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Vol. 2, numéro 1 Magazine transculturel Bimestriel Octobre/Novembre 1984

_. j Sommaire. Sommario. Summary Vice Versa Magazine d'intervention culturelle publié par les éditions Vice Versa enr. C.P. 821, Suce. N.-D.-G. Montréal, H4A 3S? Directeur: 3 Les symboles sanglants du caporal Denis Lamberto Tassinari Lortie Comité exécutif: Jean-Victor Nkolo Fulvio Caccia, Gianni Caccia, Antonio D'AI- 4 Letter from fonso, Bruno Ramirez, Lamberto Tassinari. Chinua Ac he be Collectif de rédaction: agli 5 L'esprit de sérieux Fulvio Caccia, Gianni Caccia, Antonio D'AI- Pierre Bertrand fonso, Anna Migdal-Gural, Wladimir Kry­ 6 Giovanna Marini, sinski, Jean-Victor Nkolo, Mauro Peressini, Bruno Ramirez, Lamberto Tassinari. abtbnati : Propos recueillis par Bruno Rami­ rez Ont aussi collaboré à ce numéro: 8 Claudio Lolli : what meaning behind Chinua Achebe, William Anselmi, Michaëlle songwriting? Jean, Nathalie Lecoz, Marie José Thériault. L'anno che ci aspetta sarà decisivo per la William Anselmi Graphisme: rivista. L'intéresse e la riuscita dei prossimi Gianni Caccia sei numeri dipendono in buona parte dalla 10 NataszaCzarminska: la complainte de l'exil Photocomposition: vostra fiducia. Anna Gural-Migdal Les Ateliers Chiora inc. 12 Ethnicité comme post-modernité Abbonamenti : Impression: annuo (6 numeri) 8$ • Fulvio Caccia Payette et Simms sostenitore 16$ • 14 Visions toscanes Distribution: istituzioni e estera 18$ • Marie José Thériault Diffusion Parallèle, tel: 525-2513 18 II Nuovo Barocco Publicité: Nome Antonio D'Alfonso Michel Cayla, 653-1391 Indirizzo 21 Dialogue de Métèque et d'Atropos Antonella Campa, 273-3866 Lamberto Tassinari Dépôt légal Citta 21 La liberté dans l'Apocalypse Bibliothèque nationale du Québec Codice postale Une interview Bibliothèque nationale du Canada Paese 23 Nanni Moretti et la nouvelle comédie Quatrième trimestre 1984 italienne ISSN 0821682-7 Vice Versa Anna Gural-Migdal La rédaction est responsable du choix des C.P. 821, Suce. N.D.G. textes qui paraissent dans la revue, mais les Montréal, H4A 3S2 25 France: Radios libres en laisse opinions exprimées n'engagent que leurs Nathalie Lecoz auteurs. 27 Le clair-obscur de l'imagination théâtrale Courrier de deuxième classe — Enregistre­ dans la nuit du sexe ment n° 6385 Wladimir Krysinski Envoyer les avis de changement d'adresse à : 27 La voix de Carmen Jolin Vice Versa C.P. 821, Suce. N.-D.-G. Montréal, Wladimir Krysinski H4A 3S2

apportez voire vin 266 est. rue rachel montréal (québec) H2W1E6 • tél.:843-8166 to our subscriber n s : This year promises to be a decisive one for the review. The relevance and interest of the next six issues depends also upon your trust. We hope to have you among us once more. Subscription rates : 1 year (6 issues) 8$ • support 16$ • institutions and abroad 18$ •

Name Adress City Postal code Country _ Vice Versa C.P. 821,Succ. N.D.G. , H4A 3S2 Les symboles sanglants du caporal Denis Lortie

Jean-Victor Nkolo

cassette est révélateur. Denis bouffonnerie. Tu re­ couleurs miliiairesqu'il doit «Tragédie à Québec» {La Presse, 9 mai 1984) Lortie a identifié ce que les gardes à la télévision le en principe défendre son «Père de deux enfants, Denis Lortie avait l'estime spécialistes de la communi­ dimanche, c'est ridi­ arme automatique et déchar­ cation appellent un «gate cule. Y a quelqu'un gera quelques rafales. C'est de son entourage» {La Presse, 9 mai 1984) keeper» de notre société: qui parle, y a un bouf­ seulement après l'avoir fait «Lortie s'était rendu au parlement, lundi, en tour­ André Arthur. C'est lui qui fon en arrière qui rit, qu'il va commencer son car­ née de reconnaissance» ( Le Journal de Montréal, réveille el qui berce les ci­ qui fait des commen­ nage à l'Assemblée, comme toyens de la vieille capitale. taires. On paye ça à s'il voulait souligner son 10 mai 1984) C'esi le morning man. Il coups de 100,000$, indépendance temporelle, «Canada: Un militaire déséquilibré tue trois distille au lever du soleil 50,000$ avec les impôts. comme s'il voulait neutrali­ l'information que les masses Tant qu'à mettre quel­ ser un lien qui le soumet. personnes à l'Assemblée nationale de Québec» de Québec doivent ou ne qu'un là, faut détruire L'Assemblée nationale est {Le Monde, 10 mai 1984) doivent pas recevoir. André ça... Peut-être que ceux un lieu hautement symboli­ Arthur esi important. C'est qui vont venir après, ils que. On y fait la loi, au vrai un symbole. Il est même on na is.se/- vous le ca­ détails, on s'aperçoit tout de vont faire quelque sens du terme; et voilà qu'un récemment entré dans une poral Denis Lortie? même que le chemin em­ chose de raisonnable...» militaire, censé défendre la diatribe féroce avec le pre­ Peut-être vous souve­ prunté par ce soldat el les loi et préserver l'ordre, s'y mier ministre du Québec... nez-vous de ces man­ actes posés en cours de route attaque. Denis Lortie ne veut C'est André Arthur qui rece­ Ce qui est surprenant dans chettes de journaux soni parsemés de symboles pas réaliser un «coup d'État vra le message enregistré de ces propos, c'est que l'homme qui ont tenu la une que nous connaissons tous, africain». Il ne veut pas pren­ Lortie, pour le diffuser vers de la rue les tient tous les pendant des jours mais que nous ignorons de dre le pouvoir, comme ces la masse: «the two step flow jours. Et pour cela, il n'a pas après la tragédie sur­ plus en plus, parce qu'ils généraux espagnols qui ont of information...». besoin de lire l'État Spectacle, venue à Québec. De­ sont devenus très présents; Pour Comprendre les Médias pris d'assaut le Cortès espa­ nis Lortie est un jeune capo­ ils ne traduisent plus une Que dit le caporal dans ou Les Mains Sales. L'hom­ gnol, il y a deux ans. Denis Cral de Tannée canadienne. Il distance par rapport à la son message? Citons au ha­ me de la rue ne connaît pas Lortie s'attaque exclusive­ pourrait ressembler à tous réalité quotidienne. Ils sont sard. «Je m'adresse à André Attali.il n'est pas familier de ment à un symbole. Avec un les caporaux de toutes les même devenus illisibles, peu de chance, il serait arrivé armées du monde: disciels, comme les caries de crédit. au moment où on aurait pu obéissants, décidés à servir avoir une retransmission en leur pays et à le défendre et La carte de crédit, direct... espérant bien gagner quel­ André Arthur et l'Assemblée ques galons supplémentaires. A la fin de son parcours du Mais Denis Lortie n'est pas Parti de son camp, le capo­ combattant, Denis Lortie comme tous les caporaux, ral a donc un moment laissé finira assis, fatigué, sur comme votit le confirmer les son uniforme pour des vête­ le siège du président de événements du 8 mai 1984, à ments civils. Avec une carte l'Assemblée. Au bout de ce l'Assemblée nationale du de crédit, il a loué à cheminement sinueux, le Québec. une voilure, pour aller à piédestal n'est pas négligea­ Québec. La carie de crédit: ble. Puis viendra un «ancien» Denis Lortie n'est pas... premiei symbole d'une so­ de la Deuxième... le sergent n'est plus n'importe qui. 22 ciété qu'il va critiquer sans d'arme Jalberi. Lortie avait ans, père de deux enfants, complaisance, dans un mes­ bien dit que personne ne militaire de Garp, en Onta­ sage enregistré adressé à l'a­ l'arrêtera, «...même pas la rio, Denis Lortie a été l'une nimateur de radio André police, même pas l'armée.» des personnes devant organi­ Arthur. On apprendra plus Et pourtant, Lortie a oublié ser le «repli» du premier tard qu'avant de foncer, arme que s'il parle bien le français, ministre canadien, en cas automatique au poing, sur et même l'anglais, il ne parle d'attaque nucléaire. Denis l'Assemblée nationale, Denis finalement, pour un jeune Lortie était donc bien impor­ Lortie avait fait une tournée militaire de son âge et de son tant. Il vivait près des bou­ de reconnaissance sur les grade, qu'un seul langage: lons — rouges — stratégi­ lieux, un peu comme un celui des armes el de la force! ques, près des téléphones de cinéaste fait un repérage, ou Jalbert l'a compris. crise; il avait accès aux armes un espion qui prépare l'ac­ tion d'un commando. Arthur, une personne que je McLuhan et Sartre évoque Au tour du vieux compa­ automatiques, il connaissait gnon d'arme d'utiliser les les abris nucléaires: c'était connais bien»: «retombées» en lui des souvenirs obscurs. Résumons les étapes prin­ de l'effet Palo Alto: le télé­ L'homme de la rue saisit des symboles. Après avoir expli­ un homme moderne. Son qué au jeune militaire qui il histoire du 8 mai est cepen­ cipales de son parcours: spectateur ou l'auditeur croit symboles et il en fait ce qu'il ...camp militaire —location vivre proche de la vedette veut. est, quel fut son rang, quelle dant chargée de symboles est sa position hiérarchique anc iens: la langue, les armes de voiture — reconnaissance médiatisée, croit la connaî­ des lieux — remise du mes­ tre, crée une relation privilé­ Le siège du président — bref, ses galons —. Lortie et la loi. La conjonction de de l'Assemblée cédera, sans résistance au­ ces symboles a toujours sage enregistré à une station giée... de radio populaire — garni­ Après avoir remis la cas­ cune. L'avocat de Denis Lor- abouti à une histoire ensan­ «Ce que je fais, ça re­ tiedemandera, avant toute glantée. son militairede l'armée cana­ garde moi-même. Je sette à la station CJRP, le dienne auaquée( brièvement) Caporal Lortie, armé jus­ chose, un examen psychia­ respecte ma langue. trique de son client. Dans — attaque de l'Assemblée qu'aux dents, un couteau C'est correct, je parle notre société, le sang est un nationale — assis sur le siège attaché à la cuisse, la tenue Entre son camp militaire anglais pour me dé­ symbole qui répugne, et la el l'Assemblée nationale, le du président de l'Assemblée brouiller; mais je ne des commandos, des mitrail­ leurs et des revolvers, se di­ folie explique tous les sym­ caporal a eu un parcours — négociation avec le ser­ renie point ma lan­ boles, à commencer par les «intéressant», bourré de sym­ gent d'arme Jalberi — arres­ gue...» «Mon opinion rige vers la garnison de l'ar­ mée canadienne. Il tourne plus violents et les moins boles. Passons-les en revue. tation —... personnelle, de la poli­ lisibles. D Tout en laissant de côté les Le message enregistré sur tique, c'est de la vraie vers la bâtisse qui porte les Letter from Canada

Chinua Achebe

Like Nigeria, Canada is statement might be made of himself more or less with n the eight or nine multicultural, which means Canada: that it has passed individual identity or some weeks I have been in it is many nations and cul­ from a pre-national phase form of communal identity. Canada, I have seen tures thrown together by without ever having Writers in new countries nothing about Nigeria accidents of history and become a nation. like Nigeria tend to explore on television and geography; attempting If this is so, then such a issues of social and national nothing in the news­ valiantly and sometimes it feat, like travelling too fast identity. Writers in the old papers except one short, seems almost vaingloriously by jet, must have the body stable countries such as Bri­ garbled story about the to create one nation through and the mind somewhat out tain are more likely to turn imprisonment of an ex- the practice of federalism. of phase. And it might their minds to individual governor. And then, sud­ At die time Nigeria's federal explain some aspects of identity. Canada seems to Idenly in the last few days experiment was undergoing Canadian life that puzzle me to stand in between and, everything changed. But I its severest test, Canada was the traveller. Two events in like Janus, to look both will come to that later. also experimenting major which I was involved here ways. First, let me explain how I Canada for a long time. It strains with her French- left me somewhat confused come to be writing a letter has been a major theme for speaking province of Que­ about the Canadian iden­ from Canada. In the middle its writers and thinkers such bec. So sensitive was the tity. I refer to the two aca­ The Canadian novelist of May and again at the as Northrop Frye, formely situation and so strong the demic ceremonies I have and playright Timothy beginning of June I was professor at Toronto Uni­ fear of secession that when just attended. At Mount Findley, who like me recei­ awarded honorary doctorate versity. Aware for years of Canada's youngand dashing Allison University ihe ved an honorary degree at degrees in literature by Northrop Frye's immense new Prime Minister was Convocation sang God Save the recent series of gradua­ Mount Allison University reputation I was somewhat pressed in parliament to the Queen and I assumed tions at Guelph addressed in Sackville, New Bruns­ surprised on meeting him take a humanitarian stand ignorantly that Canada had the students on the value of wick, and the University of at a literary party in on Biafra, he replied chil­ no national anthem of its personal choice and indivi­ Guelph in Ontario. In addi­ Toronto to discover a man lingly: where is Biafra} own. But two weeks later at dual identity: tion, I was invited to spend even more painfully shy That was Pierre Elliott the University of Guelph I Life is an ark [he said] some lime in Guelph by Dr and reticent than myself! Trudeau in 1968 or there- heard to my surprise a You are an ark G.D. killam. Chairman of Our conversation went about. beautiful and stirring Each of us will soon the English Department of something like this: that University. This visit be somewhere else was arranged by him under carrying with us a the sponsorship of the unique set of passengers Commonwealth Founda­ through a unique tion in London, and the experience of time Humanities and Social and space Sciences Research Council I took unicorns of Canada. You may take lions I took the devil Letter from Canada will, You may throw I fear, prompt comparisons him overboard with Alistair Cooke's And so on. That's one famous Letter from Ame­ face of Canada. The others rica. What makes Alistair which appeals more to me, Cooke's Letters unique is is reflected in a new poem his equal familiarity with Earle Birney kindly sent me Britain and America, which in the mail. In his letter he gives him the perfect cre­ uillsfhc|xx'in "a small squib dentials of mediator and ol mine on the Canadian interpreter. predicament". lis title is In my case, I know a fair Trudeau has just stepped Frye: anthem «ailed O Canada. Of Canada: Case History No 3 amount about Nigeria, but down, of his own accord, / am aware of your work course I did not know it (1984). This is how il begins: pratically nothing about after a marathon reign of Achebe: and could not join in the This is now no Canada. When a friend sixteen years as Prime / am also aware of yours. singing. But God Save the highschool land. remarked that it was rather Minister. His place in (End of conversation) Queen I certainly used to Adult and schizoid daring of me to undertake Canadian history is for Please excuse the digres­ know — and did begin to he admits to thinking this assignment I replied Canadians to decide. But he sion! What I really wanted sing at Mount Allison until sometimes he is the facetiously that I was is without doubt one of the to say was that Northrop we got to sending her victo­ Third World's Saviour. nothing if not daring! But most remarkable leaders of Frye in an essay entitled rious, at which point I pul­ But then his mood it has also been said by an our time. In the words of "Culture as interpénétra­ led myself up sharply into will swing from euphoria obviously wise person that the New York Times tion" makes a very interes­ the more appropriate role to complainings (oil is there are two moments Trudeau ting point on Canadian of passive listener. After all when a visitor may be per­ leaking from his artic roof). became a leading identity. He says: these years, I had totally mitted to speak with confi­ Depression triggers spokesman for the needs of There is an aged and now forgotten those bold words dence about a foreign coun­ commandeering God for nightmares: he is a poor nations and tried somewhat infirm joke to try — first, when he has the uses of imperialism! tightrope clown been there twenty-four to give a more independent the effect that the But with ten buttle legs hours, and again after definition to Canada United States has passed Writers everywhere are no two in step twenty-four years! Alistair internationally by urging from barbarism to intrigued by questions of Cooke belongs to the less economic dependence decadence without an identity. Who am I? Who And so on. Parts of that second category and I to the on the United States. intervening period of are we? Depending on the poem with appropriate first! The problem of indepen­ civilization. A parallel state of society in which the changes could be talking to dent identity has troubled and possibly more accurate wrilei lives he will occupy Nigeria. We sometimes think we are Africa's on this visit I must mention has thrown a new light on Africa. In Canada itself had bad and then good saviour, don't we? Our oil an old friend, the novelist the complaint I began the there is an on-going inquiry news from the same place; leaks too, though not from Margaret Laurence, with letter with — the com­ into the suspicious death of and we can therefore take a an "artic roof but from a whom I seem to have com­ plaint, you remember, thirty-six very young chil­ balanced view. huge hole in the tropical plete intellectual rapport. about lack of news. Sud­ dren in a famous Toronto When the western world mangrove floor. As for the Her first novels were set in denly, with the Umaru hospital between June 1980 which at present for good tightrope walk ours is even Africa where she lived for a Dikko affair Nigeria is all and March 1981. And the or ill controls much of what more spectacular — not our while; and her pioneering over the news. One paper suspicion is that most of we see and hear and read ten, but nineteen legs (or critical study of African even supplied detailed dia­ these children may have begins to treat the rest of twenty if you count the literature which she called grams of the crates and been deliberately murdered the world with the same Federal Capital Territory of Long Drums and Cannons their human cargo! with an overdose of a dan­ even-handedness it applies Abuja)! (a title she took, inciden­ Does the sudden upsurge gerous drug. Now, that hor­ to its own successes and fai­ I met the poet, Earle Bir- tally, from a Christopher of interest invalidate the rendous affair was fully lings, the world would have ney, at a public reading in Okigbo poem ) was an affec- complaint? I think not. reported in the mass media. moved into a new and Toronto. He is an incredi­ tionate valedictory to a You see, Africa has never But not to the exclusion of constructive phase of inter­ bly youthful poet of eighty; continent she loved without failed to spring to the front other kinds of news. As a national understanding. • yes, eight-0! who has travel­ guilt or patronage. pages and televisions screens matter of fact, only last led the whole world (inclu­ From the time I began of the western world as week, news came from the same hospital for sick chil­ Interview by Aldo Marchini ding Nigeria) on the pass­ drafting this letter to its soon as the slightest oppor­ Broadcasted for the port of poetry, making final version I am now spea­ tunity occurs to report dren of an important break­ through in the fight against first time on July, friends with peoples and king from, a whole week something going terribly the 13th 1984. writers of all lands. Tal­ has passed. In that week a wrong. But things do go a terrible disease called mus­ cular dystrophy. So we have (Radio Canada king of writers I have met dramatic event in London wrong in places other than International). L'esprit de sérieux

