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INSTITUT KURD E DE PARIS

Bulletin de liaison et d’information N°380 NOVEMBRE 2016 La publication de ce Bulletin bénéficie de subventions des Ministères français des Affaires étrangères et de la Culture ————— Ce bulletin paraît en français et anglais Prix au numéro : : 6 € — Etranger : 7,5 € Abonnement annuel (12 numéros) France : 60 € — Etranger : 75 €

Périodique mensuel Directeur de la publication : Mohamad HASSAN Maquette et mise en page : Şerefettin ISBN 0761 1285

INSTITUT KURDE, 106, rue La Fayette - 75010 PARIS Tél. : 01- 48 24 64 64 - Fax : 01- 48 24 64 66

www.fikp.org E-mail: [email protected] Bulletin de liaison et d’information de l’Institut kurde de Paris N° 380 novembre 2016

• ROJAVA : LES FORCES DÉMOCRATIQUES SYRIENNES LANCENT L’ATTAQUE SUR , LA TURQUIE EN EST ÉCARTÉE

• IRAK : L’ÉTAU SE RESSERRE SUR DAECH À MOSSOUL

• TURQUIE :CHAPE DE PLOMB SUR LES MÉDIAS ET GUERRE CONTRE LES KURDES

• TURQUIE : RÉPRESSION IMPLACABLE DU HDP ET ARRESTATION DE SES 2 CO-PRÉSIDENTS

• DIYARBAKIR : HOMMAGE AU BÂTONNIER DÉFENSEUR DE LA PAIX TAHIR ELÇI UN AN APRÈS SON ASSASSINAT

• PARIS : UN COLLOQUE AU SÉNAT SUR LE STATUT DES CHRÉTIENS ET DES YÉZIDIS APRÈS LA BATAILLE DE MOSSOUL

ROJAVA : LES FORCES DÉMOCRATIQUES SYRIENNES LANCENT L’ATTAQUE SUR RAQQA, LA TURQUIE EN EST ÉCARTÉE e 3 novembre, Talal opposés «non seulement les FDS. Quelques jours plus tard, le Silo, porte-parole des Kurdes, mais tous les Syriens», a 6, dans une conférence de presse Forces démocratiques déclaré que «si la Turquie parti - tenue à Aïn Issa, à 50 km au nord L syriennes (FDS), une cipait [à l’avance vers Raqqa], ce de Raqqa, les FDS ont officielle - alliance militaire multi- serait pour aider Daech et non le ment lancé l’opération, baptisée ethnique et multi-confessionnel - combattre». Muslim a ajouté que «Colère de l’Euphrate». le dominée par les Kurdes du les combattants kurdes des YPG Impliquant 30.000 combattants et PYD (Parti de l’union démocra - (Unités de protection du peuple, menée en coordination avec la tique) a déclaré à que les l’aile militaire du PYD) avance - coalition anti-Daech dirigée par FDS lanceraient seules l'opéra - raient sur Raqqa en tant que les États-Unis, elle impliquera tion de libération de Raqqa, et composante des FDS et retourne - aux côtés des combattants des qu’elles avaient informé la coali - raient vers leurs propres terri - FDS des militaires français et tion anti-Daech dirigée par les toires une fois la ville prise: il américains, mais comme Talal États-Unis qu’elles rejetaient reviendrait ensuite à l’adminis - Silo l’a confirmé à l’AFP, en toute participation turque. De tration locale qui émergerait accord avec les États-Unis, ni la son côté, Salih Muslim, le co-pré - après l’expulsion des djihadistes Turquie ni les factions islamistes sident du PYD, caractérisant l’in - de décider ou non de rejoindre la syriennes qu’elle soutient n’y cursion turque en Syrie comme Région fédérale du nord-Syrien, participeront. Depuis le début une invasion à laquelle sont récemment proclamée par les du mois, ces dernières affrontent • 2 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016 d’ailleurs les FDS dans le nord Cependant, le 21, malgré ce aux deux cantons orientaux de d’Alep, pilonnant des villages à retrait, des milices islamistes leur Région fédérale, Kobanê et peine repris à Daech… Les FDS soutenues par les Turcs ont atta - Djézireh. Les combattants du devraient donc combattre les dji - qué l'ouest de . Le com - Conseil militaire de Manbij ont hadistes tout en subissant les mandant du Conseil militaire de continué en parallèle à affronter attaques de ceux qu’elles quali - la ville, Adnan Abou Amjad, a l’ASL. Selon l’agence kurde fient de «mercenaires des Turcs» annoncé que les frappes Hawar proche du PYD, trois aériennes turques avaient tué un tanks turcs ont été détruits. Le 7, alors que selon l’OSDH, les combattant et en avaient blessé combats commençaient près de plusieurs autres, accusant l’État Il est clair que les États-Unis la ville d’Aïn Issa, les FDS ont turc d’être «un État terroriste, voient d’un très mauvais œil au appelé dans un communiqué au qui frappe les positions du plus haut niveau les frappes de soutien régional et international Conseil militaire luttant contre l’armée turque contre leurs à l’opération et demandé l’assis - Daech». Le même jour, dans un alliés, comme le montrent les tance des ONG pour les rési - discours prononcé à Istanbul déclarations faites dès le 27 dents de Raqqa. Malgré la résis - devant une assemblée parlemen - octobre dernier par le sénateur tance des djihadistes qui ont uti - taire de l’OTAN, le président républicain John McCain, prési - lisé des véhicules piégés, plu - turc a de nouveau critiqué l’ap - dent de la Commission des Forces sieurs villages ont été repris, et pui apporté aux YPG par les armées du Sénat: «les États-Unis dès le 8, les combattants des FDS États-Unis et exprimé l’espoir entretiennent une relation de ont commencé à creuser des que leur position évoluerait «afin longue date avec la Turquie tranchées pour les protéger de que la Turquie soit libérée de la (avait-il déclaré), [mais] une série ces attaques suicides. Le même menace terroriste». Il a rappelé d'événements récents a soulevé jour, le ministre turc des Affaires aux États-Unis et aux autres des inquiétudes sur les fonda - étrangères, Mevlut Çavuşoğlu, alliés de l’OTAN la proposition mentaux [de ces relations]». s’efforçant de faire bonne figure turque d’établir dans le nord de McCain avait ajouté que la coopé - après la mise sur la touche de la la Syrie une zone de protection ration avec les FDS «[servait] les Turquie, a déclaré que aérienne interdite de survol à intérêts de la sécurité nationale Washington s’était engagé à ce l’aviation syrienne. Le lende - aussi bien des États-Unis que des que les combattants kurdes n’en - main, le 22, Peter Cook, porte- pays de la région, y compris la trent pas dans Raqqa, ajoutant parole du Département de la Turquie », avant de «demander qu’il espérait que cette promesse Défense des États-Unis, a répon - instamment au gouvernement serait tenue, bien que la même du indirectement que des turc de s'abstenir de nouvelles ait été faite à propos de Manbij, Kurdes pourraient se trouver attaques contre les groupes d’où le retrait annoncé n’avait parmi les forces locales chargées kurdes en Syrie»… Le 16, le colo - pas encore eu lieu… Le 10, Cihan de défendre Manbij contre nel américain John Dorrian, Ehmed, la porte-parole des FDS Daech, mais qu’il s’agirait de porte-parole de la coalition, a pour «Colère de l’Euphrate», a résidents de longue date, n’ap - déclaré en conférence de presse déclaré à que les partenant pas nécessairement au que l’action turque sur al-Bab combattants avançaient à présent PYD, dont Cook a confirmé qu’il était une «décision nationale» lan - sur deux fronts séparés au nord avait annoncé son retrait vers la cée indépendamment par la de Raqqa, et qu’une fois que les rive est de l’Euphrate. Mais le 23, Turquie et qui n’était «pas soute - deux colonnes auraient fait leur des affrontements violents ont nue par la coalition», précisant jonction, elles encercleraient un éclaté entre FDS et rebelles même que les États-Unis avaient territoire de 550 km² contrôlé par syriens de l’ASL soutenus par la retiré leurs soldats des Forces spé - les djihadistes. Le 14, Talal Silo a Turquie près d’al-Bab, une ville ciales originellement déployés pour déclaré que les FDS avaient de 100.000 habitants à environ 30 aider les forces turques et leurs alliés . repris 32 villages à Daech depuis km au sud de la frontière turque, le lancement de l’opération. Le dans des villages situés sur la Il est à noter que, si les États- 16, le commandement général route de Manbij. Les militaires Unis soutiennent sur le terrain des YPG a annoncé que ses com - turcs et leurs alliés, qui avaient l’alliance militaire des Kurdes de battants allaient se retirer de selon l’OSDH commencé dès le Syrie (la coalition a même accru Manbij et regagner la rive est de 12 à pilonner la ville avec l’ar - son soutien aux FDS en armes et l’Euphrate pour participer à tillerie et des frappes aériennes, en équipement.), la Russie fait l’opération sur Raqqa, la ville cherchaient clairement à empê - quant à elle régulièrement des demeurant protégée par son cher les FDS d’ouvrir un corridor déclarations pour défendre leur propre Conseil militaire. reliant le canton d’Afrîn à l’ouest inclusion dans le processus poli - n° 380 • novembre 2016 Bulletin de liaison et d’information • 3• tique. Ainsi le 21, le vice-ministre offensive simultanée à partir de tant revendiqué par le TAK, un russe des Affaires étrangères, lignes de front différentes devant groupe qui aurait fait scission du Guennadi Gatilov, a-t-il déclaré mener à la libération de la ville, PKK. Muslim, qui est de nationalité que l’envoyé spécial de l’ONU ainsi que le recrutement dans les syrienne, a déclaré sur Twitter qu’il Staffan de Mistura devrait, en FDS de 1.000 hommes et femmes ne pensait pas que «quiconque application du mandat qui lui a venant de Raqqa, qui s’intégre - prendrait ce mandat au sérieux», été confié, reprendre les consul - ront à l’opération après une for- puis dans une interview au site tations sur l’avenir de la Syrie le mation. Ce même jour, les Middle East Eye , il a ajouté le 23 que plus rapidement possible et sur affrontements se sont poursuivis le mandat visait à le forcer à limiter une base la plus inclusive pos - entre le Conseil militaire de ses déplacements en Europe, qui sible, et que la délégation de Manbij et les groupes islamiques «dérangeaient le Sultan». Ces tenta- l’opposition devrait inclure des soutenus par la Turquie dans des tives de poursuite juridique ne représentants de tous les villages proches de la ville. De semblent pas jusqu’à présent avoir groupes d’opposition ayant leur manière inattendue, le gouverne- eu l’impact recherché. Le mandat – plate-forme politique, et notam- ment syrien est intervenu dans qui n’a pas été transmis à Interpol – ment les Kurdes de Syrie : «Les cette confrontation le 24: l’armée a été annoncé au moment où Kurdes devraient être inclus turque a en effet publié un com- Muslim, qui a de bonnes relations dans le processus politique [a muniqué annonçant une frappe avec les gouvernements européens déclaré Gatilov]. Ils constituent aérienne du régime syrien sur et dispose d’un bureau à Bruxelles, une réelle force politique et mili- ses soldats très tôt, vers 3 h 30, rencontrait des officiels britan - taire qui contrôle une part consi- qui a fait 3 morts et 10 blessés niques du F oreign Office et se prépa- dérable du territoire syrien et dont un grave. C’est la première rait à prendre la parole devant la participe activement à la lutte frappe reconnue et attribuée au Chambre des Lords ; son existence contre le terrorisme». régime par la Turquie sur ses n’a pas davantage empêché le lea - troupes en Syrie. der du PYD d’assister quelques Confrontés aux attaques turques, jours plus tard, le 26, avec sa co- les FDS ont poursuivi leur offen- Mises de côté sur le terrain, les présidente Asya Abdullah, à l’ou - sive sur Raqqa. Le 19, accompa- autorités turques ont cherché à verture d’une nouvelle représenta- gnées de militaires américains, ouvrir un nouveau front contre le tion de la «Région autonome démo- elles ont encerclé le village de PYD : elles ont lancé le 22 contre cratique du Rojava» à Oslo, la capi- Tell Saman, à environ 25 km au son co-président, Salih Muslim, tale norvégienne, en présence nord de Raqqa, où ont éclaté de ainsi que contre près de 70 autres notamment de la maire de la ville violents combats avec les djiha - «suspects» appartenant au PKK, un Marianne Borgen et de la distes. Le 29, trois semaines mandat d’arrêt international, justi - Représentante de la Région Sinem après le lancement de «Colère de fié par l’accusation selon laquelle le Mohamad. Ce bureau de représen- l'Euphrate», Cihan Ehmed, PYD serait l’organisateur de l’atten- tation à l’étranger est le sixième porte-parole pour l’opération, a tat du 17 février dernier contre un ouvert après Moscou, Prague, annoncé sa deuxième phase, une convoi militaire à Ankara – pour - Stockholm, Berlin et Paris.

IRAK : L’ÉTAU SE RESSERRE SUR DAECH À MOSSOUL es forces spéciales ira - de l’obscurité environ 25.000 rési - dont les corps ont été jetés dans le kiennes sont entrées le 1 er dents de Hammam al-Alil, une Tigre. Les forces anti-terroristes ira - novembre dans le fau - grande ville à environ 15 km au kiennes sont cependant parvenues L bourg de Kokjali à Sud-Est de Mossoul, en aval sur la plus tard dans la journée à Mossoul. Malgré une rive ouest du Tigre, sans doute reprendre le contrôle complet de résistance acharnée des djihadistes, pour les utiliser comme boucliers Kojkali, et en particulier du bâti - les militaires irakiens ont commen - humains, mais la plupart des véhi - ment de la télévision irakienne à cé à avancer vers Karama, plus à cules les transportant ont dû faire Mossoul – le premier bâtiment offi - l’intérieur de la ville, mais ils se demi-tour après avoir été repérés ciel repris aux djihadistes depuis trouvent encore à près de 8 km du par l’aviation de la coalition. Lors l’entrée dans la ville. Le 3, le «cali - centre et progressent extrêmement de ces opérations de transfert forcé, fe» autoproclamé de Daech, Abu lentement. Les djihadistes avaient les djihadistes exécutent tous les Bakr Al-Bagdadi, a diffusé un mes - tenté la veille de faire barrage à anciens membres de la sécurité sage audio de 31 mn où il s’est l’avance des soldats en amenant en qu’ils repèrent parmi les civils, cette déclaré confiant en la victoire de ville très tôt le matin sous le couvert fois-ci une quarantaine d’entre eux, son organisation, appelant ses com - • 4 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016 battants à résister, et même à enva - Barzani, le Président de la Région liers d’habitants, en majorité hir la Turquie! «La Turquie est du , a déclaré en visitant Turkmènes, ont déjà fui. Le 24 au entrée aujourd'hui dans votre les pechmergas que Daech ne matin, les forces irakiennes ont champ d'action et le but de votre représentait à présent plus une imposé un couvre-feu sur les quar - djihad... Envahissez-la et transfor - menace pour celle-ci. Ce même tiers qu’elles contrôlent dans la par - mez sa sécurité en peur», a-t-il dit. jour, l’armée irakienne a annoncé tie Est de Mossoul, où elles ont Selon les services de renseignement contrôler six quartiers de l’Est de interdit l’entrée des véhicules et britanniques cependant, le leader Mossoul et avoir repris à Daech la fermé les magasins, jusqu’à ce que de Daech aurait lui-même fui cité antique de Nimrud, à environ l’inspection des maisons soit termi - Mossoul après la diffusion de son 30 km au sud, sur la rive Est du née. appel à résister! Tigre. Le lendemain, les yézidis de Bashiqa ont organisé une cérémo - Ces combats ont causé de nom - Le 4, les forces irakiennes ont nie pour marquer leur retour, et le breuses souffrances aux civils: cer - annoncé avoir repris six districts de 17, les habitants ont commencé à tains ont pu fuir, mais d’autres en l’est de la ville, Malayîn, Samah, revenir évaluer les dégâts et déci - ont été empêchés par les djiha - Khadra, Karkukli, Al-Qods et der s’ils se réinstallaient ou non. distes, qui les utilisent comme Karama, et tenter d’atteindre le «boucliers humains». Dès le 2, le Tigre, qui traverse la ville. Le 15, le ministère de l’Intérieur ira - GRK avait annoncé l’arrivée de Cependant, occupées à « nettoyer » kien a annoncé que les troupes ira - 9.000 déplacés dans ses camps les quartiers repris, elles n’ont pas kiennes avaient chassé les djiha - depuis le début de l’opération. annoncé de nouvelle avancée dans distes d’un tiers de la partie Est de Dans le nouveau camp de Khazir, les quartiers Est de la ville jusqu’au Mossoul. Le 17, elles progressaient qui héberge 3.000 personnes, les 6. Par contre, elles ont pris le par le sud vers l’aéroport de la ville, arrivants se plaignent de ne pas contrôle d’un quartier Sud à moins tandis que les milices chiites des avoir assez de fournitures pour y de 4 km de l’aéroport, et ont annon - Hashd al-Shaabi avançaient à l’ouest supporter l’hiver. Son directeur, cé le 7 avoir repris Hamam al-Alil: sur Tell Afar et annonçaient le 21 Rizgar Obeid, a déclaré avoir si le front Est se trouve maintenant livrer de violents combats à Daech demandé davantage de fournitures en ville, le front Sud est celui le plus sur la route joignant cette ville à au GRK, au HCR et à d’autres orga - éloigné de Mossoul. Mossoul. L’objectif de bloquer les nisations internationales. Le 22, le liaisons des djihadistes avec la Syrie nombre de personnes déplacées De leur côté, les pechmergas du semblait en passe d’être atteint. suite aux combats a été estimé à Gouvernement régional du Cependant, malgré la dispropor - plus de 68.500. Au fur et à mesure Kurdistan (GRK), qui selon l’accord tion en nombre – selon le que les djihadistes se retirent, les conclu avec Bagdad ne sont pas Pentagone, 3.000 à 5.000 djihadistes attaquants découvrent des fosses entrés dans Mossoul, ont annoncé en centre ville plus 1.500 à 2.500 communes témoignant de leur bar - le même jour avoir repris Bashiqa, dans sa ceinture de défense exté - barie: une a été découverte le 8 dans la plaine de Ninive, à 15 km rieure, dont un millier de combat - dans la petite ville de Hamam al- au Nord-Est, une ville qui, avant sa tants étrangers, contre plus de Alil, et deux autres dans le Sindjar, prise par Daech, avait une popula - 40.000 attaquants – la résistance de contenant au moins 18 corps de tion mélangée de yézidis, shabaks, Daech demeurait acharnée, et nul yézidis. Le maire de Sindjar a décla - assyriens et arabes musulmans. ne se risquait à estimer la durée de ré qu’on en avait déjà découvert 29. L’annonce des combattants kurdes la bataille. Pour restreindre encore s’est cependant vite révélée préma - les mouvements de Daech entre les En parallèle des opérations sur turée, des combats s’étant poursui - quartiers Est et Ouest de Mossoul, Mossoul, les forces de sécurité de vis jusqu’au 8, dans les quartiers les Américains ont détruit par une Kirkouk ont poursuivi la «sécurisa - Est de la ville entre djihadistes et frappe aérienne un pont sur le tion» de cette ville après l’incursion soldats irakiens, au Nord avec les Tigre – le troisième en deux mois. de Daech qui avait coûté fin octobre pechmergas. Les pechmergas ont L’ONU a exprimé son inquiétude la vie à plus de 100 personnes, en pu ensuite entamer le «nettoyage» que ces destructions rendent la majorité des forces de sécurité. Le de la ville, c’est-à-dire la capture ou fuite des civils plus difficile. Le 23, 1er , celles-ci ont annoncé avoir éli - l’élimination des djihadistes retran - les milices chiites ont annoncé avoir miné une dizaine de djihadistes chés dans certaines maisons ou des fait leur jonction avec les pechmer - tentant de fuir vers Hawija, une tunnels, nettoyage qui n’a été réel - gas à l’ouest de Tell Afar, isolant ville de près de 100.000 habitants lement achevé que le 11 au matin, ainsi totalement Mossoul de l’exté - située à 65 km à l’ouest – et l’une plus d’une dizaine de djihadistes rieur. L’objectif suivant sera de res - des dernières tenues par Daech ayant été tués la dernière journée. serrer encore l’étau en coupant dans la province. Le 8, elles ont C’est depuis Bashiqa que Massoud Mossoul de Tell Afar, dont des mil - arrêté des membres d’une cellule n° 380 • novembre 2016 Bulletin de liaison et d’information • 5•

