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Cap-aux-Diamants La revue d'histoire du Québec

Témoignages

La guerre de la conquête Numéro 99, 2009

URI : https://id.erudit.org/iderudit/6727ac

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Éditeur(s) Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.

ISSN 0829-7983 (imprimé) 1923-0923 (numérique)

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Citer cet article (2009). Témoignages. Cap-aux-Diamants, (99), 73–84.

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Cette deuxième partie regroupe les témoignages de consuls généraux qui ont œuvré à Québec entre 1967 et 2009 : Pierre de Menthon (1967-1971), Henri Rethoré (1979-1983), Renaud Vignal (1983-1987), Daniel Jouanneau (1987-1989), Camille Rohou (1989-1992), Dominique de Combles de Nayves (1992-1996), Dominique Boché (1996-2001), François Alabrune (2004-2009). Également, les témoi­ gnages de deux personnalités françaises qui ont participé à des titres divers à la mise en œuvre de la relation bilatérale : Bernard Dorin et Pierre-André Wiltzer. Enfin, deux personnalités québécoises qui ont exercé à la fois les fonctions de ministre des Relations internationales (ou Affaires intergouvernementales) et de délégué général du Québec à Paris : Louise Beaudoin et Marcel Masse. Les témoignages des consuls généraux et des personnalités françaises ont été recueillis soit lors de rencontres, soit par des témoi­ gnages écrits, ou encore dans les documents d'archives, par Jean Fortin, directeur de la coopération à la Délégation générale du Québec à Paris et par Jean-François de Raymond, ancien conseiller culturel, scientifique et de coopération du consulat général de France à Québec. Nous devons à ce dernier une large partie de la synthèse qui suit. Les propos des personnalités québécoises ont été recueillis lors d'entretien par Bertrand Juneau, retraité du ministère des Relations internationales du Québec.

a décennie 1960, qui connut la ration bilatérale dessinée par Alain Pey- auprès du Québec, dans la continuité de l_-/profonde transformation de la refitte. En mai 1967, la visite à Paris du 42 ans de relations. Nous suivons l'ordre société québécoise jusqu'au tournant des premier ministre Daniel Johnson, puis chronologique de leurs témoignages qui années 1970 et 1980, fut une période dé­ l'invitation au général de Gaulle à se ren­ est celui de l'Histoire. terminante pour les relations du Québec dre à Montréal en 1967 pour l'Exposition Six mois après le voyage du général avec la France. On le voit avec l'accueil universelle débouchent sur le voyage du de Gaulle, un nouveau consul général, que le général Charles de Gaulle réser­ général (23-26 juillet) au Québec. Une Pierre de Menthon, est nommé à Qué­ va au premier ministre Jean Lesage, le ère nouvelle s'ouvre pour les relations bec, le 5 décembre 1967. Le général le 5 octobre 1961, en lui adressant des mots bilatérales. convoque le 6 janvier 1968, pour lui don­ d'attachement, puis lors de l'inaugura­ Alors, en quelques mois, de la fin de ner oralement ses instructions. « Il avait tion, avec André Malraux, de la Maison l'année 1967 au mois de mars 1968, va en vue, rappelle M. de Menthon dans ses du Québec à Paris, suivie de son éta­ s'effectuer le changement de statut du mémoires, un développement intensif et blissement, début 1965, en Délégation consulat général à Québec. C'est cette urgent des échanges entre la France et le générale du Québec à Paris dotée d'un période de renaissance que nous remé­ Québec - la tâche était toute tracée » (Je statut diplomatique. Lentente en matière morons. Onze consuls généraux s'y suc­ témoigne : Québec 1967, Chili 1973). d'éducation signée avec le Québec, le 27 céderont jusqu'à nos jours, marquant la Le nouveau consul général rapporte février 1965, inaugure une ample coopé­ permanence de la présence de la France sobrement cet entretien. Le général ré-

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 j 73 C O sume en une demi-heure sa vision de la conclut le télégramme, « les services de O situation psychologique, politique, consti­ l'ambassade n'ont donc plus, sauf excep­ tutionnelle du Québec, et le sens de son tion, à en traiter directement ». histoire, dont le mouvement, inéluctable à Afin d'assurer cette mission, l'ensem­ ses yeux, « débouchera fatalement sur une ble des services du consulat, y compris les forme ou une autre d'indépendance, qui agents résidant à Montréal, relèvent de u n'exclut pas, du reste, la Confédération ». l'autorité du consul général à Québec. -Q D'une part, la coopération franco- Celui-ci correspondra directement avec le québécoise doit être dynamisée et « à ministère, sauf dans les cas où il consul­ 3 double sens », dans les domaines de tera l'ambassadeur. Tous les télégrammes l'enseignement supérieur et technique, qui lui sont adressés par le Département O et accompagnée par des relations écono­ sont communiqués à l'ambassade. miques. De façon générale, les uns et les Comme le commente Pierre de Men­ u autres, « Français et Français du Qué­ thon : « Lune de mes premières tâches bec », doivent apprendre à se connaître. sera de transformer ce poste, encore peu c D'autre part, le consulat général de développé, en une sorte d'ambassade, France à Québec est appelé à « chan­ avec un personnel beaucoup plus nom­ ger de statut. Il n'est pas normal qu'il breux... et une plus large autonomie... I dépende d'Ottawa - de l'ambassade -, des communications. J'aurai un rôle po­ eu mais une telle évolution doit être pro­ litique à jouer. Enfin il est convenu que gressive. Ne rien brusquer... », dit le gé­ notre ambassadeur à Ottawa fera preuve g néral. Cette orientation nouvelle « dic­ de discrétion; il ne viendra que rarement tera entièrement » la conduite de Pierre à Québec ». C de Menthon. Ces instructions, qui constituent Deux mois et demi plus tard, un té­ l'acte de transformation du consulat dans Pierre Bernard Marie de Menthon (1913-1980), légramme du 14 mars signé par Maurice son statut et dans son rôle, demeureront consul général de France à Québec du 5 décembre Couve de Murville, ministre des Affaires la référence, et ces dispositions seront des 1967 à décembre 1971. (Archives du consulat général de France à Ouébec). étrangères, qui aurait été préparé par plus utiles après la disparition du général 3 Jean-Bernard Raimond, alors directeur de Gaulle. Toutefois, leur mise en œuvre w> les volets concernant la science et la tech­ C adjoint du Cabinet, est adressé à l'am­ ne sera pas toujours simple. En effet, le nologie, avec leurs applications économi­ O bassadeur François Leduc, avec copie consul général demeure sous l'autorité de ques; ils devinrent vite considérables. au consul général à Québec et au consul l'ambassadeur, qui le note, ce qui n'est Au total, Pierre de Menthon, quit­ U général à Montréal. pas sans conséquences administratives ni tant son poste en décembre 1971, estime­ Ce télégramme part du double politiques, variables suivant les person­ ra dans ses Mémoires, onze ans plus tard, constat politique : « depuis le voyage du nes. Surtout, les relations triangulaires que ces instructions ont été « à peu près président de la République, les rapports entre Québec, Paris et Ottawa « n'étaient respectées » et « transmises sans grands entre la France et la province du Qué­ pas faciles à suivre », selon Pierre de changements » jusqu'à ses successeurs, bec tendent à la fois à s'accroître et à Menthon, qui vécut notamment leurs dif­ c'est-à-dire Marcel Bouquin (1972-1976), se modifier »; et « dans le même temps, ficultés à l'occasion des conférences fran­ puis Marcel Beaux (1976-1979). le gouvernement provincial de Québec çaises, des visites de ministres à Québec, Lorsque Henri Rethoré, premier acquiert plus d'autonomie vis-à-vis du qui n'avaient plus - depuis la réaction conseiller à l'ambassade à Abidjan, est gouvernement fédéral dans ses relations d'Ottawa au voyage du général en juillet nommé en novembre 1979 consul gé­ avec l'extérieur ». D'où la conséquence 1967 - à faire le détour par la capitale fé­ néral à Québec, il reçoit ses instructions directe qu'il établit : « Il s'ensuit que les dérale, suivant les instructions de fermeté d'Alain Peyrefitte, garde des sceaux - ce compétences du consul général de Fran­ de l'Elysée à l'égard du . qui est très inhabituel, mais dans la ligne ce à Québec doivent être aménagées » Mais l'action était entraînée par la directe des intentions du général. - l'euphémisme, s'agissant d'une trans­ coopération, qui était « en plein élar­ Il s'agira d'abord de maintenir le sta­ formation radicale du statut du consulat, gissement », et qui correspondait à des tut spécial du consulat général. La mis­ doté de nouvelles compétences, s'expli­ attentes. M. de Menthon y trouva « le sion spécifique du consul général, « c'est que par le destinataire du télégramme : côté le plus passionnant » de son travail réellement pour le Québec, celle d'un l'ambassadeur de France à Ottawa. et de celui de son équipe. Cette coopé­ ambassadeur », confirme Henri Rethoré, Désormais, le consul général à ration s'effectuait suivant le principe de du fait des liaisons à caractère politique, Québec est chargé des relations entre la l'échange réciproque, à coûts partagés, économique, culturel avec le gouverne­ France et le gouvernement provincial, et sur une base d'égalité globale et sous la ment du Québec et le Parlement, et cel­ il entretient des rapports réguliers avec forme de complémentarité des apports et les directes, avec le ministère des Affaires les autorités du Québec, y compris le pre­ des besoins des deux partenaires. Il s'agis­ étrangères à Paris. Ainsi, le consul « a mier ministre. Il organise et contrôle les sait d'« accroître, autant que possible, la pour devoir la défense de la spécificité actions de coopération dans tous les do­ connaissance réciproque des deux popu­ des relations entre la France et le Qué­ maines. Lessentiel de sa mission concer­ lations ». Cela se réalisa grâce à la créa­ bec » en étant, bien sûr, « un élément ne les relations avec le gouvernement du tion de l'Office franco-québécois pour la de l'instrument de la politique étrangère Québec et le développement de la coo­ jeunesse et de groupes professionnels; française », qui doit tenir « un rôle de pération franco-québécoise ainsi que l'in­ les échanges pour l'enseignement se dé­ guetteur et de stratège » sous l'angle qui formation et la presse. Par conséquent, veloppent considérablement et s'ouvrent justifie sa mission, c'est-à-dire le « main-

