Une « Réunion » Labyrinthique Une Étude Sur La Rencontre Entre L'ethnographie Et Le Surréalisme Dans Le Deuxième Numéro (1933) De La Revue Minotaure
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Une « réunion » labyrinthique Une étude sur la rencontre entre l'ethnographie et le surréalisme dans le deuxième numéro (1933) de la revue Minotaure Marinissen, W. (Wouter) | S4383133 | Masterscriptie Literair Bedrijf | 13-11-2018 | Radboud Universiteit Nijmegen | Master Letterkunde | Begeleider: dr. Maaike Koffeman | Tweede beoordelaar: prof. dr. Alicia C. Montoya Table des matières Introduction: L’évasion 3 I. Le « texte » ethnographique: Un cadre théorique et méthodologique 10 I.I – L’objet d’analyse: le texte ethnographique 11 I.II – La méthode d’analyse: Multimodal discourse analysis (MMDA) 16 I.III – Les notions théoriques de Pierre Bourdieu: 18 « champ », « capital » et « habitus » I.IV – Conclusion 19 II. Minotaure: Une « entreprise » artistique et surréaliste 21 II.I – Albert Skira et Minotaure 21 II.I.I – Skira: un éditeur ambitieux 21 II.I.II – Skira: un fondateur créatif 22 II.I.III – Skira: un chef d’orchestre aimable 24 II.II – Minotaure et le surréalisme 27 II.II.I – Le surréalisme: un mouvement fragmenté 27 II.II.II – Une orientation surréaliste 28 II.II.III – Le surréalisme et le minotaure 31 II.III – Minotaure et ses objectifs 33 II.III.I – L’esprit moderne et la création artistique 33 II.III.II – Une entreprise encyclopédique 35 II.IV – Conclusion 36 III. La mission Dakar-Djibouti: Une « entreprise » ethnographique 38 III.I – Un événement charnier dans l’histoire de l’ethnographie 38 III.II – Le contexte institutionnel de la mission 45 III.II.I – Le contexte politique 45 III.II.II – Liens avec l’Institut d’ethnologie de l’Université de Paris 48 1 III.II.II.I – Les Instructions sommaires (1933) 50 III.II.II.II – Les méthodes de la mission 51 III.II.III – Liens avec le Musée d’ethnographie du Trocadéro 54 III.III – Programme médiatique 57 III.III.I – Expositions 58 III.III.II – La presse et la radio 58 III.III.III – Publications 59 III.IV – Conclusion 61 IV. Surréalisme et ethnographie: La rencontre des « champs » 62 IV.I – Une fusion fertile: l’ethnographie et le surréalisme 62 IV.II – Des réévaluations du « primitif » 64 IV.II.I – Une réévaluation de la culture « primitive » 64 IV.II.II – Une réévaluation de l’objet « primitif » 71 IV.III – L’ethnographie et le surréalisme: un rapport paradoxal 77 IV.IV – Le surréalisme ethnographique dans Minotaure 79 IV.V – Conclusion 84 V. Le deuxième numéro de Minotaure: Une « réunion » des entreprises 85 V.I – Analyse globale du numéro 85 V.I.I – La réalisation de la « réunion » 85 V.I.II – Le programme de la « réunion » 88 V.II – Analyse détaillée du numéro 89 V.II.I – La présence subjective de l’ethnographe-tisseur puissant 89 V.II.II – Une thématique cohérente: les activités et objets de culte 102 V.III – Conclusion 114 Conclusion: La métamorphose finale 116 Annexes 120 Bibliographie 142 2 Introduction L’évasion Ἐλθὼν δὲ ὁ ταῦρος ὡς ἀληθινῇ βοῒ συνῆλθεν. Ἡ δὲ Ἀστέριον ἐγέννησε τὸν κληθέντα Μινώταυρον. Οὗτος εἶχε ταύρου πρόσωπον, τὰ δὲ λοιπὰ ἀνδρός· Μίνως δὲ ἐν τῷ λαβυρίνθῳ κατά τινας χρησµοὺς κατακλείσας αὐτὸν ἐφύλαττεν. Ἦν δὲ ὁ λαβύρινθος, ὃν Δαίδαλος κατεσκεύασεν, οἴκηµα καµπαῖς πολυπλόκοις πλανῶν τὴν ἔξοδον. [Le taureau vint et s'accoupla avec elle comme avec une vraie vache. C'est ainsi que Pasiphaè enfanta Astérios, appelé le Minotaure, qui avait la face d'un taureau et, pour le reste, un corps d'homme. Minos, conformément à des oracles, le fît enfermer et garder dans le labyrinthe. Ce labyrinthe, que Dédale avait construit, était une demeure aux détours tortueux, telle qu'on y errait sans pouvoir en sortir.]1 Enfermé dans son labyrinthe, ce monstre fabuleux au corps d’un homme et à tête de taureau appartient à la mythologie classique. Pourtant, au fil du temps, cette bête hybride s’est « échappée » de sa prison afin d’apparaître, en tant que source d’inspiration, dans le domaine des arts. Comme le minotaure est un monstre hybride, il s’y manifeste aussi de différentes manières. Il occupe non seulement une place dans la littérature, mais aussi dans d’autres domaines artistiques, tels que le théâtre, la peinture, la sculpture et la photographie. Le minotaure revient par exemple dans « Enfer », la première partie de la Divine Comédie (1307- 1321) de Dante Alighieri (1265-1321). Le minotaure est également un motif récurrent dans l’œuvre éclectique de l’artiste Pablo Picasso (1881-1973). Cette créature mythologique revient par exemple dans les eaux-fortes Minotaure caressant une dormeuse (1933) et La Minotauromachia (1935) [figure 1]. Il fait aussi son apparition dans quelques-unes de trente eaux-fortes faites par Picasso pour la publication des Métamorphoses d’Ovide (1931), premier projet de l’éditeur et bibliophile Albert Skira (1904-1973), dont le tirage est limité à 145 exemplaires.2 La commande de Skira à Picasso en 1928 de ces illustrations marque leur rencontre qui débouche sur différentes autres collaborations. Parmi ces projets artistiques se trouve la revue Minotaure (1933-1939), pour laquelle Picasso fait, sur l’insistance de Skira et l’éditeur E. Tériade (1889-1983), la couverture du 1 Carrière, Jean-Claude & Bertrand Massonie. (1991) La Bibliothèque d'Apollodore. Traduite, annotée et commentée. Besançon: Université de Franche-Comté: 86. 