Pierre Bertrand

e qui semble prévaloir soit nihiliste, on peut encore ainsi dire, est l'esprit de sont demeurées et sont tou­ ment elles peuvent rester les actuellement, c'est un le constater aujourd'hui. Les lourdeur. On se prend au jours aussi florissantes. On mêmes. On a pu penser par lourd esprit de sé­ valeurs du christianisme s'ap- sérieux, on prend tout au veut juger la vie, pour si exemple que quelque chose rieux. Cet esprit a en­ puient sur le point de vue sérieux, on emploie de possible la rendre conforme d'essentiel s'était passé avec vahi toutes les sphè­ d'une vie faible, décriée, dé­ grands mots, de grandes for­ à ses petites idées sur la vie. la proclamation de la mort res, le pouvoir politi­ nigrée, niée. Même l'amour mules, on se croit investi de Heureusement que la vie ne de Dieu. Mais on avait conser­ que, le pouvoir reli­ chrétien pour la vie n 'est que telle ou telle mission. Un se plie pas à une telle opéra­ vé la place, et c'est l'homme gieux, le pouvoir in­ l'amour d'une vie niée et goût effrayant pour les res­ tion. Elle reste libre, en dépit lui-même qui allait occuper tellectuel, etc. Cet es­ affaiblie. Derrière cet amour, ponsabilités, pour assumer de tous les efforts pour l'en- cette place, reprenant à son prit de sérieux s'inscrit tout à perce de façon toujours aussi des responsabilités. On se carcaner. compte les responsabilités de Cfait à l'intérieur de la longue évidente une haine incom­ sent responsable de ceci et de Jusqu'où sera poussé ce Dieu. La faute ou la culpabi­ histoire du nihilisme telle mensurable pour une forme cela. Il existe une forte ten­ goût pour les responsabili­ lité, le rachat, la souffrance que racontée par Nietzsche. de vie forte, affirmée, préci­ dance au moralisme et à la tés. le sérieux, la lourdeur? comme expiation, la loi... Il faut penser qu'en son es­ sément non-chrétienne. En moralisation, même si, mo­ Cela peut aller encore très autant de notions qui mani­ sence, la vie est gratuité, somme, l'amour chrétien dernité oblige, on préfère le loin, car les causes ne man­ festent que rien n'a profon­ légèreté, jeu, humour. Telle n'est qu'un moyen particu­ terme plus «noble» d'éthi­ queront pas à propos des­ dément changé. Toujours le est l'essence de la vie, essence lièrement habile de propager que. Mais c'est la même réa­ quel les monter sur ses grands même goût pour assumer les que nous pouvons encore le nihilisme. En ce sens, il est lité qui se cache, la même qui chevaux, et proférer des faits, porter le poids de la appréhender chez les enfants pire que la haine qui elle, au faisait les beaux jours de la leçons de morale à gauche et réalité, la même conception et les animaux. Il n'y a pas moins, montre clairement morale chrétienne, puis de­ à droite. L'ensemble de la de la réalité comme lourde à d'explication à cette essence, son jeu. L'amour chrétien est venue athée: juger, condam­ prose journalistique est déjà porter. On assume, on inté­ pas plus qu'il n'y a d'expli­ la grande tentation à la­ ner, du point de vue de la tombé dans ce moralisme riorise, on accepte, et on cation à l'existence du monde. quelle presque personne n'a lourdeur, de l'esprit de sé­ facile et bon marché. Même assiste non plus à des pané­ Tout ce qu'on peut dire ul- su résister. En somme, le rieux. Si la puissance du la pensée plus sophistiquée gyriques de Dieu et de la timement, c'est que cela est, nihilisme est un processus christianisme a beaucoup semble vouloir, elle aussi, faute, mais de l'État et de la existe, on peut le constater. complexe et fascinant. diminué aujourd'hui, les tomber dans le piège. loi, ce qui n'est qu'une ver­ De même pour l'essence de la habitudes et les manies de la sion civile et moderne du vie. Ce qui caractérise ce pro­ conscience chrétienne, elles, Les choses changent appa­ même vieil esprit de résigna­ cessus, comme son style pour remment, mais profondé­ tion. Dieu est peut-être mort, Cependant, aux yeux de mais l'homme moderne n'a Nietzsche, une espèce malade cessé de porter sa carcasse déformait cette essence, à sous forme de l'État, de la loi, savoir l'espèce humaine. de l'homme lui-même. Tou­ Cette espèce perdait peu à jours la résignation, l'accep­ peu la joie de vivre pour tation, l'assomption, la jus­ s'enfoncer toujours davan­ tification, au lieu de la des­ tage dans la misère, la tris­ truction et de la création. tesse, le goût du néant. Le christianisme constitue, aux Le point de vue de la lour­ yeux de Nietzsche, une cris­ deur est un point de vue tallisation particulièrement macroscopique, le point de éloquente de cette tendance: vue de la masse, le point de privilégier la vie après la vue des grands ensembles. Il mort, l'âme. Dieu, c'est-à- faut croire en effet que la dire, pour Nietzsche, le liberté, la libération, est une néant. Et à l'inverse, combat­ question de perception (pas tre le corps, la sexualité, la uniquement de perception vie terrestre, c'est-à-dire la sans doute). Il y a une façon réalité. Que le christianisme de voir, de percevoir qui conduit immanquablement précisément ce niveau non- à toutes les soumissions, tou­ L'esprit de lourdeur • légèreté, jeu, humour dit, silencieux, profond, lais­ tes les résignations, toutes les sé pour compte par les autres justifications. On perçoit christianisme et nihilisme • Nietzsche instances. Ce niveau silen- d'en haul, de loin, on ne voit cieux est potentiellement pas d'assez près ce qui se macroscopique • microscopique dangereux, c'est en l'ait véri­ passe. On perçoit du point de tablement de la dynamite, vue d'une caméra de télévi­ cliché • art c'est tout ce qu'on refoule sion haut perchée, et non pas sous peine d'exploser. C'est du point de vue d'un indi­ le scandaleux, le choquant, vidu au sein de la foule. Mais Mais on dirait que seul le seul l'art puisse rendre exclusivement à ce niveau ce qui vient battre en brèche cet individu perçoit ce que la cliché est perçu et commu­ compte de ce niveau plus fin, superficiel, conventionnel, les clichés loqueteux qui font caméra ne peut pas montrer. niqué. C'est ce qui se produit que seul l'art puisse parvenir conformiste de réalité qu'il la pluie et le beau temps dans Il y a un point de vue stéréo­ avec la plupart des actes à le déterrer. L'art en effet va reste pris dans l'esprit de une société donnée. Il faut typé et un point de vue qui politiques d'un peuple, du au-delà des clichés pour dire lourdeur et le sens des res­ tout un travail de création traverse les stéréotypes. Il y a genre sondages ou élections. quelque chose qui n'avait ponsabilités. Ce niveau con­ pour amener à la surface ce aussi plusieurs façons de res­ Ce qui se dégage est un pro­ jamais été dit. L'art s'adresse ventionnel est le lieu de dé­ véritable chaos. ter à l'intérieur du stéréotype, pos conventionnel, une ré­ à la personne intime, et en ploiement et de développe­ Il faut croire en effet que le du cliché tout en ayant l'im­ ponse forcément banale fait à autre chose qu'à la ment du nihilisme. La vie langage lui-même, dans ses pression d'en être sorti. Ce quand elle doit répondre à personne. L'art fait jouer des n'y a pas de sens et ce n'est structures et ses détermina­ qui s'est passé, c'est qu'un une question du type «pour singularités impersonnelles pas surprise si, à ce niveau, tions, a partie liée avec les stéréotype a été remplacé par qui votez-vous?». À partir etinfra-individuelles, aussi elle se trouve entraînée par pouvoirs en place. «Pou­ un autre. Ainsi le stéréotype d'une telle question, on ne bien dans ce qu'il met en des forces de mort. Toujours voirs en place» désigne ici de l'indépendance remplacé peut pas s'attendre à une œuvre que dans ce à quoi il ce fameux goût du néant tout le processus, fonction­ par celui du fédéralisme, le réponse très subtile et origi­ s'adresse. L'art va à l'essen­ dont parlait Nietzsche. En ce nement social, et pas seule­ stéréotype du socialisme rem­ nale. On n'a que les réponses tiel, il fonctionne à même le sens, seul l'art, y compris ment telle ou telle instance placé par celui du libéra­ qu'on mérite en fonction des mouvement, le grouillement l'art de vivre, peut conférer à d'exercice d'un pouvoir spé­ lisme, le stéréotype du questions qu'on pose. C'est de la matière et de l'esprit la vie sens et vigueur. L'art cifique. C'est pourquoi l'art racisme remplacé par celui celui qui pose la question dans leurs composantes élé­ qui va au-delà des appa­ doit construire, créer son du cosmopolitisme. Le sté­ qui a le pouvoir et non celui mentaires, lesplus fineset rences toujours nihilistes, propre langage en même réotype sexiste remplacé par qui y répond. Celui qui ré­ subtiles, les plus essentielles qui fait appel à des forces temps qu'il déterre le non- le stéréotype féministe. Invo­ pond est plutôt l'esclave de la aussi en ce qu'elles recèlent cachées qui n'ont jamais dit. Cette puissance de non- quer l'âme d'un peuple, ou question posée. C'est ce qui le sens de la vie et la joie de cessé de s'agiter dans les dit est virtuellement révolu­ d'un sexe, pour le faire parler se produit également dans vivre. L'art va voir derrière le coulisses, qui montre la vie tionnaire. Elle constitue une dans un sens ou dans l'autre, l'ensemble des discours poli­ masque, derrière le cliché pour ainsi dire à l'état pur, contestation vécue des topos relève de la même structure, tiques. Toujours la référence pour révéler ce qui s'y ca­ impeccable, débarrassée de à la mode, des réalités éta­ peu importe le contenu spé­ réalités de masses, aux chait. L'art est indissociable- tout ce qui la fait ployer. blies. Elle est la révolte de la cifique de ce qu'on fait dire à «glands»chiffres, aux grands ment acte de destruction du vie contre les réalités qui cette âme. On en reste au problèmes de l'heure camou­ cliché et de création de cette Ce qui est communiqué à l'écrasent. Elle constitue une niveau d'un grand ensemble, fle une réalité plus fine, plus réalité profonde qu'on ne travers le tissu social, les autre vision, un autre vécu d'une «grosse» réalité, réa­ subtile, plus essentielle, qui peut amener à la lumière que médias, les discours politi­ du monde. Elle indique de lité macroscopique ou de pour (elle raison, est com­ par un acte de création. La ques, religieux, les discours nouvelles manières de pen­ masse, on n'a pas su aller plètement délaissée, comme politique, quant à elle, en des divers spécialistes, le ser, d'autres manières de assez loin, assez profond, si elle n'existait pas. reste exclusivement à la sur­ syslème d'éducation. etc, tes­ vivre. Henry Miller disait assez fin, assez subtil, on n'a face, aux apparences maté­ te justement trop facilement bien que si un homme, quel pas su atteindre un niveau Le niveau macroscopique, rielles. Son lieu est le même communicable, reste confor­ qu'il soit, était capable de microscopique, microphy­ apparent, statistique de la que la religion, c'est en géné­ miste, conventionnel, de la dire, d'exprimer tout ce qu'il sique, pour faire parler autre réalité existe bien, mais là où ral le lieu où les institutions nature du cliché, du stéréo­ ressent profondément, cela chose qu'un cliché. il y a problème, c'est lorsque opèrent. Mais si nous avons type. À côté de ce niveau serait d'une telle force, que la ce niveau prend toute la besoin d'institutions, ce ne qui prend le devant de la terre elle-même en serait scène existe un autre niveau, Le cliché n'est qu'une ap­ place, comme c'est le cas sont pas elles qui nous font bousculée, bouleversée. Tel­ vivre, qui confèrent à notre celui-là proprement silen­ parence, un effet statistique, actuellement, au point d'oc­ lement la capacité révolu­ vie force et sens. C'est parce cieux, laissé la plupart du derrière lequel grouillent des culter complètement un ni­ tionnaire du non-dit est veau plus profond, plus fin, que l'être humain se situe temps pour compte, sauf grande. • «particules élémentaires» dans l'art. L'objet de l'art est autrement plus essentielles. plus subtil. Il semble que Giovanna Marini, CANTASTORIE

Propos recueillis par Bruno Ramirez

Vice Versa: Dans quelle y a une tradition musicale du Sud? grand incendie, un père qui que j'ai vu faire ça, et de tradition musicale italienne classique, de madrigale, néo­ sauve son bébé, une femme façon magistraled'ailleurs, vous placez-vous? romantique — du moins G.M. : Non. Au Nord il y a qui a tué son mari qui l'avait c'est Dario Fo. C'est un dans mon cas —, parce qu'il aussi des conteurs d'histoi­ trahie. Au Sud, par contre, grand acteur qui fait de la Giovanna Marini: Chez ne faut pas oublier que le res, mais ceux qui survivent les histoires ont un fond mimique et raconte. Souvent nous il y a une très forte madrigalisme en Italie a fait sont très âgés, souvent ils ont politique, contre la mafia, on nous associe, surtout parce tradition de 'conteurs d'his­ beaucoup de chemin. Donc plus de quatre-vingts ans, et par exemple, ou dans la ma­ que nous avons travaillé toire' — surtout dans le Sud je me situe à l'intérieur de ces ils ne pratiquent plus leur fia, selon le cas. ensemble. En 1965 nous — qui s'est un peu éteinte deux traditions: l'une orale, profession. Mais autrefois il V.V. Cette tradition de avons monté un spectacle de depuis qu'il y a les mass issue de la culture de la cam­ y en avait beaucoup. Ce qui chant populaire existe-t-elle chants traditionnels et mo­ media ; mais el le a encore une pagne; et l'autre écrite, sa­ les différencie des conteurs encore au niveau du specta­ dernes que nous avions com­ fonction politique parce que vante. du Sud, c'est que dans leurs cle? posés. Dario nous a fait la ce que les mass media ne histoires ils parlent d'événe­ mise en scène: il s'agit de «Ci disent pas, le conteur d'his­ V. V. : Cette tradition orale ments de la vie ordinaire, G.Af.: La tradition du ra­ ragiono e canto» qui d'après toire le dit. De l'autre côté, il moi est une de ses plus belles 6 est-elle typique seulement comme, par exemple, un conter n'existe plus. Le seul mises en scène; nous étions dit: «celte contestation qui tation — du moins, pas pour 18 chanteurs et chanteuses, part de la ville et qui est bour­ le moment —. Mais cela se une moitiéu"origine* itadine geoise va tuer toutes les au­ fera surtout par une musique et une autre d'origine rurale tres mémoires, donc il faut qui n'est pas simplement — y compris des bergers chercher et conserver, sur­ académique, conçue dans le sardes —, et peut-être c'était tout à ce moment-ci». Mais ghetto académique. Ça sera la première foisqueDario après cette phase, je ne savais une musique vivante, où le rencontrait la chanson tradi­ plus quoi faire. Je savais que jazz et la musique savante tionnelle. Mais il n'y a pas eu j'avais recueilli une énorme vont ensemble, où il y aura de suite parce que Dario fait quantité de matériel qui ne de l'improvisation, mais du théâtre et moi je fais de la servait plus parce que la vie dans un style et une appro­ musique; donc après ce spec­ rurale qui avait fait naître ces che qui nous appartiennent tacle-là je n'ai plus fait de la chants était disparue. En mê­ —, car nous ne voulons pas musique pour Dario mais on me temps, je voulais conti­ importer des modèles améri­ est resté très bons amis. Je nuer le travail et je me ren­ cains. dais compte que le chant de pense que souvent on nous V. V. : Est-ce que la chan­ contestation ne m'était plus associe parce que, dans le son populaire a une place utile. Je lé voyais de plus en contexte italien, nous avons importante dans le dévelop­ plus comme une banalité sur ce côté marginal — une mar­ pement d'une culture politi­ le plan musical et sur celui ginalité que nous avons choi­ que en Italie? sie. des textes. C'est à ce moment- là que, tout d'un coup, j'ai découvert l'engagement mu­ G.M. : Maintenant que je V. V: Est-ce que vous com­ sical; je voyais qu'en 1974 les suis au Québec, pour la pre­ pose/ vous-même les textesel jeunes au lieu de se passion­ mière fois depuis 20 ans, j'ai la musique de votre réper­ ner pour un chant de contes- l'impression de ne pas être toire? tation, se passionnaient dans un pays en guerre. pour un solo de Charlie Par­ Quand je suis en Italie ou en G.M.: Oui, je compose ker; et j'ai compris alors que Europe, c'est la guerre; il y a beaucoup de textes et beau­ ceci était plus révolution­ le terrorisme, il y a les trem­ coup de musique; j étudie le naire et plus intéressant, et je blements de terre, les grèves, chant populaire tradi­ me suis mise à étudier le jazz. et tout ça ensemble donne tionnel, je prends les extraits C'est comme ça que j'ai ren­ l'impression de vivre dans les plus significatifs et à côté contestation. J'ai dit que ces opprimés, des pauvres; donc contré les amis de l'École du un état de guerre. À mon de ça je compose mes propres deux traditions ne sont pas lechantdecontestation se Testaccio qui m'ont dit avis, les italiens sont très musiques, que ce soit des liées; je m'explique mieux: réfère à cette culture ou à «viens chez nous pour étu­ fatigués de ce genre de vie. madrigaux, des pièces pour formellement, le chant de la cette réalité sociale pour dier (parce que je n'en savais D'ailleurs c'est une des rai­ orchestre — et aussi j'écris les campagne se sert d'une es- dénoncer l'injustice. rien), et pour enseigner l'es­ sons pour laquelle le chant mots, les livrets. ùhétiquecomplètement oppo­ thétique du chant populai­ politique n'a plus de prise en Italie: les gens veulent se V. V. : Vous avez parlé de la sée à celle du chant de la vi 1 le .V.V: Vous avez été asso­ re». Cette collaboration m'a et de la tradition savante; sauvée d'une mort certaine, reposer. Mais peut-être qu'il tradition orale et de celle du ciée à l'École Populaire de y aura une plus grande prise madrigale. Mais en Italie il alors que la chanson de con­ Musique du Testaccio. Quel parce que je ne savais plus testation est une chanson quoi faire, et ça m'a permis de conscience politique; c'est- y a une tradition de chanson a été l'impact de cette école à-dire, un désir de justice. de contestation. Comment légère, je dirais qu'elle n'a sur votre développement? de reprendre mon travail de composition et d'écriture. Je ne sais pas dans quelle voyez-vous cette tradition? rien d'intéressant, musica­ Maintenant, par exemple, mesure ça se manifestera à lement. On peut même dire G.M.: Énorme... énorme. que c'est un chant de «rétro- dans mon groupe on étudie travers la chanson et la mu­ G.M.: Oui, en effet cette En 1968, en Italie, il y a eu garde». Par contre, pour le chant, l'usage des voix, etc. sique — moi je pense que tradition a été très forte en une grande vague de chan­ nous le chant de la campa­ Avant on ne faisait pas ça; on oui, parce que chez nous la Italie. Mais il faut faire une sons de contestation. À ce gne est un chant d'avant- chantait par passion, mais musique est un art où il y a distinction entre la chanson moment-là, je découvrais garde parce que il y a toutes on n'étudiait pas. Mainte­ énormément de divisions et populaire et la chanson de vraiment la campagne, la tra­ ces tonalités, polyphonies, nant il y a la passion mais de conflits. La musique sa­ contestation. Sur le plan dition orale; avant je savais couleurs vocales qu'on ne aussi l'étude. vante appartient aux privi­ historique et musical ces que ça existait, mais je ne connaît pas. Peut-être, le légiés, et on la retrouve seu­ deux traditions ne sont pas cherchais pas assez. Mais seul lien qui existe entre ces lement dans certains lieux; très liées entre elles; mais quand j'ai constaté que la deux traditions, c'est que le V.V.: D'après vous, est-ce donc, pouvoir l'inventer, la l'intérêt pour les deux trans­ chanson de contestation deve- contexte d'où est parti le qu'il y a un avenir pour ce pratiquer, et la vivre en de­ paraît en même temps, parce nait une affaire générale, je chant de la campagne est un genre d'engagement en Ita­ hors de ces lieux, c'est déjà que c'est nous, le groupe des me suis fatiguée un peu de ça contexte qui a aussi fait sur­ lie? une forme importante d'en­ Editions AVANTI, qui et j'ai cherché davantage le gir le chant de contestation, gagement. Et dans ça, je vois avons proposé et le chant de chant historique de la cam­ c'est-à-dire, la culture des G.M. : Je crois que oui; ça beaucoup de possibilités. D la campagne et le chant de pagne, parce que je me suis ne sera pas le chant de contes­ Les *Demoisettes

SC> Un roman de idiscff^ Marie José Thériault

Un roman fascinant, sensuel, qui est une • " initiation à la mer aussi bien qu'une célébration de l'amour et de ses pouvoirs.