74 CAP-AUX-DIAMANTS. N° 99 on tien et le développement des relations visite au Canada en juillet 1981 pour la thon. La doctrine de « non-ingérence, 3 franco-québécoises ». Il est ainsi amené réunion du G7, manifesta, malgré une non-indifférence », formulée par Alain (A à veiller à de multiples aspects, de fond certaine distance, son intérêt pour le Peyrefitte, convenait au Québec, comme C et symboliques, de cette relation incom­ Québec, lors de la rencontre arrangée le confirma plus tard Bernard Landry, parable dans sa nature car, dit-il, « nous à l'ambassade de France à Ottawa avec alors chef du Parti québécois et premier avons des devoirs envers un peuple qui René Lévesque, qui venait d'être réélu en ministre du Québec, surtout, proposait-il, est de notre souche, où les sentiments avril, et qu'il rassura sans chaleur. Pierre si on y ajoute un peu de « va je ne te hais fû> et les intérêts culturels se rejoignent, Maillard, l'ambassadeur de France, an­ point », c'est-à-dire « un peu plus que la 3 ce qui justifie des liens directs des deux cien conseiller diplomatique du général non-indifférence ». gouvernements ». Cela s'effectue grâce de Gaulle et proche des socialistes, assura Toutefois, rien n'est jamais définiti­ 3 au consulat général à Québec, à la Délé­ que la politique de la France à l'égard du vement acquis, ajoute Henri Rethoré, et gation générale du Québec à Paris, et aux Québec se poursuivrait. C'est d'ailleurs « nous devons veiller avec la plus grande CL rencontres des deux premiers ministres grâce à cet appui que lors de la prépara­ attention de part et d'autre, à une sorte instituées depuis 1977 par René Léves­ tion du Sommet des chefs d'État des pays de banalisation de nos relations », car « le que et Raymond Barre. Le consul géné­ francophones, le Québec obtint contre renouvellement des générations, le temps $ ral achète en 1980 l'immeuble historique l'avis du Canada et après des échanges qui passe, l'effacement des moments forts 3 de la maison Kent, où il installe le Service laborieux de siéger à part entière. de ces relations, l'oubli de notre histoire O culturel, scientifique et de coopération. Enfin la coopération franco-québé­ commune, voire des raisons pour lesquel­ (D En même temps, il s'agit d'ouvrir coise s'enrichissait et devenait « de mieux les nous partageons ce qui est essentiel, û> une nouvelle orientation vers l'écono­ en mieux équilibrée », constate Henri la même langue, tout cela pourrait faire mie : « Attachez-vous à développer la re­ Rethoré. Des « liens directs se tissaient » courir de grands risques au caractère spé­ O lation sur le plan économique; sur le plan entre diverses institutions : entreprises, cifique, unique, de nos liens ». Le consul de la langue et sur le plan culturel, on l'a villes, universités...; des visites se mul­ général jugeait, dans son rapport de fin c déjà fait », lui avait dit Alain Peyrefitte. tipliaient dans les secteurs profession­ de mission : « La seule politique possible D" Pourtant, la mission d'Henri Retho­ nels où se rencontraient gens d'affaires, pour la France... est celle, dans toutes ré n'a pas été exempte de difficultés, c'est écrivains, artistes, scientifiques. Il esti­ ses composantes, qu'elle suit depuis vingt encore un euphémisme, dans les relations mera dans son rapport de fin de mission ans ». Il quitte son poste le 18 octobre avec l'ambassade, notamment avec l'am­ : « la coopération a été et reste depuis 1983. Après avoir été nommé ambassa­ bassadeur Jean Béliard. vingt ans l'instrument essentiel de l'éta­ deur en Guinée puis au Zaïre, Henri Rethoré souligne, parmi les blissement puis du développement des Henri Rethoré fut le premier coprésident o souvenirs les plus marquants de sa mis­ relations franco-québécoises »; elle per­ français de la Commission franco-québé­ Q sion, d'abord « le contexte politique par­ met de donner une image exacte de cha­ coise sur les lieux de mémoire communs, 3 ticulier et tout à fait passionnant », de la cun, voire de la redresser. créée en 1997 par Marcel Masse alors situation politique du Québec. Dès sa vi­ Au total, conclut le consul général, délégué général du Québec à Paris. site à René Lévesque, le premier ministre en décembre 1983, la continuité était Lorsque Renaud Vignal lui succè­ avait situé les relations franco-québécoi­ maintenue depuis 1968, « dans la stricte de en septembre suivant, il est reçu par ses et lui avait dit : « Nous sommes des ligne de ce qu'écrivait Pierre de Men­ François Mitterrand le 10 octobre. Il est Américains parlant Français ». Bientôt la tenue du référendum sur la souverai­ neté du Québec, le 20 mai 1980, focalise toutes les attentes : le consul général sui­ vait les événements de très près, atten­ dant de transmettre à Paris le résultat qui, « s'il était positif, rappelle-t-il, nous imposait d'en reconnaître immédiate­ ment les conséquences ». Il se souvient de « l'émotion douloureuse, intense qui se dégageait de cette fête avortée » de La Marseillaise chantée par des jeunes dans les rues de Québec, et des mots de René Lévesque à l'aréna Paul-Sauvé de Montréal : « Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire à la prochaine fois! », après cet espoir déçu. Le référen­ dum marqua, constate Henri Rethoré, « la fin d'une époque », celle de la Révo­ lution tranquille, « avec la charge d'espoir et d'action qu'elle contenait ». Ensuite, l'arrivée de la gauche au pouvoir avec l'élection de François Mit­ terrand provoqua des interrogations pour la continuité de l'attitude de la France à Henri de Rethoré, consul général de France à Ouébec de 1979 à 1983, en compagnie de Jean Pelletier, Pauline l'égard du Québec. Mais Mitterrand, en Marois et Jacques-Yvan Morin. (Archives privées).

