Décembre 190$ ire Année *N° n Mardi 29

LE CREPUSCULE DES Dî EUX (s«„e>

Deuxième acte. voir les fiancés. Au son de la fanfare des Gibichungen, voici Gunther débarquant Devant le palais des Gibichungen, une Brùnnbilde pâle les baissés. plage descend le fleuve trois autels avec et yeux vers ; A la de Siegiried, près duquel tient s'élèvent l'un à Donner, l'autre àTreya, vue se " : Gutrune, la Walkyrie prise de troisième, le plus grand, à Wotan. est terreur un tandis à l'orchestre l'interro- C'est la nuit; Hagen, la lance bras, et que passe au gation du thème de la Destinée (xm), son bouclier dressé contre lui est assis et des dort, la tête appuyée sur l'une co- Xlll lonnes du burg. Le thème triste de l'an- neau passe aux violons. La lune se lève, elle éclaire vivement Hagen auprès du- quel on distingue le gnome Alberkh accroupi, les bras sur les genoux du dor- meur. Le nain fait jurer à son fils de XIII.— Thème de la Destinée reconquérir l'Or, volé jadis par lui aux elle tombe à demi évanouie dans les bras filles du Rhin, et que Siegfried détient de celui qui l'a trahie et qui ne la recon- maintenant, puis il disparaît tandis que naît plus. Elle voit à son doigt l'anneau, grandit.la clarté de l'aurore. gage de son amour. Elle comprend alors Descendantle fleuve, Siegfried arrive que ce n'est pas Gunther qui a traversé joyeux. Le Tarnhelm magique l'a trans- les flammes. La malédiction d'Alberich porté en un instant de la.Roche du Som- (111) résonne, tandis qu'ardemment elle meil au Palais de Gibich. Il fait à Gutrune interroge le héros. Celui-ci ne peut rien de accourue à sa voix le récit sa victoire répondre : l'anneau, dit-il, ne vient pas sur Briinnhilde livrée à Gunther. d'unefemme, je l'ai conquis en tuant un Hagen sonnant de la trompe appelle dragon. Il avoue bien avoir traversé le aux armes les guerriers. Ceux-ci se préci- feu pour chercher Brùnnhilde et l'amener pitent en foule. Il leur annonce les noces à Gunther, mais cette femme il ne l'aima de Gunther. On prépare tout pour rece- jamais. Il ne la connaît pas, il en fait RlîVUlï MUSICAL!-: Dl; LYOK serment sur sa lance. « Laisse en paix et égrène les notes constitutives : tonique, calme la sauvage fille du Roc, dit-il à Gun- médiante, dominante, de l'accord parfait ; ther, que sa farouche humeurs'apaise », successivement les sept autres cors répon- et entraînant avec lui Gutrune et les dent, enchevêtrant leurs sons, jusqu'à ce guerriers, il pénètre joyeusement dans que s'élève, sur leurs tenues et les gammés la salle où le festin est préparé. des violoncelles, le motif des filles du Brûnnhilde est restée seule avec les Rhin (vu) proposé par les hautbois et les deux frères. Hagen lui propose de la ven- clarinettes : cors et trompes alternent en- de la ger de Siegfried : « Un seul regard core, au loin, sur scène, avant que le ses yeux pleins de flammes, anéantirait thème des filles du Rhin ne passe aux toute ta force, répond-elle, et nul ne peut cordes, puis de nouveau, aux bois. de elle le vaincre. » Pressée questions, Woglinde, Wellgunde et Elosshilde raconte que par des charmes elle l'a émergent, décrivant dans le Rhin, des rendu invincible. En un seul point l'épieu cercles, et formant une sorte de ronde. pourrait l'atteindre : sachant que jamais Leur chant s'élève, pleurant l'Or disparu, il ne tournerait le dos à l'ennemi, elle n'a invoquant le retour du héros qui le leur point songé à rendre ses épaules invulné- rendra. Et voici précisément Siegfried, rables. C'est laque Hagen frappera. Gun- couvert de son armure, l'épieu à la main, ther le lie, il proteste : un serment ne poursuivant un ours, qui s'est dérobé. Et laissera pas perpétrer un tel crime. Son comme les Pilles du Rhin l'appellent et du Irère lui représente que la mort héros lui demandent ce qu'il leur donnera, en laisserait en leur pouvoir l'Anneau, signe échange de la bonne piste qu'elles vont de suprême puissance. 11 décide alors. se lui indiquer : « Je suis sans butin, de- Pour éviter les pleurs de femme, c'est sa mandez ce que vous voudrez ! » répond- pendant une chasse que Siegfried sera il. Les Filles du Rhin demandent l'an- frappé. On fera croire à Gutrune qu'un neau qu'il porte au doigt. Aux flûtes, sanglier furieux s'est jeté sur lui. Les hautbois et clarinettes passent les tierces trois voix s'unissent en un serment de mineures du thème del'Anneau(i),maudit vengeance contre celui qui a trahi sa loi. par Alberich. Siegfried refuse, puis, de- vant leurs rires et leurs moqueries, va Acte troisième céder. Mais elles, à leur tour, refusent Un vallon sauvage, où la forêt a le l'anneau, et lui révèlent qu'il fut maudit Rhin pour limite, étage ses rochers et son par celui même qui le forgea. Deux fois, ombre sur la profondeur de la scène. la trompette basse, doublée à l'octave par Au loin, le cor retentit, répondant aux les hautbois, répète le thème de la malé- cors de l'orchestre qui sonnent le thème diction d'Alberich. Les filles du Rhin an- de YAbpel du fils des bois(vï). Une trompe noncent à Siegfried qu'il est condamné de chasse, d'autres cors, répondent à leur comme tous ceux qui ont porté l'anneau tour, tandis qu'à l'orchestre éclate, pour et que bientôt il va mourir. Le sombre la première fois, un appel ré bémol, ut de appel ré bémol, ut que nous avons précé- trombones, qui reparaîtra souvent par la demment noté, revient, aux cors, alter- le de suite ; puis, après que les triolets du cor nant avec thème l'enclume (xi) de Siegfried se sont tus, apparaît le thème (altos), celui de l'anneau (i) (cors), et la mélodie originelle (flûtes, originel de la Tétralogie, YUrmelodie, le • hautbois, thème du Rhin ou des Eléments