Perspective, 1 | 2016, « Textiles » [En Ligne], Mis En Ligne Le 30 Décembre 2016, Consulté Le 21 Septembre 2021
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Perspective Actualité en histoire de l’art 1 | 2016 Textiles Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/perspective/6179 DOI : 10.4000/perspective.6179 ISSN : 2269-7721 Éditeur Institut national d'histoire de l'art Édition imprimée Date de publication : 30 juin 2016 ISBN : 978-2-917902-31-8 ISSN : 1777-7852 Référence électronique Perspective, 1 | 2016, « Textiles » [En ligne], mis en ligne le 30 décembre 2016, consulté le 21 septembre 2021. URL : https://journals.openedition.org/perspective/6179 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/perspective.6179 Ce document a été généré automatiquement le 1 octobre 2020. 1 Ce numéro de Perspective, conçu en partenariat avec le Mobilier national et les Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, est consacré aux textiles à différentes époques et en différents lieux de production et d’usage, comme à la notion de textilité : les avatars conceptuels, métaphoriques et matériels de l’ornement, du tissage ou encore de l’étoffe. Les articles offrent un éclairage sur les recherches récentes en archéologie, sur les textiles islamiques médiévaux, et en ce qui concerne l’architecture des XIXe et XXe siècles et le renouveau de la tapisserie à la même époque. Une Tribune, un Entretien et des débats sur la place du musée dans l’histoire du textile, la circulation des motifs et des savoir-faire à l’époque moderne ou encore la dimension textile de l’art conceptuel dans les années 1970, complètent ce numéro en phase avec le dynamisme et l’éclectisme de la recherche dans ce domaine si stimulant. Des notes plus brèves font état de recherches singulières sur les voiles ou les drapés… et, plus généralement, sur les textiles du Moyen Âge, les vêtements en Chine et au Pérou, ou encore les estampes habillées des XVIIe et XVIIIe siècles européens. Ce numéro est en vente sur le site du Comptoir des presses d'universités. Comité de rédaction du volume Marc Bayard, Marion Boudon-Machuel, Catherine Breniquet, Pascale Charron, Rossella Froissart, Charlotte Guichard, Rémi Labrusse, Philippe Malgouyres, Sara Martinetti, Nicole Pellegrin, Katie Scott, Philippe Sénéchal, Merel van Tilburg, Tristan Weddigen Perspective, 1 | 2016 2 SOMMAIRE Éditorial Éditorial Rémi Labrusse Tribune Un musée des Tissus au XXIe siècle ? Maximilien Durand Débats La vie dans un monde sans objets Tim Ingold Les textiles à la période moderne : circulation, échanges et mondialisation Une discussion entre Maria João Ferreira, Liza Oliver et Corinne Thépaut-Cabasset, menée par Maria Ludovica Rosati Maria João Ferreira, Liza Oliver, Maria Ludovica Rosati et Corinne Thépaut-Cabasset L’art d’entremêler : une problématique du temps Une discussion entre Marie-Hélène Dali-Bersani, Pierre Frey et Sophie Mallebranche, menée par Marc Bayard Marc Bayard, Marie-Hélène Dali-Bersani, Pierre Frey et Sophie Mallebranche Museums and the Making of Textile Histories: Past, Present, and Future A discussion with Birgitt Borkopp-Restle, Peter McNeil, Sara Martinetti, and Giorgio Riello, moderated by Lesley Miller Birgitt Borkopp-Restle, Peter McNeil, Sara Martinetti, Lesley Miller et Giorgio Riello Entretien Entretien avec Jean-Paul Leclercq par Rémi Labrusse Jean-Paul Leclercq et Rémi Labrusse Travaux Mise en œuvre d’une approche globale des textiles anciens au Centre de recherche sur les textiles de Copenhague Eva Andersson Strand, Ulla Mannering et Marie-Louise Nosch Crossroads of Cloth: Textile Arts and Aesthetics in and beyond the Medieval Islamic World Vera-Simone Schulz Perspective, 1 | 2016 3 La confection des édifices : analogies textiles en architecture aux XIXe et XXe siècles Estelle Thibault De la tapisserie au Fiber Art : crises et renaissances au XXe siècle Rossella Froissart et Merel van Tilburg Lectures Les « teintures de l’Inde » : les textiles sud-asiatiques dans la Bible Blake Smith Françoise Jaouën (éd.) Transparence et obstacle : voiles et tissus diaphanes du Moyen Âge en Europe occidentale Francesca Canadé Sautman Les « estampes habillées » : acteurs, pratiques et publics en France aux XVIIe et XVIIIe siècles Pascale Cugy, Georgina Letourmy-Bordier et Vanessa Selbach L’ordre et le chaos : le lit comme espace pictural et matériel textile Anika Reineke et Anne Röhl When Modernity and Nationalism Intersect: Textiles for Dress in Republican China Mei Mei Rado Une robe de femme d’origine préhispanique dans l’extrême Nord des Andes du Pérou : l’ anaco Françoise Cousin et Anne Marie Hocquenghem Historicité du textile dans les films sur le Moyen Âge Yohann Chanoir, Nadège Gauffre Fayolle et Florence Valantin Le textile derrière la grille : une abstraction impure ? Lucile Encrevé Fabrications : race, genre et travail du textile Julia Bryan-Wilson Une cartographie en ligne des centres de recherche, institutions et groupes de travail sur le textile Élodie Vaudry Postface Postfactum Tristan Weddigen Perspective, 1 | 2016 4 Éditorial Perspective, 1 | 2016 5 Éditorial Rémi Labrusse 1 « Le tissage, que