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 | 75 il fut ambassadeur à Ottawa II est actuel­ lement ambassadeur au . D'abord, M. Jouanneau constate, comme tous ses prédécesseurs : « être consul général à Québec, c'est servir une relation forte et singulière, qui n'a aucun équivalent dans la politique étrangère de la France », selon son témoignage que nous citons directement. « C'est une re­ lation "directe et privilégiée", suivant la formule de François Mitterrand et Brian Mulroney, qui la reconnurent en 1984 comme légitime et bénéfique pour les re­ lations franco-canadiennes. Elle ne pose pas de problème à Ottawa, dès lors que les gouvernements français et québécois veillent à respecter les compétences fé­ dérales. Ainsi, observe-t-il, nous n'avons de dialogue politique au plus haut niveau avec aucune autre entité fédérée dans le monde. Le Québec n'en a de semblable avec aucun autre État, et nulle part le premier ministre du Québec n'est reçu comme il l'est en France. La Délégation générale du Québec occupe à Paris une place à part. Pour les Québécois, cette relation est essentielle. Tous les gouver­ nements, libéraux comme péquistes, l'ont cultivée précieusement. Elle prolonge sur le plan international le combat du Qué­ bec pour la survie de la langue française, au-delà du clivage entre souverainistes et fédéralistes. Elle ne fait pas débat en France non plus ». Ainsi, M. Jouan­ Renaud Vignal, consul général de France de septembre 1983 à mars 1987, en compagnie de Laurent Fabius, neau rappelle : « J'ai servi à Québec premier ministre de France. Photographie 1984. (Archives privées). un gouvernement de droite (Jacques frappé par la transformation du Québec Dans son Rapport de fin de mission, Chirac) et un gouvernement de gau­ en une génération, depuis les années où le consul général souligne à son tour la che (Michel Rocard). Mes instructions se conjuguaient Révolution tranquille, difficulté des relations entre Ottawa, étaient les mêmes. Il y a toujours eu ouverture au monde et débat sur la sou­ Québec et Paris, voire des « situations consensus et continuité ». veraineté. Une nouvelle configuration se grotesques » et des surenchères auxquel­ L'ancien consul général évoque dessine avec la disparition du « carcan les elles donnent lieu; ainsi eut-il à tenir des souvenirs majeurs : « Ma mission a protecteur de l'Église catholique », le dé­ tête à plusieurs reprises à l'ambassadeur coïncidé avec une période de forte acti­ menti récent du projet de l'indépendance Jean-Pierre Cabouat en 1984. Il rappelle vité politique bilatérale, marquée par de et « l'absence de dessein collectif », dit- que le lien avec le consulat général de "grandes visites" : François Mitterrand, il, la réapparition de la question linguis­ Montréal exige à la fois du doigté et une deux fois la même année (mai 1987), tique, dans un contexte marqué par les grande activité, ce que certains compren­ visite d'État au Canada et pour le Som­ conséquences de l'urbanisation et la nent inégalement, et il recommande d'as­ met de la francophonie, , baisse du taux de natalité. surer la continuité du statut du consulat maire de Paris (septembre 1987), Ro­ Le nouveau consul général apprécie général à Québec, tel qu'il a été main­ bert Bourassa, premier ministre, à Paris la densité de la relation franco-québé­ tenu depuis M. de Menthon. Enfin, en (janvier 1989). Pendant ma mission, sept coise, l'importance des visites alternées constatant la richesse de la coopération ministres français sont venus, comme ils des premiers ministres, les relations bilatérale, il souhaite que soit maintenu disaient chaque fois, "chercher des idées directes et privilégiées avec la France, l'effort des partenaires et il s'inquiète de au Québec" avant de s'engager dans des dont la légitimité a été reconnue par le la diminution des crédits qui lui sont af­ réformes importantes et difficiles. Sans premier ministre fédéral (le 8 novem­ fectés (de près de 50 %) des deux côtés. compter de nombreux échanges de délé­ bre 1984 dans le discours d'accueil de Il quitte son poste en mars 1987. Il fut gations de parlementaires, créant au fil M. Brian Mulroney à M. Laurent Fabius). nommé ambassadeur en Argentine puis des années un tissu unique de relations Renaud Vignal contribue à l'accord in­ en Indonésie. personnelles, de complicités, souvent tervenu avec Ottawa en novembre 1985, Daniel Jouanneau lui succède en d'amitiés fidèles. Le 14 juillet 1989, l'As­ permettant au gouvernement du Québec avril 1987 - il restera deux ans à Québec, semblée nationale du Québec célébra par de siéger au Sommet de la francophonie jusqu'en juillet 1989. Plus tard, cas unique le vote unanime d'une motion le bicen­ prévu à Paris en février 1986. dans la succession des consuls à Québec, tenaire de la Révolution française. Cela