Primor- clarinettes). diaux la fondamentale de ; sur ja majeur Siegfried méprise ces menaces. Il va, tenue par les contrebasses, un cor en fa confiant en son épée (thème deNothung), RHVUË MUSICALE DE LYON » 123 et ne rendra pas l'Anneau. Les filles du démarche de Mime, et par le motif Rhin s'enfoncent dans les flots, tandis des Niebelimgen (deux tierces l'une ma- qu'aux trombones gronde une fois en- ; jeure, l'autre mineure, à intervalle d'oc- core le thème de la malédiction. Mais.des tave diminuée descendant, xiv)..Siegfried appels de cors se font entendre, ceux de reçut du nain des leçons dans l'art de la scène font retentir le motif de Hagen, ceux de l'orchestre celui de Siegfried. XIV Comme l'on s'étonne de le voir sans : gibier, le héros raconte aux guerriers qui l'entourent, accompagnantHagen et Gun- ther, l'étrange rencontre qu'il a faite au bord du Rhin. Quand il parle de la pro- XIV. — Thème des Nibelungen phétie de thème sinistre proposé mort,un forger, mais lui seul a pu resouder l'épée les violoncelles à l'heure par et que tout léguée par sa mère ('), le nain (thème déjà les cors avaient fait entendre, .sou- des Niebelungen, cors)mèneSiegfried ligne de lugubres la vers ses accents promesse l'antre de Fafner ("), qui est frappé. Un du malheur prochain. Ce thème présente discret rappel des murmures de la forêt la plus grande .analogie la triste avec est produit par l'apparition du thème de mélopée du anglais début du cor au troi- la détresse des Wàlsungen ("), puis le sième acte de Tristan. frisselis même du murmure se dessine Cependant les guerriers se sont grou- aux cordes hautes, et-le héros répète dans pés, le. Hagen demande pour repas; à les termes et dans le ton même où elles Siegfried s'il est vrai qu'il ait su autrefois furent dites, les paroles de l'oiseau. Pen- comprendre le chant des oiseaux. « Il y a longtemps que je ne les ai pas écoutés», XV . répond-il, et pour distraire Gunther qui est sombre, il raconte l'histoire de sa jeunesse. Ici commence ce long et magnifique récit de Siegfried qui, continué la par XV. Thème de la détresse des Wàlsungen Trairennarscbj_Yamènera la plus grande — partie des-thèmes; tétralogiques. C'est dant ce récit de la conquête du heaume . de l'anneau, inlassablement dans cette page incomparable, qu'il est le et passe à l'orchestre le thème de la détresse des plus intéressant de se rendre compte de l'enchaînement, de la fusion de l'altéra- et (') Thème de îxothung, trompette; thème de tion des motifs conducteurs. la forge i" et 20 violons. 11 faut noter à cet en- droit intéressant Le récit de Siegfried est annoncé par le un exemple de l'altération des thèmes. Lorsque Siegfried raconte comment il chant de l'oiseau, dit par le premier fut obligé de . forger lui-même Nothung, les vio- hautbois (vin). Le.héros.raconted'abord i Ions et les altos esquissent d'une façon imprécise . les premières de la phrase Poupon sa vie dans la caverne de Mime, avec le notes : vagissant . hins l'on! hideux l'orchestre décrit mes reçu, puis passe léger comme tm gnome que nous souffle, estompé sur le motif nettement détaché de par le thème de l'enclume altéré dans l'enclume,- une réminiscence du thème de la Joïè . son rythme (xi) et rapproché ainsi de de Vivre, rappelant l'amour des voyages et de son l'activité physique qui peint lu jeunesse du dérivé le thème caractéristique Ç) de la héros. (2) Thème du dragon (xn) violoncelles et con- (') V. partition de Siegfried, thème de l'en- treb'asses.. . clume, prélude, p. 2 (altos) et le thème de Mime, (:l) Qui dans les murmures ne cesse de chanter p. 19 (violons). j à la clarinette basse, au cor, au violoncelle(xv). 124 .REVUE MUSICALE DE LYON

Wàlsungen,montrantla fatalité attachée Lentement, Hagen s'éloigne, d'un pas à cette victoire, et présageant le destin tranquille il marche dans le crépuscule funeste qui attend' le porteur de l'Anneau qui déjà envahit la scène. Aux sourds maudit. Le récit de la mort du traître roulements des cordes se superpose' le Mime ramène à l'orchestre le thème de thème de la Destinée, grondant grave- l'enclume ; et, comme Siegfried ,ne se ment aux troinbones, puis aux cors. Des souvient plus de la suite, Hagen lui tend arpègesde harpes ramènent les solennelles sa corne remplie de vin, dans lequel il harmonies du réveil de la Walkùre, avec vient d'exprimerle suc d'une plante. C'est leurs trilles aigus, douloureuse évocation au thème du philtre qu'il faut rattacher de cette Roche du Sommeil, où le héros la phrase par laquelle il invite le héros a connu le pur bonheur, et dont il ne se joyeux à boire cette liqueur. La mémoire souvient que pour mourir. Pianissimo revient au conteur qui redit alors les con- l'orchestre chante les thèmes de l'amour, seils donnés par l'oiseau et la marche vers raconte la conquête glorieuse, la déesse la Roche du Sommeil entourée de flam- devenue femme; il redit la gloire de mes. Au chant de l'oiseau succède l'invo- Siegfried, le' jouvenceau parvenu à la cation du feu, puis la mélodie du réveil Paix dans la Victoire; le thème de de Brûnnhilde(ic,sviolons et harpes)('), Siegfried vainqueur se substitue paraltéra- le thème altéré de la Walkùre endormie tion au thème primitif du gardien de (iers violons, cor, cor anglais, clarinette, l'épée. Et c'est le motif sur lequel les hautbois), et le thème d'amour (xvi) ("). deux amants héroïques se juraient de vivre à jamais l'un pour l'autre qui passe XVI doucement aux cordes,, quand la mort vient fermer les yeux du fils de Sieg- mund. Alors se déroule cette poignante, cette dramatique marche funèbre du Crépus- XVI. — Thème de l'héritage du monde cule. La nuit est faite ; sur