246 pages, 12,95$ Boréal Express look for new paths: anything according to already estab­ from disco to religious sects. lished precepts (in this case Claudio Lolli has re­ the general anxiety contin­ mained faithful to its origins: uously blooming in our wes­ Claudio Lolli : from a musical concern that tern world), is a non-life, a varies from folk to free-jazz mocking play of the poten­ to dame-music, the primary tials of man. what meaning behind impôt tance of language is Love cannot compensate but an understatement in the for this minimalization of description of marginal lives, man because this struc lure song writing? urban settlements, anguish, operates within relation­ strange love relations, mo­ ships, as well as larger sys­ dern myths (Villeneuve for tems. therefore excluding the one). possibility of inter-action: In Lolli. the poet is more Quello che mi resta dei visible than the music tan, tuoi giorni perhaps because of a strange é il nulla del tuo faith in the powei of the scarno addio word as the action that takes senza senza baci place between mouth, paper. come se fosse normale and ear. This then becomes (What I'm left with of the illustration of a segment your days of Italian culture between is the nothingness of your the late sixties and the early bare good-bye eighties. without words without kisses as if this was normal) Seven records cover the span that marked one more- period of transition in a lite song «What I'm left country which is at the peri­ with» finally ends on a note phery of the music-business of resolution: the sense ol empire. During this time being dead, and in so doing whole generations: and the» it gives the solution to the rclore different visions ol the othet love- songs in the al­ world, looked at one another bum: «Quanto Amore» as mirrors reflecting nothing, (How much love), and «Mi­ not even images — the frac- chel». Although «Quanto tuic among various groups Amore». is a reprisal of (raging from the 'travoliini' «What I'm left with», Mi­ or the fans of J. Travolta, to chel differs insofar as it des­ •post-sessanioitini'. the ones cribes the relationship bet­ who came to consciousness ween two children of diffe­ after may 68. to the Iriechet- rent national backgrounds: loni* or ac id-heads)being Ti ricordi Michel di come ti irréconciliable. Yet l.olli's prendevo in giro, per Verre songs have the ability, the most id < he ti era rimasta, imagination, to give each solo ricordo delta Fram in. group a common ground, delta tua prima casa e dei and in so doing divesting the tuoi amid di lassù. Ti ricor­ net essary masks while achiev­ di Michel come era esclusiva ing :i limited but functional la tenerezza che ci univa, t communication. che accompagnO la nostra infanzia fino ai giorni della « Aspettando Godot» ( Wait­ niuma real là. ing for Godot) which is the first record of the limes, is a (Do you remember Michel collec lion of songs that were how I used to make fun of written in high school, you. for that guttural V left around 1965, but which were to you, as the only memory finally recorded in 1972. All of France, of your first house, From a musical concern that varies from of the various ihemaiics of and of your friends there. Do the song-writer are already you remember how excluswe folk to free-jazz to dance-music, the pri­ present, though in a more was the tenderness that did sentimentalized form, in the unite us and which brought characterizations of social our childhood into the days mary importance of language is but an exiles, living at the margin of a new reality.) understatement in the description of mar­ of the bourgeois sexiety. In Only tenderness could have the song that gives the name kept them friends, but the to the album, the lyrics state: new day, the passage into a ginal lives, urban settlements, anguish, Non ho mai agito definite role in society has aspettando Godot made it so that they are left strange love relations, modern myths. per tutti i miei giorni with only the memories of a aspettando Godot friendship. This vision that William Anselmi e ho incominciato sees society as the point that urs is a world (hat has cial 'English for Rockers', cially and politically moti­ a vivere forte marks the departure from been constantly recycl­ the chance that his works vated. This engaging awa- proprio andando inconlro dream-land, from truer rela­ ing itself for the last may have any credit depends rertess was, during the Seven­ alla morte. tionships, from the imagina­ few decades, not be­ on the lucky find of some ties, a capital commandment (1 have never acted waiting tion, is a recurring idea in cause of new ecologi­ future anthropologist doing for a large stratus of italian for Godot Lolli. The song «Vent'anni» cal awareness but. ra­ one more field-study. society, ironically becoming all of my days spent waiting (Twenty years), from his ther, for lack of an So why introduce Claudio a marketable item. As a mat­ for Godot second album affirms once historical perspective. Lolli to North America? Not, ter of fact, the four or five and I started living truly again this notion: Here, the buzzings' of course, as an exercise in people that made-up the only by facing death Vent'anni e non sapere fare of a song-writer are, at best, discovery; perhaps it is be­ original group, had deve­ dead-on) niente né per i tuoi né pergli classified as one more in that O cause we want to be more loped by the late seventies It is a presentation of a altrui bisogni vent'anni e cacophony of 'same-ness' intoa mini-society: one, a historians than anthropolo­ man who lives his life only as credi di essere impotente. that is business at work in hundred, a thousand song­ gists. Lolli is the last surviv­ the means, or possibility, to ( With twenty years and una­ the music field. And if an ing member of thai strange writers. Then came'riflusso' artist should happen to use a ( back in to the private sphere), meet 'Godot', the forever ble to do anything not for musical species made up of elusive sign. Finally the rea­ you nor for others' needs language other than the offi­ song-writers who were so­ and most people started to lization is that life, lived with twenty years, and you believe you are impotent.) zingari felici» ( I also have again the song named after seen happy gypsies), in order the main agent. Lolli, The acquisition of twenty to arrive at «Disoccupale le although playing closer at­ years, as a symbol of having strade dai sogni», a title tention to its musical side, become as full a role as pos- which is both a play of words, evolving from the previous AUTEURS ET siblc. brings with il only an and a political statement; it free-jazz and folk aspects, unwanted despair, as we can calls for people to unem- works wilh words as a me­ ORGANISATEURS LE see in the opening and clo­ ploy' ihe streets of dreams, dium, and we see it reflected sing songs of the first side: that is to say thai each «one in the song: «La canzone del «Viaggio» (Journey) and should make sure thai his Princ ipe Rospo» (The song SEPTIÈME COLLOQUE «Viaggio di Rilorno» (The dreams end up in defeat», of Prince Bull-frog): journey back), where life is this being the wish of ihe BIENNAL DE LA SCEE/ described as: new soc ial order. Si potrebbe parlare delle parole e della loro strana CESA MONTRÉAL, LES Cose che passano, vestiti The album comes al ihe mania di mettersi insieme stretti, amori che hanno dis- peak of ihe student unresi of basta una penna o una bocca 16 AU 19 OCTOBRE, 1985 jatto i letti che hanno raccol- ihe lale seventies (up loAldo disposta all'amore eniente to i semi e la slerililà di una Moro's assassination), più le traltiene... LE THÈME: voglia di vivere che é già known as ' II Movimenio'. Al ( We could talk about words nostalgia: si entra in un'al- il).11 particular point of crisis their strange habit of putting tra galleria. in Italy, when ihe Commu­ themselves together all it And: nist Parly seemed about to takes is a pen or a mouth LES IMMIGRANTS lake a share of the power available to love and nothing E invece dopo ogni esperien- su m lines by joining ihe can hold them back anymore) ET LES GROUPES ETHNIQUES za, ogni fuoco ogni avvcntu- Christian Democrats in ihe ra c'é la triste par tenia rilor­ 'historical compromise', the Language seems lo exisl EN MILIEU URBAIN no che fa paara. movement of students and independently of humans, (Things that pass away, tight reformist, as well as the fringe but also reality seems to be clothes, loves that have un­ pro-revolutionary groups, made up only of ever relum­ Toutes les auteurs désirants présenter un texte saw this as being ihe first done the beds, that have ing situations. How to es­ devraient m'en faire parvenir le titre et le picked-up seeds and sterility step toward a society void of cape this process, once ihe opposition. A comparison er of a want to live which alrea­ possibiliy of a revolution is résumé pour le 1 Décembre 1984. was made with the Germany dy is nostalgia: one enters in over? Lolli tells us thai we ol that period, where ihe should make ours ihe lives of Toutes les personnes intéressées à organiser un another tunnel.) reigning soc ial democ rats (And instead, after every nomads, of people who keep atelier ou une séance devraient me faire had installed a regime per- discardingsocial maskson experience after every fire fe< ily balanced, that is, a parvenir une description du sujet proposé et la every adventure there is the the way lo the loss of a static governing structure void of identity :... Living in the end liste des participants. sad departure a return that any possibility of change. one ends-up fearing.) is noi necessary but it cer­ Je vous remercie de votre collaboration et j'es­ Claudio I .ol 1 i wilh this al­ tainly isn't sufficient... One bum. became known as the must be able lo lose one's self père avoir de vos nouvelles sous peu. Bui who is lo be accused song-writer of the 'Move­ for this end-result? If the in order to become invisible ment", a title that he has in the eyes of the governing Pierre Anctil fault lies partially with the always denied himself. Bui 'speaker', there are also forces structures. It is a return to ihe Comité du Colloque SCEE/CESA half of the songs on the al­ 'private sphere' after the unknown lo him thai guide bum are a precise attack Institut Québécois de recherche sur II culture his destiny : power struct ures: social unresi and ihe visions against the on-coming of a revolution of the two 290 Place Youville regime. If we take for exam­ preceding albums, but it is Montréal. P.Q. H2Y 2B6 Cost oggi sei il Milite Ignoto ple «Incubo Numéro Zero» based upon a non-identity, a morto in guerra, nessuno sa (Night mare number zero), being who lives behind itself come; dopo averti lascialo la we have the description of messages thai should not be pelle ci hai rimesso per sem- ihe nexi-lo-come totalitarian read. This is also ihe message pre anche il nome. society: in the song «Non aprire ECRIRE LA DIFFERENCE (So today you are the Un­ mai» (Never open it), where known Soldier dead at war, a woman leaves her lover an Colloque sur les littératures des minorités du nobody knows how: so that ... disoccupale le strade dai envelope with that warning Québec: l'Italienne, l'Haïtienne et d'autres. by having lost your skin you sogni, sono ingombranli, written on it. have also lost your name.) inutili, vivi, ... possiamo Université Concordia jorn irvi fotocop ie d'assegn «... Pavillon Hull «AI Milite Ignoto» (To e d arruolatevi nella poliiia ci Claudio Lolli, with the the Unknown Soldier) is a sarà bisogno di partecipare final album: «Antipaiici le 30 novembre à 13 h. direct attack against those (ed é questo il modo) nel Anlipodi» ( Unpleasant Anti­ Pour de plus amples renseignements: personnaly verifiable forces nostro progetlo di democra- podes) confirms the end of a who have the power to legis­ zia... generational period in ihe S. Simon. 879-5881 late life and death. They ('unemploy' the roads from making of songs that are all, become the symbols for a dreams, they are cumber­ but for one, concerned with society corrupted al its very some. futile, alive... we can daily interests, from Ville­ bases: any society thai wills provide you with photoco­ neuve to comicstrips. The part of its members to die, pies of cheques... and sign song that stands behind or COLLOQUE INTERNATIONAL has to be a debased society. up with the police we will besides the rest, known as «Torquato», is the re-telling In the third album «Can- need partecipalion (and this of a siory, of a dream that zoni di Rabbia» (Songs of is how) in our project of « could have been, and it is Le philosophe et le gendarme: Anger), we have the first democracy. also a warning against gi­ mention, in Lolli's poetical ving up the few remaining état, classe ouvrière, activity, of a true-to-life, It look three years, up lo ideals left after becoming character: Gramsci, in the 1980, before Lolli released a 'nomadic': song «Quello h, il compa- new record: «Extranei» (Ex- et autonomie» gno Gramsci» (That one, trangers), a play on being our comrade Gramsci). A ex-and also strangers. This La gioventù non é questione avec la participation de Umberto ECO, Felix song that traces the story of record explores the commu­ di anni ma piuttoslo di sassi GUATTARI, Francesco BERARDI, Jean-Marc Gramsci's political activity nicative process, the lyrics nel cuore se c'é una fionda si PIOTTE. Gérard SOULIER, Mariarosa DALLA up to his internmeni, is also are at this time a process of puo sempre tirarli e rompere a political metaphor for the analysis of the power of i vetri espropriando I'amore. COSTA, Georges LEBEL. Gian Maria VOLONTE, numberless cases of people words, h is not thai the poli­ (Youth is not a question of et d'autres... that ended in jails only be­ tical side is forgotten, only years rather: of stones in the cause of a verbal opposition that ihe struggle is repre­ heart, if a sling-shot is avai­ to the governing structures. sented by the image of the le 15,16 et 17 novembre. 1984 But we have lo go through lable one can always throw 'mute', in the song bearing them breaking windows and UQUAM — Montréal. the «Ho visto anche degli thai title, and of the 'bridge', so expropriating love) • Natasza Czarminska la complainte de l'exil

Anna Gural-Migdal

e passage à Montréal où elle a Q. : C'est la première fois que qui comptent, mais les lement populaire que Bruno que lu viens au Québec? accords, la façon déjouer Coqualrix.à l'époque, lui donné son tour de chant dans le aussi. Je tire mon chapeau avait demandéde rester en cadre du Festival International R. : Non, je suis déjà venue aux musiciens d'ici qui ont France pour remplacer Edith des Communautés Culturelles, en octobre 1983 dans le cadre réussi à faire quelque chose Piaf. Mais cela ne l'intéres­ d'une tournée mise sur pied de bien en très peu de temps. sait pas. Eh bien, c'est elle Natasza Czarminska nous a ac­ par une organisation politi­ En général, tout le monde qui a fait démarrer le mou­ cordé cette entrevue pour nous que qui s'appelle «PO- s'est plaint de l'organisation vement de la poésie chantée MOST». J'ai donné des con­ de ce festival, et pour nous ça en Pologne. Elle s'est mise à parler de l'art dissident, de sa Pologne natale et de certs à Montréal, Toronto, a été mal dès le début. La chanter les poèmes de grands son amie Anna Prucnal. Natasza est née et a pour­ Ottawa, et aux États-Unis. veille de mon départ, je n'a­ poètes sur la musique d'un Mais ce tour de chant ne vais pas encore mon billet musicien formidable, Konie- suivi ses études à Varsovie, en Pologne. Elle étudie s'adressait qu'à un public d'avion, après, il a fallu czny. Moi, j'ai beaucoup été d'abord la musique au Conservatoire, ensuite la phi­ polonais. C'est la première qu'Anna Prucnal et moi, influencée par elle et je suis losophie russe puis polonaise, pour finir à l'École fois que je fais un spectacle nous nous battions pour arrivée en France avec un son pour des francophones en obtenir nos cachets, au point très polonais rempli de nos­ Supérieure de Cinéma, Théâtre et Télévision à Lodz, Amérique du nord. que le dernier jour on a talgie. Comme dans mon où elle se spécialise dans la mise en scène. Grâce à menacé d'annuler le concert orchestre il y a deux catalans, s'ils ne nous payaient pas. un Espagnol et un Français ses nombreux dons artistiques, elle commence à Q.. : L'idée d'un festival des Cela fait quatorze ans que je d'origine russe, ils ont su intéresser la critique. En 1971, elle reçoit le Grand communautés culturelles est chante, j'ai donné beaucoup changer ma musique de l'in­ intéressante, puisque c'est la Prix du Festival de la Chanson à Cracovie. Son nom de spectacles en France et en térieur pour lui donner une première fois qu'un tel évé­ Allemagneet j'ai toujours couleur très particulière. figure à l'affiche du fameux cabaret de cette ville, nement de ce genre se pro­ touché mon cachet sans pro­ C'est justement ce mélange «Piwnica pod Baranami» («La Cave aux Mou­ duit à Montréal. Toutefois, blèmes. Une chose pareille des cultures qui donne toute il me semble y avoir eu de ne m'est jamais arrivée dans son âme à cette musique! tons»), berceau des meilleurs chanteurs polonais. sérieuses lacunes au niveau ces pays-là. Dans mon con­ Elle fait des tournées à l'étranger où l'on apprécie son de l'organisation... trat, j'aurais pu exiger d'être talent. Les textes de ses chansons deviennent sou­ payée, du moins en partie, Q. : Dans ton orchestre, ce R. : C'est vrai, lorsqu'on avant le concert, mais ça me sont les instruments à corde vent le sujet de la censure communiste qui y voit des m'a téléphoné à Paris pour gêne toujours un peu de faire qui dominent, mais il n'y a allusions à la réalité. Comme metteur en scène, elle que je vienne au Québec, on une telle demande. C'est pas de violon. Pourquoi? quelque chose qui pour les tourne trois films en Pologne, deux semi-documen­ m'a demandé de ne pas avoir trop d'exigences car il s'agis­ Polonais, ne colle pas telle­ R.: Le violon, ça fait par­ taires et une fiction, qui ont été montrés aux Festi­ sait pour moi de faire un ment avec leur tempérament! tie du folklore slave! Le fait vals de Sceaux, Londres, Amsterdam et Lille. speclacledepromotion. Il Q. : Malgré cette malchan­ d'être en exil, d'avoir eu un m'a fallu venir avec un chef ce, lu nous as présenté un enfant m'a changée. Ma mu­ spectacle intéressant et ori­ Au moment où l'état de siège est proclamé en d'orchestre qui puisse prépa­ sique doit évoluer comme rer des musiciens d'ici. On ginal, en particulier au ni­ moi. Pour les nouvelles chan­ Pologne, Natasza se trouve à l'Ouest, où elle donne n'a eu droit qu'à deux répéti­ veau de la musique où j'ai pu sons, on s'apprête à utiliser des récitals de chansons, notamment en France et tions, ce qui est très peu pour déceler une influence sud- le synthétiseur et le piano. Il une formation musicale com­ américaine. faut absolument que mes en Allemagne Fédérale, pays dont le public lui est me la nôtre. Lorsque tu fais, musiciens et moi, on s'en­ fidèle. comme Anna Prucnal, ton tende très bien dans la façon tour de chant avec un seul R. : Ah, oui, ça c'est grâce à de comprendre la musique. Les textes de ses chansons, ce sont des poèmes de pianiste, une seule répétition Le résultat qu'on obtient suffit. Lorsque ce sont les mes musiciens! Quand j'ai grands poètes contemporains polonais, mais aussi quitté la Pologne, ma musi­ maintenant, c'est le fruit de instruments à corde qui do­ dois ans de travail, d'amitié, de R.M. Rilke, M. Torga, Ulla Hahn, Zinalda minent dans l'orchestre, c'est que était une musique très polonaise, celle de Pawlus- de moments vé< us ensemble. Gippuis. L'artiste chante aussi des textes écrits autre chose parce que ce ne Ce qui esi liés important en sont plus les notes de musi­ kiewcz. Tu connais Kwa De- spécialement pour elle en polonais et en français. man/.ek. une chanteuse tel­ Pologne, c'est que la vedette a pour rôle de donner sa d'ailleurs rien à voir avec que je pouvais beaucoup Q. : Tu es diplômée de concert à Paris où ils ont couleur, même à des musi­ l'idéologie engendrée par le extirper de moi rien que par l'École Supérieure de Ciné­ refusé de chanter parce qu'il ciens que l'on engage pour système. les mois et par la voix. En ma de Lotz. Est-ce que tu y avait dans le spectacle des une seule série de spectacles. exil, j'ai eu envie de sortir de désires poursuivre ta carrière chansons en rapport avec le Pendant les répétitions, la Q.: Le fait de chanter en moi tout ce que j'avais vécu ci néma tograph iq ue? régime soviétique. Mais ils musique s'élabore à partir de plusieurs langues ne t'empê- et de le faire passer par mon ont eu ion de ne pas vouloir plusieurs personnalités, ce che-t-il pas d'être enracinée corps, par la danse sensuelle, R. : Oui, bien sûr. J'ai déjà s'exprimer parce que cela qui lui donne une qualité dans une culture spécifique? libérée de toute chorégraphie. fait plusieurs semi-documen­ s'est retourné contre eux. De plus haute. Mais après, on La construction de mon spec­ taires— je dis semi-documen­ toutes façons, aucun art ne peut la meure en valeur par R.: Tu sais, j'ai eu une tacle est aussi rigoureuse que taires parce que je les conçois peut être dissident, si ce n'est la mise en scène, par le texte, période d'adaptation très celle d'une pièce de théâtre. toujours de manière à ce par rapport au système. Ce par exemple. En France, ce grave en France parce que je On y voii d'abord une femme qu'ils puissent devenir films que l'on considère comme qui compte, c'est le show, la me suis rendue compte que en exil qui appelle sa nation, de fiction —, dans lesquels je dissident doit être normal, musique vient en arrière- jeneréussiraisjamaisàParis puis une femme à Paris qui retrouve la réalité par le car il n'y a rien de plus nor­ plan. comme j'aurais pu le faire en commence sa chanson en montage et la mise en scène. mal que de faire circuler des Pologne. Je dois maintenant disant: «j'ai trente ans, je vis Il me plaît de créer des effets idées émises sans difficulté Q. : Tu chantes les grands freiner tout ce qui m'em­ au cœur de ma vie, je veux de réel avec toutes les possi­ auparavant. Tu vois, sur la poètes contemporains de ton pêche de m'ouvrir à autre mille musique et je veux un bilités techniques et esthéti­ scène, j'ai peut-être trop sim­ pays. Que vas-tu chercher chose. J'ai de moins en moins enfant» pour finir par ces ques qu'offre le cinéma. plifié le problème, mais en dans leurs mots? envie de traduire des poèmes mots, «j'aime une musique Comme les Italiens, j'accu­ parlant de la Géorgie, de ma polonais en les chantant et un enfant». mule beaucoupde documents mère qui était géorgienne, préparatoires, de matériel j'ai montré qu'à l'intérieur R.: Je chante surtout les parce que cela ne donne pas Q. : Tu dis que tu te sens journalistique avant d'entre­ du bloc soviétique, il existe poèmes de Zbignicw Herbert la même chose, et j'ai l'im­ différented'AnnaPrucnal; prendre le tournage d'un des nations. La Géorgie, elle qui est le plus grand poète pression de ne pas encore pourtant, vous êtes de la film. Avec mon mari qui est est d'unecertaine manière, contemporain polonais. Si ressentir assez bien les poè­ même famille ne serait-ce directeur de la photographie, presqu'indépendanie. Les tu connais Milos/ qui vit en mes étrangers pour les chan­ que par la similitude de votre je prépare un film sur les communistes russes n'ar­ Amérique et qui a obtenu le ter dans leur langue origi­ message. femmes porteusesd'enfant. rivent pas à faire aux Géor­ Prix Nobel, eh bien c'est le nale. En Pologne, j'ai fail des C'est selon moi un sujet giens ce qu'ils ont fait aux même niveau de poésie. Her­ éludes de lettres, ce qui m'a R.: Même s'il n'y a pas une passionnant parce qu'il ouvre Ukrainiens par exemple. bert a longtemps été censuré permis d'apprécier la beauté grande différence d'âge enire la brèche pour la création bien que la politique ne soit de notre littérature. Lorsque nous — j'ai trente quatre ans d'une civilisation nouvelle. pas sa préoccupation ma­ je chante en polonais, j'ai et elle en a trente-huit —, je Q.: En Pologne, il y a les jeure. Ce qui le touche, ce l'émotion qui me conduil à me sens avec el le com me avec gens qui ont des dollars, sont les droits humains, et exprimer ma conscience. quelqu'un d'une autre géné­ ceux qui ont des zlotys et dans le système où l'on vit, Pour remédier à ces pro­ Q. : Lors de ton spectacle, ration. Elle habite en France ceux qui n'ont rien du tout. c'est dangereux de s'intéres­ blèmes de langue, j'ai deman­ tu semblés avoir voulu l'ex­ depuis quatorze ans et n'a C'est donc l'asphyxie qui ser à cela parce que ça de­ dé à une amie qu'elle m'é­ cuser de chanter une chan­ don* pas vécu la période de engendre de plus en plus la vient politique. En Pologne, crive des poèmes très simples son russe en disant cela: «il Solidarité en Pologne, pé­ corruption et le système «D». j'ai joué dans un film qui qui me concernent directe­ faut toujours distinguer la ment. Mais pour le moment, riode cruciale qui a complè­ culture du système politique parlait du mouvement des tement changé les mentali­ je m'intéresse davantage à la qui la porte». Pourtant la R. : En Pologne, je ne fai­ étudiants en mai 1968. Com­ tés. Le milieu d'Anna, c'était musique. Je la conçois com­ culture est issue de faits trans- sais pas tellement de politi­ me le film a été bloqué, la celui du théâtre à Varsovie. me si elle était écrite pour un hisioriques, de faits de civili­ que. J'étais membre de Soli- chanson que j'y interprétais Bien sûr, elle délivre le même film, afin de la mettre en sation et de faits idéologi­ darnoSC des cinéastes. J'ai dû a tout de suite été perçue message que moi, celui de images par une mise en scène ques. Louis Althusser n'a-t- quitter la Pologne parce que comme politique, alors qu'el­ notre nation, mais avec un spécifique. il pas dit que l'idéologie est notre équipe s'est appropriée le ne faisait qu'exprimer le esprit différent et le poids du droit à la liberté intellec­ une sorte d'inévitable et in- des caméras illégalement. tuelle. la peur de voir dispa­ raître la culture vraie. Tu vois par exemple, en Hon­ grie, ils jouissent d'une cer­ taine liberté par rapport aux L'art dissident est intéressant car il t'oblige à autres pays de l'Est, mais ils vérifier en toi les vérités essentielles. Ce que tu n'ont pas de vraie culture. Chez nous, en 1968, toute dis, tu es sûr que tu vas te battre pour le dire. l'élite intellectuelle a été virée.