76 CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 n n'allait pas de soi. Trois caps de la rivière déjà été consul général à Québec, il se gions où ils appuient des communautés o francophones très minoritaires, mais re­ 3 Saguenay furent baptisés « Liberté, Éga­ souvint combien la relation franco-qué­ v> lité, Fraternité ». bécoise était un atout pour notre lien marquables de dynamisme. Ils sont dans C M. Jouanneau cite trois grands avec le Canada. « Elle est bien comprise, leur propre pays les ambassadeurs de la débats qui marquèrent les années estime-t-il, dans le Canada anglophone. diversité canadienne ». 5" 1987-1989 : « d'abord la négociation Aujourd'hui encore, nous sommes beau­ Alors, conclut Daniel Jouanneau : crq constitutionnelle du lac Meech, dont je coup plus présents au Québec que dans « Le Québec est une chance pour le pensais à tort, dit-il, qu'elle avait mis le les provinces anglophones (diaspora Canada. La volonté de tout un peuple 3 curseur au bon endroit, et allait aboutir française, implantations d'entreprises, et la constance de ses gouvernements à un compromis acceptable par tout le partenariats universitaires). Et si je me ont miraculeusement préservé la langue | Canada. Ensuite la négociation avec les suis beaucoup attaché, pendant les qua­ française en Amérique du Nord. C'est États-Unis d'un accord de libre-échange, tre années de ma mission, à développer beaucoup pour cela, mais pas seulement, Q. précurseur de l'ALENA, qui posait à nos relations avec le Canada anglophone, que le Canada a une identité si forte, et (D Québec le problème, familier aux Euro­ je me suis réjoui du renforcement conco­ que son message est si singulier ». péens, de la compatibilité entre inté­ mitant de la relation franco-québécoise, Camille Rohou fut nommé consul ï gration économique et préservation de avec le point d'orgue, tout au long de général à Québec en août 1989. Il se 3 l'identité culturelle. M. Bourassa connais­ 2008, des multiples événements organi­ souvient : « Léchée de l'Accord du lac ft sait admirablement les institutions euro­ sés au Québec, en France, à Ottawa, pour Meech a été l'événement politique ma­ péennes, et m'avait encouragé à sillon­ célébrer dignement le 400e anniversaire jeur de ma mission à Québec. Au cours ner la province pour témoigner de notre de Québec. Mes amis québécois, réguliè­ des semaines précédentes, j'avais eu des expérience et contribuer à dédramatiser rement revus à Québec et Montréal, ont entretiens avec les principaux protago­ O le sujet. Enfin, le débat lourd d'enjeux été de bon conseil. J'ai travaillé à Ottawa nistes de l'époque, notamment Robert sur la langue de l'affichage dans les avec de nombreux Québécois de grande Bourassa, Jacques Parizeau et Jean-Paul c magasins des quartiers anglophones de qualité, responsables politiques, hauts LAllier. Lissue fatale de la négociation Montréal, qui voyait entrer en collision fonctionnaires, universitaires, chefs d'en­ me paraissait plus inéluctable que l'in­ O" deux approches radicalement opposées. treprise. C'est assez naturellement aussi dépendance du Québec. Quelques jours n Mais la société québécoise sut trouver que j'ai retrouvé le contact avec les Qué­ plus tard, les plaines d'Abraham avaient o un compromis ». bécois lors de mes déplacements dans fait "salle comble" pour fêter l'échec et (A Lorsque quinze ans plus tard, en l'Ouest, dans les provinces atlantiques, la foule en liesse reprenait les refrains 2004, Daniel Jouanneau fut nommé am­ dans le Grand Nord. Ils ont transporté des grands chanteurs québécois sous une bassadeur au Canada, le premier à avoir avec eux la langue française dans des ré­ nuée de drapeaux bleu et blanc. O 3 ~ "^iiiiiiifjiji 11 wSf«- - * "*

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Daniel Jouanneau, consul général de France à Ouébec d'avril 1987 à juillet 1989, devant la résidence de la rue des Braves, en compagnie de Jean Pelletier, maire de Ouébec, et de scouts français. (Archives privées).

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 77 c o se souvienne! Une petite coque, mais o grande dans ses ambitions, la Grande Hermine, perdue au milieu d'un océan de vagues et de courants parce que le fleuve, c'est la mer, c'est l'immensité. Elle était partie de Saint-Malo pour une aventure u folle : donner au roi de France une terre -o d'Amérique. Toujours le fleuve! Parce *§> qu'il a permis à des milliers d'hommes 3 accrochés à ses rives, arc-boutés à leurs rangs, de défricher, de découvrir et de O bâtir un pays. Quand on le voit bouca­ ner la nuit, depuis la terrasse du Châ­ u teau Frontenac, on se prend à rêver à ses rouleurs, dansant sur des troncs d'ar­ c bres immenses les conduisant comme on conduit des bêtes à peine domptées par leur seul courage, leur seul adresse. Èn- I corele fleuve! Notre trait d'union, de la Capricieuse au Colbert. Qu'il est têtu ce pays mais qu'il est g fort aussi quand, contre vents et marées, il lui faut défendre sa langue, notre trésor c partagé, ce lien intime qui nous unit alors même que parfois déroutant pour l'un ou l'autre le parler, ou plutôt la parlure, semble nous séparer. Un regard, celui de l'épouse de notre premier ministre, 3 M. Alain Juppé, que j'ai eu le plaisir de C recevoir en visite à Québec, après un cer­ O tain référendum. Un regard fait d'envie et un cri du cœur tandis que nous obser­ U vions danser les mouettes sur le Saint- Laurent "que c'est beau"! Oui, il a de la chance le consul géné­ ral de France à Québec de représenter la République dans cette portion d'Améri­ que, sans laquelle la France moderne ne serait pas ce qu'elle est. Après tout, c'est autant de Montréal que de Californie que les idées du Nouveau Monde faites d'insouciance, de légèreté dans l'être et Camille Rohou, consul général de France à Québec d'août 1989 à 1992. (Archives privées). d'idéal ont irrigué toute une génération, Au-delà du rôle d'observateur privi­ terrissant avec des drapeaux québécois celle de mai 68, la mienne, sur les campus légié des grands événements du Québec, et français. de France. Mon Québec, c'est celui-là, le consulat général de France est évidem­ Je ne peux oublier non plus les for­ celui du fleuve, celui des hommes et des ment le point de rencontre franco-qué­ tes personnalités rencontrées pendant femmes qui comme lui inlassablement, bécois par excellence et je garde un sou­ ces années. Roger Lemelin qui me ren­ bougent, créent, irriguent notre relation venir particulier de la visite du premier dait souvent visite quelques jours avant privilégiée jamais indifférente ». Domi­ ministre Laurent Fabius et de l'escale du sa disparition, tout comme le père An­ nique de Combles de Nayves quitte le navire école français le Jeanne-d'Arc. dré Steinmann, missionnaire oblat dont poste à l'automne 1996. Plus tard, il sera Le 14 juillet 1992 reste la célébration les 40 années passées chez les Inuits nommé ambassadeur en Hongrie. de la fête nationale la plus marquante de n'avaient altéré ni la joie de vivre ni Dominique Boché, actuellement ma vie diplomatique. La foule du Festival l'accent parisien. ambassadeur en Belgique, fut nommé en d'été avait confondu l'événement avec sa Il n'est décidément pas possible de septembre 1996, consul général à Qué­ fête estivale et liquidé le buffet français rester indifférent lorsqu'on est consul bec. Nous citons son témoignage : en moins d'une demi-heure dans une at­ général de France à Québec ». Camille « Je suis arrivé au Québec au lende­ mosphère des plus euphoriques près du Rohou quitte son poste à l'été 1992. main du référendum de 1995, où le "Oui" Manège militaire où se trouvaient réunis Dominique de Combles de Nayves, monta si haut qu'on y voyait l'annonce un détachement de jeunes Saint-Cyriens qui lui succède, conserve vivantes des im­ d'une aube nouvelle. J'en suis parti alors en grande tenue, un groupe folklorique pressions de son séjour de quatre ans à que résonnaient encore les échos du Som­ breton dansant la gavotte au son des bi­ Québec : « D'abord le fleuve! Parce que met des Amériques, où la fascination du nious et de nombreux parachutistes at­ sans lui rien n'aurait été possible. Qu'on Québec pour les États-Unis du tout jeu-