«dormante» de Daech qui religieux vivant ensemble, c’est le ment… du Ministère kurde des envoyaient justement des informa - genre de Kurdistan que nous vou - peshmergas. tions à Hawija, peut-être pour pré - lons », et promettant aux habitants parer une nouvelle attaque, et le 19, des territoires contestés que le GRK Tandis que les opérations militaires suite à des raids lancés dans plu - ne permettrait jamais plus qu’ils se poursuivaient, la Région du sieurs quartiers de la ville, elles ont soient déplacés. Répondant aux cri - Kurdistan vivait toujours à l’heure arrêté 309 personnes, dont 87 rapi - tiques de ceux qui regrettent que des difficultés financières et de la dement remises en liberté. Le 22, la des pechmergas aient versé leur crise institutionnelle. Les ensei - création d’un nouveau régiment de sang pour Mossoul, qui relève du gnants notamment ont poursuivi police a été annoncée: formé à par - gouvernement central, Barzani a leur boycott des classes pour pro - tir d’officiers provenant de divers déclaré que le Kurdistan ne serait tester contre baisses et retards de points de contrôle ou commissa - pas sûr tant que Mossoul serait salaires, manifestant dès le 1 er du riats, il renforcera la sécurité de tenu par des terroristes, ajoutant: mois à Sulaimaniyeh, Halabja, Kirkouk avec ses 500-700 hommes. «Avant l’arrivée de Daech, il y avait Koya, Garmyan, Raparin, 300.000 Kurdes à Mossoul. Darbandikhan et Chamchamal… Parfois, les suspects sont d’origine Pouvions-nous leur tourner le D’autres manifestations ont eu lieu surprenante: ainsi ce journaliste dos?». le 12 et les enseignants en colère ont japonais, Kosuke Tsuneoka, arrêté bloqué le 15 la rue devant le le 1 er novembre par les pechmergas Autre point traditionnel de diver - Ministère de l’éducation à sur le Mont Zardak, près de gence entre Bagdad et Erbil, le sta - Sulaimaniyeh, menaçant le GRK Mossoul, trouvé porteur d’une tut des pechmergas: bien que selon d’une action en justice. Après chaînette portant un signe de la constitution de 2005, ils soient d’autres manifestations le 19, un Daech. Remis le 7 à l’ambassade reconnus comme force d’auto- nouveau blocage a été organisé le japonaise puis expulsé vers son défense du Kurdistan Irakien, 20, suivi d’affrontements entre plus pays, il était selon les renseigne - Bagdad a toujours refusé de payer de 5.000 enseignants et les forces de ments de la sécurité converti à l’is - leur solde. Or, le 26, le parlement sécurité déployées pour protéger lam, et suspecté d’avoir gagné irakien a reconnu par 208 voix sur les locaux de l’Union patriotique Raqqa pour y servir d’interprète 327 les milices chiites comme une du Kurdistan (UPK), le principal aux leaders de Daech – ce qu’il a nié force militaire officielle «d’appui et parti de la province. Le 23, le devant ses collègues une fois rame - de réserve», dont les membres rece - Conseil des ministres du GRK a né à Tokyo. vront soldes (et retraites) iden - annoncé une prochaine réunion tiques à ceux de l’armée régulière. avec le vice-gouverneur de Les opérations se déroulent en Les leaders sunnites ont immédia - Sulaimaniyeh et le syndicat des grande partie dans des territoires tement rejeté la loi et appelé à sa enseignants de la province pour contestés entre le gouvernement révision, tandis que les députés tenter de trouver une solution, le central et le GRK, ce qui conduit à kurdes ont décidé de demander Ministre de l’éducation se disant des tensions et parfois des accusa - lors de la discussion du budget prêt à des concessions. Le Président tions de nettoyage ethnique. Le 13, fédéral du Kurdistan pour 2017 Massoud Barzani lui-même a décla - le GRK a rejeté un rapport de qu’y soit incluse la solde de 100.000 ré comprendre les difficultés des Human Rights Watch selon lequel les pechmergas, soit 42 millions de enseignants. pechmergas auraient démoli des dollars. maisons de familles arabes dans les Enfin, le 21, Massoud Barzani a provinces de Mossoul et de Ninive Pourtant, tout n’est pas sombre exhorté les partis politiques kurdes (Kirkouk), répondant que les des - dans les relations entre communau - à se réunir pour trouver un accord tructions constatées sur les images tés. Durant les deux dernières afin d’élire un nouveau président satellitaires étaient dues aux semaines du mois, 2.000 Arabes de au Parlement d’Erbil pour réactiver frappes de la coalition et à Daech, la ville de Zêmar, au nord de la celui-ci et permettre la désignation qui avait notamment dynamité les route Mossoul – Tell Afar, se sont d’un nouveau gouvernement et maisons de membres de la sécurité. enrôlés dans une nouvelle «Brigade d’un nouveau Président de Région Le 16, Massoud Barzani a répondu des peshmergas de l’Ouest du jusqu’aux prochaines élections. Le à ces accusations depuis Bashiqa, Tigre» composée d’Arabes de 27, le PDK a annoncé des discus - où il visitait les pechmergas, en Zêmar, Rabia, Ayazya et de plu - sions multilatérales avec les autres déclarant que ceux qui avaient sieurs villages du Sindjar. Créée à partis politiques, UPK, Gorran , UIK coopéré avec Daech n’avaient pas la demande des chefs tribaux de la et GIK (islamistes), afin de tenter de de place parmi les Kurdes, mais province de Ninive pour protéger sortir du blocage politique qui que les autres étaient bienvenus: la région de Zêmar, cette brigade paralyse la Région depuis plus «Différents groupes ethniques et sera placée sous le commande - d’un an. • 6 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016

TURQUIE : CHAPE DE PLOMB SUR LES MÉDIAS ET GUERRE CONTRE LES KURDES

près le décret pris le mois mettant depuis le 15 juillet 2.500 interrogatoire, ils ont été autorisés précédent par les autori - journalistes au chômage, et dans à regagner Istanbul. Le 27, deux tés turques pour ordon - les trois derniers mois et demi, femmes reporters, Hatice Kamer A ner la fermeture de plus de 110.000 personnes ont été (BBC) et Khajijan Farqin ( Voice of l’agence de presse kurde licenciées ou suspendues et 37.000 America ), ont été arrêtées respecti - féminine Jinha , on a appris le 1 er arrêtées. Dès le 2, à l’occasion de la vement dans les provinces de Siirt novembre que la police avait dans Journée internationale pour mettre fin et de Diyarbakir. Hatice Kamer la nuit du 29 au 30 octobre fermé à l'impunité des crimes contre les devait couvrir un accident minier l’agence par la force et sans notifi - journalistes , l’organisation de – ce genre de nouvelles serait-il cation officielle, en même temps défense des droits des journalistes également devenu sujet de censu - qu’une série d’autres médias, dont Reporters sans frontières (RSF) avait re? l’agence DIHA ( Dicle News trouvé une place de choix pour le Agency ), trois magasines et 10 jour - président Erdoğan sur sa liste de Dans ce climat délétère pour les naux. Jinha , créée par six femmes «prédateurs de la liberté de la médias turcs, seulement deux rela - journalistes, disposant d’équipes presse»… Le 8, Erol Onderoğlu, tives bonnes nouvelles: lundi 14, le de femmes reporters en Turquie, qui est justement le représentant Tribunal de commerce de Paris a au Rojava et au Kurdistan d’Irak, de RSF pour la Turquie, et deux ordonné à la société Eutelsat de tentait notamment de remédier à autres militants des droits des rétablir sous peine d’une amende l’absence de couverture des vio - journalistes, Sebnem Korur et de 10.000€ par jour de retard la lences contre les femmes en Ahmet Nesin, arrêtés après le diffusion par satellite de la chaîne Turquie. Après que la police ait coup d’Etat et libérés jusqu’à leur kurde Newroz TV , interrompue le changé la serrure de leur bureau et procès, ont vu celui-ci commencer 11 octobre dernier à la demande en ait interdit l’accès, les journa - à Istanbul. Pour avoir accepté lors du RTÜK (le Haut comité audiovi - listes ont déclaré qu’elles ne plie - d’une campagne de solidarité de suel turc). Le tribunal a jugé que raient pas face au «parti misogy - jouer les rédacteurs invités pour le «l'interruption de la transmission ne» AKP, et qu’elles continue - journal «pro-kurde» Özgür […] constitue une violation fla - raient à diffuser des informations Gündem , ils ont été accusés de grante» et cause «des troubles sur les réseaux sociaux. «propagande terroriste» au profit manifestement illicites» à la socié - du PKK. Parmi les autres collabo - té suédoise Stiftelsen Kurdish Media A présent, les autorités turques rateurs du journal arrêtés figure (SKM), qui diffuse Newroz TV , et ont transformé en délit la diffusion aussi la romancière Asli Erdoğan. que le RTÜK n’a pas clairement d’informations sur les arrestations Puis le 11, le journal Cumhuriyet a prouvé le lien entre la chaîne et le de journalistes! Le 31, un tribunal annoncé que son directeur, Akin PKK. Le jeudi 17, ce même tribu - a interdit la diffusion d’informa - Atalay, avait été appréhendé ven - nal a rendu un jugement similaire tions concernant l’arrestation de dredi à l’aéroport d’Istanbul alors pour la chaîne Med Nuçe TV . Murat Sabuncu, le rédacteur en qu’il revenait d’Allemagne. Un chef du journal Cumhuriyet . Des mandat d’arrêt avait été émis Comme les médias, la société civi - supporters du journal, accompa - contre lui dans le cadre d’une le a été visée par la répression. Le gnés de leaders d’opposition, se enquête pour «activités terro - 14, le Ministère de l’intérieur a sont rassemblés en solidarité près ristes», et il a été emmené immé - ordonné la fermeture pour «terro - de ses bureaux à Ankara et diatement dans un véhicule de risme» de 370 organisations, Istanbul. Le 5, les autorités turques police qui attendait sur le tarmac. parmi lesquelles des groupements ont ordonné l’arrestation formelle Le même jour, le journaliste fran - de femmes et de défense des droits de neuf cadres du journal çais Olivier Bertrand, du site web de l’enfant! Les organisations Cumhuriyet , dont son rédacteur en français lesjours.fr a été arrêté à visées n’ont été informées de cette chef, avant leur procès. Un haut Gaziantep, puis expulsé après décision que lors des raids de poli - responsable de l’Union européen - avoir été retenu trois jours par la ce et de perquisitions de leurs ne a qualifié ces incarcérations de police. Le 19, selon l’agence Doğan , locaux. Raisons invoquées par le «franchissement d’une ligne deux journalistes de la télévision ministère, 153 des organisations rouge» en matière de liberté d’ex - suédoise SVT suédois basés à fermées sont en lien avec le pression. Selon l'Association des Istanbul et couvrant l’actualité de «réseau Gülen», 190 avec le PKK, 8 journalistes turcs, 170 journaux, la province de Diyarbakir ont été avec Daech et 19 avec le parti d’ex - magazines, chaînes de télévision et arrêtés après avoir filmé près trême gauche DHKP-C (Armée agences de presse ont été fermés, d’une zone militaire. Après un révolutionnaire de libération du n° 380 • novembre 2016 Bulletin de liaison et d’information • 7• peuple, Devrimci Halk Kurtuluş école kurde de Van, qui avait ration à «d'importants développe - Partisi-Cephesi ). Les universitaires ouvert l'année dernière et comp - ments dans la région». Le Premier ont été aussi de nouveau visés, des tait trois classes avec cinquante ministre irakien Haider Al-Abadi mandats d’arrêt ayant été lancés élèves. Ces décrets permettent a réagi violemment, déclarant mercredi 2 contre 137 d’entre eux donc maintenant au gouverne - notamment dans une conférence pour «liens gülenistes», et le 18 au ment de revenir sur les quelques de presse télévisée: «Une invasion matin, la police, munie de 103 droits accordés à la langue de l'Irak conduirait au démantèle - mandats d’arrêt, a lancé un raid kurde… ment de la Turquie. […] Nous ne sur le campus de l’Université voulons pas la guerre avec la Technique Yıldız d’Istanbul, au Surfant sur la vague de violence Turquie […] mais si une confron - cours duquel 76 membres du per - qu’il a lui-même déclenchée, le tation se produit, nous sommes sonnel ont été incarcérés pour gouvernement a poursuivi ses prêts. Nous traiterons [la Turquie] «participation à une organisation déclarations sur le rétablissement en ennemie». La tension entre les terroriste armée». Deux autres possible de la peine de mort, abo - deux pays a encore augmenté personnes ont également été incar - lie en 2002: le Premier ministre lorsque le ministre turc des cérées dans l’après-midi à Istanbul Binali Yıldırım, déclarant le 1 er Affaires étrangères, Mevlut et une troisième à Ankara. novembre que le gouvernement Çavuşoğlu, a répondu en accusant «ne fermerait pas les oreilles aux al-Abadi de faiblesse: «Si vous êtes Concernant l’armée, des procu - demandes du peuple», a envisagé, si forts, pourquoi avez-vous aban - reurs ont ordonné mercredi 9 l’ar - sans donner de précisions, une donné Mossoul à des organisa - restation de 55 pilotes de chasse «mesure limitée» à cet effet, à tions terroristes? […] Pourquoi le supplémentaires: plus de 300 sont laquelle le leader du MHP, Devlet PKK a-t-il occupé vos terres pen - déjà détenus, la plupart apparte - Baceli, a exprimé son soutien. Le dant des années?» nant à la base aérienne de Konya; soutien de cette formation d’extrê - et le 12, le Ministère de la défense me-droite nationaliste, de plus en Dans les provinces kurdes du a annoncé que 168 officiers et 123 plus courtisée par l’AKP, permet - pays, si un attentat à la voiture sous-officiers de marine soupçon - trait à celui-ci d’effectuer le chan - piégée mené à Diyarbakir le 4, qui nés de complicité dans le coup gement constitutionnel nécessai - aurait étrangement pu viser aussi d’Etat manqué avaient été suspen - re… bien les responsables du HDP dus du service actif. Le 18, le emprisonnés que la police anti-ter - Secrétaire général de l’OTAN, Jens Aucune de ces mesures répres - roriste, a suscité une controverse Stoltenberg, a déclaré que plu - sives, qui prennent pourtant concernant ses auteurs, Daech, sieurs officiers et diplomates turcs comme prétexte l’éradication du PKK ou TAK, d’autres ont suivi en poste en Europe et rappelés à «réseau güleniste» et de la guérilla durant tout le mois, après que le Ankara avaient décidé de ne pas kurde du PKK, n’a empêché cette PKK ait publié le 5 un bilan éta - rentrer et de demander l’asile poli - dernière de poursuivre ses actions blissant le nombre de militaires tique. Mentionnant des témoi - militaires contre les forces de sécu - turcs tués depuis août à 1.736, gnages d’officiers selon lesquels rité turques. La chasse turque a contre 214 de ses propres combat - certains de leurs collègues ont été pourtant frappé plusieurs fois ce tants. Le 10, une attaque à la emprisonnés sans accusations pré - mois-ci les lieux d’implantation bombe ou à la roquette, suivie de cises et sans accès ni à un avocat ni du PKK au Kurdistan d’Irak: le 3 brefs affrontements, a blessé 5 per - à leurs propres familles, (ainsi qu’en Turquie dans le dis - sonnes dans le district de Derik Stoltenberg a ajouté que l’OTAN trict de Cukurca), le 7 et le 22 dans (province de Mardin) dont 2 poli - condamnait le coup, mais souhai - le district d’Amêdî, à 90 km au NE ciers et le gouverneur du district, tait que la Turquie respecte la loi de Dohouk, le 27 dans les régions Mohammed Fatih Safitürk, récem - dans sa recherche de complicités de Bazyan et Qandil, puis le 28 et ment nommé administrateur de la au sein de ses forces armées… enfin le 29 de nouveau à Amêdî. municipalité de Derik, qui est Le 16, le Président turc a même de ensuite décédé à l’hôpital. A Le mardi 22, deux nouveaux nouveau envisagé la possibilité Adana, le 24 à 8 h du matin, un décrets ont été publiés, par les - d’une attaque au sol contre le PKK attentat à la voiture piégée sur le quels 15.000 personnes supplé - sur le territoire irakien, des décla - parking du bureau du gouverneur mentaires de l’armée, de la police rations d’autant plus prises au de la province a fait 2 morts et 30 et des services de l’État ont été sérieux en Irak que qu’en début de blessés dont 2 graves. L’attentat, démis et 500 associations, 19 éta - mois, la Turquie a déployé des non immédiatement revendiqué, a blissements de santé et 9 entre - troupes près de la frontière ira - été attribué au PKK par les autori - prises de médias fermés. Parmi les kienne, pour, selon le ministre turc tés, avant d’être revendiqué le 30 établissements touchés, la seule de la Défense, Fikri Isik, la prépa - par le groupe TAK. • 8 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016

