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Faculteit Letteren en Wijsbegeerte Opleiding Taal- en Letterkunde: Romaanse Talen Academiejaar 2006-2007

Édition critique d’un fragment du ‘Renaut de Montauban’ en prose (Rubriques XXV-XXVIII)

Verhandeling voorgelegd tot het behalen van de graad van Licentiaat in de Taal- en Letterkunde: Romaanse Talen, door

Isabel VAN HOVE

Promotor: Prof. Dr. Ph. VERELST

II

I. INTRODUCTION

III

AVANT-PROPOS

L’objectif du présent mémoire est de fournir une édition critique d’un fragment du grand remaniement en prose du Renaut de Montauban. Il s’agit d’une œuvre monumentale datant du XVe siècle de laquelle il n’existe pas d’édition critique. Néanmoins, cette prose amplifiée fait l’objet d’une série de mémoires de licence – comme le nôtre – à l’université de

Gand. Notre fragment contient les rubriques XXV à XXVIII, faisant partie de l’Épisode Gascon.

Il s’agit d’un moment-clef dans l’histoire : le combat à Vaucouleurs – qui comprend environ la moitié de notre extrait – et sa suite.

Nous tenons à adresser des remerciements au professeur Ph. Verelst, qui nous a aidée pendant deux années à réaliser ce mémoire, en nous guidant à travers les problèmes les plus ardus avec beaucoup de patience et sagesse. N’oublions pas non plus de remercier notre mère, nos amis, et toutes les autres personnes qui nous ont appuyée pendant l’élaboration de ce travail.

Nous commencerons notre étude par une introduction dans laquelle nous décrirons en premier lieu les manuscrits, puis nous proposerons une comparaison entre les trois manuscrits en prose avant de passer à une étude de la langue de notre manuscrit de base, Lf.

L’examen des ressemblances et divergences entre Lf et R, ainsi qu’entre Lf et les versions rimées plus anciennes sera notre point suivant. Finalement, nous ajouterons un résumé de notre fragment. La deuxième partie de ce mémoire consiste en un texte critique, accompagné de notes, d’un glossaire et d’un index des noms propres.

De cette façon, nous comptons apporter notre pierre à l’édifice, en contribuant au progrès de cette entreprise démarrée il y a plus que 20 ans.

IV

A. LES MANUSCRITS

Le fragment que nous éditons du Renaut de Montauban nous est transmis par trois manuscrits1 :

 Lf : les manuscrits français 19173 à 19177, de la Bibliothèque Nationale à Paris. Le

sigle provient du nom d’un des possesseurs : Jean Le Feron.

 Am : les manuscrits 5072 à 5075, de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, complétés par

le Cod. Gall. 8 de la Bibliothèque de Munich. Le sigle s’explique par les endroits où

les différentes parties du manuscrit se trouvent : Arsenal et Munich.

 Pm : les manuscrits 311 et 312 de la Bibliothèque du comte Schönborn à

Pommersfelden. Ce sigle est à expliquer par le nom de la bibliothèque :

Pommersfelden.

1 THOMAS, J., Les mises en prose de ‘Renaut de Montauban’. Classement sommaire et sources dans Fin du moyen âge et Renaissance. Mél. de philologie française offerts à Robert Guiette, Anvers, De Nederlandse Boekhandel, 1961, p. 134. [Tout comme nos prédécesseurs, nous optons pour adopter les sigles utilisés par Ph. Verelst dans sa bibliographie : VERELST, Ph., ‘Renaut de Montauban’, textes apparentés et versions étrangères : essai de bibliographie dans Romanica Gandensia, t.XVIII, Gent, 1981, pp. 199-232] V

1. Description codicologique

Vu que nous ne disposons que de microfilms (Lf et Am) et de photocopies (Pm), la description des manuscrits s’est révélée très ardue à certains endroits. Par conséquent, nous devons beaucoup à nos devanciers – parmi lesquels il faut mentionner en particulier Els De

Vos, qui s’est plongée dans le domaine de l’archivistique1 – et aux ouvrages de référence.

Ajoutons aussi l’édition d’une des suites généalogiques du Renaut, Mabrien par Ph. Verelst2, ouvrage dans lequel on trouve entre autres une description matérielle des manuscrits Lf et

Am. Comme nous ne sommes en possession que d’un fragment, une étude approfondie de l’ensemble des manuscrits n’est pas possible. Nous nous limiterons à la description matérielle de notre fragment.

1.1. Le manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Lf)

Lf fonctionnera comme notre manuscrit de base, ce choix a été justifié par Ph. Verelst dans son édition critique de Mabrien: « C’est finalement un critère codicologique qui m’a amené à préférer Lf, à savoir son aspect ‘copie d’atelier’, qui laisse supposer qu’il a servi de modèle aux autres manuscrits »3 ; ainsi que par J. Thomas, qui annonce sa préférence pour Lf de façon prudente dans le tome XVIII de Romanica Gandensia4. Il faut spécifier que le terme

‘copie d’atelier’ provient en fait d’Antoine de Schrijver, spécialiste de la miniature bourguignonne, le père d’une des étudiantes, Caroline De Schrijver, qui a édité un fragment du Maugis d’Aigremont5.

Le manuscrit est écrit sur papier – un appui nettement moins riche que le parchemin des deux autres – de format in-4° 6. Notre fragment occupe les folios 173 v° à 199 v° (jusqu’à

1 DE VOS, E., Édition critique d’un fragment du ‘Renaut de Montauban’ en prose (rubriques VII-XIII), Gand, 1990. [Nous nous abstenons de répéter tout ce qu’elle a découvert, il nous paraît mieux référer à son travail pour ce qui est de l’histoire des manuscrits.] 2 VERELST, Ph., ‘Mabrien’, roman de chevalerie en prose du XVe siècle. Édition critique, Genève, Droz, 1998. 3 VERELST, Ph., op.cit., p.34. 4 THOMAS, J., La sortie de , dans Romanica Gandensia, t. XVIII, Gent, 1981, pp. 88-89. 5 DE SCHRIJVER, C., Édition d’un fragment du ‘Maugis d’Aigremont’ en prose (rubriques XLII-LI [lire XLI-L]), Gand, 1983, pp. V-VI. 6 OMONT, H., Catalogue général des manuscrits français. Ancien Saint-Germain français, t. III, n° 18677-20064, du fonds français, par L. AUVRAY et H. OMONT, Paris, Ernest Leroux, 1900. VI la ligne 27) du second volume (cote 19.174). La foliotation est moderne : dans le coin supérieur droit de chaque feuillet, côté recto, nous voyons un chiffre arabe encerclé.

Le texte est écrit en pleines lignes, desquelles le nombre varie légèrement selon les feuillets : 35 lignes (23 feuillets), 34 lignes (15 feuillets), 36 lignes (11 feuillets), 33 lignes (3 feuillets : f° 180 r°, f° 190 r°, f° 197 r°) et 32 lignes (1 feuillet : f° 180 v°). Sur les microfilms que nous avons utilisés, il était impossible de distinguer des traces de piqûres ou de réglures, bien qu’elles doivent exister1.

Abstraction faite des divergences en ce qui concerne la ‘taille’ des lettres – comparons

à titre illustratif les feuillets 180 v° et 181 r° – , on ne voit pas de différences dans l’écriture.

On pourrait en déduire que le texte a été écrit par la même main tout au long de notre fragment. Étant donné que nos prédécesseurs ont avancé la même hypothèse, nous serions tentée d’affirmer que tout le volume a été transcrit par le même scribe. Le texte est écrit de façon rapide et nerveuse ; il s’agit d’une écriture gothique cursive mal soignée à modules très petits, ce qui ne contribue pas à la lisibilité de notre extrait. À certains endroits, notre

‘logique’ a dû l’emporter sur l’impression que nous avions à la première lecture. Prenons l’exemple du folio 175 r° : nous savons qu’il y a une équivalence graphique entre -c- et -t- dans les mots comme ‘donc’ (cf. infra). Néanmoins, il est peu probable que le mot écrit au milieu de la ligne 8 soit ‘crois’, signifiant ‘trois’. La même remarque vaut pour le nom de

Richard à la dernière ligne du folio 189 v° : écrivant tellement vite, le scribe a oublié d’insérer le -i-, par conséquent, bien qu’on sache qu’il s’agit de ‘Richard’, on lit ‘Rchard’. La rapidité de l’écriture s’observe aussi dans le fait que, d’une part, des mots qui ne doivent pas être agglutinés le sont quand même (p.ex. atout, f° 190 r°) et que, d’autre part, souvent un seul mot est scindé en unités différentes (p.ex. Broye Fort, f° 193 r°).

L’aspect esthétique n’a visiblement pas joué de rôle important2. Or le souci d’exactitude est omniprésent : plusieurs fois, le transcripteur a retouché le texte, même aux endroits où cela ne paraît pas nécessaire, comme à la ligne 6 du folio 190 v°, où la lettre -d- est biffée. Le scribe aurait bien pu écrire « bien devoient aymer », néanmoins il a opté pour

« bien aymer devoient » en biffant le signe qu’il avait écrit prématurément. Toutes les 21 corrections ont été faites pendant l’écriture même et s’il y a une forme correcte ajoutée, elle

1 VERELST, Ph., Mabrien… p. 29. 2 Ajoutons à ce propos une observation d’Els de Vos (op. cit.), c.-à.d. que les mêmes lettres sont souvent formées de façons différentes, telles que -s-, mais aussi -d-, -z-, etc. VII suit immédiatement celle biffée. Quelques fois, le transcripteur a ajouté une spécification au- dessus du texte : à la ligne 28 du folio 181 v° par exemple il a dû ajouter le nom de Fouques, tout petit au-dessus du mot ‘conte’.

Les initiales ornées n’ont pas été exécutées, on ne voit qu’une espace libre de deux interlignes et une lettre guide dans la marge de gauche. Ce manque, ainsi que l’absence de miniatures dans le manuscrit, contribue à l’hypothèse de Ph. Verelst, qui considère Lf comme

‘une copie d’atelier’ (cf. supra). La seule forme de décoration qu’on y trouve consiste en des petits traits (p.ex. f° 173 v°, ligne 4), des lettres quelque peu ornées (p.ex. f° 174 v°, ligne 21 : - y- ; f° 190 r°, ligne 24 : -z-, etc.), et parfois des lettres élargies vers la droite, bien qu’on puisse mettre en doute la valeur ornementale de ce dernier phénomène. Quant à l’encre utilisé, S.

Vallez nous apprend que la rubrication a été effectuée avec une encre différente, probablement une encre rouge1. Nous-mêmes sommes empêchée de voir de telles nuances – un inconvénient dû au travail avec le microfilm – nous ne pouvons que remarquer que les lettres des rubriques ont été exécutées de façon plus ‘fine’ ; nonobstant, cette différence de largeur ne se limite pas aux rubriques.

Finalement, le manuscrit présente des majuscules ainsi qu’une ponctuation (des

‘virgules’ ou barres obliques, des ‘colons’ ou points, et des ‘commas’ ou la combinaison des deux précédents)2. L’emploi des majuscules, tout comme celui de la ponctuation, ne correspond que partiellement aux règles modernes.

1.2. Le manuscrit de l’Arsenal (Am)

Ce manuscrit est en parchemin3. Notre fragment se situe dans le second volume (cote

5073) et comprend les folios 189 r° (ligne 8) à 230 r° (jusqu’à la ligne 2). La foliotation est moderne, nous la retrouvons dans le coin supérieur droit du côté recto des feuillets.

Cependant, nous nous sommes basée surtout sur les indications apportées par Ph. Verelst, à cause de l’illisibilité des chiffres : nous ne pouvons les distinguer clairement que dans cinq

1 VALLEZ, S., Édition critique d’un fragment du Renaut de Montauban en prose (Rubriques 0-VII [lire : 0-VI]), Gand, 1983, p. V. 2 MARCHELLO-NIZIA, C., Histoire de la langue française aux XVIe et XVe siècles, Paris, Bordas, 1979. 3 MARTIN, H. et LAUER, Ph., Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, Paris, 1929, (société française de reproductions de manuscrits à peintures). VIII cas : f° 201, f° 209, f° 219, f° 228 et f° 229. Seulement onze des autres feuillets portent des traces d’une numérotation. La moitié de nos feuillets n’a donc pas – ou plus – de numéros indiquant la page. Il nous surprend que nos devanciers n’ont pas rencontré ce problème.

Le texte est écrit sur une colonne et chaque feuillet compte 28 lignes. Le microfilm de ce manuscrit nous permet de distinguer les réglures. Les folios 211 r° et v° nous en fournissent des exemples manifestes, mais avec quelque peine on voit souvent des réglures qui servent à former la justification uniforme. Parfois il arrive quand même qu’un mot dépasse cet encadrement, soit on l’achève dans la marge de droite, soit en bas de page. Nous en trouvons des exemples respectivement aux folios 211 r° et 220 r° et aux folios 216 v° et 226 r°. Les majuscules ornées dépassent l’encadrement dans la marge de gauche. À plusieurs endroits le texte est flou, dix feuillets sont même presque illisibles1, tout de même, nous ne nous y arrêtons pas, puisque nous ne pouvons pas deviner la cause de ce phénomène sans une étude du manuscrit original.

L’écriture est une ‘bâtarde bourguignonne’, très régulière et très soignée. Nous devons néanmoins contredire deux de nos devanciers qui prétendent que le texte est tellement soigné que les mots ne sont nulle part séparés indifféremment en plusieurs unités, ni liés les uns aux autres2. Il ne nous faut que regarder les folios 198 v° (ligne 9 : ‘envie’ au lieu de ‘en vie’) et 200 r° (ligne 18-19 : ‘a voir’ au lieu de ‘avoir’) pour contredire cette affirmation. Disons que les mots sont des unités plus nettes que dans Lf, mais qu’à certains endroits des liaisons incorrectes sautent aux yeux. Contrairement à Lf, nous ne trouvons presque pas de ratures. Il n’y en a que quatre, à situer aux folios 181 r°, 189 r°, 193 v° et 196 v°. Le texte est écrit par la même main tout au long de notre fragment.

Chaque rubrique est précédée d’un titre. Ceux-ci commencent dans notre extrait toujours au début d’une ligne. Les titres des rubriques 25 et 28 semblent être écrits en encre différent – probablement en rouge. Ceux des rubriques 26 et 27 par contre ne paraissent pas présenter de différences d’encre avec le texte environnant. À l’exception de celui de la rubrique 26, les titres suivent les miniatures.

1 Il s’agit des feuillets 210 r°, 213 r°, 213 v°, 220 r°, 223 v°, 224 v°, 225 r°, 225 v°, 226 r° et 226 v°. Ils présentent les cas les plus graves parmi les folios moins clairs. 2 GOUDESEUNE, F., Édition critique d’un fragment du ‘Renaut de Montauban’ en prose (Rubriques XVI-XIX), Gand, 1996, p. VII et DE SMEDT, A., Édtition critique d’un fragment du ‘Renaut de Montauban’ en prose (Rubriques XX-XXIV), Gand, 2000, p. V. IX

Am est un manuscrit de luxe1. Il a été effectué par le célèbre calligraphe David Aubert pour Philippe le Bon. Le caractère luxueux ne se limite pas à la langue archaïsante – nous y reviendrons. Le manuscrit a aussi été enjolivé par des lettrines d’une hauteur de deux interlignes qui marquent le début d’un nouvel alinéa, ainsi que par des ‘bouts-de-ligne’ qui remplissent l’espace blanc d’une ligne – n’importe de quelle longueur – à la fin d’un alinéa, et par des ‘pieds-de-mouche’ marquant le début ou la fin d’un discours, ou le changement de locuteur. L’emploi de ces derniers semble régulier, bien qu’ils n’apparaissent pas toujours

(p.ex. f° 211 r°); une telle décoration peut aussi simplement servir d’embellissement (f° 202 v°, au lieu d’une bande décorative) ou on l’utilise pour séparer des mots (f° 210 v° (ligne 4)).

Une forme d’ornement moins fréquente consiste à allonger les hampes des lettres, regardons par exemple le -d- sur le folio 218 r°.

De toute évidence, on ne peut pas parler de Am sans mentionner les miniatures, exécutées par Loyset Liédet (nous les décrirons par la suite). La largeur de ces embellissements occupe toute la justification. Leur hauteur varie : la miniature de la rubrique

25 compte 14 interlignes, celles des rubriques 26 et 27 en comptent 13, et on va jusqu’à 15 interlignes pour la miniature de la dernière rubrique de notre extrait. L’illustration se rapporte aux scènes les plus importantes de ce qui suit immédiatement après.

Nous trouvons les même signes de ponctuation que dans Lf. À nouveau ni leur emploi, ni celui des majuscules ne sont conformes à l’usage moderne.

1.3. Le manuscrit de Pommersfelden (Pm).

Ce troisième manuscrit a aussi été exécuté sur parchemin, il s’agit d’un grand in- folio2. Le fragment que nous étudions occupe les folios 112 r° (ligne 8 de la première colonne)

à 129 r° (jusqu’à la ligne 12 de la première colonne) du premier volume (cote 311).

Contrairement aux deux autres manuscrits, le foliotage de Pm est ancien et semble être de la même main que le texte. Nous trouvons des chiffres romains précédés et suivis d’un point

1 Pensons à la citation de C. Gaspar et F. Lyna : « Onder de talrijke transcripties vervaardigd in het scriptorium van David Aubert, vermelden we alleen de belangrijkste, die om de hoedanigheid van hun verluchting mogen worden gerekend tot de mooiste boeken van Philips den Goeden […] In 1462 : […] », GASPAR, C., LYNA, F., Philips de Goede en zijn librije, Brussel, de Kunstkring, 1942, p. 15. 2 OLSCHKI, L., Manuscrits français à peintures de bibliothèques d’Allemagne, Genève, 1932, p.61. X dans le coin supérieur droit du côté recto de chaque feuillet. On voit qu’à partir du folio 120 le système de numérotation change : au lieu d’écrire .cxx., le scribe préfère .vjxx.

Vu que nous disposons de photocopies de ce manuscrit, les taches sont plus clairs, ainsi – surtout au début – on voit apparaître, plus nettement que dans Am, le reflet des majuscules ornées du côté recto sur le côté verso et vice-versa (p.ex. f° 112 v°, où on voit bien la forme du -q- orné du côté recto). Il n’y a pas de feuillets flous comme dans Am. Nous n’avons rencontré que des nuances de clarté, comme aux folios 115 v° et 120 v° qui sont plus obscurs que les autres. Parfois nous avons rencontré des parties de feuillets moins claires

(p.ex. f° 118 r° et v°). Ce vague pourrait être dû à l’humidité, mais nous ne nous hasarderons pas à affirmer cela avec certitude. À nouveau un examen de l’original pourrait nous aider.

Les photocopies nous permettent aussi de discerner à plusieurs endroits les réglures horizontales et verticales. Le texte est écrit sur deux colonnes comptant chacune 39 lignes, à l’exception de la deuxième colonne du folio 119 r°, qui n’en compte que 37. La justification est régulière ; il se peut quand même qu’une majuscule ornée ou son ornement dépasse l’encadrement, tout comme les lettres finales des mots. Néanmoins, nous n’avons pas rencontré des cas où l’on dépasse le cadre pour ajouter des mots entiers.

L’écriture est comme dans Am une ‘bâtarde bourguignonne’, à modules très soignés et réguliers, mais plus petits que dans l’ autre manuscrit de luxe. L’unité des mots est respectée, abstraction faite des prépositions agglutinées aux mots suivants et des noms qui n’ont pas été séparés des articles qui les précèdent. Ce manuscrit porte le moins de ratures, nous en avons trouvé une seule (f° 113 r°, à la ligne 7 de la première colonne).

Passons aux décorations. On peut distinguer deux types d’initiales ornées : celles qu’on trouve au début du premier alinéa d’une rubrique, à une hauteur de trois interlignes, et celles des autres alinéas, de deux interlignes. À côté de quelques-unes de ces majuscules on peut encore discerner la lettre guide, une minuscule, dans la marge de gauche. Tout comme le manuscrit de l’Arsenal, celui de Pommersfelden a été orné par des ‘bouts-de-ligne’ en forme de bandes décoratives et par des ‘pieds-de-mouche’. Ces derniers servent, de nouveau, à indiquer le début ou la fin des paroles d’un personnage où le changement de locuteur, il faut quand même encore une fois remarquer que leur emploi n’est pas tout à fait systématique : ils n’apparaissent pas dans tous les cas (p.ex. f° 120 r° à la ligne 15 de la première colonne) et parfois ils peuvent être insérés sans qu’il y ait un discours qui suit (p.ex. XI f° 116 r° à la ligne 37 de la première colonne). Les titres pourraient être écrits en encre différent. Ceux des rubriques 25, 27 et 28 sont suivis d’une grisaille occupant la largeur d’une colonne et une hauteur de 12 lignes (leur description, ainsi que la comparaison avec les miniatures de Am suivra). La rubrique 26 est dépourvue de grisaille. Finalement, certaines fois le copiste s’est amusé à prolonger la hampe d’une lettre dans la marge supérieure (p.ex. f° 119 v°).

Avant de conclure cette description, ajoutons que des petits traits légers et des points constituent la seule forme de ponctuation de Pm ; en plus, ces signes apparaissent moins fréquemment que dans Am ou Lf. Les majuscules, par contre – souvent enjolivées –, sont notablement plus fréquentes.

Passons à la description des miniatures et des grisailles, un autre point capital de la description de nos manuscrits, étant donné leur importance pour les historiens ainsi que pour les gens à l’époque.

2. Les illustrations dans Am et dans Pm

Nous avons déjà insisté sur les difficultés que nous avons rencontrées pour la description des manuscrits en nous basant sur les microfilms et les photocopies. Il va de soi que le problème est encore plus ardu quand nous voulons étudier les miniatures (Am) et les grisailles (Pm). Par conséquent, nous proposons un survol dans lequel nous nous limiterons aux éléments discernables. Nous tenons aussi à remercier Ph. Verelst, qui nous a indiqué quelques détails échappés à notre attention.

Vu leur thématique semblable, nous traiterons les grisailles et les miniatures ensemble.

Grisaille 25 : Le traquenard de Vaucouleurs. (f° 112 r°)

La scène se déroule sur et à l’entour de la Roche Mabon. Ogier, accompagné de six hommes – au lieu de dix comme dit le texte –, est en train de négocier avec les quatre fils

Aymon. À gauche et à droite du rocher, on voit l’armée française, prêt à attaquer. Le paysage est flou, on peut distinguer quelques arbres, mais le tout est peu délimité. XII

Miniature 25 : Les traquenard de Vaucouleurs. (f° 198 r°)

La scène est à situer au même endroit que dans Pm, c’est-à-dire auprès du rocher où les quatre chevaliers se sont retranchés. Nonobstant, la miniature représente un autre moment du combat : il y a visiblement plus d’action, les quatre fils Aymon sont en train de se battre contre le Français. Nous voyons un d’eux – probablement Richard – lancer une pierre

à son adversaire. Les autres se battent à leur tour et Bayard est aussi présent. Deux Français gisent avec leurs armes au pied du rocher. À gauche et à droite, l’armée française se trouve rassemblée, et au loin on peut voir Maugis, avec son armée, qui vient secourir ses cousins.

Grisaille 26 : Ø

Miniature 26 : La fuite d’Yon. (f° 211 v°)

Deux scènes ont été représentées. D’une part, à gauche, on peut voir le roi Yon dans une chambre du palais, parlant à un homme. Cet homme pourrait être l’écuyer qui le met au courant de la venue des fils Aymon ou son chambellan en train de le réconforter. D’autre part, à droite, nous nous trouvons dans l’étable où Yon est déjà monté à cheval. Son chambellan est représenté aussi, ainsi que deux autres serviteurs, l’un à côté du cheval du chambellan (?), l’autre déjà à cheval, duquel nous ne pouvons discerner sur le microfilm que la tête et un bras. Ils sont sur le point de s’enfuir. À travers la fenêtre du milieu on peut distinguer l’intérieur du palais, une chambre pavée comme celle que nous voyons à gauche.

Grisaille 27 : La réconciliation de Renaud et Clarisse. (f° 122 v°)

Cette scène se déroule dans la chambre de Clarisse. On y voit un lit à baldaquin et un autre meuble qui pourrait être une armoire. La chambre est pavée. Clarisse se trouve à genoux devant Renaud, suppliant, demandant pardon au nom de son frère. À côté d’elle, ses deux femmes de chambre font triste mine. Au fond du couloir, il y a aussi deux hommes

(serviteurs ?). Contrairement au paysage flou de la grisaille 25, on constate qu’ici, XIII l’enlumineur s’est efforcé de peindre toute la chambre minutieusement. À gauche, on voit l’extérieur.

Miniature 27 : La réconciliation de Renaud et Clarisse et le massacre causé par

Richard. (f° 218 r°)

Comme la précédente, cette miniature nous montre deux scènes. À gauche, nous voyons Richard massacrant les hommes du roi Yon. Un homme s’éloigne de la scène, courant vers la chambre de Clarisse. Il s’agit probablement du chevalier qui veut mettre

Renaud au courant du crime de son frère. Le tableau principal représente, comme dans Pm,

Clarisse et deux dames dans sa chambre. Cette dernière est de nouveau pavée et contient une armoire, mais le lit semble faire défaut (?). Elle demande le pardon à son mari. Il y a

également un autre personnage au fond.

Grisaille 28 : La dispute d’Ogier avec . (f° 124 v°)

Ogier et Roland veulent se battre. Derrière Ogier il y a six hommes – de son lignage – qui le soutiennent. se trouve entre les deux chevaliers ; devant lui nous voyons le gant d’Ogier. Le défi a donc été lancé, Ogier a déjà tiré son épée et Roland a l’intention de tirer la sienne, mais l’empereur veut qu’ils se calment. Il faut remarquer que malgré que le texte rapporte que la dispute a lieu dans la tente de l’empereur, l’enlumineur la représente dans une salle pavée, dont le mur du fond et une partie du plafond sont ornés aux fleurs de lis.

Miniature 28 : La dispute d’Ogier avec Roland et la capture d’yon. (f° 222 r°)

De nouveau, la miniature contient une scène de plus que la grisaille. La scène principale équivaut à celle de la grisaille dans Pm : Ogier et Roland veulent se battre, mais

Charlemagne les sépare. Le gant d’Ogier est jeté par terre. Derrière Ogier se trouvent ses parents qui le soutiennent, dans ce cas-ci il s’agit de toute une foule. L’écart entre l’image et XIV le texte est de nouveau remarquable1 : les hommes se trouvent dans une salle pavée, avec des fenêtres,< À droite, on a ajouté une scène qui a lieu dans l’abbaye : les Français attaquent la tour où Yon et les siens se cachent. Les assaillants montent à l’aide de grandes échelles, tandis que ceux qui se sont retirés dans la tour leur lancent des pierres depuis le toit.

Avant de conclure cette partie sur l’enluminure des deux manuscrits, il convient d’ajouter un élément capital que nous trouvons dans plusieurs œuvres traitant des miniatures bourguignonnes, notamment les éléments anachroniques. Tout comme nos devanciers, nous avons remarqué plusieurs endroits où les personnages, les paysages,< ont

été transportés du Moyen Âge au XVe siècle. Charlemagne ressemble fort au duc de

Bourgogne, les fils Aymon ont les traits des nobles du XVe siècle et Clarisse et ses femmes de chambre sont vêtues de couvre-chefs et robes typiques du quinzième siècle. Néanmoins, il faut se garder de prendre ces anachronismes pour des ‘erreurs’ ou pour un ‘réalisme naïf’.

Ainsi, Diringer nous apprend que l’union de la fiction et la réalité n’est pas exceptionnelle dans la miniature bourguignonne : le modèle de l’élégance linéaire gothique et du raffinement qui dominait la société du quinzième siècle se retrouve dans les miniatures2.

1 Apparemment de petites différences entre le texte et l’image n’étaient pas rares. (cf. grisaille 25, où le nombre de chevaliers ne correspond pas à celui du texte). Citons à ce propos Gaspar et Lyna : « [sur Loyset Liédet] Wel komt het voor dat hij een handschrift verlucht na den tekst met een verstrooid oog te hebben doorloopen, maar hij geeft altijd met nauwgezette getrouwheid de aspecten weer van de maatschappij van zijn tijd. ». GASPAR, C., LYNA, F., op. cit., p. 30. 2 DIRINGER, D., The illuminated book. Its history and production, New York, Washinton, Frederick A. Praeger, 1967, pp. 422-423. XV

B. RAPPORTS ENTRE LES MANUSCRITS EN PROSE :

LF, AM ET PM

Cette partie de notre travail ne se veut point exhaustive : notre objectif n’est que d’offrir des pistes intéressantes aux chercheurs à l’avenir. Étant donné que nous avons enregistré toutes les variantes – exception faite des variantes graphiques – dans notre apparat critique, il nous paraît peu utile d’entrer trop dans les détails dans cette partie-ci. En plus, la quantité limitée de données dont nous disposons, en travaillant sur un extrait du texte, ne nous permet pas de formuler des conclusions définitives.

Nous commencerons en évoquant les variantes graphiques, lexicales, morphologiques en syntaxiques, avant de passer aux additions et suppressions par rapport à notre manuscrit de base. Puis, en guise de conclusion, nous proposerons une liste d’erreurs que nous avons rencontrées dans les trois manuscrits.

1. Les variantes graphiques

Celles-ci sont très nombreuses ; en outre, nous ne rencontrons pas seulement des différences entre les trois manuscrits, mais aussi à l’intérieur d’un seul manuscrit.

L’énumération de toutes ces divergences d’habitude graphique serait un travail fastidieux et peu intéressant, par conséquent nous optons pour un survol plus rapide ; c’est la raison pour laquelle nous ne nous arrêterons pas aux variantes ‘gratuites’1.

À côté des formes agglutinées – que nous avons déjà évoquées en parlant des manuscrits – on retrouve les équivalences graphiques suivantes :

-a- / -ai-

- visages Lf / visaiges Am, Pm. (25.2) - chambellan Lf, Am / chambellain Pm. (26.4)

1 Des équivalences comme ‘t=d’, ‘i=y’, ‘ez=és’, etc. sont aussi très fréquentes. Néanmoins, il nous semble peu intéressant de les intégrer dans notre liste. La même remarque vaut pour les consonnes intervocaliques redoublées. XVI

- osast Lf, Pm / osaist Am. (25.7)

- aymez, aimés Lf, Pm / amez Am. (25.10)

-ai- / -e-

- laisser Lf, Pm / lesser Am. (25.2)

- gueres Lf, Am / guaires Pm. (27.3) - meffet Lf, Pm / meffait Am. (25.21)

-ai- / -ei-

- paine Lf / peine Am, Pm. (25.13) - Charlemaine Lf, Pm / Charlemeine Am. (25.1) - travailliez Lf / traveilliés Am, traveilliez Pm. (25.17)

-a- / -e-

DEVANT NASALE

- semble Lf, Pm / samble Am. (25.1) - ensemble Lf, Pm / ensamble Am. (25.14) - dolens Lf / dolans, doulans Am, Pm. (25.6) - Berengier Lf, Pm / Berangier Am. (25.12)

- condampné Lf / condempné Am, Pm. (26.6) - penitance Lf / penitence Am, Pm. (26.6) - avantaigeusement Lf, Am / aventaigeusement Pm. (25.16)

DEVANT N’IMPORTE QUELLE CONSONNE

- Flamberge Lf, Pm / Flambarge Am. (25.7)

- Sardanapalus Lf / Serdanapalus Am, Pm. (26.7) - appartiennent Lf, Am / apertiennent Pm. (28.6)

au / aul

- autrement Lf / aultrement Am, Pm. (25.1) - aucunes Lf / aulcunes Am, Pm (26.7) - sauf Lf, Pm / saulf Am. (27.4)

XVII

-eu- / -oeu- / -ue-

- peult Lf / poeut Am / puet Pm. (28.4) - ceur Lf / coeur Am / cuer Pm. (25.8) - seur Lf / soeur Am / suer Pm. (26.1)

-uei- / -oeu- / -ue-

- dueil Lf / doeul Am / duel Pm. (28.2) - vueil Lf, Pm / voeul Am. (25.3)

-eu- / -ieu-

- plusieurs Lf / pluseurs Am, Pm. (25.1) - pecheur Lf, Am / pechieur Pm. (26.6)

-ou- / -eu-

- pou Lf / peu Am, Pm. (27.4)

-ou- / -o-

- ouÿr Lf / oÿr Am, Pm. (25.1) - prouchaine Lf / prochaine Am, Pm .(25.5)

- solleil Lf / souleil Am,Pm. (25.9) - dolente Lf, dolante Am / doulente Pm. (27.2)

-o- / -oi-

- besongne Lf / besoigne Am, besoingne Pm. (25.6) - Gasongne Lf / Gascoigne Am, Gascoingne Pm. (27.1) - eslongna Lf, eslonga Am / esloingna Pm. (25.10)

-oy- / -e-

- voyez Lf / veez Am, Pm. (27.4) - mescroyez Lf / mescreez Am, Pm. (28.4 - loyal Lf, Pm / leal Am. (25.3)

XVIII

-oy- / -i-

- desloyer Lf / deslier Am, Pm. (25.17)

-oy- / -uy-

- ennuya Lf, Pm / ennoya Am. (25.10)

-ui- / -ie-

- suivit Lf, suyvit Pm / sievy Am. (25.19) - ensuivy Lf, ensuyvi Pm / ensievy Am. (28.9)

-un- / -on-

- anuncer Lf / annoncer Am, Pm. (25.15) - habundans Lf / habondance Am, Pm. (27.4)

-eau- / -el-

- chasteau Lf, Pm / chastel Am. (27.5)

s- / sc-

- savoir Lf / sçavoir Am, Pm. (25.1) - mauldite Lf, Am / mauldicte Pm. (26.5)

- actendans Lf / atendans Am, Pm. (25.1) - saincte Lf, Pm / sainte Am. (25.5)

-cq- / -q-

- avecques Lf, Pm / aveques Am. (25.2) - illecques Lf, Pm / illeques Am. (28.11)

-cion / -tion

- perfeccion Lf / perfection Am, Pm. (25.1) XIX

- ficcion Lf / fiction Pm. (26.1)

-c / -t

- donc Lf / dont Am, Pm. (25.1) - Escoult Lf / Estoult Am, Pm. (28.6)

-z-, -s(s)- / -x-

- destre Lf / dextre Am, Pm. (26.5) - faulz Lf / faulx Am, Pm. (28.5) - lesquelz Lf, Pm / lesquelx Am. (25.1) - doulz Lf, Am / doulx Pm. (26.8)

- ambaxades Lf / ambassades Am, Pm. (25.15) - couroux Lf, courroux Pm / courrous Am (25.9)

-s, -z / -tz

- presentz Lf / presens Am, Pm. (25.3) - esperitz Lf, Pm / esperiz Am. (25.1)

- faiz, fais Lf, Am / faitz Pm. (27.6)

Graphies latinisantes

- a ce Lf, Pm / ad ce Am. (25.1) - afin que Lf, Pm / adfin que Am. (25.2)

- contens Lf, Pm / contemps Am. (25.12) - recevoir Lf, Pm / recepvoir Am. (26.8) - tenta Lf / tempta Am, Pm (26.4) - Damnemarche Lf / Dampnemarche Am, Pm. (25.19)

* Remarques sur la langue de Am

À côté des graphies latinisantes, on peut distinguer deux caractéristiques importantes en ce qui concerne la langue du manuscrit de l’Arsenal :

XX

Am écrit le prétérit sans -t

- fut Lf, Pm / fu Am. (25.1) - ferit Lf, Pm / feri Am. (25.7) - deffendit Lf, defendit Pm / deffendy Am. (25.12)

La langue de Am a plusieurs traces de l’ancien système bicasuel

- nul Lf, Pm / nulz Am. (25.1) - amour Lf, Pm / amours Am. (25.1) - Fouques Lf, Pm / Fourquon Am. (25.16)

2. Les variantes lexicales

Nous n’avons pas trouvé de divergences de sens importantes. Il se peut néanmoins qu’un des manuscrits propose une variante lexicale à sens différent, mais nous n’avons rencontré que quelques cas exceptionnels où l’on ne voit pas le lien entre la leçon de Lf et celle de Am ou Pm.

