MOCHINAGA Tadahito (1919-1999) Maître Des Marionnettes
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MOCHINAGA Tadahito (1919-1999) Maître des marionnettes A plusieurs reprises, la France a invité l’un des maîtres de l’animation de marionnettes en stop motion, KAWAMOTO Kihachirô. Lors du Festival des Nouvelles Images du Japon au Forum des Images en 1999, puis en 2003, pour présenter le film Jours d’hiver avec entre autre TAKAHATA Isao, et plus récemment, le 29 octobre 2005, pour l’avant première de son 2ème long-métrage, Le Livre du mort. Ce fut l’occasion de mettre en lumière un pan de son travail, mais aussi de s’intéresser à cette discipline graphique très prisée au pays du bunraku. Dans le texte qui suit, nous vous proposons de découvrir le parcours d’un autre artiste de l’animation de marionnette, et non des moindres, puisqu’il s’agit du fondateur de celle-ci, et dont KAWAMOTO fut justement l’élève. Le parcours très diversifié de MOCHINAGA Tadahito s’inscrit dans l’Histoire du 20ème siècle et des relations que l’animation japonaise entretint avec d’autres pays. Tim BURTON (Les Noces funèbres) aura l’occasion de découvrir quelques-uns de ses travaux alors qu’il était tout juste âgé de huit ans. MOCHINAGA Tadahito est né en 1919 à Tôkyô, mais il vécut une grande partie de sa prime enfance en Mandchourie (province de la Chine alors sous la domination du Japon) où son père travaillait pour la Compagnie des chemins de fer du sud. Contrairement aux autres petits japonais, il connaîtra, en allant à l’école en terre mandchoue, des enfants issus d’une autre culture que la sienne et cela enrichira sa vision des relations humaines. Pendant un peu plus de dix ans, il fit ainsi des allers et retours entre le pays du soleil levant et le continent. Regagnant l’archipel en 1929, il découvre à Tôkyô le premier film de Mickey qui va fortement le marquer. Il entre ensuite au collège au Japon, et c’est alors qu’après avoir vu le film Water Babies (1935) de la série des Silly Symphony de DISNEY, il décide de devenir créateur de dessins animés. Ce petit film d’animation réalisé dans un superbe technicolor toujours aussi envoûtant (les premiers essais de la couleur au Japon datent de 1948, treize ans plus tard) jouait sur les teintes d’un étang et de la nature qui l’environne. La multitude de petits bébés animés ensemble sur de nombreux plans agira sur lui comme l’élément déclencheur de sa vocation. Ainsi, sur cette oeuvre, l’utilisation de la caméra multi-plane dont la fonction est de donner de la profondeur aux décors le passionnât à tel point qu’il l’utilisera un peu plus tard. Il découvrira également pendant cette période la technique du stop motion (elle consiste a filmer image par image des personnages en volume : marionnettes, patte à modeler...) avec l’Horloge Magique de Ladislas STAREVITCH qui l’impressionnera beaucoup, mélangeant acteurs réels et marionnettes. MIYAZAKI Hayao et KONDO Yoshifumi rendront d’ailleurs un petit hommage à ce film dans Mimi o sumaseba. Après le collège, il entre à l’Université des Arts de Tôkyô où il étudie pendant trois ans les différentes techniques du cinéma d’animation. En tant qu’élève, il y réalisera en 1938 son tout premier film sur cellulo qui s’intitule très explicitement Comment faire un dessin animé. Ces professeurs reconnaissent en lui son talent artistique et il sera très rapidement remarqué puis engagé dans le département animation de la Geijutsu Eiga-sha1. Il y effectuera alors en 1940 son tout premier travail professionnel. Sous la direction de SEO Mitsuyo2, il occupe le poste de décorateur sur le film d’animation Ahiru Rikusentai commandité par le Ministère de l’Education et mettant en scène une école de canetons. Les petits volatiles s’offraient les services du compositeur HATTORI Tadashi qui composera en 1945 la musique du film Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre de KUROSAWA Akira. Il poursuivra ses travaux l’année suivante avec SEO Mitsuyo, et toujours dans le cadre du Ministère de l’Education, sur le dessin animé Ari-chan, une histoire très poétique d’une fourmi transportée par la musique d’un violon joué par un cricket. C’est sur ce film de 13 minutes que sera utilisé pour la première fois au Japon la caméra multi-plane à quatre niveaux que MOCHINAGA concevra lui-même, et qu’il voulait mettre à profit depuis sa découverte. Puis la même année, le 7 décembre, le Japon entre en guerre avec l’attaque de Pearl Harbor. L’animation va alors adopter une position extrême de nationalisme et de propagande militaire, bien que cela avait déjà commencé depuis que le Japon occupait la Mandchourie. Même si les animateurs n’étaient pas tous d’accord, les studios de