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III- L'ENSEIGNEMENT

L'enseignement universitaire dans les provinces wallonnes

L'UNIVERSITÉ DE LIÈGE PEU APRÈS SA CRÉA• TION EN 1817. Lithographie de J.N. Chevron. Liège, Cabinet des Estampes.

Le malicieux hasard de l'ordre alphabétique ment, encore que des préoccupations (tradi­ - Bruxelles, Gand, Liège, Louvain - amène tionnelles) d'expansion ou de notoriété, de l'excellente petite Histoire des Universités belges tendance idéologique, voire de domination à narrer les origines, le développement et le restent très apparentes, même brimées ou rôle des plus anciennes Universités belges battues en brèche par des soucis d'organisa­ dans l'ordre exactement inverse à celui de leur tion interne et de financement. De tout ceci, création. Cette bonne et instructive synthèse on trouvera les signes et les traces dans la (qu'il vaudrait donc mieux lire 'à l'envers') longue histoire de l'Université de Louvain permet d'entrée de jeu d'observer que, jusqu'à (dès 1425) créée en terre flamande par une ces dernières années, l'Université, quelle bulle du pape Martin V, première et seule des qu'elle fût et où qu'elle fût, ne se préoccupa ni Pays-Bas, aussi longtemps qu'il se pourrait. de l'idée de Wallonie, ni du destin des pro­ Plusieurs tentatives d'établir, notamment à vinces wallonnes. Liège, une Université qui couronnât un ensem­ Au lendemain de scissions linguistiques par­ ble d'écoles fameuses dès les xeet xre siècles, fois douloureuses, il aurait pu en être autre- n'avaient pu réussir, à cause de l'âpre et

253 victorieuse défense par Louvain. Cette dernière provinces à la Hollande, et à l'instant où on garde un monopole jusqu'au régime français. étudiait une réorganisation des écoles et l'im­ Un décret du 25 octobre 1797 du préfet du plantation d'Universités, dans l'ensemble du département de la ordonna la suppres­ Royaume-U ni des Pays-Bas. Dès le 2 août sion de l'ancienne Université, en raison de son 1815, le roi Guillaume rétablissait les Univer­ hostilité aux tendances de la République fran­ sités de Leyde, de Groningue et d'Utrecht et çaise, à laquelle nos provinces furent annexées promettait aux provinces méridionales d'or­ en 1795. ganiser sur leur territoire 'une ou plusieurs' Onze ans plus tard, un décret impérial de 1808 Universités. Un comité siégea pour examiner instituait une Université impériale et faisait de le problème. Liège le centre d'une académie couvrant quatre Louvain revendiqua l'exclusivité de l'installa­ départements, Ourte (sic), inférieure, tion d'une Université! On protesta, du nord au Sambre-et-Meuse, Roer. sud, contre cette prétention ; Gand signala Le professeur MARCEL FLORKIN, dans un 'des erreurs grossières' dans l'enseignement article sur L 'enseignement universitaire sous le qui avaient eu cours à Louvain, durant 'ces régime français, rappelle que c'est 'un arrêté derniers temps' ; Bruxelles dénonça 'l'état du 25 septembre 1811 qui est la date réelle du d'apathie ( ... ) des sciences', et, à Liège, un début, à Liège, de l'existence des institutions demi-siècle plus tard, on rappelait encore que, universitaires'. Cet arrêté, pris par le Grand­ de notoriété officielle et publique, 'la science Maître de l'Université impériale, créait la n'y existait plus qu'à l'état de souvenir'. Faculté des Sciences. Nous ne reviendrons pas sur l'histoire des Le roi Guillaume suivit l'avis rendu par le écoles à laquelle un chapitre du présent ouvrage Comité et créa trois Universités d'État, à a été consacré déjà; rappelons seulement que Gand, à Louvain et à Liège, en les dotant, le 25 jusqu'en 1811, aucune institution universi­ septembre 1816, du 'Règlement sur l'organi­ taire n'a existé en terre wallonne - admirable sation de l'enseignement supérieur dans les réussite de l'opposition louvaniste! -et que provinces méridionales du royaume des Pays­ 'Douai seule parviendra, en 1562, à retenir Bas'; chaque Université comportait cinq Fa­ dans une Université de langue française les cultés: Médecine, Droit, Théologie, Sciences étudiants wallons des Pays-Bas.' mathématiques et physiques, Philosophie et Ceci éclaire cruellement des observations faites Lettres. À Liège cependant ne fut pas organi­ à mainte reprise et pour mainte époque, sur la sée la Faculté de Théologie. Une seule de ces médiocrité de la situation intellectuelle et trois Universités se situait donc en terre wal­ culturelle de la Wallonie. Ainsi, M. ROLAND lonne ; le choix de ses maîtres, souvent issus du MORTIER, parlant de Liège, de Namur, de nord et de l'est, atteste la volonté de 'défranci­ Mons, déplore que 'faute d'un public, faute sation' d'une région trop soumise aux in­ d'un milieu urbain ouvert aux lettres, et en fluences du sud, et que l'on entendait délier de l'absence de cette bourgeoisie éclairée d'où cette vassalité. sont sortis la plupart des grands écrivains français des 'lumières', l'éclosion d'une voca­ Si la Faculté de Médecine put compter dès le tion littéraire est presque impossible avant début sur des professeurs de formation fran­ 1750, et son développement doit de toute çaise, Ansiaux, Sauveur, Comhaire, il en fut manière se situer à l'étranger.' Le manque tout autrement en Faculté de Philosophie et d'Université wallonne n'a certes pas peu Lettres, où pour une recrue française, le sexa­ contribué à cette médiocrité, et la volonté de génaire Louis Rouillé, assez insignifiant, on monopole n'avait pas disparu, dans le chef de appela les Allemands Denzinger, Fuss, Gall Louvain, après 1797 ... et W agemann, les Hollandais Kin ker, Ackers­ On le vit bien en 1815, dès la réunion de nos dijck et van -Brouwer. La langue de

254 l'enseignement et des échanges était le latin, La loi organique de l'instruction supérieure comme il en était à l'époque dans les pays fut publiée le 25 septembre 1835 : il ne fallut germaniques. Durant les années hollandaises, que quinze jours pour qu'intervienne la con­ cette situation fut l'une des causes des inci­ vention qui transférait à Louvain , l'Université dents qui se produisirent dans les milieux d'État y étant supprimée, la nouvelle Univer­ universitaires liégeois, agités aussi - comme à sité catholique. Elle y reprit place dès le mois Louvain et à Gand - par les idées libérales de décembre. Durant les discussions prépara­ qui gagnaient du terrain à l'époque, dans la toires à la loi de l'instruction supérieure, le plupart des pays de l'Europe. sénat académique soutint à nouveau la thèse L'un de ces incidents, que rappelle le profes­ du monopole universitaire pour Louvain. La seur Paul Harsin, était dû au 'recrutement querelle qui s'ensuivit se manifesta sur le exotique' de nouveaux professeurs: deux Hol­ terrain universitaire seulement, et non pour landais, deux Allemands, un seul Belge, recru­ des motifs linguistiques. tement 'nécessité par la carence de la science Le gouvernement provisoire avait en effet nationale', due notamment, redisons-le, à un aboli, dès 1830, l'emploi exclusif de la langue manque d'Universités qu'expliquait la volon­ latine dans l'enseignement universitaire; pré­ té monopoliste de Louvain. cédemment déjà, des exceptions à l'usage du latin avaient été admises pour certains en­ seignements. PREMIÈRE LOI ORGANIQUE Louvain voulait 'faire disparaître la fatale DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR distinction qui existe entre les provinces wal­ lonnes et les provinces flamandes' et condam­ La même volonté encore se manifesta, dès nait l'idée de créer deux Universités, à Liège et l'indépendance de la Belgique, et notamment à Gand: il en fallait une, une seule, et qui était durant les cinq premières années, où fut pré­ l'Université catholique à Louvain. parée, discutée, promulguée (le 25 septembre Les Liégeois, et bien d'autres, craignaient 1835) la loi organique de l'instruction supé­ qu'une seule institution où se regrouperaient rieure; cinq années d'une considérable impor­ Flamands et Wallons, venus de 'provinces si tance. Le gouvernement avait, en 1830, main­ différentes entre elles sous tous les rapports', tenu provisoirement, en les amputant toute­ ait comme résultat de créer entre les uns et les fois, les Universités créées par le roi Guillaume autres des sentiments d'hostilité. (On ne man­ 1er. Liège 'la moins maltraitée, ne perdit que sa qua pas de rappeler pareil avis, lors des tristes Faculté de Philosophie et Lettres', celle de événements qui aboutirent, en 1970, à la scis­ Louvain, avec son statut de neutralité et d'éta­ sion de l'Université de Louvain et au déména­ blissement de l'État, fut battue en brèche par gement de la section française en territoire les professeurs de l'ancienne Université, aussi wallon.) bien que par l'épiscopat. Les uns réclamaient Cette argumentation, en vérité, défendait Liège la 'recréation' de leur maison ; les évêques et Gand comme sièges d'une Université, mais s'opposaient à la neutralité de l'enseignement. la véritable opposition s'organisait sur un Quinze ans après la fondation de l'Université autre terrain: pour ou contre les positions de d'État de Louvain, on envisagea donc - à l'Église catholique, pour ou contre son mono­ l'abri de l'indépendance nouvelle - de re­ pole en matière d'enseignement universitaire. constituer une 'Université catholique de Lou­ Non seulement monopole catholique, mais vain' à laquelle un bref du pape Grégoire XVI bel et bien même monopole des évêques, donna existence le 13 décembre 1833. Louvain comme le montre dès son début l'histoire du étant encore le siège de l'Université d'État Collège Notre-Dame de la Paix. Fondé à créée par Guillaume 1er, la nouvelle Université Namur par les Pères de la Compagnie de catholique s'installa à Malines. Jésus, en 1831 , il développa, dès 1832, une