une muette injonction de Gunther, les guerriers « Avec quelle ardeur m'étreint la belle em- portent le cadavre du héros assassiné. Brùnnhilde en ses bras ! » s'écrie le héros Lentement,longuement,le inconscient, et tandis qu'éclate, formi- morne cortège gravit la colline rocheuse, s'éloigne, dable, aux cuivres graves, la malédiction et sans qu'une plainte, qu'un gémis- d'Alberich, Hagen venge Gunther en sans sement ait troublé le lugubre silence. enfonçant son épieu entre les épaules de Siegfried. Seule, la voix immensede l'orchestre s'est élevée, la seule voix digne de pleurer Le héros blessé se soulève en un der- cette tragique. Et c'est le thème de la nier effort que symbolise, marche mort une Destinée (xm) qui gronde d'abord ascendante des bassonset des violoncelles, tout dans la nuit, l'antique fatalité, progressant par intervalles de tierce mi- montrant l'avay/Yi, qui veut cette mort et ce deuil. neure ; son bouclier lui .échappe, il De sourds appels de timbales, roule- retombe, tandis que sonne tristement le un plus sourd des cordes thème de Siegfried, gardien de cette épée ment encore graves amènent auxtùben le pleur si- qu'il ne brandira plus désormais. aux cors et nistre du thème de la détresse (xv) qui . (i) Cf. Siegfried, p. 285, par deux fois passe comme un sanglot. (2) Cf. Siegfried, p. 304 et 306. Ce motif est Sourdement les timbales roulent généralement désigné sous le nom de thème de encore, lTIéi'itage du Monde. et dans un crescendo rapide, trois notes, REVUE MUSICAL!; DE' LYON violemment détachées aux cordes basses, aux violoncelles. Coupée et haletante, la puis les appels sonores, coupés de silence, fanfare de Siegfried passe aux cors de durementheurtés,que lancent les cuivres, l'orchestre. Le cortège arrive au, fond annoncent la déchirante, l'angoissante, de la scène; Gunther, dont le motif carac- l'indicible douleur du thème des Wàlsun- téristique se dessine, pleure la mort et le gen vaillants ; et le hoquet tragique des crime, tandis que Gutrune se jette sur. le doubles appels de cuivrereprend, résonne, corps de son époux. Hagen veut prendre réapparaît, inlassablement, soutenu par au doigt de sa victime l'Anneau fatal dont les roulements sourds des violoncelles. Et, les hautbois et les cors répètent les tierces successivement,les thèmes delà Tétralogie mineures ; Gunther arrête Hagen, ils reviennent, esquissés ou nets, estompés combattent, et le roi des Burgondes ou durs, unissantet fondant en une page tombe frappé par l'épieu. Une fois encore, unique toutes les splendeurs de l'oeuvre la malédiction d'Alberich résonne. Le fils incomparée. Le Ring entier, pleure et gé- du Niebelung marche vers le cadavre, mit sur le cadavre qu'on emporte dans dont la main se dresse menaçante (thème l'ombre, c'est tout le drame, c'est toute de Nothung). Hagen, terrifié, recule. Le l'oeuvre qui vient égrener ses splendeurs, thème de l'anneau fait place à la mélodie et en faire litière- au cortège lugubre. primitive.Brùnnhilde entre. A l'interroga- L'amour de Sieglinde, et de Siegmund tion du thème de la Destinée (xm) répond (xvn), toute l'idylle adorable du premier le motif de la Fin des dieux. La Walkyrie devenue ienïme impose silence gémis- xvu aux sements et aux clameurs de tous. Au guerrier mort, elle seule saura faire des lunérailles dignes de lui. Sur son ordre, un bûcher s'élève, elle-même s'y place à côté du cadavre de l'époux, et tandis que passe aux trompettes le motif de la cnevauchée,Grane, le cheval de la déesse, saute au milieu des flammes. Le chant Sieglinde XVll. — Thème de l'amour de des ondines, les tierces mineures de acte de la Walkyrie, chantent, rappelant l'Anneau maudit, se succèdent,indiquant la divine origine du fils de Welse, puis le prochainretour de l'Or à ses gardiennes éclate la fanfare claironnante de Nothung, primitives. C'est aux filles du Rhin, en se détachant des harmonies caverneuses effet, que Brùnnhilde jette l'anneau fait du HerrescherruJ d'Alberich, et des cor- de l'Or rouge. Hagen désespéré se jette beaux et c'est enfin le thème,progressive- dans les flots pour défendre le bien acquis ment assombri, de Siegfried gardien de parun crime. Une dernière fois les cuivres l'Epée. rugissent la malédiction, Hagen a disparu, Les brumes qui couvraient la scène se victime à son tour de l'effroyable exécra- sont élevées; une claire nuit de lune illu- tion vouée par son père à quiconque tou- mine les bords du Rhin. Gutrune, envahie chera le gage de Suprême-Puissance. Dès d'un sombre pressentiment, attend son lors, tout se calme, les Ranimes crépitent époux. Seule la trompe de Hagen résonne, à l'orchestre, envahissent la scène toute lointaine d'abord, puis voisine. Le fils entière montant jusqu'au Walhall, où les larouehe du Niebelung annonce la mort dieux même vont mourir. A l'harmo- du héros, tandis que le thème sombre nieuse ondulation de la mélodie primi- qui le caractérise gronde aux bassons et tive, se superpose, les progressions de plus 126 REVUE MUSICALE DE LYON

:;en plus estompées du thème de la Fin des lois à Lyon, a été jugée durement par la dieux ; une dernièrefois du bûcher fumant presse parisienne, encoreque certains cri- s'élève l'évocation du fier Siegfried, et tiques, commeM. Gauthier-Villars, aient été empêchésd'ereinterl'opéranouveau pat- XVlll une indisposition dont le compositeur ' doit bénir l'opportunité. La note exacte a été donnée par M. Gaston Carraud, l'excellent critique de la Liberté. Dans son compte-rendu, M. Carraud dit longue- ment l'éloge de Mme Emma Calvé et des autres interprètes de Messalinc et clôt sa chronique par cette compehdieuse et dure appréciation de la musique (1).