Q. : Je pense à une phrase qu'Olbrychski m'a dite un jour: «l'art en Pologne a été dans une de ses meilleures périodes lorsqu'on l'a brimé, parce que la censure favori­ sait une sorte de culture dis­ Q. : C'est vrai que dans la vécu en moins. On sent véri­ consciente pollution men­ Mon mari a été à ce moment- sidente.» En disant cela, il mise en scène, on décèle une tablement chez elle, un mé­ tale? Alors il me semble dif­ là appelé à l'armée, et cela faisait allusion aux meilleurs stylisation visuelle créant lange de culture française et ficile de séparer la culture de contre la loi puisque ceux films de Wajda, qui se sont une atmosphère particulière polonaise. Le genre scénique la politique. qui sortent des écoles artisti­ faits lorsque le metteur en qui nous rappellecertains qu'elle développe, c'est très ques en Pologne sont exemp­ scène vivait en Pologne. effets théâtraux ou filmiques. parisien parcequ'Anna est R. : Beaucoup de Polonais tés de service militaire. En déjà beaucoup plus enraci­ et d'autres spectateurs en plus, comme il venait de R.: D'abord je pense que R. : Tu vois, j'estime beau­ née que moi dans son pays général m'ont reproché de Silésie, région inféodée au Wajda n'est pas un dissident coup ce que fait Anna Pruc- d'adoption. Mais ce qui est chanter dans cette langue pouvoir, i 1 a été à la merci des car il a toujours été quel­ nal. C'est une grande artiste, beau, c'est qu'elle a encore la pendant que les Russes sont fonctionnaires qui faisaient qu'un de très favorisé par mais ses changements subits spontanéité, la force et le en train de bouffer mon pays. ce qu'ils voulaient parce l'État. Du fait qu'il était de registre, ses effets tragi­ tempérament de notre pays. Mais les gens voient les choses qu'ils savaient que l'état de protégé, il a eu le courage de ques qui relèvent de la pan­ Anna Prucnal, c'est un mé­ d'une manière émotive. En guerre approchait. S'il a pu dire certaines choses. Son tomine, conviennent peu à lange d'Edith Piaf et de Pologne, par exemple, on s'en sortir, c'est à cause de la film, «L'homme de marbre» ma personnalité. Pourtant, Brecht, avec une nostalgie fait des listes noires de ceux pagaillequ'il y avaitalors dont il a forcé la projection, a c'est comme un pétard qui très polonaise en plus. Celte qui collaborent et de ceux dans les différents orga­ fait un grand trou dans le explose, ça passe tout de espèce d'amalgame donne à qui ne collaborent pas avec nismes. Maintenant, nous ne système. L'art dissident est suite et ça plaît aux gens. son spectacle une couleur le système. C'est un mani­ voulons plus rentrer là-bas. intéressant car il t'oblige à Après mes expériences de exceptionnelle qui plaît chéisme un peu simple. L'i­ Ce que mon pays va devenir, vérifier en toi les vérités mise en scène cinématogra­ beaucoup en France et au déologie ne m'intéresse pas, ça ne m'intéresse pas parce essentielles. Ce que tu dis, tu phique, j'ai pris conscience Québec. Moi, je n'entends encore moins le collectivisme. que c'est un tel désastre que es sûr que lu vas te battre de certains effets visuels qu'il pas faire la même carrière Il existe aussi des dissidents je ne vois pas de solution pour le dire. Les gens vivent fallait créer pour plaire au qu'elle. Je m'adresse d'abord russes qui essaient de sauve­ possible. C'est comme si je souvent dans une échelle de public. En Pologne, j'étais à un public fidèle, avec ma garder le patrimoine de leur voyais la fin du monde arri­ valeurs ambiguë qui n'a beaucoup plus statique parce personnalité de Polonaise. culture. Je me rappelle d'un ver et que je n'y puisse rien. 1 1 Mais je suis sûre que s'il y a russifiés que d'autres par la n'existait plus, ça ne s était qu'il nous empêchait de pra­ pendant l'état de guerre, un trou à faire dans le sys­ force. Mais les Polonais ont encore jamais produit. tiquer. Je me sens croyante toutes les femmes tombaient tème des pays de l'Est, ça va quelque chose de génétique c'est-à-dire que je crois en enceinte parce que, pour venir de la Pologne. qui les empêche d'être russi­ Q. : Tu parles de Dieu dans une force supérieure qui elles, la familleet l'enfant Q.: Pour quelle raison? fiés, pas plus qu'ils n'ont été ton spectacle. On sait que guide notre conscience hu­ étaient le dernier abri moral germanisés auparavant. C'est chez vous, la religion est maine. Les différents mou­ et émotionnel. Les Polonais R. : Parce que les Polonais ce qui fait la force de notre devenue un phénomène po­ vement mystiques tels que le ne veulent pas être assujettis ne sont pas de nature à sup­ peuple et lui permet de vivre litique, une forme de contes­ zen, les hippies ou le yoga et ils manifestent leur révolte porter longtemps ce qu'ils dans des conditions inhu­ tation déguisée. Pour toi, ont créé une telle confusion en croyant. L'Église et la supportent maintenant. maines. Chez nous, les en­ c'est la même chose? que désormais les gens ont de religion sont deux choses Chaque nation a perçu à sa fants manquent de viande et plus en plus besoin d'une différentes. Mais ce qui est façon le communisme impo­ de médicaments. Ça, ça s'ap- R.: Moi, je n'ai même pas vérité qui ne soit pas relative. important, c'est que l'Église sé par l'Union Soviétique. pelle détruire une race, et été baptisée parce que mon En Pologne, Dieu c'est un soit un pouvoir apte à se Certains peuples ont été plus même quand la Pologne père était membre du parti et abri moral. C'est comme battre pour nous. •

Change international 2 Le déplacement de mil­ celle-ci sort momentanément autant puisqu'elle considère tilue l'ensemble des traits Fondation transculturelle interna­ lions de personnes d'origines de l'histoire pour être appré­ sa propre ethnicité plutôt spécifiques d'une ethnie, la tionale ethniques diverses au cours hendée non plus comme sujet comme une étape antérieure, tradition, la religion et la Paris de ce siècle et leur métissage agissant mais bien comme «étriquée» (Miron) de sa langue en sont les principaux Immigrant autobiography culturel devaient élargit cette objet même de l'historicité. croissance nationale. éléments. À eux trois, ils William Boelhower fonction. Il se développa en Aujourd'hui, nous assistons L'ethnicité fait peur donc. définissent l'identité collec­ essedue edizioni effet à l'intérieur des sciences . au retour du balancier qui Mauvais souvenir pour les tive qui servira plus tard de Vmzia sociales le champ des études réintroduit l'ethnicité comme uns, vivier du racisme pour véhicule à la revendication L'oiseau-chat ethniques et plus récemment sujet dans l'histoire à l'ins­ les autres, on la préfère morte nationaliste. Dans cette pers­ Hervé Fischer celui de l'ethnohistoire. Sou­ tant précis où elle s'estompe. ou désintégrée. Or comment pective, héritée du XIX ième Éditions La Presse vent animé par des fils d'im­ Cela c rée par le fait même un concilier cette notion ana­ siècle, le nationalisme est Montréal migrés désireux de connaître rapport à 1 histoire tout à fait chronique avec la déterrito- donc l'idéologie politique L'amour du Yiddish les mécanismes de l'immi­ inédit. rialilé, l'interchangeabilité, d'une ethnie qui cherche à gration, ce nouveau champ a fonder sur son territoire l'in- Régine Robin Mais entre les deux ten­ la mutation technologique, connu depuis 20 ans une fni-MiucluredeTÉlat-nalion. Éditions du Sorbier dances proto-historique et la libre circulation des cul­ Paris popularité grandissante en tures et des identités mass- Amérique du Nord. La crise ahistorique auxquelles la Ce passage, c'est connu, In their own words Vol. II, relèguent les sciences de médiatisées qu'appelle la peut impliquer une ou plu­ de civilisation que nous vi­ post-modernité? C'est que, n. 1 vons conjuguée à celle du l'Homme, on est en droit de sieurs ethnies et se réalise European journal of american se demander si l'ethnicité est depuis l'immigration mas­ souvent par consensus ou «melting pot» américain ne sive, quelque chose a changé ethnic studies sont pas étrangères à cette envisageable comme post- domination d'une ethnie sur Cafoscarina-Venezia modernité? Voilà pourtant pour les groupes sédentari­ les autres. Dans ce cas, les croissance. Mais là encore sés: le rapport au territoire. l'ethnicité demeure étudiée la question que soulèvent ethnies dominées s'atro­ 'anthropologie a tou­ comme phénomène transi­ certains ouvrages parus ré­ phient en régional ismes pour jours cherché à déga­ toire et ahistorique condam­ cemment dans le sillon du Ethnie et territoire constituer des cultures mino­ ger de l'étude des ca­ né à se résorber tôt ou tard à renouveau d'intérêt qui se On ne peut véritablement ritaires régulièrement réacti­ ractères spécifiques l'intérieur de la culture do­ manifeste dans ce domaine comprendre l'ethnicité sans vées par des flambées de na­ d'une ethnie, des uni- minante. C'est à partir du depuis deux ans et qui con­ ses liens avec la terre ances- tionalisme. Cependant la versaux aptes à expli­ moment où une ethnie perd fronte ces deux termes na­ trale. En effet le territoire est base de leur revendication quer la complexité ses caractéristiques origi­ guère antithétiques. le fondement de l'ethnicité. demeure territoriale. C'est pourquoi elles ont tendance des sociétés modernes. nelles, s'acculture donc, L'ethnicité, on le sail, a C'est par lui et à travers lui L'ethnicité a donc ser­ qu'elle pourra alors accéder que l'ethnicité puise sa rai­ à se montrer intolérantes à toujours paru suspecte; et l'égard des différences. vi, de mesure, de modèle à l'histoire. Il est entendu avec raison. On y voit le foyer son d'être, son appartenance, originel, pourcomprendre que je me réfère ici à l'ab­ de tous les folklores, conser- son axe de gravité mais éga­ L'immigré, l'exilé, se situe Lnos comportements actuels. sence de l'histoire comme lement sa terrible inertie. vatismes, racismes, replis sur aux antipodes des cul lures On l'interprète, on la scrute première étape du processus soi, bref tout ce qui bloque le Selon le schéma classique, minoritaires. Lui qui, en un peu comme ces étoiles historique lequel correspond développement d'une société on a longtemps cru et l'on parlant, coupe ses liens avec aux confins de l'espace dont généralement à la formation dite moderne, l'empêche d'é­ croit encore que la culture la terre natale et consent de l'éclat depuis longtemps dis­ d'une ethnie: à savoir, pour voluer. L'ethnicité est alors d'un peuple ne peut être par ce fait à mourir culturel- paru nous révèle quelque les pays d'Europe, le haut combattue comme un mal sauvegardée que dans le pé­ lement, se retrouve à rebours chose sur notre propre mon­ moyen-âge jusqu'au qu'il faut extirper. Il est rimètre de son territoire lui- de ces cultures acharnées à de. Telle semble bien être XVni**nK siècle. inutile de revenir sur l'achar- même reconnu et légitimé survivre. Sa condition est de dans cette perspective la fonc­ nement ici d'un Trudeau par l'État-nation, l'un inves­ ce fait le miroir, le reflet tion de réfèrent proto-histo­ prompt à dénoncer ce qu'il tissant l'autre de sa souverai­ inversé des minorités qui rique assignée à ce mot dont Le phénomène historique neté. Bien que cela demeure de l'immigration massive appelle «l'et h nocentrisme voient en lui l'éclatement l'étymologie grecque «eth- québécois». L'intelligentzia vrai, elle n'est plus l'unique identitaire qu'elles redoutent. nos» signifie peuple. suspend l'évolution nat urel le voie. Car si une cul ture cons- d'une ethnie. On dirait que du Québec s'en méfie tout Or c'est précisément en re- connaissant cette opposition States quatre stratégies com­ lant sur les Italiens. Ce nu­ fondamentale qu'une véri- portementales adoptées par méro compte également un table communication entre l'immigrant à l'égard de la inventaire de la poésie italo- ces deux conditions eth­ culture américaine. La pre­ américaine depuis un siècle niques pourra s'établir. Car mière est la confirmation des par R. Cocchi et un article de la déterri totalisation opère codes de la culture domi­ D. Serpi sur le statut com­ un radical changement de nante, la seconde une varia­ plexe du poète Emmanuele point de vue. tion de ces codes où certaines Carnevale dont la trajectoire S'il provoque déchire­ pistes sont explorées, la troi­ rimbaldienne, son obstina­ ments affectifs, nostalgie, ce sième la négation des codes tion à déconstruire une lan­ brusque décentrement du dominants, enfin la qua­ gue anglaise qu'il venait à territoire a néanmoins le trième la substitution de ces peine d'apprendre, font peut-" mérite de restituer à l'ethni- codes par une alternative être de lui le plus grand des cité son nomadisme anté­ contre-culturelle. Les auto­ poètes italo-américains. rieur, de la désamorcer de sa biographies d'écrivains italo- charge négative que lui con­ américains ayant écrit aux La transculture États-Unis entre 1910 et 1940 fère justement le territoire. Éditée à Paris par la fonda­ Ainsi dépolarisée, déterrito­ ont servi à illustrer ces pro­ pos. tion transculturelle, la revue rial isée, l'ethnie est désor­ Change international 2, mais prête soit à disparaître quoique moins spécifique­ manifestation la plus mar­ culture minoritaire en quête au bénéfice d'une autre, soit à Le paradigme multiethnique ment littéraire, va dans le quante. de souveraineté auquel s'a- trouver en elle le fondement Selon l'auteur, le moi de même sens. Son prestigieux À ce laboratoire culturel joule le riche apport multi­ de sa survivance et de sa l'immigrant n'est pas unique comité international sur le­ qui bouillonne au cœur des ethnique en milieu urbain. croissance en développant sa mais double; caractéristique quel on retrouve entre autres grandes métropoles, l'auteur Il esi inutile d'ajouter que spécificité comme culture. qu'il partage avec les cultures Lyotard, Deleuze, Cuatiari, met en rapport la revitalisa­ cène situation n'est pas de C'est le défi de toute culture minoritaires. Voilà pourquoi Paul Virilio, l'allemand Sy- tion des régions. De la péri­ tout repos pour cette société minoritaire. On y reviendra. lorsqu'il se raconte, il doit berberg ainsi que la québé­ phérie au centre, un même minoritaire hier encore mo- sans cesse confronter la rhé­ coise Michèle Lalonde, courant les traverse auquel noeihniqueei traditionnelle. L'ethnie déterritorialisée torique utopique du Nou­ aborde dans son numéro de s'ajoute l'importante mino­ On l'a vu avec le conflit à L'absorption par une autre veau Monde avec la réalité. mai quelques-uns des as|>e( ts rité gay, troisième élément de- St-Léonard et plus récem­ culture est habituellement le Ce voyage incessant entre le liés à la transcullure. celle triangulation culturelle ment avec la question raciale sort réservé aux ethnies mi­ futur idéalisé et le présent D'entrée de jeu, Toni Ne­ dont la configuration permet chez les chauffeurs de taxi. grantes. Si l'on considère le l'oblige à maîtriser deux gri s'interroge si l'immigré le développement d'un nou­ Mais ces incidents ne la dé­ territoire comme un pôle systèmes culturels à l'inté­ ne constituerait pas un «nou­ veau modèle social pour au­ parent pas |>our autant de ces d'attraction chargé magnéti­ rieur d'un seul modèle. L'i­ veau sujet à l'intérieur du­ tant qu'on daigne s'ouvrir en possibilités créatrices très quement, une ethnie déterri­ dentité duel le, fragmentée quel Nord et Sud sont en acceptant de changer. En réelles. Il convient ici de torialisée va avoir tendance à qui en découle serait analo­ contact et s'intègrent au mê­ entendant «l'ap|x*l transna­ rappeler le rapport de réver­ s'y fixer même si un autre gue à celle diffusée aujour­ me moment où s'intègrent tional» de celle fin de siècle, sibilité existant d'une pari peuple l'occupe. Cela s'opère d'hui par les mass-médias et les différentes histoires du le monde, assure l'auteur, entre le Québec ei le Canada par renversement gravita­ la culture de masse. travail et de la production jelie les bases d'une paix et d'autre pari entre le Qué­ durable. bec et ses propres minorités tionnel. Je m'explique: dans «Le paradigme multi­ ouvrière». Alors qu'il sup­ tout renversement ce qui est ethniques et amérindi) unes, ethnique» comme le définit pute les pour et les contre de Deux autres articles com­ en bas se retrouve au som­ l'un étant critique de l'autre Boel hower consiste dans « l'in­ l'émergence de ce nouveau plètent ce tour d'horixon; met; ce qui était caché est dans une suite ininterrom­ version ou la fictionalisation sujet — l'immigré n'est pas l'un sur les Aborigènes aus­ dévoilé. Ainsi les caractéris­ pue: des prétentions représenta­ «un bon sauvage», encore traliens à Paris et l'autre sur tiques ethniques qui dans le tives de la culture domi­ moins le nouveau fer de lance un projet de Transe ulpturc pays d'origine étaient parta­ nante». C'est en produisant de la classe ouvrière — il ne pour 1989. En cette année du L'intériorisation de la culture gées par tous, donc forcément un flux d'images, en les met­ peu t s'em pêcher de |>enser au bicentenaire de la Révolution invisibles (pareilles au somp­ Si elle affaiblit les discours tant en jeu que l'ethnicité défi de la seconde génération française, l'on veut signifier tueux vêtement du roi nu du nationaux, celle minorisa- déstabilise le discours mono­ d'immigrés contraints de se la diversité multi-ethnique conte); dans le pays d'immi­ tion à la chaîne est paradoxa- culturel qui cherche à être le «construire une identité» sur de Paris. Une sculpture laby- gration, elles deviennent au lemeni la véritable forcedece seul garant de la réalité. Tel un territoire autre. Jeanne rinihique où lous les grou­ contraire manifestes. Ce sont pays. Car au lieu de fonder le serait l'inévitable statut Hy vrard emboîte le pas en les pes soin invités à participer, la langue, les coutumes, la pays sur le territoire. l'ethnie «d'une théorie multi-ethnique définissant comme des «trans­ symbolisera cette nouvelle couleur de la peau qui font la fonde sur elle-même en au sein de la condition post- nationaux ». ces jeunes qui réalité. qu'on pointera du doigt le moderne où l'icône devient sont les témoins d'un monde développant sa s|>écifieiié. Le récent intérêt de ('intel­ nouvel arrivant, L'Autre. simulacre, la présence trace nouveau, que déjà les multi­ C'est d'ailleurs là loin le sens ligentzia européenne pour d'absence et la représenta­ nationales ont programmés. de la magistrale- démonstra­ cette question montre bien Ainsi exposés au grand tion, production», conclut Ironique retour de l'histoire, tion de Morin ei Bertrand l'importance de ce nouvel jour, les traits ethniques l'auteur. Notre culture de où la transnationale, dernier dans Le territoire imaginaire enjeu cjui se dessine ei que s'étioleront rapidement. Il masse aboutit aux mêmes avatar de l'Élat-nalion puise de la culture «L'avenir de la Deleuze ei Cuatiari oni été suffira d'habitude d'une gé­ résultats depuis que les gran­ pour accroître chez d'autres culture ici, il faut plutôt le les premiers, sauf erreur, à nération pour que l'immi­ des cultures nationales sont nations le «cheap labor» chercher du côté d'un mou­ entrevoir dans leur péné­ grant lui-même cherche à entrées en crise au tournant dont elle a besoin, amplifiant vement d'intériorisation... trante élude sur Kafka. Dans gommer ses différences en de la précédente décennie. ainsi l'aire de dispersion des l'individu y trouvera le de­ cette perspective transe ultu- changeant son nom, son as­ Les mouvements de contes­ ethnies et mettan t en crise les relle, le Québec se trouve hors non pas comme l'autre pect physique, son accent. tation et la contre-culture en nationalités. particulièrement bien posi­ pur. I'«étranger, mais plutôt Dans cette rage de s'adapter, ont d'ailleurs été les manifes­ tionné. Il conjugue sa condi­ comme l'étrange... qui lui la langue sera la première à tations les plus éloquentes. tomber; à cause du travail et Sous la rubrique «trans­ tion post-moderne avec sa permettra de se lancer à corps de la scolarisation des jeunes culture», Jean-Pierre Colin (suite à la page 22) générations. C'est en effet Cette séduisante hypo­ fait justement un historique par le biais de la langue thèse, le chercheur américain très fouillé sur ces cultures dominante que s'effectue la la poursuit à travers la revue minoritaires face à l'État. De transmission des valeurs du In Their Own Words, publiée la colonisation à la décoloni­ pays d'immigration aux nou­ par l'Institut de littérature sation en passant par l'exil veaux citoyens. La langue Anglo-américaineà Venise des peuples opprimés, on impose alors sa propre mé­ dont le premier numéro de découvre étonné un autre moire collective aux enfants l'année était consacré aux pays dans celte France pour­ d'immigrants déchirés entre écrivains italo-américains et tant si réputée pour son pro­ la répudiation des modèles italo-canadiens. Son article verbial chauvinisme. Au ancestraux et l'adhésion aux démontre comment l'écrivain moins le tiers de sa popula­ valeurs du pays-hôte. immigrant doit travailler les tion est d'origine étrangère stéréotypes associés à son tandisquequatre millions ethnie pour les encoder autre­ d'étrangers résident actuel­ C'est en explorant cette ment. On n'a qu'à penser ici à lement à l'intérieur de ses situations de double-bind que une tirade de la pièce «gens frontières. Mais celte vitalité le sémiologue américain Bill du Silence» où l'auteur Mar­ ne va pas sans un retour à la Boelhower a mis en lumière co Micone prend le contre- Tradition dont le renouveau dans son livre Immigrant pied de tous les cl ichés circu­ religieux est certainement la autobiography in the United 14 Visions toscanes