255 première section d'enseignement supeneur ront plus tard cette modeste ambition, si (Philosophie), en 1833 une seconde (Mathé­ curieusement exprimée. matiques et Sciences). Dès 1834, ce fut la Restant limitée aux Candidatures dans cer­ querelle avec l'Université catholique installée tains enseignements, les Facultés Notre­ à Malines, qui réussit à contenir l'enseigne­ Dame poussent actuellement les études jus­ ment des Pères Jésuites au niveau des deux qu'à la Licence et au Doctorat dans les Sciences premières années. économiques et sociales, y compris l'informa­ Dans son étude sur les Facultés universitaires tique (Licence et Maîtrise), ainsi que dans les Notre-Dame de la Paix à Namur, le R.P. Joset Sciences et les Mathématiques. S. J. affirme cependant que cette limitation fut volontaire et correspondait au 'terme que (les Ainsi donc, la prétention du sénat acadé­ Jésuites) s'étaient fixé spontanément'. Il y eut mique de Louvain fut finalement écartée, mais pendant une dizaine d'années quelques échos l'idée d'une Université unique- d'État cette de cette querelle, et même, vers 1845, des fois - avait ses partisans, et non des moin­ rumeurs insistantes sur les intentions des Jé­ dres! Charles Rogier proposa qu'on l'établisse suites de développer une Université entière, à 'dans une ville centrale autre que Bruxelles', et Namur, qui pouvait faire pièce à l'Université sa proposition manqua de peu de trouver une de Louvain. On en resta cependant, à l'époque, majorité au Parlement. aux candidatures; le Collège Notre-Dame se On défendit d'autre part, et souvent avec doubla des Facultés Notre-Dame, soucieuses l'appui du parti même de Charles Rogier, de 'servir de transition entre le Collège et l'idée de créer deux Universités d'État, l'une à l'Université proprement dite' et qui dépasse- Gand, l'autre à Liège: point de vue qui triom­ pha finalement, et qui confirmait l'opportuni­ té du choix hollandais. On supprima toutefois FACULTÉ UNIVERSITAIRE NOTRE-DAME DE l'Université d'État de Louvain, créée en 1816, LA PAIX À NAMUR. Bâtiment des Sciences écono­ miques et sociales (Photo Faculté Universitaire). ce qui permit à la nouvelle Université catho­ lique de se réinstaller sur son site ancien. Les milieux libéraux, alertés par les préten­ tions monopolistes des évêques, s'émurent aussi de mainte déclaration de l'Église. Dans les années qui suivirent 1830, le Pape Grégoire XVI promulgua l'Encyclique Mirari vos (1832) qui orienta l'Église dans une direction oppo­ sée aux libertés défendues à l'époque, et la plaça à contre-courant des idées modernes sur les libertés de la presse, des opinions et de la conscience. De même les milieux libéraux furent heurtés par certaines déclarations des autorités académiques de Louvain : une cir­ culaire des évêques, en 1834, réclamant pour la jeunesse un enseignement subordonné aux principes de la foi, les discours du premier Recteur magnifique Mg' De Ram répudiant toute idée et toute doctrine qui ne découlait pas des positions du Saint-Siège. On s'inquiéta aussi des discussions au Parle­ ment, où se débattait la loi de Theux sur l'instruction supérieure. Les milieux libéraux se déterminèrent à oppo­ des gouvernements qui, parfois, désignèrent ser leur propre entreprise à celle du clergé. Les des maîtres malencontreux, ou soutinrent de loges maçonniques jouèrent un rôle important façon inopportune tel tenant de J'un ou J'autre dans cette affaire. bord. Sur ce problème de neutralité, qui fut il y L'avocat Théodore Verhaegen, président de la a près de cent cinquante ans, comme il l'est Loge des Amis philanthropes, à laquelle ap­ aujourd'hui encore, d'une singulière et délicate partenait aussi Auguste Baron, qui fut le importance, on relira avec intérêt les re­ premier secrétaire de l'U.L.B., proposa le 24 marques édifiantes d'Alphonse Le Roy dans juin 1834, à la fête maçonnique du solstice J'Introduction au Liber memorialis de l'Uni­ d'été, la création d'une Université libre, quinze versité de Liège. jours après le décret épiscopal d'érection de la nouvelle Université catholique, le 10 juin La réorganisation des Écoles spéciales dans le 1834. cadre de l'Université remonte, à Liège, à 1836. Bruxelles avait été le siège d'une académie Coïncidence digne d'être notée: c'est la même sous le régime français; on y avait organisé année que le Conseil provincial du Hainaut, trois Facultés, Droit - Lettres - Sciences, sur la proposition du Gouverneur J.-B. Thorn, qui furent supprimées en 1817, sous Je régime décida la création à Mons d'une École d'ingé­ hollandais, et remplacées dix ans plus tard par nieurs, qui devait fournir à l'activité indus­ les cours du Musée, dans l'ancien palais de trielle des dirigeants compétents et qui s'ou­ Charles de Lorraine, où Baron assuma l'en­ vrit en octobre 1837. seignement de la Littérature jusqu'en 1832. Louvain et Bruxelles suivirent d'assez loin: La proposition de Verhaegen rencontra un l'École spéciale du génie civil, de l'industrie et accueil enthousiaste chez les défenseurs des des mines fut créée en 1866 à Louvain, l'École 'lumières du siècle', et l'Université Libre de polytechnique de l'U.L.B. en 1873. Bruxelles fut inaugurée solennellement, dans Alors que Liège prend en Allemagne ses mo­ la salle gothique de l'Hôtel de Ville, le 20 dèles et souvent ses maîtres, J'École de Mons novembre 1834, une quinzaine après J'ouver­ s'organise à la manière de l'École centrale des ture de l'Université catholique à Malines. Les Arts et Manufactures de Paris ; elle y recrute cours se donùèrent d'abord au Musée, d'où ses premiers professeurs, Guibal et Devillez. l'U.L.B. fut expulsée huit ans plus tard par Cette École allait prendre une place impor­ l'État, devenu propriétaire du bâtiment. Un tante, grâce à ses anciens. 'Aux environs de tel combat (de tendances et... de vitesse!) 1900, écrit le Recteur Houzeau de Lehaie, le montre bien sur quel terrain se plaçait la prestige du diplôme de Mons est considérable. préoccupation des Universités libres. Liège, En 1902, sur deux cent nonante-huit ingé­ en son sein, connaissait des situations et des nieurs attachés aux différents charbonnages oppositions apparentées. du royaume, il y en a cent quatre-vingt-un de Des incidents entre libéraux et propagandistes Mons, soit soixante et un pour cent. Depuis catholiques aboutirent, en 1836, au départ trente ans déjà, de nombreux jeunes Français d'un professeur de Philosophie, le Français s'inscrivent à Mons. Certaines promotions Gibon, contre lequel lutta notamment Baron, comportent un tiers d'élèves français qui vont secrétaire de l'U.L.B., et futur professeur à remplir les cadres des bassins du Nord et du l'Université de Liège, où il reprit la chaire Pas-de-Calais en plein développement.' occupée un an par Sainte-Beuve, protégé de Un même succès- géographiquement plus Charles Rogier. vaste - couronnait les efforts des éco'les spéciales de Liège. Lors de la célébration du Liège, neutre en raison de son statut d'État, se cinquantenaire de l'Université, le bourgmestre, trouvait livrée à des tendances diverses, au gré M. d'Andrimont, salua 'la brillante pléiade -faut-ille dire - des dominantes politiques d'ingénieurs dispersée dans J'un et dans l'autre