XVIII. Thème de la Rédemption par l'amour — « Un amateur très distina-ué, dont les tout s'éteint et s'apaise, tandisque leGolfe oeuvres fleurissent sur la divine Côte d'Azur, mystique chante la fin sublime du drame, M. Isidore de Lara, avait connu déjà de nom- breux et bruyants succès divers théâtres la Rédemption l'Amour (xvm) ('). sur par avec cette Messalinc même et avec d'autres (A suivre), EDMONDLOCAUD. ouvrages. 11 ne lui manquait que la consécra- tion suprême que donne le public parisien. 11 l'a voulue. 11 l'a. » MESSAL1NE Nous extrayons d'un article de notre éminent confrère Etienne Destranges, ré- d'Isidore DE LARA dacteur en chef de l'Ouest Artiste, bien -îr * connu par ses remarquables études sur un Le Théâtre-Lyriquede la Gaieté, conti- bon nombre d'oeuvres musicales, l'his- nuant bien mal une saison assez bien torique de Messalinc et une excellente appréciation de l'oeuvre commencée, a donné cette semaine la pre- : de mière représentation à Messa- « C'est l'un des faits les plus attristants de linc. L'oeuvre de M. Isidore de Lara, notre époque que l'histoire de cette Messalinc partition arrivée, à dont nous avons été menacés plusieurs d'aventure, —• tout arrive l'heure actuelle,— à se faire représenter,non (') On sait que lorsque Wagner vint à Paris, seulementsur certaines de nos grandesscènes il en fut réduit pour vivre à des travaux d'art de province, mais encore au nouveauThéâtre inférieur, tels que des arrangements d'airs connus Lyrique de la Gaité, alors que maints opéras, pour cornet à piston, ou des réductions pour piano. d'auteurs bien français ceux-là, attendent C'est ainsi qu'il écrivit, médiocrement assez vainement leur tour ! d'ailleurs, la partition de piano seul de La Favorite. C'est à Londres, où sont fixés frères, C'est peut-être là la d'un « ses que se trouve cause fait les banquiers Cohen le romantique curieux l'identité absolue du thème de la — nom : de Lara, dissimule, effet, syllabes Rédemption par l'Amour, et de l'air Idole et si en ces doucecl chère. Que l'on compare la dernière reprise beaucoup moins nobles mais, en revanche, du thème, à la page 34.0 de la partition du Cré- bien légitimes — que l'auteur de Messalinc puscule (ligne 4.) avec l'air de la Favorite, à la débuta dans la carrière musicale. Doué, page 12 de la partition piano seul, on verra faci- paraît-il, d'une jolie voix de baryton, il rem- lement, les deux phrases étant dans le même ton portait de grands succès de salon avec des de sol bémol, les deux motifs, écrits inter- que à romances de son cru. Sa première oeuvre de valle de sixte l'une à l'autre, abso- par rapport sont longue haleine, la IAICC dell Asia. espèce de lument semblables. A telles enseignes qu'en les poème dramatico-symphoniqueà grand jouant simultanément, l'un constitue pour l'autre spec- le plus banal et le plus régulier des accompagne- (1) Dis! ibulion : Messalinc, Emma Calvé, Harès, ments en marche harmonique parallèle, à inter- Renaud; Hélion, Duc ; Tyndaris, Louise Blot ; Myrrhon, valle de renversement de tierce. Ghasne; Myrtilla, Vinche. REVUE MUSICALE DE LYON 127 tacle, fut représenté à Covent-Garden. Le M. de Lara est impuissante à leur ajouter le même théâtre donna aussi asile, à une seconde moindre relief. Tous les personnages, en production, Amy Robsart. à laquelle les rela- effet, sont taillés dans' le même moule mélo- tions mondaines de l'auteur ne purent assu- dique et quel moule ! M. de Lara en aem- rer qu'un éphémère succès. M. Isidore de prunté les principaux matériaux, qu'il souda Lara passa alors le détroit et il se vit, aussi- ensuite tant bien que mal, à Gounod, à Verdi, tôt, ouvrir toutes grandes les portes du à MM. Massenet, Delmet, Flégier, Diaz, Mas- Théâtre de Monte-Carlo pour une cer- cagni, Tagliafico, Léoncavallo et à Augusta taine Mo'ma. Ceci se passait en 1897. Deux Holmes. Wagner n'a pas été oublié, lui non' ans après, presque jour pour jour, Messalinc, plus. M. de Lara lui a rendu hommage en dédiée a la princesse Alice de , née bourrant sa partition de leiimoiivc, ou plutôt Heine, étaitjouée la scène alimentée sur par de ce qu'il a cru en être. A chaque instant, • les bénéfices faits de hontes, de crimes et de des thèmes sans intérêt, presque toujours morts de la célèbre maison de jeu. Cette figés dans la même forme, ne subissant aucun oeuvre, comme la précédente d'ailleurs, fut développement, se font entendre de la ma- montée avec un luxe inouï de décors et de nière la plus énervante et. la plus fastidieuse. costumes et une interprétation hors ligne. Maladroitement plaqués dans l'accompagne- Pourtant, malgré la réclame que les traités ment, ils n'arrivent jamais à constituer une de publicité assurent, quoi qu'il arrive, à véritable base symphonique. » Monte-Carlo, tous les esprits sains, francs et libres s'en laissèrent imposer ils ne pas et J'ai déjà dit, de cette anaiyse, jugèrent Messalinc à juste valeur. La fécon- « au cours sa quelle était l'exacte valeur des inspirations dité de M. Isidore de Lara s'est depuis lors de M. Isidore de Lara, l'insisté avant ralentie; il n'a rien produit. encore, Personne n'a de terminer, leur vulgarité songé à s'en plaindre. sur constante et encore leur fadasse monotonie. Dans Après Monte-Carlo, quelques scènes sur toute cette « partition écrite, depuis la première jusqu'à la de province, la plupart méridionales,jouèrent