Les variants dans les préfixes

- congneut Lf / recongneut Am, Pm. (25.16) - partement Lf / departement Am, Pm. (27.5) - livrez Lf, Pm / delivrez Am. (25.5) - vers Lf, Pm / devers Am. (26.1) - merciez Lf / remerciez Pm. (27.4)

- se deppartit Lf / se parti Am, se partit Pm. (26.3) - emporta Lf, Pm / porta Am. (25.7)

Les variantes dans les prépositions

- a ce jour d’uy Lf / en ce jour d’uy Am, Pm. (25.1) - en l’abbaye Lf / a l’abbaye Am, Pm. (28.11) - a temps Lf, Pm / en temps Am. (26.2) - en la roche Lf, Pm / a la roche Am. (28.8) - a chemin Lf, Am / en chemin Pm. (25.1) - a mes propres mains Lf / de mes propres mains Pm. (25.8)

XXI

Les variantes qui sont en rapport synonymique

- sires Lf / seigneurs Am, Pm. (25.10) - comme dit ung commun proverbe Lf / comme on dit en commun parler Am, Pm. (25.11) - tout homme Lf, Pm / chacun Am. (25.2) - tuast Lf, Pm / oceist Am. (27.5) - partie Lf, Am / part Pm. (27.1) - a tout Lf / a Am / avec Pm. (25.14)

Les variantes apportant une légère différence de sens

- lours Lf / durs Am, Pm. (25.1) - assez pres d’illec Lf, assez pres d’illecques Pm / a costé d’illeq Am. (26.4) - la noble dame Clarisse Lf, Pm / Clarisse, la noble princesse Am. (26.1) - les haulz princes Lf, les princes Am / les haulz hommes Pm. (28.9) - l’empereur Lf / le roi Pm. (25.3)

Les variantes proposant un sens différent

- armé Lf / arrivé Am, Pm. (25.13) - est nostre voulloir de mourir cy avecques vous Lf, Pm / est nostre vouloir de demourer icy aveques vous Am. (25.5) - vaillans hommes Lf, Pm / serviteurs Am. (28.6)

3. Les variantes morphologiques

L’élision

- qu’en Lf / que en Am, Pm. (25.1) - s’il Lf, Am / se il Pm. (25.4) - d’aussi Lf, Pm / de aussi Am. (25.20)

- que aviez Lf / qu’aviés Am, Pm. (25.17) - de homme Lf, Am / d’omme Pm. (27.2)

L’omission de l’article

- l’ung des costez Lf / ung des costés Am, Pm. (25.6) - le solleil Lf, le souleil Pm / souleil Am. (25.9)

XXII

Variantes dans les conjonctions

- et les autres non Lf / mais nul des aultres non Am, Pm. (25.16). - aymoient ou bien aymer devoient Lf / amoient et bien amer devoient Am, aimoient et bien aimer devoient Pm. (27.1)

Variantes dans le nombre

- qui a heure ne partira d’icy Lf / qui en heure ne partiront d’icy Am, ceulx qui en l’eure ne partiront de cy Pm. (25.11) - leur vie Lf / leurs vies Am, Pm. (25.12) - leur poing Lf, Pm / son poing Am. (28.2)

Variantes dans le genre

- tout le jour Lf / toute jour Am, Pm. (25.18) - le blasme Lf, Pm / la blasme Am. (28.3)

Variantes de l’accord de l’adjectif et du participe passé

- damoiselles belles, doulces et plaisantes Lf / damoiselles belles, doulces et plaisans, damoyselles belles doulces et plaisans Am, Pm. (26.7) - ont veue une grant poussiere lever Lf, Pm / ont veu une grande poussiere lever Am. (25.9) - j’eusse fait une telle faulte Lf, Am / j’eusse faicte une telle faulte Pm. (28.4)

Variantes dans l’emploi des temps verbaux

Présent / Passé

- peuvent Lf / porent Am, peurent Pm. (25.5) - se mist Lf, Pm / se met Am. (25.1)

Prétérit / Imparfait

- firent Lf, Pm / faisoient Am. (25.1) - estoit Lf / fu Am, fut Pm. (25.7)

Passé antérieur / Prétérit

- eust eu Lf / eust Pm. (27.3)

XXIII

Imparfait / Plus-que-parfait

- estoit gouverné Lf, Pm / avoit esté gouverné Am. (26.7)

Présent / Futur

- povez Lf / pourrez Am, Pm. (25.2) - seront Lf / sont Am, Pm. (25.11)

Conditionnel / Futur simple

- eschapperiez Lf / eschaperez Am, Pm. (25.13) - auray Lf / auroie Am, auroye Pm. (26.5)

Variantes dans l’emploi des modes verbaux

- suis Lf / soye Am, Pm. (25.21) - peust Lf, Am / puist Pm. (28.9)

Auxiliaire différent estoit allee Lf, estoit alee Pm / avoit alé Am (28.8) (erreur ?)

Formes renforcées

- d’icy Lf / de cy Am, Pm. (25.2) - cy Lf, Pm / icy Am. (25.5)

- ceste rivier Lf / la riviere Am, Pm. (25.19) - le roy Lf, Pm / celui roi Am. (26.7)

- icellui royaulme Lf / cellui royaume Pm. (26.7)

Formes insistantes de l’adjectif possessif dans Am

- son cousin Lf, Pm / le sien cousin Am. (25.16) - de mon frere Lf, Pm / du mien frere Am. (27.4)

XXIV

4. Les variantes syntaxiques

Inversions

- tu es demouré serf Lf ↔ tu es serf demouré Am, Pm. (25.8) - ne scet de nous nulle nouvelle Lf, Pm ↔ ne scet nulle nouvelle de nous Am. (25.17)

- le noble duc Ogier Lf ↔ Ogier, le noble duc Pm. (28.9)

Constructions différentes

- a cellui ay je plus criminellement ouÿ parler de vous que a nul des autres Lf ↔ celui ay je plus criminelement oÿ parler que nul des aultres Am, cellui ay je plus criminelement oÿ parler de vous que nul des aultres Pm. (26.2) - bien l’ay deservy Lf ↔ bien le cuide avoir deservy, bien le cuide avoir deservi Am, Pm. (28.10) - Ogier entendit les parolles que l’escuier lui racompta Lf ↔ Ogier entendit l’escuier qui ces paroles lui racompta Am, Pm. (25.11) - par la faulte de son destrier avoir mallement senglé Lf ↔ par faulte de son destrier avoir senglé Am ↔ par faulte de son destrier avoir fermement sangle Pm. (25.21) - c’est a bon droit que lui et tout le monde me het Lf ↔ c’est a bon droit se il et tout le monde me het Am, c’est a bon droit se il et tout le monde me hait Pm. (28.10) - seur du roy Yon Lf ↔ suer a Yon Pm. (26.1) - a vous ouÿr parler Lf, a vous oÿr parler Pm ↔ qui vous ot parler Am. (25.3)

Omission/rajout du pronom sujet

- il fut informé Lf ↔ fu informé Am, fut informé Pm. (26.2) - afin que vous ne cuidez Lf, afin que vous ne cuidiez Pm ↔ adfin que ne cuidiés Am. (25.19)

- vous deffye plainement Lf ↔ vous deffye je plainement Am, vous deffie je plainement Pm. (25.5) - ne le trouverent Lf, Pm ↔ ilz ne le trouverent Am. (28.11)

qui / qu’ilz

- qui est le meilleur de faire Lf, Pm ↔ qu’il est meilleur de faire Am. (25.3) - qui nous puisse advenir Lf, Am ↔ qu’il nous puisse avenir Pm. (25.18)

- qu’il lui Lf, Am ↔ qui lui Pm. (26.8) XXV

- tellement qu’il Lf, si qu’il Am ↔ telement qui Pm. (28.11)

5. Les additions par rapport à Lf

Nous distinguerons les additions de Am de celles de Pm, ainsi la différence dans le nombre d’ajouts frappe-t-elle immédiatement : Am ajoute beaucoup de compléments, il n’arrive que de rares fois que Pm ajoute un élément qui n’est pas ajouté par Am aussi, l’inverse se fait régulièrement. Cette remarque se voit confirmée si l’on jette un coup d’œil sur l’apparat critique de notre fragment. Comme la liste suivante montrera, toutes sortes d’éléments peuvent être ajoutés ; nonobstant, il ne s’agit jamais d’éléments indispensables à la compréhension du texte.

Additions de Am et Pm

- chose toute commune Lf ↔ chose notoire et toute commune Am, Pm. (26.2) - bien le sçay Lf ↔ bien le sçay car je l’oÿ parler Am, Pm. (25.10) - sur ce hault rochier Lf ↔ sur ce hault rochier que la veez Am, Pm. (25.18) - tous furent esperdus Lf ↔ tous furent plus esperdus que pouchins quant l’escoufle se boute parmi eulx Am, tous furent si esperdus comme poucins quant l’escoufle se boute parmy eulx Pm. (25.16) - de l’empereur Lf ↔ du riche empereur Am, Pm. (25.5) - ce respondit Lf ↔ ce lui respondi Am, ce lui respondit Pm. (26.2) - et je passeray Lf ↔ et je le passeray Am, Pm. (25.20) - en bref Lf ↔ en bien bref Am, Pm. (26.7) - dangier Lf ↔ dangier de mort Am, Pm. (28.5)

Additions de Am

- inhumainement Lf, Pm ↔ inhumainement et piteusement Am. (27.5) - arbre Lf, Pm ↔ arbre foeullu Am. (25.18) - cryé, crié Lf, Pm ↔ haultement crié Am. (25.14) - le roy Yon Lf, Pm ↔ le roy Yon de Gascoigne Am. (26.1) - ne autre baston deffensable Lf, ne aultre baston defensable Pm ↔ ne aultre baston deffensable sy non chascun ung ramsel d’olivier ou de foeulliee en son poing Am. (28.2)

Additions de Pm

- les princes Lf, Am ↔ les princes et nobles hommes Pm. (28.4) XXVI

- haultement Lf, Am ↔ moult haultement Pm. (25.6)

6. Les suppressions par rapport à Lf

Tout comme nous avons fait pour les additions, nous distinguerons les suppressions de Am de celles de Pm. Le nombre de suppressions de Am saute aux yeux ; tout comme les additions, les suppressions sont de nature différente.

Suppressions de Am et Pm

- les moynes et religieux Lf ↔ les religieux Am, Pm. (28.11) - une chose qui en mon meffait est Lf ↔ une chose Am, Pm. (25.4) - a grant paine Lf ↔ a peine Am, Pm. (25.20) - le duc Ogier Lf ↔ Ogier Am, Pm. (25.11) - lui dist Lf ↔ dist Am, Pm. (25.8) - la maison de Ogier Lf ↔ la maison Ogier Am, Pm. (25.11) - assez asprement Lf ↔ asprement Am, Pm. (26.2) - jusques a l’uys de la chambre Lf ↔ jusques a la chambre Am, Pm. (26.7)

Suppressions de Am

- ses esperitz et vertus Lf, Pm ↔ ses esperiz Am. (25.1) - parla il haultement Lf, Pm ↔ parla il Am. (25.1) - veu le dangier en quoy vous estes Lf, veu le dangier ou vous estes Pm ↔ Ø Am. (25.2) - des autres biens Lf, Pm ↔ des biens Am. (25.21) - mon cheval Bayart Lf, Pm ↔ Bayart Am. (25.18) - Regnault de Montauban Lf, Pm ↔ Regnault Am. (25.17) - exploicta son chemin Lf, Pm ↔ exploita Am. (28.1) - qui son seigneur Jhesus vendist et livra de fait aux juifz Lf, qui son seigneur Jhesus vendit et livra de fait aux juifz Pm ↔ qui son seigneur Jhesus vendi et livra en effet Am. (26.6) - filz a Gauffroy Lf, Pm ↔ filz Gauffroy Am. (25.9) - tres clerement Lf, Pm ↔ clerement Am. (27.4) - parlementer avec les quatre freres Lf, parlement avecques les .iiii. freres Pm ↔ parlementer Am. (25.14)

Suppressions de Pm

En ce qui concerne les suppressions qu’on ne rencontre que dans Pm, nous n’avons trouvé que quelques conjonctions (et Ø 25.2), prépositions (de Ø 28.1),< faisant défaut. Néanmoins, dans ces cas, Am propose souvent une structure tout différente de celle de Lf, ce XXVII qui rend une comparaison systématique difficile ou même impossible. En outre, F. Goudeseune avance qu’il se peut que les suppressions de Pm soient des erreurs de la part du scribe1.

7. Les erreurs

Les erreurs de Lf

o Regnault de Montauban, oyant son cousin Regnault ainsi parler Lf ↔ Regnault de Montauban, oyant le sien cousin Ogier ainssi parler Am / Regnault de Montauban, oyant son cousin Ogier ainsi parler Pm. (25.2)

o afin par aucune mesavanture ne mesavenist a ses cousins Lf ↔ adfin que par mesadventure ne mesvenist a ses cousins Am / afin que par aulcune aventure ne mesavenist a ses cousins Pm. (25.2)

o cellui en Qui j’ay ma ma fiance Lf ↔ celui en qui j’ay fiance Am / cellui en qui j’ay fiance Pm. (25.4)

o s’il en avoit a homme vivant parler Lf ↔ s’il en avoit a homme vivant parlé Am / Pm. (25.11)

o ja soit ce qu’oncques pour ce ne se leva de son lit Lf ↔ ja soit ce qu’onques ne se levaist de son lit Am / ja soit ce qu’oncques pour ce ne se levast de son lit Pm. (26.1)

o ja soit ce que nul ne doit pourtant mesprendre a Son povoir Lf ↔ ja soit ce que nul ne doye pour tant mesprendre a Son povoir Am / ja soit ce que nul ne doie pour tant mesprendre a Son povoir Pm. (26.6)

o et ainsi fut ars et perdu, et lui mesmes, par desesperance,< Lf ↔ et ainssi fu tout ars et perdu et lui mesmes par desesperance,< Am / et ainsi fut tout ars et perdu et lui mesmes, per desesperance,< Pm.(26.7)

o cellui que je deusse avoir aymé, servy, chery et aymé Lf ↔ celui que je deusse avoir amé, servy, chiery et gardé Am / cellui que je deusse avoir aimé, servy, chiery et gardé Pm. (28.10)

o finablement fut le roy Yon prins et livré a Rollant, pource que trop se doubtoit le duc Ogier et Richard de Normandie Lf ↔ finablement fu le roi Yon pris et livré a Rolant pource que trop doubtoit Ogier et Richard de Normendie Am / finablement fut

1 GOUDESEUNE, F., op. cit., p. XXVII. XXVIII

le roy Yon prins et livré a Rollant pource que trop doubtoit Ogier et Richart de Normandie Pm. (28.12)

Les erreurs de Am

o si soit lors haultement crié l’assault et toute peine mise de les bercer de trait et de leurs corps a mort habandonnez Am ↔ si soit lors cryé l’assault et toute paine mise de les bersiller de trait et leurs corps a mort habandonner Lf / si soit lors crié l’assault et toute peine mise de les berciller de trait et leurs corps a mort habandonner Pm. (25.14)

o sy recongneut bien le sien cousin Maulgis Am ↔ si congneut Regnault bien entre les autres son cousin Maugis Lf / si recongneut Regnault son cousin Maugis Pm. (25.16) (?)

o dont mon cœur moult douloureux Am ↔ donc mon ceur estoit moult doulloureux Lf / dont mon cuer estoit moult douloureux Pm. (25.17)

o ostez eut vostre sort Am ↔ ostez en vostre sort et mauvaise ymaginacion hors Lf / ostés en vostre sort et mauvaise ymaginacion hors Pm. (25.19)

o son connestable de guerre acompaigniés de certains officiers Am ↔ son connestable de guerre, accompaigné de certains officiers Lf, Pm. (26.7)

o avoient les parens et amis du conte Fourques la nouvelle Am ↔ avoient les parens et amis dudit conte ouÿ les nouvelles Lf / avoient les parens et amis dudit conte oyé la nouvelle Pm. (28.1) (?)

o aux fourche Am ↔ aux fourches Lf, Pm. (28.5)

o la plus forte partie de hommes de la compaignie Am ↔ la plus forte partie des hommes de la court Lf, Pm. (28.6)

o ne lui envoiee Am ↔ ne l’envoyez Lf, Pm. (28.6)

o une tour *<+ en la quelles Am ↔ une tour *<+ en laquelle Lf / une tour *<+ en la quele Pm. (28.11)

Les erreurs de Pm

o les menues pensees que son cuer tempestoient Pm ↔ les menues pensees qui son ceur tempestoient Lf / les menues pensees qui son cœur troubloient Am. (26.1)

XXIX

o qu’ilz l’antendissent Pm ↔ qu’ilz l’actendissent Lf / qu’ilz l’atendissent Am. (26.7)

o a present retourna a parler Pm ↔ a present retourne a parler Lf, Am. (26.8)

o effalouchee Pm ↔ effrayee Lf / effarouchiee Am (26.7) (la forme n’est pas attestée)

Les erreurs de Lf et Pm

o comme fist ung qui anciennement se fist Sardanapalus nommer Lf / comme fist ung qui anciennement se fist Serdanapalus nommer Pm ↔ comme fist ung roy qui anciennement se fist Serdanapalus Am. (26.6)

Les erreurs de Am et Pm

o que il vendroit a eulx parler et bien brief Am, Pm ↔ qu’il vendroit a eulx parler en brief Lf. (26.7)

8. Conclusion

Ce tableau comparatif nous montre le lien entre les trois manuscrits : Lf s’oppose clairement aux deux autres. Souvent, Am et Pm présentent une variante commune qui diffère de la leçon proposée par Lf. Il arrive aussi que Am s’oppose à Lf et Pm, mais il est peu fréquent que Pm propose une solution différente de celle de Lf et de Am.

Les variantes sont fréquemment des unités plutôt brèves et ne permettent pas de choisir le manuscrit de base. Les erreurs des trois manuscrits ne nous aident pas non plus à préférer Lf ; par conséquent, nous nous contentons de renvoyer à l’explication de Ph.

Verelst1, considérant Lf comme une ‘copie d’atelier’ (cf. supra).

Avant de passer à l’examen de la langue de Lf, il faut signaler encore une spécificité du manuscrit de l’Arsenal : sa langue archaïsante. Nos devanciers ont déjà mentionné ce phénomène à la mode à l’époque : on réintroduit le système casuel, les formes archaïques et latinisantes, etc. Ce style donne l’impression que Am serait plus ancien que Lf ou Pm.

1 VERELST, Ph., loc. cit. XXX

C. LA LANGUE DE LF

Après la comparaison de la langue des trois manuscrits, il nous paraît indispensable de nous arrêter quelque temps aux caractéristiques de la langue de notre manuscrit de base.

Les phénomènes répertoriés dans ce survol présentent l’ensemble des points qui sautent aux yeux quand on lit le texte mais qui ne sont pas traités dans les notes. Nous ne nous arrêterons pas aux détails. Notre objectif est de faciliter la lecture du texte, ainsi préférons- nous de ne pas nous abandonner à une étude linguistique trop exhaustive.

1. La graphie

 Les formes agglutinées.

Lf est écrit de façon peu soignée, il n’est donc pas surprenant que des mots aient été découpés fautivement. Nous avons essayé de préserver la plupart de ces mots tels quels, mais à certains endroits, il nous était inévitable d’intervenir, p.ex. :

- agauffroy (f°177 v°)  a Gauffroy

- lebouta (f° 189 v°)  le bouta

- amonstré (f° 196 v°)  a monstré

 Autres phénomènes.

D’autres phénomènes, comme le pronom relatif dont écrit comme donc, etc. ont été développés dans le chapitre précédent.

2. Morphologie

 Traces de l’ancien système.

Nous avons vu que Am a l’habitude de faire revivre le système bicasuel de l’ancien

Français pour le prestige. Cependant, le manuscrit de l’Arsenal n’est pas le seul à manifester des vestiges de l’ancienne langue, Lf nous en procure aussi quelques exemples. Le plus XXXI remarquable est celui de l’adjectif grant : dans notre texte, nous rencontrons la forme invariable ainsi que la forme analogique qui fait la distinction entre le masculin et le féminin.

L’invariabilité est un héritage du latin, où grandis, grandem ne faisait pas non plus la distinction de genre. La forme moderne s’est imposée lentement, les deux coexistaient encore

à la fin du XVe siècle.

- sa grande crudelité (25.3)

- si fut grande la joye (28.9)

- grant follye (25.2)

- une grant poussiere (25.9)

La forme invariable est de loin la plus présente dans notre extrait.

À côté de ce phénomène, nous rencontrons aussi des traces du cas-sujet :

- beaulx amis (masculin singulier) (26.8)

- beaulx sires ( ?) (25.10)

à côté de

- beau frere (25.5)

- beau sire (28.10)

 Traits dialectaux.

Lf présente plusieurs traits des dialectes picards et wallons, le -e- svarabhaktique1 et le - ch- en sont des exemples manifestes. P.ex. :

- poeterine (= poetrine, poitrine) (27.4)

- garchons (= garçons) (25.9)

- chaindre (= ceindre) (27.2)

1 En fait, le e svarabhaktique est un trait normand, anglo-normand, picard et wallon. Il n’est pas fréquent dans notre fragment. XXXII

 Remarques sur le verbe.

Nous n’avons pas l’intention de présenter une liste avec toutes les formes verbales s’écartant de la norme proposée par e.a. A. Lanly1. Nous nous limiterons à quelques observations générales :

- Le -e- svarabhaktique s’applique aussi aux verbes.

- Nous rencontrons les graphies eu et u : p.ex. congneut (25.16) – congnut (25.19)

- i et ei s’alternent de la même façon2.

- Le -s- parasite est très fréquent : fust (27.2), eust (25.1), etc.

- L’indicatif présent (3e personne singulier) de pouvoir s’écrit comme peult: il

s’agit d’une réforme basée sur l’indicatif présent de vouloir. Le phénomène est

répandu en ancien Français ainsi qu’en moyen Français.

- Le verbe sçavoir a une fausse étymologie : on s’est basé sur ‘scire’, ce qui

provoque l’apparition du -c-.

3. Syntaxe

 Les pronoms personnels (et réfléchis)

Nous mentionnerons des phénomènes comme l’haplologie et l’omission du pronom réfléchi dans la partie des notes (cf. infra). Jetons un coup d’œil sur d’ autres points dignes de mention :

- Il y a une confusion entre le pronom réfléchi et le pronom anaphorique, p.ex.

en eulx deffendant (25.9).

- Bien que l’omission du pronom sujet s’observe encore dans notre fragment

(p.ex. ne sçay mie (26.2)), elle est nettement moins systématique qu’auparavant.

- ‘corps’ : le substantif corps accompagné d’un possessif équivaut souvent au

pronom personnel. P.ex. : j’ayme mieulx mectre mon corps en sa subgeccion

(28.10).

1 LANLY, A., Morphologie historique des verbes français. Notions générales, conjugaisons régulières, verbes irréguliers, Paris, Bordas, 1977. 2 Les alternances u-eu et i-ei apparaissent aussi dans d’autres parties du discours. XXXIII

 Les indéfinis

- ‘ung chascun’ : il s’agit d’un phénomène qui ne se voit qu’en moyen Français.

P.ex. : que ung chascun peult retenir qui a en soy raison discrete (27.1).

- ‘aucun’ a aussi bien une valeur positive (p.ex. aucunes besongnes (26.7)) qu’une

valeur négative (p.ex. que ma seur Clarisse n’en sache aucune chose (26.8)).

- ‘nul’ par contre garde sa valeur étymologique négative : nul ne fust si hardy de< (25.12).

 Les relatifs

Quant aux valeurs des relatifs, nous renvoyons aux notes, où nous indiquons les

équivalences ‘qui = ce qui’, ‘que = ce que’, ‘qui = si l’on’, etc.

 La concordance des temps

Bien qu’il s’agisse d’un phénomène archi-connu, nous aimerions mentionner que la concordance des temps n’est pas du tout respectée dans notre texte. P.ex. :

- mais tant furent plains d’aÿr que tenir ne se peuvent de respondre (25.5).

- ceulx que j’avoye en vostre compaginie envoyez, laissez murdrir (28.2).

 Le verbe

À côté des semi-auxiliaires (devoir,<), pour lesquels nous référons aux notes, nous rencontrons aussi les phénomènes suivants, typiques pour l’ancienne langue :

- La discordance dans l’emploi des temps verbaux (cf. point précédent).

- L’apparition de plusieurs périphrases verbales à sens spécifique : p.ex. cuider

+ infinitif (p.ex. *<+ que Charlemaine avoit cuidié avoir en sa mercy (28.10))

indique que l’action que le sujet avait l’intention de faire n’a pu être

accomplie ; etc. XXXIV

- Les verbes ‘passe-partout’ comme ‘faire’,< sautent aux yeux. (p.ex. fait-il =

‘dit-il’)

- L’emploi du prétérit pour le passé composé, du passé antérieur pour le plus-

que-parfait, <

- Etc.

Néanmoins, vu qu’il s’agit de phénomènes connus qui ne causent des difficultés qu’aux traducteurs, nous ne nous y arrêterons pas davantage.

Pour la composition de l’énumération précédente, nous nous sommes basée sur les ouvrages suivants :

o LANLY, A., Morphologie historique des verbes français. Notions générales, conjugaisons

régulières, verbes irréguliers, Paris, Bordas, 1977.

o MÉNARD, Ph., Manuel du français du moyen âge. Syntaxe de l’ancien français, sous la

direction d’Yves Lefèvre, Bordeaux, Sobodi, 1976.

o ZINK, G., Le Moyen Français, dans Que sais-je, Paris, Presses Universitaires de France,

1990.

Ainsi que sur les explications fournies par Els De Vos dans sont étude de la langue de Lf1.

1 DE VOS, E., op. cit., pp. CXXXV-CLVII. XXXV

D. Rapports entre Lf et R

Dans la partie qui suit, nous proposons un survol des différences de contenu entre la version en prose de Lf et la version rimée du manuscrit R. Tout comme nos prédécesseurs, nous tenons à signaler que notre démarche pourrait fausser l’image que l’on se forme des deux versions. On pourrait être tenté de croire que Lf et R ont peu de choses en commun sur le plan du contenu ; bien au contraire, c’est grâce à la ressemblance qu’une recherche comme la nôtre est réalisable.

Même si les laisses et les alinéas ne se recouvrent pas tout à fait, nous avons essayé de fournir une comparaison systématique. Le travail sur un seul fragment nous permet d’entrer plus dans les détails : nous tâcherons de rassembler toutes les différences significatives entre les deux versions.

Dans un deuxième temps, nous jetterons un coup d’œil sur quelques caractéristiques de Lf par rapport à R, avant de passer à une comparaison avec les versions plus anciennes de l’épisode de Vaucouleurs, en nous basant sur l’édition synoptique d’Antonella Negri1.

1. La comparaison

Il faut d’abord remarquer que la situation initiale de notre partie dans Lf diffère légèrement de celle de R :

- Dans R Maugis a sonné le cor et Ogier l’a entendu.

- Dans R nous voyons comment Maugis monte sur Bayard.2

Ces détails sont importants puisqu’ils ont des répercussions dans la partie suivante :

- Dans R Ogier est sûr que Maugis viendra au secours de ses cousins.

- Dans R Bayard ne se trouve pas auprès de Renaud, ce qui est à l’origine de deux

différences dans la partie que nous étudions (cf. infra), et ce qui augmente sans doute

la panique des fils Aymon.

1 NEGRI, A., L’episodio di Vaucouleurs nelle redazioni in versi del « Renaut de Montauban ». Edizione diplomatico – interpretativa con adattamento sinottico a cura, Bologna, Pàtron Editore, 1996. 2 DE SMEDT, A., op. cit. XXXVI

Laisse 148 // 25.1-25.5

- Lf ajoute un échange de paroles entre le duc Ogier et ses hommes ainsi qu’un bref

combat des Français avec Renaud et ses frères à cause d’un malentendu. (Ces

derniers croient qu’une nouvelle attaque a commencé et se mettent à lancer des

pierres aux Français).

- Lf précise qu’Ogier est allé au rocher accompagné de dix chevaliers.

- Dans R Ogier exprime ses pensées de façon directe : il veut que ses quatre cousins se

rendent a Charlemagne afin qu’il puissent être pendus.

- Dans R Ogier annonce déjà la venue de Maugis (cf. supra).

- Lf insiste sur la volonté de Renaud d’être pardonné par Charlemagne, et sur la

cruauté de ce dernier. (25.3 : Renaud veut se rendre si l’empereur lui pardonne, Ogier

l’en dissuade, puisque Renaud « connaît mal l’empereur et sa cruauté ».)

- Dans R, Richard défie Ogier immédiatement ; dans Lf Ogier défie les frères, tandis

que le défi de Richard est lancé plus tard.

- Les reproches de Renaud à ceux de son lignage sont plus explicites dans Lf, où il va

jusqu’à en nommer quelques membres : « < à vous, au duc Naymon, a Thierry

d’Ardenne et aux autres princes duquel lignage nous sommes extraiz ne seroit mie

grant honneur » (25.4) ; dans R, il ne s’adresse qu’à Ogier : « Pour une traïson desertés

vostre lignie ; » (v.4321)

- Lf précise que c’est Alard qui répond à Renaud qu’ils ne veulent pas se rendre à

l’empereur.

Laisse 149-150 // 25.6-25.8

- Lf ajoute que Guishard est blessé lors de l’attaque, au moment où les Français

conquièrent un des flancs du rocher.

- Dans R, Renaud lance un défi plus explicite aux Français (vv. 4332-4335).

- Dans R Ogier fait (une fois de plus) l’éloge de ses cousins : « *s’adressant au roi Yon]

vendu as les mellieurs decha ne dela mer » (v 4347). XXXVII

- R insiste sur le fait que Renaud veut absolument sauver ses trois frères : il exige – de

nouveau en vain – qu’ils se rendent.

- L’amitié solide entre Renaud et Richard apparaît de façon plus intensive dans R

quand Renaud est convaincu que son frère cadet a été tué.

- Dans R Guishard aide Richard qui, malgré ses blessures, veut coûte que coûte se

battre.

Laisse 151 // 25.9-25.14

- R dit qu’Ogier pardonne Richard, il comprend que celui-ci souffre beaucoup.

- Quand Renaud décide de s’enfuir pendant la nuit, c’est dans R évidemment sans

Bayard. (cf. supra)

- Quand Ogier va au rocher dans le but d’encourager ses cousins, il applique des

tactiques différentes : dans Lf il souligne qu’ils sont quatre, ce qui est un grand

avantage : « Et avez vous si bel avantaige que par la foy que je doy a Dieu de Paradis,

se j’avoye le cas pareil a faire que vous avez, et que je fusse moy seul la ou vous estes,

je ne donneroye de tous les assaultz du monde ung denier pour ung jour tant

seulement ! » (25.9). D’autre part, dans R, il dit : « Se vous fussiés vaillans, homme ne

vous eust ja ! ».

- R nous aide à interpréter la référence au faucon : « le faucon que Clarice songa » (v.

4436) (cf. note).

- R ne parle pas d’Alory le Mascon.

- Lf précise que le détachement qui arrive compte .xviiic. combattants. (25.10)

- Lf mentionne le nombre de Français tués à Vaucoulours : « plus de .iiiic. » (25.10)

- Lf ajoute que chacun doit savoir qu’Ogier ne voulait que sauver ou prolonger les vies

de ses cousins.

- Le double rôle du duc Ogier saute aux yeux dans Lf, où le scribe a ajouté une réplique

de celui-ci dans laquelle il parle de tuer ses cousins et de trousser leurs cadavres sur

des chevaux pour les présenter à l’empereur (25.14), ces paroles sont plus violentes

que celles de R, où il n’entre pas dans les détails.

XXXVIII

Laisse 152 // 25.15-25.16

- Dans Lf nous voyons que Guishard joue de nouveau un petit rôle : quand les frères

s’inquiètent sur l’absence de Maugis, c’est lui qui exprime ses doutes.

- Lf précise que Maugis était accompagné de sept ou huit cents compagnons.

- Lf dit que Renaud voit d’abord courir l’écuyer du duc Ogier, avant qu’il voie son

cousin et l’armée.

- Dans Lf Berengier et Alory accompagnent Ogier quand il va demander aux fils

Aymon ce qu’ils ont décidé. Ils ne se dirigent vers le rocher qu’au moment où Ogier

est sûr de l’arrivée de Maugis.

Laisse 153 // 25.16-25.17

- Dans Lf les Français n’ont pas l’occasion de reprendre l’assaut, Maugis arrive

immédiatement.

- Lf répète que les hommes du duc Ogier avaient été mis au courant par l’écuyer, ils se

pressent de se mettre en fuite par ordre de ce dernier.

- Quand Renaud va à la recherche de Maugis, il le fait dans R évidemment sans

Bayard. (cf. supra)

- Dans R nous remarquons les soucis de Renaud sur l’état de son frère cadet : il veut

que ses autres frères prennent soin de lui.

- Dans Lf Renaud doit crier avant qu’il soit aperçu par Maugis, tandis que dans R,

Maugis voit venir son cousin.

- Dans Lf Maugis exprime ses inquiétudes.

XXXIX

Laisse 154 // 25.18-25.19

- Dans R Maugis donne Bayard à son cousin, attrape quatre chevaux et se met en route

vers le rocher, où il donne les chevaux aux trois frères et les guérit à l’aide d’une

potion magique.

- R dit qu’après la guérison des frères, les cinq compagnons engagent ensemble la lutte

contre l’ennemi, tandis que dans Lf il y a deux ‘groupes’ : Maugis et Renaud d’un côté

et Allard, Guishard et Richard de l’autre.

- Lf explique que Renaud reconnaît Ogier facilement grâce à son cheval (exceptionnel),

Broyefort.

- Dans R nous voyons que Roland accompagne Ogier, par conséquent celui-ci doit se

tenir sur ses gardes.

Laisse 155 // 25.19

- La discussion entre Renaud et le duc se déroule dans les deux versions de la même

façon, néanmoins, on peut remarquer une petite différence : les menaces d’Ogier sont

plus ‘personnelles’ dans R, où il dit : « Nous vous venrons veïr a si riche conrrois< »

(v 4516), tandis que dans Lf, il dit que Charlemagne de France viendrait les attaquer.

- Renaud est plus sûr de soi dans Lf : « Vous en est li tors et mien en est li drois » (v.

4520).

- Dans R Ogier ne donne pas le choix à son cousin : il attend que Renaud passe la

rivière, l’inverse ne semble pas être une option.

Laisse 156 // 25.20-25.21

- Dans Lf Renaud fait plus explicitement l’éloge du duc Ogier en expliquant pourquoi

il ne l’a pas tué.

- Dans R Renaud sauve Ogier : plusieurs de la compagnie des fils Aymon, entre autres

Richard, aimeraient se venger de lui, mais Renaud le leur défend.

XL

Laisse 157-158

- R ajoute une partie, dans laquelle Renaud répète que personne ne peut se venger du

duc Ogier. Ce dernier détériore ses armes, afin qu’on voie comment il s’était battu.

D’après, il rejoint ses hommes et les reproche d’être lâches. Tous s’en vont vers

l’armée de Charlemagne.

Laisse 159 // 26.1-26.2

- Lf répète comment Yon avait trahi Renaud et ses frères.

- Lf donne plus de renseignements sur l’espion : « Il estoit né du pays de

Bourdellois. Cellui chevalier avoit moult aymé le roy Yon, car de long temps l’avoit

servy, par quoy il estoit, comme il lui sembloit, mieulx tenu a luy. » (26.1).

- Dans R le roi Yon suppose déjà que Maugis avait aidé Renaud et ses frères, tandis

que dans Lf il n’en comprend rien et demande au chevalier comment ils ont pu

échapper.

Laisse 160 // 26.3-26.4

- Les plaintes d’Yon sont accompagnées d’actions dans Lf : Il « batoit ses paulmes l’une

a l’autre, detordoit ses poings, arrachoit sa barbe et ses cheveulz. » (26.3)

- Dans R Yon doit appeler le chambellan, tandis que dans Lf celui-ci vient lui-même

demander ce qui se passe, ce changement permet de répéter les plaintes et les

remords du roi.

- Lf mentionne que le chambellan, pendant longtemps au service du roi, était très

proche du roi : « son vray secretaire, amy loyal et privé consillier » (26.4).

- La demande d’Yon (que le chambellan lui procure une corde) se fait de façon plus

intensive dans R : « et se tu me rencuses le mien corps t’occira » (v. 4624).

XLI

Laisse 161 // 26.5-26.8

- Lf continue à intensifier le deuil du roi (26.5).

- Lf ajoute à l’exemple de Judas que « l’Eglise dit qu’il n’est ou monde si grant pecheur

que Dieu ne soit plus grant Pardonneur. » (26.6). En outre, personne ne peut sous-

estimer le pouvoir de Dieu. - Lf ajoute une histoire exemplaire, sur le roi Sardanapalus (26.7), qui contribue

au raisonnement du chambellan.

- Dans Lf Yon et son chambellan ne veulent que parler à un saint ermite afin d’être

pardonnés, dans R ils ont l’intention de se faire ermites.

Laisse 162-164 // 27.1-27.6

- Lf répète brièvement ce qui s’était passé entre Renaud et le duc Ogier1.

- Lf ajoute des informations sur les chevaliers qui accompagnent les fils Aymon: ils sont

natifs de Gascogne ou Bordelais

- Lf explique pourquoi un des chevaliers a décidé d’avertir Clarisse : il craignait qu’on

allât la tuer à cause de son lien du sang avec Yon.

- Lf nous apprend que celui qui se rend chez Clarisse vient Bordelais.

- Dans Lf Clarisse s’enfuit dans sa chambre accompagnée de ses servantes.

- Quant à l’expression des sentiments : cf. infra.

- Clarisse veut être pardonnée par Renaud dans les deux versions ; Lf y ajoute qu’il lui

importe d’être pardonnée par les autres aussi.

- Lf ajoute que Renaud avait été informé du massacre par un chevalier d’Yon.

- Renaud est plus indigné dans Lf : quand il apprend le crime de Richard, il lui défend

sévèrement de tuer ou blesser les hommes d’Yon. Dans R, il est nettement plus calme.

- Dans R Renaud sait apparemment déjà que les serviteurs du roi n’avaient rien

méfait : « s’il fussent traïtour ja allassent fuiant, de ceste traïson s’iront bien

excusant » (vv. 4736-4737).

- Dans Lf, Richard jure de tuer Yon.

1 Il est clair que la répétition est une des caractéristiques de Lf. XLII

Laisse 165 // 28.1-28.2

- Lf nous apprend à cet endroit comment Ogier rejoint ses hommes : l’ordre a donc été

changé (R : laisse 158).

- Dans Lf d’autres avaient déjà dénoncé la défaite avant la venue d’Ogier et les siens

chez l’empereur, ce qui augmente les émotions à l’arrivée du duc.

Laisse 166 // 28.2-28.3

- (Guesnelon) intervient dans R en excitant l’empereur : « Sire *<+ regardés le

torment de celui qui ammoit vo corps si loyaulment » (vv. 4769-4770).

- Dans Lf Charlemagne ajoute (une fois de plus), après avoir fait l’éloge des fils Aymon,

qu’il n’aime point ces quatre chevaliers : « < je les haÿz tant en mon couraige que

jamaiz ne les pourroye aymer ! » (28.3).

Laisse 167 // 28.4

- Lf a changé un détail dans les reproches de Roland à Ogier : dans Lf Roland dit :

« m’en yroye oultre la mer » tandis que dans R il dit : « je m’en fuiroye avant de cy en

Rommenie » (v 4798).

Laisse 168 // 28.5-28.6

- Le défi de Roland est plus violent dans Lf : « a vous me combatray corps a corps, par

telle condicion que se je ne vous faiz en plain champ par force d’armes trahison

recongnoistre, si me face l’empereur mener aux fourches et mon corps pendre et

estrangler, car vous l’avez trahy en ce derrain voyage ! ».