257 hémisphère, et qui, par ses travaux, a fait connaître, apprécier, honorer notre Belgique.' Le bourgmestre, sur cette même lancée de sentiment national, poursuivit en déclarant: 'Et si notre pays figure maintenant au premier rang des nations industrielles, s'il est riche et prospère, Je mérite et l'honneur en reviennent pour une large part à J'École des Mines.'

Dès 1847 avait été constituée l'Association des Ingénieurs sortis des Ecoles de Liège ( A.l .Lg) à laquelle, six ans plus tard, venait corres­ pondre l'Association des Ingénieurs montois ( A.I.Ms): deux groupements qui ont joué, et jouent encore, un rôle important sur les plans professionnel et scientifique. L'hommage ren­ INSTITUT AGRONOMIQUE DE GEMBLOUX du à leurs membres, au moins les plus émi­ ( Photo Institut). nents, insiste sur le caractère international de leur action, sur la réputation et sur l'intérêt­ moral et pratique- qui en découlent pour le nistère de l'Agriculture, elle passa ensuite sous pays. Certes, les provinces wallonnes y trouvent l'administration de l'Enseignement supérieur. leur compte, et parfois largement, mais c'est le Il y a un certain parallélisme entre l'évolution cadre national qui reste prééminent. de cette École et celle de l'Institut d'agriculture, 1836 fut certes une année faste grâce à la créé dans le cadre de la loi sur l'enseignement réorganisation des Écoles spéciales intégrées à agricole de 1860, et qui délivrait le diplôme l'Université de Liège, et à la création à Mons d'ingénieur agricole. Installé à Gembloux, d'une École d'Ingénieurs ... Mais il serait in­ dans les bâtiments et sur les terres de l'ancienne juste de ne pas rappeler aussi que c'est la abbaye des Bénédictins, l'Institut se développa même année que l'État reconnaissait et pre­ au gré des modifications de la loi, revue en nait en charge la première École de Médecine 1890, puis en 1919 ; on substitua au titre vétérinaire fondée à Bruxelles (et bientôt logée d'ingénieur agricole celui d'ingénieur agro­ à Cureghem) par les Docteurs Graux et Froid­ nome reconnu enfin, trente ans plus tard mont. En 1835, la Municipalité liégeoise ou­ (1947), comme grade académique. Comme vrit elle aussi une École au Couvent des Cla­ Cureghem, Gembloux attesta, après des an­ risses, mais elle fut dédaignée l'année suivante nées difficiles, sa qualité scientifique, et réussit par la décision des Chambres législatives, et progressivement à s'imposer. disparut presque aussitôt... Ces deux hautes institutions répondaient, Contrarié d'abord dans son essor scientifique comme les Écoles spéciales des Universités, à par les querelles menées autour de théories des nécessités économiques liées aux besoins médicales, Cureghem s'épanouit durant l'ère d'un développement en constant progrès; leur pastorienne et au-delà ; au lendemain de la mérite est d'avoir su y répondre et de s'être Première Guerre mondiale, il prouva son hissées au niveau d'un enseignement universi­ efficacité lorsque le corps vétérinaire belge taire auquel elles s'intégrèrent par la suite. réussit à vaincre le terrible danger de la peste bovine introduite en Belgique. Notre pays reconnut alors le niveau scientifique de l'École, DÉVELOPPEMENT DES INSTITUTIONS qui obtint dès 1924le droit de décerner le titre de docteur. Rattachée jusqu'en 1948 au Mi- Au lendemain de la publication de la loi de

258 Theux sur l'instruction supeneure s'achève Landais assumèrent avec les 'Belges' Delvaux cette période qui, au travers de vicissitudes (qui fit ses études à Paris) et Vanderheyden territoriales et politiques, met en place, non (professeur à Louvain jusqu'à la fermeture de sans luttes, les institutions universitaires. Pen­ l'Université catholique), les enseignements de dant plus de cent vingt-cinq ans, elles se la première institution du Pays de Liège. partageront les étudiants wallons et ceux de Jusque-là, les étudiants suivaient les cours à Bruxelles. En raison de ses origines hollan­ Paris, comme le firent Anciaux et Comhaire, daises, sans doute, et de ses maîtres souvent deux Liégeois qui s'illustrèrent dans leur pa­ choisis dans les pays germaniques, Liège con­ trie par l'enseignement de la médecine. servera une clientèle où voisinent étudiants wallons, allemands, hollandais et luxembour­ À l'époque hollandaise, la volonté de défran­ geois. L'enseignement désormais donné en cisation se marque par l'appel à de nombreux français en découragea pourtant une bonne maîtres de pays germaniques. Les Liber me­ part. morialis de 1869 et de 1936 mentionnent un Au cours de cette synthèse historique, nous grand nombre de professeurs étrangers: les n'avons qu'une seule fois vu affleurer - et Français Louis Rouillé et Auguste Baron, les pour des raisons de défense locale - le senti­ Allemands Léopold Wamkoenig, Jean-Domi­ ment du rôle régional de l'Université. Ce qui nique Fuss, Théodore Schwann (qui enseigna apparaît comme primordial, c'est d'une part d'abord à Louvain), Antoine et Walthère le pays, d'autre part la tendance philosophique. Spring, les Hollandais Johannes Kinker et Ph. 'Les Universités libres, écrit déjà en 1869 Sc hm erling ... Bon nombre d'entre eux, remar­ Alphonse Le Roy, ont été instituées dans un quables par leur savoir et par leur pédagogie, but de propagande. Les évêques belges ont contribuèrent - paradoxalement peut-on voulu offrir à la jeunesse belge un enseigne­ dire - à faire de l'Université de Liège, au ment subordonné aux principes de la foi; lendemain de l'indépendance, un centre de l'Université de Bruxelles a été fondée au nom rayonnement intellectuel français (par la lan­ du libre examen'. Entre ces deux tendances se gue de leur enseignement), et donnèrent un vif situe la position 'neutre' des Universités éclat aux écoles de sciences et de médecine. d'État, 'toute différente et moins avantageuse' On frôla cependant le désastre, en raison du mais dont 'la ligne de conduite' est (ou devrait revirement nationaliste - heureusement pas­ être ... ) 'modération, sagesse pratique et fer­ sager - que provoqua la situation politique meté'. nouvelle créée par l'indépendance de la Bel­ gique: une décision du nouveau pouvoir priva À ces constatations de l'importance du pays et l'Université de Liège des maîtres venus de des tendances, joignons-en une autre, qui l'étranger. 'Seize reçurent leur démission, huit concerne notamment Liège- seule Univer­ furent mis en non-activité, deux furent décla­ sité en terre wallonne: la fréquente primauté rés émérites. Le corps enseignant resta com­ accordée au recrutement de professeurs étran­ posé de neuf professeurs ordinaires, de cinq gers. C'est évidemment la pauvreté intellec­ professeurs extraordinaires et de quatre tuelle et scientifique de nos provinces, entre­ lecteurs.' tenue par l'absence ou par l'insuffisance de Mais on en revint peu à peu- sans écarter les grandes écoles, qui justifie ce recrutement. On Belges, dont plusieurs ont acquis une haute et y procéda généralement après enquêtes ou sur juste réputation - à des choix qui firent leur recommandations, ce qui est la marque d'un part aux pays voisins. honorable souci. À Louvain, lors de la création de la nouvelle À l'époque impériale, on se tourna vers la Université catholique, on fit appel à un profes­ France: Piercelat, doyen de la première Fa­ seur de Heidelberg, M. Arndt, que les évêques culté des Sciences de Liège, et le professeur avaient chargé d'une enquête dans les Univer-