productions ne pouvaient que s’y soumettre. De nouveau sous la direction de SEO, il réalisera en 1943 des décors pour Momotarô no Umiwashi (Les aigles de mer de Momotarô). Ce film d’animation, d’une durée de 37 minutes, fut commandité par le Ministère de la Marine Impériale. Il mettait en scène Momotarô, personnage d’un célèbre conte, parodiant l’attaque de Pearl Harbor par l’intermédiaire de lapins assaillant l’Île des démons3. La musique fut composée par ITO Noboru qui signera trois ans plus tard celle du film Ceux qui bâtissent l’avenir de KUROSAWA Akira. L’année suivante, toujours dans la mouvance patriotique, il travaille sur la photographie et les décors d’un film qu’il dirige également. Fuku-chan no Sensuikan (Le Sous-marin de Fuku- chan) mettait en scène le personnage du manga de YOKOYAMA Ryûichi4, attaquant avec son submersible un cargo ennemi. Ce film, dont le héros était très célèbre à l’époque et qui connaîtra un grand succès (en 1982 fut notamment réalisée une série de 71 épisodes), sortira en novembre 1944 alors que le manque de nourriture commençait à se faire plus que ressentir. Une des scènes très marquantes pour les estomacs contrariés se déroule d’ailleurs dans la cuisine du sous-marin, où celle-ci est très fournie en divers aliments. L’acteur de comédie FURUKAWA Roppa (il joua entre autre à deux reprises sous la direction de NARUSE Mikio) participera à cette aventure en y interprétant une chanson, chose qu’il fit souvent tout au long de sa carrière. Ces films d’animation étaient des plus enthousiastes envers la nation militaire nipponne, malgré le fait que dans la réalité les défaites étaient de plus en plus nombreuses, comme déjà en 1943 et entre autre, à l’image emblématique du cuirassé Yamato qui fut torpillé et gravement endommagé. Dans la même période, et de l’autre coté de l’océan, le kryptonnien des frères FLEISCHER et quelques autres personnages de cartoon et de par le monde remplissaient la même mission patriotique. Triste utilisation d’un art que l’on nomme animation, venant du latin animae, et signifiant insuffler la vie. L’Empire du Milieu En 1945 la maison de MOCHINAGA ne résistera pas aux terribles bombardements de Tôkyô. Voulant prendre du repos après un travail qui l’a épuisé, il décide avec Ayako son épouse de partir en juin en Mandchourie. Choix pour lui des plus logiques, car ce pays a participé à son évolution personnelle et que de nombreuses structures japonaises y sont présentes5. Malgré le fait que beaucoup croient en la défaite de leur pays, le Japon persiste et MOCHINAGA décidera peut-être ainsi de prendre un nouveau départ malgré la folie destructrice qui l’entoure. Là-bas, à ChangChun, ville du printemps éternel et capitale de la Mandchourie (dirigée par l’empereur Pu Yi devenu le pantin des japonais), le studio Man-Ei (Manchuria Film Studio) régi par une équipe japonaise, fait appel à lui pour diriger son département d’art. A son arrivée dans cette entreprise qui comprend environ 2000 employés (japonais, chinois et coréens), il demandera que les conditions de travail soient les mêmes pour tout le personnel, qu’il soit ou non japonais, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il travaillera tout d’abord sur l’animation d’un documentaire sur l’agriculture en Mandchourie. Puis en août 1945, après la défaite du Japon, le studio Man-Ei revient aux chinois qui lui adopteront en octobre la nouvelle nomination de Tong Pei Film Studio (Les films du Nord-Est), pour définitivement prendre le nom en février 1955 de ChangChun Film Studio6. Les japonais de cette entreprise ont alors le choix de demeurer ici où de retourner dans leur pays. MOCHINAGA décidera de rester car il a beaucoup apprécié travailler avec les artistes locaux. Mais suite à la guerre civile entre nationalistes et communistes qui éclate en 1947, et l’attaque des nationalistes de TCHANG Kai-chek sur ChangChun (qui sera reprise en 1949 par l’armée de Libération de MAO), MOCHINAGA, comme tout le staff, doit abandonner le studio. Ils recréeront le Tong Pei Film Studio plus au nord, dans la ville minière de Hao Gang où MOCHINAGA réalisera alors son tout premier film avec des marionnettes, Le Rêve de l’Empereur, qui fut aussi le premier film chinois utilisant cette technique. Au départ de ce projet, il désirait filmer des marionnettes en temps réels, mais il opta ensuite pour une animation image par image. Il mettait en scène sur une durée de 35 minutes, TCHANG Kai- Chek vêtu comme un empereur dans un Opéra de Pékin, prononçant ainsi son rôle de pantin de l’Amérique, celle-ci soutenant les nationalistes. Sa femme Ayako, qui était aussi son assistante, s’occupera également de la garderie pour les enfants du personnel.