Benin) : Une Nouvelle Problematique Fonciere
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ACCAPAREMENT DES TERRES RURALES DANS LA COMMUNE DE TCHAOUROU (BENIN) : UNE NOUVELLE PROBLEMATIQUE FONCIERE ABOUDOU Y. M. A. Ramanou , GNELE José Edgard et ABDOULAYE Abdoul Rasmane, Département de Géographie et Aménagement du Territoire, Faculté des Arts et des Sciences Humaines, Université de Parakou RÉSUMÉ L’étude sur la problématique de l’accaparement des terres rurales dans la commune de Tchaourou (Borgou/Bénin) permet aux acteurs locaux d’appréhender les contours de la question et surtout d’anticiper sur les réponses possibles à apporter en vue de la maîtrise de la situation. Elle vise à décrire et analyser les manifestations et les conséquences du phénomène. Pour cela, il a été nécessaire de recourir à la documentation, la collecte de données sur le terrain au moyen de la méthode accélérée de recherche participative (MARP), puis au traitement et à l’analyse des résultats à l’aide de la méthode SWOT, et enfin à un essai de cartographie. Il résulte de cette étude que le phénomène d’accaparement des terres rurales de la commune de Tchaourou est le fait d’une multitude d’acteurs (administration, élus locaux, propriétaires terriens, acquéreurs, etc.) natifs (20 %) et ou étrangers (70 %). En effet, se fondant sur l’achat comme mode dominant d’acquisition des terres (50,77 %) et sur la précarité dans laquelle végète la population, la tendance au bradage des terres par les paysans se trouve stimulée, notamment dans les arrondissements de Sanson et de Tchatchou en raison de leur proximité avec la ville de Parakou. Contrairement à l’intention initialement déclarée par les acquéreurs, 95 % des terres ainsi acquises sont soustraites à toute forme d’exploitation, les soumettant ainsi à la thésaurisation plutôt qu’à un développement prospectif. Mots clés : accaparement, terres rurales, foncier, Tchaourou, Bénin. ABSTRACT Rural land grab in the district of Tchaourou (Benin): a new land issues The study about the problematic of monopolizing of the rural lands carried out in the administrative district of Tchaourou (Borgou/Bénin) allows the stakeholders to apprehend the contours of the question and chiefly anticipate the possible responses to bring about in order to master the situation. For this reason, the study takes into account the documentation, data collection on the field owing to the accelerated method of participatory research (MARP), followed by the processing and the analysis of the results thanks to the SWOT method backed up by a geographical test. Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 04, Sept. 2015, Vol. 2 65 ACCAPAREMENT DES TERRES RURALES DANS LA COMMUNE DE TCHAOUROU (BENIN) It results from this study that the phenomenon of monopolizing of the rural lands of the administrative district of Tchaourou is the fact of a number of native stakeholders (administration, local authorities, landowners and buyers) 20 % and or strangers 70 %. In effect, basing on the purchase as prevailing means of acquisition of lands in this administrative district (50,77 %) and on the precariousness in which vegetates the population, the tendency to selling dirt cheap of the lands by the peasants is mainly stimulated in the administrative districts of Sanson and Tchatchou because of their closeness to the town of Parakou with thousands hectares already engulfed Contrary to the declared initial intention by the buyers, 95 % of the lands then acquired are not subjected to any form of exploitation, submitting then to hoarding rather than a prospective development. Key words: Monopolizing, Rural lands, Tchaourou, Benin. INTRODUCTION Dans les pays en voie de développement, la terre constitue la seule source de richesse et joue un rôle important dans l’épanouissement socio- économique de la population (Azon, 2008). En Afrique au sud du Sahara, l’accès au foncier est basé à la fois sur les régimes moderne et coutumier. Aussi, ce dernier est-il axé sur les valeurs et normes de chaque groupe social (Igué, 1995). Toutefois, dans un nombre de plus en plus important de régions, ces régimes ont connu, au cours des dernières décennies, des changements significatifs à cause de la forte poussée démographique, d’une migration galopante ainsi qu’une augmentation soutenue de l’effectif des actifs agricoles (Zogo, 2006). Au Bénin, l’augmentation de besoins d’espaces résulte de l’attachement à la propriété foncière car pour tout Béninois qui travaille à l’intérieur du pays ou à l’étranger, avoir un terrain est un signe de réussite sociale (Mondjannangni, 1977). Ainsi, la terre est perçue comme un instrument de développement socio-économique et devient l’objet de convoitise. Elle subit des attaques successives, des transactions diverses et parfois frauduleuses, des revendications, des contestations de propriété (Lavigne Delville et al., 2002). Jadis, les immigrés n’éprouvaient pas de difficultés pour s’installer et pour trouver des terres à exploiter, car, les autochtones se montraient