259 sités allemandes, en même temps qu'on s'in­ supérieures était la fluctuation incessante des formait en France et aux Pays-Bas. Et l'on réglementations,- souvent malheureuses ­ dénombra, à côté de maîtres belges comme qui modifiaient les jurys, les conditions d'ac­ Edouard Van Beneden, qui fut nommé plus cès à l'Université, les normes de fréquentation tard à Liège, des Allemands comme Moefler, des cours, la liste des enseignements à certifi­ des Hollandais comme Beelen, des Français cats... On relève, dans les textes relatifs à comme Charles de Coux, et même un Italien, l'histoire de nos Universités, plaintes et cri­ della Torre. tiques contre ces mesures mal appréciées. Les responsables d'alors, comme ceux d'aujour­ Certes, la plupart des maîtres étrangers d'hui, et avec la même inquiète bonne volonté, s'adaptent au milieu qui les reçoit; quelques­ tentaient de trouver des solutions aux pro­ uns deviennent d'authentiques Belges ... mais blèmes permanents de vérification des con­ lequel s'est senti wallon ou flamand, selon naissances et des mérites! Ils tentaient aussi, qu'il enseigne à Gand, à Louvain ou à Liège? comme certains le font encore, de trouver cet Les préoccupations scientifiques sont heureu­ équilibre que, il y a plus d'un siècle, en 'accord sement dominantes, même si elles n'excluent avec l'honorable M. Frère-Orban', on recher­ pas, peu s'en faut, les conflits internes et les chait entre 'l'idée scientifique' et 'l'idée querelles. Mais on sent, de l'un et de l'autre politique'. côté, une volonté de 'remplir les vides' et de Seules, disions-nous, les écoles d'ingénieurs former des hommes instruits, compétents: florissaient: le développement économique et souci pédagogique et scientifique soutenu, industriel de l'époque, avec ses exigences de sans grand résultat, par l'instauration, en personnel compétent, explique cette situation. 1847, de deux Écoles Normales, l'une des Le profit immédiat suivait le diplôme, obtenu Sciences, à Gand, l'autre des Humanités, à après des études dont on dénonçait parfois le Liège. Celle-ci, en 1890, céda la place, grâce caractère trop pratique. Un passage du dis­ aux efforts de MAURICE WILMOTTE à la section cours du Hollandais Nypels, professeur de de Philologie romane créée au sein de la droit à Liège, lors de la séance académique Faculté de Philosophie et Lettres de l'Univer­ marquant le cinquantième anniversaire de sité. l'Université, est fort significatif à cet égard: 'Si nos leçons ont un caractère plus pratique que La faiblesse intellectuelle, la stagnation dans celles de nos prédécesseurs, c'est que nous maint domaine, observées au début du siècle, vivons dans un siècle presque exclusivement ne se modifieront guère jusqu'en 1875. Parti­ pratique et que nous sommes entraînés dans la culièrement à Liège, cette date marque le voie où le siècle nous conduit, ( ... ) les leçons départ d'une 'véritable rénovation dont l'ori­ ( ... )mènent plus directement au but immédiat. gine peut être trouvée dans l'influence de la Mais est-ce là tout? Les Universités sont-elles science allemande.' Cette rénovation fut ren­ uniquement établies dans l'intérêt des profes­ due possible par l'entrée à l'Université d'une sions libérales ou industrielles?' 'pléiade d'hommes de grande valeur' parmi Nypels posait- en ajoutant: 'non assurément' lesquels Théodore Schwann, Edouard Van - la question fondamentale, à laquelle, du­ Beneden ('les gloires les plus authentiques de rant plus d'un siècle, on allait donner des l'Université de Liège'), Hans de Winiwarter, réponses que le temps diversifierait, que les Godefroid Kurth, Karl Gussenbauer et Ernst événements et les décisions, dès 1965, allaient Fuchs. Ces deux derniers, hélas, quittèrent rendre singulièrement complexes! bientôt Liège, rebutés par les entra ves que l'on mettait à leur activité scientifique! Sans doute, dans le cours du siècle passé, on a assisté à la réussite économique de nombreux Ce qui freinait aussi le progrès des études Wallons, sinon de la Wallonie. Ce n'est pas ici

260 le lieu de redire ce que furent des Gramme, des pour les Universités, qu'un grand élan de Thys, des Empain, et, à côté d'eux, cette armée solidarité rapprocha dans le triste sort d'ingénieurs et de techniciens qui portèrent le commun qui leur était fait. renom de notre pays dans trois continents, ni de rappeler la valeur scientifique des travaux Au lendemain de la guerre, les mêmes pro­ d'un philosophe comme l'abbé Mercier, de blèmes et les mêmes oppositions qui furent géologues comme André Dumont (Liège) et ceux de la précédente période resurgissent. Kaisin (Louvain), d'un zoologiste comme L'Université est au service de l'État ; nulle part Edouard Van Beneden (Liège) , de médecins n'apparaît de différence, même de nuance, comme Jules Bordet (Bruxelles) et Léon Fré­ dans la conception des objectifs : former une déricq (Liège). élite dirigeante, développer les connaissances Ceux-là, et d'autres encore, avaient acquis, scientifiques. vers la fin du siècle, une réputation qui rejail­ Bientôt, cependant, des préoccupations nou­ lissait sur nos écoles, à l'essor desquelles elle velles se font jour, sur le front inchangé des contribua grandement. Citant quelques chiffres positions académiques: la flamandisation des des populations estudiantines à Liège, le pro­ institutions situées en terre flamande - les fesseur Paul Harsin rappelle que l'augmenta­ besoins financiers des Universités, qui doivent tion observée entre 1892 et 1913 était due faire face à de nouvelles nécessités de dévelop­ 'uniquement à la Faculté technique dont les pement. deux premières années étaient rattachées à la Pour répondre à ces besoins, on s'efforce Faculté des Sciences. De deux cent cinquante­ d'accroître les moyens; en 1920 on constitue à sept étudiants en 1892, on arrive à mille cent Liège et à Gand un patrimoine d'une vingtaine septante-cinq dans la Faculté des Sciences. de millions de francs, que pourra gérer l'Alma L'effectif (d') étudiants (étrangers) qui, avant Mater, possédant désormais la personnalité 1890, n'avait jamais dépassé cent cinquante, civile. Cette heureuse mesure donne plus de atteint mille cinq cent cinquante-trois en souplesse aux actions scientifiques des Uni­ 1913.' versités, trop dépendantes du pouvoir central. De même, aux approches de 1900, Louvain Jusqu'aux environs de 1920, sauf quelques connaissait 'une efflorescence considérable: cours dédoublés à Louvain, l'enseignement mille sept cent cinquante-six étudiants'. En universitaire est partout donné en français. 1913, Bruxelles comptait plus de mille deux Les profonds mouvements sociaux qui com­ cents étudiants. mencent à agiter le pays, et qui prennent notamment dans le Nord l'aspect d'une reven­ dication linguistique (bien légitime!) abou­ tissent, dès 1923, aux premières mesures de TENDANCES NOUVELLES flamandisation de l'Université de Gand. Mais la visée d'expansion et de service natio­ Cet essor fut brisé par la Première Guerre nal n'en est nullement modifiée, elle s'exprime mondiale, durant laquelle les Universités in­ en deux langues, non plus en une seule. N'est terrompirent leur activité, malgré des pres­ affectée par les mouvements linguistiques, à sions diverses de l'occupant, qui tenta vaine­ cette époque, que l'histoire interne de l'Uni­ ment de faire reprendre certains enseigne­ versité de Louvain, en terre flamande, et, dans ments: refus à Liège du Conseil académique une bien moindre mesure, de l'Université de malgré promesses et menaces ; emprisonne­ Bruxelles. ment et déportation des professeurs Pirenne et Alors que, progressivement, des mesures lé­ Frédéricq de l'Université de Gand, mise à sac gales imposeront aux élèves des autres ni­ de Louvain, destructions irréparables à Liège ... veaux d'enseignement de fréquenter une école Les quatre années de cette guerre furent cruelles de leur régime linguistique, les Universités

