie-Josée, sage-femme ont permis que les femmes fréquentent le centrale à Toviklin et coordinatrice des pairs Centre de Santé de manière plus régulière, éducateurs, regrette que l’état n’ait pas les prévenant ainsi les maladies et évitant les moyens de renforcer cette activité à la fin du complications liées à l’automédication et aux projet. En effet, le nombre de pairs éducateurs accouchements à domicile. a été fixé en fonction de la cagnotte mise à disposition par le projet. Or, les femmes à Rosaline, l’une des femmes enceinte que la sensibiliser sont tellement nombreuses que les sensibilisation pas les pairs a poussée à se rendre sensibilisations ne sont pas suffisantes pour aux consultations prénatales (CPN), déclare satisfaire aux objectifs de manière optimale. que, avant, son mari refusait que je fréquente le Marthe, l’infirmière d’Adjido confirme que, Centre de Santé de mon arrondissements et je dans son arrondissement, il y a dix villages devais me rendre à pour les soins. mais seulement trois pairs éducateurs, alors Après la sensibilisation par les pairs éducateurs, qu’il faudrait un pair éducateur par village, il a accepté que je fréquente le Centre de Santé ainsi que des moyens pour soutenir les frais de Toviklin lorsque je suis tombée enceinte. de déplacement et de nourriture des pairs Maintenant, je suis les CPN à Toviklin. Les éducateurs. Un plaidoyer est en cours auprès sensibilisations menées directement par des d’autres partenaires pour subventionner les membres des communautés ont donc permis frais de déplacement de ces acteurs. de réduire sensiblement le phénomène de réticence dans certaines zones. Certains membres des Comités de Gestion des Centres de Santé ont aussi eu l’impression Un autre avantage majeur apporté par l’activité que ces pairs éducateurs usurpaient leurs des pairs éducateurs est l’augmentation des prérogatives, et il s’est posé un problèmes de sensibilisations au sein même des Centres de barrières linguistiques par endroit. Santé. Si des sensibilisations existaient avant cette activité, celles-ci n’étaient pas très actives Données sur les pairs éducateurs ni régulières. Les pairs éducateurs ont permis de redynamiser ce type d’activités Marthe, • 3 sages-femmes centrales identifiées infirmière à la maternité d’Adjido, déclare en comme responsables au niveau de leur effet : commune pour accompagner les pairs éducateurs dans ces sensibilisations. “Les femmes savent beaucoup de • 60 pairs éducateurs formées dans les choses maintenant. Elles sont mieux trois communes de la ZS KTL au cours informées qu’avant. Au niveau de de trois sessions de formation sur les mon centre, avant on ne faisait pas thèmes suivants: technique d’animation, la sensibilisation, mais avec les programme élargi de vaccination, pairs éducateurs, tous les lundis et allaitement maternel exclusif, vendredis on a une séance éduca- consultations pré-natales recentrées, les tive dans le centre.” avantages de l’accouchement au CS, la planification familiale. 2.2.3. Problèmes • 2 sensibilisations par semaine menées dans les maternités de la zone d’avil à Parmi les problèmes rencontrés au cours de juillet 2013, soit 1000 sensibilisations cette activité, le manque de moyens a été cité visées, mais toutes n’ont pu être menées par plusieurs participants. Manque de moyens faute de manque de personnel dans financiers d’abord, car les déplacements et certaines maternités. la nourriture des pairs éducateurs lors des • Réalisation d’émissions radiophoniques sensibilisations n’ont pas toujours pu être sur la santé de la mère et de l’enfant, couverts par le projet et un retard dans le le paludisme, et la référence et contre- remboursement des déplacements des pairs référence. 2.2.4. Conclusion

L’initiative des pairs éducateurs a donc montré des résultats prometteurs et les acteurs, qu’ils soient membres de la communauté ou agents de santé, encouragent la continuité de cette activité. Gilberte, représentante des femmes dans le comité d’interface, confirme cette impression: « Avant, les femmes accouchaient beaucoup à la maison les enfants tombaient malade, mais ce projet a poussé les femmes à venir accoucher à l’hôpital et les a poussé à amener les enfants à l’hôpital de zone lorsqu’ils ils sont malades. » ,

En conclusion, il est souhaitable que les pairs éducateurs continuent leur travail dans les communautés au-delà de la fin du projet interface et augmentent en nombre afin de répondre aux besoins, mais un problème de moyens se pose. Pour remédier à cela, il est important de créer une synergie entre les différents Partenaires Techniques et Financiers du Bénin afin d’assurer une continuité entre les plans d’action des différents projets.

