Histoire De La Découverte Du Cerveau Et Del'évolution Des Méthodes D
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Histoire de la découverte du cerveau et del’évolution des méthodes d’exploration G. Gandolfo, Olivier Deschaux To cite this version: G. Gandolfo, Olivier Deschaux. Histoire de la découverte du cerveau et del’évolution des méthodes d’exploration : De la Préhistoire à nos jours. Biologie Géologie, 2010, 2-2010, pp.127. hal-01090539 HAL Id: hal-01090539 https://hal.univ-cotedazur.fr/hal-01090539 Submitted on 15 Dec 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Histoire des sciences Histoire de la découverte du cerveau et de l’évolution des méthodes d’exploration Première partie : de la préhistoire aux civilisations antiques du pourtour méditerranéen et asiatiques Gabriel Gandolfo et Olivier Deschaux L’histoire des neurosciences montre que la découverte du système nerveux en général et du cerveau en particulier a été chaotique, émaillée de périodes de progrès et de reflux au fil des temps et des cultures. Pour mieux en saisir la portée, chaque étape dans les découvertes est replacée dans le contexte théorique de pensée qui les a présidées et en fonction des méthodes et des techniques d’exploration alors en usage. partir de quel moment de l’Histoire, le cerveau a-t-il suscité l’intérêt de l’Homme ? Quand est-il devenu un sujet d’étude scientifique ? Il est bien Àsûr impossible de répondre avec précision à de telles questions, dans la mesure où nous ne disposons que de fort peu de données fiables surtout pour les temps les plus reculés. Mais cela ne nous empêche pas de faire le point de nos connaissances en la matière en périodisant les différentes cultures et civilisations et, pour chacune des périodes historiques, en relatant brièvement le contexte philosophique et socioculturel dans lequel telle technique d’exploration et telle découverte majeure ont pu être faites, quand elles ne sont pas, selon le cas, purement et simplement entravées ! Préhistoire et sociétés primitives Contexte Il y a de cela quelques 35 000 à 60 000 années, l’Homme de Néanderthal en terrait ses défunts en creusant des tombes (La Chapelle-aux-Saints, Moustier, Arcy- sur-Cure...) dans lesquelles on a retrouvé divers présents : os taillés, silex, puis Mots clés : histoire des neurosciences, système nerveux, cerveau, crâne, méthodologie, médeci- ne, chirurgie, culture, pensée, religion, philosophie g Gabriel Gandolfo et Olivier Deschaux : Maîtres de Conférences à l’Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de neurobiologie et psychotraumatologie EA 4321 Biologie Géologie n° 2-2010 127 parures et mobilier funéraire. Certes, si l’on sait ainsi comment les hommes préhis- toriques disposaient le cadavre dans la fosse d’inhumation et de quoi ils l’entou- raient, on ne connait pas le pourquoi, ni leur idée de la mort et de l’au-delà. Pour autant, ces pratiques montrent qu’ils n’étaient pas seulement conscients de la mort, mais elles témoignent de fait des premières angoisses pour l’au-delà. L’attention par- ticulière que l’Homme a pu alors accorder intuitivement à la tête ou au crâne s’inscrit probablement dans la recherche d’une relation existante entre l’esprit et la matière. Découvertes Qu’avons-nous à notre disposition montrant un intérêt quelconque pour le cerveau ? Des crânes trépanés. Des pratiques de trépanations sont en effet attestées aussi bien dans les sociétés préhistoriques (sinanthropiennes et proto-néandertha- liennes), primitives, que protohistoriques (égyptienne, carthaginoise et précolom- biennes). Encore qu’il faille établir une distinction majeure. D’une part, les trépana- tions post-mortem réalisées dans un but cultuel (cas des crânes suspendus des Dayak de Bornéo ou des têtes coupées que les druides vénéraient dans les sanctuaires cel- to-ligures provençaux d’Entremont et de Roquepertuse) ou cérémoniel (comme les têtes-calebasses avec caillou inclus des Papous de Nouvelle-Guinée servant d’ins- truments de musique) soulignent le caractère religieux ou mystique qui entoure le mystère de l’esprit. Dans cette optique, sont emblématiques les crânes servant de coupes libatoires : connus depuis le Paléolithique, cette coutume a été avérée chez les Scythes et les Barbares. D’ailleurs, l’étymologie ne trompe pas : l’allemand Kopf qui veut dire tête provient du latin cuppa (coupe) ; et les légionnaires romains aban- donnèrent le mot caput au profit de testa qui signifiait vase de terre cuite puis crâne. Plus troublants sont ces corps de 8 000 ans trouvés dépecés dans la Baume Fontbrégoua à Salernes en France varoise selon la technique de boucherie employée pour les animaux (fragmentation systématique afin de retirer la moelle des os, crânes