- R parle de ‘Courtain’ (v. 4816), Lf l’appelle simplement ‘épée’.

- Nous rencontrons quelques divergences dans l’énumération des parents du duc

Ogier : Lf a changé l’ordre et on a ajouté ou supprimé des spécifications : « Atant es XLIII

vous Naymon et Richart le Normant et Aymes de Dordonne au courage poissant,

Gherard de Roissillon, Estous de conbattant, Salmon de Bretaignie, de Bullon

Galerant, Thiery et Gondebuef et le conte Élinant, Regnier de Valthamis et le

vaillant, Berart de Mondidier et< » (vv. 4820-4826)

(à comparer avec Lf : « Le duc Naymon de Baviere, le duc Richard de Normandie, le

duc Aymon de Dourdonne, le duc Gerard de Rousillon, le roy Salomon de Bretaigne,

le roy Grondrebeuf de Frise, le duc Thierri d’Ardenne, Berard de Montdidier, son filz

Doon, le seigneur de Nantueil, qui portoit le nom de son pere, ,

Galerant de Buillon, Estoult de Langres, Renyer de Vantamis,< » (28.6))

- La différence la plus frappante est qu’un des parents ne figure plus dans la liste de

Lf : le conte Elinant (de Valpree).

Laisse 169 // 28.6-28.7

- Dans R les parents disent explicitement qu’ils ne veulent pas se battre contre les fils

Aymon et qu’il vaudrait mieux faire la paix avec eux – une idée tout à fait ridicule et

inacceptable selon l’empereur.

- Lf précise que tous les parents parlaient « par la bouche de l’un qui saige fut assez

pour parler et respondre » (28.6).

- Dans Lf les parents envisagent la possibilité qu’Ogier pourrait être puni (« pugny

selon le cas » (28.7)).

- Dans R Naymes de Bavier intervient (vv. 4847-4854)

- La discussion entre les parents du duc Ogier et Charlemagne est plus violente dans R,

prenons l’exemple des paroles de Doon de Nantueil: « Se n’estoit pour raison et

droiture avanchier, tout le menrre de nous vous feroit enconbrier et par noble lignage

hors de France vidier ! ». (v 4860-4862)

XLIV

Laisse 170 // 28.8-28.9

- Le style directe de R a été remplacé par un style indirecte dans Lf 1.

- R présente une (fausse) prédiction d’Ogier, il feint d’être convaincu que Roland

capturera Renaud.

- Dans Lf Ogier est appuyé par les autres qui l’avaient accompagné à Vaucouleurs.

- Le chevalier anonyme qui dénonce la cachette d’Yon est qualifié dans R comme « de

grant non » (v 4896).

- Lf explique que ce chevalier venait de la maison d’un noble homme, où il a rencontré

un moine qui lui avait indiqué le lieu de refuge d’Yon. Dans R par contre, on dit que

le chevalier avait vu lui-même le roi gascon.

- R nous apprend le nom de l’abbaye : Dieu li Mire.

- Les deux versions nous indiquent que Charlemagne prend ses précautions, il craint

un nouveau échec ; toutefois, R met l’accent sur cette crainte en insistant sur le

pouvoir de Renaud : « Car ad ce que j’entens plus est fort c’un luiton ! » (v 4906).

Laisse 171 // 28.9-28.10

- Dans R c’est Charlemagne qui choisit ceux qui doivent aller chercher Yon, ses

hommes ont donc moins de responsabilité que dans Lf.

- R nous donne quelques renseignements supplémentaires sur le roi Yon : « La estoit

rois Yons qui le cuer ot dolent ; a sa gent demandoit de son gouvernement et

comment il feroit desormais nulement< » (vv. 4914-4916).

- Lf explique que l’espion connaît le chemin, de cette façon il atteint l’abbaye avant les

Français.

- Lf présente un nouveau changement de style directe en style indirecte.

- R met l’accent sur le fait que Renaud pourrait tuer son beau-frère, celui-ci le répète

quelques fois : « Mais puis que mourir doy et qu Dieu s’i assent, j’ay plus chier que

Regnaut en prengne vengement » (vv. 4929-4930), « Se me faisse [Regnaut] mourir a

son devisement. » (v. 4937), etc.

1 Même si nous ne mentionnons pas tout le temps ce phénomène, il s’agit d’une tendance observable dans tout l’extrait : R est plus direct que Lf, ce qui se reflète dans la distinction entre discours direct et indirect. XLV

Laisse 172 // 28.11-28.12

- Dans Lf le chambellan réapparaît pour conseiller au roi de se retirer dans la tour où

les moines se cachaient en temps de guerre.

- Lf précise que les moines ne voulaient pas aider les Français puisqu’ils ne voulaient

pas manquer à leur promesse de protéger et d’aider Yon et les siens.

- Dans Lf, la crainte de voir piller leur abbaye préoccupe les moines plus que dans R.

- Lf met l’accent sur la grandeur de la tour où Yon et les siens s’étaient cachés. De cette

façon, on augmente la prouesse des Français.

- Dans R on a ajouté une conversation entre Roland et Yon (v 4961-4969), dans laquelle

Yon essaie de convaincre le neveu de l’empereur qu’il est innocent.

Laisse 173 // 28.12

- L’ordre du texte est différente : R donne des informations sur le messager qui se rend

à Montauban. Le fils Aymon est immédiatement prêt à se rendre à l’abbaye pour se

battre contre les Français.

- Dans R l’attaque de la tour dure plus longtemps que dans Lf: « la fierent grant assault

toute jour ajournee » (v. 4977)

Laisse 174

- R nous apprend déjà comment Renaud explique la situation aux autres. Puis, tous se

précipitent vers Dieu li Mire.

Laisse 175-176 // 28.12-28.13

- La résistance d’Yon et des siens est – dans un premier temps – plus efficace dans R.

- Le rôle d’Ogier dans le dénouement de l’histoire est plus clair dans R, où il dit :

« n’iray retournant s’aray le roy Yon qui s’en va deffendant : il trahy mes cousins se XLVI

ne l’aisme niant, et s’a trahy Karlo dont je le hé autant ! » (vv.5026-5029), à comparer à

« et dit l’istoire que ce fut par le conseil du vaillant duc Ogier, qui plus le hayoit que

homme du monde, pour tant qu’il avoit ses quatre cousins voullu vendre et trahyr. »

(28.12) dans Lf. Le style directe donne plus de vigueur aux mots et aux actions du duc

– il est d’ailleurs (dans R) le premier à entrer la tour.

- Dans R l’abbé informe les chevaliers qu’Yon a beaucoup de nourriture dans la tour,

ce qui les énerve beaucoup.

- R s’adresse au public : « Ne say que vous feroie la chanchon alongier ? » (v.5038)

- Dans R, Yon se soumet lui-même à Roland, tandis que dans Lf « il fut pris ».

- La réaction des moines au pillage est plus forte – et moins catholique – dans R : « De

la mort les maudient de loyal cuer entier » (v 5053). (Suivi par l’annonce de la venue

de Renaud).

- Le pillage de l’abbaye est décrit de façon plus détaillée dans Lf.

2. Remarques générales

Les différences entre les deux versions sont manifestes ; parfois il s’agit de détails comme le nom d’une épée qui est supprimé dans Lf, mais à d’autres endroits les divergences bouleversent le récit considérablement, pensons au changement de l’ordre du récit.

Nous aimerions classer les changements les plus importants en trois catégories : les amplifications, la précision et les additions à côté des suppressions.

2.1. Les amplifications

Les descriptions sont sans aucun doute plus détaillées dans Lf, tandis que la version rimée passe plus vite d’un événement à l’autre.

Considérons quelques exemples :

XLVII

 Laisse 148 // 25.1-25.5

Le début de l’épisode dans Lf est beaucoup plus élaboré que dans la version proposée par

R : une laisse recouvre cinq alinéas. Lf ajoute des détails, prolonge les descriptions,< Ainsi on arrive à une dramatisation des événements : le petit combat du début à cause d’un malentendu met en lumière la situation précaire des fils Aymon, qui sont poussés dans leurs derniers retranchements et se défendent comme des animaux sauvages. On ajoute aussi des détails importants, comme Ogier qui insiste sur la cruauté de son seigneur : Renaud veut conclure la paix, mais cela est exclu à cause du caractère impassible de son ennemi.

L’amplification de la situation initiale de notre fragment n’est pas donc sans intérêt : elle change l’idée que nous nous faisons du récit et des personnages.

 Laisse 151 // 25.9-25.14

Même si la laisse 151 est déjà longue, nous voyons que la prose l’a encore amplifiée. En général, la situation ne change pas : Ogier fait tout son possible pour aider Renaud et ses frères. La différence réside dans l’élaboration des conversations. Dans Lf on met l’accent sur les sentiments, sur la situation dramatique,< Le fait qu’on délaye par exemple une des répliques d’Ogier : « < Et lors serez vous prins, bon gré, mal gré, et menez a l’empereur, qui tant vous het que pendus serez avant que le solleil soit escoussé ! Car il n’est homme vivant en France qui pour telz garchons comme vous estes, failliz et recreans, daignast faire une requeste, et a bon droit ! » (25.9) – à comparer à « < vous serés destruis, Karle vous avera ; »

(v.4390) – n’est pas vide de sens. La même remarque vaut pour les paroles de l’écuyer : « < de devers Montauban viennent plus de dix.m. combatans qui, comme je pense et que vous devez croire, ne viennent sinon que pour les quatre enfans secourir, qui pourra estre ung meschief grant et merveilleux qui a heure ne partira d’icy pource que grant chemin a jusques ou l’empereur est demouré. Et avisez diligamment qu’il est bon de faire pour tous dangiers, car s’il y a du commun peupple avecques eulx, vous savez qu’il n’y peult avoir nulle sceurté, et avecques les mauvaiz perdent souventeffois les bons, comme dit ung commun proverbe »

(25.11), qui sont plus élaborées et significatives que dans la version de R. XLVIII

Ces deux exemples nous montrent que le but de Lf est d’émouvoir et d’entraîner les lecteurs : les émotions jouent un rôle prépondérant.

 Laisse 162-164 // 27.1-27.6

L’importance des émotions se voit confirmée dans la rubrique 27. F. Goudeseune parle de ‘digressions sentimentales’ qui auraient dû attendrir le public du quinzième siècle1.

Considérons un des exemples qui illustrent cette hypothèse:

Dans R nous lisons « Et quant Regnaut l’entent s’en fist chiere marrie, vers la chambre s’en va, que point ne se detrie ; illec trouva Clarice qui se demente et crie< » (vv. 4712-4714), tandis que Lf dit : « Regnault s’est a tant mis au chemin et est venu le plus hastivement qu’il a oncques peu en la chambre ou la dame estoit, et entour elle ses damoiselles, qui mectoient paine de l’appaisier, mais c’estoit pour neant, car son tendre ceur estoit environné de larmes en si grant habundance qu’en pou d’eure se fust noyé, se par les yeulx ne se fussent esgoutees, et ja en avoit tant jecté par force de souspirs qui espuiser fasoient l’eaue que son ceur rendoit, que bien y paroit a sa face et a sa contenance. Et tres clerement la peust ouÿr son loyal amy et seigneur, Regnault, souspirer a l’entrer en la chambre, dont son propre ceur mesmes s’en sentit et doullut, et non sans cause, car les deux n’estoient que comme ung, quelque part qu’ilz fussent. Et< » (27.4)

À côté de la différence de longueur, qui frappe immédiatement, nous nous occupons de ce qui a été ajouté sur le plan du contenu : on va jusqu’à exagérer les sentiments ; la tristesse de Clarisse est fortement mise en lumière, tout comme l’amour, etc.

2.2. La précision

Lf se caractérise par la volonté de donner des explications là où R n’entre pas dans les détails ; nous le constatons en lisant la fin de la rubrique 27 : Renaud apaise Richard et le défend de tuer les serviteurs de Yon ; seulement Lf explique qu’il avait été mis au courant du crime que son frère voulait mener à bout par un chevalier.

1 GOUDESEUNE, F., op.cit., p. LIV [+ cf. note]. XLIX

Néanmoins, même si les descriptions sont beaucoup plus amples dans Lf, on peut constater que R est à certains endroits supérieur à la version en prose quant à la précision. R s’avère par exemple plus précis dans le domaine des noms propres : nous y lisons p.ex.

‘Courtain’ au lieu d’‘épée’ (v. 4816). Un autre exemple, assez frappant et nettement plus important, est celui de Dieu li Mire. Pendant la lecture de la laisse 170, on voit apparaître ce nom de l’abbaye où Yon s’était caché, un détail important qui manque dans Lf. Un tel oubli – nous croyons pouvoir employer ce terme – indique l’utilité de la comparaison effectuée ici : elle nous fournit des informations supplémentaires non-négligeables.

Tout de même, en général la version en prose se révèle plus précise, elle éclaircit des passages en ajoutant des détails explicatifs,< Prenons l’exemple des nombres, où Lf nous donne beaucoup plus d’informations que R : Lf nous apprend qu’Ogier est allé au rocher avec dix chevaliers (25.1), que le détachement de Bérenger et Alory consiste de mille huit cents combattants (25.10), que plus de quatre cents Français avaient été tués (25.10), etc.

2.3. Les additions & les suppressions

En comparant les deux versions, nous avons constaté que d’une part, Lf supprime des données de R et que d’autre part, il y a beaucoup d’éléments ajoutés. Il s’agit de parties entières, de mots ou d’idées ; ces changements ont un impacte considérable sur le déroulement du récit ; examinons quelques endroits où l’on a modifié l’histoire.

 Les laisses 157 et 158 de R nous racontent comment Ogier – après qu’il est sauvé par

Renaud – détériore ses armes et ses vêtements et reproche à ses hommes d’être

lâches. Lf a supprimé ce passage ; par conséquent, l’idée que nous nous faisons du

duc est différent.

 Une suppression moins bouleversante est celle de la potion magique de Maugis. R

met l’accent sur le côté ‘enchanteur’ du cousin des fils Aymon. On peut y voir une

régularité: comparé aux manuscrits plus anciens, R insiste déjà moins sur les

pouvoirs magiques de Maugis ; cette tendance se prolonge dans Lf, où on ne voit

même plus de description de la guérison des frères.

L

 D’autre part, Lf ajoute des parties, comme l’histoire de Sardanapalus (26.7). Ce récit

exemplaire augmente la crédibilité des paroles du chambellan : au lieu de ne prendre

que des exemples de la Bible, il ajoute une histoire véridique.

 Un exemple d’ajout moins important est celui du rôle de Guishard. Dans Lf celui-ci

intervient deux fois où il ne le fait pas dans R ; ainsi on insiste sur l’importance de

tous les frères.

On pourrait continuer cette liste de petites suppressions et ajouts, mais nous préférons de ne pas le faire par manque d’intérêt.

Mentionnons finalement une différence ‘supplémentaire’ importante, celui du changement de l’ordre de l’histoire :

L’auteur du remaniement préférait des unités plus ‘délimitées’: dans les laisses 173-174 de R apparaissent déjà des informations sur le messager qui est en route vers Montauban, où il trouve Renaud. Le héros – après avoir lu la lettre d’Yon – est immédiatement prêt à se rendre à l’abbaye pour se battre contre les Français. Au lieu d’interrompre le cours des

événements, Lf continue relatant l’assaut de la tour ; ce sujet est repris par R deux laisses plus tard. Lf a donc changé l’ordre dans le but de présenter un texte plus cohérent.

3. Remarques sur les autres version rimées.

Finalement, une comparaison avec d’autres manuscrits s’impose pour compléter notre examen. Nous avons déjà mentionné l’importance de notre épisode dans l’ensemble du

Renaut, aussi n’est-il pas surprenant qu’il existe une édition synoptique évoquant l’épisode de Vaucouleurs dans les différents manuscrits. Il s’agit du livre d’Antonella Negri1, dans lequel les manuscrits suivants sont intégrés:

1 NEGRI, A., op. cit. LI

- Paris, B.N., fr. 24.387 (L).

- Cambridge, Peterhouse, 2.0.1. (P).

- Oxford, Bodl., Douce 121 (D).

- Paris, B.N., fr. 766 (N).

- Paris, Ars., 2990 (A).

- Oxford, Bodl., Laud. misc. 637 (O).

- Montpellier, Bibl. de la Faculté de Médecine, H. 247 (M).

- Oxford, Bodl., Hatton 59 (H).

- Paris, B.N., fr. 775 (C).

- Venise, Bibl. de Saint-Marc, fr. XVI (V).

- (Paris, B.N., fr. 764 (R).)

Il faut remarquer que les extraits dont nous disposons – sauf celui de H, il nous paraît donc bien de traiter celui-ci séparément – ne traitent que la scène de Vaucouleurs et le retour d’Ogier chez Charlemagne. Par conséquent, la partie qui suit ne nous apprendra rien sur l’avertissement et la fuite d’Yon, ni sur Clarisse ou sur le retour de Renaud et ses frères à

Montauban.

Notre comparaison ne se voudra pas exhaustive. Même s’il était intéressant de entrer dans les détails sur l’importance de saint Pierre, sur la présence ou non d’interpellations du lecteur, sur des noms propres qui n’apparaissent ni dans Lf ni dans R, etc., nous avons opté pour un survol plus général.

Nous nous sommes consciente qu’une telle démarche pourrait esquisser une image fausse de l’ensemble des manuscrits. Il faut remarquer que, bien qu’on puisse les regrouper comme des ‘versions popularisantes’, s’opposant aux ‘versions aristocratiques’1, elles divergent à plusieurs endroits, quoiqu’il ne s’agisse pas de différences capitales. Comparons

à titre illustratif un extrait de L à un extrait de O :

« Il n’i a nul de vos, qui tant soit riches hom,

1 Cf. VERELST, Ph., Édition critique…, p.59. LII

Se il prent nul des freres et il les rent Karlon,

Je n’en praingne la teste par desos le menton. »

(L, vv. 7486-7488)

À comparer à :

« Il n’i a nul de nous ne Normant ne Breton

Ne Flamenc ni Engloiz qui tant soit richez hom

Que se il prent Renaut ni Aalart le blont

Ne Richart ne Guion et il lez rent Karlon

Que n’en praigne la teste par desus le menton. »

(O, vv. 7486-7488 + vers supplémentaires)

À côté des différences d’habitude graphique, nous voyons que la scène est plus élaborée dans O et les paroles (d’Ogier) y ont plus de vigueur, cependant la divergence n’est pas bouleversante.

3.1. Lf ↔ L, P, D, N, A, O, M, C, V

Nous ne nous arrêterons qu’aux points surprenants. Le schéma suivant contient les divergences qui attirent l’œil :

. Le duc Ogier, après avoir parlé à ses quatre cousins, veut corrompre ses hommes afin

qu’ils épargnent les fils Aymon:

« Seignor, - ce dist Ogiers – franc chevalier baron,

Ja sunt ce mi cousin qui vont en la prison.

Chascun de vos donrai u chastel u dongon

U tant de mon avoir qu’il sera riches hom,

Si les laisiés aller a lor salvatiom ».

(L, vv.7474-7479)

LIII

Néanmoins, la tentative échoue et ses hommes veulent dénoncer sa trahison à l’empereur, c’est la raison pour laquelle il va jusqu’à les menacer de mort<

. L’écuyer, qui joue dans Lf un rôle prépondérant, n’apparaît pas dans les versions plus

anciennes.

. Le rôle d’Ogier – même s’il prend plus vigoureusement la défense de ses cousins, cf.

premier point de la comparaison – est fortement réduit : prenons l’exemple de

l’arrivée de Maugis : c’est Renaud qui voit venir le secours de Montauban. Sûrs de

leur sauvetage, les fils Aymon décident de descendre du rocher, ce qui est à l’origine

d’un malentendu, car Ogier pense que ses cousins sont sur le point de capituler.

. La joute entre Renaud et son cousin Ogier est plus filée dans les versions rimées en

question: dans un premier temps, Renaud défie le duc, tout comme dans Lf.

Cependant, une différence importante est que Lf précise immédiatement que « il n’y

avoit cellui qui l’autre eust voullu adommagier » (25.20). La situation se complique

dans les versions rimées, où Renaud traite Ogier de traître félon avant de lui dire :

« Bien sai et reconnois qui vos m’avés aidié » (L, v.7891). Or, Ogier est tellement

énervé par les insultes qu’il ne semble pas vouloir conclure la paix. La dispute ne se

termine qu’à l’arrivée d’Alard et de Guishard. La partie dans Lf est beaucoup moins

élaborée.

. Le personnage qui diffère le plus dans les différentes versions est celui de Maugis.

Cette différence s’observe à plusieurs endroits dans l’histoire :

o À l’arrivée, il commence par défier le duc Ogier, cependant Bayard – qui a

donc aussi un rôle plus significatif – préfère rejoindre son maître Renaud.

o Toujours convaincu que le duc doit être puni, il insulte Guishard quand celui-

ci intervient dans le combat entre Renaud et Ogier :

« Cousin, - dist Amaugis – une rien bien sachiez. LIV

Guishart ameret meus une dame a baisir

Qu’il ne feret joster contre .j. chevalier. »

(O, vv.8036-8038)

Dans notre manuscrit de base, Maugis incite Renaud aussi à tuer le traître ;

toutefois, il ne s’agit point d’une obsession comme dans les versions plus

anciennes.

o À la fin, au lieu de simplement guérir Richard, il veut un service en retour ; de

cette façon on perçoit plus clairement sa haine à l’égard de l’empereur :

« Plus me het Kallemaigne que nul grant ne menor.

L’autrier m’ocist mon pere, donc j’ai au cuer dolor ;

Renaut, il fu vostre oncle et por la soe amor.

Orendroit m’afiez voiant toz sanz demor,

Que vos vendrez encui au tref l’empereor

Et requerron le roi sanz fere lonc sejor

Je vos rendrai Richart sain et sauf ainz le jor ».

(D, vv.8276-8283)

. Nous voyons une amplification des interventions d’Allard et de Guishard. Ces deux

personnages jouent un rôle très actif: il empêchent Renaud de continuer à lutter

contre son cousin Ogier. Les personnages qui paraissent mineurs, se montrent donc

plus sages que le héros.

. Une différence moins profonde est celle que nous observons durant la discussion

entre Roland et Ogier : Lf nous apprend que Charlemagne intervient, tandis que dans

les versions anciennes , le conte Amauri, Ydelon de Bavier et Estout

interrompent la dispute. Nonobstant, le rôle de l’empereur n’est pas tout à fait réduit,

vu que c’est lui qui décide qu’il fallait cesser de quereller.

LV

3.2. Le ms. H.

Nous préférons examiner la version que propose ce manuscrit séparément à cause des différences visibles comparé aux autres extraits. Le déroulement de l’histoire ressemble aux autres versions: les fils Aymon se défendent contre les Français, Maugis et ses hommes arrivent, Renaud se moque d’Ogier et le défie, etc. Quelques détails ont été changés, comme l’intercalation d’une réflexion d’Ogier sur ce que Charlemagne dirait,< Nous l’avons isolé parce qu’il y est question de l’espion qui entend Renaud dire qu’il va tuer Yon et qui décide d’avertir son maître, ainsi que de Clarisse. Cette partie nous permet donc de compléter notre recherche en effectuant une petite comparaison concernant la partie sur Yon et Clarisse, c’est-

à-dire concernant les rubriques XXVI et XXVII de Lf.

. H nous met au courant des paroles de Renaud qui incitent l’espion à avertir le roi de

Gascogne :

« < quant ore m’ad traï le riche rei Yun

E livré eins es el mains Fulchi de Moreilun

Ki mei het por la mort Bertelai le barun

Ke del tablier tuai a Paris, la maisun !

Le cors Deu me confunde que suffri passiun.

Si jeo trous le rei Yeus en Muntalban la tur

Se ni li trenche la teste ja n’en avera retur ! »

(H, vv. 7886 + 182-188)

Remarquons aussi la référence à l’origine du conflit : la querelle avec Bertolet.

. L’intervention du chambellan ne figure pas dans H ; Yon, en entendant la nouvelle,

s’enfuit au Bois de la Serpent :

« Come rei Yeus l’oï a poi d’ire ne funt

Il fait soner les grailles ben trente a un tun.

De Muntalban s’entorne brochant a esperun LVI

K’il n’atendist Renalt por tut l’or de cest mund. »

(H, vv. 7886 + 204-207)

. On répète que les trois frères de Renaud sont grièvement blessés, ils gisent sur

l’herbe, sanglants,<

. Clarisse sait ce qui s’était passé, mais H n’explique pas qu’un chevalier le lui a dit.

. Elle ne s’enfuit pas dans sa chambre, au contraire, elle rencontre Renaud et elle parle

avec lui en présence de ses frères et des autres gens du palais.

. Quand elle voit ses beau-frères, blessés, elle tombe pâmée sur Alard.

Remarquons que les frères n’ont pas été guéris par leur cousin dans cette version.

4. Conclusion

Après ce survol, nous pouvons nous former une idée des différences notables de contenu entre Lf et R d’une part, et entre Lf et les versions popularisantes d’autre part. Il va de soi que Lf est plus proche de R que des autres manuscrits. La distinction entre R et les versions plus anciennes a été confirmée par notre examen, et l’hypothèse que Lf pourrait être une mise en prose d’un remaniement perdu, et pas de R1 reste valable, vu le nombre de divergences relevées.

Quoiqu’il en soit, concluons que notre comparaison a contribué à éclaircir l’évolution du Renaut : R se présente comme un délayage des versions antérieures et Lf prolonge cette tendance en changeant et en amplifiant sa source.

1 VERELST, Ph., Édition critique…., chapitre III (La place de ‘R’ dans la tradition manuscrite du ‘Renaut’), pp. 30-59. LVII

E. ANALYSE

Ce qui précède<

Quand Charlemagne apprend que le château du roi Yon sert de refuge aux fils

Aymon, il n’hésite pas à envoyer des messagers qui annoncent au roi que l’empereur lui laisse le choix : ou bien il livrera Renaud et ses frères, ou bien il pourra s’attendre à une attaque des Français. Sur ce, Yon se rend chez Charlemagne et ensemble ils préparent la trahison infâme. De retour à Montauban, le roi de Gascogne communique aux frères qu’il a réussi à faire la paix avec l’empereur et qu’ils doivent aller le voir le lendemain à

Vaucouleurs. Entre-temps, l’ennemi mortel des fils Aymon est occupé à tendre le piège.

Renaud, ne se méfiant de rien, décide, sur les conseils de Clarisse, de s’armer quand même et d’emmener Bayard. Une fois arrivés à Vaucouleurs, les frères comprennent qu’Yon les a trahis. Ils résistent courageusement et tuent énormément de Français ; néanmoins, Richard est blessé. Ils décident de se retirer sur un haut rocher, au pied duquel Ogier entame des pourparlers avec ses cousins et exige qu’ils se rendent, afin qu’ils puissent être pendus.

Renaud – ayant saisi les arrière-pensées du duc – refuse, ce qui mène à l’assaut et les fils

Aymon se défendent fort bien. Après quelque temps, Ogier donne l’ordre à ses hommes de se retirer. Pendant ce temps-là, Maugis, de retour à Montauban, comprend que ses cousins ont été trahis. Il rassemble une armée et se met en route pour Vaucouleurs.

Le traquenard de Vaucouleurs.

Après avoir interrompu l’assaut, Ogier propose à ses compagnons de négocier avec ses cousins. Ses hommes lui accordent cette intervention, et tous se mettent en route vers le rocher, mais les fils Aymon, convaincus que les Français ne viennent que pour se battre, appliquent la devise que l’attaque est la meilleure défense et lancent des pierres sur leurs adversaires. Ogier les interpelle, proclamant le cessez-le-feu (25.1). Les Français se plient à la volonté de Renaud et se retirent, excepté Ogier et dix chevaliers qui avaient été choisis pour LVIII l’accompagner. Ogier négocie la capitulation de Renaud et ses frères (25.2). Renaud est d’accord à condition que Charlemagne soit prêt à lui pardonner. Ogier réplique, en insistant sur la cruauté de son souverain, que c’est un vain espoir ; toutefois, il se pourrait que l’empereur soit disposé à pardonner Alard, Richard et Guishard (25.3). Renaud adresse des reproches au duc, puis il s’efforce à excuser ses trois frères. Il aimerait que ceux-ci capitulent, tandis que lui, il se préparerait à subir l’attaque (25.4). Cette demande afflige les trois frères

énormément, l’aîné répond qu’ils ne se rendront pas, quoi qu’il arrive. Ogier continue à jouer son rôle et maudit cette décision en menaçant ses cousins. L’obstination de Renaud le rend soi-disant furieux (25.5). Sur ce, le Danois descend du rocher et ordonne qu’on reprenne l’assaut. Les Français attaquent si vigoureusement qu’ils réussissent à conquérir un des deux flancs du rocher, après avoir abattu Guishard (25.6). Renaud, fâché à cause de la blessure de son frère, riposte et oblige les Français à se replier. Richard, seul à défendre l’autre flanc, se voit alors confronté aux Français qui arrivent tous à la fois vers lui. Il tue un adversaire vaillant et renommé (25.7). Après l’attaque, Ogier veut encourager ses cousins ; à l’aide de son langage ambigu – d’abord mal compris par Richard qui se fâche (25.8) – il convainc

Renaud qu’il ne peut pas abandonner la partie ; malheureusement ce conseil ne sert à riens à cause de l’arrivée des contes Bérengier et Alory, avec leurs détachements. (25.9). Ogier les reçoit avec enthousiasme en leur demandant conseil. Ainsi apprend-il que les comtes veulent capturer les enfants Aymon< morts ou vivants ! Ce dénouement n’était évidemment pas prévu par le duc (25.10). Il est fort éperdu, mais il reprend courage quand son écuyer lui apprend que Maugis et son armée viennent secourir les enfants Aymon. Il ordonne à l’instant que ses hommes soient mis au courant et que l’écuyer aille épier la venue du larron- enchanteur (25.11). Ensuite, bien que Bérengier et Alory veuillent mettre un terme au combat, il requiert la permission de parler à ses cousins une toute dernière fois (25.12). Il engage des négociations avec Renaud et ses frères, et les communique secrètement la venue de Maugis. Renaud saisit le tuyau et révèle le vrai sens des paroles d’Ogier à ses frères

(25.13). Puis, il joue le jeu et demande du temps de délibérer avec ses frères sur leur sort.

Ogier, pour sa part, certifie aux comtes que les frères se livreront à la merci de l’empereur. Il y ajoute – en guise d’excitation – que s’ils se ravisaient, il convient d’être impitoyable (25.14).

Le secours ne tarde pas à venir, et quand les quatre chevaliers l’aperçoivent (25.15), ils sont comblés de joie. Aussi, quand Ogier – qui est parfaitement conscient de la présence de LIX

Maugis – vient vers eux avec Alory et Berengier pour connaître leur décision, Renaud, répond-il qu’ils ne se livreront pas du tout à Charlemagne. À ce moment décisif, Maugis arrive et sème la panique (25.16). Les Français, déroutés, n’ont plus prise sur la situation.

Renaud décide de monter sur Bayard et de rejoindre Maugis. Celui-ci, voyant son cousin, le harcèle de questions (25.17). Renaud répond, en insistant sur la situation précaire de Richard.

L’enchanteur le rassure : il guérira Richard et ils trouveront facilement des chevaux pour les trois frères. On voit s’accomplir cette prédiction : les frères se sont remis en selle et Renaud reçoit une nouvelle armure (25.18). Ce dernier, bien équipé, décide de provoquer le Danois, qui accepte le défi (25.19). Les deux chevaliers engagent le combat ; toutefois, la querelle ne dure pas longtemps à cause des problèmes ‘techniques’ avec les sangles d’Ogier. Renaud retourne donc vers Maugis, qui, déçu par l’issue du combat, lui adresse de forts reproches

(25.20). Sur ce, Renaud explique pourquoi il a épargné le duc. Ensuite, ils se mettent en route vers Montauban (25.21).

Fuite d’Yon.

Entre-temps le roi Yon attend des nouvelles dans le palais (26.1). Les fils Aymon le calomnient, ils le haïssent et veulent l’assassiner. Ceci vient à l’oreille d’un chevalier du roi qui décide d’avertir son souverain. Arrivé au palais, le chevalier met Yon au courant de la tragédie de Vaucouleurs, ainsi que de l’arrivée des fils Aymon. Le roi de Gascogne n’en comprend rien, ainsi le chevalier, répète-t-il ce qui s’était passé (26.2). S’apercevant de son erreur et du danger qu’il court, Yon se sauve sans remercier le chevalier. Il est bouleversé par les nouvelles et il se maudit (26.3). En entendant ces plaintes, un chambellan du roi lui demande la cause de son affolement. Yon confesse son crime au serviteur et veut se pendre

(26.4). Évidemment, le chambellan veut réconforter son seigneur, mais ses tentatives

échouent : Yon ne fait que se plaindre. Néanmoins, la persévérance vient à bout de tout

(26.5) : fermement décidé à aider le roi, le chambellan cite des extraits de la Bible pour lui montrer qu’une rémission des péchés est exclue pour ceux qui s’abandonnent à la désespérance. Il propose d’aller se confesser à un saint ermite ; en plus il est prêt à subir la moitié de la peine (26.6) ! Afin d’appuyer son discours, il donne l’exemple du roi LX

Sardanapale qui s’est suicidé par désespoir (26.7). Yon, très ému, n’offre plus de résistance et choisit de s’enfuir (26.8).

Retour des fils Aymon à Montauban et désarroi de Clarisse.

Les chevaliers Maugis et Renaud et l’armée approchent de leur but : ils sont sur le point d’arriver à Montauban avec l’intention de tuer Yon. Cependant, un des chevaliers, apprenant que l’objectif de Richard est d’assassiner Yon ainsi que ceux de son lignage, s’inquiète du sort de Clarisse. Il se sépare du groupe, rejoint la dame et la prévient (27.1).

Clarisse, bouleversée, maudit son frère, mais elle veut quand même qu’on aille le prévenir d’urgence. Quand un de ses serviteurs lui apprend qu’Yon s’était déjà enfuis depuis un bon bout de temps, elle croit perdre la raison (27.2). À ce moment-là, on annonce que son mari est arrivé au château. Clarisse est terrifiée, et s’enferme dans sa chambre avec ses servantes.

Cependant, Renaud n’est pas du tout en colère, loin de là, il ne veut que retrouver sa femme

(27.3). Quand il l’entend gémir, il en est fort troublé ; il lui apprend qu’elle a tort de se lamenter et la couvre de baisers (27.4). Entre-temps, Maugis et Richard sont à la recherche d’Yon, et surtout le frère cadet s’énerve en apprenant la fuite de son ennemi. Il massacre tous ceux faisant partie de sa suite, jusqu’au moment où un chevalier parvient à en avertir

Renaud. Celui-ci intervient et sauve le restant des serviteurs du roi (27.5), qui ne tardent pas

à se soumettre au héros (27.6).

Ogier a des comptes à rendre.

Après cette réconciliation, l’histoire relate les aventures d’Ogier, qui se hâte d’arriver au camp de l’empereur. Mais, avant qu’il y arrive, Charles est déjà mis au courant de la défaite (28.1), bien qu’il n’en croie rien jusqu’au moment où il voit Ogier et les siens, emportant le corps de Fouques. Il se fâche contre le duc (28.2), qui veut se défendre en expliquant que le roi Yon est le vrai traître. L’empereur, tellement irrité, ne lui donne pas l’occasion de fournir des explications sur ce qui s’était passé (28.3). Pour comble, Roland intervient. Ogier ne supporte pas les reproches du neveu de l’empereur et le défie (28.4).

Roland saute sur cette occasion ; si l’empereur n’était pas intervenu, l’un des deux y aurait LXI sans doute laissé la vie (28.5). Les parents d’Ogier entrent en scène et prennent la défense du duc en menaçant à leur tour Roland (28.6). Ils exigent que Charles apprend les faits par Ogier avant qu’il rende un verdict (28.7). Sur ce, le duc de Danemark prend la parole et raconte sa version de ce qui s’était passé, confirmée par ses compagnons. Charlemagne n’en croit pas ses oreilles et jure de se venger d’Yon. À ce moment-là arrive un autre chevalier, annonçant la victoire de l’empereur sur le traître (28.8). Il dénonce la cachette d’Yon. Évidemment la réaction de l’empereur ne fait pas défaut : il ordonne que ses chevaliers aillent capturer le transfuge. Ogier, Roland, Olivier et Richard de Normandie s’en vont, accompagnés de toute une compagnie (28.9). Nonobstant, leur tâche est compliquée parce qu’un espion prévient

Yon. Celui-ci écrit immédiatement une lettre à Renaud parce qu’il préfère tomber entre les mains de son beau-frère ; aussi espère-t-il que Renaud sera prêt à l’aider (28.10). Néanmoins, le héros tarde à venir et les Français arrivent à l’abbaye. Yon et les siens se cachent dans une tour, un refuge idéal jusqu’à ce qu’un des moines les trahisse (28.11). Après un petit combat, les Français arrivent à capturer le roi de Gascogne (28.12), dont ils se réjouissent beaucoup. Puis, ils pillent l’abbaye et organisent un festin (28.13). Toutefois, ce calme n’est qu’apparence : Renaud viendra attaquer l’armée française et l’action reprendra bien vite, mais il faut attendre l’édition critique du fragment suivant pour en savoir plus.

LXII

En lisant ce résumé, il se peut qu’une donnée importante échappe à l’attention de nos lecteurs : la structure. En fait, après la scène à Vaucouleurs, le même canevas se répète plusieurs fois. Nous n’entrerons pas dans les détails là-dessus, mais il nous paraît utile d’attirer l’attention sur le schéma suivant :

Épisode de Vaucoulours

. Ogier est un personnage à deux visages : il veut aider ses cousins tout en faisant semblant de les vouloir capturer. . Un écuyer du duc annonce la venue de Maugis d’Aigremont et son armée. . Grâce à l’arrivée du larron-enchanteur, les Français ont le dessous.