Gilberte, Représentante de l’association des femmes dans le comité d’interface.

La synergie entre les différents projets mis en oeuvre dans la zone est importante. Ici, une patiente venue consulter au CS Klouékanmè lors d’une activité de gratuité de la planification familiale organisée par le projet PARZS (CTB Bénin). 13 3. Vers une interface durable entre prestataires de soins modernes et traditionnels

3.1. Acquis du projet “C’est vraiment un projet innovateur qui nous a permis de comprendre que les acteurs de la médecine traditionnelle jouent un rôle fondamental dans le système de soins et de Ce projet, jugé comme étant innovateur à l’échelle du Bénin par Jacques Saizonou, coordonnateur du projet à l’IRSP, compte de nombreux succès, même si celui-ci estime le taux de réalisation des objectifs à 75%. Comme précisé dans l’introduction, le projet interface s’articulait autour de plusieurs domaines de résultats. Concernant le domaine de résultat 1 du projet (mise en place d’un mécanisme de concertation au niveau local), l’un des plus grands acquis du projet a été d’offrir une plateforme d’échange aux différents acteurs impliqués dans le secteur santé sur le terrain. Le comité d’interface rassemblant des représentants des agents de santé, tradithérapeutes, et membres de la société civile, s’est en effet montré toujours selon Jacques Saizonou, “dynamique, opérationnel, et efficace” dans la mise en oeuvre des activités, et dans la mesure des moyens disponibles. Outre la gestion des activités du projet, ce comité a suscité les échanges entre les différents représentants du secteur santé dans la zone. En effet, les participants ont noté un rapprochement et une meilleure communication entre les différents acteurs du secteur santé suite à leur collaboration au sein de ce comité, qui sera bénéfique à la population de la ZS KTL.

14 Le comité d’interface à également été bien accueilli par les élus locaux, qui voyaient le fractionnement des représentants des TP comme un obstacle à leur développement. Le comité a servi de repère au niveau communal pour échanger avec l’arrondissement et les communes. Le maire de Klouékanmè, tout comme celui de Lalo a en particulier salué l’avènement du comité d’interface et a prié les représentants des TP de se grouper en un seul bloc car, pour ce dernier :

« Un homme trouve un serpent et c’est la femme qui le tue : peu importe celui qui a tué le serpent, l’essentiel est que le serpent soit mort. »

La volonté de créer un jardin botanique a également été évoquée, notamment à Lalo, et le maire de la commune a même proposé de mettre un terrain à disposition de l’association des TP, mais cela n’a pas encore pu être finalisé. L’un des obstacles pour cela a été l’absence d’un bloc cohésif rassemblant tous les TP, et l’existence d’une association unique pourrait donc également favoriser cet achèvement.

Par rapport au volet collaboration entre médecine moderne et traditionnelle, la formation de 100 TP à la reconnaissance des symptômes et la référence est l’un des acquis principaux qui assurera à l’avenir une meilleure collaboration. L’utilisation effective de ces fiches de référence par les TP a été constatée. Une enquête menée au sein des TP formés montre d’ailleurs que la plupart sont satisfaits par le contenu de la formation, même si beaucoup d’entre eux la jugent insuffisante par rapport à leurs besoins. Malgré tout, celà leur a apporté des connaissances indispensables par rapport à certaines maladies.

En ce qui concerne les pairs éducateurs, on constate une meilleure connaissance par les femmes des thématiques abordées au cours des sensibilisations par les pairs. La réticence liée à l’utilisation des services de la mère et de l’enfant (consultations pré-natales, vaccination, planification familiale, etc.) a également diminué suite à cette activité.

De manière générale, les sensibilisations menées dans le cadre de ces deux volets, notamment au moyen d’émissions de radio diffusées sur la radio communautaire de Lalo et la radio nationale (ORTB), ont permis de relever le taux de fréquentation des Centres de Santé. En effet, le taux de fréquentation des formations sanitaires de la zone est passé d’un taux d’environ 14% en 2011 et 2012 à un taux de 23,2% au premier trimestre de l’année 2013.1 Ces bons résultats ne peuvent être imputés seulement au projet interface, mais c’est un des facteurs à prendre en compte.

