Région 4 0 ALSRedaction TTE @lalsace.fr MERCREDI 30 SEPTEMBRE 2015

Fondé en 1979, le club Les amateurs de Mathis continue, par des rassemble- Émile Mathis a été associé en affaires avec un certain avec qui il Une luxueuse Mathis devant la partie de la villa qui a fait l’objet d’une ments, à faire vivre la marque. DR partageait la passion de la course automobile. DR extension en 2013 et accueille désormais la réception. DR

PATRIMOINE Émile Mathis, réhabilité en sa villa Hôtel-restaurant réservé aux groupes sur les hauteurs du Hohwald, la Villa Mathis accueille désormais une exposition permanente retraçant la vie et l’œuvre de l’industriel strasbourgeois. Peu connu parce que la marque n’a pas résisté à la crise économique puis à la Deuxième Guerre mondiale, Émile Mathis fut pourtant un grand constructeur automobile.

Textes : Laurent Bodin

Émile Mathis (1880-1956) fut un industriel atypique. L’œuvre qu’il laisse l’est tout autant, notam- ment cette villa, baptisée Oura- gan, qu’il fait construire entre 1928 et 1930 au col du Kreuzweg, au Hohwald.

« Luxueuse et moderne pour l’époque, avec des chambres qui possèdent toutes des douches à jet, cette maison de 1 600 m² était dédiée à la vie mondaine. Il y accueillait, avec sa femme, des hôtes de marque issus de la politi- que, des arts et de l’industrie », raconte Catherine Comau. Cette jeune femme dynamique est la propriétaire de la Villa Mathis qu’elle a rachetée avec sa mère, Marcelle Latour, en 2006. Depuis, elle a procédé à une extension et en a fait un hôtel-restaurant spé- cialisé dans l’accueil des groupes, que ce soit pour des séminaires Construite entre 1928 et 1930, la Villa Mathis, au col du Kreuzweg, au Hohwald, est désormais un hôtel-restaurant dédié aux groupes, que ce soit des séminaires, Catherine Comau dans l’escalier mo- d’entreprises ou des mariages. des mariages ou des passionnés de voitures automobiles. Photo L’Alsace/Thierry Gachon numental de la villa. Photo L’Alsace/T.G. « Cette maison où l’on parle affaires en même ter une exposition permanente la salle à manger où apparaît la aviateur, constructeur d’avions, refaire chacune des 27 chambres a une histoire » temps qu’on y festoie. « Cette sur Émile Mathis », indique Ca- carte de France en surimpression de moteurs divers, de véhicules sur un thème différent. Toujours maison a une histoire. Des choses therine Comau, gérante non sala- et les concessions Mathis à tra- utilitaires et industriels et un avec l’ambition de faire revivre Comme en 1938, à l’époque où extraordinaires s’y sont dérou- riée de la Villa qui emploie six vers le pays dans les années 30, le communicant avant l’heure. cette maison comme à la Belle Émile Mathis accueillait le minis- lées, de par la volonté d’un hom- salariés permanents pour un chif- visiteur découvre, en ces murs, Époque. Celle des fêtes organi- tre britannique des Transports, me lui-même extraordinaire. C’est fre d’affaires annuel de 600 000 €. l’histoire d’Émile Mathis, conces- Cette exposition est aussi une sées par Émile Mathis qui réson- Leslie Hore-Belisha, la Villa Ma- pour rendre cette histoire accessi- sionnaire devenu constructeur première étape pour Catherine naient à travers tout le val de this est donc redevenue un lieu ble à tous que j’ai souhaité mon- Au-delà du gigantesque miroir de automobile mais aussi coureur et Comau qui, à terme, envisage de Villé.

Repères

Un industriel hors du commun • 1880 : naissance le 30 mars à Strasbourg. Émile Mathis a connu son apogée dans les Années folles, après la Première Guerre mondiale, mais son incroyable histoire commence bien plus tôt. • 1898 : après six ans en Angle- terre, rentre en Alsace et fonde Rien ne prédestinait ce fils d’hôte- sionné : Ettore Bugatti. Il participe à soires : il fait construire l’Auto Ma- une entreprise de vente et de liers strasbourgeois à devenir le qua- des compétitions automobiles et this Palace, 23-25 rue Finkmatt à réparation automobile. trième constructeur automobile s’associe avec lui de 1904 à 1906 Strasbourg. Le bâtiment marque les • 1901 : rencontre avec Ettore français lorsque, à peine âgé de 12 pour développer de nouvelles voitu- esprits, notamment en raison de son Bugatti. ans, il embarque pour l’Angleterre. res : les Hermès sous licence Bugatti. monte-charge pour exposer les véhi- • 1911 : construction d’une cules sur le toit terrasse ! Il devient le usine à la Meinau d’où sortent, en novembre, les premières Parti pour faire son apprentissage en En 1905, représentant des grandes plus grand garage d’Europe et le troi- voitures Mathis, type « Ba- hôtellerie, il revient, en 1898, avec le marques de l’époque (, sième du monde. by ». projet d’ouvrir une concession auto- et Levassor, Minerva…), il devient • 1920/1934 : l’usine Mathis mobile. Il représente la marque De une référence et doit très vite trouver Il sera revendu en 1911, date à la- produit 90 000 voitures et véhi- Dietrich et y rencontre, en 1901, un un nouveau local pour ses activités quelle Émile Mathis s’oriente vers la cules utilitaires, devenant ain- jeune autodidacte talentueux et pas- de garage, d’exposition et d’acces- construction de véhicules de sa pro- si le quatrième constructeur automobile français (derrière pre marque. Avec une stratégie qui , et ). diverge de son ami Bugatti : Mathis Elle emploie 3 000 salariés. mise sur la production de masse, y • 1934/1938 : association avec compris avec des véhicules utilitai- Ford et création de la . res, tandis que son confrère de L’histoire d’Émile Mathis est désormais exposée dans la villa qu’il avait fait • 1940/1946 : réfugié aux États-Unis, il crée la société Molsheim vise la performance par le construire au Hohwald. DR Matam spécialisée dans la fa- haut de gamme. brication d’obus. miers véhicules à l’automne 1911. Malheureusement, la crise de 1929, • 1953/1956 : liquidation judi- Usine d’obus Après guerre, il en sortira 90 000, de ajoutée à l’échec de sa tentative ciaire des sociétés Mathis. à New York 1920 à 1934. d’implantation aux États-Unis et, en- • 1956 Émile Mathis décède le fin la guerre entraînent le déclin de 3 août à Genève. Pour lancer son activité industrielle, Mondain, très bon communicant, l’empire Mathis. Lequel parvient EN SAVOIR PLUS Émile Mathis doit construire une usi- Émile Mathis n’a rien du patron pa- tout de même à créer à New York, en La référence est le livre écrit ne. Son choix se porte sur un grand ternaliste incarné par certains de ses 1940, une usine qui produira par Pierre Haas, Emile Ma- terrain dans la nouvelle zone de la confrères. C’est par la rémunération 220 millions d’obus durant la guerre, this, passionnément automo- « Metzgerau », au sud de Stras- qu’il s’assure de la fidélité de ses sa- achevant de se construire une incon- bile, publié en 2013 aux Émile Mathis a employé jusqu’à 3 000 personnes dans son usine de la Meinau à bourg. L’usine de la Meinau, au 200 lariés, dont le nombre monte à 3 000 testable statue de capitaine d’indus- éditions Vent d’Est (10 €). Strasbourg. DR route de Colmar, produit ses pre- dans l’entre-deux-guerres. trie. IRE04