Fuite d’Yon

. Entre-temps, Yon attend des nouvelles. . Un chevalier décide de l’avertir. . Le roi, fort dérouté, s’enfuit après que son chambellan le convainc que la fuite est la meilleure solution.

Désarroi de Clarisse

. Renaud et sa suite retournent vers Montauban. . Un chevalier décide qu’il vaut mieux avertir la noble dame Clarisse. . La femme de Renaud est affligée par les nouvelles, elle s’enfuit dans sa chambre, d’où elle ne sort qu’avec Renaud après que ce dernier l’a rassuré. . Ensuite, Renaud sauve les hommes d’Yon de Richard qui veut les massacrer.

Ogier rend ses comptes

. Ogier doit expliquer ce qui s’était passé, après une querelle avec Roland – résolue après l’intervention des parents du duc – il y parvient. . Charles est furieux et veut se venger d’Yon. . À ce moment-là, un chevalier arrive, qui dénonce la cachette d’Yon. . Les Français se mettent en route, mais un espion a déjà annoncé leur venue au roi. . Roland et sa compagnie parviennent quand même à capturer le roi avant que Renaud puisse venir le secourir.

L’importance des espions (et des messagers) est manifeste : dans notre fragment – qui n’occupe que quatre rubriques – quatre péripéties ont été provoquées par l’intervention d’un personnage qui raconte ce qui s’est passé et avertit ainsi un autre personnage, ce dernier y réagit, etc. Cette donnée, quelque futile qu’elle puisse paraître, nous semblait valoir la peine d’être mentionnée. LXIII

F. Remarques sur l’établissement du texte

En gros, nous nous sommes basée sur la méthode appliquée par Ph. Verelst que nous trouvons décrite dans son édition de R1 :

Majuscules et ponctuation

Comme nous avons mentionné dans notre description codicologique, ni l’emploi des majuscules, ni celui des signes de ponctuation n’est conforme aux règles modernes ; par conséquent, nous n’en tenons aucun compte dans notre transcription.

U et I

En ce qui concerne la transcription des lettres u (u ou v) et i (i ou j), nous nous conformons à l’usage moderne.

Les chiffres

Les chiffres seront transcrits tels quels, encadrés de deux points.

Accent aigu et tréma

Nous n’utilisons l’accent aigu qu’à la fin d’un mot, lorsqu’il est possible de le prononcer de façon erronée (p.ex. cuidiés). Le tréma n’apparaîtra que s’il y a une réelle confusion possible (p.ex. haÿr). Ainsi, ces deux signes, ne serviront-ils que comme directive pour nos lecteurs. La même remarque vaut pour -ç- dans sçavoir par exemple, où il sert à

éviter une prononciation fautive.

Découpages anormaux

Nous avons déjà dit que Lf a l’habitude de réunir et de découper des mots de façon inhabituelle, dans la plupart des cas nous sommes intervenue ; plusavant (f°181 r°) par exemple a été transcrit comme plus avant.

1 Verelst, Ph., op. cit., p. 122-124. LXIV

Abréviations

Les abréviations (au moyen de la tilde, des lettres suscrites, etc.) ont été résolues, nous les avons indiquées par des italiques.

Apparat critique

Dans notre apparat critique, nous avons enregistré toutes les variantes morphologiques, syntaxiques et lexicales des manuscrits. Une énumération exhaustive des variantes graphiques nous paraissait peu utile ; toutefois, nous avons tenu compte de telles différences, en ce sens qu’en évoquant les variantes morphologiques, syntaxiques ou lexicales, nous mentionnons les leçons de Am et Pm quand celles-ci diffèrent sur le plan de la graphie. Les données de l’apparat critique n’ont pas été interprétées : u reste u, i reste i, etc.

II. TEXTE CRITIQUE

2

25 [f° 173 v°] COMMENT LE CONTE ALORY ET BERENGIER

COMMANDERENT QUE LES QUATRE FILZ AYMON FUSSENT OCCIS

DE TRAIT POURCE QU’ON NE LES POVOIT AUTREMENT AVOIR

PAR ASSAULT.

(1) Quant Ogier le Dannois eust fait cesser l’assault et ceulx qui assailloient retraire, et que chascun eust en son endroit reprins ses esperitz et vertus1 en leurs corps raffreschissant, lors parla il haultement2 a ses hommes et leur dist : « En moy ay grant3 desplaisance, seigneurs4, fait il, de ce que avoir ne povons par force ces quatre5 gloutons, qui ne sont que quatre, et si ont occis plus de .viijxx. de nos hommes ! Si voulsisse a eulx parlementer pour savoir se par amour les pourroye a ce convertir et mener a ce6 qu’ilz se voulsissent a moy rendre sains et en vie pour les livrer a Charlemaine. Si conseille pour le mieulx7 que a eulx voise parler non mie seul, mais avecques huit ou dix de vous autres qui serez presentz a nous ouÿr parler d’un costé et d’autre8, afin que riens ne puist estre rapporté a Charlemaine qui puisse touchier a mon honneur si vrayement qu’en tous mes faiz je me vouldroye a mon povoir garder de mesprendre envers lui. Et s’ainsi povons aucunement9 les vassaulx avoir, ce nous pourra tourner a

1 et uertus Ø Am. 2 haultement Ø Am. 3 a grant Am. 4 beaulx seigneurs Pm. 5 quatre Ø Am,Pm. 6 a ce Ø Am,Pm. 7 pour le mieulx Ø Am. 8 a oyr parler et respondre Am. 9 aucunement Ø Am. 3

grant prouffit, comme il me semble. – Ogier dit bien, certes. » ce respondent les plusieurs, qui sont a cest accord, et les autres se consentent a ce liberalement. Et lors se mist1 le vaillant homme Ogier2 a chemin3 et approucha4 le rochier ou les les quatre filz Aymon5 estoient [f°174 r°] actendans d’eure en heure6 l’assault, et, et, cuidans certainement7 que pour ce venissent vers eulx les François, ilz se mirent en point pour eulx vigoureusement deffendre. Lors commencerent a jecter8 jecter8 pierres et cailloux gros et lours9, donc ilz faisoient grant bruyt. Et, entre les les autres, firent tumber ung chevalier par terre franchement10, quant ilz cuidoient monter11. Et tellement mirent paine de jecter, que nul n’osoit maiz12 de leur rochier approuchier. Si fut le noble duc13 Ogier moult14 dollent de ce que ainsi se travailloient, et leur escrya, en haulchant la main amont en signe de treves demander, et disant15 : « Depportez-vous, beaulx sires16, fait il, et nous laissez a vous parlementer se bon vous semble ! Si aviserons entre vous et nous17 les moyens par lesquelz ceste guerre pourra plus tost et plus aisiement prendre fin, car

1 se met Am. 2 le noble duc o. Am. 3 en chemin Pm. 4 aproche Am. 5 les enfans aymon Am. 6 deure en heure Ø Am. 7 certainement Ø Am. 8 lors si getterent Am. 9 durs Am,Pm. 10 .c. gros et durs dont ilz faisoient ung cheualier tumber par terre Am. 11 quant a plain le pouoient aconsieuir Am. 12 maiz Ø Am. 13 le noble duc Ø Am. 14 moult Ø Am. 15 en disant Am,Pm.et Ø Am,Pm 16 seigneurs Am,Pm. 17 entre nous et vous Pm. 4

chose longuement traynee ne peult, comme l’en dit communement1, a bonne perfeccion venir ! ».

(2) Regnault de Montauban, oyant son cousin2 Ogier3 ainsi parler, pensa en soy mesmes qu’il ne contendoit sinon a la bonne foy, et pour ce lui respondist et dist : « Faictes doncques vos hommes retraire, sire duc, fait il, et par bonne treve se tire4 avant qui a nous parlementer vouldra sans mal engin, car autrement ne m’y consentiroye pour nulle riens ! ». Et5 lors tout home se tira arriere6, excepte Ogier et les .x. chevaliers qui esleuz estoient pour aller avecques lui pour7 pour7 ouÿr ce qui seroit dit entre les deux parties8. Et adonc9 monta Ogier tout devant ou rochier, et les autres consequamment. [f°174 v°], puis osterent leurs banieres pour leurs visaiges esventer et pour laisser le temps passer, afin que10 par aucune11 mesavanture12 ne mesavenist13 a ses cousins, mais mie n’y pensoient14 ceulx qui avecques lui estoient allez. Il parla lors15 assez haultement16 et dist17 :

« Moult me merveille, fait il, beaulx seigneurs, que a l’empereur ne vous rendez, car18 d’icy1 ne povez par maniere nulle du monde eschapper, que mors ou prins ne

1 communement comme len dit Am. 2 le sien cousin Am. 3 Am,Pm. Lf regnault. 4 se traie Am. 5 et Ø Pm. 6 chascun se tray arriere lors Am. 7 pour Ø Am,Pm. 8 ce qui seroit dit par eulx et respondu par les quatre freres Am. 9 lors Am. 10 Am, Pm. Lf que Ø. 11 aucune Ø Am. 12 auanture Pm. 13 mesuenist Am. 14 ne pensoient Pm. 15 lors + a eulx Am. 16 haultement + a eulx Pm. 17 et + leur Am, et + leur Pm. 18 ueu que Am. 5

ne soyez a ce jour d’uy2, car il n’est secours qui d’omme vivant3 vous puisse venir et bien le voyez. Si me semble que grant4 follye vous gouverne quant autrement ne vous avisez, veu le dangier en quoy5 vous estes6, et que a moy ou a quelque autre prince, donc assez7 y a cy devant vous, en qui plus grant fiance povez8 avoir, ne trouvez alyance par priere ou autrement9, ou accointance10 afin qu’il parle pour vous a l’empereur, lequel par avanture pourra de vous avoir mercy. ».

(3) Et quant le noble chevalier11 Regnault eust entendu ce que Ogier lui dist, il lui respondist assez courtoisement, disant : « Par ma foy, sire12 duc, fait il, a moy rendre auroit bien pou afaire et legierement me mectroye en vostre sceurté se je savoye certainement que l’empereur13 Charlemaine me voulsist ce que je lui ay meffait pardonner, et de fait le feray comment14 je le15 vous diz, pourveu que vous en ferez fort et qu’en ce n’ait aucune faulte, car autrement point ne m’y vouldroye consentir ! – Vous parlez pour neant, sire Regnault ! ce respond lors

Ogier, car pour riens ne vous accorderoye16 [f°175 r°] ceste chose que bien savez ou povez penser que mie ne pourroye tenir ! Et semble a vous ouÿr parler17 que mal congnoissez Charlemaine et sa grande crudelité. Si vueil bien que vous

1 de cy Am,Pm. 2 en ce iour duy Am,Pm. 3 qui de nul lieu du monde Am. 4 grant + amorce d’une lettre biffée Lf. 5 le dangier ou Pm. 6 ueu le dangier en quoy vous estes Ø Am. 7 assez + en Am,Pm. 8 pourrez Am,Pm. 9 ne autrement Pm. 10 et accointance Am, et acointance Pm. 11 le noble cheualier Ø Am. 12 sire Ø Pm. 13 lempereur Ø Am, roi Pm. 14 comme Pm. 15 le Ø Am,Pm. 16 accorderoye + ceste biffé Pm. 17 qui vous ot parler Am. 6

sachiez qu’il vous a en si grant hayne que pour toutes les prieres du monde ne vous laisseroit vif eschapper se une fois vous povoit avoir a son plaisir ! Mais de vos trois freres ne vueil je mie ainsi dire, ains, croy qu’ilz auroient tost trouvee leur paix envers lui, par le moyen de leurs parens et amis. Si advisez qui est le meilleur1 de faire pour vous, et se l’avanture voullez actendre telle comme elle pourra venir, je vous prometz de faire mon loyal devoir envers lui, comme je feroie pour mon propre frere et mectray bonne diligence2 d’avoir vostre paix avecques lui3 a mon povoir, mais je ne me feray mie fort de vostre corps4 mesmes5 garantir, pource que bien sçay qu’il a juré presentz tous ses barons que pendre vous fera s’il vous peult avoir en sa dominacion et puissance, car fureur de prince fait tant a doubter que nul ne s’en doit tenir6 trop asseuré ! ».

(4) « Bien vous ay entendu, sire duc, fait lors Regnault, et par vos parolles semble que mourir me7 laisseriez et justicer par Charlemaine se en son dangier estions cheuz, moy et mes freres, mais a vous, au duc Naymon, a Thierry d’Ardenne et aux autres princes duquel lignage nous sommes extraiz ne seroit mie grant honneur, mais y auroient tous si grant vitupere que a tousjoursmaiz leur pourroit estre reprouchié, et a bon droit ! – Ce me desplairoit plus que ne pensez,

Regnault ! [f°175 v°] fait lors Ogier, mais vous devez savoir que qui sert, il convient servir. Charlemaine est mon naturel8 et souverain9 seigneur, et je lui doy

1 quil est meilleur Am. 2 mettray peine Am. 3 a lui Am. 4 corps + de mort Am. 5 mesmes Ø Am. 6 tenir + pour Am, Pm. 7 nous Am. 8 droiturier Am. 9 et souuerain Ø Am. 7

doy foy et amour, si ne m’en puis excuser se faulcer ne vueil la promesse que je lui ay faicte. – Or me vueille Dieu conforter, sire duc ! fait lors Regnault, si vrayement que j’ay bon mestier de son ayde, puisque je voyz que de tout le monde suis haÿ, et mesmement de mes prouchains parens et amis ! Mais une chose qui en mon meffait est, vous vueil dire, donc j’ay le ceur dollent et couroucié1 : vecy2 mes freres, qui en ma coulpe n’ont nulle faulte3, ne la hayne de l’empereur ne leur leur doit en riens4 prejudicier, ne estre nuysable. Je leur supplie en vostre presence presence qu’ilz voisent leurs corps devant Charlemaine en son tref presenter et lui humblement requerir mercy. Et a vous mesmes supplie que pour leur paix faire, soyez advocat et soliciteur, et je demourray en la garde de Cellui en Qui j’ay ma fiance5, Qui6 me sera en ayde s’il Luy plaist. Et se la mort m’est destinee, que je meure cy en mon corps deffendant, sinon7 je me soubzmectz8 a la voullenté de

Cellui qui contre le povoir de Charlemaine et de tous9 mes ennemis me peult garder et deffendre ! ».

(5) Saincte Marie ! Comment10 furent les ceurs des freres du noble chevalier Regnault actains et11 serrez quant ilz l’entendirent ainsi parler ! Chascun

1 mais une chose vous vueil dire de cuer dollant et courroucie Am, mais une chose vous vueil dire de cuer dolant et courroucie Pm. 2 ueez cy Am,Pm. 3 qui en mon meffait nont nesune coulpe Am, qui en mon meffait nont en nulle maniere coulpe Pm.

4 riens + pour moy Am. 5 ma + ma Lf, ma Ø Am,Pm 6 lequel Am, Pm. 7 sinon + lettre biffée Lf. 8 soubmectze avec le e final biffé Lf. 9 tous Ø Am. 10 comme Am. 11 actains et Ø Am. 8

se print piteusement a lermoyer et de dueil a1 muer leurs coulleurs, et par moult grant despit regarderent Ogier, leur cousin, mais tant furent plains d’aÿr que tenir ne se peuvent2 [f°176 r°] de respondre. Si parla le3 premier Alart, disant a son frere Regnault : « De vostre compaignie, beau4 frere, fait il, ne5 sommes nous mie mie avisez de laisser, ne d’aller devers l’empereur a mercy, ainsi6 comme vous l’avez cy dit. Ainçois, est nostre voulloir de mourir7 cy avecques vous en dangier, se dangier y a8, en espoir d’avoir du bien se du bien nous doit9 venir, car aussi prouchaine nous est la mort comme a vous, se mourir nous convient, ainsi comme je croy10, se la grace de Dieu ne nous ayde11. Mais tellement et si chierement sera nostre mort vendue et comparee12 que ja par avanture n’en pourra13 Charlemaine estre joyeulx ! ». Si lui respondist lors Ogier et dist : « De voz menaces faisons nous pou de compte, sire Alart, fait lors14 Ogier, car vous ne durerez mie jusques a la nuyt, que ne soyez par fine force prins tous .iiij.15 et a l’empereur livrez16 ! Si serez honteusement pendus ! Et pour tant que vous estes ainsi encouragiez, et que pour parolle qu’on vous dye, vous ne vous daignez tant humilier comme de vos

1 a Ø Am. 2 porent Am, peurent Pm. 3 le Ø Am,Pm. 4 beau + doulz Am,Pm. 5 ne + no biffé Lf. 6 ainsi Ø Am,Pm. 7 de demourer Am. 8 a + et Am. 9 peut Am,Pm. 10 comme ainssi le croy Am,Pm. 11 nous sequeurt Am. 12 comparee et chier vendue Am. 13 ja nen pourra par aduenture Am. 14 lors Ø Am,Pm. 15 tous .iiij. Ø Am. 16 deliurez Am. 9

corps rendre et mectre en la mercy de l’empereur1, vous deffye2 plainement si tost tost comme je seray d’icy3 descendu ! Et mal ait cellui qui jamaiz de vous rendre vous priera ! ».

(6) A ces parolles se sont Ogier le Danois et les chevaliers qui estoient avecques luy4 deppartis d’eulx5 et sont venus a leurs hommes qui les actendoient et qui riens tant ne desiroient comme l’assault, par especial ceulx qui avec6

Fouques de Morillon estoient premierement venus, car plus estoient dolens pour leur seigneur qui mort estoit et perdu, que l’istoire ne sauroit deviser. Et quant

Ogier fut vers eulx arrivé, il s’escrya7 haultement, [f°176 v°] tellement que8 bien fut entendu des quatre filz Aymon9 et dist : « Or, a l’assault ! fait il, beaulx sires10, sires10, a l’assault ! Puisque traictié ne moyen ne povons nullement trouver avecques eulx11. Si soit chascun diligent d’assaillir asprement, afin que par force les puissons avoir tous vifz, puisque par doulcement parler ne aultrement ne se veullent a la grace12 de l’empereur soubzmectre. ». Et lors se sont gens d’armes mis en besongne et du premier « Assault ! » ont, a tout leurs escus et grans targes donc ilz se couvroient, approuchié le rochier et ont si fort assault livré que par vive force ont par l’un13 des costez monté, malgré Alart et Guishart qui en avoient

1 du riche empereur Am,Pm. 2 deffye + je Am,Pm. 3 de cy Am. 4 qui auecques lui estoient montees ou rochier Am,Pm. 5 deulx Ø Am. 6 aueques Am, auecques Pm. 7 escrya + moult Pm. 8 si que Am. 9 que bien le peurent oyr les .iiij. filz emon Am, que bien le peurent oyr les quatre filz aymon Pm. 10 beaulx seigneurs Am. 11 traitie ne moyen ne pouons aueques les filz aymon trouuer Am. 12 en la grace Am. 13 un Am,Pm. 10

celle part1 la garde et qui2 leur rendoient aspre deffence3, qui pou4 leur5 eust vallu vallu a celle fois, n’eust6 esté le chevalier Regnault, qui le sien frere Guishart apperceut abatu et soullé7 arriere des piez8 de Alart, qui en pou d’eure eust esté conquis et eulx tous quatre perdus, s’il n’y fust arrivé9.

(7) Dyeux ! Comment furent aspres et moult fiers10 les assaultz premiers !

Et bien y parut quant l’une des deux montees, que gardoient Alart et Guishart, conquesterent les François par la vaillance d’un chevalier qui, a tout son escu et l’espee ou poing, monta amont et assena Guishart, qui rebouter le cuida, en le poussant si asprement que aux piez de son frere le porta par terre, donc Regnault, son frere11, ne fut gueres joyeulx. Mais pour lui monstrer qu’il en estoit12 desplaisant, desgarnist sa garde, qu’il laissa a son frere13 Richardin, et s’adreça vers cellui chevalier qui bien l’apperceut venir, l’espee levee. Si lui tendit son

[f°177 r°] escu au devant, mais gueres ne lui vallut, car si fierement14 le ferit amont sur le chief15 que tout le pourfendit jusques aux espaulles16. Puis courut vers le pas, et de Flamberge commença a charpenter par telle vertu17 que tous les

1 celle part Ø Am. 2 lesquelz Am,lesquelx Pm. 3 grant deffence Am. 4 petit Am. 5 leur Ø Am,Pm. 6 se neust Am,Pm. 7 pousse Am,Pm. 8 par terre aux pies Am. 9 sil ne fust Pm, quant il y arriua Am. 10 comme furent fiers Am. 11 son frere Ø Am,Pm. 12 fu Am, fut Pm. 13 au sien frere Am. 14 si fermement Am,Pm. 15 son chief Pm. 16 iusques es dens Am. 17 par si grant faicon Am. 11

François fist retraire, voulsissent ou non1. Ne oncques puis icelle heure n’y eust homme2 si hardy qui osast approuchier le rochier par cellui lieu. Ainçois, se tournerent tout3 a ung coup au pas que Richardin gardoit, pource qu’il estoit tout seulet. Si racompte l’istoire et dit4 que se tous eussent fait5 diligence comme6 fist fist ung chevalier qui la fut, jamaiz les François n’eussent failly a la montee conquerir et aux quatre filz Aymon avoir en7 leur mercy. Et qui demanderoit par quelle avanture, dit l’istoire que ung chevalier puissant et vertueux, ayant une lance en son poing et son escu accollé par devant, voyant ledit8 Richardin qui tout tout seul se tenoit, cellui s’adreça vers lui et en poulsant de la lance qu’il tenoit s’efforça de monter, et si avant se bouta qu’il approucha du chevalier Richardin, mais il estoit si asseuré en son courage qu’il ne lui daigna courir sus9 jusques a ce qu’il le vist a son avantaige10. Et quant Richardin le vist comme monté et qu’il mist la main au sault pour monter, il haulça l’espee lors, et si grant coup lui en donna sur l’espaulle donc il avoit la lance empoignee, que l’espaulle lui emporta11 enmy le champ a tout le bras. Puis le hurta si aÿreement que tout estendu le fist jus de la roche tumber12.

1 que tout fist retraire uoulsissent francois ou non Am. 2 homme Ø Am. 3 tous Am. 4 et dit Ø Am,Pm. 5 faite Pm. 6 comme avec deux jambages qui paraissent biffés Lf. 7 a Am,Pm. 8 ledit Ø Am. 9 seure Am. 10 en son auantaige Pm. 11 porta Am. 12 reuercer Am. 12

(8) Grande fut la noise et1 le cry2 que firent les quatre vaillans chevaliers3 chevaliers3 freres tout4 a ung hu et moult5 grant fut le dueil que menerent6 les

François de leur costé pour le chevalier que si honteusement veyrent [f°177 v°] tumber7 par terre. Mais Ogier fut tant joyeulx en son ceur qu’il loa le nom de Dieu

Dieu en lui requerant affectueusement8 qu’il voulsist les enfans sauver et garder de mal et de peril. Et puis se tiroit vers le rochier pour donner couraige aux quatre vaillans chevaliers9, et parloit a eulx en leur demandant pourquoy ilz ne se rendoient. Si en fut Richardin tellement10 argüé qu’il ne se peust taire, ains, lui respondist, si aÿré comme il estoit11 pour le mal et doulleur12 de sa playe, et lui13 dist : « Laisse moy14 en paix, Ogier ! fait il, et viens cy prendre l’avanture du pas conquerir comme tes compaignons ont fait15 ! Et mauldit soit mon corps quant je t’espargneray, neant plus que le plus estrange de ton ost ! Car tu ne fus oncques du lignage au noble duc16 Aymon, et bien est legiere chose a tesmongner quant ton pere, Gauffroy, te livra mesmes17 a Charlemaine auquel tu es demouré serf18 a

1 la noise et Ø Am. 2 la criee Am. 3 vaillans cheualiers Ø Am. 4 tous Am. 5 moult Ø Am. 6 menerent + lors Pm 7 reuercer Am. 8 affectueusement Ø Am. 9 aux quatre enfans Am. 10 si Am. 11 estoit + et argue Am. 12 et doulleur Ø Am. 13 lui Ø Am,Pm. 14 nous Am,Pm. 15 ont fait Ø Am. 16 du noble duc Am,Pm. 17 mesmes Ø Am. 18 serf demoure Am,Pm. 13

jamaiz1, pource qu’il ne te voullut racheter ! Si te vouldroye avoir occis a mes2 propres mains3 ! ». Et quant le duc Ogier eut Richardin entendu parler, il fut en son ceur moult dollent, car il lui sembla a son advis que le grief mal qu’il sentoit lui faisoit ce dire. Si print adoncques4 une lance en son poing et, faignant estre couroucié des parolles qu’il lui avoit dictes, s’approucha du rochier pour parler a lui de si pres que clerement le peussent ses freres ouÿr et entendre.

(9) « Or, vous gardez de moy, Richardin, fait lors Ogier, car je vous deffye ! Et est mon intencion de vous monstrer se je suis filz a5 Gauffroy ou non ! non ! Si vous di bien que Gauffroy ne fut oncques si failly comme le duc Aymon de Dourdonne ! Et bien y pert6 a la deffence que vous monstrez [f°178 r°] qui estes ses enfans et qui ja avez les ceurs es ventres faillis, tellement7 que plus n’a en vous de vertu que pour demye heure ! Et lors8 serez vous prins, bon gré, mal gré9, et menez a l’empereur, qui tant vous het que pendus serez avant que le solleil10 soit escoussé, car il n’est homme vivant en France qui pour telz garchons comme vous estes, failliz et recreans, daignast faire une requeste, et a bon droit !

Si avez vous si bel avantaige que par la foy que je doy a Dieu de Paradis, se j’avoye le cas pareil a faire que vous avez, et que je fusse moy seul la ou11 vous

1 a jamaiz Ø Am. 2 de mes Pm. 3 a mes propres mains Ø Am. 4 adoncques Ø Am. 5 a Ø Am. 6 apert Am,Pm. 7 si Am. 8 lors + en Pm. 9 mal gre en aies vous Am, mau gre bon gre Pm. 10 le Ø Am. 11 ou Ø Pm. 14

estes, je ne donneroye de tous les assaultz du monde1 ung denier pour ung jour tant2 seulement ! ». Et quant Regnault ouÿt et entendit3 ce que Ogier leur dist, il fut4 plus asseuré que par avant. Et bien vist adoncques que5 le noble duc ne les povoit6 mieulx, ne autrement, conforter. Et dist a soy mesmes que se jusques en la la nuyt7 se pevent, en eulx deffendant, entretenir, il montera sur Bayart et ses trois trois freres emportera comme lui. Mais en pensant a ces choses, ont les quatre chevaliers regardé parmy la plaine8 et ont veue9 une grant poussiere lever en l’ayr10, et heaulmes flamboyer contre la lueur du solleil. Si ont a coup leur reconfort11 mué en courroux et en desplaisir, et non sans cause, car c’estoient12 les aguetz13 et embuchemens14 qui leur venoient15 donner assault.

(10) Du tiers embuchement saillirent Alory de Mascon, le conte Berengier, et avec16 eulx .xviijc.17 combatans qui si longuement avoient actendu en leur aguet que moult leur ennuya, et pour ce vindrent ilz au bruyt qu’ilz ouÿrent et au son des trompectes qui l’assault sonnoient [f°178 v°] assez souvent. Et quant Ogier les apperceut, il eslongna le rochier et alla au devant d’eulx disant : « Bien soyez

1 monde + pour biffé Lf. 2 tant Ø Am. 3 et entendit Ø Am. 4 est Am. 5 bien voit que Am. 6 poeut Am. 7 a la nuit Am,Pm. 8 par la plaine Am. 9 ueu Am. 10 l Ø Am. 11 reconfort + et espoir Am,Pm. 12 cestoit Am, Pm. Lf sestoient. 13 le tiers aguet Am. 14 et embuchemens Ø Am, embuchement Pm. 15 venoit Am,Pm. 16 aueques Am, auecques Pm. 17 quinze cens Am. 15

venus1, beaulx seigneurs2 ! fait il, sachez certainement3 que grant mestier avions avions de vostre venue, pour aviser par conseil comment nous pourrons4 avoir les quatre filz Aymon qui sont en ce rochier la hault, emprés cest arbre que vous povez clerement veoir. Car trop nous ont fait grant desplaisir, et plus de .iiijc. de noz hommes nous5 ont occis et navrez6, donc l’empereur ne pourra gueres estre joyeulx. ». Si commença Berengier lors a respondre7 et dist : « Sachiez sceurement8, beaulx sires9, fait il, que quant l’empereur10 Charlemaine11 nous commist les quatre enfans venir espier12, il commanda expressement13 de sa bouche, comme bien le sçay14, qu’on lui amenast les enfans, tous vifz, voire, qui les pourroit avoir et qui ne les pourroit prendre en vie, qu’on les lui amenast15 mors et decouppez, et qu’il pardonnoit la16 mort a ceulx qui occis les auroient. Si conseille que ainsi le façons, et que a mes arbalestriers par vostre conseil soient17 presentement habandonnez par ainsi que s’ilz durent une heure ne demie, je vueil que pendre18 faciez tous ceulx qui fauldront a les occire ! ». Si fut Ogier plus dollent qu’oncquesmaiz, car il n’y veoit plus tour de delay que les enfans peussent

1 bien veignies Am. 2 sires Pm. 3 certainement Ø Am. 4 pourrions Pm. 5 nous Ø Am,Pm. 6 que mors que affolez Am, que occis que naures Pm. 7 commenca B. a respondre lors Am,Pm. 8 sceurement Ø Am. 9 seigneurs Am, seigneurs Pm. 10 lempereur Ø Am. 11 charles Pm. 12 nous commist a venir les quatre enfans espier Am,Pm. 13 expressement Ø Am. 14 scay + car je loy parler Am,Pm. 15 on les y a. Am,Pm. 16 leur Am,Pm. 17 soient par vostre conseil Am,Pm. 18 pendre + les Am,Pm. 16

avoir, ne il ne povoit plus leurs vies respiter, sinon par penser1 a ce qu’il devoit respondre2 au conte Berengier et a Alory, qui oncques n’avoient les quatre enfans aymez.

(11) Ainsi, comme en plain consistoire parloient de faire les quatre filz

Aymon detraire [f°179 r°], vint illec3 ung escuier de la maison de4 Ogier, lequel ledit Ogier avoit envoyé espier et aviser se5 nul venoit par avanture au secours des des quatre enfans. Et la ou il vist son seigneur, vint a lui et6 le tira a part, disant :

« Se des nouvelles voullez savoir, sire, fait il, je vous di que du costé de devers

Montauban viennent plus de dix.m. combatans qui, comme je7 pense et que8 vous9 vous9 devez croire, ne viennent sinon que10 pour les quatre enfans secourir, qui pourra estre ung meschief grant et11 merveilleux qui a heure ne partira d’icy12 pource que grant chemin a13 jusques ou l’empereur est demouré. Si avisez14 diligamment15 qu’il est bon de faire16 pour tous dangiers, car s’il y a du commun peupple avecques eulx, vous savez qu’il n’y peult17 avoir nulle sceurté, et avecques les mauvaiz perdent souventeffois les bons, comme dit ung commun

1 a penser Am. 2 responde Am. 3 illecques Pm. 4 de Ø Am,Pm. 5 lequel venoit despier se Am. 6 et Ø Am,Pm. 7 je + pen biffé Lf. 8 que + assez Am,Pm. 9 vous Ø Am,Pm. 10 que Ø Am,Pm. 11 grant et Ø Am. 12 ung meschief merueilleux pour ceulx qui en heure ne partiront dicy Am, un meschief grant et merueilleux pour ceulx qui en leure ne partiront de cy Pm. 13 a + d biffé Lf. 14 auisez + quil biffé Lf. 15 diligamment Ø Am. 16 du faire Am. 17 ne puet Pm. 17

proverbe1. ». Et quant le duc2 Ogier entendit les parolles que l’escuier lui racompta3, il fut comme tout resjouÿ et lui demanda s’il en avoit a homme vivant parlé4. « Nennil, par ma foy, sire, fait il5, sinon a vous que sur tous autres vouldroye accointer et advertir de ce que je penseroye a vous estre prouffitable. –

Or, n’en parles plus doncques6, fait il, et sur toute riens7 soyés en aguet et regarde regarde quant ilz vendront, quelz gens ce seront8 ou pourront estre, et leur puissance. Et s’ilz sont9 autant comme tu m’as10 dit, gardes que tu le faces a ceulx ceulx de ma compaignie asavoir, afin que chascun d’eulx se mecte en fuicte et que Maugis, qui comme je pense aura faicte11 ceste armee, puisse faire mourir tout le demourant ! ».

(12) [f°179 v°] A ces parolles s’est l’escuier party du duc Ogier et est venu assez pres du lieu ou il avoit par avant esté pour veoir la venue de Maugis d’Aigremont12 et du grant secours qui aux .iiij.13 enfans venoit. Et pendant ce temps recommença Ogier a tenir parlement avec14 le conte Berengier et Alory, lesquelz conseilloient a toutes fins que les arballestriers fussent mis en besongne du consentement du duc Ogier qui a la parfin15 s’i accorda, par ainsi qu’il auroit

1 comme on dist en commun parler Am,comme on dit en commun parler Pm. 2 le duc Ø Am,Pm. 3 entendit lescuier qui ces parolles lui racompta Am,Pm. 4 Am,Pm. Lf parler. 5 il Ø Pm. 6 doncques + amis Am. 7 mais sur toutes riens Am,Pm 8 sont Am. 9 si sont Am,Pm. 10 mas + icy Am, mas + cy Pm. 11 fait Am. 12 daigremont Ø Am. 13 .iiij. Ø Am. 14 aueques Am, auecques Pm. 15 en fin Am. 18

encores auctorité de leur dire et1 requerir qu’ilz se rendissent, donc les plusieurs furent si contens que merveilles et disoient que Ogier2 faisoit son devoir et avoit si si honnourablement ouvré et fait3 que homme vivant4 ne sauroit mieulx faire qu’il qu’il avoit fait et qu’il faisoit, si luy accorderent les chevaliers. Et lors se mist

Ogier en chemin5, tandiz que les arbalestriers et hommes de trait s’appointoient et et mectoient en arroy pour les quatre6 enfans detraire et mectre a mort. Et si7 doit chascun certainement8 croire que le vaillant duc9 Ogier ne faisoit ces choses sinon sinon pour delayer leur mort et leur vie eslonguer10 en actendant la venue de

Maugis d’Aigremont11, duquel son escuier12 lui avoit parlé. Lors s’en vint Ogier13 devant le rochier et dist a Regnault qu’il voulloit encores a eulx parler14 une fois pour toutes a sceurté. Si deffendit lors Regnault a ses trois autres15 freres que nul ne fust si hardy de soy mectre a deffence, puis qu’il requeroit de parlementer a sceurté, si furent ses trois freres a son commandement obeissans16, et lors leur dist

Ogier tout hault17 :

1 dire et Ø Am. 2 ogier + en Am. 3 que ogier en faisoit et auoit si honnourablement ouure et fait son deuoir Am, que ogier faisoit et auoit si honnourablement ouure et fait son deuoir Pm. 4 que nulz Am. 5 a chemin Am. 6 quatre Ø Am,Pm. 7 si Ø Am. 8 certainement Ø Am. 9 le uaillant duc Ø Am. 10 leurs vies alongier Am, leurs vies aloinger Pm. 11 daigremont Ø Am. 12 dont son escuier Am. 13 ogier vint lors Am. 14 il vouloit a eulx parler encore Am, il voulloit a eulx encores parler Pm. 15 autres Ø Am. 16 a lui obeissans Am. 17 tout haultement Am. 19

(13) [f°180 r°] « Trop estes abusez, beaulx seigneurs, fait il, quant contre tant de gens que cy1 veez devant vous, cuidez de mort aucunement2 eschapper !

Certainement, il n’est mie chose possible que presentement3 et malgré vous ne soyez honteusement4 navrez mortellement se voz corps ne soubzmectez en la mercy de Charlemaine, de par lequel nous sommes cy envoyez pour vous avoir ou vifz ou mors. Si soyez promptement avisez de nous donner responce totalle, car, par la foy que je doy a Dieu de Paradis5, jamaiz ne vous en prieray que ceste fois.

Et tant vous faiz je bien assavoir que se cy estoit6 Maugis d’Aigremont7, vostre cousin, armé a tout .xm. combatans8 pour vous donner secours, si n’eschapperiez9 n’eschapperiez9 vous ja que des traiz ne soyez bersillez10 et vos corps lardez et a grief martire livrés ! ». Si fut Regnault si11 joyeulx de ces parolles que nul ne le12 sauroit dire. Et si bien entendit Ogier a son langaige qu’il dist a ses freres : « Dieu nous aidera s’il Lui plaist, beaulx freres13, fait il, si vous esjouÿssez et pretendez14 courageusement15 de bien16 faire, et se garde chascun le mieulx que garder se pourra encores ung pou, car j’entens aux parolles du duc Ogier que nous verrons en brief le tres noble faulcon qui a secours nous vendra prouchainement ! ». Et

1 comme cy Am,Pm. 2 aucunement Ø Am. 3 honteusement Am, honteusement Pm. 4 presentement Am, presentement Pm. 5 paradis + lettre biffée Lf. 6 estoit + presentement Am, estoit + presentement Pm. 7 daigremont Ø Am. 8 arriue a .x.mil combatans Am, arrive a tout .x. mille combatans Pm. 9 neschaperez Am, Pm. 10 detrais et berces ne soies Am. 11 plus Am, plus Pm. 12 le Ø Am,Pm. 13 beaulx seigneurs Am,Pm. 14 esiouyssez et penses Am, esiouyssez et penses et pretendes Pm. 15 courageusement Ø Am. 16 du bien Am. 20

lors leur demanda Ogier quelle responce ilz lui donneroient ou1 sinon il commanderoit aux arbalestriers et archiers que chascun mist paine de2 les occire.