1 Rapports SNIGS 2011-2013 ZS KTL.

15 3.2. Perspectives

Le principal obstacle à la réalisation des activités relevé par la plupart des acteurs impliqués dans le projet a été le manque de moyens. C’est en particulier le délai d’attente entre la demande des fonds et leur délivrance pour chaque activité qui a risqué de mettre en péril l’appropriation du projet par les bénéficiaires, et un temps mort a été observé entre mars et décembre 2012. Au niveau du comité d’interface par exemple, les séances d’échange avec le comité de Comé n’ont pas pu avoir lieu faute de moyens. De même, certaines rencontres périodiques souhaitées par le comité d’interface n’ont pas pu être menées comme voulu, comme dans le cas des maladies chroniques, ou une équipe de suivi avait été définie en séance, mais n’a pas pu descendre sur le terrain mensuellement comme prévu. L’accompagnement des TP n’a donc pu être réalisé jusqu’au bout, et l’équipe mise en place a seulement suivi de loin leurs activités à travers les documents et cas rapportés. Quant aux formations mêmes, une durée plus longue, accompagnée de supports de formation, aurait été bénéfque. Au lieu de conditionner le financement aux Termes de Référence envoyés mensuellement par la zone, il faudrait donc que la cagnotte de 9 millions de francs CFA validée au départ soit envoyée directement à l’Equipe d’Encadrement de la ZS, comme lors des précédents projets financés par l’Union Européenne.

Cependant, certains problèmes ne sont pas imputables au manque de moyens mais a d’autres éléments du contexte. Le fait qu’il s’agisse d’un projet pilote a également été un obstacle à la réalisation des objectifs à 100%, mais il devrait en tant que tel faciliter la mise en oeuvre de projets similaires à l’avenir. Il est également intéressant de souligner les problèmes rencontrés dans la formation des bureaux communaux de TP. En effet, la formation des bureaux communaux et l’identification des participants ont posé problème, car les personnes en charge de l’identification ont privilégié leurs connaissances. Ces problèmes de favoritisme et de clientélisme notés dans quelques zones au cours de la formation des bureaux communaux ont écarté certaines couches de la population des bureaux, mais les causes n’ont pas encore été identifiées. Un meilleur encadrement sera donc nécessaire à l’avenir pour assurer la bonne gouvernance dans le choix des acteurs impliqués.

L’un des freins relevés par les TP concernant la référence était que certains patients refusent de se rendre au Centre de Santé par manque de moyens. Dans de tels cas, une solution serait par exemple la subvention des patients référés par les TP. Des difficultés ont également été constatées avec l’utilisation des figurines de référence, comme mentionné dans l’étude de cas sur les TP. Celles-ci devraient être complétées par des images sur chaque affection traitée par les TP afin de pouvoir être réellement utilisées. Plusieurs TP interrogés ont également suggéré d’intégrer ces figurines dans un carnet de soins pour les patients de TP, ce qui faciliterait la référence et le suivi.1 On constate aussi que les TP soignent beaucoup de cas d’accouchements, il faudrait donc insister sur l’importance de référer les cas avec complication ainsi que former les TP à la thématique de la déclaration des naissances.

1 Une enquête a été menée auprès de 56 TP formés dans les communes de Klouékanmé et Toviklin. Voir Annexe 6.3.

16 Enfin, la possibilité de mettre en place d’un local pour les TP au niveau de la commune a aussi été discutée, car cela existait avant et pourrait constituer une plateforme d’échange intéressante et faciliter la collaboration. Cependant, pour certains TP, « avoir un local dans le CS, ça ne peut pas marcher car pour un cas d’envoutement, le TP a besoin d’emmener le patient dans son couvent, or, il ne peut pas faire un couvent dans le CS. Une solution peut être de créer un local de passage à l’Hôpital de Zone de Klouékanmè ou les TP auraient des « gardes ». Une réelle référence dans les deux sens, des TP vers les Centres de Santé mais aussi des agents de santé vers les TP, est un autre prérequis pour une bonne collaboration.

3.3. Conclusion

Ce projet innovateur, mis en place par des partenaires du nord, et du sud a donc été accueilli positivement pas tous les participants, et à créé une nouvelle dynamique au sein des acteurs de la santé sur le terrain. Ceci sera bénéfique à la communauté des zones pilotes, en particulier les populations les plus vulnérables. Dr. Saizonou, coordonnateur du projet à l’IRSP, exhorte d’ailleurs les chercheurs du sud à reproduire ce genre d’expériences innovantes afin d’atteindre les OMD Santé au Bénin et dans toute la sous-région.

En effet, dans la Zone Sanitaire de Klouékanmè-Toviklin-Lalo, ce projet de recherche-action a permis de créer une véritable plateforme d’échange entre les différents intervenants du secteur santé, et d’installer un esprit de collaboration entre prestataires de soins modernes et traditionnels, même si des progrès restent à accomplir dans certains domaines.