78 CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 o ne président George Bush s'affirma avec La relation tant célébrée n'était-elle une ostentation inimaginable à distance. donc qu'une relique du passé? Aucune 3 Entre-temps s'était consommé l'échec du fatalité ne dictait pourtant un éloigne­ U) premier ministre Lucien Bouchard, per­ ment irrémédiable. Alors que se lézar­ £_ sonnalité d'une envergure exceptionnelle daient les fondements traditionnels d'une qui avait l'ambition de conduire le Qué­ amitié très émotionnelle, où la célébra­ S" bec à la souveraineté. Persuadé que la tion rétrospective et nostalgique du des­ population surmonterait ses inhibitions si tin inaccompli de l'Amérique française 3 on la libérait de l'insécurité financière, il tenait lieu de projet politique, la montée s'employa sans ménagements excessifs à de nouveaux enjeux d'ordre culturel et a rétablir les grands équilibres. Le résultat linguistique pouvait lui redonner une rai­ fut à l'opposé de ses espoirs : désormais son d'être. rassurés sur la solidité de leur économie, Nous étions à l'orée de la mondia­ les Québécois ne voyaient plus avantage lisation, processus de décloisonnement à sortir d'un Canada dont ils se considè­ généralisé de la planète qui menaçait sa rent comme les premiers bâtisseurs. Ainsi pluralité, la survie des cultures et des lan­ ï se confirmait que le mouvement souve­ gues. Un immense travail normatif était 3 rainiste exprime surtout la peur de dispa­ à faire pour garantir le droit des États à ft raître. Quand l'économie est solide et le promouvoir leur identité, mais aussi un Canada anglais conciliant, il décline. Mais effort créatif pour alimenter en conte­ que se lèvent des orages et qu'Ottawa se nus multilingues les nouveaux réseaux O montre réfractaire à la reconnaissance de d'information et de communication. l'identité québécoise, alors il renaît tel le Qui, mieux que le Québec, vigilant sur le c Phénix. C'est dire qu'on aurait tort de plan linguistique, rayonnant sur la scène n>> faire aujourd'hui son éloge funèbre. culturelle, performant dans les hautes O" (b Les cinq années que j'ai passées à technologies dont dépend l'avenir des ft Québec ont été ponctuées d'épisodes langues, fort d'un niveau d'éducation bilatéraux marquants, de la visite du pre­ parmi les plus élevés en Amérique, riche mier ministre Lionel Jospin à celle du d'une économie qui se fût alors classée tn président Jacques Chirac en passant par Dominique de Combles de Nayves, consul général parmi les vingt premières du monde, O les deux "saisons" culturelles du Québec de France à Ouébec de 1992 à 1996, et Liza Frulla, pouvait être dans ce combat le parte­ Q en France et de la France au Québec. Un ministre des Affaires culturelles. (Archives privées). naire de la France? 3 flot toujours montant de rencontres offi­ fin de mon séjour, les enthousiasmes mi­ Encore fallait-il que chacun accepte cielles, des réunions de commissions bila­ litants s'émoussaient au long de ce par­ les contraintes de l'autre. Conditionnés térales innombrables, des accords franco- cours toujours inaccompli. par leur environnement continental res­ québécois âprement discutés donnaient De ce fait, un insidieux processus pectif, la France et le Québec devaient le sentiment d'une coopération intense. d'éloignement était à l'œuvre : place de assumer en priorité leur appartenance à Elle n'avait toutefois pas eu raison des la France dans l'économie québécoise, des ensembles territoriaux en voie d'inté­ différences profondes séparant les deux nombre d'étudiants québécois dans les gration. Le premier cercle des relations sociétés, des stéréotypes entretenus par universités françaises, demande de cultu­ extérieures françaises ne pouvait être la l'ignorance réciproque, les malentendus re française, les indices étaient au rouge francophonie mais l'Europe, tandis que et les mauvais souvenirs. Le Québec alors que s'affirmait, dans tous les domai­ les États-Unis étaient cruciaux pour le nourrissait à l'endroit de la France des nes, le poids de l'environnement améri­ Québec. De même, la France ne pou­ sentiments complexes où l'attirance le cain. Laméricanité du Québec s'affichait vait-elle ignorer le Canada, son allié disputait aux préventions. La France, d'autant mieux que lui-même revendi­ dans nombre d'enceintes internationales par-delà une curiosité et une sympathie quait, avec une insistance croissante, un où elle n'avait pas trop d'amis et où on réelles pour le Québec, n'avait pas pris destin continental dans lequel la France débattait d'enjeux essentiels, y compris la mesure des attentes qu'elle faisait naî­ ne voyait plus sa place et que la province pour le Québec lui-même, comme la di­ tre. Après une phase de volontarisme francophone semblait asseoir sa crédibi­ versité culturelle. Mais rien n'était possi­ surtout due à l'impulsion personnelle du lité aux États-Unis sur une occultation ble non plus sans une prise de conscience général de Gaulle, la relation "directe et délibérée de ses racines européennes. de ce que nous sommes les uns pour les privilégiée" était guettée par une bana­ Dans ce contexte, l'accession du Québec autres. Unique prolongement humain lisation inhérente à la disproportion dé­ à la souveraineté apparaissait en France de nos équipées coloniales, le Québec mographique entre les deux ensembles, sous un jour nouveau. Si certains conti­ était un partenaire incontournable dans leur éloignement géographique, l'absence nuaient d'y voir la promesse d'une plus notre combat pour la diversité des lan­ de véritables intérêts économiques com­ grande influence française en Amérique gues et des cultures, mais aussi un trem­ muns, le poids de partenaires plus pro­ du Nord, d'autres pensaient au contraire plin potentiel pour notre influence en ches et autrement exigeants... En outre, qu'elle consacrerait l'arrimage de la seule Amérique sous toutes ses formes. Aussi elle s'avérait tributaire de l'audience du province canadienne francophone aux devions-nous le traiter comme tel. Quant mouvement souverainiste. Fort, il susci­ États-Unis, première étape vers l'assi­ au Québec, s'il lui fallait prendre acte de tait dans la classe politique française un milation, tandis que le reste du Canada son appartenance au continent américain intérêt nourri par l'attente d'échéances verserait sans états d'âme dans une com­ et assumer la complexité de son identité perçues comme prochaines. Mais à la plète anglophonie. contemporaine, il devait aussi se souvenir