dernière note, uniquement de l'effet à Messalinc. Cet fut. chaque fois, en vue ouvrage produire le public, et cela par-les monté tel déploiement de mise sur — avec un en musicaux et scéniques les plus bas, scène qu'il de succès incom- moyens remporta un ces phrase, même la préhensibles bêtise — on ne rencontre pas une comme la humaine en plus mauvaise, vraiment personnelle. L'oeu- donne, parfois, le lamentable exemple. Les entière est cuisinée les rogatons de mêmes qui à d'ineptes chan- vre avec causes procurent musiciens de toutes les catégories. L'harmo- VAmant d'Amanda, Ousqn'csi sons, comme nie de M. de Lara est d'une platitude égale à Saint-Na^aire, Viens, Poupoule, Viens ! des ou celle de la mélodie. L'instrumentation, ventes énormes même temps la par en que popu- moments, vaut mieux le reste. Elle larité, ont fait la fortune de Messalinc. Cette que pos- sède, parfois, certain éclat et l'on trouve pièce à grand spectacle, pompeusement dé- un y rari liantes, hélas ! certains effets nommée tragédie-lyrique, peut avoir des — •— assez - . heureux, exemple, l'imitation des rugis- centaines de représentations et faire tomber par des lions, second et quatrième dans les poches de M. Isidore de Lara d'énor- sements au au Elle peut arriver, néanmoins, à droits d'auteur, cela actes. ne mes sans que prouve déguiser l'indigence lamentable des idées. Il chose le public de préférence autre que se rue faut, cependant, à l'actif de l'auteur, médiocres qui flattent'ses plus mettre aux ouvrages la façon vraiment très habile dont il écrit bas instincts. Jamais le mérite d'une oeuvre les voix. Tout chanteur d'art s'est mesuré pour pour et par le ne encore aux gros sous semble-être la devise M. Il qu'elle de de Lara. ne rapporte. faut s'étonner après cela, si ceux-ci ai- «' Le livret de Messalinc est dû à la colla- pas opéra qui leur rapporte des applau- boration de MM, Armand Siivestre Eugène ment un et dissements obtenus peine. Messalinc,est Morand. Mieux charpenté le sont, sans que ne le prototype de l'oeuvre du riche amateur. La d'ordinaire, ces sortes de choses, générale- sévérité pour des compositions semblables- ment informes, il offre des situations assez est de toute justice ; elles empoisonnent le dramatiques qui sont analogies ne pas sans goût du public c'est faire de salu- celles de la Tour de Ncstcs. Son grand et oeuvre avec brité artistique de énergique- défaut est de renfermer que protester ne aucun personnage ment contre elles, le moins du inonde intéressant... Les caractè- I » res sont à peine ébauchés et la musique de 128 REVUE MUSICALE. DE LYON

des mélodies vocales, vocalement intéres- santes, laissez donc les comédiens déclamer librement, et concentrez dans l'orchestre seul Chronique Lyonnaise toute la musique de vos drames lyriques. M. Le Borne prouve qu'on peut y réussir complètement et que la richesse polypho- GRAND-THÉÂTRE nique est conciliable avec une grande dis- crétion sonore. Quant à l'objection que l'on m'a souvent faite, à savoir que le parlé risque La semaine musicalea été tout à fait calme; d'être faux par rapport à l'orchestre, voilà . comme chaque année, la trêve des confiseurs qui n'est guère à craindre avec les harmoni- est un peu la trêve des musiciens. Point de sations nouvelles. Une dissonance de plus de concerts, et au Grand-Théâtre, pas de re- vous fait peur? je vous croyais plus braves, sinon plus téméraires t. » prises; les répétitions du Crépuscule des Dieux . . occupentsuffisammentorchestre et chanteurs. Nous ne partageons pas du tout l'avis . . . à La création de l'oeuvre de Wagner, annoncée de M. ]ean d'Udine. Nous ne ferons pas sa théorie l'objection qu'il prévoit, encorcqu'clle d'abord pour le milieu de décembre, puis soit très justifiée ; qu'on essaie en effet de pour la fin du mois, est maintenantannoncée faire chanter dans Pcllcus et Mélisandc les pour la première semaine de janvier et il est rôles de femme par une voix d'homme et très probable que la date sera encore reculée réciproquement, et l'on remarquera combien jusqu'au 10011 15 janvier. cette simple transposition d'un octave rend parfois dissonantes certaines phrases; les oreillessensibles seront-elles pas choquées Nous déjà annoncé le réengagement ne avons davantage par le parlé? Mais l'objection que de M. Verdier l'engagement de M"°-Mil- et nous ferons à notre excellent confrère est camps pour la saison prochaine. Nous pou- celle-ci: Le spectateur, amateur de théâtre vons annoncer également celui de M. Dan- seulement, qui va entendre une pièce avec sés, un Lyonnais, de son vrai nom Guiller- musique de scène, estime que la musique le main, qui faisait partie de la troupe du Grand- gène pour suivre les paroles et le musicien Théâtre pendant la dernière année de fait presque toujours la réflexion que nous entendue maintes fois : « Les co- M. Vizentini sous le nom de Stilermans ; et nous avons Leurs celui de M. Roosen. l'excellent baryton. médiens ne pourraient-ilspas se taire? histoires m'empêchent d'écouter la musi- que! » Il est dès maintenant décidé que l'orchestre -'r '; -'' municipal donnera, après la saison théâtrale, Dans son numéro du 15 décembre, la Re- en avril-mai. une série de six concerts sym- naissance Latine public un très remarquable M. l'Esprit phoniques dirigés par M. Flon. article de Camille Mauclair sur romain et l'Art français.

