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BRIAN N. MORTON DONALD C. SPINELLI BEAUMARCHAIS CORRESPONDANCE TOME IV (1778) EDITIONS A. - G. NIZET PARIS 1978 © 1978, by Librarie A. -G. Nizet, Paris INTRODUCTION Rassembler, commenter et éditer une correspondance aussi vaste que celle de Beaumarchais peut parfois devenir une tâche écrasante lorsque l’on est seul à l’assumer ; de là le retard consi- dérable apporté à la publication de ce quatrième volume, retard pour lequel je vous prie de m’excuser. Fort heureusement, j’ai découvert tout récemment un co-éditeur en la personne du Pro- fesseur Donald C. Spinelli, et tous deux, nous partageons main- tenant l’espoir de poursuivre cette entreprise littéraire plus rapi- dement que par le passé. Dans le présent volume de la correspondance de Beaumar- chais, on trouvera un certain nombre de lettres inédites et de grand intérêt de la main de Théveneau de Francy, le secrétaire de Beaumarchais. Francy, qui aimait à se définir lui-même comme un « journaliste », a séjourné en Amérique durant l’année 1778 et ses lettres nous permettent d’entrevoir, pour la première fois, divers aspects de l’existence de Beaumarchais dans ce pays. Ces lettres ont été extraites du carnet de correspondance de Francy, seul document que nous ayons eu à notre disposition. Elles ne sont naturellement ni aussi complètes, ni aussi précises que l’auraient été les écrits originaux. L’une des difficultés que nous avons rencontrées dans l’étude de ces lettres a été la fréquenle mention de sommes d’argent, où les sommes sont indiquées mais pas les devises. Il nous a donc été difficile de déterminer avec certitude si ces chiffres ren- voyaient aux différentes monnaies locales américaines, aux dol- lars espagnols, aux livres britanniques, ou aux livres tournois françaises. Pendant la Guerre d’Indépendance, la monnaie amé- ricaine variait d’un Etat à l’autre et sa valeur était établie par 8 CARON DE BEAUMARCHAIS rapport à la livre sterling ; c’est ainsi que les livres de Virginie différaient de celles de Pennsylvanie. D’autre part, toutes ces monnaies locales fluctuaient de mois en mois selon leur dépré- ciation. Dans une lettre pour la France adressée à Vergennes, le ministre Gérard annonce le montant de ses dépenses à Phila- delphie en « dolars » (dollars espagnols) convertis ensuite en livres de Pennsylvanie, puis en livres sterling, et enfin en livres tournois. Aussi, lorsqu’une somme, telle que 3 450 jf, figure dans le carnet de Francy, nous la reproduisons simplement sous sa forme numérique. Nous voudrions insister à nouveau sur le caractère non-exhaus- tif de notre édition de la correspondance de Beaumarchais. Comme tous les critiques spécialistes de Beaumarchais le savent, il est impossible, à l’heure actuelle, d’offrir l’intégralité de cette correspondance. Nous avons réuni dans notre ouvrage toutes les lettres que nous ayons pu nous procurer, tout en sachant fort bien qu’il en existait vraisemblablement bien d’autres encore. C’est ainsi qu’on a vendu à Paris, le 17 juin 1970, en l’Hôtel George V quelque deux cents lettres adressées ou reçues par Beaumarchais. II nous a malheureusement élé impossible d’ob- tenir les copies de ces lettres ; en nous référant au catalogue de la vente, nous avons seulement pu apprendre qu’elles cou- vraient les années 1776 à 1793. Dans la mesure du possible, nous avons conservé l’orthographe d’origine. Toutefois, il est des cas où nous n’avons pu avoir accès à la lettre originale ; nous avons alors eu recours à une version modernisée de son texte. Toutes ces sources apparaîtront dans notre dernier volume. 624. A M. de Vergennes Paris, ce 1er janvier 1778. Monsieur le Comte, Je me hâte de vous apprendre qu’un nouvel exprès envoyé par Lord North est arrivé hier a Paris. On ne l’a pas perdu de vue depuis son départ de Londres. Il a ordre d’ebranler la députation a quelque prix que ce soit1. Peut etre mesme est il porteur du sauf conduit du Roi dont je vous ai parlé ! On le croit du moins. C’est le cas ou jamais de crier tu dors Brutus. Mais je suis bien sur que vous ne dormés pas : de votre coté vous voyés que je ne veille pas mal non plus. Soyés certain aussi que les ministres anglais ne contiennent le ressentiment universel qu’en assurant tous leurs amis, qu’ils travaillent sincérement a la paix de l’Amérique et qu’il vaut autant pour la nation qu’ils la fassent que les Lords Chatam et etc., etc. 1. Il s’agissait de Paul Wentworth, américain, travaillant pour Londres. Le 3 décembre 1777, la consternation régna à Londres avec l’arrivée de la nouvelle de la défaite à Saratoga. Dix jours plus tard, Wentworth était envoyé à Paris pour offrir à la délégation américaine (Franklin, Deane, Lee) de nombreuses concessions. Les Anglais cher- chaient à tout prix à empêcher les Américains de signer un accord avec les Français. Franklin savait très bien que Vergennes était au courant de la présence de Wentworth à Paris et il fit attendre Went- worth trois semaines ne consentant à le voir que le 6 janvier 1778. Le vieux docteur n’hésita pas à utiliser les offres de l’Angleterre pour faire pression sur les Français. Voir lettre # 619. 