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 V» C O que l'immense majorité de ses habitants O sont génétiquement consubstantiels aux Français issus de la même souche ». Dominique Boché conclut : « Ainsi, son avenir n'était-il pas dans l'occultation de ses racines françaises ni même dans u l'osmose impossible d'une américanité et t-Qe d'une francité largement contradictoires, mais bien plutôt dans une tension diffi­ 3 cile mais vivifiante entre les deux. Car qu'on le veuille ou non, c'est bien la di­ O mension française de cette identité qui fonde l'anormalité québécoise en Amé­ u rique, et c'est en assumant cette parti­ cularité dans le contexte américain que c les Québécois peuvent espérer prendre place à la table des nations ». Il quitte le .s poste en juillet 2001. 0) François Alabrune fut en poste "D d'août 2004 à juillet 2009, période de la commémoration du 400e anniversaire de E la fondation de Québec et de la visite du Dominique Boché, consul général de France à Québec, de septembre 1996 à juillet 2001 en compagnie de président de la République. Jean-Pierre Charbonneau. (Archives privées). c « Le mandat de cinq ans que j'ai culturelle. Il annonçait également que la un élan insufflé par le nouveau maire, accompli à Québec a été dominé par le contribution de la France aurait un volet M. Régis Labeaume, suscitèrent une 400e anniversaire de la fondation de la économique, un volet culturel et un volet adhésion forte de la population de Qué­ ville de Québec par Samuel de Cham­ consacré aux relations entre collectivités bec et au delà. plain en 1608. locales françaises et québécoises. Un club Les relations franco-québécoises ont 3 Le maire de Québec, au moment de de grandes entreprises françaises et qué­ fortement bénéficié de cette année extra­ C mon arrivée, M. Jean-Paul L'Allier, sou­ bécoises fut mis en place pour accompa­ ordinaire, marquée en octobre par la vi­ haitait que la France occupe une place de gner cette démarche. site du président de la République et, en o choix dans cet anniversaire, à la différen­ Celle-ci fut bien accueillie par nos juillet et octobre, par celles du premier u ce du 300e, où avait été célébrée l'appar­ partenaires québécois. S'agissant du ministre. Le président Sarkozy a pronon­ tenance de la ville à l'empire britannique. "legs", la volonté de M. Raffarin rencon­ cé un discours mémorable au Salon bleu Il souhaitait que ceci se traduise par un trait celle du gouvernement québécois de de l'Assemblée nationale. Il a réaffirmé "legs" de la France à la ville, prenant la mettre en place un nouveau Centre de la la force de la relation franco-québécoise, forme de l'aménagement d'une "Place de francophonie des Amériques. La France rappelant que, pour les Français, les Qué­ France" comparable de la place d'Espa­ a offert à celui-ci l'aménagement de ses bécois étaient des frères et les Canadiens gne à Rome. Peu de temps après mon ar­ espaces publics, conçus par le jeune ar­ des amis. Les retombées positives de sa rivée, le gouvernement québécois faisait chitecte Franklin Azzi et inauguré en oc­ visite ont été nombreuses, en particulier savoir qu'il n'était pas disposé à financer tobre 2008 par le président Sarkozy et le pour l'un des principaux sujets de préoc­ les travaux préalables à la réalisation du premier ministre Charest. cupation de la communauté française : la projet de "Place de France". S'agissant du volet économique, les reconnaissance des qualifications profes­ La recherche d'un nouveau legs autorités québécoises ont accepté de sionnelles. Une entente signée en octo­ fut menée, au cours des deux années participer pleinement avec la France aux bre par le président Sarkozy et le pre­ suivantes, sous la direction de M. Jean- événements organisés, en particulier au mier ministre Charest, pose en effet le Pierre Raffarin, ancien premier ministre. Forum mondial des PME "Futurallia" et principe de la reconnaissance mutuelle, M. Raffarin avait en effet été nommé au Symposium des pôles de compétitivi­ qui doit être appliqué à l'ensemble des président du Comité français pour la té en mai 2008. La rencontre des collec­ professions dont l'accès est réglementé célébration du 400e anniversaire de tivités locales, à l'occasion des troisièmes en France comme au Québec. Québec, par décision du président de ateliers de coopération décentralisée à Ce nouvel espace de mobilité profes­ la République, M. Jacques Chirac. Ami l'automne 2008, fut un succès. Il en fut sionnelle revêt une importance particu­ et excellent connaisseur du Québec, de même des rencontres universitaires et lière à une période où les Français n'ont M. Raffarin conduisit sa mission avec de nombreux événements culturels orga­ jamais été aussi nombreux au Québec (le une vision ambitieuse de la participation nisés avec la participation de la France. nombre d'inscrits au consulat général à de la France au 400e. Loin de voir dans Aux prévisions pessimistes sur le 400e, Québec ayant augmenté de 80 % entre cet anniversaire un événement local ou entendues dans les médias de Québec 2003 et 2008) et où nombreux sont les seulement festif, il le conçut comme un jusqu'au début 2008, a succédé au prin­ Québécois à s'intéresser aux possibilités événement de grande portée, tourné vers temps, en particulier après les festivités offertes par l'Europe. Le lien renforcé l'avenir, et auquel la France devait appor­ de La Rochelle, en mai 2008, une dyna­ entre le Québec et la France a un impact ter une contribution multiple. Il souhai­ mique du succès et de l'enthousiasme. pour les ensembles auxquels ils appar­ tait que le legs de la France permette la Les projets très importants conçus par tiennent. C'est grâce au Québec notam­ création d'un lieu vivant, lié à la diversité la Société du 400e, mis en œuvre avec ment que le processus de négociation

80 CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 O o d'un accord de partenariat entre l'Union 1967, où la foule enthousiaste « comme premiers ministres de France et du Qué­ 3 européenne et le Canada a pu être relan­ une ruche dérangée », dit l'ambassadeur, bec, en veillant au principe : « Quand il o cé à la suite du Sommet de Québec. Le attendait le général qui se dirigeait vers y aura des visites d'État au Québec, la C Sommet de la francophonie en octobre le balcon, répondant au maire Drapeau personnalité qui s'y rendra ne doit pas aura été le point d'orgue de l'année 2008 qui le poussait vers les notables, « les no­ être conduite par le premier ministre fé­ à Québec, intervenant dans le contexte toires » comme les désignait le général : déral ». Mais cela n'allait pas de soi dans de la grave crise financière déclenchée « Je veux quand même leur dire quelque l'esprit des diplomates. Ainsi, lorsque (b> quelque temps auparavant. Il aura no­ chose, à ces gens ». Alors le mot fameux : Claude Cheysson fut ministre des Affai­ 3 tamment donné l'occasion aux partici­ «Vive le Québec libre! » provoqua « un cri res étrangères et que le premier minis­ pants de prendre position sur ce sujet à de ventre », témoigne Bernard Dorin, car tre Pierre Mauroy fit le voyage prévu au S l'initiative du président français ». explique-t-il, « il les exonérait du poids Québec (22-27 avril 1982) dans le cadre Les témoignages de consuls généraux de se sentir des vaincus » - depuis 1763. de ces visites alternées, Bernard Dorin, à Québec sont complétés par les souvenirs Au retour du voyage, le général confia à que Cheysson avait appelé comme direc­ de deux personnalités françaises et de deux Alain Peyrefitte et Bernard Dorin : « J'ai teur d'Amérique, se trouvait alors avec personnalités québécoises qui participèrent vu une balance : dans un plateau il y avait son ministre aux Nations Unies quand à des titres divers à la mise en œuvre de la les Anglo-Saxons..., les journalistes... et un télégramme de l'ambassadeur Jean ï les diplomates... » qu'il balayait d'un re­ Béliard à Ottawa indiqua que le premier 3 relation bilatérale. ft Bernard Dorin, qui avait été chargé vers de main, « dans l'autre plateau il y ministre Trudeau voulait accompagner O avait le destin d'un peuple : je leur ai fait Pierre Mauroy à Québec. Bernard Dorin des questions québécoises à l'ambassade O' de France à Ottawa auprès de l'ambassa­ gagner dix ans! ». dut convaincre Claude Cheysson -jusqu'à deur Francis Lacoste, contribua directe­ C'est dans ce contexte que fut re­ lui proposer sa démission - qu'il n'en était O ment à la conception de la politique de défini le statut du consulat général de pas question - ce qui fut évité. Il s'agissait c la France à l'égard du Québec lorsqu'il France à Québec et organisée la coopéra­ de souligner, par l'ensemble de ces mesu­ (b> servit aux cabinets successifs du ministre tion franco-québécoise. Le général l'avait res, les prérogatives du consulat général o- fD Alain Peyrefitte en 1964-1969. Il sera plus précisé à Alain Peyrefitte et Bernard et sa latitude d'action, rappelle Bernard ft tard directeur d'Amérique au Quai d'Or­ Dorin : « Il faut que notre représentation Dorin, ambassadeur de France. say avant d'exercer des fonctions d'am­ au Québec ait, sinon la désignation, du Pierre-André Wiltzer, ancien minis­ bassadeur en Haïti, en Afrique du Sud, moins les fonctions d'un poste politique, tre de la Coopération et de la Francopho­ au Brésil, au Japon et en Grande-Breta­ et que le consulat général puisse com­ nie, coprésident de la Commission fran­ en gne. Son témoignage replace ici la genèse muniquer directement avec le ministère co-québécoise sur les lieux de mémoire O de la restructuration du consulat général sans passer par l'ambassade à Ottawa ». communs, a suivi spécialement la relation Q de France à Québec dans la vision d'en­ Pour construire une puissante coopéra­ franco-québécoise lorsqu'il était chef de 3 semble que formait le général de Gaulle tion avec le Québec, Bernard Dorin avait cabinet du premier ministre Raymond des relations franco-québécoises. proposé un premier train de 25 mesures, Barre. Il souligne la particularité de cette Au printemps 1967, son ami René au premier rang desquelles la création de relation dès l'origine, avant qu'elle ne se de Saint-Légier, conseiller diplomatique l'Office franco-québécois pour lajeunesse traduise dans la structure du dispositif du général, lui avait demandé de prépa­ et, sur le plan politique, ce qui deviendra diplomatique et dans les attributions du rer des notes sur l'ensemble des ques­ dix ans plus tard les visites alternées des consulat général à Québec depuis 1968. tions concernant le Québec. Le général de Gaulle emportait ces « dossiers fin de semaine » pour les lire à Colombey dans la perspective du voyage projeté au Québec. Ce voyage fut minutieusement pré­ paré et le général savait qu'il pouvait être historique. Après avoir vigoureuse­ ment refusé le projet de l'entourage du ministre des Affaires étrangères, de faire le trajet de Québec à Montréal, la nuit, en remontant le Saint Laurent dont les rives auraient été illuminées, il déclara : « Je veux voir des gens! ». Le général ac­ cepta la suggestion de Bernard Dorin de faire le trajet de jour, par la route sur la rive gauche du fleuve, en traversant les six villages et la ville de Trois-Rivières - le chemin du Roy, « la route qu'a fait construire Louis XV », lui dit-il; le gé­ néral acquiesça : « C'est celui-là que je veux prendre! ». Bernard Dorin rappelle les condi­ François Alabrune, consul général de France à Québec d'août 2004 à août 2009, en compagnie de François tions du célèbre discours au balcon de Filion, premier ministre de France et Jean Charest, premier ministre du Québec. Photographie 2008. (Archives l'hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet du ministère des Relations internationales).