2 « Albert SKIRA (1904-1973), éditeur de la revue MINOTAURE. » in : Skira, Albert et al. (ed.). (1981) Minotaure : revue artistique et littéraire. Facsimilé en trois volumes des éditions originales, 1933-1939, avec petites introductions sur Albert Skira. Volume 1. Genève: Éditions d’art Albert Skira. 3 numéro inaugural du 15 février 1933. Cette couverture est une reproduction d’un collage original de Picasso [figure 2]. Une place de choix est également réservée à cet artiste dans le corps de cette première livraison : « sur trente pages, se suivent plusieurs textes d’André Breton, sous le titre général de « Picasso dans son élément », augmentés de photographies de Brassaï – qui rencontrera pour la première fois l’artiste à l’occasion des prises de vue »3. Il figure aussi une annonce de la parution des Métamorphoses d’Ovide dans ce premier numéro de Minotaure. Dans les numéros suivants, on continue à rendre hommage à Picasso, à travers entre autres des illustrations et mentions. Le minotaure orne également les couvertures des livraisons suivantes de Minotaure. Elles sont réalisées par plusieurs artistes, dans l’ordre chronologique : Gaston-Louis Roux (no 2), André Derain (no 3-4), Francisco Borès (no 5), Marcel Duchamp (no 6), Joan Miró (no 7), Salvador Dalí (no 8), Henri Matisse (no 9), René Magritte (no 10), Max Ernst (no 11), André Masson (no 12-13) et Diego Rivera (cahier intérieur no 12-13). Les couvertures contiennent dans la plupart des cas une référence explicite et directe à cette bête fabuleuse. Dans l’introduction de son catalogue d’exposition Chants exploratoires : Minotaure, la revue d'Albert Skira, 1933- 1939, dédié à Minotaure, l’historienne d’art Véronique Yersin affirme que seules les couvertures, à l’exception de celles des numéros 2 et 6, réfèrent explicitement au minotaure, car du mythe fondateur, il n’est jamais directement question dans les pages de la revue. […] De façon latente, amour et mort s’incarnent allégoriquement dans la revue, tout comme rêve et réalité, animalité et humanité. A la suite de Thésée, chacun plongera dans les ténèbres pour se mesurer à la créature fabuleuse, et ramènera à la lumière sa version du monstre.4 De cette façon, il existe bien des interprétations et des représentations implicites ou explicites de cet homme-animal et son mythe, non seulement dans les textes, mais aussi dans les images de cette revue. Le caractère hybride du minotaure se retrouve pour ainsi dire également dans le grand nombre des contributeurs, ayant leurs propres expertises et champs d’intérêt. Grâce à cela, Minotaure est une revue éclectique. Elle constitue un lieu d’expérimentation pour les surréalistes reconnus et les nouveaux arrivants où ces deux groupes peuvent se rencontrer et 3 Yersin, Véronique & Madeleine Amsler. (2008) Chants exploratoires : Minotaure, la revue d'Albert Skira, 1933-1939 (2007-2008; cat. d’exposition, Genève, Cabinet des estampes du Musée d’art et d’histoire). Genève: Cabinet des estampes du Musée d’art et d’histoire: 27. 4 Ibidem: 20. 4 échanger leurs idées, d’une manière créative et libre. De cette façon, Minotaure correspond à la conception de Paul Dermée qui considère une revue comme « une table d’amis »5, un espace de sociabilité, mais également d’échange. Les surréalistes y sont donc invités à se mêler et à ouvrir et stimuler le dialogue. De cette façon, la littérature et les arts plastiques, surtout surréalistes, y sont réunis. Cette orientation surréaliste de la revue est un point d’intérêt dans ce présent mémoire. Le caractère expérimental se manifeste dans le foisonnement de sujets et d’idées qui « a ouvert en son temps (et continue à notre sens, d’ouvrir) de passionnants champs exploratoires. Des champs qui se transforment parfois en litanies, en « chants ». Symphonie de voix discordantes, sorties du tréfonds de gorges sauvages et libertaires, mais symphonie quand même : telle est, au fond, la « créature » d’Albert Skira. »6 Le concept d’une « symphonie de voix discordantes », d’une pensée individuelle et collective en même temps, confirme l’idée que Minotaure est en fin du compte une revue éclectique, mais cohérente. Elle a une claire ambition : « montrer le plus large panorama des années stimulantes et inquiétantes qui sont l’apanage de l’époque. »7 Nous reviendrons sur cette idée d’un collectif composé de différents individus et sur les objectifs principaux de Minotaure dans le deuxième chapitre de ce mémoire. Ce panorama se constitue de différents champs d’intérêt correspondant bien évidemment à la diversité des collaborateurs.