Marie José Thériault

ue l'Italie, par un acte plus ou moins L'impression que dans les interstices entre les pierres conscient de ma volonté, trouve toujours s'élève le vaste éclat de rire, plein de santé, de millions de à s'insinuer dans mes textes, qu'elle serve Toscans morts et vifs, et dont le sens général pourrait se à planter un décor ou rendre un état traduire par: «O poerini! Nous les avons bien eus!» n'est d'âme, qu'elle se manifeste par des sans doute pas étrangère à l'ensorcellement que subit conditions climatiques ou des compor­ quiconque rencontre Florence: pris, séduit, conquis, voilà Qtements de personnages, n'est ni un ha­ qu'on rend les armes, capitulant devant une ville dont les sard ni un caprice arbitraire. Ce serait davantage le tactiques de séduction ressemblent à s'y méprendre à celles témoignage d'un attachement indéfectible à l'Italie, à la d'une courtisane habile à doser ce qui, en elle, lient de la Toscane surtout. Je n'ai pas de souvenirs d'enfance qui se stratégie el ce qui relève de l'innocence. N i joyau enchâssé ni situent loin d'elle, pourtant, de 1953 à 1968, je n'y ai séjourné intouchable fresque, Florence vibre, vit et se prête si que- sporadiquement. Comment expliquer alors qu'elle ail généreusement qu'il arrive aux touristes naïfs de croire laissé, plus que dans ma mémoire, dans ma vie même, des qu'elle se donne. Leurre. Ils les oni bien eus, en effet. traces .que jamais rien n'effacera? Comment expliquer Florence s'appartient totalement. Elle n'a de fidélité et de par-dessus tout qu'elle ait pu oblitérer tous les moments de loyauté que pour les nationaux qui lui témoignent une mon enfance et de mon adolescence qui eurent lieu loin soumission telle, un amour tel, qu'ils excluent d'office tout d'elle? Les marques qu'elle a ainsi gravées n'ont rien des dessein d'exil, el pour ces étrangers plus tellement étrangers, empreintes touristiques. J'ignore toutou presque des musées si parfaitement vaincus qu'ils voient comme un sacrilège les et des monuments, ne les ayant pour ainsi dire jamais fréquentations épidermiques dont l'accablent les visiteurs de «visités». Mais je connais d'eux ce que l'on doit connaître passage. Avec leurs appareils photographiques en bandou­ d'eux lorsqu'on vit dans leur ombre :qu' ils sont là depuis des lière, leurs chemises à fleurs et leur plan de la ville, plié en siècles, qu'ils sont moins des monuments que des morceaux huit sous couverture plastifiée qui reproduit, dans de de vie. que ce soin eux, souvent, qui donnent au détour d'une mau vaises couleurs, l'inévitable panorama s'étendant au rue. à l'angle d'une place cette ferveur particulière dont on ne pied du Piazzale, ils sillonnent, piétinent, désacralisent en se lasse pas pour peu qu'on y soit sensible, ferveur causée quelque sorte celte ville plus femme que ville qui, tout en peut-être — mais comment savoir vraiment? — par un tolérant le flirt, n'admet en réalité que l'abandon passionné mélange achevé qui se résume mal et cjue peuvent constituer et absolu. à toute heure et en tout temps la couleur des pierres, celle des pavés, la Iuniinosilé du jour ou la limpiditéduciel nocturne, la chaleur éclatante ou engourdie, le croisement des lignes, la perspective, les graphismes du sombre et du clair, les bruits vivants de voix, de molorini, de klaxons, de linge qui sèche, Est-il étonnant, alors, qu'à y vivre de persiennes qu'on ouvre ou qu'on ferme, l'odeur de la poussière mélangée aux arômes de café et aux senteurs de Ton éprouve un sentiment de monoxyde de carbone, tout cela et bien d'autres détails dont un seul manquerait pour que celte magie s'écroule. Mille fois sécurité, de calme utérin en somme, et plus j'ai senti, marc liant par les rues de Florence, un vague frémissement iniérieurcommede trac el d'extase soudés ensemble, sans qu'il y ail là d'autre motif que la soudaine qui place l'esprit dans une paix si perfection du moment et du lieu. singulière qu'il finit toujours par se dire: «Hors de la Toscane, point L'extraordinaire fertilité d'émotion dont celle ville est la source n'est pas le produit d'un cerveau pensant qui aurait, par suite de plans el de calculs, agencé ses quartiers de salut»? rationnellement avec un vaste souci d'harmonie et d'ordre. Florence, telle qu'elle nous affecte, représente et copie en Ce flirt toléré, s'il est essentiel à la survie de Florence, ne quelque sorte l'esprit toscan, différent de lout autre, ni doil pas être interprété comme l'expression d'une nature meilleur ni pire mais particulier, orgueilleux et fier, mercantile: le Toscan est pratique, soit, et il n'est pas sans enthousiaste et désordonné, plus vif que fourbe, voyant mais calcul, mais il ne trafique jamais de son honneur. Et quand, non vulgaire, libre absolument, intelligent et raffiné, et avec les mois d'automne et de tramontane, Florence se vide surtout doté d'un sens inné de la beauté qui confine au génie. des intrus qu'elle a accueillis pendant l'été pour renflouer ses Malaparie a, mieux que je ne le ferai jamais, décrit la Tos­ caisses et nourrir son monde, elle redevient, visiblement et cane et les Toscans pour qui «l'esclavage est toujours, à leurs ouvertement, ce qu'elle n'avait jamais cessé d'être en cachette yeux, une forme d'imbécillité»; peuple ironique, bien sûT, des touristes: un nid, un havre. Lieu privilégié de la perfide pour qui n'est pas toscan, peuple qui a «le ciel dans rencontre des paradoxes, où se rejoignent la simplicité et la les yeux et l'enfer dans la bouche», païen, à la fois fol et sage, recherche, la fureur païenne de vivre et les manifestations extravagant et raisonnable. Florence est issue de cet esprit qui discrètes, élégantes, voire aristocratiques de cette fureur, ne planifie pas et subit encore moins, mais agit parce qu'il symbole même d'une grandeur dont l'homme, mieux que n'a pas de temps à perdre, agit avec finesse, subtilité, parce partout ailleurs, ne se sent pas exclu, Florence, si riche qu'il abhorre la bêtise et le mauvais goût, agit sans réfléchir soit-el le de son passé et de sa gloire, de sa fécondité artistique souvent parce qu'il possède le don — divin ou diabolique et intellectuelle, n'a rien des villes-musées, serties et —de voir la vérité des choses en un battement de cils (du inaccessibles, dont Venise — mis à part certains de ses moins le croit-il, et cette ferme conviction lui confère quartiers populaires — représente sans doute le plus juste l'audace, voire la témérité de lancer dans les airs des pièces de exemple. Florence, libérée des hordes germaniques et casse-tête en sachant par avance qu'elles retomberont à américaines qui l'assaillent tous les étés, possède le don l'endroit qu'il faut). Palais, églises, statues, maisons, rues, inappréciable de s'ajuster à la mesure de l'homme. Est-il ponts, il n'est pas jusqu'à la couleur du ciel de Florence qui étonnant, alors, qu'à y vivre l'on éprouve un sentiment de ne semble le fruit d'un hasard favorisé par les dieux, d'un sécurité, de calme utérin en somme, qui place l'esprit dans coup de dés transformé par miracle en chef-d'œuvre une paix si singulière qu'il finit toujours par se dire: «Hors d'équilibre et de beauté, en délice pour l'esprit et les sens. de la Toscane, point de salut»? Ainsi, à l'extérieur de cet îlot d'harmonie, de douceur, d'équilibre, au-delà de celle terre d'un voile. Face à l'entrée de la chapelle flanquée de deux bénie ei comme retranchée du reste du monde, un autre cyprès, elles veillent, dans une sorte de repos, il nous semble univers semble avoir lieu qui, depuis l'abri toscan, a toutes depuis toujours familières de ces lieux qu'elles dominent de les apparences de la barbarie. leur règne au point que nous ressentons quelque malaise à 1962. Nous habitons une villa patricienne sur les fréquenter cette zone du jardin, la leur. Car de leur présence hauteurs de Fiesole, tout au bout d'une rue qui semble ne réelle, presque vivante, se dégage une impression d'éternité mener nulle part. S'y engager à pied, l'été, sous le soleil de quasi menaçante comme si, à trop les côtoyer, le mortel midi, lient de l'héroïsme: elle est étroite, bordée de hauts innocent allait lui-même subir la métamorphose dont elles, murs de pierre jaune qui ceignent, d'un côté, les jardins peut-être jadis femmes de chair, semblent aujourd'hui tout à d'une résidence comtale, de l'autre ceux d'un couvent tapi la fois les agents et les consentantes victimes. Au-delà de cette dans un creux de colline. Ni ombre ni fontaine. Seule cette allée des dames, dans le petit bras d'un L, une charmille au pente raide et torréfiée que l'on met une demi-heure à gravir. bout de laquelle deux Amours se cachent dans le lierre d'un autre mur, étrusque celle fois (comment a-t-il pu subsister jusqu'à nous?). Un massif de cèdres taillés bas en forme de couronne jouxte la charmille et ferme le jardin au milieu d'un tapis de géraniums rouges et roses sans lesquels un Mille fois et plus j'ai senti, marchant jardin italien ne serait pas un jardin italien. Là donne la cuisine. Un ou deux pigeons têtus forcent sa porte entrou­ par les rues de Florence, un vague verte en s'y jetant du flanc avec une violence étonnante et drôle, sans doute pour y chercher comme nous la fraîche qu'y frémissement intérieur comme conservent les murs hauts, la céramique du sol, les volets mi-clos. Mais Bruna, entre deux tours de fourchette dans de trac et... l'eau des pâtes, les chasse d'une volée de cailloux et rajuste, contre la porte, le tronçon de frise qui la maintient entrebâillée. (Et loui à coup me vient qu'en Toscane, où que nous ayons vécu, «descendre au village», surtout pour les courses, représentait presque une expédition, car il fallait bien Cette villa est un musée. Rosaces de marbre, bandeaux revenir, «remonter», cette fois en portant à bout de bras les sculptés, vases funéraires en grès rouge, chapiteaux filets de provisions contenant souvent le litre d'huile et le corinthiens, fragments de sarcophages ou de bas-reliefs, tout litre de vin. Ma mémoire ranime la chaleur cuisante, une un ensemble de vestiges peuple ses pièces, son jardin, sa cour sorte de craquement dans l'herbe, le chant ininterrompu des intérieure. Ici, une madone de faïence est appliquée contre le cigales, un bourdonnement de frelons, et cette impression mur du sud. Là, un entrelacs d'acanthes surmonte le linteau que l'air même est sur le point de s'incendier. C'est une d'une porte. Là encore, des urnes cinéraires servent de dortoir chaleur sèche, blanche, lumineuse. Sur les oliveraies qui aux lézards. À l'intérieur, il n'y a de porte qui ne soit scintillent de tous leurs arbres d'argent tordu, sur les corolles vénitienne, lourde, massive, sculptée, et que ferme un rouge vif des coquelicots, sur les murets de pierre, les monumental verrou. Mais ce ne sont pas ces richesses qui me câpriers, sur l'herbe jaune, le ciel qui s'étend est d'un bleu si réjouissent le plus. Elles deviennent vite utilitaires: le inimaginable, si tendu qu'on le dirait cassant. ) Au sommet, chapiteau renversé se transforme en table basse. L'urne, cela sur la gauche, une petite ferme, cloîtrée derrière sa porte va de soi, se fait cendrier. Les morceaux de frises, nous l'avons cochère. D'octobre à mars, on y vit dans la cuisine, le feu de vu, ont ici la même fonction (mais en plus joli) que, dans les l'âtre, jamais éteint, étant la seule source de chaleur. Un mur maisons québécoises, les vieux fers à repasser: garder les mitoyen la sépare de notre jardin où, contre ce mur, portes ouvertes ou fermées, c'est selon. Non. Mes délices s'alignent des statues de femmes assises dans des niches quotidiennes sont autres: les colibris au long bec qui surélevées. Elles sont déesses romaines en tunica intima au disputent les fleurs aux abeilles; les hirondelles, nombreuses, rugueux drapé de pierre, ou dames étrusques, la tête couverte élégantes dans leur vol; les pipistrelles du crépuscule qui

•i i • obligent a fermer les persiennes; les collines qui s'étendent à mes pieds le matin lorsque j'ouvre les deux grandes fenêtres de ma chambre; et surtout, surtout, le figuier de la cour, majestueux et nobre, alourdi de fruits à chair grenat et douce, régals des dieux, vraiment. La Sophie de William Styron en dirait, avec son inimitable accent: «Dis must be vat dey make you to eat in Parrradise!» À l'étage, on peut apercevoir des fenêtres ou de la terrasse, d'un côté la pleine campagne, ondulée, ses collines arrondies comme des ventres que tachent, ici et là, les toitures de maisons ramassées en petits groupes compacts. De l'autre côté, il y a un bout de panorama: Florence, au fond de sa cuvette, qu'entourentde luxuriants coteaux peuplés de cyprès et de pins. En toute saison, tôt le matin, le brouillard la recouvre, de sorte qu'il nous semble voir s'étendre là-bas un lac de lait. Puis, cette nappe se soulève tout d'un bloc, monte, grimpe à l'assaut des hauteurs environnantes. Lorsqu'elle atteint le sommet où nous sommes, Florence en est déjà tout à fait libérée et, par des failles que la brume se ménage par endroits, nous pouvons entrevoir les tuiles rouges encore humides des toits, presque luisantes, et le vieil or des murs que le soleil vient frapper. Mais nous sommes nous-mêmes parfaitement enveloppés de brouillard, sus|H-ndus, on dirait, entre ciel et terre, ne distinguant que les f lèc lies des c yprès dont le vert est si proche du noir qu'il perce la lasc lescence. Puis, cela s'effiloche, s'affine, disparaît, et tout à coup le ciel lavé est d'un bleu électrique, les collines se i m il lent sous le soleil, la vie commence. L'air semble imprégné de bronze en poudre, il pose sur chaque détail une sorte de glac is, une pellicule lumineuse qui rappelle l'éclat, mieux, le rayonnement propre aux fresques du Giotto. Il y a là comme le symbole d'une rare pureté d'existence, d'un univers dont la limpidité est telle qu'elle possède le caractère d'un rêve. Pourtant, rien de plus réel, de plus inévitable même quecetrembloilemeni scintillant qui recouvre ce coin privilégié du monde. La vulgarité et la crasse, les rumeurs de bas quartiers, la poussière et la cohue des grandes villes, le gris sinistre des visages et des pays affamés de soleil, absolument, c'est donner à cet amour de la Toscane les l'incessant et sordide chaos citadin, sont rigoureusement limites que l'on concède aux engouements provisoires. absents de cette terre hautement civilisée (civilisée non pas Passion qui dépasse l'ordinaire, elle se satisfait d'être, elle se par l'industrie des hommes mais par la volonté de Dieu), nourrit de tout, elle refuse toute tentative de réduction de son immuable mais non statique, ne manifestant jamais les traits objet, comme la lionne qui défend ses petits à coups de douloureux, affligés et affligeants des natures vaincues par la griffes. L'aimé(e) est alors sans défaut, puisque l'amour bêtise ou par les armes. Elle n'a cependant rien de enrobe les imperfections qui pourraient l'entacher d'une l'«ornement» futile dont on perce rapidement le vernis. Elle sorte de gloire, comme celles qui nimbent les représentations serait plutôt la synthèse de toutes les beautés vivantes, de saints dans les panneaux de manière byzantine. Dans le révélation sans pesanteur, le creuset miraculeux où s'épurent tissu d'un cœur qui aime, même les contradictions, loin de la vie, ses vibrations, ses harmoniques, où se fondent en une s'opposer, se complètent et se rendent service. Que répliquer combinaison parfaite les matériaux, nombreux et indescrip­ à un amour qui ne met pas de conditions à sa ferveur? de tibles, dont le sublime est fait. Ces matériaux vivent en symbiose, ils coexistent excellemment, et la part d'âme qu'ils contiennent s'y est logée d'une manière si durable qu'il ne peut être ici question que de sacré, c'est-à-dire de la plus complète expression de l'absolu. ...d'extase soudés ensemble, sans qu'il y ait là d'autre motif que la soudaine Lorsque Hofmannsthal, rapportant les propos de Goethe, admet que «seules les œuvres d'art parfaites, rares perfection du moment et du lieu. productions du génie, ont une existence», j'imagine mal qu'il puisse parler là de la poésie et non de la Toscane. Car cette province admirable, isolée dans le casse-tête extravagant du monde, est une œuvre de génie. Génie divin d'abord, bornes? qui ne l'accable ni de raisonnements ni de calculs? chef-d'œuvre d'un Créateur ce jour-là plus inspiré que de Ces amours-là appartiennent à un ordre supérieur des coutume, certes, puisqu'il n'y a nulle part ailleurs de formes, choses, qu'il serait malséant, mesquin et inutile de mettre en de couleurs, de lumières, de brins d'herbe, d'arbres, rien, en discussion. Elles proposeront toujoursdes justifications somme, qui soit plus magnifiquement agencé; génie robustes au luxe d'émotions qu'elles révèlent. Tenter de les humain ensuite, puisque les Toscans ont eu la science, désarçonner est une entreprise d'avance vouée à l'échec. Les animée d'un souffle unique, d'ajouter à cette assise prodige grandes amours ne sont lubies qu'aux yeux de qui ne les sur prodige, dans quelque champ d'activités que se soit éprouve pas; pour qui s'en fait le creuset, elles sont d'une déployé leur talent. La Toscane «existe» donc, elle est puissance sans nom, d'une surhumaine présence; elles sont absolument réelle, et face à ce fait d'être, le reste du monde un avant-goût, sans aucun doute, de l'infini et de l'éternité. ressemble à une mauvaise ébauche, une épreuve, un essai L'amour qui-est le mien pour la Toscane — tout comme plus ou moins raté. Le reste du monde, oui, et d'une certaine celui que je donne aux hommes qui occupent mon cœur — façon, le reste de l'Italie aussi. Celui qui a dit: «Sans la résistera toujours aux pouvoirs du temps, de la distance, aux Toscane, l'Italie ne serait qu'une parcelle d'Europe» prêches di la sagesse et de la modérati> >n, aux admonesta­ (Malaparte encore, sans doute), a su résumer en une phrase tions des (ires sans envergure. Car c'esi par lui, lor u'il se percutante ce que je m'évertue à démontrer en dix. hausse vei s ces sommets que l'on dit tro| olontiersc essifs, que j'ai l< plus souvent le sentiment < lommuni nfin, Bien sûr, ce sont là des propos d'amoureuse... Irration­ ne serait-ce qu'une seconde, avec ce q la vie a ( noins nels et démesurés. Mais l'amour, s'il est oscillant, complexe, chétif à offrir. • fragile, possède cependant la vertu d'être parfois si entier qu'il ne peut s'exprimer sans excès. Dans son total (jui. 1984) aveuglement, il ignore les tares, et s'il lui arrive de les percevoir, il les transforme en mérites. Ce que je ne saurais il nuovo BAROCCO