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 81 U» C D Ô Canada que René Lévesque entendit O les bras croisés... Le lendemain matin, Le Figaro publiait un dessin humoristique où Raymond Barre, à la passerelle de l'avion, s'exclamait les bras en V : « Vive Raymond Barre libre! ». u Dans le même sens, la visite du pre­ -Q mier ministre Jean-Pierre Raffarin (22- 24 mai 2003) fut l'occasion d'un incident qui provoqua la réaffirmation du carac­ tère spécifique de la structure diplomati­ que française au Canada. Lors des visites officielles, chacune des parties est atten­ U tive à ce que prépare l'autre et veille à l'équilibre du séjour. Or, Jean Charest, C le premier ministre du Québec, fit obser­ ver au premier ministre français, dès son I arrivée à Québec, que le gouvernement fédéral avait eu connaissance d'informa­ tions sur le programme québécois, et s'en était prévalu. Jean-Pierre Raffarin dicta s immédiatement un télégramme diploma­ tique comportant le « rappel des grands Jacques Audibert, consul général de France à Québec de 2001 à 2004, en compagnie de Bernard Landry, pre­ C mier ministre du Québec. Photographie Daniel Lessard. (Archives du ministère des Relations internationales). principes du dispositif diplomatique franco-québécois », et précisant : « Je Pierre-André Wiltzer rappelle ces relations connurent une période de souhaite que nous gardions des relations d'abord le paradoxe de cette relation bi­ grande tension, le conflit politique entre telles qu'elles ont été structurées par des latérale établie avec le Québec en 1859 partisans du fédéralisme et souverainistes années et des années d'histoire. Cela si­ 3 avec la présence d'un agent diplomatique étant à son comble, rappelle Pierre-An­ gnifie quatre points principaux : les visi­ C français, alors que la première représen­ dré Wiltzer qui était alors chef de cabi­ tes alternées des premiers ministres; les O tation de la France au Canada n'a été net du premier ministre Raymond Barre. visites directes de ministres consacrées ouverte qu'en 1928, ce qui constituait Le gouvernement péquiste entreprenait au travail opérationnel; le consul général U déjà une exception absolue dans les re­ de développer et d'institutionnaliser des de France à Québec et le délégué géné­ lations internationales diplomatiques. liens politiques avec la France, ce qui le ral du Québec à Paris sont les anima­ Puis, avec le tournant de 1967-1968, confortait dans sa position face à Ottawa. teurs du partenariat; le consulat général les prérogatives du consulat général se Du 2 au 5 novembre 1977, René Léves­ de France à Québec dispose d'un budget présentent comme une entorse à l'orga­ que fut reçu à Paris avec tous les hon­ propre de coopération. On ne change pas nisation diplomatique suivant laquelle le neurs par le président Giscard d'Estaing une vieille tradition de coopération ». Le gouvernement est représenté par l'ambas­ et Raymond Barre, avec qui une sympa­ message concluait : « Soyons clair, il ne sadeur à titre personnel auprès du pays thie se noua. Un an plus tard, Raymond faut pas hiérarchiser la relation franco- partenaire et où il est le supérieur hié­ Barre se rendit au Canada et au Québec québécoise ». Cela confirmait et précisait rarchique de l'ensemble des diplomates (8-14 février 1979), suivant le système des les instructions régissant 35 ans de rela­ et fonctionnaires français dans ce pays, ce visites alternées des premiers ministres tions bilatérales. qui n'est pas le cas au Canada, puisque au Québec et en France, dont le principe Depuis lors, les relations se sont l'ambassadeur de France n'est pas l'in­ venait d'être décidé. globalement normalisées, estime Pierre- terlocuteur politique dans l'élément de la Le programme du voyage, particu­ André Wiltzer. Les représentants du fédération canadienne qu'est le Québec. lièrement délicat à établir, se souvient Québec ont toujours été accueillis avec D'où la retenue qui a pu être observée Pierre-André Wiltzer, avait prévu que des égards marqués, comme ce fut le cas au Quai d'Orsay, en diverses occasions, le premier ministre passerait le même pour le premier ministre Jacques Pari­ devant la relation franco-québécoise, qui temps dans la capitale fédérale et à Qué­ zeau en 1995, peu avant le deuxième paraît déroger aux règles habituelles de bec. Cependant, la vigilance mutuelle ne référendum sur la souveraineté. Il fut l'organisation diplomatique. put éviter un incident à la dernière étape reçu avec des honneurs exceptionnels à Les relations entre Paris, Québec et de la visite à Montréal. Au moment du l'Assemblée nationale dont Philippe Sé­ Ottawa se déroulent dans un climat apai­ départ pour l'aéroport de Mirabel - ter­ guin était alors président et Pierre-André sé ou de tension selon les périodes et les rain de juridiction fédérale - le gouverne­ Wiltzer vice-président. difficultés, mais elles traduisent toujours ment canadien exigea que seul l'un de ses À cette occasion et à leur instiga­ la spécificité de la relation franco-québé­ ministres et non pas René Lévesque, ac­ tion fut réinventée la formule exprimant coise, constate Pierre-André Wiltzer, dont compagnât le premier ministre français. la position de la France sur la question le témoignage évoque quelques épisodes Pressés par l'horaire, car Raymond Barre québécoise : « c'est aux Québécois de marquants qui en éclairent le sens. devait participer au conseil des ministres choisir librement et démocratiquement Ainsi, entre 1976 et 1981, Pierre à son arrivée à Paris, les deux premiers leur destin. Quel que soit leur choix, la Elliott Trudeau étant premier ministre ministres brisèrent les tergiversations; France les accompagnera ». Une for­ à Ottawa et René Lévesque à Québec, ils furent accueillis à Mirabel au son du mule très proche de celle qui avait été