261 conserveront le privilège d'inscrire tout étu­ for Relief in Belgium.' La mission de cette diant quelle que soit son origine et pour Fondation, dont l'action reste largement vala­ autant, bien sûr, qu'il remplisse les conditions ble aujourd'hui encore, malgré l'érosion de ses légales d'admission ... moyens financiers, est 'd'œuvrer en vue de poursuivre l'avancement de la science'. Elle Pour la Wallonie, le premier effet marquant constitue depuis soixante années un lieu de de la flamandisation de Gand sera le transfert, rencontre privilégié entre tous les milieux à Liège, de quelques professeurs. Bruxelles et académiques et scientifiques du pays, elle Louvain, où les enseignements en français et accorde des bourses et 'des subventions pour en flamand voisinent dans le cadre d'une favoriser la publication d'ouvrages et de re­ même institution, maintiennent évidemment vues scientifiques, et inscrit chaque année à leurs corps académiques. son budget un crédit en faveur d'associations Toutes les Universités, en tout cas, sont en et d'institutions scientifiques dont les travaux expansion : elles doivent faire face à des popu­ témoignent d'un intérêt particulier.' En 1932, lations estudiantines plus nombreuses, à des grâce à un apport important de la Belgian enseignements nouveaux qu'exige l'évolution American Educational Foundation, se consti­ des techniques et des sciences. C'est la justifi­ tue la Fondation Francqui dont les objectifs cation de revendications financières pres­ généreux sont parallèles à ceux de la Fonda­ santes. tion Universitaire. Sur la base de l'idée: Université au service du En 1924, un acte de donation généreux du pays, on accroît, et de manière parfois sensi­ Hasseltois Jean-Hubert Biermans et de son ble, les crédits des Universités de l'État et on épouse Berthe Lapôtre permit de construire, à admet parallèlement, dès 1922, l'octroi d'une la Cité universitaire de Paris, le superbe im­ subvention aux Universités libres. meuble de la Maison belge, où peuvent être La loi du 23 juin 1930 confirme ces disposi­ accueillis plus de deux cents étudiants et cher­ tions : elle porte la subvention à un montant cheurs. L'inauguration eut lieu le 4 novembre égal aux trois cinquièmes des crédits ordi­ 1927. naires des deux Universités de l'État et la ré­ Le 1er octobre de la même année s'élevait à partit entre Bruxelles, Louvain et l'École des Seraing, au cours d'une fête commémorative Mines et de la Métallurgie de Mons (Faculté de la firme John Cockerill, l'appel fameux du technique du Hainaut), en subordonnant Roi Albert: 'Il y a en Belgique une véritable l'octroi de la subvention à la condition que crise des institutions scientifiques et des labo­ soient soumis au gouvernement les budgets ratoires. Le public ne comprend pas assez, et les comptes des institutions bénéficiaires. chez nous, que la science pure est la condition indispensable de la science appliquée, et que le sort des nations qui négligeront la science et les savants est marqué pour la décadence.' LE DÉVELOPPEMENT SCIENTIFIQUE Cet appel, le Roi Albert le précisa lors d'une conférence qu'Il accepta de donner, deux mois La nécessité d'un haut enseignement et d 'une plus tard, au Palais des Académies, à l'invita­ efficace recherche scientifique s'impose pro­ tion des Universités de Louvain et de Bruxelles. gressivement à la nation; cet état d'esprit, Un comité de propagande fut formé, sous la nouveau à plus d'un égard, se concrétise de présidence d'Émile Francqui, et quelques diverses manières. mois plus tard, déjà, un acte notarial fixait les C'est d'abord, en 1920, la création de la statuts du Fonds national de la Recherche Fondation universitaire, qui 'doit son existence scientifique ( F.N.R.S.), que signaient, man­ au grand ami de la Belgique, M . Herbert C. datés par la Fondation universitaire, Émil~ Hoover, et à ses collègues de la Commission Francqui et Félix Cattier, respectivement

262 vice-gouverneur et directeur de la Société pos1t1ons discriminatoires, durant cinq an­ générale de Belgique. Le 2 juin 1928 était signé nées, aggravera les écarts et infléchira, parfois l'arrêté royal de fondation, reconnaissant le fortement, durant les années de la reconstruc­ F.N.R.S. comme institution d'intérêt public. tion, les positions des uns et des autres. Ce fut une relance de la recherche, particuliè­ La guerre eut, pour les Universités, des effets rement favorable aux Universités, grâce aux néfastes. L'occupant pourchassa de nombreux crédits réunis par les souscripteurs, parmi maîtres, en déporta plusieurs, imposa aux lesquels la généreuse famille Solvay, dont le étudiants un service obligatoire de travail. mécénat, dès avant 1914, avait largement Irrité par les résistances qu'il rencontrait, il favorisé le rayonnement scientifique de notre ferma en 1941l'Université Libre de Bruxelles pays. dont bon nombre d'étudiants trouvèrent re­ De notre pays : c'est en effet l'esprit national fuge dans les autres institutions. Parfois, hé­ qui anime l'entreprise 'conduite avec sagesse, las, l'ennemi fut aidé par quelques complices, force et compétence' par Jean Willems qui fut voire quelques thuriféraires, dont on se déli­ le premier secrétaire général du F.N.R.S. Il vra, sans ménagements, au lendemain de la 'personnifiait ( .. .) une bourgeoisie belge qui, victoire. dans une situation de prédominance franco­ Ces événements compromirent gravement ~ phone, d'unité nationale et de cohésion idéo­ on le conçoit ~ le développement des Univer­ logique, attachait le plus grand prix au rôle sités, mit leur action, et même leur existence en dirigeant d'une élite solidaire venue du monde péril. Mais la volonté de survivre cimenta des affaires et des fonctions du milieu ­ temporairement l'union contre l'envahisseur tiaire.' et anima une résistance admirable. Le F.N.R.S., comme la Fondation universitaire, connurent par la suite d'importantes modifi­ cations dans leur structure et dans leurs modes d'action, par suite des tendances qui se fai­ L'APRÈS-GUERRE saient progressivement jour et qui allaient mener de la prise de consciense à l'affirmation On se retrouva, à la Libération, devant l'énorme des idées nouvelles: la reconnaissance des tâche de restauration et de reconstruction. Et deux communautés linguistiques, la poussée aussi devant les affirmations d'identité qui du fédéralisme, l'existence de trois régions ... s'alimentaient aux idées nouvelles, souvent Le bel élan de la recherche, avec sa profonde reprises et discutées dans la pénombre des influence sur le développement des U niversi­ groupes de la Résistance. Décentralisation, tés, est toutefois affecté par des distorsions régionalisation, fédéralisme sortaient renfor­ dans l'harmonie du concert national. Des cés des épreuves de 40-45; quelques-uns des traces d'aigreur oblitèrent les relations entre maîtres des Universités avaient pris une part les Universités. Des changements de postes, active à l'étude clandestine &~ ces idées nou­ entre institutions qui sont de régime linguis­ velles. Un exemple parmi d'autres ,~ et sans tique différent, sont ressentis comme des me­ doute le plus éclatant: FERNAND DEHOUSSE sures vexatoires; le climat d'entente cordiale (1906-1976) professeur de droit international est malaisément maintenu par la prise de à l'Université de Liège, fut dès avant la guerre conscience de la montée des périls, vers la fin l'un des promoteurs et des défenseurs de l'idée des années trente. fédéraliste. Il y œuvra courageusement dans la La menace qui se précise, la mobilisation, la résistance, la prôna dès la paix revenue, la guerre même, qui éclate le 10 mai 1940, ne prépara par un (trop bref) passage au gouver­ mettront pas un terme à certaines oppositions. nement. Conscient de nos divergences, l'occupant, en Les Universités cependant, n'allaient pas faire adoptant à l'égard des deux communautés des place à ces idées nouvelles, avant bien des