Antonio D'Alfonso

Domenica, 27 maggio 1984. Jovine capiva la sua gente, le loro L'arte italiana è Sant'Agostino. Dunque un testo per speranze, le loro paure. La sua opera, fondamentalmente Antonella D'Agostino con cui, a Roma, ho fondata su scene e dialoghi tipicamente l'espressione dello imparato a apprezzare il barocco. cinematografici, si présenta corne un spirito bar oc co. Vivaldi. Mina sta cantando alla radio, la sua mosaico. Il barocco italiano al suo meglio. Caravaggio. voce rauca di blues. Sto seduto pensando L'arte italiana è fondamentalmente corne devo pulire il mio corpo, sbarazzarlo l'espressione dello spirito barocco. Vivaldi. del suo blues. Mio cugino Tonino dorme, Caravaggio. L'opéra italiana dei castrati. non vuole alzarsi. Mi dice che si sente corne Forse l'espressione incosciente dell'arte se avesse portato sacchi e sacchi di fave. italiana moderna del Québec e del Canada? Non ha fatto niente da quando sono Corne definire 1 'arte barocca? ( Rileggere arrivato qui a Guglionesi. Il suo lavoro è McLuhan e la storia del barocco. ) divertire la famiglia, darle un po' di Il barocco: perla di forma irregolare speranza, mostrarle un'altra via, una nuova (dal Portoghese); manifestazione artistica direzione. Per il barocco la vita era impor­ del Seicento. Mai lo stesso, né délia stessa tante quanto l'arte. intensité in ogni paese. (Nel Seicento Mina sta cantando: rosa sopra rosa; c'erano anche Rembrant e Vermeer.) Perô ed io ascolto mia zia strusciare con l'aceto il un ambiente. Uno stile bizzaro di vivere, di pavimento nuovo di marmo. Marmo: il pensare, di creare. Il barocco: esuberanze, barocco; l'aceto: vita amara? riso amaro? declamazionedell'ordinestabilito, délia A contatto con la pelle la freschezza bellezza armoniosa, movimenti senza fine. délia camicia a righe rosse. Ho deciso di «Il barocco cercava di unificare sfaccetta- non mettere la camiciola oggi. Ho messo i ture e esperienze disparate dirigendo l'at- pantaloni di cotone comprati a Firenze, le tenzione verso il punto di mutamento» scarpe comprate a Termoli —il mare, il (McLuhan, Vanishing Point). mare —, e un paio di calze bianche di puro Prendere il «momento di mutamen­ cotone. Mi sento veramente italiano qui, to»: il barocco: la fotografia del Seicento. perô ne sono timido. Mi hanno forzato ad Penso a Gianlorenzo Bernini, alla sua avère vergogna di sentirmi italiano. Non è statua esquestre di Luigi XIV (1670), ai permesso essere quello che uno è in Cana­ suoi colonnati del Vaticano ( 1656 ). Penso a da. Devo abituarmi a essere quello che Francesco Borromini, ai suoi soffitti in sono, malgrado tutte le critiche che posso- mosaico — che guardano Dio — di S. Carlo no farmi. aile Quattro Fontane. Penso. Ripenso. Ieri gli Azzurri hanno vinto 2 a 0 Rivedo. contro Team Canada. Gli Italiani del L'arte come cattura del momento Canada per quale squadra parteggiavano? fugace. «I musicisti» di Caravaggio. Il Dov'è il patriottismo canadese? Mito teatro délia fotografia. Tutto ciô che non americano: l'Eldorado. (O Ladorada?) serve nella vita quotidiana. Come fare per Sto leggendo Francesco Jovine. Le vedere l'essenzialità nell 'assurdo? Il baroc­ terre del Sacramento. Leggere Jovine è un co forse è il contrappunto (Bach, sempre grande high quando uno scrittore molisa- Bach) dell'essenzialità di cui io parlavo nel no lo legge nel Molise. Guardialfiera — 1977 per descrivere 1 'arte come prodotto del paese del Jovine — a due passi da Guglio­ ritorno a una natura di «secondo grado» nesi. La frana di Guardialfiera si vede bene (cioè la natura rivista —retrouvée — dopo 18 délia mia finestra. una visita alla cultura modernistica e « urbanistica). Il barocco contro l'essenziali- ridivenuto una formula, storicamente tà? No. individuata, per indicare un tipo di espres- II barocco è il riso dell'artista che sività lirica fondata sull'ingegnosità, ritrova la natura innocente. L'artista sa ciô sull'arguzia, sulla concettosità, volta a che una cosa è, ciô che è assolutatmente tradursi in forme stilistiche particolarmente necessario per costituire una cosa, senza di raffinate e lussuose, ed a privilegiare, tra cui la cosa non è più quella ma un'altra queste, in sommo grado, la figura retorica cosa. Il riso come soluzione possibile in un délia metafora» (G.D. Bonino, // tesoro mondo troppo serio, troppo ubriaco di délia poesia italiana. ) teorie che non servono a niente, se non a Il barocco : periodo tra il 1580 e il 1759. perdersi ancora di più nell'assurdità délia Il Nuovo Barocco: periodo tra il 1975 e il serietà. Il barocco, cioè il Nuovo Barocco, —? Tanti artisti da scoprire. Da leggere. Da non va contro l'essenzialità ma è un altro rileggere. La vita non puô terminare qui. modo di capire, di catturare l'essenza La vita ricomincia. Mi ritrovo a un altro sempre più fugace. punto. In un altro mondo. Più dentro me stesso. Più fuori me stesso. Più dentro alla 5 settembre 1984. mia realtà. La realtà di chi ride. Penso a Montréal. S. Vittorino. Pensando a Zio Vittorio con cui dormivo bambino nel «letto dei porci». Ascolto Franco Battiato: On a Soli­ tary Beach. Ho deciso di andare avanti. Con la mia vita. Niente puô arrestarmi. Non mi fermerô più. D'ora innanzi, chiunque voglia mi seguirà. Gli altri possono rima- nare indietro. O davanti. (Andare avanti non è un'esperienza che si misura in metri. ) Basta con questa voglia di morire. Devo Pier Giorgio Di Cicco. Penso a Marco prendermi in mano. Con la passeggiata. Micone. Penso a Maria Melfi e a Maria Di Sempre la passeggiata. Corne un altro Michèle. Penso a Marco Fraticelli. Penso a universo che si âpre davanti a me. Universo Fulvio Caccia. Penso a corne sarà bello délia parola, del pensiero. La passeggiata leggerli in italiano. Non perché non pos­ con un poeta del Canada che parla délia sono scrivere in inglese o in francese ma natura di secondo grado. Dell'essenzialità. perché la loro realtà si capisce meglio vista (Rileggere l'articolo scritto sulla sua poesia con gli occhi italiani. non per narcisismo ma per sapere se sono Non scriverô più (in inglese). Ques- cambiato.) to diario dove vado avanti. Da solo. Un Il termine «barocco» ha finalmente passo avanti. Un passo verso l'ultima perso la sua connotazione negativa. «E' direzione, l'unico cammino. Scoprire me

Qui tutto ha un senso, anche le apparenze dell'inutilité. A questo punto non si puô più parlare di fioriture superflue. Tutto diventa un fuoco senza attributi, l'essere nominato.

19 Nel Nuovo Barocco il gesto non conta più. Il principio e la fine escono dal momento stesso, incorporati in questo, la sua nar- ratintà intrinseca- mente appiccicata J| alla mutazione.

stesso. Noi altri. Un passo indietro. come una manifestazione dell'essere, meta Il «momento di mutamento»: vivo, meta morto, senza un prima, senza un quando uno diventa un altro. L'istante dopo: l'essere manifestato cost nudo con preciso di una trasformazione. L'atto tutta la sua propria storia. fissato, il verbo si metamorfosa in un Se la modernità esprime una dram- sostantivo. L'atto e il verbo hanno una loro matizzazione del momento, cioè la ricerca moralità che nasce dalla loro interiorità; il di eternare il «momento drammatico» del freeze frame barocco, il sostantivo artistico, gesto artistico, il Nuovo Barocco rifiuta il al contrario, non conosce la moralità; esiste drammatico e prova a comunicare dram- per se e è quello che appare davanti a me maticamente l'essenza in uno spettacolo denudato di qualsiasi ottimismo e pessi- vigoroso. Dopo la modernità — la natura mismo, corne se fosse provocato da una urbanistica, l'urbanistica corne natura forza superiore matematica. —viene il Nuovo Barocco che non distin­ Qui tutto ha un senso, anche le gue più natura e urbanistica, gesto e apparenzedell'inutilità. A questo punto essenza. Il Nuovo Barocco è la finzione non si puô più parlare di fioriture super­ délia finzione, lo sguardo sullo sguardo che flue. Tutto diventa un fuoco senza attribu­ guarda, una paranoia creativa caratterizza- te l'essere nominato. Una nominazione ta dalla diffidenza prima délia materia e poi senza il bisogno di descrivere la propria dell'arte (la realtà e la narrazione di questa storia perché il passato si vede dappertutto, realtà in termini linguistici). sul «viso» dell'atto fissato, del sentimento Il Nuovo Barocco prende la moder­ catturato. nità e la tradizione corne parti délia stessa Il barocco è un lirismo forse ma realtà, rifiutando dunque il metalinguag- meno il romanticismo del gesto o l'automa- gio corne possibilità unica dell'arte contem- tismo del modernismo dove il gesto si pone poranea. come la scusa o il prodotto deU'ultimo Il Nuovo Barocco come l'arte del momento. clown bianco. (S. Francesco di Assisi. Tutti Nel Nuovo Barocco il gesto non questi santi come metafore del mondo conta più. Il principio e la fine escono dal occidentale. Un linguaggio sopra il lin- momento stesso, incorporati in questo, la guaggio délia realtà.) sua narratività intrinsecamente appiccicata Il riso. (Leggere la storia délia alla mutazione. Si puô accennare ad una commedia. Leggere Henri Bergson: Le metafisica tipo seicentesco inglese — rire. Rivedere i film di Totô e del giovane dell'Herbert o del Donne — soprattutto Fellini. Rivedere e rivedere Francesco, perché esiste nelle loro opère questo deside- giullare di Dio di Roberto Rossellini, rio pazzo di fissare un processo, includendo scritto con Federico Fellini. )• il suo principio e la sua fine, e mostrarlo Dialogue de Métèque et d'Atropos Lamberto Tassinari

Atropos: Eh toi! quand Au théâtre il arrive quelque­ férence qu'ils trouvent est seu­ que tu attribues une fonction donc est-tu arrivé ici et quel fois que la toile de fond lement apparente, un soula­ particulière à toi et à tes amis est ton nom ? bouge, non les acteurs. Et gement momentané des sens. dans la recherche de l'iden­ Métèque: Mon nom est pourtant on a l'illusion du Leur voyage, tout comme tité. Si tel est le cas, montre Métèque. Mais qu'est-ce qui contraire. Il y va de même celui de ceux qui n'ont moi comment cela pourra-t- te fais croire que je suis pour nous en ce moment. jamais bougé, est un constant il se réaliser et en quoi arrivé? Prends le voyage: il fut un retour sur soi-même, tout à sommes-nous, nous aussi con­ Atropos: Ton allure est temps où il était encore pos­ fait analogue. cernés. celle d'un étranger, tu ne sible de se déplacer, de partir Nous abordons autre chose Métèque: Bien ô Atropos, semblés pas êtred'ici. Et main­ pour un ailleurs toujours dif­ en ce moment: pour bien tu fais preuve d'avoir com­ tenant à t'entendre, j'en ai la férent. Le dernier à y croire s'en rendre compte il faut pris beaucoup plus que tu ne certitude. Quand donc est-tu fut le grand Symbolos, voir au procésus et non pas le crois. Dans plusieurs sens, arrivé? comme bien d'autres poètes, prendre, seule la toile de fond au produit. Il est alors inu­ nous sommes «respon­ Métèque: Depuis tou­ en quête dans l'espace, de cet a bougé, nous nous retrou­ tile d'interroger les hommes : sables» de l'épiphanie. jours. infini qu'ils ne pouvaient vons sur les mêmes planches, le procésus demeure obscur à Puisque nous ne sommes pas Atropos: Comment depuis trouver dans le temps. simultanément identiques. leurs yeux et ils ignorent ce d'ici, nous sommes diffé­ Mais déjà pour Symbolos, toujours!? H a bien fallu que Atropos: En vérité, à moi ô qu'ils sont en ce moment. rents. Notre force est dans ce comme disait ce grand géo­ tu arrives si tu n'es pas d'ici. Métèque, il ne semble pas Mes amis et moi, qui ne qui nous manque et que vous mètre, cet homme savant à que nous soyons identiques. sommes pas d'ici, nous ne possédez. Notre passivité, le Métèque: Oui, en vérité moi si cher: le voyageur est Je vois des différences entre savons pas, nous commen­ fait pour nous d'être exposés un jour je suis arrivé, mais un incurable rêveur, ridi­ les humains et tu devras aussi çons à peine à sentir que vous implique. En nous expo­ sans m'être déplacé... cule... Naturellement, il n'a admettre qu'une multitude notre destin n'est qu'un bref sant, nous vous forçons à Atropos: Que dis-tu donc? pas suffit que quelqu'un ait continue d'émigrer, de cher­ épisode de cette perte univer­ vous ouvrir. À notre insu, l'on ne peut être arrivé sans reconnu la vanité de cette s'être déplacé! cher et de trouver la diversité. selle de soi-même et qu'à nous avons pu prouver recherche du renouveau par partir de cet épisode même, Métèque: Quiconque se Métèque: Je l'admets. quelque chose. Et je te dirai : le voyage, pour empêcher tout comme les eaux sacrées déplace va à la recherche Mais, qui arrive aujourd'hui, même si mes jeunes amis que des milliers d'autres y du fleuve retournent à leur d'une seule et même chose! fuit persécutions ou guerres, l'ignorent, tout comme tes aient cru et y croient. Cha­ lit, il est possible de poursui­ Sauf que celle-ci a su jusqu'à et bien entendu, cherche et semblables, ô Atropos, toi cun devra en faire l'expé­ vre la recherche. Depuis des présent prendre maints visa­ trouve ainsi ailleurs, une cer­ qui désormais n'es plus rience, que les mots des phi­ temps immémoriaux les ges. Maintenant tu admettras taine différence. Ceux qui au «inébranlable», vous avez losophes et des poètes ne chan­ hommes sont sensibles à cette que les formes sont partout contraire parvinrent ici plu­ franchi l'obstacle, vous êtes gent pas le monde. Et pour­ perte de soi : le philosophe de les mêmes. Tu admettras sieurs années auparavant, et l'autre. Voilà donc ce que je tant, ils ont démontré qu'ils Trêves veut que tout dépende aussi que seule la forme ceux qui sont restés dans les nomme transculturalité. portaient en eux la vérité de l'extérieur; il nous vient existe. terres lointaines, sont aujour­ même: Sauf que pour mieux un meilleur soupçon avec Atropos: Et qu'est-ce donc d'hui les mêmes hommes. Atropos: Que veux-tu révéler à une partie du genre Symbolos, que le moi est un Métèque que cette... trans­ Toutefois, là n'est pas la ques­ dire? je ne comprends pas. humain la froide uniformité autre, tout en ouverture, culturalité? tion. Métèque: Une forme uni­ des océans et des cités, il a exposée! disposé, et que inté­ Métèque: Ni plus ni que est en train de s'appro­ fallu qu'une fouled'arts nou­ Atropos: Alors où en rieur et extérieur se con­ moins, tout ce que j'ai eu à te prier toutes choses. Un grand veaux et ahurissants soient sommes nous? Viens en au fondent. dire jusqu'à présent. Peut- poète n'y voyait pas d'issue, introduits ces derniers temps. fait Métèque! être qu'à traverser la polis, Alors, pour en revenir à ce mais moi je ne crois pas que Métèque: Leur malaise s'ex­ Atropos: Tes ne nous l'avons trouvée.• que tu disais ne pas com­ ce soit si net. Procédons par prime par le déplacement cessent de m'échapper. Tou­ Traduit de l'italien par ordre. mais n'en dérive pas. La dif­ tefois je crois comprendre Michaè'lle Jean.

La liberté dans l'Apocalypse

nanke! Ananke! Nécessité: mère de toutes les prostitu­ V.V.: Pourquoi l'Apoca­ reur même, identifiée avec la lypse? fin du monde. Contraire­ tions, de tous les péchés! Ce n'est là que l'un des éléments ment à cela, ce texte possède mais non moins percutants de Babylone. La F.S.F. : Parce que je sens le selon moi un message fon­ «Babylone», opposée à la «Jérusalem». Monstres à sept besoin de substituer à l'ordre damental de liberté et d'es­ de la peur celui de la liberté poir qui a été complètement ktêtes, E'Fatto... Accomplissement. Voilà quelques phrases, et de l'espoir. Nous vivons négligé. Je suis donc allé ou mieux, quelques bribes du délire visuel que propose Franco Stefano Filippi, aujourd'hui dans un contexte chercher quelque chose qui dans son «Apocalypse positive», sa lecture ne coïncidant pas, — loin de là social et individuel où la peur est en lui-même un symbole est dominante. Nous sommes de peur par excellence et j'ai —avec la compréhension populaire et grégaire du texte. Un autoportrait, éduqués à la crainte du quo­ essayé de faire ressortir son trente-quatre modules séparés qui représenteront plus tard, une fois le tout tidien. Crainte et méfiance message caché. Ce message terminé, l'histoire et l'accomplissement d'une quête vers la liberté: ajoutez à régissent les rapports entre me semble être très clair: la individus ainsi que les rap­ création procède vers la cette fresque gigantesque l'expérience de l'immigrant, du métèque, l'obsession ports sociaux et internatio­ liberté, c'est-à-dire vers son de la réincarnation, et quelques autres folies peu catholiques, au sens figuré et naux. Nous sommes souvent accomplissement et sa réuni­ prisonniers de nos propres fication avec le Tout Créa­ au sens propre, et vous aurez un aperçu de l'artiste et de son œuvre. Oubliez vos mécanismes mentaux de teur. J'ai ainsi substitué à icônes chrétiennes ou païennes et vous relirez ou mieux, vous reverrez l'Apoca­ répétition et d'appréhension. l'ordre de la peur (l'interpré­ lypse. Vice Versa a rencontré Stefano Filippi, l'auteur de ce projet fou qui tation courante de l'Apoca­ Dans le langage commun, lypse) l'ordre de la liberté et sera présenté le 6 novembre 1984, à 20 heures, à la télévision. (L'émission l'Apocalypse symbolise de l'espoir, c'est-à-dire le s'appelle Arrimage et est à l'antenne de Radio-Québec) immédiatement toutes les message oublié ou négligé idées de peur, elle est la ter­ dans l'Apocalypse. Il me posé de 34 modules différents humain. gens qui ressentent ce même Intérieurement, de beau­ semble que c'est ainsi que ce qui se rassemblent pour for­ besoin. C'est d'ailleurs un coup plus loin. Je c rois que devrait être dans le quo­ mer un seul tableau. Chaque V.V.: Comment pensez- tableau qui s'adresse plus à je suis déjà allé cl venu sur tidien. module est inspiré par un vous qu'une société comme l'individu qu'à la société. Ce ccuc terre plusieurs fois, que J'ai voulu créer un paral­ verset du texteeiil représente la nôtre qui ne désire que des que je veux lui dire, ce que je j'ai déjà appartenu à divers lèle entre l'Apocalypse et aussi symboliquement une œuvres décoratives puisse veux me dire esi: ne déses­ pays, peuples ci époques. De mon histoire et raconter en année de ma vie. Aujourd'hui accepter une pareille provo­ père pas, lu seias libre, ei tu tout ce passé intérieur j'en images, comme je suis un toutes les esquisses ont été cation? es déjà libre aujourd'hui, au garde une sensation inexpli­ peintre, mon cheminement réalisées en petit format, mais fureià mesure que inaccom­ cable ei imprécise ei pour­ vers la liberté. Ainsi est né ce à l'échelle réelle chaque F.S.F.: Je ne sais pas com­ plis ion être. tant réelle ei permanente. Je projet de réaliser un grand module aura la dimension de ment une société pourra crois que ceci consiitue le un mètre carré, et l'ensemble (mon)centre, I'(mon)espi it. tableau que je voudrais don­ accepter ou refuser ce que je V.V.: D'où venez-vous? ner en cadeau à la ville de donnera une surface totale de propose, mais je (rois que C'esl le souille (ta pneuma) 11 m x 3 m. À part, est le qui est resté constant à tra­ Montréal, pour qu'il soit bien des individus pourront F.S.F.: Historiquement, exposé en permanence dans 34ème module. C'est un auto­ l'accepter. Moi en taniqu'in- vers les différentes formes portrait. Ceci pour indiquer d'Italie. C'est en effet là que assumées et qui aspire à trans­ un endroit public; en témoi­ dividu, j'ai un grand besoin je suis né et c'est de là que j ai gnage de cette quête qui est que celle quête est aussi bien de liberté et d'espoir, et j'ima­ porte) maintenant Franco la mienne comme celle de immigré au Québec il y a dix Siefano Filippi vers celle la mienne, ainsi que pour gine que comme moi il y a ans. tout être. Ce tableau est com­ n'importe quel autre être des milliers et des milliers de liberté doni il a élé issu.D

Ethnicité comme post-modernité (suite de la page 13) perdu dans l'invention d'un depuis une décennie mais l'identité pour les Québécois, célérer le processus d'assimi­ linguistique OU religieuse. autre monde.» encore qu'elle est la «source la religion a par ailleurs lation chez les Juifs Askenaze que peut l'immigré dont le Or un tel mouvement d'in­ principale de leur humilia­ toujours constitué la spécifi­ de Pologne et de Russie. libre consentement à perdre tériorisation reflue habituel­ tion» passée. Quelques pages cité de celte ethnie longtemps Avec force détails, Robin la sienne est signé dès le jour lement vers la sauvegarde de plus loin, son collègue Fran­ déterritorialisée qu'ont été et relate la bataille passionnée de son départ. Il n'a d'autre l'un des traits constitutifs de çois Péraldi aboutit aux mê­ demeurent encore les Juifs. autour du Yiddish qui s'est choix que de faire de celte l'ethnie et susceptibles de la me conclusions. Dans une L'épineuse question de la déroulé entre 1830 et 1930 et perte l'instrument de la ré- perpétuer: à savoir la langue analyse d'une grande ri­ langue a été pour eux un dont l'enjeu résonne ici fa­ appropriation de la culture et la religion. L'un comme gueur, le psychanalyste problème longtemps nié au milièrement aux oreilles des globale en multipliant les l'autre sont porteuses de la prend d'abord acte de la gran-. fil de leur long exode à tra­ Québécois. langages, les logiques. C'est mémoire d'un peuple, de sa de dif ficul té des répondants à vers les cultures. Or voici que Entre le Juif et le Québé­ comme l'indique Julia Kris- tradition. manier la langue qui «les Régine Robin lui dédie une cois qui luttent pour préser­ teva «le seul pari, la seule empêche de dire leur agressi­ fascinante étude intitulée fort ver leur identité collective positivilé acceptable à l'épo­ vité fondatrice autrement Le rapport à la langue justement l'amour du Yid­ par le biais de leur spécificité que moderne». • que par le biais du bris de dish Ici au Québec à la suite du médium» (la langue) con­ courant de sécularisation state que c'est bien Finsiinc i Car la langue ne va pas de qui a modernisé la société, la de mort qui se manifeste à soi pour le Juif et à plus forte langue a supplanté la reli­ travers cette impossibilité de raison pourl'écrivain juif. gion pour devenir la pierre contrôler sa propre langue, Écartelé entre le Yiddish, aux angulaire de l'identité qué­ souligne le narcissime blessé l'allemand et l'hébreu, l'écri­ bécoise. Cette vérité, assez des Québécois qui les pousse vain devra choisir. Choix largement répandue chez les à chercher dans l'Autre idéa­ contraignant sinon impos­ intellectuels, trouve de plus lisé une réponse aux ques­ sible que Kafka a magnifi­ en plus d'échos chez la popu­ abonnes: tions dont ils savent perti­ quement résumé dans sa tri­ Tarif d'abonnement : lation. Telle est bien la prin- nemment la réponse, et ex­ ple équation: «impossibilité cipale conclusion de l'oiseau- de ne pas écrire, impossibili­ annuel (6 numéros) 8 $ D plique bien les limites de de soutien 16 $ D chat un roman-enquête d'Her­ cette enquête où l'absence de té d'écrire en Allemand, im­ vé Fisher. possibilité d'écrire autre­ institution, l'étranger 18 $ D transfert rend impossible Nom Invité à commenter quel­ toute interprétation psycha­ ment». L'adverbe ici recou­ vre la réalité du Yiddish, ques-unes des 7000 réponses nalytique valable. Car la Adresse obtenues lors de cette enquê­ méthodologie est bien le langue honnie, à partir du­ te-mammouth, le psychiatre point faible de ce titanesque quel tous ceux qui écrivaient Villfl Julien Bigras constate à quel «auto-portrait» où l'auteur devaient se définir. Cette point le rapport au langage préfère joyeusement la parole langue formée de l'allemand Oncle postal proliférante du monde ordi­ et de l'hébreu fut longtemps ei à la langue fascine et ob­ Pays sède les Québécois. Utilisant naire à la sécheresse du lan­ la honte del'intelligentzia un groupe-témoin, l'écrivain gage scientifique. éclairée de la communauté juive qui lui préféra la c lai ié Vice Versa démontre non seulement que C.P. 821, Suce. N.D.G. le rapport à la langue s'est de l'allemand. Ce qui eut Si la langue est, comme on pour résultat inattendu d'ac­ Montréal, H4A 3S2 considérablement modifié l'a vu, le vecteur actuel de Nanni Moretti et la nouvelle comédie italienne