TURQUIE: RÉPRESSION IMPLACABLE DU HDP ET ARRESTATION DE SES 2 CO-PRÉSIDENTS

près l’arrestation le 25 Leyla Birlik, Ziya Pir, Abdullah politique étrangère, Federica octobre des deux co- Zeydan, Idris Baluken (chef du Mogherini, l’Union européenne maires HDP de groupe parlementaire HDP), et s’est déclarée dès le lendemain A Diyarbakir, Gültan Imam Tascier (représentant de «extrêmement inquiète», et a Kışanak et Fırat Anlı, les Diyarbakir). Toujours selon convoqué une réunion des diffé - autorités turques ont nommé le 1 er Anatolie , Selahattin Demirtaş a été rents diplomates de l'UE à Ankara. novembre Cumali Attila, précé - appréhendé à son domicile de Dans une déclaration conjointe demment gouverneur d’un district Diyarbakir vers 1h30 du matin avec le commissaire européen à d’Ankara, comme administrateur tandis que Figen Yüksekdağ l’a été l'Élargissement, Johannes Hahn, non élu pour les remplacer, tandis à Ankara. Selon la chaîne kurde Mme Mogherini a déclaré: «Ces que 30 membres du BDP, la com - NTV , les deux leaders ont été accu - développements […] compromet - posante régionale du HDP, étaient sés de propagande pour le PKK tent la démocratie parlementaire arrêtés dans une opération de poli - tandis que l’agence Anatolie a indi - en Turquie et exacerbent la situa - ce à Mardin. Le co-président du qué que Demirtaş était accusé de tion déjà très tendue dans le Sud- HDP, Selahattin Demirtaş a quali - provocation à la violence durant Est du pays, pour laquelle il ne fié dans une conférence de presse les protestations d’octobre 2014, peut y avoir qu'une solution poli - les accusations retenues contre les où il y avait eu plusieurs morts. tique». Plusieurs partis du deux co-maires de «totalement Ces arrestations ont été possibles Parlement européen, dont son mensongères» et a ajouté en fai - suite au vote du parlement turc le deuxième groupe parlementaire, sant référence aux dirigeants turcs: 20 mai dernier pour lever l’immu - celui des Sociaux-démocrates, ont «Ils nous rendront tout ce qu'ils nité des députés mis en accusation. également condamné les arresta - ont volé et confisqué; nous récla - Le lendemain de l’incarcération tions. En France, le porte-parole mons le retour de nos co-maires à des 2 co-présidents, un tribunal de du ministère des Affaires étran - leurs postes et le retour de la Diyarbakir a confirmé leur déten - gères, Romain Nadal, a exprimé volonté du peuple, nous n'accepte - tion préventive, ordonnant leur lors de son point presse quotidien rons aucune autre option, nous ne maintien en prison jusqu’à leur sa «préoccupation sérieuse», appe - plierons pas et continuerons à procès, dont la date n'a pas encore lant «[…] la Turquie a respecter la nous tenir debout. Tout été fixée. primauté du Droit et les droits fon - descendra dans la rue et ne recule - damentaux», y compris la démo - ra pas jusqu'à ce que nous attei - Dès le dimanche suivant, le 6, le le cratie et la liberté de la presse. gnons un résultat». porte-parole du HDP, Ayhan Dans la Région du Kurdistan Bilgen, a annoncé que celui-ci d'Irak, le Premier ministre du Mais deux jours plus tard, dans la entamait immédiatement un boy - Gouvernement régional (GRK), nuit du 3 au 4, Selahattin Demirtaş cott du parlement, précisant que Nechirvan Barzani, a appelé le 4 et la co-présidente du HDP Figen les députés qui quittaient dans un communiqué à la libéra - Yüksekdağ ont été eux-mêmes pla - l’Assemblée iraient «de maison en tion des députés HDP arrêtés et cés en détention préventive en maison, de village en village, de demandé «un redémarrage du même temps que 9 autres députés district en district» pour rencon - processus de paix dans l'intérêt HDP, dans le cadre d'une vaste trer les gens et élaborer avec eux d'une véritable résolution». Le opération contre le HDP avec des des propositions sur les actions à secrétariat de la Présidence de la raids policiers coordonnés dans mener ensuite. Le 22 novembre, il Région et le Bureau politique de toute la région kurde de Turquie, a cependant annoncé le retour du l’UPK ont fait des déclarations notamment Diyarbakir, Van et HDP au Parlement turc: «Nous similaires. Le 5, le secrétaire d'État Bingöl, et une perquisition au n’abandonnerons pas la lutte adjoint américain, Antony Blinken, siège du parti à Ankara. Selon comme vous le voudriez, et ne a aussi exprimé ses inquiétudes, l'agence Anatolie , deux autres serons pas vos fantoches au parle - de même que le porte-parole de la députés HDP, Faysal Sariyildiz et ment». Maison Blanche, Josh Earnest, qui Tugba Hezer Ozturk, n’ont pu être a ajouté que la suppression des arrêtés car ils se trouvaient à Les premières réactions étrangères libertés fondamentales n'était pas l'étranger, mais selon un commu - aux arrestations des co-présidents un moyen de lutter contre le terro - niqué du HDP en date du 15, la du troisième parti de Turquie, risme. Le 8, le Président de la police a placé en détention Sirri avec 59 députés sur 550, ont été Commission européenne, Jean- Sureyya Onder, Nursel Aydogan, unanimement désapprobatrices. Claude Juncker a déclaré que le Ferhat Encu, Gulser Yildirim, Par la voix de sa responsable de la président turc Erdoğan emmenait n° 380 • novembre 2016 Bulletin de liaison et d’information • 9• la Turquie «loin de l’Europe» et auteurs: le Premier ministre turc de ses fonctions la semaine précé - mettait en danger sa candidature. puis le bureau du gouverneur l’ont dente avec sa co-maire Emin immédiatement attribuée à «l’or - İrmak, a été placé en garde à vue. A côté de ces condamnations ganisation terroriste séparatiste» – A. Türk a déjà passé des années officielles, qui n’ont eu dans le c’est-à-dire, en «langue officielle» dans les prisons turques lors des passé que peu d’effet sur les le PKK, et ont maintenu cette ver - coups d’État de 1970 et de 1980, autorités turques, des manifesta - sion même après que Daech l’ait puis en 1994, en même temps que tions de protestation, en majorité revendiquée et qu’un groupe d’in - Leyla Zana. L’administrateur non- par des Kurdes, ont eu lieu en vestigation basé aux États-Unis, élu nommé pour le remplacer n’est Turquie comme à l’étranger. A SITE, ait déclaré disposer d’une autre que le gouverneur de la pro - Londres, un policier a été légère - source confirmant la responsabili - vince, Mustafa Yaman. ment blessé lorsque des cen - té probable de l’organisation djiha - taines de protestataires ont tenté diste. Le HDP, de son côté, a décla - Vers la fin du mois, d’autres réac - de pénétrer dans l’ambassade ré que 6 de ses députés, incarcérés tions de l’étranger à la répression turque. Des manifestations ont dans le bâtiment de la police visé implacable exercée par le gouver - aussi eu lieu le 6 au Kurdistan par l’attaque, y avaient échappé de nement turc ont commencé à se d’Irak, à Koya et à Halabja. À justesse… Puis l’attentat a été manifester. Bien que le Président Istanbul, la police a dispersé des revendiqué par le TAK, un groupe turc ait par avance dénié toute manifestants à coups de gaz dissident du PKK, ce qui lui valeur au vote attendu du lacrymogène, de grenades apportait un troisième auteur Parlement européen pour geler le assourdissantes et de pulvérisa - potentiel. À Diyarbakir, la conco - processus d’adhésion de la tions au poivre, menaçant aussi mitance de l’attaque avec les incar - Turquie à l’UE, celui-ci a sans d’arrêter les journalistes venus cérations, la proximité de l’explo - doute porté un coup aux autorités couvrir l’événement et confis - sion avec le lieu de détention des turques. Le 24, le Parlement euro - quant leur matériel de prise de députés arrêtés, l’insistance des péen a approuvé le gel des négo - vues. Des manifestations se sont autorités à attribuer l’action au ciations d’adhésion de la Turquie; poursuivies plus tard dans le PKK et surtout le fait que les les députés ont déclaré «[…] mois: le 12, environ 25.000 assaillants aient pu s’approcher condamner avec force les mesures Kurdes et alévis se sont rassem - aussi facilement de leur cible… ont répressives disproportionnées blés à Cologne, en Allemagne, éveillé la suspicion de ceux se rap - prises en Turquie depuis la tentati - avec des portraits de Selahattin pelant les attentats anti-HDP de ve manquée de coup d’État militai - Demirtaş et aussi d’Abdullah Suruç et d’Ankara, et des com - re» et, bien que «demeurant parti - Öcalan, et des heurts ont eu lieu mentaires du type «Trois suspects, sans d’un ancrage de la Turquie à entre une petite minorité de un responsable: Erdoğan» ont fleu - l’Union européenne […], appeller manifestants et la police; le 17, ri sur les réseaux sociaux (ou du la Commission et les États des milliers de Kurdes (2.000 moins sur ce que les autorités membres à initier un gel temporai - selon la police) ont défilé à n’ont pu en bloquer…). re des négociations d’accession en Bruxelles, demandant des sanc - cours avec la Turquie». Le vote du tions de l’UE contre la Turquie. Le 11, cinq assistants parlemen - Parlement n’est pas contraignant Enfin, le dimanche 20 à Istanbul, taires de députés HDP, dont celui juridiquement, mais envoie malgré au moins 5.000 manifestants du de Figen Yüksekdağ ont été incar - tout un message clair, même si le HDP mais aussi du CHP (Parti cérés à leur tour. Le 16, les maires Président turc déclare justement Républicain du Peuple, kémalis - HDP de Siirt et de Tunceli ont été ne pas pouvoir le «digérer»… te) se sont rassemblés dans les arrêtés sur accusation de liens avec Manifestement furieux, M. quartiers asiatiques, criant des le PKK, puis le 17, le maire de Van, Erdoğan a de nouveau brandi la slogans comme «Unis contre le Bekir Kaya, a été arrêté en même menace d’une réouverture des fascisme». temps que quatre autres élus frontières aux réfugiés syriens. Le municipaux pour des accusations même jour, le parlement autri - A Diyarbakir, quelques heures similaires, qui pourraient lui valoir chien, justifiant sa décision par la seulement après la mise en déten - 15 ans de prison. Des administra - situation des droits de l’homme et tion des 2 co-présidents, un atten - teurs ont été désignés pour rem - notamment des médias en tat utilisant un minibus piégé, placer des élus arrêtés dans plu - Turquie, a voté à l’unanimité la visant dans le quartier de Bağlar le sieurs villes des provinces de Siirt restriction des ventes d’armes à ce bâtiment de la police anti-terroris - et Mardin. Le 21, c’est Ahmet pays. Le ministère allemand des te, a tué 11 personnes et en a blessé Türk, 74 ans, vétéran de la poli - Affaires étrangères a quant à lui plus de 100. Cette action a provo - tique kurde en Turquie et maire de déclaré être opposé au gel des qué la controverse quant à ses Mardin, qui, après avoir été démis négociations d’adhésion, précisant • 10 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016 qu’il était important à son avis de sé la co-présidente du HDP Figen nombreux gardiens de prison par continuer à «parler avec ce pays», Yüksekdağ et le député Erdal Atas des policiers des Forces spéciales ajoutant que l’accord sur les réfu - de «propagande pour une organi - et transféré des armes lourdes giés «était dans l’intérêt des deux sation terroriste», et un autre dans certaines prisons. Déclarant: parties». Continuer à parler avec la député, Mizgin Irgat, a été accusé «Le gouvernement peut envisager Turquie après les déclarations de «promouvoir les crimes et les d'exécuter certaines politiques demandant la libération des dépu - criminels». Après l’examen des répressives, voire mortelles dans tés arrêtés, c’est aussi le choix fait discours des députés HDP lors les prisons», Ozsoy a appelé toutes par la Région du Kurdistan d'une table ronde à Izmir en les institutions et organismes inter - Irakien, dont le Premier ministre février, dans lesquels les actions nationaux à suivre, enquêter méti - Nechirvan Barzani rencontrait jus - du PKK étaient qualifiées de «lutte culeusement, et agir, sur la grave tement le 24 le Président turc à populaire», le bureau du procu - situation dans les prisons Ankara… reur a demandé des peines d'em - turques». Ce même jour, le procu - Le 28, selon une source demeurée prisonnement pouvant aller jus - reur du tribunal de Diyarbakir a anonyme en raison des restrictions qu'à cinq ans. Le 29, le député requis 230 ans de prison contre imposées aux déclarations aux HDP Hışiyar Ozsoy a averti que le Mme Gültan Kışanak, co-maire médias, le parquet d’Izmir a accu - gouvernement avait remplacé de emprisonnée de Diyarbakir.