généralement bienveillants et hospitaliers. Mais, la cupidité et l’esprit égoïste de certains ont engendré des tensions foncières et une méfiance entre les différents acteurs fonciers (Gahoungo, 2006). Dès lors, il est clair qu’on ne peut concevoir le développement d’une localité sans une bonne gestion du foncier. Certes, à Tchaourou, les problèmes fonciers ne sont pas les mêmes que dans les autres communes. Néanmoins, certaines Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 04, Sept. 2015, Vol. 2 66 ABOUDOU Y. M. A. Ramanou , GNELE José Edgard et ABDOULAYE A. Rasmane pratiques en matière d’occupation et d’utilisation des terres conduisent à leur émiettement et diverses conséquences, notamment en milieu rural. La meilleure expression de ce phénomène se traduit par l’hétérogénéité du paysage végétal avec des parcelles portant de maigres cultures, d’une part et l’apparition de grandes et de nombreuses plaques indiquant le nom de l’acquéreur ou du propriétaire et l’étendue approximative dudit domaine, d’autre part. C’est le phénomène d’accaparement des terres rurales dont l’ampleur ne cesse de s’accroître dans la commune de Tchaourou. La présente vise à élucider dans ladite commune, comment se manifeste le phénomène, quels en sont les acteurs et les impacts ? A cet effet et pour mieux appréhender les contours de la question, il a été présenté le milieu d’étude, la méthodologie utilisée, puis les principaux résultats obtenus à travers successivement, les modes d’accès au foncier dans le milieu, les fondements dudit phénomène, les acteurs qui en sont responsables, ses impacts et enfin quelques approches de solutions. 1. SITE ET APPROCHE METHODOLOGIQUE 1.1. Milieu d’étude La commune de Tchaourou est située en latitude entre 8° 40’ et 9° 40’ N, et en longitude entre 2° 02’ et 3° 08’ E. Elle est limitée au nord par les communes de Parakou, Pèrèrè et N’Dali, au sud par la commune de Ouessè, à l’est par le Nigeria et à l’ouest par les communes de Bassila et Djougou. Elle s’étend sur une superficie de 7.256 km2, soit 28 % du département du Borgou auquel il appartient et environ 6,5 % du territoire national. Elle est divisée en 7 arrondissements organisés en 36 villages ou quartiers de ville (figure 1). La commune de Tchaourou est située dans la pénéplaine cristalline allant de Dan (sud) à Kandi (nord), a un relief modéré constitué de plaines et de plateaux surmontés par endroits de monticules culminant parfois plus de 300 m d’altitude. Elle est soumise à l’influence du climat sud-soudanien uni- modal caractérisé par une saison sèche et une saison humide avec des totaux pluviométriques annuels de l’ordre 1100 à 1200 mm. Cette répartition pluviométrique, combinée à la diversité des sols (ferrugineux tropicaux, ferralitiques et hydromorphes), favorise d’une part, une diversité de cultures (dont l’igname, le manioc, le maïs) et d’autre part, le développement des essences végétales dominées par Parkia biglobosa, Vitellaria paradoxa, Daniella oliveri, Tamarindus indica, Khaya senegalensis, Afzelia africana qui en déterminent le type de végétation. Ces conditions naturelles expliquent par ailleurs, le fait que le milieu d’étude soit l’une des destinations privilégiées des transhumants peulhs en provenance du nord du pays ou des pays voisins (Niger, Burkina Faso, Nigeria). Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 04, Sept. 2015, Vol. 2 67 ACCAPAREMENT DES TERRES RURALES DANS LA COMMUNE DE TCHAOUROU (BENIN) Figure 1 : Situation de la commune de Tchaourou Avec une population de 221.108 habitants dont 91 % de ruraux (INSAE, 2013) et une densité d’environ 15 hbts/km2, la commune compte plusieurs groupes socioculturels dont les plus dominants sont les Baatombu (34,2 %), les Peulh (18,9 %) et les Nago (15,8 %) auxquels s’ajoutent quelques minorités (Otamari, Yom-Lokpa, Fon, Adja). C’est ce potentiel démographique qui impulse la dynamique foncière dans le milieu. Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 04, Sept. 2015, Vol. 2 68 ABOUDOU Y. M. A. Ramanou , GNELE José Edgard et ABDOULAYE A. Rasmane 1.2. Méthodologie La méthodologie adoptée s’articule en 3 étapes dont la collecte des données, le traitement des données et l’analyse des résultats. La collecte des données regroupe, outre la recherche documentaire, les travaux de terrain ainsi que ceux de laboratoire. En effet, il a été effectué, dans les 7 arrondissements de la commune, des enquêtes auprès des populations sur la base d’un échantillon de 215 personnes diversement constitué et représentatif, suivant un taux de 5 %. Au total, 21 villages sur les 36 que compte la commune ont été parcourus à raison de 3 par arrondissement, soit un taux de couverture de 58,33 %. Aussi, la Méthode Accélérée de Recherche Participative (MARP) qui place les acteurs de développement au cœur de la recherche a-t-elle été utilisée. Par ailleurs, les 7 chefs d’arrondissement (CA) ainsi que certains acteurs clés du service en charge des affaires domaniales de la mairie ont été interrogés au moyen de guides d’entretien.