A travers la Presse LA GRANDI:RIÏVUI- (15 décembre), A. Messa- ger. — A propos de la nouvelle école musicale italienne vcri.sle. LH COURRIER MUSICAL (Jean d'Udine). A « Le mot Véristc n'a aucune signification. propos de la musique de scène de F. Le Borne Comment, en effet, peut-on voir dans les ou- pour « l'Absent » pièce de M. Georges Milcbcll. vrages récemmentmis à jour la manifestation « Cette partitionnette flatte l'une de mes d'une nouvelle école veriste ou pas? En quoi marottes les plus tenaces. Elle démontre ces compositeurs diffèrent-ils de leurs pré- victorieusementque l'on peut écrire, en fai- décesseurs ? par une formule nouvelle i sant oeuvre d'artiste, de la symphonie excel- par l'écriture ? par l'harmonisation ? par lente pour accompagnement de parlé, jel'ai la tendance ou par l'exécution ? Rien dit vingt fois: puisque vous ne savez plus dans tout cela cependant qui soit bien neuf. ou que vous ne voulez plus (à cause des né- La forme est toujours la même, c'est bien cessités prosodiques et de la justesse des toujoursl'opéra tel qu'on l'avait conçu depuis accenls), puisque vous ne voulez plus écrire Rossini, Bellini, Donizetti et autres; rien de REVUE MUSICALE DE LYON 129 commun avec le drame lyrique et les réfor- remplacée avec avantage par la fantaisie pu les mes introduitespar Wagner dans les rapports nocturnes du Maître ! Ou Yanelle de Haydn, gra- supe/bes, de la musique avec la scène. Tout au plus cieuse d'ailleurs, par les oeuvres où certain effort vibre la beauté et que traverse un souffle de peut-on constater un pour se l'une débarrasser des formules démodées la grandeur,.que. César Franck a intitulées trop : Prélude. Finale, l'autre Prélude. cavatine dissimule — Aria. — — se et devient un cantabile; Choral Fugue ? dans les duos les chantent l'un — et » personnages Un concerto de Saint-Saëns n'aurait pas fait après l'autre et renoncent à l'ensemble tradi- regretter celui de M. Desjoyeaux. tionnel à la tierce ou à la sixte et le final Il est inutile de faire remarquer que ces n'est plus forcémentchanté par tous les artis- réflexions sont un hommage rendu au talent de tes alignés devant le trou du souffleur, mais Mme Roger-Miclos et de M. Hollmann. bien le antique Mais espérons que M. Peracchio, dont le c'est toujours même et pro- nous . cédé. On n'évite pas plus la chanson bachi- zèle de propagande musicale est a la hauteur du le choeur religieux auquel vient talent, fera venir à Saint-Etienne d'autres artistes; que que alors, pourrait-il les prier de considé- s'ajouter la voix de la prima donna détresse, et ne nous en des auditeurs qui la plus la chanson du postillon rer comme comptent sur pas que avec venue des virtuoses pour entendre interpréter les de fouet de accompagnement et grelots que oeuvres des grands maîtres, celles surtout que le septuor où chaque personnage exprime leur difficulté ne rend accessibles qu'à eux ? la même musique sur des sentiments totale- P. FOJOEST. ment différents. L'écriture n'est évidemment pas le côté brillant de ces compositeurs et, quant à l'harmonisation, elle est devenue plus prétentieuse sansêtre plus intéressante..» Correspondance de Paris

- ^ ^ ^ Deux premières à Paris semaine A propos d'un concert donné récemment cette : à Saint-Etienne par Aime Roger-Miclos et Au théâtre municipal de la Gaïté, Messa- M. Hollmann, le Mémorialde la Loire publie linc ; à l'Opéra-Comique, la Reine Fiam- une intéressante lettre que nous reproduisons metle de Xavier Leroux. ci-dessous, et dont nous partageons entière- De/ Messalinc, de choses à dire ment les idées peu : : M. Isidore de Lara, l'heureux composi- Monsieur le Directeur, teur de cette oeuvre peu nouvelle, est un Un public choisi applaudissait,hier, deux grands riche amateur qui a beaucoup de relations artistes ; on louait à l'envi la plénitude de son, le coup d'archet ample, tour à tour délicat et vigou- et la célébrité de son oeuvre s'explique de M. Hollmann Mme Roger-Miclos, la reux, ; à par des raisons qui ont peu de choses à silhouette de antique, faisait admirer prêtresse voir la musique du les lecteurs sans restriction, la grâce et l'élégante netteté de avec ; reste, son jeu. de la Revue trouveront ailleurs, sur cet Mais un regret semble avoir été partagé par opéra, d'excellents jugements qui me beaucoup d'auditeurs estimable journal ; votre est dispensent de porter lui une appré- certainement le mieux à même de le formuler ; sur le voici brièvement : Certains artistes parisiens ciation qui serait certainement très peu ont sur les capacités musicales des Stéphanois un bienveillante. regrettable préjugé; ils craignent de .fatiguer le La partition de M. Xavier Leroux, la public par des oeuvres de longue haleine ; et le Reine. le programme, au lieu d'un nombre restreint d'ceu- Fiammeilc, composée sur poème vres excellentes, comporte une suite de morceaux exquis de Catulle Mendès, est bien supé- de genre. rieure à VAstaric jouée 1901 à l'Opéra; Nous souhaiterions que des artistes comme en elle été très favorablement accueillie; ' ceux que nous avons applaudis hier nous traitent a mieux que ceux-là ne l'ont fait; l'un et l'autre M. Leroux se rattache beaucoup à l'école maîtres virtuoses, pourquoi ne nous ont-ils pas de Massenet le choix des idées, qui fait entendre de Hivndel, de Beethoven, par une sonate, de ordre, de Mendelssohn, ou d'un « jeune » comme ne sont pas toujours premier et Boëllmann, plutôt qu'une polonaise., simplement par la qualité toujours excellente par agréable? Madame Roger-Miclos, nous dit-on, de l'orchestration. L'oeuvre merveilleuse interprète de Schumann contre est est une « » ; Mlle Gar- la valse banale de Moszkowski n'eùt-elle pas été interprétée adorablement par ISO REVUE MUSICALE DE LYON

