Grand Conseil Et Conseil Privé
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CENTRE HISTORIQUE DES ARCHIVES NATIONALES GRAND CONSEIL ET CONSEIL PRIVÉ 5 6 REPERTOIRE NUMERIQUE DES SOUS-SERIES V ET V par Émile CAMPARDON archiviste aux Archives nationales revu par Jean-Pierre BRUNTERC’H et Françoise HILDESHEIMER conservateurs en chef aux Archives nationales 2000 SOMMAIRE INTRODUCTION ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE 5 V . GRAND CONSEIL. 6 V . CONSEIL PRIVE. 78 INTRODUCTION La fausse étymologie « rex a recte » manifeste clairement le caractère essentiellement judiciaire de la monarchie : le roi est source de toute justice. Si l’exercice de la justice est très largement déléguée aux officiers (juges délégués), le souverain garde jusqu’à la fin de l’Ancien régime la prérogative de rendre personnellement la justice et ses sujets la possibilité de s’adresser directement à lui par la voie directe du placet. La tradition médiévale du jugement personnel étant devenue une survivance peu usitée, la justice retenue du roi – qui est règle et non exception – s’exerce par divers moyens qui traduisent les modes d’intervention divers dont use le pouvoir royal dans un système qui, rappelons-le, ignore la séparation des pouvoirs. Lettres royaux (lettres de cachet, lettres de grâce), jugements par commissaires, évocations générales, privilèges de juridiction sont ses moyens d’intervention qui la rendent omniprésente. Parmi ceux-ci il faut faire mention spéciale de l’intervention du Conseil du roi, organe de gouvernement, qui a toujours eu en même temps un caractère judiciaire et administratif1. Le Conseil, quelles que soient sa formation et ses interventions, est un et agit au nom du roi dont il ne peut être disjoint. Il s’était progressivement subdivisé en séances dont l’une, apparue sous le règne de Charles VII, correspondait à sa formation judiciaire chargée de juger une masse de plus en plus importante de procès privés. Pour en dégager son Conseil, Charles VIII, par édit d’août 1497, l’en détacha en l’érigeant en cour souveraine sous le nom de Grand Conseil. En dépit de cette mesure, les justiciables ont persisté à s’adresser directement au roi de préférence à une cour souveraine jugée trop séparée de la personne royale ; c’est la raison pour laquelle le Conseil continua jusqu’à la Révolution à exercer la justice retenue sous l’appellation de Conseil privé ou des parties. Telle est l’origine institutionnelle des deux fonds d’archives conservés sous les cotes V5 et V6 émanant de deux institutions proches, ce qui justifie une présentation commune, mais qui ne doivent pas être confondues. Le Grand Conseil est demeuré une institution hybride et contestée. Cour souveraine au ressort s’étendant à l’ensemble du royaume, fixée à Paris sous Henri II (successivement au Louvre, aux Augustins, dans le cloître de Saint-Germain l’Auxerrois, à partir de 1686 à l’hôtel d’Aligre, au Louvre à nouveau à partir de 1754), elle ne cessa d’entretenir la fiction de son appartenance au Conseil et de revendiquer une supériorité sur toutes les autres cours souveraines, tandis que les parlements iront jusqu’à lui contester sa qualité de compagnie souveraine. L’utilisation qui en sera faite, dans le cadre du pluralisme judiciaire, et surtout pour remplacer les parlements exilés ou en grève, ainsi que dans le cadre d’affaires conflictuelles attisera encore la haine des autres cours. Universellement haï et décrié, et en dépit d’une histoire institutionnelle mouvementée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle où il fait figure de pion sur l’échiquier du conflit entre le pouvoir royal et les parlements (l’arrêt du Conseil du 10 octobre 1755 enjoignant aux tribunaux inférieurs 1 Les archives qui résultent de ses fonctions administratives forment la série E des Archives nationales. 79 de se conformer à ses arrêts sera l’objet d’un long conflit avec le parlement et, en 1771, Maupeou y puisera les officiers de ses nouveaux parlements), il n’en subsistera pas moins jusqu’à la Révolution. Du fait du maintien du rôle judiciaire du Conseil privé, le Grand Conseil n’a pas conservé la généralité de compétence qui correspondait à ses origines et est devenu une juridiction d’attribution dont les compétences sont fixées au gré des circonstances par la volonté royale qui use ainsi des possibilités d’un pluralisme juridictionnel qui, en dépit de sa logique propre, n’a que peu à voir avec les catégories fixes qui nous sont aujourd’hui familières. C’était ainsi une juridiction d’exception compétente par voie d’évocation particulière ou générale, soit par voie d’attribution, régulatrice suprême de la justice déléguée, souvent employée pour établir une jurisprudence uniforme dans tout le royaume sur un certain nombre de matières. La justice s’y rendait gratuitement. Parmi ses compétences on peut retenir l’attribution exclusive, par évocation générale, des causes concernant les bénéfices majeurs en raison de l’obstination des parlements à ignorer le concordat de