263 L'UNIVERSITÉ DE LIÈGE AU SART-TILMAN ( Photo Aero News). années encore, dans leurs orientations et dans À de nombreuses reprises, et pratiquement leurs objectifs! Tout en conservant l'optique jusqu'à nos jours, cette loi fit l'objet d~ modifi­ d'une base nationale, elles défendirent, au cations qui tendirent à accroître, au moins à lendemain de la guerre, deux revendications consolider cette autonomie. Le résultat ma­ majeures, selon leur statut particulier: l'auto­ jeur fut le développement, souvent audacieux nomie pour les Universités de l'État, qu'une et généralement favorable, des activités acadé­ législation centralisatrice faisait dépendre, miques et des activités de recherche. Notons traditionnellement et assez étroitement, de ici, à propos de Liège, que le Recteur Du buis­ l'autorité ministérielle; pour les Universités son mena une autre lutte, pour obtenir le libres, l'accroissement des subventions, jugées transfert de l'Université - à l'étroit dans 'la insuffisantes et liées aux montants alloués aux vallée', éparpillée entre de nombreux bâti• Universités d'État. ments sur le territoire de la ville - dans le site Une action énergique, menée notamment par du Sart-Ti/man, jouxtant la cité, et dont on le recteur de l'Université de Liège, MARCEL redoutait le lotissement, partant la destruction DUBUISSON, fit aboutir la première de ces de ce que d'aucuns appelèrent 'l'indispen­ revendications. La loi du 28 avril 1953 sur sable poumon de Liège.' Après des négocia­ l'organisation de l'enseignement universitaire tions délicates, à la fois commerciales et poli­ par l'État assura une première et déjà large tiques, le transfert fut décidé, et par acte du 11 autonomie aux institutions concernées. Elle mars 1959, l'État belge acquit d'une société définissait les autorités académiques (conseil immobilière un domaine de plusieurs cen­ d'administration, recteur...) et précisait leurs taines d'hectares sur les collines du Sart-Til­ pouvoirs, très étendus: choix des professeurs, man, implanté sur les territoires des communes nomination des scientifiques et des adminis­ d'Angleur, de Tilff et d'Ougrée, et aujourd'hui tratifs, établissement du budget, gestion des rattaché au territoire de la Ville de Liège. Mais comptes. La loi instituait aussi le contrôle par les crédits, insuffisants au regard de l'impor­ un Commissaire du Gouvernement, ayant tance de l'entreprise, la freinèrent au point droit de recours auprès du Ministre, et com­ que, vingt ans plus tard, on n'arriva guère à en portait, enfin, diverses dispositions relatives réaliser plus de la moitié! aux finances de l'Université, aux traitements, Une année chargée, décidément, que 1959, aux étudiants, etc. pour les Universités ... Elle connut aussi la

264 publication de l'Arrêté royal du 16 septembre aspirations sous-régionales : certaines pro­ relatif à l'organisation de la politique scienti­ vinces revendiquaient pour leur jeunesse le fique. Cet arrêté visait à coordonner, sous la droit aux études sur leur sol même .. . Il existait houlette du Premier Ministre - et plus tard à Anvers un Institut commercial Sint­ d'un Ministre de la Politique scientifique dé­ Ignatius, à Mons un Institut commercial Wa­ pendant du Premier Ministre - les activités rocqué : la loi les éleva au rang de Faculté. À des départements ministériels intéressés. On Mons, l'Institut fut intégré à un Centre univer­ créait un Comité ministériel, une Commission sitaire de l'État qui compta en outre une interministérielle de fonctionnaires, un Con­ Faculté des Sciences et une Faculté de Péda­ seil national (assisté par le Secrétaire général gogie. des Services de la Politique et de la Program­ Le projet d'expansion fut l'objet d'un débat mation scientifiques). serré: les 'grandes' Universités, quel que fût Les Universités étaient largement concernées leur régime linguistique, luttèrent contre le par ces dispositions, aussi bien en raison de principe de créations nouvelles; il y avait déjà leur mission de recherche fondamentale que trop d'institutions, et la dispersion des crédits pour ce qui touchait même à l'augmentation allait empêcher de maintenir les activités aca­ du nombre des étudiants. D'aucuns y virent démiques et scientifiques à un niveau suffisant. une mainmise sur les compétences des mi­ Quelques affrontements communautaires se nistres de l'Éducation, d'autres protestèrent produisirent aussi, chacune des deux parties d'emblée contre un projet qui retirerait de ces estimant que l'autre était avantagée. Mais ce compétences les Universités. Dans les milieux fut surtout l'intérêt d'ensemble qui s'affirma, académiques, les avis étaient partagés, les bien au-delà des aspirations propres des ré­ inquiétudes variables ... giOns. Durant les années soixante, de nombreux En fin de compte, l'effort financier consenti groupes de travail (dont souvent l'administra­ par l'État pour soutenir son nouveau réseau tion de l'Éducation nationale était absente) académique, s'il ne put satisfaire chacun, mit étudièrent les problèmes du statut, du finance­ un terme aux querelles, sans calmer toutefois ment, des investissements, des orientations les revendications financières des institutions. d'études, des modalités d'expansion des Uni­ C'est que la croissance des populations estu­ versités. Leurs travaux, parfois utiles, furent diantines se poursuivait! On trouve d'abon­ loin d'être les seuls guides des gouvernements dantes traces de ces revendications dans les lorsqu'ils proposèrent au législateur des textes documents de l'époque: articles, discours, nouveaux concernant les matières acadé­ objets de colloques ... Mais les idées nouvelles miques. Ainsi, par exemple, de la demande - fédéralisme, communautarisation, régio­ d'accroissement des subventions, présentée nalisation - n'apparaissent parmi les pré­ par les Universités libres, qui trouva dans occupations universitaires que fort tardive­ l'augmentation de plus en plus importante des ment, et fort timidement. populations estudiantines un argument de Ainsi, un Colloque organisé en 1967 par les choix. Déjà, la loi du 23 avril 1949 avait Amis de Louvain mettait l'accent 'sur le sens de amélioré le régime 'des trois cinquièmes' de l'Université catholique dans le monde de de­ 1930 en le justifiant, comme l'exprimait l'ex­ main', insistait, parlant de Louvain, sur 'le posé des motifs, par 'la nécessité urgente devoir de s'internationaliser', sur 'le rôle( ... ) à d'adapter l'aide aux besoins réels de celle-ci.' jouer dans la diffusion et dans la vulgarisation Successivement les lois du 2 août 1960 puis du du résultat des recherches'. 9 avril 1965 fixèrent de nouvelles modalités Même, le Colloque se préoccupa 'de l'inser­ d'octroi de subventions plus importantes. La tion de l'Université dans le contexte socio­ loi de 1965 visait d'autre part à assurer une économique de la nation.' Les actes de ce expansion universitaire, pour répondre à des Colloque mentionnent cependant un exposé

265 sur 'l'Université et la Région' qui forme, avec des textes sur 'la nation' et sur 'les étudiants du Tiers-Monde' l'une des études sur 'les fonc­ tions de l'Université'. On y examine les pro­ blèmes économiques, l'importance de la re­ cherche, pour la région dont 'les besoins ont plus de chance d'être pris en considération au niveau national quand ils ont fait au préalable l'objet de travaux scientifiques.' Un premier pas ... mais dans la bonne voie ? On éclairera le sens de ces préoccupations en se remémorant le tumulte et les dissensions dont le site de l'Université de Louvain était le théâtre, et depuis bien des années déjà! Instal­ lée dans une ville flamande, donnant un en­ seignement en français ou, plutôt, surtout en français, et même 'seule Université belge à ne pas donner un enseignement exclusivement en français', il était inévitable que Louvain dût LOUVAIN-LA-NEUVE. BIBLIOTHÈQUE DES connaître des affrontements entre les nationa­ SCIENCES (Photo Dave, Ottignies) . listes flamands et ceux que l'on qualifiait de 'fransquillons'. Ces derniers défendaient des positions traditionnelles que, dès 1924, con­ lonne, lente pourtant à gagner les esprits - testèrent les Associations de Vlaamse leergan­ triompha sans conteste: c'en était fini de gen (Cours flamands) et le Katholiek l'unité de la vieille Alma Mater; le pouvoir Vlaamsch Hoogstudenten Verbond (Fédéra­ épiscopal approuva la scission, ainsi que le tion catholique des étudiants flamands). Ces transfert de la section française, qui commen­ oppositions et ces luttes connurent en 1968 ça à s'établir, à peu de distance, au-delà de la leur plus violente intensité : on publia en frontière linguistique, sur le territoire qu'elle janvier un plan qui 'prévoyait le maintien à baptisa Louvain-la-Neuve, dans le Brabant Louvain de la totalité de la section française, à wallon, région d'Ottignies et de Wavre. l'exception de la Faculté de Médecine à établir C'est le 28 mai 1970 qu'une loi accorda la à Woluwé 'et des extensions dans la région personnalité civile aux deux Universités nées d'Ottignies'. La révolte des étudiants fla­ de l'ancienne maison. La même loi consacrait mands y répondit avec fureur. Le slogan le dédoublement de Bruxelles: l'Université fameux Walen buiten (les Wallons dehors), libre de Bruxelles, dont les établissements sont proféré eh 1965 déjà par les extrémistes fla­ situés dans l'arrondissement administratif de mands, retentit de plus belle. L'épiscopat se Bruxelles-capitale et dans le canton de Nivelles, divisa, le pouvoir politique, 'mis en demeure - la Vrije Universiteit Brussel, dont les éta­ de trancher', ne put trouver de solution, ce qui blissements sont situés dans l'arrondissement entraîna la chute du gouvernement, et des judiciaire de Bruxelles. De bien subtiles et élections que la querelle de Louvain, certes, importantes distinctions! influença, mais qui se firent surtout pour ou Une loi du 24 juillet 1969 prit les dispositions contre l'unité du pays, pour ou contre l'auto­ financières qui permirent à Bruxelles de dispo­ nomie culturelle des deux communautés lin­ ser pour son dédoublement de l'ancienne plaine guistiques. des manœuvres d'Etterbeek, et à Louvain L'autonomie culturelle - revendication fla­ d'acquérir et d'aménager les terrains nou­ mande majeure, mais aussi revendication wal- veaux, formant un ensemble de huit cents