(14) Regnault de Montauban, qui bien voulloit les vies de lui et de ses trois freres respiter3 en actendant leur secours, respondist [f°180 v°] lors au duc Ogier qu’ilz s’aviseroient de ce, et que en pou de terme lui en rendroient response, pourveu qu’ilz eussent temps et espace d’avoir consultacion ensemble. « Car, sire duc, fait il4, vous savez5 que ce n’est mie pou de chose de soy exposer et mectre en dangier de perdre la vie, qui n’est bien avisé comment. – Vous dictes vray6, sire Regnault7, ce8 respondit9 Ogier, mais tant y a que ne povez avoir gueres10 de de delay, pour doubte de Maugis, qui est sur les champs a tout11 grosse puissance12. Si pensez de vous conseillier et je actendray avec13 les autres vostre response. ». Ogier, le vaillant duc14, s’est parti a tant15 et est venu au conte

Berengier et Alory16, qui bien l’avoient veu parlementer avec les quatre freres17, mais quel appoinctement il avoit fait a eulx18 ne savoient ilz mie, et pour ce lui demanderent ilz, et il leur respondist : « De les avoir ne faiz je nulle doubte,

1 ou + j biffé Lf. 2 de + faire son deuoir de Am. 3 prolongier Am. 4 car fait il sire duc Am,Pm. 5 vous deuez scauoir Am,vous deuez sauoir Pm. 6 voir Am. 7 certes sire regnault Am. 8 ce + lui Am. 9 respondit + lors Pm. 10 que gueres ne pouez auoir Am, que guaires ne pouez auoir Pm. 11 a Am, auec Pm. 12 grosse compaignie Pm. 13 aueques Am, auecqes Pm. 14 le vaillant duc Ø Am. 15 a tant + du pie du rochier Am. 16 au conte alory et a berengier Am, aux contes alory et berengier Pm. 17 auec les quatre freres Ø Am. 18 aueques eulx Am. 21

beaulx sires1, fait il, ne de les livrer a l’empereur ne nous devons point2 soussier se leur oppinion ne se mue en parlant eulx quatre ensemble, car tellement les ay par belles parolles menez que tantost me donneront response finale sans plus avoir de delay. Si soyez avecques moy a leur response ouÿr quant ilz me appelleront, et s’ils ont changié leur propos, et que aimablement ne se veullent rendre tous3 vifz, si soit lors4 cryé l’assault et toute paine mise de les bersiller5 de trait6 et leurs corps a mort habandonner7, sans jamaiz avoir d’eulx pitié, mercy, ne misericorde ! misericorde ! Puis soyent chargiez sur gros [f°181 r°] sommiers et menez a l’empereur, qui de nous devra estre content. »

(15) Ainsi fist le noble duc Ogier son devoir pour ses quatre cousins, qui ensemble parlementoient de lui qui tant leur avoit fait de courtoisie. Et disoient l’un a l’autre que moult estoient a lui tenus et que par lui et par les ambaxades qu’il avoit faictes8 avecques9 eulx, les avoit il de mort sauvez. « Vous dictes vray10, certes, beaulx sires11, ce respondist Guichart, mais trop me donne grant merveille de ce que tant demeure Maugis, donc il nous a ja par deux fois donné souvenance. Car s’il ne vient briefment, nous ne povons faillir a l’assault12, voire plus criminel qu’oncquesmaiz, et ja en povez vous veoir l’apparence par ces arballestriers et autres gens de trait qui nos corps auront en pou d’eure bersillez et

1 beaulx seigneurs Am,Pm. 2 point Ø Am,Pm. 3 tous Ø Am. 4 lors + haultement Am. 5 bercer Am. 6 trait + le biffé Lf. 7 habandonnez Am. 8 fait Am. 9 auecques + euques biffé Am. 10 voir Am. 11 beaulx freres Am,Pm. 12 lassault + auoir Am,Pm. 22

mis en si grant subgeccion que nul1 de nous ne s’osera monstrer, ne son corps mectre a deffence2. ». Et ainsi comme la3 se complaignoient, a Regnault regardé vers Montauban et a veu ung cheval courir vers les plains de Vaucoulour, et ung vassal dessus, qui4 galloppoit tant qu’il povoit5 randonner. Si a regardé plus avant, avant, et a veu ung grant poussier lever et sourdre en l’air6, de quoy son ceur fut moult7 reconforté. Et qui demanderoit qui estoit cellui qui ainsi s’en affuyoit chevauchant tant8 radement, l’istoire racompte et9 dit que c’estoit l’escuier mesmes10, qui ja avoit les nouvelles apportees au duc Ogier11, de l’armee de

Maugis, et qui ja revenoit12, pour dire et anuncer leur venue. Si monstra Regnault a ce coup13 a ses freres ce qu’il veoit et tant ont regardé continuellement14, qu’ilz ont veu les harnois reluire a l’issue du boys et a l’entree de la [f°181 v°] plaine par ou ilz estoient passez quant Fouques de Morillon leur vint courir sus15 par derriere.

(16) Dieux ! Comme16 furent les quatre chevaliers joyeulx d’ainsi veoir leur secours venir1 diligamment, comme ilz povoient exploicter chemin2 ! Et

Maugis, qui riens ne savoit du fait de ses cousins, du dangier en quoy ilz3 estoient,

1 nul + amorce d’une lettre biffée Lf. 2 nul de nous ne se osera descouurir ne son corps monstrer pour mettre a deffence Am, nul de nous se osera descouurir ne son corps monstrer et mectre en deffence Pm. 3 que la Am. 4 qui + le Am,Pm. 5 quanquil pouoit Am, quantquil pouoit Pm. 6 l Ø Am. 7 fort reconforte Am, moult + fort Pm. 8 si Am,Pm. 9 racompte et Ø Am. 10 mesmes Ø Am. 11 a ogier Am. 12 retournoit Am,Pm. 13 a ce coup Ø Am. 14 continuellement Ø Am. 15 seure Am. 16 comment Pm. 23

estoient, ne ou il les pourroit trouver, chevauchoit tout le premier4, ainsi comme avanture le povoit mener. Et bien sept ou huit cens compaignons avantaigeusement montez, qui le poursuivoient tout5 de route6 pour lui aider, se besoing eust esté, en actendant la grant compaignie qui venoit aprés7, le plus diligamment que faire se povoit. Si congneut8 Regnault9 bien entre les autres10 son cousin11 Maugis12 et le monstra a ses freres, qui tous a une fois tournerent les visages vers Montauban, si que bien s’en apperceut Ogier, et les autres non13, car jamaiz ne s’en fussent doubtez. Et lors s’approucherent lui, Alory et Berengier au rochier14 pour savoir leur voullenté. Si leur demanda Ogier quelle conclusion ilz avoient prinse ensemble. « Je la vous diray, sire duc, ce respont15 lors16 Regnault, vous en yrez devers Charlemaine et de par nous quatre le saluerez, s’il vous plaist, en lui presentant le corps du conte Fouques17, qui trahiteusement nous vint a l’entree18 de ceste plaine assaillir soubz umbre de paix que je cuiday bien trouver avecques lui, comme Yon, le roy,19 m’avoit asseuré ! ». Et en ces motz disant, se

1 venir + tant Pm. 2 joyeux de leur secours veoir venir a exploit Am, joyeux de leur secours veoir venir tant diligamment Pm. 3 ouquel ilz Am,Pm. 4 tout deuant Am. 5 toute avec le e biffé Lf. 6 a la fille Am. 7 apres Ø Am,Pm. 8 congneut avec les deux dernières lettres raturées Lf. recongneut Am,Pm. 9 regnault Ø Am. 10 entre les autres Ø Am. 11 le sien cousin Am. 12 son cousin maugis entre les autres Pm. 13 mais nul des aultres non Am,Pm. 14 pres du rochier Am. 15 respondi Am, respondit Pm. 16 lors Ø Am. 17 fouques ajouté au-dessus Lf. fourquon Am. 18 en lentree Pm. 19 roy + le Am,Pm. 24

sont Maugis et ceulx de sa route boutez enmy eulx cryans « Aigremont ! » a haulte voix1 et « Montauban ! » [f°182 r°] si clerement que tous furent esperdus2. esperdus2. Et lors se desrengierent ilz3 tous, sans ordre faire, ne tenir conrroy, car car les hommes du duc Ogier se mirent en fuite, par la voix de l’escuier, qui ja leur avoit fait asavoir la venue de Maugis.

(17) Saincte Marie ! Comment4 furent les François desroyez et hors de toute bonne ordonnance5 quant ilz entendirent cryer « Aigremont ! » d’une part et

« Montauban ! » de l’autre, et qu’ilz visrent leurs hommes tumber a6 terre, detrenchier, occire et mectre en fuite ! Chascun regarda quelle part il pourroit tourner pour soy mieulx mectre a sauveté. Et quant Regnault de Montauban7 apperceut la maniere, il dist a ses freres : « Ne vous mouvez, beaulx sires8, fait il, ains, actendez la grace de Nostre Sire9, qui au jour d’uy nous a voullu et veult10 conforter. Et je monteray sur Bayart et yray veoir nostre cousin Maugis, lequel, comme je croy mieulx que autrement, ne scet de nous nulle nouvelle11. Si ameneray a chascun de vous ung bon cheval pour monter dessus, puis yrons querir vengance12 sur13 ceulx qui au jour d’uy14 nous ont tant travailliez que sans

1 alaine Am. 2 que tous furent plus esperdus que pouchins quant lescoufle se boute parmi eulx Am, que tous furent si esperdus comme poucins quant lescoufle se boute parmy eulx Pm. 3 ilz Ø Am,Pm. 4 comme Am. 5 et hors de toute bonne ordonnance Ø Am. 6 par Am, par Pm. 7 de montauban Ø Am. 8 beaulx seigneurs Am,Pm. 9 nostre seigneur dieu Am, nostre seigneur Pm. 10 veult et a voullu Am,Pm. 11 nulle nouuelle de nous Am. 12 vengement Am. 13 de Am,Pm. 14 qui huy Am,Pm. 25

secours n’avoit en nostre fait nul remede. ». Il s’en1 vint a Bayart lors, qui comme comme ung maufé se print a hennyr quant il sentit Regnault, qui pour le desloyer estoit a lui venu. Adonc2 le mena Regnault3 au pié du rochier, monta dessus et, l’espee ou poing, courut par la plaine en cryant « Montauban ! » si haultement que bien l’entendit Maugis, qui au devant de4 lui vint, disant : « Donc venez vous, sire sire cousin ? fait il, certainement, j’ai huy toute jour regardé ça et la pour vous cuider trouver5, mais veoir ne vous povoye, donc mon ceur estoit6 moult [f°182 v°] doulloureux. Or me dictes, que font mes cousins ? Car pour vous et pour eulx ay plus eu de couroux que penser ne sauriez, quant on m’a racompté la grant follye que aviez entreprinse en ce voyage7 ! ».

(18) Regnault de Mont Auban, oyant son cousin8, Maugis d’Aigremont9, ainsi10 parler, et voyant le beau secours donc toute la plaine estoit couverte, lui respondist lors et dist : « De mes freres aurez vous nouvelles sur ce hault rochier11, fait il, pres de ce grant arbre12, auquel mon cheval13, Bayart, a huy toute jour14 esté atachié. Mais ilz sont a pié lassez et si navrez que15 eulx, ne moy16

1 sen + lettre biffée Lf. sen Ø Am. 2 lors Am, adoncques Pm. 3 regnault + jusques Am,Pm. 4 de Ø Am. 5 cuider trouuer Ø Am. 6 estoit Ø Am. 7 en ce voyage Ø Am. 8 le sien cousin Am. 9 daigremont Ø Am. 10 ainsi Ø Am. 11 rochier + que la ueez Am,Pm. 12 arbre + foeullu Am. 13 mon cheual Ø Am. 14 tout le jour Am,Pm. 15 que + chascun d Am, que + chascun d Pm. 16 moy + meismes Am, moy + mesmes Pm. 26

n’en1 povions plus se ne fussiez avec2 vos hommes3 si a point arrivé4. Si vous prie prie affectueusement5 que nous mectons paine d’avoir des chevaulx, afin qu’ilz soient remontez, et que nous puissons Richardin emmener, car il est ou corps si navré que les bouyaulx saillent hors de6 son ventre par fine force de travaillier7. Et

Et me doubte de lui plus que de chose qui8 nous puisse advenir, car tant a de vaillance en lui, comme en homme du monde pourroit avoir ! – De ce, n’ayez paour, sire cousin, fait lors Maugis, car des chevaulx9 finerons nous largement10 se tous ceulx qui cy sont ne s’en fuyent moult11 celeement. Et au regard de la garison du vaillant Richardin12, me laissez convenir, car au plaisir de Dieu, je le vous rendray sain et en bon point ! ». Ilz se ferirent en leurs ennemis13 tant aÿreement14 et vigoureusement15 qu’en pou d’eure se mirent16 en fuite17. Et lors les veoient18 verser par terre l’un sur l’autre, et chevaulx courir [f°183 r°] par les champs, sans maistres ne varletz emporter, si en peurent choisir a leur voullenté comme si firent ilz, et de fait en envoierent trois aux trois freres, qui au rochier estoient. Et quant ilz furent dessus montez, et qu’ilz furent du rochier descendus,

1 nen + pouois biffé Lf. 2 auecques Pm. 3 auec vos hommes Ø Am. 4 arriue si a point Am,Pm. 5 affectueusement Ø Am. 6 dehors de Am,Pm. 7 a fine force Am. 8 quil Pm. 9 de cheuaulx Am,Pm. 10 assez Am. 11 moult Ø Am. 12 de richardin Am. 13 ennemis + lors Am. 14 si ayreement Am. 15 et vigoureusement Ø Am. 16 les mirent Am,Pm. 17 en chasse Am. 18 les ueoit on Am. 27

ilz se mirent au plain des champs pour veoir Maugis par especial, mais mie ne le trouverent legierement, car il entendit a armer son cousin Regnault1 d’escu, de lance et de ce qui2 lui appartenoit, donc tant en trouvoient comme ilz en voulloient voulloient souhaider.

(19) Moult fut joyeulx Regnault de Montauban3, le noble champion4, quant quant il se sentist en point pour ung autre5 actendre et combatre. Il avisa Ogier, qui, comme les autres, brochoit son cheval, Broyefort, auquel il le congnut legierement, et pour ce le suivit tant comme il peust. Et Ogier alloit devant lui, aprés ses compaignons que moult enviz eust laissez en dangier, tant comme il eust peu ou sceu remedier. Et fin de compte trouverent une riviere en laquelle ilz se frapperent plainement les premiers, et Ogier aprés, qui mie ne cuidoit estre de nulluy poursuivy. Si lui escrya Regnault quant il fut comme passé et lui dist :

« Quelle chiere vous fera Charlemaine, sire duc, fait il, quant vers lui serez retourné, et sans riens faire vous en allez de ce qu’il vous avoit enchargié6 ?

Souviengne vous que orains nous menachastes de nous emmener prisonniers et que moy et mes autres trois7 freres lui deviez presenter pour nous faire pendre honteusement, ce sembloit a vous ouÿr. Et vous en allez si faillyement que ung coup de lance n’oseriez actendre d’un chevalier comme vous estes, qui pourra

[f°183 v°] a vous estre8 grant reprouche se aucunement il1 est sceu2 ! ». Ogier de

1 au sien cousin regnault armer Am. 2 quil Pm. 3 de montauban Ø Am. 4 le noble champion Ø Am. 5 ung cheualier Am,Pm. 6 sans riens faire de ce quil vous auoit chargie vous en alez Am, sans riens faire de ce quil vous auoit enchargie vous en ales Pm. 7 autres trois Ø Am. 8 estre a vous Am, Pm. 28

de Damnemarche, qui oultre la riviere estoit ja passé et qui ses hommes regardoit3 mectre a sauveté, voyant Regnault qui tout seul estoit de l’autre costé de la riviere lui respondist lors et dist : « Bien vous povez gaber, sire cousin, fait il, car l’avantaige avez pour cestui jour. Et par le secours de vostre cousin, Maugis d’Aigremont4, avez nous et noz hommes du champ par vive force5 reboutez6 et chassez7 a nostre deshonneur et confusion. Mais par saint Pierre de Romme,

Charlemaine de France vous vendra prouchainement veoir a tout grans gens8 et de tous habillemens si bien garny et pourveu9 que vous n’aurez tour si haulte, ne chasteau si fort que par terre ne soient abatuz et prins par force ou par engins, et vous mesmes si asprement chassez que fuyr vous10 convendra de cestui pays ! Et afin que vous11 ne cuidez que pour doubte d’un chevalier me soye travaillié de ceste riviere12 passer, ostez en vostre sort et mauvaise ymaginacion hors13, car je ne sache chevalier ou monde contre lequel je voulsisse mon corps14, mon escu ne ma lance reffuser ! Et pour vous le prouver, vueil je qu’on me pende se vous

1 il + en Pm. 2 sil est par aulcun sceu Am. 3 regardoit + eulx Am,Pm. 4 daigremont Ø Am. 5 par force viue Am. 6 deboutes Pm. 7 reboutez et Ø Am. 8 si grant gent Am, si grans gens Pm. 9 garnis et pourueus Am,Pm. 10 vous + me biffé Lf. vous + en Am,Pm. 11 vous Ø Am. 12 la riuiere Am,Pm. 13 ostez eut vostre sort Am. (?) 14 mon corps Ø Am,Pm. 29

passez cestui gué quant a vous1 en fauldray ou vous me actendez la oultre, et je2 passeray. Si en soit par vous mesmes3 prins le choiz4 ! ».

(20) Or est la jouste deffiee des deux princes et nobles chevaliers, Ogier de

Damnemarche et Regnault de Montauban5, son cousin6, qui mie ne lui voullut donner paine de passer la riviere pour tant qu’ilz n’estoient que eulx deux et qu’il n’y avoit cellui qui l’autre eust [f°184 r°] voullu adommagier. Il ferit7 le bon

Bayart8 et traversa le gué du costé ou Ogier estoit, tellement que9 l’un se trouva devant l’autre. Chascun baissa la lance lors et, ayans les escus enchantelez, brocherent asprement10 les destriers qui de grant radeur allerent, et si vigoureusement11 s’entreferirent es blasons, qu’il n’y eut eschine qui ne ployast par vive force12. Mais tant estoit le destrier Broyefort mal changlé que tout le harnois13 rompit, et cheyt la selle a tout Ogier enmy la place14 devant Regnault, qui vers lui retourna15, disant : « Payez vostre giste, beau cousin ! fait il, puis vous en retournez en la court16 et tant faictes pour l’amour de17 moy que je soye par vous recommandé au noble duc Naymon ! ». Et a ces motz s’est Regnault en

1 ja vous Am. 2 je + le Am,Pm. 3 mesmes Ø Am. 4 le chois ajouté au-dessous, à côté de deffiee des Am. 5 de montauban Ø Am. 6 le sien cousin Am. 7 aincois ferit le bon b. Am,Pm. 8 bayart+ des esperons Am. 9 si que Am. 10 asprement Ø Am. 11 si asprement Am. 12 par fine force Am,Pm. 13 son harnois Am,Pm. 14 enmy le champ Am. 15 qui au tour francois lui reuint Am. 16 a la court Am,Pm. 17 lamour de Ø Am. 30

l’eaue rebouté et a oultre passé et tant chevaucié qu’il a son cousin Maugis trouvé, lequel avoit bien veu1 la jouste de lui et du duc Ogier2 et lui dist moult despiteusement3 : « Trop4 faictes a blasmer, cousin Regnault, fait il, quant la main main n’avez mise a Flamberge et occis ce trahitre qui mieulx estoit a vostre5 commandement que jamaiz ne sera ! Car vous l’aviez6 a si grant meschief desmonté7 et fait tumber a terre8 que a grant9 paine se povoit il relever ! – Et qui qui cuidez vous qui ce soit, sire cousin ? » respondist10 lors Regnault. « Bien11 fait a congnoistre, ce respondit12 Maugis, et s’il estoit de bon sang engendré, il ne seroit ja tel que de grever ceulx de son lignage. Si s’en pourra par avanture en quelque temps repentir qui le pourra d’aussi pres trouver comme vous avez fait l’un l’autre. ».

(21) [f°184 v°] Et quant Regnault, le noble chevalier13, entendit Maugis d’Aigremont14 parler du duc Ogier, il ne se peust taire lors, ains lui respondist assez courtoisement et dist : « Par mon chief, sire cousin, fait il, au duc Ogier a du bien, largement15, et16 bonne amour autant17 qu’en prince du monde pourroit

1 ueue Pm. 2 dudit Ogier Pm. 3 assez despiteusement Am. 4 trop + vous Am. 5 en vostre Am,Pm. 6 lauez Am. 7 descheuale Am. 8 et fait tumber a terre Ø Am. 9 grant Ø Am. 10 ce respondi Am. 11 bien + se Am,Pm. 12 respondit + lors Am. 13 le noble cheualier Ø Am. 14 daigremont Ø Am. 15 largement Ø Am. 16 et + de Am. 17 tant Am,Pm. 31

avoir, car au jour d’uy1 nous a par deux ou par trois fois les vies sauvés de mort.

Et ce2 n’eust esté son grant bien et l’amour donc il ayme naturellement ce qu’il doit aymer, tant puis je bien dire que jamaiz a nostre secours ne fussiez venuz, vous et voz hommes3, a heure. Si ne lui vouldroye en riens avoir meffet, ne moi, ne plus vaillant que je ne suis4, ne lui saurions meffaire quant bien l’aurions entreprins ou enpensé, car il est tant vaillant de son corps qu’il ne doubte homme tant soit fort, grant ne puissant5. Et s’il est par terre versé, comme vous avez peu veoir, ce n’a esté que par la6 faulte de son destrier avoir mallement7 senglé, car ce ce n’est mie par ma proesse, ne par mon vasselage. Si vous prie que de lui ne de nous ne soit maintenant8 plus9 parolle tenue, mais pensons10 de nous retraire et nos hommes mener11 a sauveté, puisque si bien nous a au jour d’uy12, tant d’un costé comme d’autre13, la grace de Dieu visitez, que a tousjoursmaiz Le devons de ce et des autres14 biens qu’Il nous a donnez et prestez15 devotement et16 humblement remercyer17. ». Si se taist a tant l’istoire des quatre filz Aymon, de

1 car huy Am. 2 ce Ø Am, se Pm. 3 vous et voz hommes Ø Am. 4 soie Am, soye Pm. 5 grant fort ne puissant Am, grant fort ne puissant Pm. 6 la Ø Am,Pm. 7 mallement Ø Am, fermement Pm. 8 or Am. 9 plus + de Am,Pm. 10 pensons + pensons Am. 11 remener Am, mener + et conduire Pm. 12 au jour duy Ø Am. 13 tant dun coste comme dautre Ø Am. 14 autres Ø Am. 15 et prestez Ø Am. 16 deuotement Ø Am. 17 mercier Am. 32

Maugis d’Aigremont et de leur armee, et retourne a parler du roy Yon de

Gascongne1.

1 de gascongne Ø Am. 33

26 [f°185 r°] COMMENT LE ROY YON1 S’EN FUYT DE MONTAUBAN

QUANT IL SCEUT QUE LES QUATRE FILZ AYMON ESTOIENT

ESCHAPPEZ DES MAINS DE2 CHARLEMAINE.

(1) Or dit et racompte3 l’istoire que quant le roy Yon de Gascongne4 eust a

Regnault de Montauban parlé et tant fait qu’il se consentit d’aller vers

Charlemaine5 et de mener ses freres soubz les condicions entr’eulx devisees, et qu’il eut a Clarisse, sa seur, parlé et dit qu’elle procurast envers Regnault en celle nuyt tant qu’il ne chevauçast point Bayart, son bon cheval, et que lui et6 ses freres y allassent tous7 desarmez, et qu’il se8 fust allé couchier, comme ouÿ avez, vous povez9 penser10 que toute la nuyt gueres ne dormist11 et qu’il sceut bien au matin le partement des quatre freres12 chevaliers, ja soit ce qu’oncques pour ce13 ne se levast14 de son lit15, car il avoit serviteurs16 qui lui faisoient asavoir et ne pensoient mie a la mauvaistie qu’il avoit en son couraige couvertement ; ains, faisoit semblant de prier Dieu et de dire ses matines par faulce ficcion, en laissant

1 yon + de gascoigne Am. 2 de Ø Am,Pm. 3 et racompte Ø Am. 4 le roy des gascons Am. 5 deuers charlemaine Am. 6 et + tous Pm. 7 tous Ø Pm. 8 se Ø Pm. 9 deuez Am. 10 scauoir Pm. 11 quil ne dormi se peu non Am. 12 freres Ø Am. 13 pour ce Ø Am. 14 Pm. Am levaist. Lf leva. 15 lit + pour tant Am. 16 ses seruiteurs Am. 34

passer la journee1 et en2 actendant autres nouvelles3. Et ce temps pendant4 estoit estoit son ceur5 tant troublé6 que merveilles pour les menues pensees qui7 son ceur ceur tempestoient8 par plusieurs ymaginacions, et ne desiroit riens tant ou monde comme9 d’avoir nouvelles, lesquelles lui sourvindrent non mie telles comme il les10 desiroit, car, come racompte l’istoire : amy pour amy veille. Le roy Yon avoit ung chevalier en la compaignie de Maugis, ne dit point l’istoire son nom. Il11 estoit né12 du pays de Bourdelois. Cellui chevalier avoit moult aymé le roy13 Yon, car de long temps l’avoit servy, par quoy14 il [f°185 v°] estoit, comme il lui sembloit, mieulx tenu a luy. Et l’avoit Maugis mené en sa compaignie avec les15 autres nobles hommes, qui cuidoient bien faire de complaire aux quatre filz

Aymon, pour l’amour de Regnault, qui avoit espousee la noble dame Clarisse16, seur du roy Yon17.

(2) Cellui chevalier, qui privé estoit avec18 les princes, se bouta partout priveement, et ouÿt mal parler du roy Yon, son seigneur. Et de fait, il19 fut informé de la trahison qu’il avoit voullu faire, et si ouÿt les quatre filz Aymon et

1 la journee passer Am,Pm. 2 en Ø Am. 3 nouuelles aultres quil ne lui souruint Am. 4 pendant laquelle atente Am. 5 le sien ceur Am. 6 si trouble Am. 7 que Pm. 8 troubloient Am. 9 ou monde Ø Am. rien ou monde tant comme Pm. 10 les Ø Am,Pm. 11 mais il Am. 12 ne Ø Am. 13 le roy Ø Am. 14 pour quoy Am. 15 comme les Pm. 16 espousee clarisse la noble princesse Am. 17 seur du roy yon Ø Am, suer a yon Pm. 18 aueques Am, auecques Pm. 19 il Ø Am,Pm. 35

Maugis, qui ne menachoient Yon que de mort1 comme trahitre et plain de faulceté. Et quant il eut les causes et raisons entendues et qu’il ymagina la consequence et le meschief qui en povoit advenir, il avisa son point, et le plus gracieusement qu’il peust, se partist de la compaignie, et tant exploicta son chemin2 qu’il arriva3 a Montauban4, demanda le roy Yon et de fait le trouva en sa sa chambre si pensif qu’oncques ne le fut plus et luy dist : « Hellas, sire, fait il, qu’il me fait mal de l’ennuy qui vous approuche, et trop suis en grant esmay comment vous pourrez vostre corps mectre a temps5 a sauveté ! Car les quatre filz filz Aymon vous menassent d’occire et6 vostre corps detrenchier sans7 remission, remission, pource qu’il est en leur compaignie chose8 toute commune que vous les les avez voullu trahir et livrer a Charlemaine, qui est leur mortel ennemy ! ». Le roy Yon, oyant le chevalier parler de ce qui ne lui estoit point aggreable, lui respondist, voire a chiere troublee et dolente : « Et comment sont ilz eschappez,

[f°186 r°] amy, fait il, ne qui leur a donné secours9, par quoy l’empereur

Charlemaine10 ne les a peu avoir en sa dominacion ? – Par ma foy, sire, ce11 respondit le chevalier, du commencement ne sçay12 mie bien la vraye verité recorder, car adoncques n’y avoit il que les quatre jeunes chevaliers. Mais quant

1 mot Am. 2 son chemin Ø Am. 3 vint + lui seul Am. 4 en montauban Pm. 5 en temps Am. 6 et + de Am,Pm. 7 sans + nulle Pm. 8 chose + notoire et Am,Pm. 9 secours donne Am,Pm. 10 charlemaine Ø Am. 11 ce + lui Am,Pm. 12 scay + je Am. 36

Maugis d’Aigremont1 nous eut assemblez jusques au nombre de .xm., tant a pié comme a cheval2, nous veismes es plains de Vaucoulour assez avant, soubz ung moult3 hault rochier4 les François, qui assez5 asprement donnoient assault aux quatre damoiseaux, lesquelz estoient, comme je puis avoir entendu, par vive force retraiz en ce lieu6, duquel jamaiz ne fussent eschappez sans secours, ou comme

Dieu le voulloit, Qui telle grace leur a faicte7 que bien sont tenus de Le mercier, car ilz sont rescoux et sauvez de mort, et sont les gens de l’empereur mors, detrenchiez et mis en fuite tellement que8 jamaiz n’y auront que deshonneur. Et au au regard de Regnault et de ses trois freres, ilz viennent hastivement icy, et n’y a cellui qui de mort ne vous menasse ! Et entre les autres en y a ung qui se fait nommer Richardin, a9 cellui ay je plus criminellement ouÿ parler de vous que a10 nul des autres, et dit qu’il vous occira en quelque lieu qu’il vous11 pourra12 premierement trouver ! Si avisez de mectre vostre corps a sauveté, car pour vous advertir de bonne foy, suis je13 devers vous ainsi hastivement venu. ».

(3) Saincte Marie ! Comment14 fut le roy Yon esbahy quant il entendit le chevalier qui telles nouvelles lui racompta15. Il se deppartit16 du chevalier lors,

1 daigremont Ø Am. 2 tant de cheual comme de pie Am,Pm. 3 moult Ø Am. 4 rochier + q biffé Lf. 5 assez Ø Am. 6 celui lieu Am. 7 fait Am. 8 si que Am. 9 a Ø Am,Pm. 10 a Ø Am,Pm. 11 vous ajouté au-dessus Lf. 12 scaura Am. 13 suis je + pour ce Am. 14 comme Am. 15 aporta Am,Pm. 16 se parti Am, se partit Pm. 37

sans avoir le sentement de le mercyer, tant estoit1 en son couraige fort espoenté.

Et comme cellui qui ne savoit tenir contenance, vint en sa chambre de retrait si desconforté qu’oncques ne fut plus2, et, parlant a soy mesmes, se jecta sur une couchecte, disant par maniere desconfortee que en ce monde [f°186 v°] n’avoit3 si si maleureux chevalier comme il estoit4. « Maleureux ! fait il, que diz je ?

Maleureux suis je, plus que dire ne le5 sauroye ! Et certainement, quant tous les maleureux qui vivent au jour d’ui seroient en une compaignie, ce ne devroit mie estre sans moy, car, comme cellui qui mieulx a deservy de vivre en maleurté, me devroit on bailler la baniere ou enseigne des maleureux a porter ! Et bien l’ay deservy, quant j’ay cellui vendu, trahy6 et voullu, en perseverant en7 toute mauvaistie, livrer a mort, lequel je devoye plus aymer que homme nul du monde !

Las ! Que feray je, dollent, chetif trahitre et plain de felonnye ? ». Et en ce disant, batoit ses paulmes l’une a l’autre8, detordoit ses poings, arrachoit sa barbe et ses cheveulz, puis recommençoit de complaindre en soy mesmes9 de plus fort en plus fort et10 se jectoit11 sur la couche adens et menoit une12 si doulloureuse vie que

1 fu Am, fut Pm. 2 si desconforte que nul plus Am,Pm. 3 auoit + nul Am,Pm. 4 quil estoit Am. 5 le Ø Am. 6 tray vendu Am, trahy vendu Pm. 7 en Ø Am,Pm. 8 lautre + et Am,Pm. 9 recommencoit a complaindrea soy mesmes Pm. 10 recommencoit de complaindre en soy mesmes de plus fort en plus fort et Ø Am. 11 se regetoit Am,Pm. 12 une Ø Am,Pm. 38

moult1 grant pitié eust esté a veoir, qui n’eust sceu l’occasion du grant dueil qu’il faisoit la2 ainsi a par luy.

(4) En une petite garderobe assez pres d’illec3, estoit ung sien chambellan, chevalier saige, courtois et moult preudomme, lequel l’avoit long temps servy et qui en tous lieux l’avoit tousjours suyvy et allé en sa compaignie, plus que nul des autres officiers. Et plus avoit sceu de ses secretz que homme nul4 de sa court, comme son vray secretaire5, amy loyal et privé consillier. Cellui chambellan, oyant son seigneur ainsi lamenter et piteusement doulouser, voyant son maintien et sa contenance, se tira avant pour savoir qui ainsi le mouvoit a soy complaindre et soy nommer douloureux, chetif et plain de maleureté. Et de fait luy [f°187 r°] demanda qu’il avoit. « Haa, sire chevalier, fait il, je vous prie6 que nullement7 ne me accusez de ce que faire me verrez, car j’ay mort honteuse et vilaine deservie, si est raison que moy mesmes8 en prengne la vengance et9 pugnicion ! Pour tant vous supplie que me apprestez une corde et que vous deppartez d’icy10, si qu’il ne demeure11 que moy et l’ennemy qui me tenta, atisa et conseilla12 a faire la trahison que j’ay par ma faulce mauvaistie pourpensee et voullu a mon povoir accomplir

1 moult Ø Am. 2 la Ø Am. 3 a coste dillec Am, pres dillecques Pm. 4 nul Ø Am,Pm. 5 secretaire + et Am. 6 prie + pour dieu Am,Pm. 7 nullement Ø Am. 8 je mesmes Am. 9 et + que jen recoipue Am, et + que jen recoiuePm. 10 de cy Pm. 11 ny demeure Am. 12 qui me tempta et qui me conseilla Am, qui me tempta et qui conseilla et atisa Pm. 39

et1 mener a fin. Si me pendray presentement a mes2 mains mesmes, car mie ne suis digne que la terre soustienne mon corps, qui plus a mesprins ou autant que fist le trahitre Judas, auquel je puis estre sans3 difficulté ou nulle difference comparé quant j’ay voullu4 vendre et a Charlemaine de France livrer ceulx5, pour pour mectre a mort, qui mon bien et6 mon honneur ont de tout leur povoir soustenu, et mon pays des dangiers de mes ennemis et de servitude affranchy et osté, et lesquelz de tout mon ceur7 je devoye aymer comme moy mesmes, a cause par especial de Clarisse, ma seur, que Regnault, le vaillant chevalier, avoit espousee. ».

(5) Moult fut esperdu le noble chambellan de son seigneur veoir ainsi desconforté, et en briefve substance mist en memoire8 et conceupt le fait pour lequel il estoit en si grant destresse de ceur, car Yon n’en cela que ce que sa bouche n’en povoit9 reveler. Et lors mist paine de l’appaisier de tout son povoir10, en lui cuidant bien au long11 remonstrer que c’est que12 de desesperance et de raison. Mais [f°187 v°] pour icelle fois ne peust estre ouÿ, ains, recommença le roy a soy complaindre douloureusement et dist de couraige couroucié et desplaisant : « En moy ne peult avoir joye, certes, amy, fait il, ne il n’est conseil

1 accomplir et Ø Am. 2 de mes Pm. 3 sans + nulle Am. 4 voullu + ceulx Am,Pm. 5 ceulx Ø Am,Pm. 6 mon bien et Ø Am. 7 de tout mon ceur Ø Am. 8 a memoire Am. 9 ne pouoit Am,Pm. 10 a son pouoir Am. 11 bien au long Ø Am. 12 que Ø Am. 40

ou monde qui mon ceur sceust nullement1 conforter que l’eure que je fus2 conceu conceu soit mauldite ! Et mal du jour que je nasquis de mere pour brasser ung tel brassin comme j’ay brassé ! Car oncques en mon lignaige n’eust reprouche de trahison, sinon de moy qui l’ay commise, si orrible et si detestable, que jamais n’auray3 honneur en ma vie ! Et pour tant la doy je sur toute riens4 haÿr et ma mort desirer par souhet et autrement, et5 tant faire que de la compaignie des bons je soye, avant6 plus tost que plus tart, bany, si vrayement que oncques larron ne murdrier ne deservit si griefve justice comme je feray de mon corps, mais que une corde me delivrez pour moy estrangler presentement ! ». Si devez penser que le chevalier fut tant esbahy que merveilles, car en regardant le roy, il7 le vist devenir si bleu, si pasle, si deffait et si mortifié par le povoir de l’ennemy, qui par avanture tendoit a le faire mourir, par desepoir que grant paour en8 eust en lui mesmes9. Et de sa main destre10 se seigna deux ou trois fois, puis lui respondist courtoisement pour le doulcement ramener a raison et a bonne congnoissance11, sans son fait blasmer en aucune maniere voire, et en soy jectant a genoulz devant lui et plourant tendrement pour la grant amour qu’il avoit tousjours vers lui eue12, et dist :

1 qui le mien coeur sceust conforter Am. 2 fus + cons biffé Lf. 3 auroie Am, auroye Pm. 4 toutes riens Am,Pm. 5 et Ø Am,Pm. 6 aincois Am. 7 il Ø Am. 8 en Ø Am,Pm. 9 soy mesmes Am. 10 sa dextre main Am. 11 pour le ramener a bonne raison Am. 12 quil auoit a lui eue Am, quil auoit vers lui tousiours eue Pm. 41

(6) [f° 188 r°] « Benedicité ! Sire1, a quoy penses tu maintenant, qui toute ta vie as vesqu si honnourablement! Et maintenant veulz a ton2 sens renuncer, qui croire te vouldroit ! Certainement, j’ay bien tes raisons entendues, et si3 sçay maintenant tout ce qui4 t’est si grief que appaisier ne t’en peulz5 en ton ceur6, et si si sens bien la fin a laquelle tu pretens a venir7, mais tu m’escouteras s’il te plaist, comme je t’ay escouté ! Et quant tu m’auras ouÿ parler, lors te8 feray je9 ce que tu tu me requiers que je face, et te feray si secretement10 que par moy ne sera ja ton fait accusé, ne descouvert, de chose qui par toy sera faicte11. ». Le roy Yon, oyant son chambellan qui si debonnairement parla a lui, le regarda assez fermement en sa face, puis se humilia envers lui, faisant maniere de l’escouter, donc le chevalier12 fut moult resjouÿ13, et lui dist : « Ne te courouce mie14, sire, fait il, car en toutes15 choses trouve l’en remede qui le veult et scet querir. Tu sces qu’il n’est si bon, si juste, ne si saige qui ne mesprengne a la fois, et cellui qui mesprent se doit aviser par le sens que Dieu16 lui a donné de venir a amendement de ce qu’il a mesprins17. Or est il ainsi que tu18 as mesprins comme tu diz, et puisque tu as

1 sire + fait il Am. 2 ton + bon Am. 3 si Ø Am,Pm. 4 qui + au coeur Am. 5 ne te peus Am, ne te peulz Pm. 6 en ton ceur Ø Am. 7 tu voeulz venir Am. 8 te Ø Am,Pm. 9 je + si s biffé Lf. 10 si secret Am. 11 ne seras ja accuse de chose qui par toy sera faite Am. 12 chevalier + en Pm. 13 auques joieux Am. 14 mie Ø Am. 15 a toutes Am,Pm. 16 nature Am. 17 de la mespresure quil a faicte Am. 18 tu + en Pm. 42

congnoissance de ton meffet que s’en ensuit il, veulz tu pour tant ressembler a

Judas ? Qui son seigneur Jhesus vendist et livra de fait aux juifz1, donc il se repentist, mais il ne fut ou voullut mie estre si avisé qu’il en priast a Dieu mercy,

Lequel lui eust debonnairement pardonné. Ainçois, comme mal avisé et par grant aÿr2, se pendit par faulse et hydeuse3 desesperance, [f°188 v°] par quoy4 il fut et est a tousjoursmaiz condampné en paine pardurable qui jamaiz ne fauldra a lui5 et a ceulx qui y sont6, car c’est le vray jugement de Dieu. Et l’Eglise dit qu’il n’est ou monde si grant pecheur7 que Dieu ne soit plus8 grant Pardonneur, ja soit ce que que nul ne doie9 pourtant mesprendre a Son povoir s’il ne veult doublement pechier. Or est ce pechié fait que tu ne peulz repparer, sinon par ce que bien te sauray conseillier : toy et moy, qui pour ton amour prens10 la moictié de la charge, de quoy je ne savoie riens touteffois, nous en yrons en ung bois si secretement que ja ne serons par les quatre filz Aymon11, ne par Maugis d’Aigremont12 congnus.