DIYARBAKIR : HOMMAGE AU BÂTONNIER DÉFENSEUR DE LA PAIX TAHIR ELÇI UN AN APRÈS SON ASSASSINAT e lundi 28 novembre à Ozmen, l’avocat qui a succédé à avait lutté toute sa vie profes - Diyarbakir, a été orga - Elçi comme bâtonnier, a critiqué sionnelle». Le HDP a également nisé un hommage les «forces obscures» qui étaient critiqué l'absence de progrès de L public à Tahir Elçi, un derrière le meurtre de son l'enquête sur ce qu'il a appelé un éminent avocat, bâton - confrère et déclaré que les efforts «meurtre politique». «Pendant nier de Diyarbakir et militant des pour résoudre le crime continue - des jours, les examens juridiques droits des Kurdes, abattu en raient. Au même moment à de la scène ont été empêchés, les plein jour le 28 novembre 2015 Istanbul, des dizaines d'avocats preuves ont été obscurcies de d’une balle dans la tête, alors ont rendu hommage à leur sorte que l'auteur est toujours qu’il tenait dans la rue une confé - confrère assassiné devant un inconnu». L’enchaînement des rence de presse pour demander Palais de justice avec une banniè - faits durant lesquels l’avocat a la fin des violences dans le «Sud- re promettant «Nous n'oublie - été abattu demeure suspicieux, la Est» – le Kurdistan de Turquie. rons jamais Tahir Elçi». police ayant incriminé le PKK, alors qu’une vidéo des événe - Des centaines de participants ont Dans une interview publiée le ments montre qu’un des poli - assisté à la cérémonie commémo - même jour dans le quotidien ciers chargés de protéger Elçi rative qui s’est tenue dans la d'opposition Cumhuriyet , la pourrait bien être celui à avoir vieille ville de Diyarbakir, femme d'Elçi, Turkan, a critiqué tiré le coup de feu fatal… devant le minaret historique du l’absence de tout progrès dans quartier de Sur, le minaret «aux l'enquête un an après les faits: «Il Né à Cizre en 1969, Tahir Elçi quatre pieds» qu’Elçi avait choisi n'y a ni d'acte d'accusation, ni était marié et père de deux pour tenir la conférence de pres - témoin ni suspect. Alors vous enfants. Il était devenu bâtonnier se au milieu de laquelle il a été voyez comment les choses ont de Diyarbakir en 2010. Peu de abattu. Certaines des personnes avancé en un an ». Emma temps avant son assassinat, il présentes avaient apporté de Sinclair-Webb, directrice de avait été arrêté brièvement après petits portraits de l'avocat por - Human Rights Watch en Turquie, une interview télévisée sur CNN tant les mots «Ambassadeur de a déclaré que malgré l’ouverture Türk au cours de laquelle il avait la Paix», «Barış Elçisi» – en un formelle d’une enquête, aucun déclaré que le PKK (Parti des tra - jeu de mots sur son nom. Tous suspect n’était apparu, ajoutant vailleurs du Kurdistan) interdit ont déposé en hommage des qu’il était à la fois tragique et iro - n'était «pas une organisation ter - œillets rouges. Les avocats des nique que le cas d'Elçi – qui avait roriste, mais une organisation de barreaux locaux, vêtus de tenues au cours de toute sa carrière lutte armée», ce qui lui avait valu de cérémonie, ont reçu en pleurs recherché justice pour des mas - des menaces de mort. Il est inté - les députés venus les rejoindre sacres non résolus – doive res - ressant de noter que c’est en uti - du HDP et du CHP. Ahmet sembler à «ceux pour lesquels il lisant quasiment les mêmes n° 380 • novembre 2016 Bulletin de liaison et d’information • 11 • termes qu’avait employés cet être classifiées comme terro - trait à la défense du patrimoine avocat reconnu qu’un tribunal ristes, mais correspondent à la historique de Diyarbakir que les de Bruxelles, en Belgique, a le 3 définition d’une «lutte armée». affrontements endommageaient novembre refusé de renvoyer Cependant, Elçi lui-même – déjà – irrémédiablement: la rai - devant une Cour criminelle 36 n’avait jamais défendu la violen - son pour laquelle il avait choisi prévenus suspectés d’activités ce. Il avait à plusieurs reprises de s’exprimer devant le célèbre pro-PKK, propagande, recrute - appelé le PKK à déposer les minaret de Sur: «Nous ne vou - ment de combattants mineurs et armes, et les derniers mots qu’il a lons ni affrontements, ni fusils ni collecte de fonds, en jugeant que prononcés avant sa mort durant opérations dans ce lieu antique». les activités du PKK ne peuvent sa conférence de presse avaient

PARIS : UN COLLOQUE AU SÉNAT SUR LE STATUT DES CHRÉTIENS ET DES YÉZIDIS APRÈS LA BATAILLE DE MOSSOUL e vendredi 25 novembre du Parlement de la Région du nies de nettoyage ethnique contre dans l’après-midi, Kurdistan Irakien M. Adnan les groupes minoritaires du pays, l’Institut Kurde de Paris Mufti. L’ancien ambassadeur au point que sa restauration pro - L a organisé au Palais du américain en Croatie et profes - bable ne pourrait advenir que si la Luxembourg un col - seur au National War College de communauté internationale s’y loque international intitulé: Washington, Peter W. Galbraith, impliquait: «Les yézidis ont fait face «Quel statut pour les chrétiens et est intervenu en vidéoconférence à la persécution en raison de leur les yézidis après la bataille de depuis les États-Unis, et l’ancien foi, c'est pourquoi l'engagement Mossoul?». Alors que les minori - ministre français des Affaires international est une condition tés du nord de l’Irak, qui étrangères, Bernard Kouchner, a préalable à la restauration de la auraient dû bénéficier de la pro - également fait une intervention confiance», a-t-elle déclaré. Les tection de leur État, ont payé un au colloque. représentants des chrétiens d’Orient très lourd tribut à la suite de l’oc - présents au colloque ont également cupation de leurs territoires par Le colloque comprenait deux insisté sur la difficulté de reprendre l’organisation djihadiste Daech, tables rondes successives, intitu - la vie commune avec leurs voisins il s’agissait d’apporter des élé - lées «La situation des minorités non-chrétiens sans une garantie ments de réflexion sur l’après- religieuses et leurs aspirations», extérieure après que le pouvoir cen - Mossoul, de susciter un débat et «Quel statut pour les chrétiens tral irakien les ait «trahis en ouvrant public à ce propos, et surtout et les yézidis?», qui ont été les portes de Mossoul aux djiha - d’entendre ce que les représen - modérées respectivement par M. distes»: «Nous voulons une garan - tants de ces minorités elles- Thierry Oberlé, journaliste au tie des pays occidentaux pour que le mêmes ont à dire à ce propos, Figaro , et M. Kendal Nezan, pouvoir central irakien assure nos alors que la question a été Président de l’Institut Kurde de droits et notre défense », a ajouté jusqu’à présent malheureuse - Paris. Mgr. Pétrus Moushé. La difficulté ment fort peu abordée. de reprendre la vie antérieure tient Ce qui ressort de cette rencontre est aussi au fait que Daech a trouvé de Outre des représentants de deux que l’Etat irakien a globalement nombreux soutiens dans la popula - églises chrétiennes d’Orient, failli à son devoir de protection de tion locale: yézidis comme chrétiens Mgr. Pétrus Moushé, évêque ses propres citoyens, non seulement ont témoigné que, parmi ceux qui syriaque catholique de Mossoul parce qu’il a abandonné ceux-ci et les avaient assassinés, dépouillés de et de Qaraqosh, et Mgr. Mikha de vastes pans de son territoire à leurs biens, et violé les femmes de Maqdasi, évêque chaldéen catho - Daech, l’Organisation du soi-disant leur communauté, se trouvaient cer - lique d’Al-Qosh, étaient présents «Etat Islamique», mais aussi parce tains de leurs voisins arabes sun - à ce colloque, organisé au Sénat qu’il a laissé se développer durant nites qui s’étaient ralliés aux djiha - grâce à l’invitation de M. le séna - toute la période précédant l’arrivée distes à l’arrivée de ceux-ci. teur de Paris Yves Pozzo di de ces djihadistes génocidaires une Plusieurs intervenants ont déclaré à Borgo, l’unique députée yézidie politique de discrimination ram - ce propos qu’il leur paraissait du parlement de , Mme pante des minorités. La députée impossible de reprendre la vie com - Vian Dakhil, le représentant en yézidie Vian Dakhil, notamment, a mune en faisant comme si rien ne France du Gouvernement du déclaré que la confiance entre les s’était passé: «Peut-on nous deman - Kurdistan Irakien (GRK) M. Ali diverses communautés irakiennes der de vivre avec nos anciens bour - Dolamari, et l’ancien président avait été perdue après des décen - reaux?», a notamment demandé • 12 • Bulletin de liaison et d’information n° 380 • novembre 2016

Vian Dakhil, qui s’est battue depuis fois formulée de l’envoi d’une force la Région du Kurdistan ou maintien 2014 pour assister ses coreligion - de protection internationale, peu dans la République d’Irak, une déci - naires réduites en esclavage sexuel probable en raison de la réticence sion à propos de laquelle la popula - par les djihadistes et faire connaître des pays susceptibles de la fournir, tion locale pourrait exprimer son leur condition à la communauté a été avancée la demande de créa - opinion au moyen d’un référen - internationale. De plus, la défaite tion dans la plaine de Mossoul dum. militaire probable de Daech à d’une Région autonome dans Mossoul n’entraînera vraisembla - laquelle les communautés qui y Le colloque a été suivi par de nom - blement pas sa disparition, mais sont majoritaires pourraient assurer breux journalistes, et les chaînes de plutôt son passage dans la clandes - leur propre défense avec notam - télévision kurdes et assyro-chal - tinité, ce qui laisse demeurer un ment l’appui des pechmergas déennes en ont assuré une large risque d’attaques contre les minori - kurdes, qui bénéficient auprès couverture. De son côté, le quoti - tés de la région que nul ne peut d’eux de davantage de confiance dien Le Figaro y a consacré une encore évaluer. que les militaires irakiens. double page. A l’occasion de ce col - loque, Mgr. Pétrus Moushé a été Face à ces risques futurs, outre Une telle Région autonome pourrait reçu par le président français l’émigration, que certains envisa - tout d’abord être érigée en gouver - François Hollande ainsi que par gent (nombreux sont les chrétiens norat (ou province irakienne) de François Fillon, candidat de la droi - qui ont pris depuis 10 ans la route plein droit, quitte à ensuite négocier te pour la prochaine élection prési - de l’exil), et la demande maintes son statut particulier, association à dentielle. Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti ». Comment on vit à Diyarbakir Dans le Kurdistan turc, maîtrisé parses propres locuteurs] l’Etat avec moi, j’ai pas que ça à faire. » C’est entendre un vieux monsieur ré­ C’est la ville des belles-vieilles dames le quotidien oscille entré révolte j pondre à la question «Que pensez-vous qui sont les premières à proclamer et désespoir, face à la répression : de l'Etat?» par un « Valla, je suis content l’autonomie en accrochant des poivrons de l’Etat, moi », et voir le journaliste de la à sécher aux barrières de police, grillant conduite par Ankara, explique télévision kurde Roj TV [basée en Belgi­ toutes les instances du pouvoir. C’est la l’écrivain kurde Murat Ôzyaçar que] fulminer après avoir coupé caméra ville des gens qui en ont marre d’insulter et micro : «Ils n’ont pas brûlé ton village ? copieusement les médias généralistes Par MURAT ÔZYASAR j — Si — Ton fils n’est pas mort dans la qui diffusent de fausses nouvelles, et où montagne? — SL — Tu ne trames pas ta l’on trouve sur le balcon ou le toit de cha­ ivre à Diyarbakir, c’est naître j chienne de vie dans cette ville? — Si — Et que maison une antenne parabolique. dans une langue et parler de là, j alors, comment tu peux être content de C’est une ville où l’on emploie des ex­ de ce lieu où le kurde, parce qu’il ; l'Etat?» Et c’est entendre le vieil homme pressions extraordinaires comme «se V a été interdit, n’est pas un kurde correct,répondre ; : « Ça, c’est mon point de vue of­ calomnier soi-même» pour en définir où le turc, parce que ceux qui vivent là ne ; ficiel » avant de le saluer bien bas. l’« état d’esprit ». C’est une ville où, lors­ sont pas turcs, n’est pas un turc correct, i Vivre à Diyarbakir, c’est dire: «Laisse- que vous voulez réparer votre salle de où ce que l'on parle n’est le dialecte, le pa- | moi te dire un mot» et parler deux para­ bains, votre cuisine ou votre balcon, tois d’aucune langue, où ce que l’on en- | graphes. C’est, à 12 ans, être témoin de vous trouvez des artisans très compé­ tend n’est surtout pas un accent mais : l’assassinat non élucidé de Vedat Aydin, à tents dans l’art de « casser et de détruire » une langue qui « boite », où le kurde et le ; 13 ans de celui dApê Musa, à 36 ans de ce­ (car c’est ce qu’enseigne la guerre) mais turc se sont méchamment contaminés j lui de Tahir Elçi et, dans l’intervalle, de pas un seul qui sache «faire et cons­ l’un l’autre aux niveaux grammatical et : ceux de centaines de gosses dont on a truire» (car en leur temps, tous les maî­ sémantique et, n’en restant pas là, où ils : malheureusement depuis oublié les tres artisans arméniens, entêté chassés se sont brisés l’un l’autre. C’est dire: j noms. C’est passer sa vie à pleurer en ré­ de la ville). C’est aussi la ville des arti­ «Autant pour lesfautes de l’Etat ! » : pétant assassins, assassins, assassins... sans qui, après avoir terminé un travail C’est voir, alors que la ville est parcou- i C’est vivre dans une ville où les seuls bâclé, vont vous demander de l’argent rue par toutes sortes de rumeurs du type ■ lieux qui se développent-de manière pour la dot de leur mère. «Aujourd’hui les commerçants baissent le i «stable» sont les cimetières, dans une Diyarbakir, c’est upe ville, pas une cité, rideau, demain aussi », la conscience poli- i ville de longue date interdite de deuil où, dont la colère, la joie et la révolte sont à tique du petit commerçant qui, à la porte j pour cette raison, on n’arrive pas à guérir nulle autre pareilles, que vous ne pouvez de sa boutique, verre de thé à la main et ; le traumatisme. C’est se lancer dans d’ef­ vous empêcher de regarder sans y croire, cigarette au bec, regarde si ses confrères ! frayantes crises de rire noir. même quand vous y vivez depuis qua­ ont fermé ou pas. C’est voir, alors qu’une ; rante ans. Alors : Amed [le nom de la ville bombe explose soudain çn pleine jour- : «JOUE PAS A L’ÉTAT AVEC MOI » en kurde] ou Diyarbakir? née et que l’on poursuit son chemin, : C’est répondre par un silence à la déclara­ C’est une ville qui est en guerre depuis souriant d’avoir entendu quelqu’un i tion de la mère d’un élève de 18 ans qui, cent ans pour son identité, qui en a am­ dire : «Mince alors, ils commencent tôt j un matin, apparaît à la porte de votre plement payé le prix, et c’est peut-être aujourd’hui», la conscience politique du : classe pour vous dire que son fils «n’est l’une des villes au monde qui a le plus mendiant qui prie pour «quAllah libère ] pas rentré à la maison hier soir». Parce d’identité, Amed ou Diyarbakir. C’est la vos prisonniers et qu'il fasse que l’on re- ; que ce jeune de 18 ans ne rentrera pas le ville où, si vous avez eu l’heur d’y naître, trouve les os de vos morts». jour d’après non plus, ni le jour d’après, vous avez entendu plus tôt que les gens C’est voir des mioches jouer dans la me, j ni celui d’après... Diyarbakir est une ville de la même génération nés ailleurs les voir l’un d’entre eux, pensant qu’un autre i où les mères s’opposent violemment à ce mots froids de l’Etat, où vous avez été for­ triche, lever les mains au ciel en s’écriant, : que leurs enfants portent des baskets, car cés très tôt de les comprendre et de les révolté, «Vous trouvez ça juste?», et un j à Diyarbakir, c’est pour aller manifester connaître mais où les seuls et uniques autre, prenant des airs de sage, lui répon- ; que les jeunes portent des baskets. C’est mots dont vous ayez pu être diplômés dre: «Est-ce que l’Etat est juste?». Les voir, : une ville où il faut comprendre différem­ sont ceux de la révolte. et rester planté là, bouche bée. ; ment le fait de rentrer tard à la maison: En fait, je crois que j’aurais dû me con­ Vivre à Diyarbakir, c’est penser au j Diyarbakn, c’est la ville où, alors que tenter de dire ceci : Diyarbakir est une Moyen-Orient dès les premières heures : dans le monde entier on défile pour une longue phrase qui contient l’Etat et la du matin et, aux dernières heures du j vie meilleure, les Kurdes défilent simple­ révolte. ■ soir, être encore en train d’y penser. C’est j ment pour « vivre » et « se soulèvent » car vivre dans un endroit où le mot «ba- i ils n’ont pas d’autre choix pour rester de­ Cet article, d’abord paru dans sané » prend tout son sens. C’est expli- i bout. C’est la ville du poète Ahmed Arif, le quotidien turc «EvrenselPazar», quer longuement «pourquoi les Kurdes j qui s’écrie : « Tirez, merde tirez! On ne me a été traduit par Sylvain Cavaillès. naissent vieux». Vivre à Diyarbakir, c’est : tue pas comme ça, moi!» C’est celle de parfois apprendre à ne pas vivre. C’est i l’écrivain Hicri îzgôren, qui écrit : «A tous porter le fardeau d'une capitale illégale \ les coins de rue, ils me demandent mes en rêvant qu’un jour cette ville devien- : papiers d’identité, moi j ’ouvre ma che­ V dra, dans tous les sens du terme, la « capi- ; mise et je montre ma blessure», et c’est Murat Ôzyaçar est taie des colombes » [Diyarbakir est célè- j celle de son collègue Kemal Varol, qui un écrivain turc d’origine kurde, bre pour ses colombes et pigeons], : écrit : «Parce que la violence de la vie a be­ dont la traduction du recueil C’est, dans les manifestations, ne pas re- ; soin de spectateurs.» ■ de nouvelles «Le Rire noir» marquer comment le slogan « Vive la fra- \ Vivre à Diyarbakir, c’est entendre le ■ devrait paraître en février 2017 temité des peuples» est soudain passé, : chauffeur du minibus répondre au vieil chezGalaade. Enseignant du d’un coup de ciseaux, du turc au kurde : homme qui demande, en lui tendant secondaire, il a été mis à pied à «Bijî biratîya gelan» et entendre la per- ; tout honteux sa monnaie, un tarif étu­ la rentrée comme plus de 10 000 sonne à côté de vous dire : «Ça oui, vive j diant pour économiser deux centimes : dé ses collègues qui ont protesté les belles-sœurs des peuples!» [la confu- ; «T’es en quelle classe, papi?» A Amed, si contre les exactions de l’armée sion provient d'une interprétation erronée ; tu demandes à un gosse qui vend des si- turque dans le Kurdistan turc. du mot kurde «biratî» (fraternité), qui ; mits combien il en vend chaque jour, il te Il a été détenu sept jours laisse penser que le kurde n’est pas bien : répond : « Ten veux un ou pas ? Joue pas à au début du mois d’octobre