dont le trou occipital a été élargi pour faciliter l’extraction de la cervelle) et mélangés, de façon un peu suspecte, à des restes culinaires. Anthropophagie de survie ou cannibalisme funéraire ? Ce dernier était largement répandu et quelle que soit la forme prise (l’endo-cannibalisme vise à conserver au sein du groupe une part de l’énergie vitale du disparu ; l’exo-cannibalisme, qui concerne la manducation d’un étranger au groupe, cherche plutôt à le détruire en se l’incorporant réellement lors du repas), on ne mangeait pas forcément tout : certaines parties du corps étaient privilégiées. En Mélanésie, c’était ainsi le cerveau, siège de la force physique, morale et même sexuelle, car la substance cérébrale rappelle par son aspect le sperme : on l’ingérait donc mélangé à du sang et des fèces dans un récipient en forme de vagin. Il en allait de même aux Philippines chez les Ifugao de l’île Luçon : le vainqueur d’un combat tribal coupait la tête du vaincu, préparait une décoction avec la cervelle et du vin de palme, servant de philtre pour décupler ses forces, et gardait la tête en trophée dans un panier d’osier suspendu devant sa hutte. La distri- bution de la chair répondait alors à des règles strictes de préséance selon la parenté et la hiérarchie sociale : chez les Tupinamba du Brésil, le phallus était offert aux femmes, le cerveau et la langue aux enfants, les doigts, la graisse et le foie aux invités. Mais deux autres explications à ce dépeçage de la Baume Fontbrégoua 128 Biologie Géologie n° 2-2010 peuvent également être envisagées. Soit les défunts, après une exposition à l’air libre, ont pu être décharnés et désossés à l’aide d’instruments lithiques en vue de recevoir une sépulture secondaire, comme ce sera le cas chez certains Amérindiens. Soit il s’agit de victimes capturées et sacrifiées après des raids guerriers, une rude pratique qu’on pourra observer chez les anciens Caraïbes ou des tribus d’Amazonie. La science préhistorique atteint donc ici ses limites ultimes et montre qu’il faut se méfier des affirmations trop péremptoires. D’autre part, les trépanations ont pu être effectuées sur des personnes vivantes, les trous de trépan étant alors entourés d’un bourrelet osseux, lequel nécessite au moins plusieurs semaines pour se former (fig. 1). Ces interventions-ci peuvent avoir une raison réparatrice, comme en témoignent les stigmates de fracture sur des crânes trépanés retrouvés au Pérou, « chirurgicale » contre les ostéites et les hydrocépha- lies (exemple de crânes brachycéphales ibériques datant de l’époque Néolithique) ou encore « médicale » pour soigner l’hystérie, le délirium et les convulsions et, par le prélèvement de fragments d’os crâniens, comme remède contre l’épilepsie (ossa wormiana). Avec ces dernières, on touche donc vraiment au domaine de l’applica- tion pratique voire fondamentale, mais il est alors bien difficile de déterminer quelles en furent les premières expérimentations, d’autant que certaines trépana- tions auraient très bien pu être décidées pour libérer un esprit malfaisant, respon- sable de maux de tête, de convulsions, de crises de folie, à moins que, par elles, on n’eût tenté de se concilier quelque force occulte... Encore une fois, la plus grande prudence dans d’hypothétiques interprétations est de rigueur. 1. Crâne datant du Chalcolithique (Age du cuivre : vers 2 000 avant J.-C.) et portant deux trépanations cicatrisées (bourrelet osseux). Découvert en 1987 par G. Costantini et J. Pujol dans l’Aven-Grotte de Merdeplau (Aveyron) et conservé au Musée de Millau (photo Loïc Hibon) Biologie Géologie n° 2-2010 129 Les civilisations antiques du pourtour méditerranéen La Mésopotamie Contexte L’Histoire commence à Sumer, tel est le titre révélateur du livre (1956) de Samuel Noah Kramer (1897-1990). Car c’est bien l’invention de l’écriture qui a fait passer l’humanité de la Préhistoire à l’Histoire : des centaines de tablettes d’argiles de la fin de l’âge du Bronze récent et couvertes de signes en ougaritique, la langue locale du IIe millénaire, ont été retrouvées en 1929 dans la bibliothèque du Grand- Prêtre sur le tell de Ras Shamra ; à ce jour, près de 500 000 textes, essentiellement d’ordre pratique, nous sont parvenus. Découvertes Le musée du Louvre possède une stèle en diorite de plus de deux mètres de haut sur laquelle sont gravés en akkadien, la langue officielle de l’Empire, les 282 articles du code d’Hammourabi (vers 2003-1961 ou 1793-1750 ou encore 1730- 1685), le sixième roi de la dynastie amorite de Babylone. Ce recueil de jurispruden- ce contient trois articles pouvant attirer notre attention : Article 203 : si un homme a frappé le cerveau d’un homme de même condition, il payera une mine d’argent.