Et la parlerons a ung saint13 hermite, qui de cestui meffet nous absouldra, et duquel je porteray la moictié de la penitance, en cestui monde et en l’autre, afin

1 qui son seigneur jhesus vendi et liura en effect Am. 2 par grant ayr et comme mal auise Am,Pm. 3 et hydeuse Ø Am. 4 pour quoy Am,Pm. 5 ne lui fauldra Am. 6 et a ceulx qui y sont Ø Am. 7 si fort pecheur Am. 8 aussi ou plus Am. 9 Am. Pm doye. Lf doit. 10 qui prens pour ton amour Am,Pm. 11 les enfans aymon Am,Pm. 12 daigremont Ø Am. 13 saint Ø Am. 43

que tu ne1 meures en desespoir, comme fist ung roy2 qui anciennement se fist

Sardanapalus nommer3.

(7) Cellui Sardanapalus tenoit ung royaume ouquel convenoit grant gouvernement, car c’est chose certaine que avant qu’il eust la pocession d’icellui royaulme, estoit il4 haultement et moult5 bien gouverné par le moyen et conseil des princes du pays, lesquelz y estoient et avoient esté commis par le roy mesmes, et bien6 en pensoient chascun selon leurs charges et offices. Et bien s’en donna garde le roy7 pour une espace, mais aprés en fut se negligent que ses ennemis entrerent en sa terre par faulte de bon gouvernement, et ne pensoit sinon a pechié et a hanter dames et damoiselles, avecques lesquelles il s’esbatoit continuellement

[f°189 r°] et se tenoit en leurs chambres enfermé8 tellement que9 nul ne le povoit prendre10 a heure, a jour, ne a terme pour parler a luy. Et quant ses officiers, comme11 seneschaulx, gardes de justice, son connestable de guerre12 voulloient parler a lui13 pour le prouffit de lui14, de son pays ou15 de son commun peupple, qui se doulloit, et non sans cause, il avoit hommes tous propices et duitz16 qui le

1 nen avec la dernière n biffé Lf. 2 Am. roy Ø Lf,Pm. 3 nommer serdanapalus Am. 4 auant ce qui en possessaist auoit il este Am, auant ce quil en eust la possession de cellui royaume estoit il Pm. 5 moult Ø Am. 6 bien Ø Am. 7 celui roy Am. 8 enferme en leurs chambres Am,Pm. 9 si que Am. 10 nul ne pouoit le prendre Am. 11 comme Ø Am. 12 connestable de guerre + ou aultres Am. 13 a lui parler Am. 14 lui + et Pm. 15 et Am. 16 il auoit gens propres et duis Am. 44

celoient a tous propos, par quoy tout son fait se portoit mal. Si1 avint ung jour que que son connestable de guerre, accompaigné2 de certains officiers et seigneurs fors fors assez pour ouvrer de force3 a ung besoing, desirans4 veoir leur seigneur et parlementer avecques lui pour aucunes besongnes neccessaires5 pour le bien6 de son royamme, allerent sans le demander jusques a l’uys de7 la chambre ou il faisoit son continuel sejour, et comme privez de leans se mirent a l’uys et tant actendirent ou firent par hurter ou autrement gracieusement, sans effroy, qu’ilz entrerent la dedens tellement que8 bien les vist le roy, qui estoit assis ou milieu de dix ou de .xij. damoiselles belles, doulces et plaisantes9, et lesquelles lui avoient mise10 une quenoulle a son costé et le faisoient filer comme une femme a icelle heure, donc ilz furent11 tous esmerveilliez, et non sans cause. Mais s’ilz s’esmerveilloient12, si13 devez vous savoir que cellui roy fut en son14 ceur si desplaisant15 qu’il ne peust plus illec sejourner16, et leur dit qu’ilz l’actendissent ung pou illec17 et qu’il vendroit a eulx parler en brief18. Et adoncques19 se partit de

1 si + en Am,Pm. 2 acompaignies Am. 3 de maistrie Am, de maistrise Pm. 4 desirans + de Am,Pm. 5 neccessaires avec les trois dernières lettres ajoutées au-dessous Am. 6 pour la seignourie Am, pour la seigneurie Pm. 7 luys de Ø Am,Pm. 8 si que Am. 9 plaisans Pm. 10 mis Am. 11 furent + comme Am,Pm. 12 se merueilloient Am. 13 aussi Am,Pm. 14 a son Am. 15 tant desplaisant Am,Pm. 16 que plus ne peut ileq seiourner Am, que plus ne peut illecques seiourner Pm. 17 quilz latendissent ileques Am, quilz l’antendissent illecques mesmes Pm. 18 en bien brief Am, et bien bref Pm. 19 adonq Am. 45

la1 et, par ung retrait qui estoit [f°189 v°] en icelle chambre, s’en alla en une tour qui faisoit2 le dongon d’icellui pallaiz, ouquel lieu tant avoit3 de tresor, de4 drap5 drap5 d’or et de soye, tant de vaisselle, tant de robes, tant de fourrures, tant de jouyaulx6, tant de lectres de chartres anciennes et neufves que c’estoit sans nombre de la richesse qui estoit leans. Et pour conclusion, comme desplaisant de son estat qu’il avoit si povrement7 maintenu, de sa vie qui8 avoit esté desordonnee, et de son royaume qu’il avoit laissié en si grant orphanité et qui tant soulloit estre noble, puissant et renommé, assembla a par soy tout en ung mont les biens dessusdiz sans en faire excepcion de nulz. Et quant tout fut assemblé en ung tas, print du feu9, le bouta aux quatre coingz, et son corps mesmes coucha et jecta10 ou milieu, et ainsi fut tout11 ars et perdu, et lui mesmes, par desesperance, qui est si mauvaise qu’il n’est homme qui jamaiz se doye entremectre12 d’en13 user sur paine de dampnacion. Et pour tant14, sire15, croy mon conseil, et je t’aideray certainement16 de tout mon povoir ! ».

1 de la Ø Am. 2 une tour faisant Am,Pm. 3 auoit tant Am,Pm. 4 tant de Pm. 5 draps Am,Pm. 6 tant de joyaulx + tant de joyaulx biffé Am. 7 si meschamment Am. 8 qui + ainssi Am. 9 feu + et Am. 10 gecta et coucha Am, geta et coucha Pm. 11 Am,Pm. Lf tout Ø. 12 doye sentremectre Pm. 13 en + vouloir Am. 14 pour ce Am. 15 sire + fait il Am. 16 certainement Ø Am. 46

(8) Tant fut le roy Yon dollent que merveilles quant il entendit son chambellan1 qui ainsi l’avoit reconforté2. Par parolles et par exemples qu’il lui3 avoit recitees il lui souvint de son meffait, si ne se peust tenir de parler, en larmoyant et disant au chevalier : « Montons a cheval, beaulx4 amis5, puisque a ce ce m’avez converti que je croye vostre conseil. Et me mectez hors de ceans si secretement que ma seur6 Clarisse n’en sache aucune chose jusques a ce que je soye en lieu sceur, car Regnault, Richard, ne Maugis n’actendroye [f°190 r°] pour nul denier, et mieulx aymeroye a m’avoir7 occis a mes8 mains mesmes que de recevoir leur pugnicion a la veue du monde duquel je seroye a honte regardé. Si ne diz je mie que Regnault ne soit de si doulz affaire que tost n’eusse ma paix faicte9 avecques lui se mestier estoit de le faire chauldement, mais la cruaulté de ces deux crains je plus que je ne vous sauroye racompter ! ». Et a ces parolles s’est le chambellan parti de la chambre et est allé vers l’estable, si a tout secretement les chevaulx10 ensellez, puis a monté le roy Yon et si secretement hors mené qu’il n’en a esté nouvelle, ne bruyt parmy le chasteau, car il n’a emmené sinon deux ou trois gentilz hommes11 avecques lui. Et dit l’istoire qu’ilz ont12 prins leur chemin droit a une abbaye de moynes, donc l’istoire fera mencion

1 le chambellan Am,Pm. 2 conforte Am,Pm. 3 qui lui Pm. 4 beaulx + doulz Am. 5 amis + fait il Am. 6 ma seur Ø Am. 7 de mauoir Am. 8 de mes Pm. 9 fait ma paix Am, faicte ma paix Pm. 10 leurs cheuaulx Am. 11 deux ou trois escuiers Am. 12 qui ont Pm. 47

cy aprés, mais a present retourne1 a parler de Regnault et2 de ses freres, de Maugis

Maugis et de Clarisse, la noble dame.

1 retourna Pm. 2 et Ø Am. 48

27 COMMENT LES QUATRE FILZ AYMON RETOURNERENT

HASTIVEMENT EN MONTAUBAN, CUIDANS TROUVER LE ROY

YON, QUI ESTOIT FUY TOUT CELEEMENT ET1 PAR EMBLEE2, PAR

LE CONSEIL D’UN CHEVALIER3, COMME OUY AVEZ4.

(1) Or racompte l’istoire et dit que5 quant Maugis et son cousin Regnault eurent grant piece parlé du noble duc Ogier, que Regnault avoit abatu ou champ en leurs corps esprouvant pour chascun ung coup de lance, et qu’ilz se furent mis au chemin6 pour eulx en retourner vers Montauban, la ou ilz desiroient moult a venir pour trouver le roy Yon, que chascun d’eulx menachoit de [f°190 v°] mort.

Ilz se mirent a chevaucer et exploicter, les ungz plus diligamment que les autres, pensant chascun a ce qui plus7 pres du ceur lui touchoit. Or estoient ceulx, tous ou la plus grant partie8, de Gascongne ou de Bourdelois natifz, qui aymoient ou9 bien10 aymer devoient naturellement11 leur seigneur, non mie pour la mauvaistie qu’il avoit faicte, donc ilz ne savoient au vray comment il en alloit12, sinon par ouÿr dire, que ung chascun peult retenir qui a en soy raison discrete pour celer ou pour divulguer ung cas. Mais entre les autres y eut ung escuier du pays, bien

1 et + comme Pm. 2 sen estoit fuy comme par emblee Am. 3 du cheualier Pm. 4 par le conseil dun cheualier comme ouy auez Ø Am. 5 or dist listoire que Am. 6 a chemin Am, en chemin Pm. 7 plus Ø Pm. 8 part Pm. 9 et Am, et Pm. 10 bien + d biffé Lf. 11 deuoient par nature Am. 12 sen alloit Pm. 49

noble1, monté avantageusement, natif du pays2 de Bordellois, lequel estoit allé avec3 Maugis pour les quatre filz Aymon rescourre, comme ouÿ avez. Cellui escuier, oyant Richardin menasser Yon d’occire, et ceulx qui de son hostel seroient trouvez en Montauban, picqua le cheval des esperons en soy estradant et sepparant au costé de la compaignie, afin qu’il ne fust par aucune4 avanture apperceu. Et tant galloppa son bon5 cheval qu’il vint a Montauban plus d’un grant grant quart d’eure devant les autres. Et quant il fut du cheval descendu, il cercha tant par leans qu’il trouva la dame qui moult fut de le veoir, car elle ne savoit se la besongne estoit bonne ou mauvaise6. Mais en pou d’eure fut sa joye en en doulleur muee, quant elle entendit l’escuier, qui tout le fait lui racompta.

(2) Saincte Marye ! Comment7 fut Clarisse dollente quant elle entendit8 l’escuier qui telle nouvelle9 lui racompta ! Elle cheyt toute10 pasmee lors, a si grant doulleur de ceur [f°191 r°] que pitié en eut l’escuier, mais autre chose ne lui sceut faire, sinon de la conforter11 tant qu’elle revint a soy12, escryant par grant mesaise de ceur et13 disant : « Haa, lasse dollente ! fait elle, comme14 Fortune me presente dure destinee15 quant au plus vaillant chevalier qui puisse espee chaindre

1 noble + homme Am,Pm. 2 du pays Ø Am,Pm. 3 aueques Am, auecques Pm. 4 aucune Ø Am,Pm. 5 le bon Am. 6 car riens ne scauoit de la besoigne bonne ou malle Am, car ne scauoit de la besoigne bonne ou mauuaise Pm. 7 comme Am. 8 oy Am, oyt Pm. 9 telle trayson Am, telle raison Pm. 10 toute Ø Am. 11 reconforter Am. 12 tant quelle se reuint en soy Am. 13 et Ø Am. 14 comment Pm. 15 poure destinee Am,Pm. 50

suis par mariage accompaignee ! Et jamaiz avecques lui ne seray bien venue par la faulte de mon frere, qui de tous plaisirs m’a banye, de toute consolacion et1 joye desheritee et de tous biens mondains a tousjoursmaiz desnuee, car il ne me vouldra a ceste cause veoir, et si n’en puis mais. Ainsi me vueille Dieu estre en ayde ! Ne oncques en mon vivant je n’ouÿs parler de homme de mon lignaige qui de penser ou faire trahison se fust voullu entremectre2 ! ». Elle avisa ung sien escuier, qui les escoutoit parler, et lui dist qu’il allast, comment qu’il fust, signifier au roy Yon, son frere, qu’il s’en allast, car elle cuidoit qu’il fust encores3 encores3 en la chambre en laquelle il avoit couchié celle nuyt. « Et lui dictes, fait elle, si chier, comme il ayme mieulx vivre que mourir s’il est ainsi, qu’il ne se trenne en lieu ou Regnault, ses trois freres4 et Maugis d’Aigremont5 puissent avoir avoir dominacion ! ». Si lui respondist cellui escuier et dist : « Ce seroit paine perdue d’i aller, fait il, car il y a6 plus de demye heure qu’il s’en est allé, et ja peult estre moult loing se lui7 et ses autres compaignons8 ont voullu chemin9 exploicter. Mais jamaiz ceulx qui l’ont veu partir n’eussent pensé pourquoy il s’en alloit, ne s’il avoit a vous prins congié10 ou non. ».

(3) Ainsi comme11 la tenoient leur parlement, est ung bruyt levé par le pallaiz grant et merveilleux, et a l’en racompté a la dame que Regnault, ses trois

1 consolacion et Ø Am. 2 se sceust ne voulsist entremetre Am, se sceust ou voulsist entremettre Pm. 3 encores Ø Am. 4 ses freres tous troys Am,Pm. 5 daigremont Ø Am. 6 ja a Am,Pm. 7 il Am,Pm. 8 et sa compagnie Am. 9 chemin Ø Am. 10 pris a vous congie Am. 11 ainsi que Am. 51

freres1 et Maugis estoient [f°191 v°] arrivez2 a la porte et qu’ilz descendoient des des chevaulx. Si fut la noble dame de ce tellement effrayee3 qu’elle se partit de la salle hastivement, et, come celle qui Regnault et la fureur de ses trois4 freres doubtoit, s’en alla en sa chambre avec5 ses damoiselles, qui gueres ne faisoient meilleure6 chiere qu’elle faisoit, pour la crainte des barons qui venoient de la bataille si couroucez que merveilles. Et quant le vaillant chevalier Regnault fut descendu du cheval7 et qu’il ne trouva Clarisse, il demanda a ung gentilhomme8 qui la fut ou elle estoit. « Certainement9, sire10, ce lui dit11 cellui escuier, n’a gueres que ma dame estoit icy, mais tant est en son ceur12 navree de doulleur que j’ai grant13 paour que piz14 ne lui15 soit de son corps, et du demourant tant maine grant dueil de l’avanture qui si faulcement vous est par le roy Yon advenue qu’elle16 ne se scet reconforter, et pour ce17 s’en est allee en sa chambre, et ses damoiselles avecques18 elle, lesquelles ne pevent nullement19 sa griefve doulleur appaisier. ». Si fut Regnault plus dollent que par avant, car il eust eu20 aussi chier

1 trois Ø Am, ses trois aultres freres Pm. 2 arriuez Ø Am. 3 effarouchiee Am, effalouchee Pm. 4 trois Ø Am,Pm. 5 aueques Am, auecques Pm. 6 meilleur Am. 7 quant le cheualier fu du bayart desscendu Am. 8 a ung escuier Am. 9 en nom dieu Am. 10 sire Ø Pm. 11 respondi Am. 12 a son coeur Am. 13 grant Ø Am. 14 pir Pm. 15 lui + en Am. 16 dont elle Am,Pm. 17 pour tant Am,Pm. 18 aprez Am. 19 nullement Ø Am. 20 il vouldroit Am, eu Ø Pm. 52

mourir comme perdre celle qu’il ayme plus que chose1 qui soit ou monde. Et dit lors2 a soy mesmes que s’il la pert en telle maniere, il pert toute joyeuseté mondaine.

(4) Regnault s’est a tant mis au chemin3 et est venu le plus hastivement qu’il a oncques peu en la4 chambre ou la dame estoit, et entour elle5 ses damoiselles, qui mectoient paine de l’appaisier6, mais c’estoit pour neant, car son tendre7 ceur estoit environné de larmes en si grant habundance qu’en pou d’eure se fust8 noyé9, se par les yeulx ne se fussent esgoutees, et ja en avoit tant [f°192 r°] jecté par force de souspirs qui espuiser faisoient l’eaue que son ceur10 rendoit, que bien y paroit a sa face et a sa contenance. Et tres11 clerement la12 peust ouÿr son loyal amy et seigneur, Regnault13, souspirer a l’entrer en la chambre, donc son propre ceur14 mesmes s’en sentit15 et doullut, et non sans cause, car les deux n’estoient que comme ung, quelque part qu’ilz fussent. Et quant il la vist ainsi, en larmes fondue et esplouree qui16 au long de son visage lui avoient coullé come ruisseaulx17, et sur sa blanche poeterine, qui toute moulliee en estoit, lors lui jecta

1 riens Am, rien Pm. 2 lors Ø Am. 3 a chemin Am, en chemin Pm. 4 a la Am. 5 ou la dame estoit entour ses damoiselles Am, ou la dame estoit entour ses damoyselles Pm. 6 de son doeul appaisier Am, de son duel appaisier Pm. 7 tendre Ø Am. 8 sen fust Pm. 9 noye + pa biffé Lf. 10 le sien ceur Am. 11 tres Ø Am. 12 le Am. 13 le sien amy regnault Am. 14 le sien ceur Am. 15 se senty Am. 16 ainssi esplouree sa face palie de douleur reluisant des larmes qui Am. 17 comme a ruy Am. 53

il par grant amistié les bras1 au col, et moult courtoisement lui dist : « Laissez ce dueil convenir2, dame, fait il, et faictes chiere de dame joyeuse, puisque sain et sauf, de tous membres me voyez revenu, voire du plus grant dangier ou oncques en ma vie3 me trouvasse ! Si graciez et merciez4 Dieu de l’avanture, sans vous desconforter ! ». Et quant la noble dame entendit son amy5 qui ainsi la conforta, elle se jecta a genoulz6 devant lui, et en joingnant les mains et en7 larmoyant parfondement lui dist8 : « Mercy vous, prié sire, noble homme, fait elle, ou nom de Cellui Qui tout fist, Qui tout scet, Qui tout congnoist, et Auquel nulle chose trouble n’est obscure ! Je vous supplie que pour la mauvaistié de mon frere Yon9 je ne soye pour tant en hayne, ne en la malvueillance de vous, ne de vos10 freres, et que le pechié et le grant mal qu’il a vers vous11 commis, ne me tourne a nul villain reprouche, si vrayement qu’oncques ne fus si dollente de chose qui me advenist comme je suis de cestui cas ! ». Si accolla lors12 Regnault la dame par moult13 grant amour, et luy pria qu’elle voulsist son dueil14 oublyer.

(5) [f°192 v°] Parmy le chasteau s’en15 alloient Maugis d’Aigremont et

Richardin, son cousin, tandis que Regnault16 estoit avec1 Clarisse. Et queroient

1 ses bras Am,Pm. 2 ester Am. 3 vie + je Am,Pm. 4 et merciez Ø Am, remerciez Pm. 5 le sien amy Am. 6 genoulz + a son pouoir Am. 7 en Ø Am. 8 lui respondi Am, lui en respondit Pm. 9 la mauuaistie du mien frere Am. 10 uos + une ou deux lettres biffées Lf. 11 vous + pense et Am,Pm. 12 lors Ø Am. 13 moult Ø Am. 14 le sien dueil Am. 15 sen Ø Am. 16 le cheualier regnault Pm. 54

songneusement2 le roy Yon, pour le mectre a mort. Et quant ilz furent de son partement3 informez, lors se rappaiserent ilz tous, excepte Richardin, qui jura qu’en despit de4 lui ne demourroit homme de son hostel qu’il ne tuast5 ou mehaignast. Si cercha partout leans, et en la cuisine mesmes occist il ceulx qui appareilloient le disner du roy, et en la bouteillerye pareillement, puis couroit de chambre en chambre, d’office en office, et l’espee nue6 en son poing7, les faisoit8 mucer et fuyr devant lui9 inhumainement10, comme homme sans raison11 et hors du sens. Si en fut Regnault adverty par ung chevalier qui au roy Yon estoit et lequel ne savoit riens de la trahison qu’il avoit voullu faire. Cellui chevalier s’en entra en la chambre de la dame si esperdu qu’il ne savoit comment soy contenir12, et la ou il vist Regnault, se jecta13 a ses piez et lui14 crya mercy en lui priant que15 sa vie lui fust sauvee, en racomptant l’oultrageux murdre que son mainsné16 frere

Richardin faisoit parmy leans17, donc il se courouça moult18. Et vint au devant de

Richardin, qui comme ung homme forssené s’en alloit, courant aprés les gens du

1 aueques Am, auecques Pm. 2 songneusement Ø Am. 3 departement Am,Pm. 4 que ou despit de Am. 5 oceist Am. 6 nue + et ensanglantee Am, nue + et ensanglentee Pm. 7 en son poing Ø Am. 8 faisoit + lors Pm. 9 lui + il biffé Lf. 10 inhumainement + et piteusement Am. 11 sans raison + sans pitie Am. 12 soy maintenir Am,Pm. 13 se lessa cheoir Am, se laissa cheoir Pm. 14 lui + p biffé Lf. 15 en luy criant mercy et priant que Am, en lui criant mercy et priant que Pm. 16 mainsne Ø Am. 17 parmy le chastel Am. 18 moult Ø Am. 55

roy Yon qui fuyoient devant lui, comme la perdrix devant l’espervier1. Si lui remonstra sa faulte en lui commandant qu’il se depportast, et lui deffendist sur grosse paine qu’il ne fust tant oultrageux qu’il meffist plus a homme qui fust leans. Et ainsi se rappaisa Richardin, mais bien [f°193 r°] jura tout hault en audience que s’il trouvoit le roy Yon, qu’il l’occiroit sans quelque remede2.

(6) Comme ouÿ avez, fut le chevalier3 Richardin4 rappaisié5, et les hommes du roy Yon en sceurté, qui vindrent lors de toutes pars entour Regnault6 eulx mectre en sa mercy, comme a lui rendus, en lui promectant foy, serment, ayde et loyaulté, et renunchans a jamais7 au roy Yon et a ses faiz, jurans que riens ne savoient de la trahison qu’il avoit brassee. Si les receut le noble chevalier

Regnault8 moult9 debonnairement, en leur demandant quant il s’estoit de leans parti10 et ou il estoit allé. Et ilz lui respondirent que riens n’en savoient, et non faisoit homme du monde, sinon l’abbé et les moynes de l’abbaye en laquelle il s’estoit allé mectre, cuidant estre a sauveté. Mais il11 fut prins, comme12 l’istoire vous devisera13 cy aprés, laquelle se taist de Regnault14, de ses freres, et retourne a parler d’Ogier et de l’empereur Charlemaine.

1 comme laloue fuit deuant loisel quant il quiert sa proie Am. 2 sans remede nesun Am. 3 le cheualier Ø Am. 4 richart Pm. 5 apaisie Am. 6 entour le noble cheualier regnault Am, entour le cheualier regnault Pm. 7 a jamais Ø Am. 8 regnault le cheualier Am. 9 moult Ø Am. 10 parti de leans Am, party de leans Pm. 11 il + y Am,Pm. 12 comme avec à l’intérieur du mot une lettre biffée Lf. 13 deuisera + j biffé Lf. 14 regnault + et Am, regnault + et Pm. 56

57

28 COMMENT CHARLEMAINE FUT ADVERTI DE LA FAULTE QUE

SES HOMMES AVOIENT FAICTE1 A PRENDRE LES .IIIJ. FILZ

AYMON ES PLAINS DE VAUCOULOUR.

(1) Or dit et racompte2 l’istoire que quant Regnault de Montauban se fut party du duc Ogier, qu’il avoit abatu a la jouste, et que Ogier se fut relevé, il mist les sengles de son cheval a point3 le mieulx4 qu’il peust, puis monta sur son cheval5, Broyefort6, et tant exploicta son chemin7 qu’il trouva ceulx qui fouÿs s’en s’en estoient a grant haste, lesquelz avoient sur ung destrier fort et puissant troussé le corps de Fouques8 de Morillon pour le9 presenter a l’empereur Charlemaine10 afin [f°193 v°] qu’il ne cuidast qu’en eulx eust quelque faulte eue. Mais avant11 qu’ilz y venissent, estoient ja les premiers12 qui fouis s’en estoient arrivez en l’ost, et avoient la mort du conte publiee, et la malle avanture denuncee, laquelle leur estoit advenue. Si en estoit le bruyt si grant parmy l’ost que ja en avoient les parens et amis dudit conte13 ouÿ14 les nouvelles15. Et quant ilz16 furent informez,

1 fait Am. 2 et racompte Ø Am. 3 il reneua les changles de sa selle Am, il mist les changles de sa selle a point Pm.. 4 au mieulx Am. 5 son cheual Ø Am. 6 broye fort Lf. 7 son chemin Ø Am. 8 du conte fourques Am, de Ø Pm. 9 le Ø Am,Pm. 10 charlemaine Ø Am. 11 auant + ce Am,Pm. 12 premiers + ceu biffé Lf. 13 du conte fourques Am. 14 ouy Ø Am. 15 la nouuelle Am. 16 ilz + en Am,Pm. 58

lors se mirent ilz au chemin1 droit au tref de l’empereur, et lui dirent que mors et desconfitz estoient ceulx qu’il avoit envoyez pour avoir les quatre filz Aymon, et pour verité lui certiffierent que Fouques, le conte de Morillon, avoit esté le premier occis et mis a fin. Si ne s’en effroya l’empereur2 Charlemaine3 que bien pou4 de prime face5, comme cellui qui jamaiz n’eust pensé la besongne telle comme elle estoit.

(2) Charlemaine de France, oyant les amis et6 parens du conte Fouques de

Morillon7, qui ja plouroient la mort de leur amy, respondist lors comme doubteux et dist : « Comment se pourroit il faire, beaulx sires8, fait il, que quatre chevaliers, chevaliers, sans compaignie nulle sinon d’eulx mesmes, voire tous desarmez, sans9 espee, sans lance, ne autre baston deffensable10 en leur poing11, peussent avoir .xvj. ou .xviijc. homes, tous12 armez et montez13 a l’avantaige, occis ou desconfitz ? Certainement, s’il estoit ainsi que quatre hommes eussent telle vertu en eulx, ilz devroient entierement14 tout le monde subjuguer et conquerir a l’ayde de mil ou de .iim. hommes en leur [f°194 r°] compaignie ! ». Et a ces parolles sont les barons illec15 arrivez, lesquelz apportoient le corps mort et les nouvelles que

1 a chemin Am, en chemin Pm. 2 lempereur Ø Am. 3 charles Pm. 4 se peu non Am. 5 de premier face Pm. 6 les amis et Ø Am. 7 du conte fourquon Am. 8 beaulx seigneurs Am,Pm. 9 sans + b Lf. 10 deffensable + sy non chascun ung ramsel doliuier ou de foeulliee Am. 11 son poing Am. 12 tous Ø Am. 13 montez + et montez biffé Am. 14 entierement Ø Am. 15 illecques Pm. 59

l’en disoit1 ja2 a l’empereur. Si renforça grandement3 lors le bruyt et le dueil des des amis de ceulx qui mors et demourez estoient en la bataille. Mais tant fut l’empereur dollent qu’il sembloit qu’il deust forssener, et quant il peust parler, il dist a Ogier moult despiteusement : « De vostre vasselage ne me doy4 gueres loer, loer, sire duc, fait il, quelque renom que vous ayez en ma court5, quant par .iiij. hommes avez esté convaincu et du champ honteusement chassié ! Et ceulx que j’avoye en vostre compaginie envoyez, laissez murdrir, occire et affoler, ne sçay a quel deshonneur, sinon au vostre ! Mais a moy en est le domage et le desplaisir, si en soit au fort la honte a cellui ou a ceulx qui bien l’eussent peu amender s’ilz eussent voullu ! Et qui la verité en diroit, je cuide que tout ce vient par vostre faulte ! ».

(3) « A moy n’en doit mie estre le blasme6, sire, ce respondist Ogier, mais au roy Yon, qui trahy vous a, donc gueres ne suis esbahy7 ! Car il vous avoit promis et8 enconvenancé, et vous nous aviez asseurez, qu’il n’y auroit que les quatre filz Aymon, tous seulz, comme nous les trouvasmes, mais chascun d’eulx estoit bien monté et armé couvertement9, tellement que10 le conte Fouques, qui premier vint vers eulx, fut incontinent11 mis a mort et12 occis13, comme vous

1 quon en disoit Am. 2 desja Am. 3 grandement Ø Am. 4 doy + je Am,Pm. 5 a ma court Am. 6 la blasme Am. 7 dont je ne mesbahy se peu non Am. 8 promis et Ø Am. 9 a la couuerte Am. 10 si que Am. 11 incontinent Ø Am. 12 et + co biffé Lf. 13 et occis Ø Am. 60

voyez. – Et bien, ce respondit1 Charlemaine, et quant quatre hommes, telz comme comme sont les quatre2 filz Aymon, seroient montez et armez a souhait3, [f°194 v°] convient il pour tant que une telle compaignie comme vous aviez, soit de quatre hommes desconfite et chassee du champ, ainsi comme je voy qu’il est advenu ? Certainement, je puis bien dire que l’or et l’argent que je despens a gouverner4 vous, et les autres qui ainsi me servent comme vous m’avez ores servy, n’est gueres bien employé ! Et est le pain, le vin, la char, le poesson et autre5 despence que je fais pour eulx et pour vous, entierement6 perdue ! Et par la la foy que je doy a saint Denis, se j’avoye de telz quatre chevaliers comme ilz sont en ma7 court, ou que eulx mesmes ne m’eussent riens meffet, je leur donneroye a chascun une duchie, pour estre et demourer8 en mon service. Si auroye beaucoup9 beaucoup9 plus gaigné que perdu a ce que je puis appercevoir ! Mais je les haÿz tant en mon couraige que jamaiz ne les pourroye aymer ! ».

(4) Moult fort se courouça l’empereur a Ogier10, qui ja lui eust respondu, quant Rollant, qui la estoit, print la parolle et dist : « On voit bien a quel pié on dance11, sire empereur, chascun est bon et bel, comme on le peult bien presupposer, mais j’ose bien tant dire que se j’avoye esté la ou les .iiij. filz Aymon

1 respondit + lors Am. 2 quatre Ø Am. 3 armez et montez comme a souhait Am,Pm. 4 a paier et salarier Am, a gouuerner + et payer Pm. 5 lautre Am,Pm. 6 entierement Ø Am. 7 a ma Am. 8 et demourer Ø Am. 9 beaucoup Ø Am. 10 ogier + quan biffé Lf. 11 dance + fait il Am. 61

estoient, et ou Ogier fut commis pour les espyer1, et j’eusse fait2 une telle faulte comme celle donc vous le mescroyez, jamaiz ne me trouveroye en haulte court, ains, m’en yroye oultre mer3, ou4 en tel lieu que de nullui ne seroie recongnu ! »

Si fut le vaillant duc5 Ogier si dollent de ces parolles que bien le peurent les plusieurs appercevoir, car il se fronssit par le visage, [f°195 r°] non mie par debonnaireté, mais par si grant6 felonnie que son couraige ne peust7 nullement8 celer. Ains, respondist et dist : « Vous parlez trop avant, sire Rollant, fait il, mais c’est sans conseil, et par l’oultraige qui est en vous ! Et pour ce, gardez que vous dictes ! – Voirement puis je bien parler9, ce respond10 lors11 Rollant, car de verité dire ne doit homme12 estre reprins ! Si deschargeray mon ceur, puisque ainsi nous trouvons13 a point. Je vous diz que l’empereur se fye trop en vous, et mal avez envers lui deservies14 les courtoisies et bontez15 qu’il vous a faictes, maintenant16 et autrefois, donc vous estes plus tenu a lui17 que vous ne18 monstrez ! Et puisque de verité fault parler, s’il vous eust fait noyer, ou les membres coupper, des lors que vostre pere, Gauffroy, vous livra en ses mains, ce lui eust esté ung grant

1 la ou ogier fu commis pour les quatre filz aymon espier Am, la ou ogier fut commis pour les quatre filz aymon espier Pm. 2 faicte Pm. 3 oultre la mer Am. 4 ou Ø Pm. 5 le vaillant duc Ø Am. 6 grande Am,Pm. 7 ne sceut Am,Pm. 8 nullement Ø Am 9 parler + ogier Am. 10 respondi Am, respondit Pm. 11 lors Ø Am. 12 nulz Am. 13 trouuons + si Am,Pm. 14 et mal lui auez deserui Am. 15 et bontez Ø Am. 16 ore Am. 17 a lui tenu Am. 18 ne + lui Am. 62

bien ! ». Si fut Ogier si inpacient qu’il ne peust plus endurer le langaige de

Rollant, mais respondist comme1 maltallentif et dist : « Par vos parolles, sire

Rollant, fait il, me chargiez de trahison, ce que je ne daigneroye faire, ne penser, ne je ne suis mie du lignage venu, et pour ce ne me sauroye suffisamment excuser.

Ains, me pourroit estre a tousjoursmaiz reprouchié se je ne deffendoye ce que vous dictes, si en livre mon gand devant l’empereur et devant tous les princes2 qui qui sont icy presens, pour vous sur ce combatre et vous faire en champ par force d’armes honteusement desdire ce de quoy vous me accusez faulcement3 presentement icy et devant tous4 ! ».

(5) [f°195 v°] Ogier de Damnemarche, estant devant l’empereur5

Charlemaine en son pavillon6, ayant son gaige presenté en plaine assemblee, mal meu en son couraige pour icelle heure, vist Rollant, le nepveu Charlemaine, lequel se baissa pour son gand reveillir7, et dist tout haultement8 : « Vous n’en aurez ja moins, par Dieu, Ogier ! fait il, car a vous me combatray corps a corps9, par telle condicion que se je ne vous faiz en plain champ par force d’armes trahison10 recongnoistre, si me face l’empereur mener aux fourches11 et mon corps pendre et estrangler, car vous l’avez trahy en ce derrain voyage12 ! ». Si ne sceut Rollant

1 comme + homme Am. 2 princes + et nobles hommes Pm. 3 faulcement Ø Am,Pm. 4 jcy et deuant tous Ø Am, et deuant tous Ø Pm. 5 lempereur Ø Am. 6 tref Am. 7 recepuoir Am. 8 tout haultement Ø Am. 9 corps contre corps Am. 10 vostre trahison Am,Pm. 11 aux fourche Am. 12 en cest dernier voiaige Am. 63

avoir si tost1 dit ne pronuncié2 le mot que Ogier n’eust la main a l’espee et lui respondist vulgamment, disant : « Vous mentez, faulz bastart ! » fait il, et en ce disant a l’espee levee, donc il l’eust feru, quant a ung sault s’est l’empereur bouté ou milieu d’eulx deux3 et a la chose prinse et mise4 en sa main, promectant de faire raison aux parties selon l’ordonnance, adviz et oppinion de ses princes et conseilliers. Mais tellement fut pour ce la court5 troublee que a grant6 paine les peust on rappaisier7, et fut Rollant en si grant dangier8, que a paine osa il puis mot mot sonner. Si en fut cellui jour mesmes la paix faicte, come l’istoire devisera.