Anna Gural-Migdal

lanni Moretti est né à Rome en mais dans des situations com­ différence entre acteur de pour mettre en évidence tout 1953. Fervent amoureux du plètement autres. Mon per­ cinéma et acteur de théâtre! ce qui est survenu par la sonnage est comme l'An­ Pour moi ce n'est pas vrai suite. En fait, je montre la septième art, il décide à l'âge de toine des films de Truffaut. qu'au théâtre il y a un jeu génération paumée de l'a- vingt ans, de tourner avec une Je pense qu'il est toujours spécifique qu'on ne peut uti­ près 68, aux prises avec l'âge, périlleux de faire différentes liser au cinéma. Quand un l'obsession du couple, de la poignée d'amis un court métrage sortes de films que l'on ne acteur a du talent, il est aussi famille, de la normalité. len super 8: «La sconfitta». ressent pas vraiment. C'est bon sur les écrans qu'à la pour moi, la chose la plus scène. Je dois dire que, même Q. : Tu nous montres aussi Cette première tentative qui nous amène à suivre la dangereuse! si mon groupe est de plus en une autre génération, celle crise d'un militant d'extrême-gauche, nous permet plus large, ça me plaît tou­ qui fréquente l'école et qui d'ores et déjà de déceler la volonté que le cinéaste a Q. : Toi, Troisi, Nichetti et jours autant de travailler avec ne ressemble en rien à la des acteurs non-profession­ de démystifier le mythe soixante-huitard avec un Verdone, vous semblez favo­ précédente. riser l'improvisation lors du nels, et cela pour des motifs humour acerbe auquel le café-théâtre parisien nous a tournage, ce qui donne une psychologiques. D'abord, c'est important de créer une R. : Oui, en fait il y a cette habitué. Dans la même veine, «Pâté de bourgeois» impression de décousu à vos confrontation de deux géné­ films. Dans «Bianca», cet atmosphère familiale sur le est une satire grinçante des romans-photos et plateau, ensuite, les acteurs rations. À l'école, Michèle est effet s'estompe cependant. coincé entre l'efficacité qua- «Corne parli frate», une parodie des Fiancés de Manzoni, que l'on étudie en classe. Son premier long métrage, Nanni Moretti ose le réaliser en super 8, dans l'appartement de ses parents. En racontant les mésaventures d'une petite troupe théâtrale de gauche, « lo sono un autarchico» met à nu toutes les impasses, toutes les insatisfac­ tions, tout le grotesque d'une petite bourgeoisie intellectuelle romaine. À Paris, ce film remporte un beau succès, ce qui permet au jeune metteur en scène de filmer «Ecce Bombo», cinglante comédie sur le cinéma militant, qui renoue avec la tradition des grands comiques du muet. «Sogni d'oro», enfin tourné en 35mm, raconte la vie d'un cinéaste, le film qu'il est en train de faire. Mieux que toutes les autres, cette œuvre révèle les qualités et les défauts du cinéma de Moretti qui ne laisse pas de s'autocriti- quer avec un exhibitionnisme candide. «Bianca», dont l'humour est plus mélancolique et moins volu- bile, amorce une évolution dans la démarche de l'auteur, désormais soucieux de mettre en scène une véritable histoire. R. : Dans mes films, il n'y a non-professionnels sont par­ si-naziste des étudiants qui De passage à Montréal lors du festival des Films du pas autant d'improvisation fois plus expressifs parce que veulent tout étudier, tout Monde, Moretti nous a accordé cette entrevue. qu'on le croit, car pour un plus adaptés à certaines situa­ savoir, et l'allégresse, la fri­ metteur en scène ou un ac­ tions précises. Je n'ai certes volité, la stupidité des ensei­ teur, c'est toujours difficile pas l'intention de créer à gnants soixante-huitards. Il Q. : «Sono un autarchico», scène de métier mais comme d'improviser. Cela l'est en­ cause de cela, des effets de suffit de regarder la salle des «Ecce Bombo», «Sogni d'o­ auteur, ce qui est une ap­ core plus pour moi qui suis naturalisme. Ce que j'aime professeurs où il y a un bar, ro», trois films dont tu as proche différente. devant et derrière la caméra. faire, c'est trouver en chacun un flipper, un jeu vidéo, un écrit le sujet ei le scénario, un rôle possible. piano, un poster de Mick seul. En est-il ainsi pour Q. : Travailler de cette ma­ Q. : Le fait de travailler Jagger, pour comprendre. «Bianca»? nière fait partie de la tradi­ avec un petit groupe d'amis Q. : Ton personnage de Donc, finalement, je montre tion de ce que je considère te facilite-t-il la tâche? Michèle, c'est une sorte de la rencontre de deux cultures /?.:Pour la première fois, comme la nouvelle comédie Candide mélancolique qui aussi dangereuses l'une que ce film je l'ai écrit avec quel­ italienne. Reprendre le mê­ R.: Il faut dire que ce ne s'est jamais vraiment re­ l'autre. qu'un d'autre. C'est moi qui me |)ersonnage de film en groupe s'élargit de plus en mis de ce qui lui est arrivé en ai pensé le sujet, mais le film, ( 'est également ce que plus (rires). J'ai effectivement 1968. Pourquoi restes-tu si Q.: Dans ton film, c'est la scénario je l'ai rédigéavec font les nouveaux auteurs commencé avec un petit cer­ attaché à cette période? génération d'aujourd'hui Sandra Petraglia, une jeune comiques italiens. N'y a t-il cle d'amis non-profession­ qui semble l'emporter puis­ personne de mon âge. Lors­ pas un danger à procéder nels. Maintenant, je travaille R.: Dans ce film, je ne que les professeurs mal pré­ que je fais un film, je louche ainsi? beaucoup avec des acteurs crois pas qu'on soit plongé parés se font ridiculiser et à tout parce que c'est ma professionnels qui viennent dans l'atmosphère, dans la chasser par les étudiants. manière d'arriver au cinéma, R. : C'est vrai, dans «Bian­ du théâtre. C'est bizarre, mais problématique de 1968. Si je non pas comme metteur en ca», on retrouve Michèle, en Italie on fait toujours cette me réfère à ce temps-là, c'est R.: Oui, c'est justement pour mettre en évidence le Je suis incapable d'interpré­ sérieux, la sévérité, le man­ ter un personnage conçu et que de pitié et d'humanité écrit sans qu'on ait pensé à de ces jeunes qui ne désirent aucun acteur en particulier. qu'étudier et se marier. Nous Dans mes films, il n'y a pas Peut-être que je n'apparaî­ sommes passés d'une extrême trai plus dans mes films, cela à l'autre! autant d'improvisation qu'on le croit, est possible. Mais pour le prochain, il n'en est pas Q. : Et le thème de la femme car pour un metteur en scène ou un question , j'y serai encore! qui parcourt tous tes films, on le retrouve ici plus appro­ acteur, c'est toujours difficile fondi. Tu fais d'elle un idéal Q. : Tu es bien pessimiste de inacessible dont l'homme a d'improviser. parler de la mort du cinéma peur. C'est très romantique! italien ! Pourtant, c'est toi qui a donné de l'espoir aux jeunes cinéastes en montrant R. : Le thème de la femme qu'on peut faire un bon film ne m'intéresse pas du point avec peu de moyens: «Sono de vue idéologique. Il m'in­ un autarchico» a été tourné téresse en tant qu'état d'âme, en super 8 et «Ecce Bombo» en tant qu'émotion, mais Q. : La gestualité de Michèle en 16, n'est ce pas? aussi comme signe d'un majeure partie des cas, je tendance à se regarder le est également moins exubé­ changement dans les rap­ recherche un comique plus nombril. Est-ce que ses bo­ rante, plus contrôlée. Pour­ ports amoureux, dans la so­ mélancolique, plus inti­ bos intérieurs méritent que R.: Oui, bien sûr, mais quoi? ciété en général. Je dois ce­ miste, plus personnel, pl.us tu en fasses un assassin? c'est la structure industrielle pendant admettre qu'il m'est existentiel et plus pudique. qui manque, aussi bien dans plus facile de mettre en scène Donc, le public le reçoit R.: Oui, je fais en sorte R.: Dans la tête de Mi­ l'industrie privée que dans des personnages masculins d'une manière moins directe, que ses mains bougent le chèle, il y a des schemes et l'industrie étatique. On avan­ que des personnages fémi­ moins brutale. moins possible. Quand je une vision très précise de la ce dans le brouillard sans nins. Pour la première fois, vais au cinéma, les mains vie, vision manichéenne. planification précise, sans je sens que dans ce film mon Q. : Dans Sogni d'oro, les des acteurs américains me D'un côté, il y a le bien, de aucun sens des affaires mais héros n 'est pas le seul per­ répétitions tautologiques en fatiguent. Alors, quand je l'autre, le mal. Mais la réalité aussi sans passion pour le sonnage à avoir de l'épais­ arrivaient à vider le discours tourne, je pense à ça et j'essai est trop complexe pour cor­ cinéma. Maintenant, on fait seur. Il y a aussi la femme de tout sens, d'où l'effet de d'avoir de la retenue. respondre à ces schemes. de plus en plus ce métier Bianca, et le commissaire. comique. Le discours de Bian­ Alors, il faut qu'il tue pour comme on en ferait n'impor­ ca est moins essoufflant, il Q. : Tu fais aussi un usage détruire cette réalité. te quel autre. me semble. moins abondant des plans Q. : Dans «Bianca», les ti­ fixes de Michèle. rades comiques sont excel­ R.: «Sogni d'oro» est un Q. : Est-ce que c'est une ma­ Q. : Au cours de cette inter­ lentes. Pourtant le public film bavard en raison de sa R.: C'est exact. Ça me nière de le faire disparaître de view, nous avons beaucoup d'ici en perd des bouts, cer­ structure narrative com­ plaisait beaucoup l'utilisa­ l'écran? parlé des nouveaux auteurs taines références culturelles plexe, trois films dans un; tion de la machine fixe, com­ comiques. Toi, comment les étant trop précises, trop ita­ celui que le cinéaste fait, me dans les films des Tavia- R.: Oui, il restera très vois-tu? liennes. En disant cela, je celui qu'il rêve et celui qui ni. Je suis persuadé qu'il est certainement toute sa vie en pense par exemple à la plai­ raconte sa vie. C'est cet en­ beaucoup plus difficile de prison. Probablement que R.: Eh bien, chacun de santerie sur Lucio Dalla. châssement qui, selon moi, faire un film avec une camé­ mon film termine un cycle. Il nous est arrivé au cinéma produit cet effet. C'est vrai ra immobile. J'aime beau­ s'en ouvrira un autre pro­ d'une manière différente. R. : Écoute, si je parle de la que «Bianca» est moins vo- coup les cadrages fixes parce chainement. Je souhaite seu­ L'un travaillait dans le ci­ nutella, les gens ne savent lubile. J'espère continuer sur qu'ils permettent comme lement que la crise du ciné­ néma d'animation, l'autre à peut-être pas que ça s'ap­ cette voie. Je veux faire des dans les œuvres d'Eisenstein, ma italien me donne le la télévision, l'autre au caba­ pelle nutella, mais ils peu­ films moins parlés, même si le montage interne. temps de réaliser ce cycle. ret ou au théâtre. Certains vent en regarder l'image et la récitation des dialogues Chez nous, tout le monde ont encore une autre sorte me passionne. voir que c'est du chocolat. Q.: Qu'est-ce qui t'intéresse parle avec une joie morbide d'expérience. Moi, je suis Dans votre pays aussi, on dans la forme esthétique de la mort du cinéma! (rire) venu au cinéma par le ciné­ mange du chocolat, non ! Les d'un film? ma. Nos formations diverses nous font ou nous ferons films américains marchent Q. : Pour quelle raison? Q. : Et toi, en tant qu'acteur, bien en Italie, en France, au prendre des directions diffé­ R.: Surtout la combinai­ tu ne désires pas disparaître rentes. Il y a qui voudra Canada et pourtant on y R. : Parce que j'aime beau­ son des divers matériaux qui de tes films ou travailler privilégier la recherche ex­ trouve certaines références coup travailler avec les ac­ servent à construire le film. pour d'autres metteurs en pressive ou qui cherchera le typiquement américaines. teurs avant et durant le tour­ J'aime examiner les effets scène? succès commercial à tout Ce qu'il faut savoir faire, nage. Je crois que la manière combinatoires entre le mon­ prix. En commun, nous c'est suggérer. Je crois aux de dire un dialogue est très tage et la musique, entre la R. : Maintenant, je ne crois avons l'âge — nous sommes films particuliers parce que importante. Si je récite un. récitation et le cadrage. Mais pas être utile aux autres ci­ tous dans la trentaine —, et le c'est à cette condition qu'ils texte d'une manière erronée ce qui m'intéresse le plus, néastes parce que, en tant besoin de faire rire. Mais les peuvent devenir internatio­ celui.-ci devient ridicule. Il c'est le travail avec les ac­ qu'acteur, je me sentirais formes du comique chan­ naux. Je ne veux pas me faut dire attention, surtout teurs. frustré de n'avoir pu partici­ gent d'un metteur en scène à comparer à lui, mais Fellini dans les films dramatiques per à la mise en œuvre du l'autre. Carlo Verdone se faisait des films sur Rimini. où c'est la façon de dire le Q. : Dans chacun de tes films, film. Il faudrait que je colla­ réfère à la comédie des an­ Au lieu de l'accuser de faire dialogue qui est capitale. du cinéma régionaliste, on le personnage de Michèle a bore à l'écriture du scénario. nées soixante et son person­ lui a donné des oscars. De nage est un décalque de celui toutes façons, parler de la d'Alberto Sordi. Le comique solitude, de la douleur, de la de Nichetti est celui des films difficulté de vivre avec soi- muets et celui de Troisi se même, de l'incommunicabi­ rattache à la tradition de la lité, n'est pas un problème mimique napolitaine. On italien, pas plus que de mon­ Je dois dire que dans la majeure nous met dans le même pa­ trer la peur de vivre causée nier parce que nous appar­ par la crainte de la souffran­ partie des cas, je recherche un comique tenons à la même généra­ ce. tion. Le terme de «nouveaux plus mélancolique, plus intimiste, plus auteurs comiques», ce n'est qu'un formule journalisti­ Q. : Est-ce que tu peux défi­ personnel, plus existentiel et plus que! De toutes façons, en nir le type de comique que tu tant que spectateur, je pré­ recherches? fère les cinéastes des années pudique. soixante, soixante-dix, tels que Pasolini, les Taviani, R. : C'est toujours difficile Bellocchio, Ferreri, Berto- de comprendre les différen­ lucci. Ça me plaît d'aller au ces entre grotesque, burles­ cinéma pour voir leurs films. que, farcesque, ironique 4 etc.. Je dois dire que dans la Q. : Tu parles de Verdone problème des films de troi­ ou «Colpire al cuore» de cible fixe. Maintenant que Q.: À travers une sensibilité qui se réfère ouvertement au sième catégorie, où jouent des Gianni Amelio, sont deux l'appartenance idéologique méridionale, Troisi accède à jeu de Sordi. Cet acteur, tout acteurs comme Dorelli, Poz- beaux films d'auteurs qui ne signifie plus grand'chose, une réflexion intéressante comme Manfredi, Tognazzi zetto, Celentano et les autres. racontent quelque chose. est-il nécessaire de faire des sur le sens de la vie et du ou Gassman, réalise des co­ Pour respecter le public, il films ancrés dans la réalité sacré. Est-ce que «Bianca», médies qui ne renouvellent R. : Tu veux dire des films faut l'introduire dans un sociale? selon toi, aura le même im­ en rien le genre. Qu'est-ce de dixième catégorie qui univers particulier, dans une R.: Le cinéma italien a pact que «Ricomincio da que tu en dis? satisfont des exigences com­ histoire où il sent qu'il a sa dressé un portrait de nos tre»? merciales, qui remplissent place. Malheureusement, la tares sociales, de deux ma­ R. : Personne ne donnait R. : Je me sens assez loin de les salles pendant les fêtes de majeure partie du budget des nières différentes. D'une une lire du film de Troisi. ces gens-là et le fait qu'ils Noël. En tant que metteur en films dont tu parles, va à part, à travers la comédie de Des critiques importants, fassent des comédies identi­ scène, en tant que spectateur, l'acteur ou à l'actrice. mœurs, d'autre part, à tra­ lorsqu'ils l'ont vu, sont pai- ques à celles où ils ont joué, en tant que personne qui vers les films engagés des tis avant la fin de la projec­ révèle leur incapacité à re­ s'intéresse à l'industrie du Q. : Ni dans tes films, ni dans années soixante-dix, tels que tion, disant que ça ne valait nouveler le genre. Le public cinéma, j'accepte qu'on fas­ ceux de tes camarades, on ne conçus par Rossi, Damiani, rien, que c'était en dialecte qui affectionnait ces acteurs se de tels films mais je pense retrouve le spectacle de la Petri et les autres. Je ne crois napolitain et autres litanies. a changé et il veut mainte­ qu'ils devraient être mieux vulgarité, de la violence ou pas aux sujets de série A. Je Pourtant, le film a eu un nant autre chose. À la télévi­ construits. S'ils sont faits du sexe, qui caractérisait les me refuse au cinéma à thèse. succès extraordinaire, pas sion, on voit beaucoup de pour divertir, ils doivent comédies à l'italienne. Je ne pense pas non plus que seulement à Naples mais films comiques des années avoir une histoire solide. Or l'on puisse juger mes films dans toute l'Italie, et même soixante et soixante-dix, on en Italie, ce sont justement selon les canons esthétiques ici à ce que tu me dis. Donc, les films les plus commer­ R.: Je suis content que voit aussi des émissions à tu abordes cette question. Si anciens du beau et du laid. ce qui ennuie les producteurs sketchs et alors, pour inciter ciaux qui accordent le moins Mes œuvres ne suivent au­ et qui nous fait énormément d'importance à l'histoire. mes films sont pudiques, les gens à venir au cinéma, il c'est parce que je refuse de cune règle grammaticale pré­ plaisir, c'est que le cinéma faut leur servir un autre me­ Aujourd'hui, paradoxale­ cise. Je désire seulement que est complètement imprévisi­ ment, c'est le cinéma d'au­ mettre en scène le sexe de la nu. Les Italiens n'ont pas le manière dont cela a été fait la parole passe à travers le ble. Mais il faut continuer de talent des Américains pour teur qui construit des his­ cinéma, qu'elle acquiert grâ­ tourner des films que l'on toires. Avant, on avait ten­ auparavant. Je dois avouer faire des films spectaculaires. que je n'ai pas encore trouvé ce à lui, un style, un timbre sait pouvoir et devoir faire. Pour réussir, il leur faut être dance à croire qu'un film se spécifiques. Je suis contre le Pour ce qui est de «Bianca», voulant artistique, ne pou­ la façon exacte de montrer la originaux et personnels. nudité. cinéma qui colle à l'actuali­ j'ai pensé que ça marcherait Alors, même si j'admire les vait que s'interroger sur le té, qui prend pour sujet prin­ bien parce que c'est un film acteurs dont tu parles, je langage cinématographi­ cipal la première page d'un âpre, dur, sévère. L'accueil trouve que les œuvres réali­ que. Mais le cinéma hermé­ Q. : Après le boum économi­ journal. D'ailleurs, je ne suis en général a été bon. De sées par eux sont antiques. tique, le cinéma expérimen­ que, le cinéma italien a trou­ pas le seul, puisque ce genre toutes façons, le succès com­ tal, c'est déjà fini. «La notte vé dans la Démocratie Chré­ de films a presque complè­ mercial d'un film demeure di San Lorenzo» des Taviani tienne et le système des va­ tement disparu. toujours une inconnue. • £>. : En Italie, il y a aussi ce leurs qui s'y rattachait, une