\den, et médiocrement par MM. Périer, Âllard et Maréchal. Les concerts dominicaux ne nous ont rien révélé cette semaine. M. Colonne flouu-elles diverses continue à fêter le centenaire ' de Ber- lioz en donnant la seconde audition Nous lisons dans le Daily Mail de l'Enfance du- Christ, cette oeuvre char- : mante que j'ai toujours préférée' à la La représentation de Parsifala eu lieu, la veille de Noël,-à Damnation de Faust, musique bien exté- l'Opéra métropolitain de New-York. C'est la première fois cet rieure dont les couleurs que en somme et opéra a été joué ailleurs qu'à Bayreuth. Le vives séduisent pourtant le public plus que spe:tacle, auquel ont assisté sept mille per- le charme discret de l'Enfance du Christ. sonnes, a duré sept heures. Les critiques Comme dimanche dernier, fêté déclarent qu'il a eu un caractère moins on a • impressionnant beaucoup le chef d'orchestre les inter- qu'à Bayreuth. et En réponseaux appels d'un public enthou- prètes d'habitude, les mélo- et, comme siaste, M. Conried, directeur de l'Opéra, a manes des dernières galeries se sont prononcé un discours. ]amais on T'a vu aux amusés pendant le concert à lancer sur les Etats-Unis une:assistance plus émue. Toute- fois, habitués de l'orchestre des flèches en pa- on ne trouve pas que l'oeuvre ait grand pier, distraction bien inoffensive dont charme. et Le Sun, dont les critiques musicales j'avoue avoir goûté les charmes jadis pas- sent pour les meilleures, dit que Parsi/al est quand l'orchestre nous révélait les beautés l'enfant de la décrépitude artistiquede Wag- d'ordre spécial des oeuvres du directeur ner : « La mise en scène est imposante, mais de notre Conservatoirenational (i). non pas la musique. » '.. Au Nouveau-Théâtre, M. Chevillard °? °t °$ dirigeait dimanche du Beethoven, du Le 18 décembre dernier a été représenté à du Berlioz Elberfeld Wagner et : Mme Raunay un opéra intitulé Zlatorog. La mu- chanta avec un art admirable l'air de sique est due au compositeur Rauchenecker, né 1844 à Munich, qui, La ùrisc de 1 raie, et l'orchestre donna en et avant de s'éta- blir comme chef d'orchestre à Elberfeld, d'excellentes exécutions de la Symphonie aurait été violoniste au Grand-Théâtre de pastorale, de l'ouverture eYEgnwnt et Lyon. Nous serions heureux si quelqu'un de surtout une interprétation incomparable nos lecteurs se rappelait cet ancien artiste de et enthousiasmante de l'ouverture de notre orchestre et nousconfirmaitson passage Tannhauscr qui fut traduite à Lyon. avec une °? V °i? souplesse, chaleur une et une passion La Semaine, journal d'Anvers, extraordinaires. constate que Guillaume Tell a fait au Théâtre Royal, Je me permettrai de rapporter la con- 147 fr. 65 de recettes. versation exclamative et admirative que Il ne nous est pas désagréable de constater les Lyonnais j'ai surprise, après Tannhauscr, entre mes que ne sont pas les seuls à se désintéresser des chefs-d'oeuvre du Répertoire. deux voisins de théâtre : « Hein ! cette °? exécution ! » disait l'un ; et l'autre de f f répondre émerveillé: « Tu parles ! » Et Le compositeur Cui vient de donner cette réponse laconique et peu académi- une partition très réussie pour Mademoiselle Fifi, pièce tirée, que est plus expressive qu'un comme on sait, de la nou- en somme velle de de Maupassant, et déjà représentée éloge très développé et style conçu en en russe au Théâtre international, par plus, châtié ! J. CATONET. Mme Yavorskaïa. C'est le Théâtre de l'Her- (t) C'est du directeur du Conservatoire de mitage qui a. monté cet opéra. C'est une Paris. M. ThéodoreDubois, qu'il s'agit ici. (N. D. tentative d'opéra réaliste qui a été très bien R.'i. L. accueillie du public. Le thème paraîtra sans REVUE MUSICALE DE LYON

doute se peu prêter à l'inspiration musicale mais cette réclame faite en tunique blanche et cependant, d'après les critiques du cru, le et sandale en temps ordinaire dépasse les compositeur semble avoir heureusement sur- bornes. Et on parlera encore d'Alcibiade! ! ! monté toutes les difficultés en mêlant les scènes les plus joyeuses aux épisodes les plus dramatiques. Le compositeur Paul Dukas travaille, en Le directeur du théâtre de l'Hermitage est ce moment, à-un opéra dont Maurice Maeter- M, Mikhalovski, un riche fabricant, y dépense linck a écrit le livret, Ariadne ci Blaubarl. 125.000 francs par an. Il cumule, du reste, emploi jouant les rôles'les plus diffi- son en Pietro Mascagni ciles et souvent écrit les pièces. a un grand avantage sur sa musique : on l'admire. Il a, dans le ¥ °$ °Ç monde de la critique, des amis dévoués, qui Une opinion de Berlioz sur les directeurs vantent ses qualités personnelles lorsqu'ils à de théâtre : ont formuler un jugement sur l'une ou sur l'autre de ils « Les directeurs sont tous les mêmes ; rien ses oeuvres. Ainsi, ne sont jamais n'égale leur sagacité pour découvrir les pla- embarrassés. Ces jours-ci, l'illustrissimemaes- titudes, si ce n'est l'aversion instinctive que tro les avait conviés, au théâtre del Vernie,'à leur inspirent les oeuvres prévenues dé ten- , à la première de son opéra Iris, qu'il dances à la finesse de style, à la grandeur et dirigeait en personne. Qu'on fait les amis dévoués lendemain de la à l'originalité. Ils se montrent à cet égard, en au représentation r Se gardant Allemagne,en Italie, en Angleterre et ailleurs, bien d'apprécier la musique du maître, dont ils plus publics que le public. |e ne cite pas la ne pouvaient méconnaître l'incurable faiblesse, France, on sait que nos théâtres lyriques, il se sont empressés de sans exception, sont et ont toujours été diri- le proclamer le premier des dramaturges ges par des hommes supérieurs. Et quand italiens modernes, en déclarant que sa pré- l'occasion s'est présentée pour eux de choisir sence au, pupitre, la conviction chaleureuse . entre deuxproductions, dont l'une était vulgaire avec laquelle il avait dirigé son- oeuvre, avaient t l'autre distinguée, entre un artiste créateur exalté au plus haut point la sympa- thique curiosité et un misérable copiste, entre une ingénieuse du public. hardiesse et une sottise prudente et plate, °i? °? °? leur tact exquis ne les a jamais trompés. Les débuts de Massenet. Ainsi, gloire à eux ! tous les amis de l'art Lorsqu'ilfut admis'auConservatoire, Masse- professent grands hommes vé- pour ces une net, dont les ressources étaient des plus mo- nération égale à leur reconnaissance. » destes, se vit obligé, pour vivre, d'entrer "f °£ °? aux Nouveautés comme choriste, puis au Gym- triangle, Théâtre