(6) La ou se debatoient les deux princes pour leur gaige de bataille bailler et recevoir, et pource aussi qu’il y avoit eu gros langaige, et que le duc Ogier avoit esté grandement9 par Rollant injurié devant ceulx qui la estoient [f°196 r°] se vindrent presenter en leurs personnes : le duc Naymon de Baviere, le duc Richard de Normandie, le duc Aymon de Dourdonne, le duc Gerard de Rousillon, le roy

Salomon de Bretaigne, le roy Grondrebeuf de Frise, le duc Thierry d’Ardenne,

Berard de Montdidier10, son filz Doon, le seigneur11 de Nantueil, qui portoit le nom de son pere, Doon de Mayence, Galerant de Buillon, Escoult12 de Langres,

Renyer de Vantamis, et plusieurs autres nobles hommes13 du lignage du duc Ogier

1 si tost auoir Am, si tost auoir Pm. 2 ne pronuncie Ø Am, pronuncie ne dit Pm. 3 ou milieu des deux barons Am. 4 mis Am. 5 la court pour ce Am. 6 grant Ø Am,Pm. 7 apaisier Am,Pm. 8 dangier + de mort Am,Pm. 9 grandement Ø Am. 10 berard de montdidier + et Am. 11 le sire Am. 12 estoult + le duc Am,Pm. 13 nobles hommes Ø Am, haultz hommes Pm. 64

et representans la plus forte partie des hommes de la court de l’empereur

Charlemaine1, lesquelz tous parlerent haultement a l’empereur par la bouche de l’un qui saige fut assez pour parler et respondre, et dist : « Grant tort avez, sire empereur, fait il, qui en vostre presence laissez ainsi blasmer par vostre nepveu

Rollant2 le duc Ogier, pour une querelle donc ja de lui ne de nous, qui sommes extraiz d’un lignaige, ne vendrez la ou vous cuidez venir par les moyens que vous tenez. Ogier est preudomme, qui que die le contraire, et pour ses parens et amis3 soustenir ne perdra il mie sa preudommie, et4 ne laissera ja pour tant a vous servir en ce que vous lui commanderez. Et se vous n’avez en lui fiance, si ne l’envoyez5 mie une autre fois, puis qu’en vostre court6 avez assez d’autres vaillans hommes7 hommes7 qui de riens ne sont appartenans aux quatre filz Aymon. Les quatre chevaliers telz comme ilz sont, nous appartiennent de lignaige, et moult enviz serions nulz8 de nous en lieu ou ilz eussent a souffrir, si diray tant en vostre presence que le duc Ogier9 a mesprins d’i avoir esté et d’en avoir fait ce qui a esté esté fait, ja soit ce qu’il [f°196 v°] doye obeir, et nous tous10, a vos commandemens, mais quoy qu’il soit, nous vous requerons droit de vostre nepveu

Rollant, qui de trahison l’a en vostre presence appellé ! ».

1 la plus forte partie de hommes de la compaignie charlemeine Am. 2 ainssi a vostre nepueu blasmer Am, ainsi a vostre nepueu blasmer Pm. 3 amis et parens Am,amis et parens Pm. 4 et + si Am. 5 lui enuoiee Am. 6 vostre hostel Am. 7 dautres seruiteurs Am. 8 nul Am,Pm. 9 ogier Ø Am. 10 tous + aussi Am. 65

(7) Saincte Marie ! Comment1 fut l’empereur2 Charlemaine dollent quant il il ouÿt ainsi argüer les princes de son hostel ! Il ne se peust taire, non pour tant, ains, respondist en audience, disant : « Je vous ay bien ouÿs, beaulx sires3, fait il, chascun de vous a fier couraige contre moy, pource par avanture que je suis en estrange terre, mais je me pourray bien quelque fois4 trouver a mon avantaige, que que je feray aux folz leur follye comparer ! ». Et a ces motz s’avança Doon de

Nantueil, qui moult5 fier et hardy6 estoit a merveilles, et dist tout plainement :

« Je7 ne sçay que vous ferez, sire empereur, fait il, mais tant vous ose je bien dire, dire, qu’en vostre court n’a homme qui vostre nepveu Rollant sceust garder de mort8 s’il voulloit maintenir que ou duc Ogier eust trahison ou9 mauvaistie10, ores ores ne autrefois, et bien a monstré sa11 preudommie en plusieurs lieux, pour vostre bien et honneur garder et soustenir, en tous endrois ! Si ne lui devez12 estre si rigoureux, mais le devez en ses excusacions13 bien et14 raisonnablement ouÿr !

Et se vous trouvez par conseil qu’il ait envers vous mesprins, si soit pugny selon le cas, et s’il a bon droit, qu’il soit soustenu contre vostre nepveu15 Rollant, qui a

1 comme Am. 2 lempereur Ø Am,Pm. 3 beaulx seigneurs Am,Pm. 4 telle fois Am, tele fois Pm. 5 moult Ø Am. 6 et hardy + et hardi biffé Am. 7 je Ø Am. 8 homme qui garder sceust vostre nepueu de mort Am,Pm. 9 trahison ne Am,Pm. 10 mauuaistie + eue Am. 11 sa + leaulte et Am, sa + loyaulte et Pm. 12 deuez + ja Am,Pm. 13 excusacions avec les trois dernières lettres ajoutées au-dessous Am. 14 bien et Ø Am. 15 vostre nepueu Ø Am. 66

tort l’a de trahison appellé en la presence de vos barons1, qui de ce ne sont mie bien contens ! ».

(8) Ogier de Danemarche, voullant racompter de point en point comment la besongne [f°197 r°] estoit allee2, s’avança lors et print3 la parolle, disant :

« Vostre nepveu Rollant, qui tant4 a parlé comme bon lui a semblé, sire, fait il, ne scet mie si bien comme je le puis savoir comment il va de la besongne. ». Et5 lui racompta6 son procés au mieulx7 qu’il peust, presens ceulx mesmes qui avec8 le conte Fouques estoient, et avec9 Alory et ses compaignons, lesquelz, aprés ce qu’il qu’il eut dit comment les quatre chevaliers estoient armez, et comment ilz s’estoient retraiz en la roche10 ou nul ne les povoit par force avoir, et comment ilz furent par Maugis secourus, firent tesmongnage et loyal rapport a l’empereur11 comment il s’estoit vaillamment et honnourablement maintenu encontre les quatre filz Aymon. Si fut lors l’empereur comme tout reffroidie12 de son yre, et dit que mal avoit exploictié le roy Yon, et que par lui estoit tout ce debat esmeu, et par la trahison qu’il avoit pourpensee. Et jura Saint Denis que sur lui tourneroit la follye, disant que l’en ne doit nullement13 ung trahitre espargner, et que Raison veult

1 oyans vos barons Am. 2 auoit allee Am. 3 reprist Am, reprint Pm. 4 tant + en Am. 5 et+ lors Am. 6 racompta + lors Pm. 7 au plus vray Am,Pm. 8 aueques Am, auecques Pm. 9 aueques Am, auecques Pm. 10 a la roche Am. 11 lempereur + et Am,Pm. 12 auques reffroidie Am. 13 nesunement Am. 67

qu’on1 face pugnicion selon le cas. Si sourvint la ung chevalier, lequel arriva si a point que de lui tenoit l’empereur son parlement, et haultement dist en plaine audience que du roy Yon seroit bien vengié s’il voulloit.

(9) L’empereur2 Charlemaine, voyant le chevalier qui illec3 estoit presentement arrivé, lui demanda comment, si lui respondit le chevalier lors4, et dist : « Sachiez, sire, fait il, que n’a gueres que je revenoye de l’esbat d’un petit recet, ou il n’y5 a que la maison [f° 197 v°] d’un noble homme, assez loing d’icy.

Et la trouvay par avanture, qui si a point m’avoit6 amené, ung moyne noir vestu.

Ne sçay s’il estoit la ou sur le chemin envoié pour nouvelles savoir ou enquerir, mais il me dist qu’en une abbaye assez pres de la, estoit n’avoit mie grainment7 le roy Yon avec petite compaignie arrivé8, si me semble que qui chevauceroit celle part, on le pourroit trouver et prendre aisiement avant qu’il voise en quelque autre9 lieu soy retraire ou mectre a sauveté10. ». Et quant Charlemaine entendit le chevalier, il fut moult joyeulx et dist a ses hommes : « Or y perra ! fait il, beaulx sires11, qui cellui qui ainsi malicieusement m’a trahy12 me rendra, sachiez qu’il sera mon parfait amy ! ». Et lors s’entremirent les haultz princes13 de la paix faire

1 quon + en face Am. 2 lempereur Ø Am. 3 illecques Pm. 4 lors Ø Am. 5 y Ø Am,Pm. 6 mauoit + la Am,Pm. 7 grantment Am. 8 arriue a priuee meme Am, arriue auecques petite compagnie Pm. 9 nesun autre Am. 10 en sauuete Pm. 11 beaulx seigneurs Am, mes beaulx seigneurs Pm. 12 cellui qui ma ainsi tray malicieusement Am,Pm. 13 les princes Am, les haultz hommes Pm. 68

entre le duc Ogier et Rollant1, a la requeste du duc2 Olivier et des princes qui la furent. Si fut grande3 la joye qu’on en fist, et finablement furent commis a y aller

Rollant, Olivyer, le duc Richard de Normandie4, et Ogier, voire accompaignez suffisamment pour toutes doubtes, et que en ce n’eust quelque trahison bastye. Si se partirent les trois princes devant nommez, et le noble duc Ogier5 avecques eulx6, accompaignez richement, et non mie de si grant gent7 que bruyt s’en peust8 peust8 estre ensuivy, car ilz le voulloient faire en telle maniere que ceulx de

Montauban n’en sceussent riens9.

(10) La ou l’empereur estoit a son10 privé, ce lui sembloit, avoit une11 espye de par le roy Yon, qui, comme il est a penser, s’en doubtoit12. Celle espie13 se partit14 de la tente Charlemaine quant il eut ouÿ faire l’appoinctement15 et l’accord du duc Ogier et de Rolland, et tant exploicta, comme cellui qui16 savoit les chemins et [f°198 r°] les adreces17, qu’il vint tout le premier en l’abbaye18, la ou il trouva le roy Yon, et lui racompta le conseil que avoit tenu l’empereur, de la venue du duc Rolant, du duc Richart de Normandie, du conte Olivier et de Ogier

1 du duc ogier et de Rolant Am. 2 du conte Am. 3 grant Pm. 4 richart le duc de n. Am,Pm. 5 ogier le noble duc Pm. 6 si se partirent les quatre princes Am. 7 si grans gens Pm. 8 se puist Pm. 9 nen eussent rien peu scauoir Am. 10 en son Pm. 11 ung espye Am. 12 se doubtoit Am. 13 celui espie Am. 14 sen partit Am. 15 lempointement Pm. 16 qui + bien Am. 17 et les adreces Ø Am. 18 alabbaye Am, a labbaye Pm. 69

le Danois, qui de tout son ceur le hayoit pour l’amour des quatre filz Aymon, que

Charlemaine avoit cuidié avoir en sa mercy. « Par ma foy, beau sire ! ce respondit

Yon lors, voire comme homme desconforté, c’est a bon droit que lui1 et tout le monde me het, car bien l’ay deservy2 en tant que j’ay esté consentant de lui livrer cellui que je deusse avoir aymé, servy, chery et gardé3 comme mon propre4 corps corps mesmes, car ce devoit estre une mesmes chose sans sepparacion5. Or cuide il que je l’aye trahy et que j’aye par avanture envoyé le secours que Maugis d’Aigremont6 y mena, donc je ne savoye riens, si m’aid Dieu, Qui est le7 vray

Juge et Qui des bons est Gardien et Conservateur ! Et pour tant me veult il avoir pour prendre de moy vengance, ce que je ne souffriroye pour riens, puis qu’il est bien en moy de l’amender, car je rescripray une lectre a Regnault de Montauban en lui confessant le cas tout au long8 ouquel j’ay envers luy mespris, en lui priant mercy et qu’il viengne cy a puissance, car j’ayme mieulx mectre mon corps en sa subgeccion, puisque tant j’ay9 envers lui mesprins, que ce qu’il convenist que je fusse a l’empereur livré, ne mené prisonnier ! ».

(11) Le roy Yon fist adoncques10 lectres hastivement11 escripre12, et manda par cellui messagier mesmes a Regnault, a Montauban13, comment que ce fust,

1 a bon droit se il Am,Pm. 2 bien le cuide auoir deserui Am,Pm. 3 Am,Pm. Lf ayme. 4 propre Ø Am,Pm. 5 sepparacion + nesune Am, sepparacion + nulle Pm. 6 daigremont Ø Am. 7 le Ø Am. 8 tout au long Ø Am. 9 j Ø Pm. 10 adoncques Ø Am. 11 hastiuement Ø Am. 12 escripre + lors Am. 13 a montauban a regnault Am,Pm. 70

qu’il le venist querir a puissance1 et qu’il aymoit mieulx2 estre en son dangier, puis qu’il avoit vers lui mesprins, que de soy [f°198 v°] mectre en la mercy des

François qui illecques le devoient venir querir par force. Mais trop longuement mirent a venir, car moult3 fort exploicterent les François, et tant chevaucerent qu’ilz vindrent en l’abbaye4. Mais ce ne fut mie si secretement que le roy Yon n’en fust adverti, et quant il le sceut, il n’en fut5 mie trop joyeulx, mais se6 desconforta tellement qu’il7 n’eust sceu que devenir, n’eust8 esté son chambellan, chambellan, qui lui conseilla de soy retraire en une tour moult ancienne9, qui la estoit10, en laquelle11 les moynes et les abbez mesmes se soulloient en temps de guerre retraire pour toutes doubtes. Et quant les moynes et12 religieux veyrent leur cloistre et leur13 monastere ainsi peuppler de gens14 de guerre, vous devez savoir15 certainement16 qu’ilz furent moult dollens. Chascun d’eulx monstra le plus beau semblant qu’il peust, pour doubte de mesprendre envers eulx, et de leurs biens perdre et veoir piller, car en telz cas a petite sceurté17. Et les François s’en18

1 puissance + de gens Am, puissance + dommes Pm. 2 que mieulx amoit Am. 3 moult Ø Am. 4 a labbaye Am,Pm. 5 ne fut Pm. 6 se + desson avec les quatre dernières lettres biffées. 7 si quil Am, qui Pm. 8 se neust Pm. 9 une tour vielle et ancienne Am. 10 qui la estoit Ø Am. 11 la quelles Am. 12 moynes et Ø Am,Pm. 13 leur Ø Am,Pm. 14 des gens Pm. 15 penser Am. 16 certainement Ø Am. certainement scauoir Pm. 17 en tel cas a trop petite seurete Am,Pm. 18 sen Ø Am. 71

alloient de lieu en autre, les espees toutes nues en leurs poingz1, cerchans et querans le roy Yon. Et quant point ne le trouverent2, lors demanderent ilz aux serviteurs et aux religieux de leans ou il estoit et qu’il povoit estre devenu3. Si en y eut ung plus paoureux que les autres, lequel, quant il vist tel desroy, s’escrya moult hault4, disant5 : « Ne me occiez mie, beaulx seigneurs, fait il, et je vous diray la6 ou il s’est bouté ! ». Et quant Rollant ouÿt cellui ainsi parler, il l’asseura et lui dit que sur paine de la mort il7 lui dist ou il estoit. « Par ma foy, sire, fait il, vous le trouverez en une tour, que je vous monstreray, [f°199 r°] mais de l’avoir ne vous asseure je mie, s’elle est bien deffendue et garnye de gens, car dedens a assez de vitaille8, et si est la tour moult9 forte, haulte et bien fermee merveilleusement. ».

(12) Moult fut joyeulx Rollant quant il sceut la ou s’estoit retrait le roy

Yon. Il s’en alla10 a l’uys de la tour lors, et quant il le sentit fermé, il assembla11 les princes, barons et nobles hommes qui avecques lui estoient partis de l’ost, et leur demanda leurs oppinions12. Et finablement conclurent que jamaiz de la dedens ne partiroient tant qu’ilz auroient le roy13 Yon en leur subgeccion14. Et dit

1 les espees tirees Am. 2 quant ilz ne le trouverent Am. 3 et quil pouoit estre deuenu Ø Am. 4 moult hault Ø Am. 5 en disant Am,Pm. 6 la Ø Am,Pm. 7 quil Pm. 8 foison de vitaille Am,Pm. 9 moult Ø Am. 10 il se fist mener Am. 11 lors assambla il Am,lors assembla il Pm. 12 leur oppinion Am,Pm. 13 le roy Ø Am. 14 possession Am,Pm. 72

l’istoire que ce fut par le conseil du vaillant1 duc Ogier, qui plus le hayoit que homme du monde, pour tant qu’il avoit ses quatre cousins voullu vendre et trahyr.

Si se prepparerent lors diligamment2, et firent eschielles et haultes boises apporter pour donner assault a la tour et a ceulx qui dedens s’estoient retrais. Et fin de compte se prouverent3 les ungz contre les autres, si vaillamment comme faire convenoit4. Et se bien et vigoureusement5 les assailloient ceulx de France, vous devez savoir que ceulx de Gascongne pour leurs vies sauver leur rendoient6 grant deffence, et moult y eut des François occis par les grans pierres que ceulx de la tour leur gectoient de hault en bas. Mais tellement ne si bien ne se sceurent deffendre que par force ne fussent mis en la mercy du duc Rollant, comme chief de par l’empereur7 Charlemaine, et finablement fut le roy Yon prins et livré a

Rollant, pource que trop doubtoit8 le duc9 Ogier et Richard de Normandie.

(13) [f°199 v°] Dieux ! Comment10 furent joyeulx les barons qui la estoient, quant ilz veyrent la tour qui si forte estoit que merveilles, ainsi legierement conquise ! Rollant commanda que Yon fust loyé, et les prisonniers menez aprés lui, et que on appareillast le mengier, car temps estoit de repaistre a gens qui avoient ainsi travaillié comme ilz11 avoient fait cellui jour. Et qui lors eust veu les varletz des chevaliers et nobles hommes visiter l’abbaye, tuer

1 vaillant Ø Am. 2 diligamment Ø Am. 3 se permeurent Pm. 4 comme bien le conuenoit Am,Pm. 5 et vigoureusement Ø Am. 6 rendoient + alencontre Pm. 7 chief pour lempereur Am,Pm. 8 Am, Pm. Lf se doubtoit. 9 le duc Ø Am,Pm. 10 comme Am. 11 ilz + en Pm. 73

poullaille, coupper gorges a moutons, rompre vollieres et mues pour les pigons et chappons avoir, abatre beufz, et cuisiniers mectre en besongne, il eust semblé que ce eust esté fait de gens trop1 affamez, et qui oncquesmaiz n’eussent veu2 vyande. vyande. Puis firent grans feux pour appoincter3 leur appareil, et ce pendant cerchoient4 les caves et celiers, et firent leans si merveilleux desroy que l’abbaye en apovrit moult. Et quant la viande fut avancee et comme toute preste5 on dreça les tables, il ne convient mie demander ou. Et disnerent les ungs ça, les autres la, selon les compaignies. Mais icy se taist ung peu l’istoire d’eulx6, et parle du messagier, qui de par le roy Yon portoit les lectres a Regnault de Montauban.

1 que ce eussent esté gens affamez Am. 2 veue Pm 3 faire Am. 4 cercherent Am. 5 et comme toute preste Ø Am. 6 Mais jcy sen taist ung peu listoire Am. 72

A. NOTES

Pour la composition de cette partie, nous nous sommes basée sur les grammaires suivantes1 :

o FOUCHÉ, P., Morphologie historique du Français. Le verbe, étude morphologique, Paris, Éditions Klincksieck, 1981.

o HASENOHR, G., DE LAGE, R.G., Introduction à l‟Ancien Français, Paris, SEDES, 2003.

o LANLY, A., Morphologie historique des verbes français. Notions générales, conjugaisons régulières, verbes irréguliers, Paris, Bordas, 1977.

e e o MARCHELLO-NIZIA, Ch., Histoire de la langue française aux XIV et XV siècles, Paris, Bordas, 1979.

o MÉNARD, Ph., Manuel du français du moyen âge. Syntaxe de l‟ancien français, Bordeaux, Sobodi, 1976.

o POPE, M.K., From Latin to modern French with especial consideration of Anglo- Norman. Phonologie and morphology, Manchester, Manchester University Press, 1934.

o ZINK, G., Le Moyen Français, dans Que sais-je, Paris, Presses Universitaires de France, 1990.

25.2. – « par bonne treve » : (à comprendre) ‘en vertu d’une bonne trêve’. Le mot trêve a le même sens qu’en Français moderne, toutefois la structure en question est tombée en désuétude.

25.2. – « se tire avant qui a nous parlementer vouldra » : qui = ‘celui qui’. « Le relatif sujet qui s’emploie fréquemment sans antécédent avec la valeur très générale de ‘tout homme qui’, ‘tous ceux qui’… ». (Md., §63)

25.2. – « d‟icy ne povez par maniere nulle du monde eschapper, que mors ou prins ne soyez » : que = ‘sans que’. « que…ne consécutif, ‘de telle sorte que…ne …pas’ correspond habituellement au FM ‘sans que’. » (Md. §250)

25.2. – « advisez qui est le meilleur de faire » : qui = ‘ce qui’.

1 Il arrive aussi que nous citons des dictionnaires, pour les références exactes de ceux-ci : cf. glossaire. 73

25.4. – « ma fiance » est une solution que nous proposons : Lf a redoublé ma tandis que Am et Pm proposent une construction sans déterminant. Nous optons pour un compromis des deux.

25.5. – « en espoir d‟avoir du bien se du bien nous doit venir » : ‘devoir’ s’emploie comme semi-auxiliaire. La variante proposée par Am et Pm (peut) démontre cette affirmation.

25.5. – « vous ne durerez mie jusques a la nuyt que ne soyez … » : que = sans que (Md. §250)

25.6. – n‟eust esté le chevalier Regnault : n‟eust = ‘se n’eust’. Les manuscrits Am et Pm présentent cette dernière solution. « L’idée d’hypothèse, c’est-à-dire tout ce qui relève de la supposition ou de la condition, s’exprime de plusieurs façons en AF. (a) Par le simple emploi du subjonctif en parataxe. […] En FM on trouve encore des survivances de cette construction dans des formules anciennes du type […] n’eût été, etc. » (Md., §263).

25.7. – il approucha du chevalier Richardin : le pronom réfléchi est omis.

25.9. – il montera sur Bayart et ses trois freres emportera comme lui : En ce qui concerne le motif des quatre enfants sur Bayard, nous référons à PIRON, M., Le cheval Bayard, monture des quatre fils Aymon, et son origine dans la tradition manuscrite, dans Études sur „Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica Gandensia XVIII), pp. 153-170.

25.9. – c‟estoient les aguetz et embuchemens : c‟estoient n’est pas la leçon de notre manuscrit de base, le scribe de Lf a écrit s‟estoient. Nous avons jugé bon de le corriger afin de faciliter la compréhension du texte.

25.10. – « qui les pourroit avoir et qui ne les pourroit prendre en vie, qu‟on les lui amenast mors et decouppez » : qui = ‘si l’on’: « Les relatives à valeur circonstancielle sont beaucoup plus répandues en AF qu’en FM. Elles ont […] (b) souvent valeur hypothétique. ». (Md., §76, b)

25.11. – « qui pourra estre ung meschief » : l’antécédent de qui comprend toute une proposition, = ‘ce qui’. « Le pronom qui peut avoir pour antécédent tout un membre de phrase, sans être nécessairement précédé du démonstratif ce ». (Md., §61, remarque).

25.11. – « qui a heure ne partira » : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

25.11. – « avisez diligamment qu‟il est bon de faire » : qu‟il = qui, équivalant à ‘ce qui’. « Une graphie qu‟il(z) doit parfois être interprétée comme un relatif sujet » (MN., 13, p.160), « La réduction de il à i entraîne une confusion entre qui et qu‟il… ». (Md., §54, remarque 1)

74

25.12. du consentement du duc Ogier : (à comprendre) ‘avec le consentement du duc Ogier’.

25.12. – luy accorderent : luy = ‘le lui’. (Haplologie)

25.13. – « … se voz corps ne soubzmectez … » : se = ‘à moins que’.

25.13. – « le tres noble faulcon » réfère au rêve de Clarisse : « Sachiez que advis me fut que je veoie, en ung moult beau pré, quatre esperviers, tous d’une mue et d’un plumage, venans joyeusement pour eulx deduire. Mais quant ilz cuiderent du champ partir, il leur vint tant d’autres oyseaulx de plusieurs sortes les asaillir aux becz et aux ongles que tous, ou bien pres, les desplumerent et en la char les navrerent tellement que mors fussent illec, car leurs bouyaulx leur sailloient du corps. Et estoient comme oultrez et desconfitz, quant illec vint ung faulcon de bon aire, accompaigné d’autres gentilz oyseaulx, lesquelz se tournerent de la partie des quatre esperviers, et tellement les secoururent que de mort les sauverent, et les autres faulx oyseaulx, comme pies, corbeaulx, voultours, aigles, busars, escouffles et autres chasserent et firent d’illecques fouÿr » (Lf, 22.4)1. Il s’agit d’une préfiguration de la bataille de Vaucouleurs, le noble faucon étant Maugis.

25.14. – lui demanderent : lui = ‘le lui’ (Haplologie).

25.14. – « qui de nous devra estre content » : ‘devoir’ peut être considéré comme indiquant une obligation, ainsi que comme semi-auxiliaire.

25.14. – et qui demanderoit qui estoit cellui qui ainsi s‟en affuyoit : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

25.15. – qui ja avoit les nouvelles apportees au duc Ogier, de l‟armee de Maugis, et qui ja revenoit, pour dire et anuncer leur venue : leur venue = accord ad sensum.

25.16. – bien s‟en apperceut Ogier, et les autres non : et a une valeur adversative. « Elle [La conjonction et] introduit une opposition au sens de ‘et pourtant, mais’ ». (Md., §195, 3)

25.17. – Bayart, qui comme ung maufé se print a hennyr : en ce qui concerne la désignation de Bayard comme un ‘maufé’ : « On voit comment Maugis se rend en enfer pour y délivrer le fameux destrier, fils d’un dragon et d’un ‘serpent’. Ces singuliers parents gardent leur rejeton prisonnier dans l’île de Boucan… » 2.

1 Cet extrait provient du mémoire d’Anne De Smedt (DE SMEDT, A., op. cit.). 2 VERELST, Ph., Vers une nouvelle édition du Maugis d‟Aigremont?, dans Les Lettres Romanes, Louvain, Université Catholique de Louvain, 2001, p.207. 75

25.19. – « moy et mes autres trois freres lui deviez presenter » : ‘devoir’ peut être intraduisible (Md., §38, 1, remarque 2), ou il se peut qu’il s’agisse de l’obligation de la part de Charlemagne.

25.19. – « qui pourra a vous estre grant reprouche » : qui représente tout un membre de la phrase, = ‘ce qui’. (Md., §61, remarque)

25.19. – « ostez en vostre sort et mauvaise ymaginacion hors » : cette structure nous cause des problèmes : sort semble former un doublet avec mauvaise ymaginacion, néanmoins, les dictionnaires ne donnent pas cette acception. Il se pourrait aussi que sort équivaille à ‘sourd’, mais cette solution nous paraît peu probable.

25.20. – le bon Bayart : bayart ressemble à un nom commun (destrier). Néanmoins, il nous semble logique qu’il s’agit de Bayard (nom propre), malgré la présence de l’article défini.

25.20. – « trop faictes a blasmer » : faire marque la convenance ou le mérite lorsqu’il est suivi de la préposition a et d’un infinitif actif ; on peut le traduire par le passif. (Md., §124, remarque 2)

25.20. – « bien fait a congnoistre » : idem. (Md., §124, remarque 2)

25.20. – « s‟en pourra par avanture en quelque temps repentir qui le pourra d‟aussi pres trouver » : qui = ‘celui qui’. (Md. §63)

25.21. – « ce n‟eust esté » : ce = ‘se’.

26.1. – Ja soit ce qu‟oncques pour ce ne se levast : Lf emploie l’indicatif passé simple, nonobstant, nous avons jugé bon de corriger et d’adopter la leçon proposée par Am et Pm, c’est-à-dire celle du subjonctif imparfait. Les ouvrages de référence nous apprennent que la locution conjonctive ‘ja soit (ce) que’ est suivi du subjonctif. Il se peut que le scribe de Lf ait commis cet erreur à cause de l’image phonique identique des deux possibilités.

26.1. – il avoit serviteurs qui lui faisoient asavoir : lui = ‘le lui’ (Haplologie).

26.2. – « Et comment sont ilz eschappez, amy, fait il, ne qui leur a donné secours ? » : ne = ‘et’. « Elle [La conjonction ne] s’emploie aussi dans des contextes dubitatifs et implicitement négatifs – interrogatifs, hypothétiques, comparatives d’inégalité, propositions contenant un facteur d’indétermination (…) – au sens du FM ‘et’ ou ‘ou’ ». (Md., §214)

76

26.3. – « me devroit on bailler la baniere ou enseigne des maleureux a porter » : le dictionnaire des locutions de Di Stefano nous apprend que ‘porter (la) banniere’ signifie ‘être, se mettre au premier rang, être l’exemple, le prototype’. Yon se désigne donc comme l’exemple typique d’un malheureux.

26.3. – qui n‟eust sceu l‟occasion du grant dueil : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

26.4. – qui ainsi le movoit : qui = ‘ce qui’.

26.4. – demanda qu‟il avoit : qu‟il = ‘ce qu’il’.

26.6. – « il fut et est a tousjoursmaiz condampné en paine pardurable qui jamaiz ne fauldra a lui et a ceulx qui y sont » : dans cette construction paine pardurable semble avoir le sens spécifique d’‘enfer’, vu la présence du pronom y.

26.6. – « ja soit ce que nul ne doie pour tant mesprendre a Son povoir » : le transcripteur de Lf utilise à nouveau ja soit ce que accompagné du subjonctif. Nous avons corrigé notre manuscrit de base, mais on pourrait supposer que la règle était plutôt floue à l’époque.

27.1. – que ung chascun peult retenir qui a en soy raison discrete pour celer ou pour divulguer ung cas : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

27.1. – ung escuier du pays, bien noble : bien noble se rapporte à ung écuyer, d’où la virgule. Am et Pm confirment notre hypothèse, en ajoutant homme.

27.3 / 27.4. – s‟il la pert en telle maniere, il pert toute joyeuseté mondaine / car les deux n‟estoient que comme ung, quelque part qu‟ilz fussent : au sujet de l’expression des sentiments, nous référons au mémoire de F. Goudeseune, qui insiste sur l’aspect humain du récit1.

27.6. – fut le chevalier Richardin rappaisié : il se peut que le pronom réfléchi ait été omis. (?)

28.2. – il sembloit qu‟il deust forssener : le sens du verbe devoir est affaibli. (Md. §138, 1, remarque 2)

28.2. – « qui la verité en diroit » : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

1 GOUDESEUNE, F., op. cit., p. LIV et autres. 77

28.4. – « on voit bien a quel pié on dance » : cette tournure n’est pas repris par le dictionnaire de Di Stefano ; néanmoins, nous y trouvons des locutions semblables, telles que a quel pied va celle danse, signifiant ‘qu’est-ce qui se passe ici’, ainsi que ne savoir de quel pié dancer. Nous en déduisons que la tournure prononcée par Rolland signifie ‘on voit bien ce qui se passe ici’.

28.4. – « gardez que vous dictes » : que = ‘ce que’.

28.4. – « ne je ne suis mie du lignage venu » : estre du lignage venu est une tournure proverbiale non enregistrée dans les dictionnaires, si bien qu’il est difficile de formuler un sens qui y convient. Nous nous basons – entre autres – sur le dictionnaire de Tobler- Lommatzsch, qui propose le sens de vornehmer Abstammung, Ogier renverrait alors à la lignée de Rolland et conclurait que celle-ci est plus noble que la sienne. Une autre démarche nous est offerte par notre étude des versions popularisantes : dans le manuscrit L nous lisons « Onques li miens linage a çou ne se tramist, Ains sui de mieus de France et de melors amis » (vv. 8163-8164) ; N dit « Ne je ne mes lignages ainz traïson ne fist, Ainz sui del mielz de France et del mieus du païs » (vv. 8163-8164) ; A présente la variante « Oncques le mien lignaige vers le vo [de Charlemagne] mesprit » (v. 8163), etc. La bonne interprétation serait alors qu’Ogier affirme qu’il vient d’un lignage où il n’y a pas de traîtres, mais cette hypothèse n’est pas compatible avec la phrase suivante (et pour ce ne me sauroye suffisamment excuser). Nous sommes obligée de laisser cette question sans réponse.

28.5. – « vous n‟en aurez ja moins » : nous ne parvenons pas à formuler une réponse définitive concernant le sens de cette tournure. Le dictionnaire de Di Stefano mentionne ‘n’avoir moins de la mort’, signifiant ‘aller à une mort certaine’. Cette solution est probable dans notre contexte, aussi Rolland veut-il dire : ‘vous n’aurez ja moins de la mort’ (= ‘vous pouvez vous attendre à la mort’)

28.6. – « ja soit ce qu‟il doye » : remarquons l’emploi de la locution ja soit ce que avec subjonctif. Cet emploi confirme notre hypothèse formulée plus haut sur la confusion entre indicatif et subjonctif.

28.7. – « Je ne sçay que vous ferez » : que = ‘ce que’. (Md. §68)

28.9. – « qui chevauceroit celle part: qui = ‘si l’on’ » (Md., §76, b)

28.9. – « qui cellui qui ainsi malicieusement m‟a trahy me rendra » : qui = ‘celui qui’. (Md. §63)

28.9. – « et que en ce n‟eust quelque trahison bastye » : que introduit une finale. « Les propositions finales sont introduites généralement par une conjonction : la simple conjonction que, … ». (Md., §252) 78

28.9. – « accompaignez richement, et non mie de si grant gent que bruyt s‟en peust estre ensuivy » : et a un sens adversatif. (Md., §195, 3)

28.11. – en la mercy des François qui illecques le devoient venir querir : le verbe ‘devoir’ peut s’interpréter comme marquant une obligation (de la part de Charles) de même que comme semi-auxiliaire.

28.11. – « ou il estoit et qu‟il povoit estre devenu » : qu‟il = qui, équivalant à ‘ce qui’. (MN., 13, p.160), (Md. §54, remarque 1)

28.13. – qui lors eust veu : qui = ‘si l’on’. (Md., §76, b)

79

B. GLOSSAIRE

Ce glossaire ne se veut pas exhaustif. Pour la composition, nous avons adopté les critères proposés par Ph. Verelst pour ses éditions du manuscrit R1 et de Mabrien2, ce qui implique que :

- nous n’avons enregistré que les mots, les acceptions et les constructions qui n’existent

plus dans la langue moderne – pour laquelle nous nous basons sur le Petit Robert3 –

et qui ne sont pas répertoriés dans le petit dictionnaire de l’ancien français d’A.J.

Greimas4.

- nous ne nous sommes pas arrêtée aux emplois pronominaux de verbes qui ne sont

pas signalés comme tels dans le dictionnaire de Greimas,

- ni aux mots dont les graphies s’écartent peu de celles de Greimas et qui se laissent

donc facilement déduire.

Quant aux mots qui sont enregistrés dans notre liste, nous avons cherché les significations opportunes dans les dictionnaires de Godefroy, de Tobler-Lommatsch et dans le Dictionnaire du moyen français de Greimas et Keane – œuvre trop méconnue. Le dictionnaire des locutions en Moyen Français de Di Stefano5 nous a fourni quelques explications de tournures proverbiales, qui seront regroupées ici autour de leur terme-clef. Finalement, nous avons aussi emprunté quelques significations au glossaire composé par Ph. Verelst dans

Mabrien6.

Dans les quelques cas douteux où ces outils ne nous ont pas pu aider, nous avons proposé nous-même une solution – avec des réserves bien entendu.

1 VERELST, Ph., op. cit., p. 1009. 2 VERELST, Ph., Mabrien…, p. 473. 3 ROBERT, P., Le nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaire Le Robert/VUEF, 2003. 4 GREIMAS, A.J., Dictionnaire de l‟Ancien Français, Paris, Larousse/VUEF, 2001. 5 En ce qui concerne les références bibliographiques des dictionnaires spécialisés que nous avons consultés, nous nous contentons de référer à la bibliographie afin de réduire le nombre de notes en bas de page. 6 VERELST, Ph., op. cit., pp. 474-531. 80

AFFAIRE. N.m., 1. « Caractère (?) ». 26.8. – 2. dans constr. AVOIR – A : « Présenter des difficultés ». AFAIRE 25.3.

AINSI. Adv., dans loc. conj. PAR – QUE : « À condition que, pourvu que ». 25.10, 25.12.

AMBAXADE. N.f. « Stratagème ». 25.15.

ARGÜÉ. Part. passé : « Piqué, courroucé ». 25.8.

ARGÜER. V. abs. : « Discuter » 28.7.

ARROY. N.m., dans loc. SE MECTRE EN – : « Se préparer, s’apprêter ». 25.12.

ASPREMENT. Adv. : « Cruellement, violemment ». 25.6, 25.7, 25.19, 25.20, 26.2.

ASAVOIR. V.tr.: « Savoir, connaître ». 25.11, 25.16, 26.1. ASSAVOIR 25.13.

AUDIENCE. N.f., dans constr. EN - : « À haute voix, publiquement ». 27.5, 28.7, 28.8.