Bologne, du contentieux de la bulle Unigenitus, la conservation de la juridiction des présidiaux (jusqu’en 1777) et des prévôts des maréchaux, par voie d’évocations particulières, des procès concernant les grands personnages, les congrégations et ordres religieux, et, par voie d’attribution, les règlements de juge en cas de conflits de juridictions, les conflits de jurisprudence entre parlements, nombre de procès relatifs aux bénéfices et aux offices, et tout un contentieux administratif varié (notamment les faux en matière de lettres royaux). Il est à noter que, sur plusieurs points, la jurisprudence du Grand Conseil différait de celle du parlement. La cour était également destinataire des actes royaux pour enregistrement : il faut d’ailleurs signaler que de novembre 1789 à août 1790 au moins, le Grand Conseil a enregistré les lettres patentes rendues sur des décrets de l’Assemblée nationale constituante pour en assurer la promulgation (on trouve des traces de cette activité dans le registre V5* 1280). Enfin, le roi lui demandait des avis sur diverses matières judiciaires et administratives. Finalement, le Grand Conseil peut être considéré comme ayant été à la fois tribunal des conflits, tribunal administratif et tribunal d’exception. L’édit de création d’août 1497 précisait que la présidence du Grand Conseil revenait au chancelier assisté de maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel et créait dix-sept conseillers ordinaires dont Louis XII porta le nombre à vingt distribués en deux semestres (édit de juillet 1498). Sous François Ier s’y adjoignent un premier président, puis quatre présidents à mortier et tandis que le chancelier n’exerce plus sa présidence sauf en des circonstances exceptionnelles, les membres du Conseil y cèdent la place à un personnel d’officiers analogue à celui des autres cours souveraines. A la fin de l’Ancien Régime, le Grand Conseil se compose d’un premier président, huit présidents, quarante-huit conseillers, un procureur général, un avocat général et huit substituts, auxquels il faut ajouter secrétaires, greffiers et huissiers. Constituant la sous-série V5, les archives laissées par le Grand Conseil comptent 1327 articles qui peuvent être répartis sous les grandes rubriques suivantes : — Minutes d’arrêts (arrêts sur rapport et arrêts d’audience) — Arrêts transcrits sur parchemin — Plumitifs — Registres du conseil secret — Actes royaux et pontificaux enregistrés — Registres du greffe — Procès-verbaux en matière civile 80 – Saisies réelles et adjudications – Conclusions du parquet — Epaves (arrêts grossoyés, plaidoyers corrigés, interdictions). On a vu qu’au sein du Conseil du roi, peu à peu les séances consacrées à l’examen des affaires civiles s’étaient différenciées. Leur existence autonome fut consacrée par le règlement de 1557, et elles prirent le nom de Conseil privé ou des parties. En dépit de la création du Grand Conseil, cette activité d’exercice de la justice retenue ne tarit point et les règlements du Conseil des années ultérieures constatent même son engorgement et prescrivent le renvoi des affaires aux juges ordinaires, tandis que sa compétence se précise peu à peu. Il intervient essentiellement pour juger des procès civils opposant des particuliers, ainsi que, en tant que de besoin, pour régler l’ordre des juridictions. Le Conseil privé, théoriquement formation large du Conseil, ne voyait siéger normalement, sous la présidence théorique du roi et effective du chancelier, que les conseillers d’Etat et les maîtres des requêtes. Il disposait de divers modes d’action : – l’évocation (ôtant la connaissance d’une affaire à ses juges naturels) de justice (de droit car correspondant au désir d’assurer l’impartialité du jugement d’une affaire dont les parties avaient des alliés parmi les juges naturels), de grâce ou sur requête (faveur et non plus droit), ou de propre mouvement (à la seule initiative du roi) – la cassation (annulation d’une décision de justice prise en dernier ressort, qui ne suppose pas de jugement sur le fond) – les règlements de juges (arbitrage en cas de conflits de compétence entre juridictions). En cas d’évocation ou de cassation, le Conseil pouvait soit trancher lui-même l’affaire, soit (le plus souvent) la renvoyer devant une autre juridiction pour y être à nouveau jugée. Il faut faire une mention particulière de ses interventions pour arrêter l’usage des biens des ordres hospitaliers et militaires, ainsi que l’affectation d’établissements hospitaliers à la suite de l’édit de mars 1693 les désunissant de l’ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et de Saint-Lazare auquel ils avaient été annexés par édit de décembre 1672. Le greffe du Conseil privé est celui qui a subi le moins de destructions. Les archives du Conseil privé, qui forment la sous-série V6 composée de 1520 articles, sont essentiellement constituées par la collection chronologique de ses arrêts (originaux-minutes : V6 1 à 1154 et 1165 à 1168, et transcriptions : V6 1171 à 1220 et 1521 à 1527).