1 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti XeJÏÏonde SAMEDI 5 NOVEMBRE 2016 LES PROFILS Arrestation des chefs du parti prokurde enTurquie Selahattin Demirtas L’interpellation de onze députés du HDP est un nouveau A43ans, Il copréside le HDP, le Parti démocratique des peuples, signe du durcissement du régime d’Erdogan depuis 2014. Ancien président de l’association des.droits de

Is t a n b u l - correspondante c’est comme si l’Assemblée natio­ l’homme de Diyarbakir dont «Cette nale avait été bombardée une se­ il est l’un des députés, cet avo­ endredi 4 novembre à arrestation conde fois », a dénoncé Sezgin Tan- cat charismatique avait trans­ rikulu, député du CHP pour Is­ formé ce parti pro-kurde, accusé l’aube, la police turque est com m e a interpellé onze dépu­ tanbul. «Le 15 juillet était un putsch d’être la vitrine politique de la tés du Parti démocrati­ une provocation contre la Turquie, cette arrestation rébellion, en une formation ouverte «à toutes les diversités». V que des peuples (HDP, prokurde),pour enflammer est comme un deuxième putsch, le troisième parti au Parlement une provocation pour enflammer (59 députés sur 550), dont les co­ la Turquie» la Turquie», a renchéri Ali Seker, présidents Selahattin Demirtas et lui aussi député du CHP pour la AU SEKER Figen Yüksekdag. «La police est circonscription d’Istanbul. député du Parti républicain devant ma porte avec un mandat L’Union européenne s’est dite du peuple pour m’emmener de force», a «extrêmement inquiète» après tweeté Selahattin Demirtas de­ cette arrestation et a contacté An­ puis son domicile de Diyarbakir de mines téléguidées à distance kara à ce sujet, a déclaré vendredi sur des convois de l’armée. la chef de la diplomatie de l’UE, Fe- Figen Yüksekdag (sud-est de la Turquie). A 44 ans, elle copréside depuis derica Mogherini. Sitôt après le Tweet de Selahat­ 2014 le HDP au titre de la rigou­ « Ténèbres moyen-orientales » Depuis le coup d’Etat manqué tin Demirtas, l’accès à Twitter, Fa- reuse parité en vigueur dans le Le gouvernement turc a durci son du 15 juillet - ourdi, selon Ankara, cebook et à la messagerie What- parti. Militante de la gauche radi­ attitude envers le HDP à partir des par Fethullah Gülen, le prédica­ sApp a été bloqué dans toute la cale née dans une famille con­ législatives du 7 juin 2015, quand la teur musulman réfugié aux Etats- Turquie. Peu après, une voiture servatrice et nationaliste, elle formation prokurde a remporté Unis - le gouvernement a imposé piégée a explosé aux abords avait milité au Parti socialiste d’une annexe de la préfecture de 13,5 % des voix aux législatives l’état d’urgence dans tout le pays tandis que le Parti de la justice et des opprimés avant de rejoindre police de Diyarbakir faisant, selon jusqu’en janvier 2017. Une répres­ le HDP. Elle est députée du développement (AKP), le parti sion sans précédent s’en est sui­ Un premier bilan, un mort et de Van (est). trente blessés. des islamo-conservateurs, a perdu vie : 37000 personnes ont été ar­ La coprésidente du HDP, Figen sa majorité pour la première de­ rêtées, 110000 enseignants, poli­ rain, des islamo-nationalistes ont Yüksekdag, a été arrêtée à son do­ puis 2002. Au président turc, Re­ ciers, magistrats, membres des fait une descente au beau milieu micile à Ankara, tout comme les cep Tayyip Erdogan, avide d’impo­ services secrets et autres ont été du vernissage pour faire retirer députés Sirri Süreyya Ônder, Idris mis à pied. ser au pays un système présiden­ un buste qui ne leur plaisait pas, Baluken et Mehmet Ali Aslan. Le tiel sans contre-pouvoirs, Selahat­ menaçant son auteur de mort. siège du parti HDP à Ankara a éga­ Purges quotidiennes tin Demirtas avait alors rétorqué : L’économie turque risque de pâ­ lement été perquisitionné. Selon Le pays n’est plus qu’une im­ «Nous ne vous laisserons jamais tir de cette situation. Le tournant leurs avocats, les députés se mense machine à arrêter, punir, devenir président. » En mai, le Par­ répressif, l’insécurité, l’instabilité voient reprocher d’avoir refusé de limoger. Jeudi 3 novembre, 1218 lement turc, avec 376 voix pour, a géopolitique ne sont pas sans l’af­ témoigner dans des affaires liées gendarmes soupçonnés de collu­ voté en faveur de la levée de l’im­ fecter. Vendredi, la lire turque a au terrorisme. «Le HDP appelle la sion avec le mouvement Gülen munité parlementaire de 148 dé­ continué sa descente (3,47 pour communauté internationale à ont été limogés. La veille, 137 man­ putés dont 53 du HDP. un euro contre 3,41 la veille) tan­ réagir contre le coup d’Etat mené dats d’arrêts avaient été émis con­ Depuis Izmir, au bord de la mer dis que la Bourse d’Istanbul a vu parle régime d’Erdogan », a écrit le tre des universitaires accusés de la Egée, le chef du Parti républicain son indice de valeurs baisser. HDP sur son compte Twitter de­ même chose. Pour être suspect, il du peuple (CHP, le parti d’Atatürk), Hormis la chute de la monnaie puis bloqué. suffit d’avoir eu un temps un Kemal Kiliçdaroglu, a déclaré: locale (- 40 % par rapport au dollar Les autorités accusent le HDP compte à la banque Asya (la ban­ «Cës arrestations sont absurdes en deux ans), le chômage est en d’être une extension du Parti des que du mouvement Gülen, parfai­ (...). La Turquie avance comme un hausse (10 % au total, 19 % chez les tement légale pourtant), d’avoir travailleurs duKurdistan (PKK, in­ véhicule sans freins. Personne ne jeunes), le déficit courant s’accroît. terdit en Turquie), désigné par la été abonné au quotidien Zaman, sait où elle va. Les dirigeants sont La croissance est poussive (3,2 % Turquie (comme par l’Union en train de la ramener dans les té­ ou d’avoir utilisé l’application nu­ en 2016) et deux agences de nota­ européenne et les Etats-Unis) nèbres moyen-orientales, tout ça mérique ByLock. tion financière (Standard & Poor’s comme un groupe terroriste. pour imposer un régime présiden­ Devenues quotidiennes, les pur­ et Moody’s) ont récemment classé Après une trêve de deux ans et tiel personnifié. » ges s’abattent sur tous les oppo­ la Turquie comme impropre à l’in­ demi, la guerre a repris de plus Il faisait allusion au régime pré­ sants : ceux de gauche, les syndi­ vestissement. Or, pour financer belle à l’été 2015 dans les régions sidentiel que le président Erdogan calistes, les militants des droits de sôn déficit, la Turquie a un besoin du sud-est à majorité kurde entre veut imposer au pays. « On ne peut l’homme et de la cause kurde. crucial en investissements étran­ les forces spéciales turques et les diriger par la vendetta», a-t-il Tout le monde est sous la menace, gers. Mais comment attirer les in­ rebelles kurdes. Elle continue de ajouté. les gens sont tétanisés par la peur. vestisseurs alors que les décrets faire rage, faisant des morts cha­ «Ce qui s'est passé cette nuit, ce Jeudi 3 novembre à Istanbul, alors liés à l’état d'urgence ont permis la que jour, le plus souvent lors d’ex­ n’est pas seulement un putsch mais que s’ouvrait la Foire internatio­ confiscation de 496 entreprises ? ■ plosions de véhicules piégées ou une tentative de diviser le pays, nale annuelle d’art contempo- MARIE JÉGO

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International^scUi JJork Sirncs No v em ber 3, 201e Assad in person: Confident, friendly, no

DAMASCUS,

Syria’s president insists the West is mistaken in backing his opponents

BY ANNE BARNARD The guns were silent atop Mount Qa- sioun, and the lights on its slopes twin­ kled over as President Ba­ shar al-Assad of Syria welcomed a group of Western visitors into his French-Ottoman palace, presenting himself as a man firmly in control of his country. He radiated confidence and friendli­ ness as he ushered a group of British Members of the Syrian Civil Defense, known as the White Helmets, searching for victims in ithe nibble and American journalists and policy an­ alysts into an elegant wood-paneled sit­ of a building said to have been destroyed by an airstrike in a rebel-held neighborhood of . ting room where he claimed that the so: cial fabric of Syria was stitched together underway in Syria and said that he was part of a new openness and an effort to “much better than before” a chaotic civil thinking ahead about how to modernize compete in what has been termed a war began more than five years ago. It Syrians’ mentality after a war that he news media war. was as if half his citizens had not been believed his forces were assured of win­ I was among several dozen interna­ driven from their homes and nearly half ning. tional ffinfelists and analysts who at­ a million had not been killed in the Mr. Assad ruled out political changes tended fhe conference as a way to get bloody fighting for which he rejected until then and declared that he planned into the country after more than two any personal responsibility, blaming in­ to remain president at least until his years of being unable to obtain a visa. stead the and Islamist mil­ third seven-year term ends in 2021. There was no sign that the policy requir­ itants. "Let’s suppose that these allegations ing journalists to travel with minders “I’m just a headline — the bad presi­ are correct and this president has killed and to go through elaborate hoops to vis­ dent, the bad guy, who is killing the good his own people, and the free world and it specific areas had changed. guys,” Mr. Assad said. "You know this the West are helping the Syrian people,” But Damascus, the capital, appeared narrative. The real reason is toppling less tense than on my last visit, in 2014. the government. This government does­ Mr. Assad said in English. “After five New bars were packed in the historic old n’t fit the criteria of the United States.” years and a half, who supported me? city. After advances by pro-government The meeting on Monday night was How can I be a president and my people forces and what the government calls surreal for me after years of writing don’t support me?” reconciliation deals with besieged rebel- about a devastating and intractable war He gave a small giggle and added, held suburbs, artillery fire no longer that has reduced several of Syria’s “This is not realistic story.” pounds those districts daily, and rebel grand city centers to rubble and Indeed, Mr. Assad has managed to mortar fire hits the city less frequently. prompted accusations of war crimes. hold on not only because of decisive in­ The message from government offi­ While hundreds of thousands of Syrians tervention by foreign fighters, but also cials and Assad supporters echoed the are besieged and hungry, here was Mr. because of deeper support in some quar­ president’s: They believe they are win­ Assad, secure in his palace because he ters than many thought he had. ning and they are ready to engage with has outsourced much of the war to Rus­ Mr. Assad said on Monday that while the West, but on their own terms. sian, Iranian and Hezbollah forces much of his support came from people “It is up to the West to rethink about whose influence has grown to a degree who might dislike his policies or the their policies,” the Syrian foreign min­ that makes some of his own supporters Baath Party he heads, they feared that ister, Walid al-Moallem, told a group of uncomfortable. • the alternative would be extremist rule us on1 Monday. He was on a mission to convince the or state collapse. Mr. Moallem said the government West that their governments had made "They learned the value of the state,” would fight to defeat any militants refus­ â mistake in backing his opponents and he said, acknowledging that this sup­ ing to return to government rule — be that he was secure in his position as the port could diminish if the war ended. they Kurdish groups in the northeast, or custodian of Syrian sovereignty. “That’s what brought them towards us, the Qaeda-linked groups and American- Waxing philosophical, he spoke of ev­ not because they changed their mind po­ backed rebels fighting in Aleppo. He dis­ ery Syrian’s right to be “a full citizen, in litically.” missed the possibility of any deal that every meaning of this word,” and Mr. Assad’s remarks came after a two- would retain local opposition control in likened intolerant versions of religion to day conference organized by the British eastern Aleppo, saying that would “re­ a computer operating system that Syrian Society, headed by his father-in- ward those murderers.” needed to be updated. He promised that law, Fawaz Akhras, that was billed as a new era of openness and dialogue was Mr. Assad said during our meeting

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that “until this moment, we still have a ing stiff resistance and counterattacks. prisoners and grew steely when asked dialogue through different channels,” The Syrian pound is worth one-tenth about people detained for protesting or even to the United States. “But that of its prewar value against the dollar. writing against the government. doesn’t mean to give up our sovereignty Millions of Syrian children are unable to “If you support the terrorists, it’s not and transfer Syria into a puppet coun­ attend school. The Islamic State still political prisoner,” he added. “You are try,” he added. holds large swaths of Syria. supporting the killers.” The confident statements come amid Mr. Assad, in a suit and trademark Mr. Assad said he was fighting to pre­ a much more complicated picture. Windsor-knotted tie, met us at the top of serve state institutions and criticized Despite Russian air support and thou­ the palace’s sweeping staircase, saying Western intervention. “Good govern­ sands of militia fighters from and he found it “more cozy” than the official ment or bad, it’s not your mission” to Hezbollah, the government’s push to re­ one. There were no security checks. change it, he said. take the rebel-held half of Aleppo is fac­ He denied the existence of political

I Q f J P O o X ] ^ novembre 2016 Après Mossoul, "la grande bataille" de Raqa, fief de Daech en Syrie, a commencé Une force arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé une vaste offensive pour reconquérir la "capitale" syrienne du groupe Etat islamique.

Le HuffPost avec AFP 06/11/2016 http://www.huffîngto npost.fr

INTERNATIONAL - Un nouveau front dans la guerre contre le groupe Etat islamique (El). La force arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé dimanche 6 novembre une offensive d'en­ vergure pour reprendre la ville de Raqa, capitale de facto du groupe jihadiste ultraradical en Syrie. "La grande bataille pour la libération de Raqa et de sa province a commencé", a annoncé Jihan Cheikh Ahmad, une porte-parole de l'offensive, qui lisait un communiqué dans la ville d'Aïn Issa, située à plus de 50 km au nord de Raqa, aux mains de l'EI depuis deux ans et demi. 30.000 HOMMES DÉPLOYÉS L'offensive baptisée "Colère de l'Euphrate" et mobilisant 30.000 hommes, a débuté sur le ter­ rain samedi soir selon, Jihan Cheikh Ahmad. "Raqa sera libéré grâce à ses fils et ses factions Dimanche 6 novembre à la mi-journée, en avance sur toutes les prévisions, « la grande arabes, kurdes et turkmènes, des héros combat­ bataille pour la libération de Raqa et de sa province a commencé », a déclaré une comman­ tant sous la bannière des Forces démocratiques dante des Forces démocratiques syriennes (FDS) lisant un communiqué depuis la ville d'Aïn syriennes (FDS), avec la participation active des Issa, à plus de 50 kilomètres au nord de Raqqa. / Délit SouleimanlAfp Unités de protection du peuple kurde (YPG) (...) en coordination avec la coalition internationale" dirigée par les Etats-Unis, d'après le commu­ début de l'offensive pour reprendre le fief de dispositif de Daech", a-t-il dit. Daech. niqué. Mossoul et Raqa sont les deux dernières grandes Elle vise à libérer Raqa "des forces du terrorisme LA TURQUIE ÉCARTÉE DE L'OFFENSIVE villes encore contrôlées par l'EI, qui a perdu une grande partie des territoires que ce groupe ultra- mondial et obscurantiste représentées par l'EI Cette annonce très attendue intervient au qui a pris (la ville) pour sa capitale supposée", moment où une vaste opération est en cours radical sunnite avait conquis en 2014 en Syrie et selon le texte. pour déloger l'EI de son bastion de Mossoul en en Irak. Des premières opérations sont en cours pour Irak. L'offensive était évoquée depuis déjà La coalition arabo-kurde a par ailleurs affirmé isoler Raqa en vue d'un assaut sur la ville, a plusieurs semaines, et encore ce dimanche matin s'être mise d'accord avec les Etats-Unis pour déclaré à l'AFP un responsable américain. "Nous par Jean-Yves Le Drian. écarter la Turquie de l'offensive. allons dans un premier temps nous efforcer Lors du Grand Rendez-vous Europe 1-Les "Les Forces démocratiques syriennes (FDS) se d'isoler Raqa afin de préparer un assaut pour Echos-iTélé, le ministre de la Défense a expliqué sont mises d'accord de manière définitive avec la libérer la ville", a déclaré ce responsable sous qu'il fallait "aussi aller jusqu'à Raqa". "Ça sera coalition internationale (dirigée par condition d'anonymat. automatiquement des forces locales qui vien­ Washington) qu'il n'y aura aucun rôle turc ou des Le ministre américain de la Défense, Ashton dront libérer Raqa, même si les forces françaises, rebelles qui leur sont alliés dans l'offensive" de Carter, a lui prévenu dimanche que "la bataille les forces américaines, la coalition, contribuent Raqa, a affirmé à l'AFP Talal Sello, leur porte- de Raqa ne sera pas facile", en se félicitant du par des frappes à ce que l'on puisse démanteler le parole.