10 CARON DE BEAUMARCHAIS Le roi d’Angleterre a promis au Lord Germaines de sacrifier Burgoine et de le soutenir ; mais le peuple et l’opposition sou- tiendront ce dernier, et son arrivée et la rentrée décideront tout, si tout n a pas eté décidé avant ce moment2. Ainsi la paix avec l’Amérique parait absolument résolue voila ce que l’on m’écrit tres expressément et c’est a la suite du nouvel agent d’Angleterre que m’arrivent ces notions. Quant a moi, l’on m’apprend par la mesme voie que le minis- tére de France a fait remettre aux Américains ici des secours en argent par Mrs Grand 3. Que les ministres anglais le savent de bon lieu et que je suis éconduit ce qui dit-on ne fache personne en Angleterre, je le crois. Donc j’ai perdu le fruit des plus nobles et incroyables travaux par les soins mesmes qui mènent les autres a la gloire. Je m’en suis douté plus d’une fois aux choses étranges qui m’ont frappé les yeux dans la conduite des Américains avec moi. Misérable prudence humaine ! tu ne peux sauver personne quand l’intrigue s’acharne a nous perdre ! Monsieur le Comte. Vous etes un des hommes sur l’equité duquel j’ai toujours le plus compté. Vous n’avés pas mesme refusé quelquefois de l’estime et de la bienveillance a mon zèle actif. Avant que je perisse comme negotiant je demande a etre pleinement justifié comme agent et négotiateur. Je demande a rendre mes comptes afin qu’il soit bien prouvé que nul n’aurait pu faire autant avec aussi peu de moyens et a travers tant de contrariétés. 2. Lord George Germain, secrétaire d’état aux colonies américaines, était accusé par l’opposition parlementaire d’être responsable de la défaite de l’armée anglaise à Saratoga. Cependant le ministre sut convaincre le gouvernement que c’était la faute du commandement lui-même, le Général Burgoyne, laissant toute son armée prisonnière, Burgoyne retourna en Angleterre où sa disgrâce fut confirmée. Il perdit son commandement. Sa requête de comparaître devant un tri- bunal militaire fut refusée. Plus tard avec le retour au pouvoir de ses amis parlemantaires, il reçut le grade do Colonel. « Gentleman Johnny » comme on l’appelait, termina sa vie à Londres, où il connut un certain succès comme écrivain et dramaturge. 3. Effectivement les Américains allaient recevoir trois millions de livres en espèce de Louis XVI. Grand était leur banquier. CORRESPONDANCE 11 Il est certain que cet été Mr le Cte de Maurepas me permit d’ache- ter et d’envoyer des fusils en Amérique et me promit que lors- qu ils seraient partis, il me les ferait rembourser en argent ou remettre en nature, parcequ il craignait alors l’indiscretion de ce qui tenait a Mr de St Germain. Je les ai achétés fait partir et donné en paiement mes effets qui vont écheoir et cependant Mr le Cte de Maurepas semble avoir oublié sa promesse. Cet article et l achat et chargement de mon vaisseau de Rochefort m’arriè- rent de plus de 800. m. £.4 Par l’incroyable retenue de mon vaisseau dans le port, chacun me regarde comme perdu et tout le monde me demande son argent. Cependant prèt a périr faute de pouvoir partir et payer la teste ne m’échape point encore : Vous en avés pu juger par l’ou- vrage froid et raisonné que je vous ai remis samedi. Mais j’avoue que je suis au bout de mon courage et de mes forces, par l’assu- rance que je reçois d’Angleterre que Mrs Grand se sont emparés d’une confiance que j’avais cru tant méritée. Cela me flétrit le cœur. J’ai rempli le plus épineux des devoirs ; il faut que je prouve que je l’ai bien rempli ; et c’est en rendant mes comptes que cette vérité doit éclatter. Après cela s il faut déposer mon billan aux consuls et m’en- fuir que Dieu me conduise ! Il sera bien prouvé alors que le Roi a perdu un bon serviteur, mais les evenemens ni les hommes n’auront eu le pouvoir de me deshonorer. Mais laissons cela pour aujourd’hui. Un agent arrivé d’Angle- terre est bien plus important que la perte ou le soutien d’un particulier comme moi.