266 hectares, où allaient progressivement s'instal­ On en trouve à l'époque quelques échos. Dans ler Louvain-la-Neuve. un article de 1968 sur L'Université et l'Église de Wallonie - un titre significatif - , Jean Ladrière s'interroge sur les problèmes qui se posent à la communauté chrétienne, et il L'UNIVERSITÉ ET LA RÉGION reconnaît au passage que l'Université de Lou­ vain 'va se trouver amenée à s'intégrer de façon En définitive, la Wallonie comptait, outre une plus réelle et plus effective à la communauté promesse nivelloise, une institution de plus. francophone, et donc à la communauté Mais les épisodes lamentables de sa gestation wallonne.' montrent bien qu'aucune préoccupation intel­ L'année suivante, un article sur La Démocrati­ lectuelle ou scientifique ne présida à sa nais­ sation de l'Enseignement supérieur en Wallonie sance. Et l'on comprend l'amertume qui, pour ne porte, malgré son titre (où comme souvent certains, se dégagea de ces querelles marquées ailleurs à la même époque apparaît le mot d'une intolérance violente et surprenante. La 'nouveau' de Walionie) que sur des généralités notion de communauté n'y apparaît pas applicables tout aussi bien à la Flandre, à comme affaire académique, non plus que la Bruxelles, et ailleurs! notion de région, évoquée lors du Colloque de 1967 des Amis de Louvain; il s'agissait là de Pendant quelques années, d'ailleurs, les in­ défendre l'idée, émise par bon nombre d'uni­ quiétudes des Universités se tournent vers la versitaires francophones parmi ces 'Amis', de préparation et la discussion de lois pour elles transplanter à Namur ou à Charleroi le siège importantes: la loi du 24 mars 1971 modifiant de l'Alma Mater. l'organisation de l'enseignement universitaire

UNIVERSITÉ DE MONS. Bâtiments de la Faculté des Sciences.

267 de l'État; la loi du 28 mai 1971, portant de ment, elles étaient désormais identiques, et nouvelles mesures d'expansion universitaire; calculées sur un seul élément d'appréciation: la loi du 27 juillet 1971, relative au finance­ le nombre d'étudiants. On faisait fi de la sorte ment et au contrôle des institutions universi­ des besoins de base des Universités en matière taires. de recherche liée à l'enseignement, non tribu­ Les mesures d'expansion universitaire ac­ taire de l'importance de la population estu­ crurent considérablement le champ d'action diantine, comme aussi de la nécessité d'un de ce qu'on appelait 'les petites institutions', éventail de formation que toute institution auxquelles on octroya le droit d'organiser de complète doit proposer à son public. nouveaux enseignements. Elle éleva au rang Sans doute le législateur décidera-t-il, avec la d'Université le Centre universitaire d'État de sagesse que doit lui inspirer le plafonnement Mons, et y créa une Faculté de Médecine actuel des populations, de revoir les bases (Pharmacie et Sciences dentaires). d'une allocation de fonctionnement dont la plupart des Universités se plaignent aujour­ Répondant à une revendication de la province d'hui. de Luxembourg, la loi autorisa l'État à La loi du 24 mars 1971, modifiant l'organisa­ reconnaître une institution universitaire char­ tion de l'enseignement universitaire de l'État, gée de stimuler et de coordonner, en liaison franchit un pas décisif qui permettra aux avec les Universités, la recherche scientifique institutions de s'intégrer à leur milieu, et de ne appliquée et certains enseignements post­ plus apparaître, comme il en était, comme des gradués (3e cycle). C'est l'origine de la Fonda­ maisons 'fermées', des 'tours d'ivoire' ou des tion universitaire luxembourgeoise, dont la 'citadelles de mandarins'. L'Université, gérée vocation, dans la ligne régionale, est l'étude jusqu'alors par un aréopage de maîtres choi­ des problèmes de l'environnement. sis, doit désormais intégrer à son Conseil La croissance des effectifs estudiantins, qui se d'Administration des représentants de ses poursuivait, et que d'aucuns croyaient devoir divers Corps (académique, scientifique, étu­ être longtemps encore continue, l'insuffisance diants, agents administratifs et de maîtrise); ou la vétusté des bâtiments, le transfert au Sart­ elle doit aussi faire place à des représentants Tilman de l'Université de Liège, celui de des milieux sociaux, patronaux et politiques. Louvain à Ottignies et à Woluwé, le dédouble­ La loi créait en outre la fonction de l' Adminis­ ment de Bruxelles et les extensions nécessaires trateur, qui partage avec le Recteur les respon­ sur l'ancienne plaine de manœuvres... tout sabilités de la gestion: l'académique et le cela imposait la prise de décisions coûteuses et scientifique pour l'un, l'intendance pour l'autre. difficiles, que les ministres de l'époque, MM. Enfin, on donnait au Commissaire du Gou­ Pierre Vermeylen et Abel Dubois soumirent vernement la mission de vérifier la légalité et la aux votes du Parlement après des mois de régularité des affaires, un Délégué du Gou­ laborieuses négociations. vernement assumant la même mission auprès Les lois de financement tendaient à placer sur des institutions libres. un pied d'égalité, en respectant cependant la Vivement combattue par certains partisans du distinction fondamentale entre Universités maintien des structures antérieures, cette loi d'État et Universités libres, toutes les institu­ favorisa l'ouverture de l'Université sur l'exté­ tions concernées. Quant aux investissements, rieur, c'est-à-dire aussi sur la région. Les les dotations aux unes, les prêts garantis par premières manifestations de cette ouverture l'État aux autres (dans des conditions parti­ sont révélées par divers signes. C'est à Liège culièrement avantageuses), nécessitèrent des qu'ils traduisent le plus clairement une orien­ sommes considérables ... qui entraînèrent 'ail­ tation faisant de plus en plus la place au leurs' des récriminations et des revendica­ renouveau de la structure de l'État, particuliè­ tions. Quant aux allocations de fonctionne- rement à la régionalisation.