4 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti theguardian 4 NOVEMBER 2016 Turkey arrests pro-Kurdish party leaders amid claims of internet shutdown Selahattin Demirtas, HDP co-leader known as the ‘Kurdish Obama’, held with at least 11 MPs as post-coup crackdown continues

Kareem Shaheen / 4 November 2016 nity from prosecution, but the pro-Kurdish party’s www.theguardian.com immunity was lifted this year. Turkey accuses the HDP of links to the PKK, he two joint leaders of Turkey’s pro-Kurdish which is deemed a terrorist organisation by the US, TPeoples’ Democratic party (HDP) have been the EU and Turkey. detained along with at least to MPs because of Police also raided the party’s head office in their reluctance to give testimony for crimes linked central Ankara. Television images showed party to “terrorist propaganda”. officials quarrelling with police during the raid, Police raided the Ankara home of co-leader and a witness said police cars and armed vehicles Selahattin Demirtaç and the house of co-leader had closed off the entrances to the street of the Figen Yiiksekdag in Diyarbakir, the largest city in HDP headquarters. Turkey’s mainly Kurdish south-east, early on “HDP call international community to react Friday. against Erdogan regime’s coup,” the party said on Demirta§ - a charismatic leader known as the Twitter, referring to President Erdogan. “Kurdish Obama” by some admirers - and group of protesters chanting slogans tried to Yiiksekdag had been targeted by several separate Areach the party offices, but were stopped by investigations over the past few months but this is police before they could enter the street, a witness the first time that either has been detained. said. At least to other HDP parliamentarians were The European Union’s foreign policy chief, also held, lawyers said, in a major escalation of the Federica Mogherini, said the arrests compromised government’s crackdown on its opponents in the Turkey’s parliamentary democracy. wake of the failed coup on 15 July. Raids also took Selahattin Demirta, co-leader of the pro- “We expect Turkey to safeguard its parliamen­ place in the south-eastern cities of Van and Bingol. Kurdish HDP, Turkey's third largest party, tary democracy, including respect for human The raids took place against a backdrop of was arrested at his home in Ankara. rights and the rule of law, and we are conveying rising criticism over the government’s purge, Photograph: Reuters these expectations directly to the Turkish authori­ which earlier this week also saw the issuing of ties,” Mogherini said in a statement with the EU’s arrest warrants against editors and staff of enlargement commissioner, Johannes Hahn. Cumhuriyet, the main opposition newspaper in the Relations with the EU are delicate. Officials in country, and a fresh round of dismissals in the gen­ Ankara accuse their European counterparts of not darmerie. showing enough support for Turkey in the after- nkara accuses the HDP’s politicians of harbou­ math of the failed coup, and bristle at criticism of Aring sympathies for, and acting to further the the crackdown. Meanwhile, a deal to limit the interests of the Kurdistan Workers, party (PKK), a flight of migrants from Turkey to Europe in separatist group engaged in an insurgency against exchange for visa-free travel for Turkish citizens in the government. Peace talks collapsed last year the EU may fail in the coming weeks because amid accusations that the PKK was rearming and Europe has not kept its end of the bargain. as the ruling Justice and Development party (AKP) A measure to reintroduce the death penalty is drifted towards allying with the nationalist bloc in also likely to be debated in the coming weeks in parliament. parliament, a likely death blow to Turkey’s EU Turkish journalists face abuse and threats accession talks. online as trolls step up attacks he raids come as Turkey remains under a state The purges of the police and media institutions Tof emergency imposed after the coup, which are part of a crackdown on what the authorities say critics say has gone well beyond targeting the plot­ are individuals and organisations with alleged Demonstrators scuffle with riot police during ters. Thirteen staff from the opposition links to Fethullah Giilen, a US-based preacher that a protest against the arrest of pro-Kurdish Cumhuriyet newspaper, including the editor-in- Turkey accuses of masterminding the coup. Peoples' Democratic Party (HDP) lawmakers, chief, were detained on Monday, further heighte­ The prime minister, Binali Yildirim, told in Ankara, Turkey, November 4, 2016. ning strains in Turkish society. reporters that elected officials who incite and REUTERS/Umit Bektas Tensions have surged in the Kurdish-domina­ encourage terrorism must face legal proceedings ted south-east of Turkey since a fragile ceasefire and that the MPs were detained because they had declared by the PKK collapsed in 2015. The HDP refused to give testimony. ours after the detentions began, Diyarbakrr seeks to promote the cause of Turkey’s Kurdish But Turkey’s allies are likely to perceive the Hwas rocked by outside a police buil­ minority and defend the rights of as well as latest arrests as a further attempt by President ding that was blamed by authorities on PKK mili­ those of women, gays and workers. Recep Tayyip Erdogan to consolidate his power tants. Eight people were killed. But the authorities accuse the party of being a ahead of a parliamentary vote and referendum The Turkish justice minister, Bekir Bozdag, front for the PKK and failing to distance itself from expected as early as next spring to revise the said on Friday that the detention of the HDP MPs terror, claims it has always vehemently denied. Turkish constitution and transform the country was in line with the law in comments broadcast on Erdogan has launched repeated personal from a parliamentary democracy into a presiden­ state television. attacks on Demirta§, who analysts have seen as the tial system. Others detained included the prominent MP, sole politician in Turkey who comes anywhere near The leader of the nationalist bloc, Devlet Sim Süreyya Ônder, who in the past has been a to rivalling his charisma. Demirta§ has made it a Bahçeli, recently backed a referendum, making a pointman for contacts with jailed PKK leader personal crusade to oppose Erdogan’s plan for a vote on the issue more likely. Abdullah Ôcalan. The head of the HDP’s delega­ presidential system in Turkey, which the HDP says A widespread difficulty in reaching social tion in the Turkish parliament, idris Baluken, was would lead to dictatorship. ♦ media websites such as Twitter and Facebook as also held. Reuters and Agence France-Presse well as messaging app WhatsApp was also repor­ HDP is the third largest party in the 550-seat contributed to this report. ted across Turkey after the detentions started at Turkish parliament, with 59 seats. midnight. Parliamentarians in Turkey normally enjoy immu­

5 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti THum anité 7 NOVEMBRE 2016 avoir convoqué le chargé d ’affaires turc.. À Paris, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, s’est Recep Tayyip contenté d’annoncer que l’arrestation des élus HDP soulevait « une vive préoccupa­ tion », appelant sans rire Ankara « à res­ pecter l’État de droit et les libertés Erdogan se fondamentales ». La rage du président Erdogan à l’égard du HDP Autant de formules de politesse qui sem­ place au seuil blent aujourd’hui terriblement éloignées d’une réalité de jour en jour plus inquié­ tante. En France, quelques voix se lèvent qui rappellent l’urgence de la situa­ tion. Pour Pierre Laurent, par exemple, de la dictature secrétaire national du PCF, « Erdogan L'arrestation, jeudi et vendredi derniers, de onze élus et dirigeants du Parti piétine depuis des années la démocratie et les droits humains dans le silence com­ démocratique des peuples (HDP), dont leurs coprésidents, Selahattin plice de la France et de l’ Union européenne. Demirîas et Figen Yüksekdag, montre une dérive dictatoriale du régime Ces arrestations anéantissent l’État de turc. L’Europe, l’ONU, comme les États-Unis ne réagissent guère. droit qui pouvait encore exister et les ins­ titutions, et musellent l’opposition démo­ cratique », rappelle celui qui s’est engagé, le mois dernier, à parrainer officiellement Selahattin Demjrtas. Les militants kurdes et les journalistes du quotidien Cumhuriyet, proches des kémalistes du CHP (le Parti républicain du peuple), sont aujourd’hui les premières victimes de cette vaste « opération an­ titerroriste », alors même que le HDP et le reste de l’opposition avaient, à l’époque, condamné la tentative de putsch. De nombreux comaires HDP élus en 2014 ont été arrêtés, ces derniers mois. La semaine dernière, Gültan Kisanak et Firat Anli, comaires de Diyarbakir, ont été appré­ hendés pour « soutien à une organisation terroriste », comprenez le PKK (Parti des e l’autocratie à la dictature, a offert à Recep Erdogan le rôle de garde- travailleurs du Kurdistan). Un acharne­ Recep Tayyip Erdogan, le pré­ frôntières de l’Europe ; et le lien géostraté­ ment qui ne date pas d’hier. sident turc, semble avoir franchi gique et militaire au sein de l’Otan, qui fait La rage du président Erdogan à l’égard une nouvelle étape. Avec l’ar­ de la Turquie, deuxième armée de l’Alliance du HDP prend racine après que ce; petit restation ces derniers jours de atlantique, et des pays européens comme la parti - mélange de forces laïques de 11 députés et dirigeants de gaucheFrance du Parti engagés dans la coalition occidentale D gauche et d’anciennes formations kurdes démocratique des peuples (HDP) et 9 jour­ anti-Daech des alliés a priori incompatibles - a fait son entrée au Parlement, en 2015. nalistes du quotidien d’opposition Currihu- sur les valeurs des droits de l’homme. ••• riyet, l’homme fort d’Ankara perpétue son ••• Lors des deux dernières législatives (13 % en juin 2015 et 10,8 % en novembre), le entreprise de destruction Recep Tayyip Erdogan frappe, mais l’Eu­ parti envoyait même 80, puis 59 députés d’une démocratie quasi en rope ne bouge pas. Ces trois derniers jours, au Parlement, freinant de fait le leader ruine. Depuis le coup d’État alors que des images d’une rare violencè, de l’AKP (Parti de la justice et du déve­ avorté du 15 juillet dernier, la liste est montrant des descentes de police dans les maisons d’élüs et de dirigeants du Parti loppement) dans sa marche en avant vers longue des éléments prouvant cette dérive démocratique des peuples (HDP), dont l’adoption d’une constitution lui donnant dictatoriale : purge massive dans l’armée et les pleins pouvoirs. Un crime de lèse- l’administration publique, emprisonnement leurs coprésidents, Selahattin Demirtas et majesté que le dirigeant islamo-conser- de journalistes, fermeture de médias non Figen Yüksekdag, nous parvenaient via vateur a pris comme un défi à son autorité. inféodés, guerre meurtrière menée contre Internet (en dépit de suspensions tempo­ raires d’accès aux réseaux sociaux depuis Après des mois de répressions, de me­ le peuple kurde et notamment la Turquie), les réactions dans les chancel­ naces, de descentes de police et de casse le PKK (Parti des travailleurs leries européennes ont été pour le moins dans les bureaux du HDP, le gouvernement du Kurdistan) en Turquie Ou à mesurées. Petit florilège : la cheffe de la fera voter par lé Parlement, en mai 2016, l’extérieur, en Syrie et en Irak, appui diplomatie européenne, Federica Mogherini, la levée de l’immunité parlementaire. direct et indirect à Daech... Des faits qui s’est dite « extrêmement inquiète » de la Cette disposition cible principalement aujourd’hui se heurtent à l’indifférence et à situation. À Berlin, le porte-parole de la les députés du HDP, pour la plupart ac­ l’impuissance de dirigeants occidentaux pris chancelière Angela Merkel a jugé ces ar­ cusés par la justice de complicité avec le au piège de leur propre politique turque qui restations « hautement alarmantes », après PKK, les rendant depuis lors convocables porte sur deux axes : la peur des réfugiés, qui

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à toute heure devant des tribunaux in­ d’impunité ressenti par le régime turc. féodés au pouvoir. Avec les arrestations Le 25 octobre dernier, les Kurdes du Rojava «Un des pires sommaires de vendredi et samedi derniers, (Kurdistan syrien) ramenaient justement « une nouvelle étape dans l’établissement la communauté internationale à ses gouvernements de la dictature a été franchie », résum e contradictions, dénonçant la complicité finalement Pierre Laurent. de la Turquie, seconde armée de l’Otan, de l’histoire» Dictature. Le mot n ’est pas avec les djihadistes du groupe « État is­ usurpé. Le président turc lamique » après une série de bombarde­ POLITIQUE Le représentant européen du Parti démo­ s’en cache à peine. Le 31 dé­ ments turcs sur leurs positions en Syrie. cratique des peuples (HDP) demande à l’Europe d’agir cembre 2015, dans un dis­ Parmi les combattants visés, les Forces concrètement contre Ankara et annonce le boycott parlementaire de sa formation. cours télévisé, Recep Tayyip démocratiques syriennes, coalition arabo- Erdogan expliquait ainsi : kurde dirigée par les Unités de protection uel est l’avenir immédiat du HDP, dont les « Dans un système unitaire du peuple kurde (YPG-YPJ), et alliées des principaux élus et dirigeants politiques sont (comme la Turquie), un sys­ États-Unis sur le terrain. « Les grandes Q aujourd’hui emprisonnés? tème présidentiel peut par­ puissances, notamment les membres per­ eyyup doru À l’heure actuelle, neuf des treize députés faitement exister. Il y a manents du Conseil de sécurité de T ONU, arrêtés entre jeudi et vendredi sont en prison. Qiiatre actuellement des exemples doivent assumer leurs responsabilités et ont été libérés et mis sous surveillance. Les neuf dans le monde et aussi dans mettre un terme à la complicité turque avec autres ont été envoyés séparément dans plusieurs l’histoire. Vous en verrez les terroristes », déclarait le même jour prisons proches d’Istanbul. Les avocats de Selahattin V exemple dans l’Allemagne Khaled Issa, représentant en France du Demirtas ont néanmoins pu le rencontrer. Sa po­ d ’Hitler. » Des mots inquié­ Parti de l’union démocratique (PYD). « Elles sition est claire, à savoir qu’il tants qui auraient dû faire se doivent d’en finir avec les chantages et ne répondra pas aux questions réagir dé Bruxelles à Berlin avec les agressions chroniques turques contre des juges. Pour lui, les en passant par Paris. Mais les Kurdes et leurs alliés qui, eux, se battent membres de ce tribunal sont c’était compter sans la si­ efficacement contre les terroristes, en pre­ à la solde du pouvoir et la seule tuation migratoire aux portes d’Une Eu­ mière ligne. » entité à qui il veut bien rendre des comptes, c’èst le peuple rope gangrenée par une xénophobie de qui l’a élu. Aujourd’hui, notre plus en plus forte. Au printemps dernier, Manifestations de solidarité en parti a décidé de suspendre sous la pression des droites et extrêmes TUrquie, en Allemagne et en France nos travaux au Parlement. droites européennes, les représentants de . Les Kurdes se retrouvent donc au milieu Nous voulons rester proches Bruxelles signent des deux mains un accord d’enjeux financiers et étatiques qui les Eyyup Doru de notre peuple et participer sur les migrants, offrant de fait au régime dépassent. Ils en ont l’habitude. C’est Porte-parole du aux manifestations dans la islamiste d’Erdogan un rôle inespéré de donc par la voix de la rue qu’ils se sont HDP en Europe rue. _garde frontières de l’Europe. En échange fait entendre, ces dernières heures, de quoi, l’Union européenne lui promet un répondant par des manifestations en Tur­ Malgré la peur ambiante dans triple cadeau: la relance du processus d’ad­ quie, en Allemagne et en France, au silence le pays, y a-t-il du soutien en dehors des zones kurdes? hésion de la Turquie à l’Union européenne ; pesant des États occidentaux et des Nations e y y u p d o r u II y a eu de suite des manifestations, la suppression des visas pour les Turcs venant unies. Mais ce ne fut pas sans mal : ce sa­ organisées par la gauche démocrate turque, qui ont en Europe ; et, cerise sur le gâteau, 6 milliards medi, à Istanbul, la police a dispersé, à été aussitôt interdites un peu partout dans le pays. d’euros pour s’occuper de l’aide de grenades lacrymogènes et de Les Turcs souffrent aussi de la situation. Une députée réfugiés ! canons à eau, des centaines de manifestants du HDP d’origine turque a également été arrêtée. Six mois plus tard, le qui protestaient contre l’arrestation des Hier, à Istanbul, des manifestations ont été réprimées constat est sans appel: le chefs du HDP. En Allemagne, entre 15 000 et sauvagement. Parmi les manifestants, il y avait des piège turc se referme sur 20 000 personnes ont défilé paisiblement. Turcs. Mais, avec l’état d’exception reconduit par Le piège turc une Union européenne qui À Stuttgart et à Francfort, dés rassemble­ Erdogan, la police a le droit de tirer sur les gens se referme sur voit la démocratie mourir ments devant les consulats de Turquie se sans sommation. Concernant les autres partis d’op­ une Union jour après jour sur les sont néanmoins terminés en affrontements position, c’est plus compliqué. Ils ont leurs propres rives.du Bosphore. La avec la police. À Paris, une marche de problèmes. Le CHP, par exemple, le parti kémaliste, européenne mollesse des réactions en protestation s’est déroulée entre Répu­ est, de son côté, très préoccupé pour le journal qui voit la Europe est à la hauteur blique et Châtelet. Parmi les quelque 5 000 Cumhuriyet, où la police ne cesse de faire des dém ocratie de la violence d’État qui participants, outre les formations politiques descentes. mourir jour règne en Turquie. La peur kurdes, des drapeaux du PCF et du PG des réfugiés l’emporte, . étaient visibles. De même que des pan­ Qu’attendez-vous de la communauté après jour sur internationale? empêchant, contre toute neaux jaunes estampillés « Stop Erdogan », e y y u p d o r u L’UE doit maintenant sanctionner ce les rives du raison et à l’encontre créés à l’initiative de l’association de so­ régime fasciste. Il s’agit d’un gouvernement anti­ Bosphore. même des valeurs d’ac­ lidarité France Kurdistan. Sous les nuages démocratique, l’un des pires de l’histoire. Le rap­ cueil qui président à sa lourds, annonceurs d’orages, les slogans porteur de l’UE en Turquie a demandé l’arrêt des propre histoire, l’Union criés à l’unisson ne laissaient pas de place suspensions des négociations sur les visas. Nous européenne d’agir et de au doute quant à l’urgence de la situation : appuyons cette idée. Nous demandons aussi que le réfléchir. D’autant qu’Erdogan profite « Le fascisme sera enterré dans les terres du Conseil de l’Europe défende vraiment les droits de également du jeu d’alliances complexes Kurdistan ! » chantaient en chœur une l’homme et, par conséquent, empêche l’adhésion qui prédomine au Moyen-Orient avec sa dizaine de jeunes hommes et femmes en de la Turquie à l’UE. Une campagne de sanctions position de numéro deux des armées, dé langue kurde, « les fascistes, un jour, devront économiques et politiques doit être mise en place l’Otan. Les États-Unis et leurs partenaires rendre compte aupeuple » ! S’ils continuent pour affaiblir Erdogan. Pour faire entendre ces européens, dont la France, empêtrés dans à se taire, les politiques occidentaux pour­ propositions, nos députés qui se trouvent en Europe la coalition occidentale anti-Daech et raient aussi finir par se trouver sur le banc se réuniront, lundi et mardi, pour deux jours de une guerre qu’ils ne maîtrisent pas, sont des accusés. • sit-in, place Robert-Schumann, àBruxuelles, dans le quartier européen. • eux aussi, responsables du sentiment STÉPHANE AUBOUARD ENTRETIEN r é a l is é p a r S. A.