Radios libres

Nathalie Lecoz d'une image de marque. u début de cet été, commerciales. suelle, fut la motivation la radio avaient été émises; D'autres, au contraire, défi­ s'est jouée une carte Ce dénouement heureux, majeure des premiers pirates la moitié de ces dossiers nissaient de plus en plus déterminante pour si l'on en croyait leurs de la radio en 197/7. On ne avaient été passés au peigne leur vocation commerciale. l'avenir des radios attentes en, matière de survie parla plus de «pirates» fin par la commission Mais le projet de loi, exposé libres en France. En financière, n'eut certes pas depuis l'entrée de Mitterand Galabert; celle-ci, effectuant et discuté en long et en effet, le 12 juin, le la même saveur que leurs à l'Elysée en 81. L'euphorie un premier tri, avait soumis large au Festival, paraissait gouvernement Mitte- victoires passées. Désormais fut grande, les radios 1504 demandes à la Haute conciliant. Il prévoyait trois rand retournait enfin liées au secteur commercial, désormais «libres» se multi­ Autorité de la communica­ statuts pour les radios. sa veste, en adoptant on peut se demander dans plièrent. Mais la bande FM tion audiovisuelle chargée Selon les termes de Jean- le projet de loi qui autorise quelle mesure l'autonomie étant limitée, l'État entre­ de délibérer définitivement. Michel Galabert, porte- Adorénavant ces radios à des radios libres sera asser­ prit bientôt d'assurer une Au nombre de ces demandes, parole du projet à LaRo- recevoir de la publicité sur vie par ce nouveau parte­ distribution cohérente des la Haute Autorité donna chelle, il s'agit des «radios leurs ondes. Cette loi se fai­ naire. fréquences. Pour satisfaire suite aux demandes de 1100 sociétés» qui s'auto­ sait attendre depuis long­ toutes les demandes, l'en­ radios, leur accordant enfin financeront par la publicité, temps. Elle devait permet­ treprise n'était possible autorisations et fréquences. des «radios associatives tre de tirer une vieille épine qu'en restreignant le rayon Ainsi, à peine à mi- commerciales» subvenant à du pied des radios, en résol­ de diffusion de chaque chemin dans la planifica­ leurs besoins par un peu de vant le problème encore radio à 35 km. On en fit tion des fréquences, sur­ subventions et de publicités entier de leurs sources de donc une loi à laquelle s'en vient ce coup de théâtre locales, et enfin, des «radios financement. Sans doute ajoutèrent plusieurs autres: qu'est l'introduction de la associatives», sans messages fallait-il interpréter cette au moins 80% de la pro­ publicité. M. Fillioud, publicitaires mais bénéfi­ volte-face juridique comme grammation d'une radio ministre des communica­ ciant de subventions'. La une victoire de plus pour «locale» se devait d'être une tions, affirmait alors: «Nous clarification des conditions les radios libres. Pourtant confection maison; la radio avons rendu possibles proposées par l'imminente celles-ci, réunies quelques devait être une association à toutes les radios libres, il loi ne sut pourtant pas dis­ dix jours plus tôt à LaRo- but non lucratif; la publi­ faut aujourd'hui rendre siper la tension qui planait chelle dans le cadre du 3° cité était interdite sur les libres toutes les radios pos­ sur le Festival de la FM. Des 2 Festival annuel de la FM, . ondes. En vertu de ces nou­ sibles» . Mais soucieux ù«. représentants de radios semblèrent avoir oublié de On ne saurait saisir l'im­ velles lois, la distribution préserver la vocation locale marchandaient auprès des s'en féliciter. portance de cette nouvelle des fréquences passa donc et communautaire des agences et des régies publi­ alliance, sans la réplacer au par l'autorisation d'émettre. radios, le ministre profita Le désir de se financer citaires qui gravitaient terme d'une petite Histoire Entamée en 82, une lente de l'occasion pour réitérer par la publicité n'a jamais autour des ateliers, pendant des radios libres. En voici procédure poursuit encore son refus aux «réseaux four­ fait l'unanimité des radios, que d'autres exprimaient donc les grandes lignes. son cours aujourd'hui: au nisseurs de journaux clés en soit. Certaines, et souvent leur inquiétude de voir leur Une bataille juridique, 20 mai 84, 2630 demandes main»5. En effet, leur pré­ les plus démunies, refusent radio étouffée un jour ou menée en brisant de force le d'autorisation accompa­ sence à LaRochelle en faisait cette forme de financement l'autre par les radios monopole d'État sur la gnées du dossier détaillé de foi: agences publicitaires et avec virulence au nom communication audiovi­ aussi agences de productions grands groupes financiers la concurrence, susciter endroits trop chargée, nul Si à cette époque elle dut sonores (bulletin d'informa­ auraient eu beau jeu de l'amélioration du traite­ •n'a besoin d'une oreille subir quelque temps la tions. magazines, etc.), atti­ s'emparer du secteur radio- ment de l'information dans avertie pour reconnaître concurrence d'une douzaine rées par l'ouverture d'un nou­ phonique et du même coup les radios locales, tout déjà le bourdonnement de radios privées, celles-ci veau secteur commercial, sont de créer des monopoles pri­ comme celles-ci ont stimulé d'une petite guerre: celle furent forcées de mettre la prêtes depuis longtemps. Et vés de l'information. Si Radio-France» affirmait menée à coups de puissance clef sous la porte dès la bien sûr, elles sont fort inté­ cette menace persiste tou­ avec optimisme Jean-Michel d'émetteurs. Or cette puis­ Libération. Toujours à la ressées à collaborer avec jours, la presse écrite régio­ Helwig, représentant du sance là se paie très cher. Libération, fut créée la plusieurs radios, c'est-à-dire nale a néanmoins eu le journal Libération au Fes­ L'Alsace offre un exem­ SOFIRAD (SOciété Finan­ à établir des réseaux. temps de rajuster son tir. tival de la FM. Cette affir­ ple, le plus probant peut- cière de RADio). entière­ On a donc vu, depuis 81, Drainant un important mation semble bien fondée. être, qui permettra d'illus­ ment subventionnée par s'échafauder, autour d'un marché publicitaire local, Mais comme on l'a pres­ trer ces derniers propos. l'État français. Presqu'aus- mouvement social auto­ elle a courtisé les radios ou senti à la ligne de déoart. Dans cette région, 15 radios sitôt, les parts étrangères à nome et clandestin pendant évolué vers la formule mul­ les coureurs ne sont pas de émettent sans y être encore RMC ayant été mises en quatre ans, une série de timédias. Il est clair, bien force égale. Petites, très autorisées. Parmi elles, dif­ vente, la SOFIRAD s'em­ mesures qui visaient non que non avoué, que la grandes, sans publicité et fusant depuis Strasbourg, para de la station en y déte­ seulement à préserver l'exis­ récente modification de la conservant farouchement Radio Dreyeckland et Radio nant 83,44% du capital. À tence des radios mais aussi à législation des radios leur vocation locale, les Nuée Bleue se disputent le Europe 1, quelques mois consolider leur implanta­ locales, est due en réalité au radios se bousculent. Il y a même auditoire. Dreyelk- d'existence lui suffirent tion. L'émergence de ces fait que l'État ne pouvait même au sein d'une radio land était une des pre­ pour qu'un particulier radios étant à elle seule un que céder à la pression des ceux qui disent oui ou non mières pirates en 77: écolo­ français, Floirat, et sous les violent signe de contesta­ faits. Comme on l'a dit plus ou peut-être à la publicité. giste, et s'étant alliée la bons hospices de l'État haut, les radios «sponsori­ Et surtout, il y a souvent français, achète le tiers de la tion à l'emprise de la droite 5 population, elle avait gagné au pouvoir, les socialistes sées» , discrètement ou non, toutes ces tendances et une bataille contre l'im­ station. En 59, un autre saisirent l'occasion: loin de avaient déjà la voix haute toutes ces inégalités sur une plantation d'une usine tiers est acheté par la vouloir les museler, ils tin­ sur la bande FM: «RFM même aire de diffusion. chimique dans la région, et SOFIRAD. Aujourd'hui, rent la promesse de tirer les émet le vendredi en direct en avait perdu une autre, MATRA se partage avec la radios du joug de la clan­ du Nouvel Observateur aboutissant à la construc­ SOFIRAD la majorité des destinité. Dès lors libérées après avoir diffusé pendant tion de la centrale nucléaire parts d'Europe 1 et possède d'un espace social qu'elles l'été un magazine loisirs de Fessenheim. Aujour­ un droit de regard sur les avaient elles-même créé, les depuis l'hôtel du Club d'hui, cette radio résolu­ nominations aux postes de radios libres devinrent un Méditerranée à Neuilly-sur- ment associative, multiplie direction. Quant à RTL, espace commercial poten­ Seine. Radio Service Tour ses petits émetteurs vers le elle échappa longtemps au tiel. Leur reconnaissance Eiffel a trouvé en Citroën milieu rural, en fuite devant contrôle de la France. Mais officielle faisant abstraction un puissant partenaire, etc.» la puissance d'émission de elle obtint cependant une de mesures visant à assurer «95,2, la station liée à Eu­ Nuée Bleue. Cette dernière, prépondérance financière leur survie, celles-ci s'ins­ rope I, a conclu un accord plus récente et commerciale, sur la station par l'entre­ taurèrent petit à petit en avec la chaîne de fast food est le fruit de la formule mise d'un particulier nommé dépit de la loi. En effet, si O'Kitch: organisation de multimédias adoptée par un par l'État français entre 66 concerts en commun, et pro­ et 74. Depuis, l'État veille à certains, à l'époque où l'on 6 joui liai régional : «Dernières parlait de révolution des motion réciproque». Les Nouvelles d'Alsace». Par ce que les administrateurs ondes, étaient animés par le exemples abondent. ailleurs, ce journal est la délégués français de la sta­ souci de remettre en cause propriété du puissant groupe tion se succèdent d'assez tout le système d'informa­ français MATRA, dont près. tion y compris l'informa­ Il n'est pas étonnant non l'État est le premier client et plus de voir le gouverne­ tion publicitaire toujours qui tire la moitié de son Les artisans des radios ment Mitterand céder à cette faite à sens unique, les chiffre d'affaires du domaine locales connaissent fort bien pression en plein milieu de mouvements radicaux fini­ de l'armement. cette histoire du monopole son septennat: sa popula­ rent par s'éteindre. quasi constant de la com­ rité est dangereusement en munication radiophonique. baisse, le problème grandis­ Bref, il n'est peut-être pas La loi sur la réglementation sant du chômage ne se règle Il est évident que parmi surprenant que beaucoup se de la publicité répondait à pas. Or la radio porte en ces radios, nées d'une demandent si la manœuvre un besoin pour leurs radios. elle une source de regain conjoncture particulière et maintenant amorcée n'est Mais elle les propulse du commercial et peut offrir qui ont survécu jusqu'à pas une façon de passer au même coup dans un champ des emplois. Bien plus, un maintenant, plusieurs sont tamis. Du moins, plus per­ où l'échelle des enjeux gouvernement ne peut se essoufflées de fonctionner sonne ne doute que l'évolu­ commerciaux surpasse de mettre à dos les médias. avec des moyens minimes et tion du contexte juridique a loin la survie d'une petite Reste à voir ce qu'il advien­ un personnel bénévole. Il y On peut sans peine ima­ remodelé le visage des radio et de quelques béné­ dra de l'interdiction de créer avait aussi les agences de giner comment s'instaurera radios locales en bien peu voles. D publicité, d'information et des réseaux. Car ceux-ci, la compétition entre les de temps. Le monopole éta­ de production d'émissions réseaux d'information, de radios commerciales. Les tique de la communication productions radiophoni- qui sollicitaient depuis un petites et même les radiophonique a été brisé, NOTES: certain temps. Elles trouvè­ ques, de services (tels: moyennes, sûrement, y per­ certes. Mais on peut se /: Ces subventions sont tirées du rent du répondant auprès de conseils en marketing, dront des plumes. Entre demander s'il est encore fond de péréquation alimenté par radios déjà en place. Et sur­ matériel, formation, etc.), éclaté ou s'il n'est pas à les recettes publicitaires du système commerciales et associa­ audiovisuel. tout, elles suscitèrent l'ap­ ou même chaînes de radios tives, l'enjeu se résume à même de se reconstruire. (comme NRJ-Paris, asso­ L'Histoire est à coup sûr parition d'une nouvelle l'étendue de leur cote 2: Le Monde. 14 juin 1984. génération de radios com­ ciée par un système de fran­ d'écoute. Les premières ont éloquente. chise à 10 radios de 10 merciales qui diffusaient besoin des auditeurs qui î: Producteurs d'émissions ou de déjà avant l'assentiment du grandes villes de province) Celle des communica­ achèteront les produits de tions françaises révèle à bulletins d'informations diffusant 12 juin. sont déjà constitués. Parmi généralement en simultané sur un leurs commanditaires. Pour plusieurs reprises que la les prestataires fournissant les secondes, la survie tient réseau de radios. Mais pourquoi donc des services à un réseau de réacquisition d'un mono­ à leur dynamisme, et celui- pole est une affaire de cou­ avoir tardé si longtemps radios, ne mentionnons ci repose sur un bon roule­ 4: La péninsule italienne fut le lisses passant par un judi­ berceau du mouvement des radios avant d'ouvrir officielle­ que: Ha vas, Publicis, Ofré- ment de leurs adhérants ment les portes à la publi­ dia (filiale de l'agence de cieux réajustement de libres en Europe. Aucune loi. si ce bénévoles. Or, qui sont ces capitaux et de nominations ii csi l'autorisation d'émettre votée cité sur les radios locales? publicité Bélier qui offre adhérants sinon leurs pro­ en 76. ne les encadre. En 83. 2000 En juin, la grande presse et des émissions gratuites à des postes de direction. Ce radios se disputaient l'antenne! pres auditeurs? Il n'est pas fut le cas des trois radios les radios réclamèrent des parce que «sponsorisées»), dit à l'avance que la survie Plus de la moitié sont regroupées justifications. Les autorités Fréquence Service (détenue qui diffusent en France en en trois grands réseaux. Toutes de l'une ou de l'autre de ces provenance de pays péri­ s'auto-financent par la pub. rappelèrent le danger de majoritairement par Europe I radios soit compromise. l'anarchie à l'«italienne».4 et qui réalise et vend des émis­ phériques. Il s'agit de «Faisons plutôt confiance Radio Luxembourg (RTL), 5: Commanditées, ou bénéficiant En plus de planifier et de sions de chroniques litté­ aux auditeurs. Il en est bien raires, sportives, des inter­ émettant depuis 1932, de de services en échange d'espaces distribuer les fréquences, il peu qui accepteront de publicitaires, ou panaiiicrv fallait éviter de déstabiliser views ou encore conseille et Radio-Monte-Carlo (RMC) retrouver sur la bande FM créée en 42, et de Europe 1, trop rapidement le marché équipe en matériel tech­ 6: Libération 13 nov. 1984. la publicité qui les a fait diffusant de la Sarre en publicitaire, minant ainsi nique). fuir les grandes ondes»7. l'équilibre des médias écrits Allemagne depuis 55. Rap­ 7: Propos de J.J. Queyranne, secré­ Mais en jouant avec le bou­ pelons que la radio natio­ et celui encore précaire des ton d'une bande FM par taire national du PS à la culture, radios. En un pareil cas, les «L'introduction de la nale française date de 1927. recueillis par A. Cojean. Le publicité va, en poussant à Monde. 1er juin 1984. Le clair-obscur de l'imagination théâtrale dans la nuit du sexe

Wladimir Krysinski

Carbone 14 présente «Le Rail», un acteurs prennent trop au work in progress dirigé par Gilles sérieux la substance narra­ Maheu avec la participation et la tive que leur fournissent collaboration de: Lou Babin, Lome L'Hôtel blanc de D.M. Tho­ Brass, Olga Claing, Johanne Ma- mas et In the Belly of the dore, Gilles Maheu, Ginette Morin, Beast de Jack Henry Abbott. Luc Proulx et Jerry Snell. Re­ Ces romans à succès construi- cherche et conception des éclai­ sent un discours de la sexua­ rages: Pierre-René Goupil. Musi­ lité qui, bien que choquant que: Lome Brass et Luc Proulx, de prime abord, tourne un extraits chantés de la Traviata de peu à la mièvrerie, à une Verdi. Costumes: madame Morin sorte de kitsch erotique enve­ et le costumier du Roy. loppé en bonnes références freudiennes sans oublier San- a nuit du Railtsi théâ­ menl du désir. Celui-ci cir­ chances de devenir le moi» tacle, celle-ci est, certes, réus­ dor Ferenczi et la demeure tralement construite. cule à toute vapeur sur celle de la célèbre incitation freu­ sie, et elle porte bien le poids viennoise du grand maître, C'est une nuit surchar­ scène moile, expressionniste dienne. de flammes dont on l'afflige. la célèbre Berggasse 19. gée de symboles, de dont les murs sont aussi La théâtralité du liait se L'arsenal de moyens lumi­ lumières qui bougent symboliques et mobiles, et construit comme postulation neux est impressionnant et il Ces exclamations, mono­ et <|ui s'éteignent, de dont l'univers est confusion du mouvement de l'ombre et ne déroge aucunement à sa logues violents, expectora­ flammes qui mar­ et violence du corps. La pro­ de la lumière, du cri et de la vocation qui consiste à créer tions de la libido, jambes en chent, portées par les gression du spectacle est struc­ tendresse. Celte théâtralité se et à porter l'atmosphère. l'air, sueurs chaudes et froi­ silhouettes humaines. turée autour des cris et chu­ veut surtout lumineuse dans L'expressionnisme du spec­ des, tristitia post coilum, Il y a donc au départ dans ce chotements, aveux sincères l'obscurité du corps qui n'a­ tacle est évident encore qu'il tout cela est malheureuse­ Rail une théâtral iié nocturne et râles, accouplements ima­ choppe pas à la nuit; au ne soit pas insistant. ment pompé dans le specta­ Lpour ne pas dire c htonienne. ginaires ou, si l'on veut, contraire, il y est dans son Le génie théâtral de Gilles cle qui en même temps cô­ Dans ce Hades onirique do­ réels. Le scénario fantasma­ élément. Les «lumières à Maheu sort indemne de ce toie une sorte de réalisme à la mine le rythme cahotique et tique, construit en spirale basse tension, phares d'aulo, spectacle. Il est à sa hauteur manière du music-hall amé­ brutal du désir. Gilles Ma­ oppressante d'une libido qui d'avion, néons et le feu sous plus qu'habituelle. Donc, ce ricain. J'aurais préféré plus heu construit une symboli­ cherche à tout prix à se loca­ toutes ses formes: bois, cire, Rail est un très bon specta­ de cruauté et plus de peste au que explicite de la nuit du liser et à s'expliquer sur ses huile, papier, alcool, gaz» — cle; sans être un grand spec­ sens d'Antonin Artaud; mais sexe, du théâtre de l'incons­ jouissances et sur ses inten­ Cilles Maheu explique ainsi tacle. Pourquoi? Je dirai le théâtre n'a pas toujours cient. Le rail est phallique tions, ce scénario a une force le spectre lumineux du spec­ tout d'abord que sa perfec­ son double avec lui se mou­ et il se jette dans un no man's magique certaine. Il s'agit là tacle qui se fraie un chemin tion est trop linéaire, trop vant. Tel quel, ce rail vaut le land du fantasme; et le fan­ d'une magie de l'inconscient dans l'obscurité. Si la théâ­ «évidente» et narcissique. voyage. Q tasme, tomme Freud nous le qui restera le ça «toute sa vie tralité peut être définie com­ Cela vient probablement du dit, c'est I'inaccomplisse- durant quelles que soient ses me devenir magique du spec- fait que le réalisateur et les

La voix de Carmen Jolin Wladimir Krysinski Poésies chantées par Carmen Jolin lils n'a pas honte de se répé­ pour Faims, Chanson de la Le répertoire, original et au Groupe de la Veillée. ter. Combien de voix avons- plus haute tour, et En)anic très cohérent, est enué pour nous entendues, qui ont été de Rimbaud, Teo Spychalski une large part dans la réus­ généreuses, denses, chaleu­ a conçu le chant. C'est d'ail­ site de ce récital, mais par lle ne s'avance pas reuses? Il y a bien sûr aussi la leurs un des points forts de la dessus tout il y a eu la pré­ masquée. Dans l'ob­ technique, le répertoire et la soirée. La musique donc sence de Carmen Jolin qui scurité de la salle sa­ musique qui ont contribué s'entend et s'écoute bien. Elle s'est imposée comme artiste chant qu'on la re­ au succès de ce premier réci­ est dans la tonalité domi­ et qui n'aura aucun mal à garde, elle cherche un tal de Carmen Jolin au Grou­ nante du récital: un lyrisme conquérir le public. Ce con­ visage ou plutôt, elle pe de la Veillée. concentré entre la tristesse et cert remarquable s'inscrit choisit un visage. la sagesse. dans le projet artistique glo­ Quand elle chante, La quête de la perfection bal du Groupe de la Veillée c'est à ce visagequ'elle implique un contrôle qui— Les poésies choisies par qui a produit, rappelons-le, s'adresse l'espace d'une stro­ dispute ses droits à la spon­ Carmen Jolin et Teo Spy­ un très puissant Nijînski de phe et peut-être même pen­ tanéité. Carmen Jolin ne chalski sont de tout premier E Gabriel Arcand et une adap­ dant toute une chanson. Il y veut pas se tromper. Elle ne ordre. Arthur Rimbaud do­ tation magistrale de L'Idiot a là comme une communica­ se trompe pas. Il y a cepen­ mine, mais il y a aussi Bau­ de Dostoïevski dans une mise tion intime, mais sous le dant celte marque de la cor­ delaire, Rilke, Akhmatova, en scène de Teo Spychalski. regard des autres. À combien rection absolue, qu'on voit et Sylvia Plath et deux poètes D'autres spectacles sont en de visages s'est-elle adressée? qu'on entend parfois. L'art polonais: Baczynski et C/e- La volée blanche (Akhmato­ préparation. Par la qualité et M'a-t-elle adressé La solitude consiste à cacher l'art. Car­ chowic/, dont la berceuse a va) et Nina (Rimbaud) par l'originalité de ses produc­ dont elle a composé la musi­ men Jolin n'ose pas toujours d'ailleurs été chantée dans la Pierre Voyer. Signalons aus­ tions, Le Groupe de la Veil­ que sur un poème de Rilke? le faire. langue originale. Pour une si la musique de Tygmunt lée est incontestablement La voix de Carmen Jolin est oreille polonaise, la compré­ La musique est presque Konieczny pour les deux devenu un lieu théâtral par­ généreuse. Elle est dense hension était facile, et Car­ entièrement l'œuvre de Car­ chansons empruntées au ré­ mi les plus importants de aussi, profonde et chaleureu­ men Jolin doit en être félici­ men Jolin, secondée unique­ pertoire de la chanteuse po­ Montréal. D se. La banalité des qualifie a- tée. ment dans Phèdre (Racine), lonaise Eva Demarczyk. Et 4M<&* *

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