268 À la séance solennelle de rentrée, le 29 septem­ breuses tâches de services à la communauté.' bre 1973, le Recteur MAURICE WELSCH pro­ En octobre 1976, l'Administrateur Schlitz nonce un discours sur L'Université à l'heure prend comme sujet L'Option régionale, et le des choix. Des choix qui 'décideront de son Recteur Welsch traite de L 'Université dans avenir pour longtemps'. Une Commission l'éducation de demain, en reprenant certaines 'chargée d'étudier les problèmes de l'aide de des idées d'un Rapport au Ministre de l'Éduca• l'Université au développement économique tion nationale sur les Problèmes universitaires, de la région, a soumis un rapport au Conseil qu'il a établi en collaboration avec le Père d'Administration. Elle souhaite mettre en place Recteur Troisfontaines, des Facultés N .D . de un organe qui assure le dialogue avec tous les la Paix de Namur, et déposé le 1er décembre milieux concernés par les activités régionales. 1976. Dans le corps de l'un des chapitres, les Ainsi se pose le problème d' 'une politique auteurs abordent la question des 'Services à la générale de l'Université en matière d'enseigne­ communauté' dont le Recteur M. Welsch ment, de recherche et d'aide à la région'. avait traité déjà précédemment. Le 1er mars Le ton est neuf, le contenu aussi, en ce qu'il a 1975, le Bulletin de l'Université de Liège est cette fois un caractère académique, en ce qu'il entièrement consacré à L'Université de Liège n'est plus un moyen de défense sur le plan dans sa région. C'est un important document, communautaire et linguistique, mais bien un où sont étudiés des problèmes de développe­ choix, une vocation ment économique, d'aménagement du terri­ Reprenant une idée de collaboration interuni­ toire, d'activités de recherche. versitaire, qui n'était certes pas neuve, le Il est intéressant de signaler, que deux ans plus Recteur M. Welsch lui donne une dimension tard, le journal français Le Monde de l'Educa­ originale: 'Ne peut-on envisager que certains tion consacrera de nombreuses pages à une enseignements soient dispensés en collabora­ enquête menée dans le Nord et en Aquitaine tion par plusieurs Universités de la région?' sur Les Universités dans leurs régions. On verrait volontiers dans cette phrase la Cependant, on ne relève pas - ou très peu ­ préfiguration d'une proposition de décret, de traces du même souci de la région, dans les déposée en 1975 au Conseil culturel de la autres Universités francophones. La jeune communauté culturelle française par le député Université de Mons, en 1973, s'inquiète de son GuY MA THOT. Les développements de cette développement et prône l'Université ouverte; proposition estiment indispensable la création - Louvain-la-Neuve en 1975 fait le point sur d'un Conseil de l'Enseignement supérieur de les problèmes de son transfert, toutefois le Wallonie menant 'une politique générale, à la Recteur Mgr Massaux veut être 'attentif à une fois pour éviter le dispersement des efforts et meilleure prise des besoins de la communauté' pour adapter les enseignements aux besoins et prône une 'dimension accrue' de la 'fonc­ régionaux.' tion de service public de l'Université'. L'année On peut suivre, d'année en année, dans les suivante, Bruxelles examine les problèmes discours des rentrées académiques de Liège, la d'orientation et de sélection des étudiants. progression dans la concrétisation de l'idée Ce n'est guère qu'à partir de 1977 que le régionale. L'Administrateur HENRI SCHLITZ, concert parfait des institutions wallonnes s'or­ parlant en octobre 1974 de l'hôpital universi­ ganise autour des missions du haut enseigne­ taire, insiste sur la nécessité d'une 'organisa­ ment: les études et la recherche, assurément, tion régionale plus harmonieuse, plus efficace' mais aussi la mission régionale et la fonction qu'il estime répondre à la 'volonté commune de service public au profit de la communauté. de tous les milieux de la région.' En octobre Reprenant et développant ces notions, dès son 1975, le Recteur Maurice Welsch souligne entrée en charge le 1er octobre 1977, le Recteur qu"en liaison étroite avec sa mission d'en­ de Liège, M. E.-H. BETZ, en fait le sujet de seignement l'Université accomplit de nom- plusieurs de ses discours, s'en explique dans

269 plusieurs 'interviews'. Il proclame clairement L'Université aidera la Région, elle défendra la que 'l'Université n'est plus une maison fer­ Région. mée, qu'elle est entrée dans le dialogue et Est-il temps encore de la sauver? L'un des qu'elle collabore avec tous ceux qui, dans la membres les plus qualifiés du Conseil d' Admi­ région, ont besoin d'elle'. nistration de Liège, il y a quelques années · C'est en mai 1979 que I'U.L.B. inaugure, à déjà, regrettait que l'Université entendît servir Nivelles, son Centre régional wallon, dont le cette région au moment où des circonstances Recteur M . PAUL MICHOT précise les objec­ regrettables l'avaient progressivement 'vi­ tifs: redéfinir la place et le rôle de l'Univer­ dée' .. . sité, en complémentarité avec les autres in­ Sauver la région, sauver la Wallonie, avec stitutions francophones, en vue de mieux l'aide universitaire: le pari reste ouvert! contribuer au développement et au redéploie­ ment de notre communauté, - étendre et Fred DETRIER renforcer les activités de l'Université vers l'ensemble de fa région wallonne.

NOTE ADDITIONNELLE Population estudiantine de 1946, 1960, 1970, 1976: - le Centre universitaire de Mons, Université de Liège 2.719 4.424 8.484 9.220 institutions d 'État; Université de Louvain 3.312 6.435 13.518 15.526 - la Faculté polytechnique de Mons, (enseignement en français) et aussi - les Facultés N.D. de la Paix à Namur, Université de Bruxelles 3.195 4.731 10.393 12.818 - la Faculté universitaire catholique de Mons, (enseignement en français) institutions libres. Facultés N.D. de Namur 378 460 1.823 2.808 À Bruxelles sont établies - l'Université libre de Bruxelles, Au lendemain du vote de la loi du 9 avril 1965, la Wallonie - la Faculté universitaire Saint­ compte: Louis. - l' Université de Liège, -la Faculté d'Agronomie de Gembloux, L'enseignement se donne en français et en néerlandais dans - la Faculté de Médecine vétérinaire de Cureghem chacune de ces deux institutions. (qui décida de son rattachement à l' Université À Louvain, l'Université catholique donne l'enseignement en de Liège), français et en néerlandais.

ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

La présente étude constitue en elle-même une première Vie ouvrière, Bruxelles, 1968; M. VAUTIER, L'Université approche de l'histoire des institutions universitaires de Bruxelles sous l'occupation allemande, Éd. de dans les provinces wallonnes. Il sera fait seulement état J'U.L.B., Bruxelles, 1944: CH. DFJFAN et C. L. BINNE­ ci-dessous des principaux matériaux qui ont servi à son MANS, L'Université belge: du puri au déj1, Éd. de élaboration. I'U.L.B., Bruxelles, 1971 ; R.P. JOSET s.J. , Les Facultés Histoire des Universités belges, Collection Lebègue et universitaires N.-D. de la Paix, Namur; P. HOUZEAU de Nationale, Office de Publicité, Bruxelles, 1954; A. LE LEHATE, Cent vingt-cinq ans d 'histoire, Bulletin d'Infor­ ROY, Liber memorialis de l'Université de Liège, Éd. mation de l'Association des Ingénieurs de la Faculté Vaillant-Carmanne, Liège, 1869 ; P. HARSIN, Histoire de polytechnique de Mons, n" 9, septembre 1962: Fonda­ l'Université de Liège (1816-1952), Éd. Office de Publici­ tion universitaire, Bruxelles, 1938 ; Belgique. Enseigne­ té, Bruxelles, 1954; M. FLORKIN, Les Établissements ment supérieur - 1900-1950, Fondation universitaire, d'Enseignement supérieur à Liège de 1794 à 1935, Bruxelles; Cinquantenaire de la Fondation Biermans­ Bulletin des Amis de J'Université de Liège n" 1, 1967 ; M. Lapôtre à Paris, Collection Textes et Documents, n" FLORKIN et L. HALKIN, Chronique de l'Université de 311, Éd. du Ministère des Affaires étrangères, Liège, Éd . Vaillant-Carmanne, Liège, 1967; R. DEMOU­ Bruxelles, 1977; F.N.R.S. 1928-1978, Bruxelles, LIN, Liber memorialis. L'Université de Liège de 1936 à F.N.R.S., 1978; M. DUBUTSSON , Mémoires, Éd. Vaillant­ 1966, notices historiques et bibliographiques, Éd. de Carmanne, Liège, 1977 ; Recteurs M. WELSCH et R . l'Université de Liège, 1967 (2 vol.) ; L'Université de TROISFONTAINES, Rapport au Ministre de l'Éducation Louvain - 1425-1975, Presses universitaires de Lou­ nationale sur les problèmes universitaires, Ministère de vain (U.C.L.), 1975, Louvain-la-Neuve; L'Université l'Éducation nationale, 1976. en 1980, Actes du Colloque des Amis de Louvain, Éd.

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