7 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti BROOKINGS NOVEMBER 2, 2016

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fl Iraqi Kurdistan: 9 and beyond

Kenneth M. Pollack both places, minority populations—Yazidis and Turkmen respectively—create Wednesday, November 2, 2016 sources of potential conflict. The Yazidis of Sinjar are caught between the https://www.brookings.edu Kurdistan Workers’ Party, or PKK (and behind them, the Patriotic Union, or PUK, and ) on one side, and the KDP and Turkey on the other. For their part, the Turkmen of are divided between Sunnis who furnished many recruits and top leaders for Da’esh but are also “protected” by Turkey, and Shiites who spent last week in Irbil, Iraq along with Michael Knights of the Washington were badly oppressed by the Sunnis and Da’esh. Not surprisingly, the Shiite IInstitute for Near East Policy. We met with a wide range of senior Iraqi and Hashd ash-Shaabi (Popular Mobilization Forces) have vowed to liberate their Kurdish officials, as well as journalists, analysts, and academics. The trip inclu­ Shiite (Turkmen) brethren and punish the Sunnis for their embrace of Da’esh. ded a visit to after the terrorist attack there on October 21 as well as time The Kurds, particularly the Turkish-aligned KDP, echo Ankara’s warnings that a spent near the frontlines, observing military operations against the PKK move on Sinjar or a Hashd ash-Shaabi move on Tal Afar could unleash a Islamic State (also known by its Arabic acronym, Da’esh) and discussing the Turkish invasion. That, in turn, could draw in KDP intervention on the Turkish campaign with U.S. and Kurdish military officers. side, and PUK intervention on the PKK-Iranian side. That would be disastrous, and even if the PUK and KDP avoided open combat, it would further poison their This post describes my impression of events in the Kurdistan Regional Government (KRG) of Iraq. A prior post described my sense of developments in strained relations. the liberation of Mosul and Iraqi politics more generally. In part because of the uncertainty surrounding future developments at Sinjar THE VIEW OF MOSUL FROM IRBIL and Tal Afar—and in part because the KRG has little bandwidth beyond that which is focused on Mosul—the domestic political scene remains frozen in Irbil. Across the board, the Kurds appear generally pleased with the military aspects Of course, there are other reasons as well. The PUK remains locked in the ongo­ of the Mosul offensive. ing battle for control of the party between the Talabani family and a group of challengers centered around KRG Vice President Khosrat Rasul Ali and former One area of the military campaign that many Kurds point to as a pleasant sur­ KRG Prime Minister Barham Salih. Meanwhile, the Gorran party—the second prise has been the cooperation they have been receiving from the Iraqi Security largest in the KRG parliament—is itself paralyzed by its mishandling of the 20 IS Forces (ISF) and the U.S.-led coalition. This despite the complete absence of protest moves against the KDP and the fact that its own outsized leader, American air support for the Peshmerga on October 20, and the failure of the Nawshirwan Mustafa, has been on extended medical leave abroad for ISF to attack on October 23. Any number of Kurdish leaders, including some of chemotherapy. Most Kurds believe that Nawshirwan’s condition is terminal and the highest in the land, talked about how after SS years (or more) of intermittent Gorran seems in disarray, unable to do anything in his absence and unable to combat between the Iraqi Army and the Peshmerga, the two forces were getting pick a new leader, even a temporary one. on extremely well. Not only were they working well together, but soldiers and officers on both sides showed respect toward one another and an easy cama­ There is a growing recognition across the Kurdish leadership that the current raderie that bemused—and encouraged—their leaders. deadlock is an embarrassment and a failure on all of their parts. Unfortunately, both the PUK and Gorran seem too preoccupied with their own internal crises Meanwhile, the Kurds indicated a consensus that they had no desire to go into to do anything about it. Because governance lies primarily with the KDP at pres­ Mosul itself. That sentiment held among many senior Kurdish Democratic Party ent, they are the ones most caught up in the Mosul fight and can afford to con­ (KDP) personnel as well, who have the most to gain from taking the Kurdish sec­ centrate on it by arguing (not necessarily incorrectly) that neither Gorran nor tions of Mosul, which are pro-KDP and therefore potentially important voters. the PUK is unified enough to hold meaningful negotiations. Still, senior KDP Almost across the board, Kurdish leaders evinced a philosophical wait-and-see leaders claim that they plan to make dramatic—and constructive—moves after attitude to post-liberation Mosul. They adamantly believed it was a mistake not the liberation of Mosul to try to form a new government and get things moving to have had an agreed-upon plan among all of the potential participants, and again. Surprisingly, they are also adamant that there will be new elections in they fear that the Iraqi government will not be up to the challenge of handling 2017. These could help or hurt depending both on the distribution of seats in the it itself. However, they showed no inclination to get involved. Indeed, several parliament and the ability of the PUK and Gorran to respond positively to any very senior Kurdish leaders stated matter-of-factly that if the stabilization of serious KDP effort to overcome their differences, assuming that there is one. Mosul fails and there is widespread fighting, they plan to do no more than PROGRESS TOWARD INDEPENDENCE... defend their own lines, bring in refugees and leave the mess to the Iraqis and Americans to clean up. We heard no apocalyptic threats that widespread fight­ Two factors that appear to be major contributors to the strangely positive feel ing in Mosul would inevitably trigger Kurdish intervention, which was notewor­ to Irbil despite the problems swirling around it, are the progress the Kurds feel thy they have made on both independence and internal reform. In the past month, senior Kurdish officials including KRG President Mas’ud Barzani and Prime To the extent that the Kurds are concerned about the military campaign to Minister Nechirvan Barzani have had what they characterize as positive and defeat Da’esh, their fears dwell on events farther west, at Sinjar and Tal Afar. In

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constructive conversations with Shiite political leaders in Baghdad, including Prime Minister Abadi, regarding Kurdish independence. They say that Abadi Battle for Mosul and other moderate Shiite leaders were receptive to the KRG’s desire for inde­ Two weeks after Iraqi forces, backed by U.S.-led ground and air support, pendence—or at least full sovereignty within a confederal structure. The two launched their campaign to retake Mosul from Islamic State, they have cleared sides have agreed to establish a joint committee to discuss a peaceful secession scores of villages and towns east of the city and are advancing from the south. process, which Kurdish moderates have been seeking for years, in part as a way to forestall a precipitous move toward independence by more hardline Kurdish AREAS OF CONTROL leaders. Barzani is no fool and understands that Abadi may well be driven by his imme­ Islamic State ISF and tribal fighters KDP-Peshmerga PKK Shi’a militia" diate need for KDP support against Maliki, as I described in my previous post. Nevertheless, the Kurds do believe that Abadi is sincere in his willingness to allow the KRG to secede, and Abadi has expressed this sentiment to many oth­ Armored or mechanized ers, including myself as recently as March 2016. Moreover, the Kurds have units’ position insisted that a decision to secede cannot be agreed to by Abadi alone; they have Mosul Dam • demanded that the entire Iraqi National Alliance (the Shiite umbrella group) bless any deal for independence. When pressed about Abadi’s ability to deliver on this critical question, and on the likelihood that the deal would survive if Abadi loses Iraq’s 2018 parliamentary election to former Prime Minister Nuri al- Bashiqa Maliki or Hashd ash-Shaabi leader Hadi al-Ameri, the Kurds acknowledged the risk. However, they also indicated that they believe this to be a reasonable way Khazar forward for them, one that they are determined to explore even if it leads nowhere. Hamdaniya Consequently, I found an important shift in Kurdish thinking about independ­ ence. The Kurds once believed that the road to independence ran through 1 Qayrawan Ankara, but they now believe it runs through Baghdad. Most Kurdish leaders, at least KDP officials, continue to believe that they can convince Ankara to sup­ port an eventual, peaceful secession. However, they acknowledge that Turkish Direction of attacks Gwer President Recep Tayyip Erdogan’s new problems with the Turkish and Syrian (Oct. 25-31) Kurdish populations—perhaps coupled with his increasingly volatile behavior— has made him a less reliable ally in this matter. T As part of their efforts in this area and another sign of tangible progress, the Qayyara Kara Soar Kurds have been in discussions with the Central Bank of Iraq to open a branch Airbase in Irbil. This would finally give the KRG some ability to control local financial circumstances, and possibly pave the way toward a more expansive monetary policy under independence or confederation. Indeed, another debate that the Kurds only seem to be tentatively approaching is the potential question of independence or confederation? Because discus­ sions with Baghdad are still in their infancy, and much will depend on the KRG’s security and economic circumstances at the time that these negotiations reach Sources: Institute for the Study of War; Reuters. 'Claimed control. maturity (if they ever do), it is impossible to know what the Kurds will decide. Still, the more moderate KRG leaders appear to believe that confederation could C. Inton, 0L/11/2016 0 ) REUTERS represent an acceptable interim status, with the expectation that this would against these measures except for a strike by policemen who wanted to be clas - sifled as security personnel and so exempted from the salary cuts. The Kurds once believed that the road to The next two programs of KRG reform are aimed at further reducing costs and independence ran through Ankara, but corruption. The first will target the electricity sector, privatizing distribution, metering (and charging for) consumption, and improving the distribution infra­ they now believe it runs through Baghdad. structure to reduce “leakage” from the age and poor quality of much of the grid. The second will introduce a biometric registration program (including finger­ eventually translate into full independence somewhere farther down the road. prints and iris scans) for all KRG civil servants, including the Peshmerga. Only In particular, they stress that if the KRG can gain full sovereignty, full control of those registered in the biometric database will be able to collect paychecks, their defense policy (including the right to buy military hardware directly and potentially eliminating tens or even hundreds of thousands of ghost workers receive end-user certificates), full control of their energy policy (including the and soldiers. This new program will begin in November and should be complete right to sell oil on their own, and so eliminate the discount that they are forced by January. Moreover, Irbil intends to marry the biometric database to an elec­ to pay because of the uncertain legality of their current oil exports), and full tronic payment system to ensure that salaries are paid automatically and expe­ control over monetary policy (including the right to print money, establish their ditiously, and to further minimize the ability of thieves to collect unearned own central bank, issue public debt and borrow from international financial salaries. institutions and other foreign lenders), they will be content with confederation. These reforms are remarkable and little appreciated by the Kurdish public, ...AND PROGRESS ON REFORM which (understandably) focuses only on their unpaid salaries and the reduction in government services required by the austerity program. Meanwhile, Kurdistan’s undervalued reform agenda continues to move along smartly, marking milestones that are quite remarkable in their own right. The Many Kurds still hope that independence will solve their problems in the short KRG has completed a comprehensive external audit of the finance ministry and term, by allowing the KRG to borrow money both domestically and internation­ has engaged a former finance minister of (highly-regarded for fighting ally, by eliminating the discount on KRG oil exports, and by giving them full corruption there) to overhaul the finance ministry in Irbil. The KRG has retained control over their monetary policy. The fact that they now feel like there is real both Ernst & Young and Deloitte, to conduct a massive audit of the entire oil hope for a peaceful secession has been a significant psychological boon. and gas sector—something that will now be done on an annual basis to root out However, over time, it is likely that if these far-reaching reforms in economics corruption and inefficiency in that critical sector. In the past year, Irbil has and governance continue and expand, they will ultimately be the greatest ben­ reduced subsidies and cut government salaries by 49 percent, all part of an aus­ efit to Kurdistan, potentially setting it on the course to eventual stability, if not terity program more severe than any other in recent years. The economist real prosperity. ♦ Athanasios Manis has calculated Kenneth M. Pollack is an expert on Middle Eastern political-military affairs, with that KRG fiscal consolidation equaled 37 percent of GDP during the past three particular emphasis on Iraq, Iran, Saudi Arabia and the other nations of the years. He notes that Greece, whose austerity program has famously pushed the Persian Gulf region. He is currently a senior fellow in the Center for Middle East country to the brink of revolution, only implemented a fiscal consolidation of Policy at the Brookings Institution. 16.7 percent and that was over five years. Yet there has been no public backlash

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A m e r i c a n NOVEMBER 4. 2016 - In t e r e s t Crackdown in Turkey Erdogan Ups the Ante Erdogan's authoritarian surge has now kicked into overdrive with the arrests of opposition members of parliament.