les paysans pratiquaient jusqu’alors, à la campagne, de manière accessoire, afin de se procurer l’habillement nécessaire, fut le premier travail auquel l’extension du trafic commercial donna une impulsion et un essor important. Le tissage fut et resta la première et principale industrie manufacturière1. » Dès ses premiers écrits – ici dans L’Idéologie allemande –, Karl Marx a fait de la production textile un des champs privilégiés de compréhension du conflit entre le libre travail domestique et l’accumulation capitaliste, organisée dans le régime de spécialisation productive des manufactures. Puis, observant avec Friedrich Engels (lui-même issu d’une riche famille du textile) l’exploitation des femmes et des enfants dans les ateliers de Londres ou de Manchester, il a montré comment le règne des machines textiles industrielles portait à un degré spécialement vertigineux l’aliénation et la destruction méthodiques des individus, « annul[ait] l’ouvrier », comme l’écrit Jules Michelet dans son Journal à propos du « métier électrique à soie, un jacquard terrible en rapidité2 ». 2 De fait, est-ce un hasard si l’activité textile a constitué le point de départ, dans les années 1730, de la révolution industrielle, accompagnant la transformation d’une immémoriale économie domestique (puis manufacturière) en système industriel parmi les plus cruels, avec ses masses indénombrées de morts et de mutilés ? Dans le textile, en effet, s’accomplit par excellence l’intelligence technicienne : elle ne s’y exerce pas seulement en vue d’une production ; elle s’y objective, s’y manifeste à elle-même et s’y admire en tant que propagatrice légitime de la structure rationnelle de l’être. Le produit fini, avec ses innombrables combinaisons à partir d’un schéma orthogonal de base, semble garantir la réceptivité intégrale de la matière à une rationalité primordiale, donnant rigoureusement à voir, dans l’agencement de ses fils, la logique de sa genèse : « Avec un simple morceau d’étoffe, le fabricant habile peut reconstruire le métier sur lequel a été fait ce tissu3. » 3 Montrer la parfaite adéquation de la mécanique des métiers à l’idéalité pure, nimber la technè aristotélicienne d’une aura pythagoricienne, en faire la fidèle messagère de la musique des sphères, c’est, rêve-t-on, la promesse qu’offre le système textile à quiconque accepte d’en franchir le seuil et d’en pénétrer les arcanes. L’industrie y a puisé une légitimité ontologique inespérée et a pu, dans ce champ mieux que dans Perspective, 1 | 2016 6 aucun autre, s’enorgueillir de sa capacité à rendre directement sensible, grâce aux prodigieuses machines, l’autoritaire suffisance du logos géométrique, indifférent aux corps qu’il ne considère qu’en tant qu’ils le servent. Comme si le célèbre rêve mécaniste d’Aristote, miraculeusement, s’accomplissait dans le bruit fou des métiers électriques : « Si les navettes tissaient d’elles-mêmes et les plectres jouaient tout seuls de la cithare, alors les ingénieurs n’auraient pas besoin d’exécutants ni les maîtres d’esclaves4. » Tout, finalement, n’est que tissage logique, trame infinie sans sujet, texte parfait sans auteur. La fascination anti-humaniste pour la textualité, avatar d’une textilité universelle désubjectivisée, ne dit pas autre chose, au soir violent du capitalisme de la fin du XXe siècle. 4 Tout cela ne s’est pas fait sans un intense sentiment de perte, cependant. Car, depuis toujours, le processus textile devait aussi sa force d’attraction à son lien électif avec le corps vivant. La pièce tissée, avant que la mécanique industrielle ne s’en empare, a été sans doute la plus perméable de toutes les productions humaines à la mémoire du corps. Sa discontinuité même, nœud après nœud, entrelacement après entrelacement, fait que n’importe quel tissu met tactilement en contact son utilisateur avec chacun des milliers de gestes qui ont incarné sa production : ce qui se tisse dans la pratique de la chose – de sa production à sa consommation – c’est fondamentalement, physiquement, immédiatement, en amont de toute pensée conceptuelle et de toute représentation, un lien intersubjectif. Avant que l’analyste ne décrypte, dans les prestigieuses orthogonalités du lé, la machinerie qui le détermine, une communauté des corps s’établit de l’artisan à l’usager : le tissu se donne comme matérialisation de gestes, prolongement fluide de ce « delightful work, hard for the body and easy for the mind5 » auquel William Morris espérait encore, en 1877, pouvoir rendre sa gloire, pour faire barrage à la violence industrielle. 5 Cette expérience tactile du temps incarné, la production mécanique en a éradiqué, en quelques décennies, les résonnances physiques et métaphysiques millénaires. Mais l’appauvrissement drastique de nos pratiques textiles – leurs dernières lueurs vacillant dans le tricotage de nos grand-mères – n’a pas affaibli pour autant leur emprise sur l’imaginaire, qu’atteste le champ perpétuellement renouvelé des métaphores textiles, du fil de la vie à la chaîne du temps, de la broderie musicale à la trame de l’histoire, du tissu urbain au maillage des territoires, du texte à la toile.