Les acteurs de la zone souhaitent maintenant que les activités mises en œuvre par le projet se pérennisent, et espèrent, par exemple, voir le nombre de pairs éducateurs s’accroître et s’installer une réelle collaboration à double sens entre TP et agents de santé. « Nous travaillons pour notre communauté. » Gilberte, Représentante des femmes dans le comi- té d’interface

Un TP de Klouékanmé et l’une de ses patientes, référée pour anémie. 4. Abbréviations

ACP Afrique-Caraïbes-Pacifique CPNR Consultation Pré-Natale Recentrée CFA Communauté financière africaine CS Centre de Santé CTB Agence belge de développement (Coopération Technique belge) EEZS Equipe d’Encadrement des Zones Sanitaires IRSP Institut Régional de Santé Publique KTL Klouékanmè-Toviklin-Lalo OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement ORTB Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin PARZS Projet d’Appui au Renforcement des Zones et Départements Sanitaires du Mono-Couffo et de l’Atacora-Donga PEC Prise en charge PF Planification Familiale PEV Programme Elargi de Vaccination PMA Paquet Minimum d’Activités RCR Référence et Contre-Référence SNIGS Système National d’Information et de Gestion Sanitaire TP Tradipraticien UE Union Européenne ULB Université Libre de Bruxelles ZS Zone Sanitaire

5. Bibliographie

• Ecole de Santé Publique / Université Libre de Bruxelles, 2009 : Formulaire de demande de subvention du Programme ACP Science et Technologie. • LEADD, 2004 : Etude des causes de la faible utilisation des services de santé dans la zone sanitaire KTL: Approche socio- anthropologique. • Ministère de la Santé de la République du Bénin, 2006 : Enquête Démographique en Santé du Bénin. • OMS : Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2002- 2005. • ZS KTL : Rapports du Système National d’Information et de Gestion Sanitaire (SNIGS) 2011-2013. 18 6. Annexes

6.1. Plan d’action du comité d’interface de la ZS KTL

19 6.2. Thématiques pour l’animation des séances d’IEC dans les ma- ternités de la ZS KTL par les pairs éducateurs

20 6.3. Résultats de l’enquête auprès des tradipraticiens

Début juillet 2013, 56 tradipraticiens (TP) formés à Klouékanmè et Toviklin ont répondus a une enquête lancée par la ZS KTL. Voici les conclusions principales de l’enquête.

1. Description de l’échantillon

93% des TP interrogés sont des hommes et leur âge moyen est de 49 ans. Tous les niveaux éducatifs se retrouvent au sein des TP : la majorité est analphabète (23%) ou alphabétisée sans niveau scolaire (23%), 26% sont lettrés, 22% ont le niveau primaire et 15% le niveau secondaire. La grande majorité des TP interrogés se dit animiste (92% mais issus de différents cultes), contre seuls 6% qui se déclarent chrétien. Plus de la moitié d’entres eux ont hérité de leurs connaissances médicinales de leurs parents. D’autres ont été initiés de par leur appartenance à un culte vaudou ou après avoir eux-mêmes été confrontés à la maladie ou la mort d’un proche. Au cours de l’enquête, il a été demandé aux TP de citer les trois maux qu’ils soignent le plus fréquemment. Parmi les types de maladies les plus fréquemment citées, on retrouve les maux de tête et les maux de ventre. Ensuite viennent les envoûtements, la folie, et les crises et attaques. Les TP citent aussi les accouchements et les grossesses avec complication, ce qui est plus inquiétant. On peut donc émettre l’hypothèse que les femmes accouchant à domicile et rencontrant des difficultés se rendent chez le TP et non directement au CS. Le paludisme apparait ensuite dans les taritements les plus cités. L’épilepsie, l’ictère, le surmenage, la paralysie, la toux, la stérilité, les morsures, les maux de côtes, la rougeole et les hémorroïdes sont également cités par plusieurs TP.

2. Acquis de la formation

95% des TP interrogés se disent satisfaits de la formation. La majorité citent les nouvelles connaissances acquises pour reconnaitre les symptômes de certaines maladies (diabète, sida, tuberculose, …) et savoir quels cas ils ne sont pas en mesure de traiter, ainsi qu’une durée d’observation des malades de maximum 3 jours. A la question de savoir pourquoi ces acquis sont importants, les répondants s’accordent pour dire que cela leur a permis de sauver des vies en référant directement les maladies qu’ils ne pouvaient pas traiter. Parmi les manquements de la formation proposée dans le cadre du projet interface, de nombreux TP citent la durée d’un jour qui s’est avérée insuffisante et le manque de sensibilisations auprès de la population, de même que le manque de supports de formation. Près de la moitié citent aussi le manque de collaboration et le manque de fiches de références directement après la formation. Trois quarts des TP interrogés disent avoir utilisé des notions acquises au cours de cette formation, citant par exemple la référence des cas d’anémie.