82 CAP-AUX-DIAMANTS, N" 99 no utilisée en 1977 mais peu à peu oubliée était directeur des Amériques au Quai quelle la gauche a réaffirmé son soutien 3 ensuite au profit de la bien connue « non- d'Orsay. Elle dira de lui qu'il a été le plus à la politique de « non-ingérence, non-in­ ingérence, non-indifférence ». courageux de tous dans ses prises de différence ». Pour ce qui est de la droite, Louise Beaudoin est une militante position pour défendre les intérêts du le président Sarkozy est croit-elle « suivi 5" de la relation entre la France et le Qué­ Québec. Il est le coauteur de la position en silence », mais pas nécessairement ap­ bec depuis 40 ans. Elle a connu tous les du président Valéry Giscard d'Estaing prouvé par l'ensemble de son camp. consul généraux en poste à Québec... sauf sur « l'accompagnement du Québec Pour Louise Beaudoin, l'essentiel est Camille Rohou (1989-1992); mystère! quelle que soit la voie qu'il décidera de qu'il y a toujours unanimité tant au Qué­ 3 <»> Lorsqu'elle fait une rétrospective des suivre ». Signe de relations très étroites, bec qu'en France sur la relation directe consuls généraux, elle en voit deux types : de confiance et d'un besoin constant de et privilégiée. a les diplomates militants et les diploma­ concertation, elle communiquait pen­ Et pour ceux qui s'interrogent sur tes classiques. Elle situe à part Pierre dant son mandat chaque semaine avec ses liens avec la prochaine consule gé­ Q. de Menthon, consul général de 1967 à Renaud Vignal alors consul général à nérale de France à Québec, Hélène Le 1971, nommé après la visite du général Québec; l'heure juste à tout moment! Gai, soyez rassurés. Cette dernière a déjà de Gaulle. Homme de confiance du gé­ néral, il prenait ses instructions directe­ Ï ment de ce dernier. « C'était un fils du 3 ft gaullisme qui défendait une idée certaine (b de la France et qui n'était pas hostile à la souveraineté du Québec ». Q' La filière militante se retrouve chez O les socialistes et plus spécifiquement que les rocardiens : Renaud Vignal c (1983-1987), proche de René Léves­ n>> que, Dominique de Combles de Nayves o- (1992-1996), proche de Jacques Parizeau, fb et Jacques Audibert (2001-2004), proche ft de Louise Beaudoin. Mais également à droite avec Marcel Beaux (1976-1979) et in Henri Rethoré (1979-1983); « de fidèles et grands amis du Québec ». Q Lautre type de consuls généraux 3 U) regroupe les diplomates classiques : Daniel Jouanneau (1987-1989), Domi­ nique Boché (1996-2001) et François Alabrune (2004-2009). Elle dira des consuls généraux qu'ils ont « tous défendu une certaine vision du consulat général ». Aucun ne « s'est écrasé » devant l'ambassadeur de France à Ottawa; au contraire, ils se sont tenus Louise Beaudoin, historienne, députée, ministre et déléguée générale du Ouébec à Paris en 1984-1985. debout dans les moments difficiles. Ce (Archives privées). mandat unique du consulat général de Au moment des référendums de communiqué avec Louise Beaudoin... France à Québec dans la diplomatie fran­ 1980 et de 1995, elle dit avoir pu comp­ La vie continue... çaise agace et continue sans doute d'aga­ ter en tout temps sur une certaine sym­ « Il était une fois la relation entre cer les orthodoxes du Quai d'Orsay et pathie et sur l'amitié des consuls géné­ la France et le Québec... » Rencontrer ceux du ministère canadien des Affaires raux Henri Rethoré et Dominique de Marcel Masse pour témoigner de la vie étrangères. Ils ne désarment pas! Combles Nayves. Cependant, l'homme du consulat général de France à Québec, Certains ambassadeurs de France clef en 1995 a été Philippe Séguin qui est c'est ouvrir un grand livre d'histoires. Il dont Jean-Pierre Cabouat (1984-1987) et toujours, selon Louise Beaudoin, dans les a été un acteur et un témoin privilégié de Loïc Hennekinne (1997-1998) ont cher­ mêmes dispositions vis-à-vis du Québec. l'éclosion de la relation France-Québec. ché à avoir un lien direct avec le gouver­ Et aujourd'hui! Que pense Louise Il était là comme ministre entre 1966 et nement du Québec et à occuper ainsi le Beaudoin de la position du président Nico­ 1970 dont ministre délégué à l'Accueil territoire. Pour reprendre son expression, las Sarkozy et de ses propos de février des chefs d'État durant l'Exposition uni­ elle a dû leur lire « l'acte d'émeute » pour 2009 : « Ni indifférence ni ingérence qui verselle de Montréal en 1967. Et parmi bien leur faire comprendre la réalité des a été la règle pendant des années, hon­ ces visites de chefs d'État, celle très mé­ choses; bref, pour mettre les points sur les nêtement ce n'est pas trop mon truc » ? diatisée du général de Gaulle... « i ». Recevaient-ils des instructions du Certes, il a brisé la ligne établi depuis des C'est ainsi qu'à l'automne 1967, Quai d'Orsay dans ces tentatives? Diffi­ années qui faisait consensus en France. dans la foulée de cet événement, après cile à dire. Cependant, elle croit que le président avoir dirigé la délégation québécoise du­ Pendant la période où elle a occupé Sarkozy n'est pas au diapason de l'opi­ rant les négociations qui l'ont précédé, le poste de déléguée générale du Qué­ nion publique française. Elle revient Marcel Masse signa le procès-verbal des bec (1984-1985) à Paris, Bernard Dorin d'une visite en France au cours de la- accords Johnson-PeyrefitteY . Il a donc

CAP-AUX-DIAMANTS. N° 99 83 V) C O été à la fois un témoin privilégié et un aux Québécois du Centre national de re­ forts, surtout de créativité pour tirer le O exécutant passionné de l'éclosion et de cherche scientifique dans les domaines de maximum des forces de l'un et de l'autre. l'épanouissement de la relation entre le l'hydrologie, de l'énergie électrique, de Il déplore la perte d'intérêt des gouver­ France et le Québec. Il a été responsable l'énergie nucléaire, de l'agronomie, des nements pour la langue et la culture fran­ de ces relations au cours de son mandat études polaires, du Grand Nord québé­ çaise. Il constate également à quel point comme ministre des Affaires intergou­ cois, des pêcheries, des sciences forestiè­ le Québec, même après plus de 40 ans,

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