AVANTAIGE. N.m., dans loc. adv. A L’– : « Avantageusement ». 28.2.

AVANTURE. N.f., dans constr. PRENDRE L’– DE : « Prendre le risque de ». 25.8.

AVISER (SE –). V. pron.: « Décider ». 25.1, 25.2, 25.5, 25.11, 26.6.

AVISÉ. Part. passé dans constr. – DE : « Décidé à ». 25.13.

AYDE. N.f. : ESTRE EN – A QQN. : « Aider qqn. ». 25.4, 27.2.

AŸREEMENT. Adv.: « Avec vigueur ». 25.7, 25.18.

BANIERE. N.f., dans constr. PORTER LA – (DE) : « Être l’exemple, le prototype de ». 26.3. cf. note.

BENEDICITÉ. N.m. « Grand Dieu ! » (exclamation). 26.6.

BESOING. N.m., dans loc. adv. A UNG – : « En cas de besoin ». 28.7.

BESONGNE. N.f., 1. « Affaire ». 26.7, 27.1, 28.1, 28.8(2x). – 2. dans constr. (SE) MECTRE EN – : « (Faire) passer à l’action ». 25.6, 28.13.

BOISE. N.f. : « Bûche ». 28.12.

BOUTER (SE –). 1. V.pron.: « Se précipiter » 25.7, 26.2 – 2. V.tr. – LE FEU : « Mettre le feu (à) ». 26.7.

BRUIT. N.m. « Nouvelle ». 26.8, 28.9.

CELEEMENT. Adv. : « Secrètement, en cachette ». 25.18, 27.1. 81

CERTAINEMENT. Adv. : « De façon certaine ». 25.1, 25.3, 25.10, 28.11.

CHARGER. V.tr.: « Accuser ». 28.4.

CHIEREMENT. Adv. « Cher ». 25.6.

CHOSE. N.f., dans deux cas à sens spécifique : 1. « Promesse ». 25.3. – 2. « Dispute (?) ». 28.5.

COMMANDEMENT. N.m. ESTRE AU – DE QQN : « Être à la merci de qqn. ». 25.20.

COMME. Conj.: « Tel que ». 26.7.

COMMUN : Cf. PEUPPLE.

COMPTE. N.m. dans loc. FAIRE – DE : « Faire cas de ». 25.5.

CONCLUSION. N.f. : « Décision ». 25.16.

CONGNOISSANCE. N.f. 1. « Raison ». 26.5. – 2. dans constr. AVOIR – DE QQCH. : « Être conscient de qqch. ». 26.6.

CONRROY. N.m. dans constr. TENIR –: « Aller, avancer à une certaine allure, et dans un certain ordre ». 25.16

CONSEQUAMMENT. Adv. : « À la suite, à la file ». 25.2.

CONTENANCE. N.f., dans constr. TENIR – : « Se comporter comme il convient ». 26.3.

COUP. N.m., 1. dans constr. A – : « Sur-le-champ ». 25.9. – 2. dans constr. A CE – : « Alors ». 25.15. – 3. dans constr. A UNG – : « À la fois ». 25.7.

COUVERTEMENT. Adv. 1. « En cachette ». 26.1. – 2. dans constr. ARMÉ – : « Armé secrètement, en portant les armes sous l’habit ». 28.3.

CRIMINELLEMENT. Adv. : « De façon cruelle ». 26.2.

DANGIER. N.m., dans constr. EN – DE : « À la merci de ». 25.4, 28.11.

DEBATRE (SE –). V. pron. : « Se donner du mal, de la peine ». 28.6.

DENIER. N.m., dans deux expr. équivalant à « Pas du tout ». 1. NE UNG – : « Peu ou rien ». 25.9. – 2. POUR NUL – : « Pour rien ». 26.8.

DEMOURANT. N.m. 1. « Le reste, le restant ». 25.11. – 2. dans constr. DU – : « Du reste ». 27.3.

DEPPORTER (SE –) : V. pron. : « S’apaiser ». 25.1, 27.5.

82

DESHERITER. V. tr. : « Priver de ». 26.2.

DESPIT. N.m., dans construction EN – DE QQN. : « Par ressentiment envers qqn ». 27.5.

DESPITEUSEMENT. Adv. : 1. « Avec mépris ». 25.20. – 2. « Furieusement ». 28.2.

DESPLAISANCE. N.f., dans la construction AVOIR GRANT – : « Être mécontent ». 25.1.

DESPLAISIR. N.m. : « Mal (aussi physique) ». 25.10, 28.2.

DEVANT. Prép., dans loc. prép. AU – DE : « A la rencontre de ». 25.17.

DOUBTE. N.f., dans loc. : 1. POUR – DE: « À cause de la crainte de ». 25.14, 25.19, 28.11. – 2. (variante) POUR TOUTES DOUBTES: « Pour qu’il n’y ait aucun problème » 28.9, 28.11. – 3. FAIRE – DE QQCH. : « Craindre qqch. ». 25.14.

EMBLEE. N.f., dans loc. adv. PAR – : « À la dérobée ». 27.1.

ENCONVENANCER. V.tr. : « Promettre ». 28.3.

ENDURER. V.tr.: « Tolérer ». 28.4.

ENGIN. N.m. « Ruse ». 25.2, 25.19.

ENTREFERIR (S’–). V. pron.: « S’entre-frapper ». 25.20.

ENTRETENIR (S’–). V. pron. : « Soutenir la lutte ». ? 25.9.

ESMERVEILLER (S’–). V. pron. : « S’étonner ». 26.7.

ESMERVEILLÉ. Part. passé : « Étonné » 26.7.

ESMEU. Part. passé : « Incité (?) ». 28.8.

ESPACE. N.f., dans loc. : 1. AVOIR – DE : « Avoir le temps de, avoir l’occasion de ». 25.14. – 2. POUR UNE – : « Durant un certain laps de temps ». 26.7.

ESPECIAL. Adj., dans loc. adv. PAR – : « Surtout ». 25.6, 25.18, 26.4.

EXCUSACION. N.f. : « Excuse ». 28.7.

EXPLOICTER. V.tr., dans constr. – CHEMIN : « Avancer avec ardeur ». 25.16, 26.2, 27.2, 28.1.

FACE. N.f., dans loc. adv. DE PRIME – : « Tout d’abord ». 28.1.

FAILLYEMENT. Adv. : « Lâchement ». ? 25.19.

FAULCER. V. tr. : « Rompre ». (– un serment) 25.4. 83

FERMEMENT. Adv. : « Intensément ». 27.6.

FIEREMENT. Adv. : « Violemment ». 25.7.

FINABLEMENT. Adv. : « Finalement, enfin ». 28.9, 28.12 (2x).

FINER. V. abs. : « Trouver, obtenir ». 25.18.

FORT. 1. Adj. dans constr. SE FAIRE – DE : « Se porter garant de ». 25.3 (2x, 1x emploi sans pronom). – 2. Adv. dans loc. adv. DE – EN PLUS – : « De plus en plus ». 26.3. – 3. N.m., dans loc. adv. AU – : « Finalement, en définitive ». 28.2.

FRANCHEMENT. Adv. : « Violemment ». 25.1.

GARDE. N.f., 1. dans constr. SE DONNER – DE : « Tenir compte de, prendre garde à ». 26.7. – 2. dans constr. ESTRE EN LA – DE : « Être protégé par qqn.». 25.4.

GARDER. V.tr., 1. dans constr. SE – DE : « S’abstenir de ». 25.1. – 2. id. « Se méfier de ». 25.9. – 3. – DE : « Protéger ». 25.8, 28.7.

GOUVERNER. V. tr. :1. « Payer ». 28.3. – 2. « Dominer ». 25.2.

GRACIEUSEMENT. Adv. 1. « Discrètement ». 26.2. – 2. « D’une manière efficace ». 26.7.

GRAMMENT. Adv., équivaut à GRANDEMENT : « Très, beaucoup ». 28.9.

HASTIVEMENT. Adv. : « Avec/en hâte, vite, sans délai, rapidement ». 26.2 (2x), 27.1, 27.3, 27.4, 28.11.

HAULTEMENT. Adv. : « Avec pompe, solennellement ». 26.7.

HU. N.m. « huée, cri ». 25.8.

ISTOIRE. N.f. : « Proverbe ». 26.1.

LIBERALEMENT. Adv. « Librement, volontiers ». 25.1.

LIGNAGE. N.m. dans loc. ESTRE DU – VENU. « ? ». 28.4. (cf. note)

LOER (SE –). V. pron. SE – DE : « S’estimer heureux de ». 28.2.

MAINTENIR. V. pron. SE – : « Se comporter ». 28.8.

MAIS. Conj. : « Et certes ». 25.5, 26.5, 26.6, 26.7, 27.1. 84

MANIERE. N.f., dans loc. FAIRE – DE : « Manifester son intention de ». 26.6.

MERCY. N.f., 1. dans loc. ALLER A – : « Se mettre à la merci du vainqueur ». 25.5. – 2. dans loc. SE MECTRE (SOUBZMECTRE) EN LA – DE : même sens. 25.5, 27.6, 28.11, 28.12.

MERVEILLES. N.f. pl., dans deux constr. signifiant « Extrêmement, au plus haut degré » : 1. A – : 28.7. – 2. dans constr. TANT/SI … QUE –. 25.12, 26.1, 26.5, 26.8, 27.3, 28.13.

MESCHIEF. N.m., dans loc. adv. A GRANT – : « D’une façon très pénible, très douloureuse ». 25.20.

MOINS. Adv., dans constr. (JA) EN AVOIR – : « Pouvoir s’attendre à la mort (?) » 28.5. (cf. note)

MOT. N.m., dans constr. NE SONNER – : « Ne pas souffler un mot ». 28.5.

MOUVOIR. V.tr. : « Inciter, pousser ». 26.4.

NEANT. N.m., 1. dans loc. – PLUS QUE : « Pas plus que ». 25.8. – 2. dans constr. POUR - : « En vain ». 25.3, 27.4.

PAINE. N.f., 1. dans loc. MECTRE – DE : « S’efforcer de ». 25.1, 25.13, 25.14, 25.18, 26.5, 27.4. – 2. – PARDURABLE : « L’enfer (?) » 26.6. (cf. note)

PARTEMENT. N.m. « Départ ». 26.1, 27.5.

PEUPPLE. N.m., dans constr. LE COMMUN – : 1. « Les gens ordinaires, le petit peuple ». 26.7. – 2. « Hommes, combattants, guerriers ». 25.11.

PIÉ. N.m. dans loc. VOIR A QUEL – ON DANCE : « Savoir ce qui se passe ». 28.4. (cf. note)

PITEUSEMENT. Adv. : « D’une manière pitoyable, pitoyablement ». 25.5, 26.4.

PLAIN. N.m. AU – DES CHAMPS : « En rase campagne ». 25.18

PLAINEMENT. Adv. 1. « Carrément ». 25.5, 28.7. – 2. « Violemment, avec impétuosité ». 25.19.

POETERINE. N.f. : graphie pour ‘poitrine’. 27.4. (cf. I, C. La langue de Lf)

POINT. 1. N.m. dans loc. adj. EN – : « Prêt, équipé ». 25.1, 25.19. – 2. EN BON – : « En bonne santé ». 25.18. – 3. N.m. dans loc. adv. A –: « Au moment opportun » 25.18, 28.8, 28.9. – 4. MECTRE A – : « Mettre dans l’état voulu » 28.1. – 5. SE TROUVER A – : « Être égal (?)». 28.4. – 6. AVISER SON – : « Voir l’occasion de (faire qqch.) ». 26.2.

POURSUIVRE. V.tr. : « Suivre ». 25.16, 25.19.

85

POVOIR. N.m., dans constr. A MON – : « Autant que je peux ». 25.1, 25.3, 26.4.

PREMIEREMENT. Adv. : « Auparavant » 25.6.

PRESENTEMENT. Adv.: 1. « Maintenant ». 25.10, 25.13, 26.5 (sur-le-champ), 28.4. – 2. « Aussitôt » 26.4 – 3. « À ce moment-là » 28.9.

PRESENTZ. Adj. : « En présence de ». 25.3. PRESENS 28.8

PRIVÉ. Adj., dans constr. ESTRE A SON – : « Se retrouver entre intimes, en cercle intime ». 28.10.

PRIVEEMENT. Adv. : « Intimement, familièrement ». 26.2.

PROPICE. Adj. : « Capable, apte ». 26.7.

PROPOS. N.m. : « Intention ». 25.14.

PUISSANCE. N.f.: « Force militaire». 25.14, 28.10, 28.11.

REGARD. N.m., dans loc. AU – DE : « Pour ce qui est de, quant à, en ce qui concerne ». 25.18, 26.2.

RIGOUREUX. Adj., dans constr. ESTRE – A QQN : « Être trop sévère à l’égard de qqn. ». 28.7.

ROUTE. N.f. 1. « Compagnie, troupe ». 25.16 – 2. dans constr. TOUTE DE – : « A la suite ». 25.16.

SAULT. N.m. « Endroit d’où l’on saute, le bord d’une précipice ». 25.7

SECOURS. N.m., dans constr. VENIR A(U) – DE QQN : « Venir à l’aide à qqn ». 25.11, 25.13, 25.21.

SEIGNEUR. N.m. : « Mari ». 27.4.

SEULET. Adj. : « Tout à fait seul ». 25.7.

SEMBLANT. N.m., dans constr. MONSTRER BEAU – : « Faire bon accueil ». 28.11.

SENTEMENT. N.m., dans constr. AVOIR LE – DE : « Avoir l’intuition, la sagesse de » 26.3.

SONGNEUSEMENT. Adv. : « Attentivement ». 27.5.

SORT. N.m. « Mauvaise pensée (?) » semble être un doublet avec „mauvaise ymaginacion‟. 25.19. (cf. note)

SOULLÉ. Part. passé. « Poussé sur le sol, abattu ». 25.6.

86

SOUVENTEFFOIS. Adv. : « Souvent ». 25.11.

TENIR. 1. V.tr.: « Interrompre ». 28.8. – 2. V.tr. – PARLEMENT : « Parler, s’entretenir ». 25.12, 27.3. – 3. V. pron. SE –: « Se tenir pour, se considérer comme ». 25.4. – 4. V. pron. SE –: « Rester, demeurer (en un lieu) ». 26.7. – 5. V. pron. SE –: « Résister ». 25.7. – 6. V. pron. SE – DE : « S’arrêter, se retenir ». 25.5, 26.8.

TENU. Part. passé, 1. dans constr. ESTRE – A QQN. : « Être redevable à qqn. ». 25.15, 26.1, 26.4. – 2. ESTRE – DE : « Devoir ». 26.2.

TERME. N.m., dans loc. adv. EN POU DE – : « Bientôt, sous peu ». 25.14.

TIRER (SE). V. pron., dans constr. SE – ARRIERE : « Se retirer, s’éloigner ». 25.2.

TOURNER. V.tr. dans constr. – A : « Changer (en pire)». 25.1, 27.4.

TRAHITEUSEMENT. Adv. : « Traîtreusement, par trahison ». 25.16.

UMBRE. N.f., dans constr. SOUBZ – DE : « Sous prétexte de, sous le couvert de ». 25.16.

VERSER. V. intr. : « Tomber ». 25.18.

VOYAGE. N.m. : « Mission ». 25.17, 28.5.

VRAY. Adj., dans loc. adv. au – : « Vraiment ». 27.1.

VRAYEMENT. Adv., dans constr. SI – QUE : « Véritablement ». 25.1, 25.4, 26.5, 27.4.

VULGAMMENT. Adv. : « Vulgairement, d’une façon vulgaire ». 28.5.

87

C. INDEX DES NOMS PROPRES

Pour composer cet index, nous nous sommes basée sur les ouvrages suivants :

- MOISAN, A., Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les œuvres étrangères dérivés, T.I : Textes français, Genève, DROZ, 1986.

- LANGLOIS, E., Table des noms propres de toute nature compris dans les chansons de geste imprimées, Paris, Emile Bouillon, 1904.

- VERELST,, PH., “Renaut de Montauban”, Édition critique du ms. de Paris, B.N.,fr.764 (R), Gand, 1988 (Rijksuniversiteit te Gent, Werken uitgegeven door de Faculteit van de Letteren en Wijsbegeerte, 175), pp. 981-1008.

- ROBERT, P., Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert VUEF, 2003.

Les noms sont répertoriés dans leur graphie la plus fréquente, d’après nous avons donné les variantes rencontrées dans notre extrait.

AIGREMONT (1) : Château, ville, seigneurie de Beuves d’Aigremont, lieu d’origine de Maugis. Cf. MAUGIS D’ 25.12 (2x), 25.13, 25.18, 25.19, 25.21(2x), 26.2, 26.6, 27.2, 27.5, 28.10.

AIGREMONT (2) : Cri de guerre de Maugis. 25.16, 25.17.

ALART : Frère de Renaud, Guishard et Richard, l’aîné des fils d’Aymon de Dourdonne. 25.5 (2x), 25.6 (2x), 25.7.

ALORY (DE MASCON): Homme de Charlemagne. 25.1, 25.10 (2x), 25.12, 25.14, 25.16, 28.8

ARDENNE : L’Ardenne, près de Bordeau. Cf. THIERRY D’ -. 25.4, 28.6.

AYMON (DE DOURDONNE) : Fils de Doon de Mayence, père de Renaud, Alard, Guishard et Richard, vassal de Charlemagne. Souvent dans l’expression filz Aymon. 25.1 (2x), 25.6, 25.7, 25.8, 25.9, 25.10, 25.11, 25.21, 26.1, 26.2 (2x), 26.6, 27.1 (2x), 28.1, 28.3 (2x), 28.4, 28.6 (2x), 28.8, 28.10.

BAVIERE : Province d’Allemagne du sud. Cf. NAYMON DE -. 28.6.

BAYART: Cheval fée, conquis par Maugis en l‟île de Boucquant et offert par Maugis à Renaud. 25.9, 25.17 (2x), 25.18, 25.20, 26.1.

BERARD (DE MONTDIDIER) : Fils de Thierri d’Ardenne, seigneur du lignage des Quatre fils Aymon, vassal de Charlemagne. 28.6.

BERENGIER: Homme de Charlemagne. 25.1, 25.10 (3x), 25.12, 25.14, 25.16.

88

BOURDELOIS : Région de Bordeau. 26.1, 27.1. BORDELLOIS 27.1.

BRETAIGNE : La Bretagne 28.6.

BROYEFORT : Cheval d’Ogier. 25.19, 25.20, 28.1.

BUILLON : Bouillon, château, terre, seigneurie dans les , domaine de la famille des ducs de Bouillon (Belgique, province de Luxembourg). Cf. GALERANT DE -. 28.6.

CHARLEMAINE : L’empereur Charlemagne, l’ennemi des fils Aymon. 25.1 (2x), 25.3 (2x), 25.4 (4x), 25.5, 25.8, 25.10, 25.13, 25.16, 25.19 (2x), 26.1 (2x), 26.2 (2x), 26.4, 27.6, 28.1 (3x), 28.2, 28.3, 28.5 (2x), 28.6, 28.7, 28.9 (2x), 28.10 (2x), 28.12.

CLARISSE : Sœur du roi Yon de Gascogne, épouse de Renaud. 26.1 (2x), 26.4, 26.8 (2x), 27.2, 27.3, 27.5.

DAMNEMARCHE : Le Danemark. Cf. OGIER DE -. 25.19, 25.20, 28.5. DANEMARCHE 28.8.

DANOIS : le Danois, l’épithète d’Ogier. 25.6, 28.10, DANNOIS 25.1.

DENIS (saint -) : Évangélisateur des Gaules. 28.3, 28.8.

DOON (1)(DE MAYENCE) : Père de douze fils, entre autres d’Aymon de Dourdonne, donc grand-père des Quatre fils Aymon. 28.6.

DOON (2) (DE NANTUEIL) : Fils de Doon de Mayence, chevalier du lignage des Quatre fils Aymon. 28.6, 28.7.

DOURDONNE : Château, ville, seigneurie d’Aymon et lieu de naissance des Quatre fils Aymon. Non identifiable. 25.9, 28.6.

DIEUX : Dieu 25.16, 28.13. DYEUX 25.7.

ESTOULT (DE LANGRES) : Baron de Charlemagne, appartient au lignage des Quatre fils Aymon. 28.6.

FLAMBERGE : Épée de Renaud, offerte à lui par Maugis. 25.7, 25.20.

FORTUNE : La Fortune. 27.2.

FOUQUES (DE MORILLON) : Traître du lignage de Ganelon, tué par Renaud. 25.6, 25.15, 25.16, 28.1 (2x), 28.2, 28.3, 28.8.

FRANCE : Empire de Charlemagne. 25.9, 25.19, 26.4, 28.2.

89

FRANÇOIS : Employé au pluriel. Les Français, les habitants de la France. 25.1, 25.7 (3x), 25.8, 25.17, 26.2, 28.11 (3x), 28.12.

FRISE : Province de Hollande, ou plutôt de l’ensemble des Pays-Bas.Cf. GONDREBEUF DE -. 28.6.

GALERANT (DE BUILLON) : Duc, baron de Charlemagne, appartient au lignage de Quatre fils Aymon. 28.6.

GASCONGNE : La Gascogne ; royaume du roi Yon. 25.21, 26.1, 27.1, 28.12.

GAUFFROY : L’aîné des fils de Doon de Mayence, seigneur de Damnemarche, père d’Ogier. 25.8, 25.9 (2x), 28.4.

GERARD (DE ROUSILLON) : Vassal de Charlemagne, oncle des Quatre fils Aymon. 28.6.

GONDREBEUF (DE FRISE) : Roi, vassal de Charlemagne, parent des Quatre fils Aymon. 28.6.

GUISHART : Frère de Renaud, Alard et Richard, le troisième fils Aymon. 25.6 (2x), 25.7 (2x), 25.15.

LANGRES : Langres (Haute-Marne) Cf. ESTOULT DE -. 28.6.

MASCON : Mâcon (Saône-et-Loire). Cf. ALORY DE - 25.10.

MARIE (sainte -) : La Vierge. 25.5, 25.17, 26.3, 28.7. MARYE 27.2.

MAUGIS (D’AIGREMONT) : Fils de Beuves, frère de Vivien, cousin et ami des Quatre fils Aymon et ennemi mortel de Charlemagne ; chevalier et larron enchanteur. 25.11, 25.12 (2x), 25.13, 25.14, 25.15 (2x), 25.16 (4x), 25.17 (2x), 25.18 (3x), 25.19, 25.20 (2x), 25.21 (2x), 26.1 (2x), 26.2 (2x), 26.6, 26.8 (2x), 27.1 (2x), 27.2, 27.3, 27.5, 28.8, 28.10.

MAYENCE : Ville d’Allemagne, sur le Rhin. Cf. DOON DE -. 28.6.

MONTAUBAN (1) : Château construit par Renaud sur un site qui lui avait été offert par le roi Yon de Gascogne. Il se trouve sur une roche. La localisation exacte pose un problème insoluble. À plusieurs endroits : cf. RENAUT DE -. 25.2, 25.11, 25.14, 25.15, 25.16, 25.17, 25.19, 25.20, 26.1 (2x), 26.2, 27.1 (4x), 28.1, 28.9, 28.10, 28.11, 28.13. MONT AUBAN 25.18

MONTAUBAN (2) : Cri de guerre de Renaud et des siens. 25.16, 25.17(2x).

MONTDIDIER : Montdidier (Somme) 28.6.

MORILLON : Lieu non identifiable. Cf. FOUQUES DE -. 25.6, 25.15, 28.1 (2x), 28.2.

90

NANTUEIL : Ville et seigneurie, probablement dans l’Est de la France. Cf. DOON (2) DE -. 28.6, 28.7.

NAYMON (DE BAVIERE) : Duc, principal conseiller de Charlemagne. Appartient au lignage des Quatre fils Aymon. 25.4, 25.20, 28.6.

NORMANDIE : Cf. RICHART (2) DE -. 28.6, 28.9, 28.10, 28.12.

OGIER (DE DAMNEMARCHE) : Duc, vassal de Charlemagne. Fils de Gauffroy de Damnemarche. Cousin des Quatre fils Aymon. 25.1 (4x), 25.2 (2x), 25.3 (2x), 25.4, 25.5 (3x), 25.6 (2x), 25.8 (3x), 25.9 (2x), 25.10 (2x), 25.11 (3x), 25.12, 25.12 (8x), 25.13 (3x), 25.14 (3x), 25.15 (2x), 25.16 (3x), 25.19 (4x), 25.20 (4x), 25.21 (2x), 27.1, 27.6, 28.1 (2x), 28.2, 28.3, 28.4 (4x), 28.5 (3x), 28.6 (5x), 28.7, 28.8, 28.9 (3x), 28.10, 28.10, 28.12 (2x).

OLIVIER : Comte, homme de Charlemagne. 28.9, 28.10. OLIVYER 28.9.

PIERRE (saint -) 25.19.

RAISON : Personnification. 28.8.

REGNAULT (DE MONTAUBAN): Fils d’Aymon de Dourdonne, frère d’Alard, Guishard et Richard, mari de Clarisse. 25.2, 25.3 (2x), 25.4 (3x), 25.5 (2x), 25.6, 25.7, 25.9, 25.12 (2x), 25.13, 25.14 (2x), 25.15 (2x), 25.16 (2x), 25.17 (3x), 25.18 (2x), 25.19 (3x), 25.20 (5x), 25.21, 26.1 (3x), 26.2, 26.4, 26.8 (3x), 27.1 (2x), 27.2, 27.3 (4x), 27.4 (3x), 27.5 (3x), 27.6 (3x), 28.1, 28.10, 28.11, 28.13.

RENYER (DE VANTAMIS) : Baron du lignage des Quatre fils Aymon. 28.6.

RICHARD (DE NORMANDIE): Duc, allié de Charlemagne. 28.6, 28.9, 28.10, 28.12.

RICHARDIN : Frère de Renaud, Alard et Guishard, le cadet des fils Aymon. 25.7 (5x), 25.8 (2x), 25.9, 25.18 (2x), 26.2, 27.1, 27.5 (5x), 27.6, RICHARD 26.8.

ROLLANT: Neveu de Charlemagne, considéré comme son meilleur chevalier. 28.4 (5x), 28.5 (3x), 28.6 (3x), 28.7 (2x), 28.8, 28.9 (2x), 28.11, 28.12 (3x), 28.13, ROLANT 28.10, ROLAND 28.10 .

ROMME : Rome. Cf. SAINT PIERRE DE -. 25.19.

ROUSILLON : Château et résidence de Gerard, près de la Seine. Cf. GERARD DE -. 28.6.

SALOMON (DE BRETAIGNE) : Baron du lignage des Quatre fils Aymon, vassal de Charlemagne. 28.6.

SARDANAPALUS : Roi assyrien, légendaire pour son luxe et sa débauche. 26.6, 26.7. 91

THIERRY (D’ARDENNE) : Duc, vassal de Charlemagne, parent des Quatre fils Aymon. 25.4, 28.6.

VANTAMIS : Lieu non identifiable. Cf. RENYER DE -. 28.6.

VAUCOULOUR (les plains de -) : Plaine non identifiable dans les environs de Montauban, théâtre d’un traquenard tendu aux Quatre fils Aymon en Gascogne. 25.15 ; Expression es plains de. 26.2, 28.1.

YON : Roi de Gascogne, résidant à Bordeaux, qui prit à son service les Quatre fils Aymon. Il donna sa sœur Clarisse en mariage à Renaud, et offrit à celui-ci le site de Montauban. Après avoir trahi les fils Aymon, il se repentit et s’enfuit à une abbaye. Plus tard, il aidera Renaud et ses frères à quitter Montauban, pour les mener à Trémoigne, une de ses seigneuries, qu’il cèdera à Renaud et à Clarisse. 25.16, 25.21, 26.1 (5x), 26.2 (4x), 26.3, 26.5, 26.6, 26.8 (2x), 27.1 (3x), 27.2, 27.3, 27.4, 27.5 (4x), 27.6 (2x), 28.3, 28.8 (2x), 28.9, 28.10 (3x), 28.11 (3x), 28.12 (3x), 28.13 (2x).

92

D. PARÉMIES

. Chose longement traynee ne peult a bonne perfeccion venir. (25.1)

. Fureur de prince fait tant a doubter que nul ne s’en doit tenir pour trop asseuré. (25.3)

. Qui sert il convient servir. (25.4)

. S’il y a du commun peuple (avecques eulx), vous savez qu’il n’y peult avoir nulle

sceurté. (25.11)

. Avecques les mauvaiz perdent souventefois les bons. (25.11)

. Amy pour amy veille. (26.1)

. Fuir comme la perdrix devant l’espervier. (27.5)

. Voir (bien) a quel pié on dance. (28.4)

. Faire aux folz leur follye comparer. (28.7)

93

E. BIBLIOGRAPHIE

1. BIBLIOGRAPHIES

BOSSUAT, R., Manuel bibliographique de la littérature française du moyen âge, Melun, Librairie d’Argences, 1951.

VERELST, Ph., „Renaut de Montauban‟, textes apparentés et versions étrangères : essai de bibliographie (nouvelle édition, revue et augmentée), dans , 18 (1993).

2. GRAMMAIRES

FOUCHÉ, P., Morphologie historique du Français. Le verbe, étude morphologique, Paris, Éditions Klincksieck, 1981.

HASENOHR, G., DE LAGE, R.G., Introduction à l‟Ancien Français, Paris, SEDES, 2003.

LANLY, A., Morphologie historique des verbes français. Notions générales, conjugaisons régulières, verbes irréguliers, Paris, Bordas, 1977.

e e MARCHELLO-NIZIA, Ch., Histoire de la langue française aux XIV et XV siècles, Paris, Bordas, 1979.

MÉNARD, Ph., Manuel du français du moyen âge. Syntaxe de l‟ancien français, sous la direction d’Yves Lefèvre, Bordeaux, Sobodi, 1976.

POPE, M.K., From Latin to modern French with especial consideration of Anglo-Norman. Phonologie and morphology, Manchester, Manchester University Press, 1934.

ZINK, G., Le Moyen Français, dans Que sais-je, Paris, Presses Universitaires de France, 1990.

94

3. DICTIONNAIRES

GREIMAS, A.J., Dictionnaire de l‟ancien Français, Paris, Larousse/VUEF, 2001.

GREIMAS, A.J. & KEANE, T.M., Dictionnaire du moyen Français, Paris, Larousse, 2001.

TOBLER, A., LOMMATZCH, E., Altfranzösisches Wörterbuch, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 10 vol., 1915.

GODEFROY, F., Dictionnaire de l‟Ancienne Langue Française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Paris, 1880-1901, 10 vol., Kraus Reprint, 1961.

ROBERT, P., Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaire Le Robert/VUEF, 2003.

4. RÉPERTOIRES DE PROVERBES ET TABLES DE NOMS PROPRES

STEFANO, G. DI, Dictionnaire des locutions en Moyen Français, Montréal, Éditions CERES, 1991.

STEFANO, G. DI, BIDLER, R.M., Les locutions en Moyen Français, Montréal, Éditions CERES, 1992.

LANGLOIS, E., Table des noms propres de toute nature compris dans les chansons de geste imprimées, Paris, Emile Bouillon, 1904.

MOISAN, A., Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les ouvrages étrangères dérivés, T.I : Textes français, Genève, DROZ, 1986.

95

5. ÉDITIONS CRITIQUES

NEGRI, A., L‟episodio di Vaucouleurs nelle redazioni in versi del « Renaut de Montauban ». Edizione diplomatico – interpretativa con adattamento sinottico a cura, Bologna, Pàtron Editore, 1996.

THOMAS, J., Édition critique du ms. Douce, Genève, droz, 1989.

VERELST, Ph., „Renaut de Montauban‟. Édition critique du ms. de Paris, B.N., fr. 764 („R‟), Gand, Universa, 1988. (Rijksuniversiteit Gent, Werken uitgegeven door de Faculteit van de Letteren en Wijsbegeerte, 175)

VERELST, Ph., “Mabrien”, Roman de chevalerie en prose du XVe siècle. Édition critique,

Genève, DROZ S.A., 1998 (Romanica Gandensia XXVIII).

6. CRITIQUE LITTÉRAIRE

PIRON, M., Le cheval Bayard, monture des Quatre Fils Aymon, et son origine dans la tradition manuscrite, dans Études sur „Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica

Gandensia XVIII), pp. 153-170.

THOMAS, J., Signifiance des lieux, destinée de Renaud et unité de l‟œuvre, dans Études sur

„Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica Gandensia XVIII), pp. 7-45.

THOMAS, J., Les Quatre Fils Aymon. Structure du groupe et origine du thème, dans Études sur

„Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica Gandensia XVIII, pp. 47-72.

THOMAS, J., La sortie de Bayard selon les différents mss en vers et en prose, dans Études sur

„Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica Gandensia XVIII), pp. 171-198

VERELST, Ph., Le personnage de Maugis dans „Renaut de Montauban‟ (versions rimées traditionnelles), dans Études sur „Renaut de Montauban‟, Gand, 1981 (Romanica Gandensia

XVIII), pp. 73-152. 96

VERELST, Ph., Vers une nouvelle édition du Maugis d‟Aigremont?, dans Les lettres romanes, Louvain, Université Catholique de Louvain, 2001.

7. ÉTUDES DIVERSES

DIRINGER, D., The illuminated book. Its history and production, New York, Washinton, Frederick A. Praeger, 1967.

DOUTREPONT, G., La littérature française à la cour des ducs de Bourgogne, Paris, Champion, 1909.

DOUTREPONT, G., Les mises en prose des épopées et romans chevaleresques du XIVe au XVIe siècle, Bruxelles, Palais des Académies, 1939 (Académie Royale de Belgique, Classe des

Lettres et des Sciences Morales et Politiques. Mémoires. XL).

GASPAR, C., LYNA, F., Philips de Goede en zijn Librije, Brussel, De Kunstkring, 1942.

HALKIN, L.E., La technique de l‟Édition – Conseils aux auteurs pour la préparation de leur copie et la correction des épreuves, 4e éd., Desclée De Brouwer, Paris, 1946.

LYNA, F., De Vlaamsche Miniatuur van 1200 tot 1530, Brussel, N.V. Standaard Boekhandel, 1933.

MARTIN, H., LAUER, Ph., Les principaux manuscrits de la Bibliothèque de l‟Arsenal à Paris, Paris, 1929, (Société française de reproductions de manuscrits à peintures).

OLSCHKI, L., Manuscrits français à peintures des bibliothèques d‟Allemagne, Genève, Leo S. Olschki, S.A., 1932.

OMONT, H., Catalogue général des manuscrits français. Ancien Saint-Germain français, t. III, n° 18677-20064, du fonds français, par L. AUVRAY et H. OMONT, Paris, Ernest Leroux, 1900.

97

THOMAS, J., Les mises en prose de „Renaut de Montauban‟. Classement sommaire et sources, dans Fin du moyen âge et Renaissance. Mél. de philologie française offerts à Robert Guiette, Anvers, De Nederlandse Boekhandel, 1961, pp. 127-137.

8. MÉMOIRES DE LICENCE INÉDITS DE GAND

DE SMEDT, A., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose (rubriques

XX-XIV [lire : XX-XXIV]), 2000.

DE VOS, E., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose (rubriques

VII-XIII), 1990.

GOUDESEUNE, F., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose

(rubriques XIV-XIX), 1996.

ROSSENEU, G., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose (rubriques

39-43 t. IV, 1 t. V), 1989.

VALLEZ, S., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose (rubriques 0-

VII [lire : 0-VI], 1983.

WEINBERGER, I., Édition critique d‟un fragment du „Renaut de Montauban‟ en prose

(rubriques 34-38 t. IV), 1989.

98

F. TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction

Avant-propos………………………………………………………………………………… II

A. Les manuscrits…………………………………………………………….. III 1. Description codicologique……………………………………… IV 1.1. Le manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Lf)…….. IV 1.2. Le manuscrit de l’Arsenal (Am)…………………….. VI 1.3. Le manuscrit de Pommersfelden (Pm)……………… VIII 2. Les illustrations dans Am et dans Pm…………………………… X

B. Rapports entre les manuscrits en prose : Lf, Am, Pm……………………... XIV 1. Les variantes graphiques……………………………………….. XIV 2. Les variantes lexicales…………………………………………. XIX 3. Les variantes morphologiques…………………………………. XX 4. Les variantes syntaxiques……………………………………… XXIII 5. Les additions par rapport à Lf………………………………….. XXIV 6. Les suppressions par rapport à Lf……………………………… XXV 7. Les erreurs……………………………………………………… XXVI 8. Conclusion……………………………………………………… XXVIII

C. La langue de Lf……………………………………………………………. XXIX 1. La graphie……………………………………………………… XXVII 2. Morphologie…………………………………………………… XXVII 3. Syntaxe………………………………………………………… XXIX

D. Rapports entre Lf et R…………………………………………………….. XXXIV 1. La comparaison………………………………………………… XXXIV 2. Remarques générales…………………………………………… XLV 2.1. Les amplifications…………………………………… XLV 2.2. La précision…………………………………………. XLVII 2.3. Les additions & les suppressions……………………. XLVIII 3. Remarques sur les autres versions rimées……………………… XLIX 3.1. Lf ↔ L, P, D, N, A, O, M, C, V………………….…. LI 3.2. Le manuscrit H………………………………………. LIV 4. Conclusion……………………………………………………… LV E. Analyse……………………………………………………………………. LVI F. Remarques sur l’établissement de texte………………………………….... LXII

II. Texte critique

Rubrique 25………………………………………………………………………………… . 2 Rubrique 26…………………………………………………………………………………. 32 Rubrique 27…………………………………………………………………………………. 47 Rubrique 28…………………………………………………………………………………. 55 A. Notes………………………………………………………………………. 72 B. Glossaire…………………………………………………………………… 79 C. Index des noms propres……………………………………………………. 87 D. Parémies……………………………………………………………………. 92 E. Bibliographie……………………………………………………………….. 93 F. Table des matières………………………………………………………….. 98 99