3. Référence

Au total, les TP disent avoir référé 75 patients depuis la formation, mais 77% n’ont pas utilisé n’ont pas utilisé la fiche de référence prévue à cet effet. Un peu plus de 23% des TP disent avoir référé leurs patients, ce qui équivaudrait à 17,5% cas référés, or, on n’enregistre que 8 patients référés par les TP avec fiches. On peut donc remettre en cause l’exactitude des données déclarées par les TP ou en déduire que plus de la moitié des patients référés par les TP ne se rendent pas au CS. Les raisons invoquées pour n’avoir pas utilisé la fiche sont le plus souvent le fait qu’ils n’avaient pas la fiche (il semble donc que la fiche leur ait été remise trop de temps après la formation) et le fait qu’ils n’ont reçu aucun cas grave depuis l’introduction de la fiche. La difficulté la plus fréquemment invoquée concernant la référence des patients est lemanque de moyens de déplacement du TP pour accompagner le patient au CS (cité par trois quarts des personnes ayant répondu a cette question). D’autres facteurs qui compliquent la référence et l’utilisation de la fiche sont le refus de certains patients, le manque de moyens financiers, et l’urgence de certaines maladies qui ne leur laisse pas le temps de remplir la fiche. Parmis les succès, l’un des TP site un cas de Sida qu’il a détecté grâce aux symptômes présentés lors de la formation et qu’il a convaincu d’aller au CS, alors que le patient y était réticent car il avait honte. 21 4. Symptômes

Six cas des figures ont été présentés aux TPs, décrivant des patients avec leurs symptômes (voir tableau ci-dessous). Il a été demandé au TP de dire s’il traiterait un tel cas ou le réfèrerait au CS, et de motiver sa réponse.

Le premier cas concernait une toux chronique persistante, et environ 4 TP sur 5 ont dit qu’ils réfèreraient un tel cas. En effet, la tuberculose était cité par de nombreux TP comme l’un des symptômes appris les plus utiles au cours des formations car ils avaient constaté ne pas pouvoir guérir ces cas. Le deuxième cas présentait un enfant atteint de symptômes s’apparentant a un cas de paludisme grave. Trois quarts des TP ont dit qu’ils réfèreraient un tel cas, mais on constate tout de même une plus grande fréquence de traitements chez le TP pour ce type de symptômes (“corps chaud”), avec certains TP disant qu’ils tenteraient d’abord de soigner le cas par les feuilles et le réfèreraient après und élai de quelques jours au CS si le cas ne s’est pas amélioré. Le troisième cas (insomnie) est souvent identifié comme un possible envoûtement et traité, à juste titre, par les TP eux même dans plus de deux tiers des cas. Le cas d’accouchement avec complications présenté en quatrième lieu serait référé par 46 TP sur 55, car la plupart savent que c’est le rôle de la sage- femme, surtout s’il y a perte de sang. On constate que, pour les cas de fracture, même ouverte, de nombreux TP réfèrent seulement parce que ce n’est pas leur spécialité ou enverraient le cas chez un collègue TP spécialiste des fractures (kinésithérapeute). Les symptômes du diabète sont relativement bien maitrisés par les TP formés, qui dans 37 cas sur 43 référeraient un tel patient vers le CS pour analyse. Quand à la question 6, présentatnt les symptômes du sida, 21 sur 56 identifient le cas comme un cas de sida sur base des symptômes vus au cours de la formation, mais 10 TP disent pouvoir traiter le cas eux même tandis que les autres le réfèrent immédiatement.

Cependant, on peut craindre chez certains répondants un biais les poussant a systématiquement répondre qu’ils référeraient toutes les maladies vers la médecine moderne, même celles qu’ils peuvent traiter à domicile. Il faut de plus être précautionneux avec les résultats de l’enquête car on constate une similitude troublante entre les réponses de plusieurs questionnaires, remettant en cause la collecte des données.

22 6.4. Fiche de référence pour les tradipraticiens

23 6.5. Exemples de figurines de référence pour les tradipraticiens

24 6.6. Article de presse paru dans le journal “L’Autre Quotidien” (11.03.2013)

25 Photos: Anaïs Dresse @ CTB Bénin