lyrique, Dernièrement a été donnée à Genève, la nase, comme et au première représentation française d'Adricnnc comme timbalier. Lecouvreur. musique de François Cilea. Après qu'il eutécrit Marie-Magdelcine,dans l'espoir la partition pourrait être exécu- La partition du jeune et déjà célèbre com- que positeur napolitain suit scène scène la tée aux Concerts Populaires, il demanda une par audition comédie dramatique de Scribe et Legouvé, au créateur de ces concerts. Par une triste et pluvieuse soirée de février, il gravit, traduite en italien par Colantti et retra- le ému, l'escalier du redoutable Pasde- duite en français par . L'oeuvre coeur loup.' Or, pendant qu'il jouait, piano, est vivante et mélodique ; l'influence de au son Massenct s'y fait sentir. La représentation oeuvre d'une si haute inspiration, Pasdeloup a s'amusait à ouvrir à fermer alternative- été un gros suc.:'.s. et ment une fenêtre, pour faire sortir la fumée a." <-;> t±P r ? p que renvoyait la cheminée. Massenet con- Un pianiste en sandales et tunique blanche templalongtemps, le coeur plein de tristesse, ferait rire dans une opérette, mais nous ne le portrait.de Gluck, appendu au mur, qu'une pouvons nous imaginer l'effet qu'a dû pro- balle avait troué pendant la Commune, puis duire à Naples, un Allemand, Lutzow, qui il rassembla les feuillets épars de sa musique, s'est présenté devant un auditoire de concert attendant quelques mots d'encouragement. dans cet accoutrement et cela pour taper du Hélas! son attente fut vaine; c'est à peine si, piano. En temps de carnaval, une pareille lui frappant sur l'épaule, lorsqu'il partit, Pas- mascarade serait plus moins acceptable. deloup à ou consentit lui dire : « Allons, mon REVUE MUSICALE DE LYON

Il consentit garçon, vous avez bien gagné votre dîner ! » manqua une représentation. Arrivé sur le boulevard, Massenet se mit à même à chanter dans les ouvrages annoncés pleurer. Il était tout à fait découragé. Heu- le matin seulement et, à la fin de la saison, reusement, il n'y avait pas que des Pasdeloup le ténor supplémentaire quitta Bruxelles le public. dans le monde : Mme Viardot fit bientôt sans jamais avoir paru devant triompher Marie-Magdeleine à l'Odéon, et °ê°ê°€ Ambroise Thomas dit maître au jeune : Le clavecin lequel Rossini étudia Soyez reviendra sur ses « content, votre'ouvrage et premières leçonsde musique, lui donnait Enfin, Gounod lui que restera! » adressa cette le chanoineJoseph Malerbi, figurera à la touchante Mon ami, pro- lettre : « cher le triom- chaine exposition de Saint-Louis. L'authen- « plie d'un élu doit être une fête pour l'Eglise. ticité de l'instrument est incontestable ; il est Vous êtes élu. Le ciel marqué « un vous a à présent la propriété de M. Antonio Malerbi, du à « signe de ses enfants ; je le sens tout histoire été écrite M. Tancredi remué et son a par « ce que votre belle oeuvre a dans Mantovano, professeur d'esthétiqueet d'his- « mon coeur. Préparez-vous rôle de mar- au toire de l'Art au Lycée de Pesaro. « tyr, c'est celui de tout ce qui vient d'en « haut, et gêne ce qui vient d'en bas. Mais « ne gémissez pas, et ne soyez pas triste. « Souvenez-vous que quand Dieu a dit : BIBLIOGRAPHIE •c< Celui-ci est un vase d'élection », il a •{ <: « ajouté : « et je lui montrerai combien il lui Noél-Spcciaclc. A la date du 25 décem- « faudra souffrir pour mon nom ». Sur ce, — cher ami, déployez hardiment bre, notre confrère LcSpcctaclea mis en vente v< mon vos kiosques, prix de cinquante ailes, et confiez-vous, crainte, dans les au cen- « sans aux merveilleux Album de Noël. régions élevées où le plomb de la terre times, son « Cet album comprend toute la série des n'atteint pas l'oiseau du ciel. A vous de « — photographies de nos artistes du Grand- « tout mon coeur. Ch. GOUNOD. » —• Théâtre et des Célestins. Il est imprimé sur °S °Ç °S huit couleurs et publie en outre les six pre- Histoired'un ténor indispensable,— C'était miers sonnets de son concours. 11 contient au temps où Quélus était directeur du Théâtre aussi des Primes de réelle valeur. de la Monnaie à Bruxelles. La première année On ne saurait mieux faire que d'acheter de sa direction il engagea le fameux Wicart cette brochure comme souvenir de notre sai- comme ténor « seul et sans partage». Wicart son théâtrale. était un fantaisiste et un pensionnaire .grin- •«• H- -!- cheux et ombrageux. Il ne consentait à chan- L'Album Musical se place décidément au ter que si on l'avait averti ae la représentation premier rang des publications similaires ; il dès l'avant-veille. Et, cette condition étant est vrai que chacun de ses numéros contient observée, il ne se gênait pas pour faire savoir vingt-quatre pages de bonne musique irré- à son directeur, quelquefois même à l'ouver- prochablement gravée. Au sommaire du ture des bureaux, que, souffrant de la gorge n° de décembre, figurent : Aubade, pour flûte ou de.la tête, il ne chanterait pas. Alors il et piano, de PIHRNÉ ; Les Aveux, de Gaston fallait, dare dare, changer le programme au PAULIN ; Fleurs et Pensées, du célèbre composi- grand préjudice du directeur, au grand désap- tion Montmartrois Paul DELMF.T ; et deux pointement des spectateurs. Wicart étant, valses, l'une chantée de MONTAGNE, l'habile malgré tout, en grande faveur auprès du chef d'orchestre du Grand-Théâtre de Bor- public. Quélus dut le rengager l'année sui- deaux, l'autre, pour piano seul, de Jean vante. Mais il eut soin d'engager en même LIU'ATRH, un jeune compositeur qui marche temps un autre, ténor—aux appointements brillammentsur les traces de l'auteur popu- de iooo francs par mois—qui avait pour laire de la Valse Bleue. mission de se trouver au théâtre chaque fois L'Album Musical, 152, rue Montmartre à que devait chanter Wicart, de se costumer Paris (2e) ne coûte que 0,60 le numéro ; un et de rester pendant toute la soirée au foyer an 7 francs. des artistes, prêt à entrer en scène. Wicart faillit, tout de bon, faire maladie. pour en une Le. Propriétaire-Gérant : Léon VALLAS. Mais le remède énergique de Quélus eut de si bons résultats, que jamais plus Wicart ne Imp. WALTKXER & G1--, rue Stella, 3, Lyon.