Henri J. Barkey I _ November 4, 2016 www.the-american-interest.com

hey came in the early hours of the morning to Tarrest members of the parliament belonging to the People’s Democracy Party (HDP), a pro-Kurdish party that received more than five million votes and 59 seats in the latest elections. This is part of major countrywide crackdown initiated by Recep Tayyip Erdogan, Turkey’s mercurial authoritarian leader. Erdogan has been on a tear since the failed coup attempt of this past July 15. By invoking emergency rule, he has fired more than 100,000 government employees and arrest­ ed 36,000; there are some 133 journalists behind bars, and scores of newspapers, news agencies, and television and radio stations have been closed. The universities have been purged of 6,000 professors and other cadres. All of these fir­ ings were done without recourse to the rule of law. Once dismissed, none of the government employees or professors can ever work again for the public sector. both; it has repeatedly said if the Europeans fail responses to the coup attempt. There is not much to give Turkish citizens visa-free access by the his allies can do at this stage to dissuade him Now comes the most audacious move: arresting end of this year the refugee deal will be revoked. from pursuing his current confrontation style opposition parliamentarians, including the lead­ and politics. ers of the HDP. The HDP's leader, Selahattin Similarly, Erdogan has repeatedly threatened to Demirtas, a 43-year-old charismatic politician send his forces across the border if Shi'a militias or the Kurds, this represents another setback— had been a thorn in Erdogan's side for some take Tel Afer, a predominantly Turkoman town, Fneither the first nor the last. Incarceration is a way time. Demirtas had first managed to turn the as part of defeating ISIS. He has also bombed the of life. If Erdogan thinks this will make them change HDP into a real force by crossing the 10 percent Syrian Kurds (U.S. allies) and threatened to their mind, he is deluding himself. If anything, threshold needed to get MPs elected to parlia­ interfere in future operations designed to cap­ Erdogan’s party is likely to lose the support of that ment, not once, but twice in quick succession. ture Raqqa, ISIS's capital in Syria. The United segment of the Turkish Kurdish population that had Second, he campaigned against allowing States might also be anxious not to lose access to voted for it. The split between Turks and Kurds risks the mammoth Incirlik Air Base in southern Erdogan to transform Turkey's constitutional becoming permanent, especially because the HDP Turkey, from which much of the anti-ISIS bomb­ system from a parliamentary to a presidential had offered a peaceful out, in fact, only two years ago. ing is being conducted, and other bases along the system with few checks and balances. HDP and Erdogan, to the great consternation of nationalists in Demirtas have been more resilient than the main border that are there to provide support for the Special Forces operating in both Syria and Iraq. Turkey, had courageously attempted to start negotia­ opposition party (the CHP), which is also one tions with the PKK, the armed Kurdistan Workers’ reason that the government press, constituting party, which has led an insurrection since the 1980s. the vast majority of newspapers, never covers iven his strident anti-Western rhetoric since the After a road map had been concluded, Erdogan deci­ their activities other than when they get arrested. G failed coup and his single-minded determination to purge Turkey of his opponents, real and imagined, ded to abrogate it. And the conflict restarted, devasta­ ting the cities in the southeast as the PKK altered its rdogan has been consistently escalating his could Erdogan up the ante and move against these rural strategy in favor of an urban one. Eactions of late; it seems as if every week he does U.S. and EU interests? In so doing, he may think that something that shocks the public and his opponents, he will rally the country behind him. While he could, What might make Erdogan alter his course? In it would be a quixotic action. The Turkish economy is from shutting down media outlets to jailing Mayors to the short term, nothing. He thinks that all his far too integrated with the rest of the world and with confiscating assets— and now jailing opposition lea­ moves are helping him to ensure that he passes ders. The question is what comes next. There is rea­ Europe in particular. Turkey is already on the verge of through the constitutional changes for his cher­ son to worry for Turkey’s allies abroad. an economic downturn and such policies would cer­ ished executive presidency. Once he gets his tainly accelerate it. wish, will he then moderate his stand? Possibly, Turkey's isolation from its primary allies, the but this is highly unlikely because the damage United States and Europe, is growing rapidly. To The problem is that Erdogan is living in an echo done is deep and not easily repairable. Second, date, both have kept their powder dry when it chamber. Having eliminated his early collabora­ Erdogan is deeply suspicious and fearful of comes to criticizing Ankara, because the tors who could stand up to him, there is now no everyone save those he can control. To control, Europeans are worried that Turkey will prema­ one who would dare contradict him. He is per­ he has to instill fear. ♦ turely undo the deal that prevents Syrians suaded that the West was complicit in the July 15 refugees from inundating European shores. coup attempt; he cannot understand why the Henri ]. Barkey is the director of the Middle East Americans do not want Turkey to mess up their United States has not extradited Fethullah Program at the Woodrow Wilson Center. The mews anti-ISIS campaign in Iraq and Syria by sending Gillen, the alleged mastermind of the coup who expressed are his not the Center's. its own troops across either or both borders. The lives in Pennsylvania. He has taken personally problem is that Turkey has threatened to do the perceived slowness of the U.S. and European

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i c l l î o n t k MARDI 8 NOVEMBRE 2016 Les Kurdes de Syrie veulent isoler Rakka, fief de LEI Un combattant de la coalition kurdo-arabe soutenue par les Etats-Unis,

Les Forces démocratiques près d’Aïn Issa (Syrie), le 6 novembre, delilsouleiman /afp syriennes tâchent de prendre Les FDS sont encadrées par et du matériel, notamment de l’émanation dans le nord de la Sy­ tanks, nécessaires à la prise d’une de vitesse leur ennemi turc rie, frontalier de la Turquie, du ville de 200000 habitants et dé­ Parti des travailleurs du Kurdis­ fendue par quelque 4000 djiha- tan (PKK), en guerre contre An­ distes. Selon le commandément M. Carter précisait cependant que e r b il (ir a k ) - correspondance kara. L’intervention turque en Sy-. des forces américaines au Moyen- «le combat ne sera pas facile, un rie, en août, a mis un coup d’arrêt Orient, l’avancée vers Rakka vise à dur travail nous attend ». L’envoyé ne coalition dominée à la tentative de ces forces de relier couper les routes empruntées par spécial de la Maison Blanche par les forces kurdes les territoires kurdes qu’elles con­ l’EI pour s'approvisionner et dé­ auprès de la coalition, Brett de Syrie a annoncé, di­ trôlent dans le nord-est du pays placer ses combattants dans la ré­ McGurk, a quant à lui rappelé que manche 6 novembre, avec l’enclave kurde d Afrine, dans gion. Il s’agit également de couper les Etats-Unis entendaient coor­ U le début d’une opération «mas­ le nord-ouest. Une telle jonction les liens entre la région de Mos­ donner l’avancée sur Rakka avec sive» pour «libérer» la ville de aurait permis au PKK de sécuriser soul et le territoire syrien de TEI. la Turquie. Rakka, la capitale de l’organisa­ une base arrière syrienne dans Depuis des mois déjà, la coalition Or, la Turquie a demandé en oc­ tion Etat islamique (El) en Syrie, bombardé la région, afin de ré­ tobre à Washington d’exclure les son combat contre l’Etat turc. En Dans une bataille qui s’annonce duire ces mouvéments. Un porte- forces kurdes de l’assaut sur (positionnant sa branche syrienne très longue, il s’agit d’une phase parole des FDS, Talal Silo, a affirmé Rakka. Le président Recep Tayyip comme le meilleur allié de encore limitée, annoncée comme dnhanche: «Nous voulons libérer Erdogan a affirmé avoir expliqué Washington sur le terrain, dans la imminente depuis des semaines les campagnes environnantes, puis à , lors d’une con­ lutte contre l’EI, c’est la survie de par la coalition internationale encercler la ville.» Un assaut sur versation téléphonique, que la son projet politique que le PKK contre l’EI emmenée par les Etats- Rakka n’interviendràit que dans Turquie pouvait chasser seule TEI tente d’assurer. Unis. Washington souhaitait une troisième phase, et devrait, de son bastion, avec les groupes qu’une avance ait lieu vers Rakka Routes d’approvisionnement selon les plans de la coalition, être rebelles syriens qu’elle soutient. de façon concomitante avec la ba­ Par cette annonce, les FDS pren­ mené par des forces arabes. M. Erdogan, s’exprimant diman­ taille de Mossoul, bastion de l’EI nent de vitesse Ankara, qui clai­ che, n’a fait aucune mention de en Irak, où les forces années ira­ ronne son ambition de participer l’avancée des FDS. Mais il a de kiennes affrontent désormais à la bataille de Mossoul, et qui nouveau rappelé que ses alliés sy- En faisant de sa une puissante résistance au sein n’envisage de se lancer dans une de la ville. opération sur Rakka qu’après la branche syrienne De fait, les troupes kurdo-arabes TURQUIE fin de la bataille irakienne. Alors le meilleur allié des Forces démocratiques syrien­ que le PKK subit les coups de bou­ nes (FDS) ont pris dimanche une toir des forces spéciales turques de W ashington, Al-Bab ^ftïnissa demi-douzaine de hameaux et de dans le sud-est de la Turquie, et c’est la survie fermes dans le secteur d’Aïn Issa, à Alep • - £ alors que les deux coprésidents de une cinquantaine de kilomètres son émanation politique, le HDP, de son projet au nord de Rakka, selon l’Observa­ ont été placés en détention pré­ politique que le toire syrien des droits de SYRIE ventive le 4 novembre, l’organisa­ LIBAN l’homme (OSDH), tandis que la IRAK tion kurde tente de marquer des PKK veut assurer coalition augmentait ses frappes ■ Damas points sur le terrain syrien. Di­ dans la région. Les Etats-Unis ont manche, les FDS ont clairement Des officiels de l’armée améri­ annoncé leur soutien aérien, sui­ exprimé que la Turquie devait de­ caine reconnaissaient dimanche JORDANIE vis du Royaume-Uni et de la meurer à l’écart de l’assaut contre que ces forces faisaient encore France. Mais Washington s’est ce­ Rakka. Dans un geste d’apaise­ défaut. Dans la soirée, des grou­ pendant attaché à minimiser la ment, le même jour, le chef d’état- pes d’opposition arabes de la, pro­ portée de l’avance des FDS. riens s’approchaient de la ville major interarmées américain, le vince de Rakka ont condamné «L’effort pour isoler et, à terme, li­ dAl-Bab, à 140 kilomètres à l’ouest général Joe Dunford, a rendu une l’offensive kurde, estimant bérer Rakka. marque la prochaine de Rakka. Les FDS avancent égale­ visite qui n’avait pas été annoncée qu’elle risquait de provoquer un étape dans le plan de campagne de ment vers cette ville. Ils ont subi au préalable à son homologue conflit entre Kurdes et Arabes qui notre coalition », a réagi le secré­ en octobre d’intenses bombarde­ turc, Hulusi Akar, à Ankara. pourrait « durer des décennies ». taire américain à la défense, Ash­ ments de l’aviation turque dans Cependant, les forces kurdo-ara­ Depuis qu’elles ont étendu leur ton Carter, dans un bref commu­ cette région, et y ont affronté les bes demeurent loin de Rakka. El­ contrôle au-delà des zones à ma­ niqué saluant l’annonce des FDS. rebelles syriens alliés à la Turquie. les ne disposent pas des hommes jorité kurde du nord du pays, les

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FDS ont coopté, clientélisé et américaines, ce rassemblement déploiement. La coalition inter­ raient une administration locale intégré des éléments non kur­ hétéroclite reste de faible enver­ nationale, sous l’égide de après l’EI. ■ des : des groupes armés tribaux, gure. De son côté, la Turquie en­ Washington, n’a pas non plus été LOUIS IMBERT (A PARIS) des brigades issues de la rébellion traîne sur son territoire des élé­ en mesure d’annoncer de plan ET ALLAN KAVAL syrienne. ments tribaux de la province de clair sur les suites politiques Malgré l’assistance de quelque Rakka, qui n’ont pas encore fait la d’une éventuelle victoire à Rakka, 300 membres des forces spéciales preuve d’une capacité réelle de et sur l’identité de ceux qui dirige­

November 14, 2016 VOICE of AMERICA Syrian Arab Forces Trained to Join Kurdish-led Offensive on Raqqa

50 m iles Kobani TURKEY IRAN

•M anbij Hasakah Aleppo

Kirkuk SYRIA , • Tikrit

Fallujah Ramadi Baghdad (SDF) commanders hold neivs conference in Ain Issa, , Syria November 6, 2016. REUTERS/Rodi Said Sirwan Kajjo November 14,2016 Turkey objects to the Kurdish offensive, the region for centuries. http ://w ww.voane ws .com/ however, saying Turkish-backed rebels should "Kurds have to make sure they don't pro­ take the lead to free Raqqa. Turkey also has voke the locals," said Qusai Hwaidi, a political activist from Raqqa, who regularly advises tri­ local force of Arab tribesmen in northern voiced objections about the makeup of the SDF, almost two-thirds of which is Kurdish. bal leaders. "To do so, they need to have the Syria has been trained to fight alongside A tribes on their side. Only that will guarantee Kurdish fighters who are slowly advancing to Some of the most capable and effective of those Kurdish forces are People's Protection peace in Raqqa after IS." recapture Raqqa, the de facto capital of Units, or YPG, which Ankara regards as a ter­ MEETING IN TURKEY Islamic State, according to Kurdish comman­ rorist organization. The inclusion of non- U.S. military officials met with their coun­ ders and tribal leaders. Kurdish Arab tribesmen in the fight for Raqqa terparts early this month in Turkey to discuss The Arab force, composed of more than is an attempt to mollify fears that a Kurdish-led the Raqqa operation and "to find the right mix 2,000 men, will fight IS under the command of of forces" to liberate the city, said U.S. Joint the U.S.-backed Syrian Democratic Forces offensive could escalate tensions with resi­ dents, locals say. Chiefs of Staff Gen. Joseph Dunford. (SDF), who are in their second week of a long Raqqa had a pre-war population of about The U.S. is sure, however, that Kurdish-led offensive toward Raqqa. "These are young men from Raqqa who 500,000 people with a Sunni Arab majority, but forces are capable of leading the charge. "We do believe that they have the exper­ will be battling [IS] inside the city when our now it is estimated to have around 200,000 forces get near there,” said Nasir Hajji Mansur, people. There have been tensions between tise," U.S. Col. John Dorrian told Pentagon Arab and Kurdish groups in the past in some reporters recently. a commander with SDF on the front lines, told VOA Monday. areas after IS has been cleared out, according "They were very successful in developing to locals and Kurdish fighters. a plan for the liberation of Manbij," he said of a The Arabs are from villages and areas recently cleared of IS north of Raqqa. Many of KURDISH TROOPS WON’T STAY town in northern Syria freed from IS in August. "There is an anti-Kurdish propaganda that "And we believe that, certainly, with coalition them come from Raqqa city and fled after IS took over in 2014. They will be wearing the says the [Kurds] will carry out abuses against help, they can do the same in Raqqa." civilians in Raqqa,” said Mohammed Shlash, Kurdish forces withdrew from Manbij SDF uniforms and using weapons supplied by the Kurds, commanders said. an Arab and former member of the city council weeks after they freed the town from IS figh­ in Raqqa. ters. MANY VILLAGES CLEARED With the help of U.S. air support, the SDF But Kurdish military officials say their "Kurdish forces have liberated other Sunni forces do not plan to stay in the city after Arab areas such as Manbij where they were has cleared dozens of villages in northern Raqqa from IS militants. More than 30,000 Raqqa is freed from IS control. welcomed by locals," said Sadradeen Kinno, a Syrian reporter covering developments in SDF fighters are in the operation that likely will "it makes no sense for us to stay there,” Kurdish commander Mansur said. "Once we Raqqa. "The Raqqa operation will be similar to take months before nearing the limits of have liberated Raqqa, a local administration that in Manbij in this regard." • Raqqa, Kurdish military sources told VOA. They are about 30 kilometers away from the IS will assume governance.” Kurdish forces also need the expertise of stronghold. Arab tribesmen, whose ancestors have lived in

12 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti “ A Simak, les ravages de la guerre contre le PKK REPORTAGE SIRNAK (Tu r q u ie ) - envoyé spécial LE CONTEXTE

a ville où Mehmet (le pré­ nom a été modifié) a vu le jour il y a soixante et un GUERILLA ans et où il a vécu toute sa Dépuis qu’a été relancée la vie n’est plus qu’un paysage loin­ L guerre entre le Parti des tra­ tain. Le quartier où il a grandi, un vailleurs du Kurdistan (PKK) et phamp de ruines. Depuis sa petite l’Etat turc, en juillet2015, l’armée tour de terre battue, devant la turque a investi les principaux maison aux murs de ciment nus, A Cizre, Wfîz othir ve ipsanb.k centres urbains kurdes de Tur­ dans un village des environs où il dans la Uoziimüÿtiür, quie, où le PKK a tenté en vain a trouvé refuge, Simak apparaît province ùferyür&yAfü Tr de mener une insurrection ar­ presque tout entière, à flanc de de Sirnak, mée. Chassé des centres-villes, le colline. Distante de 6 km, la petite en Turquie, PKK, adossé au territoire conquis 1 ville comptait jusqu’en 2015 près en mars. par ses émules en Syrie, mène de 100 000 habitants. Capitale ad­ JAN SCHMIDT- une guérilla de harcèlement ministrative de la province du WHITLEY/CIRIC contre les forces de sécurité tur- même nom, dans le sud-est kurde queè en multipliant les attentats de la Turquie, Sirnak est et les embuscades dans les cam­ kurdes. « Chaque famille s’est réfu­ aujourd’hui déserte et en partie La présence pagnes du sud-est du pays. Sur giée où elle pouvait, dans l'ouest de rasée. Mehmet n’a pas pu y re­ le plan politique, le gouverne­ la Turquie, dans les villes de la ré­ de l’Etat turc tourner depuis mars. ment a lancé une vaste offensive gion, dans les villages autour de Proche de la frontière irakienne, se résume au contre le parti HDP, proche du Sirnak. La communauté est bri­ Sirnak est un des fiefs historiques PKK, depuis le coup d’Etat man­ sée», explique Mehmet. Aucune vrombissement du Parti des travailleurs du Kur­ qué du 15juillet, arguant de la perspective de retour n’est envisa­ distan (PKK), en lutte contre l’Etat des hélicoptères lutte antiterroriste. Plusieurs di­ gée, et la région est passée sous turc depuis 1984. Les montagnes zaines de maires ont été rempla­ occupation militaire. «Déclencher et aux points de qui l’environnent appartiennent cés en vertu de l’état d’urgence. cette guerre était une faute», re­ aux combattants et aux contre­ contrôle fortifiés Onze députés (sur 59} du HDP grette Mehmet. Pas question bandiers. Le ciel, lui, est aux avi­ ont été arrêtés le 4 novembre. pour autant de s’en remettre à ons de chasse et aux hélicoptères lage a été incendié et rasé par les l’Etat turc. turcs. Les routes sont aux mains Turcs », dit-il en désignant les Propriétaire avant guerre de de l’armée et de la gendarmerie. montagnes environnantes. Pour quinze commerces et de trente Après trois décennies de conflit, couper le soutien de la population Mer Noire logements, la famille de Mehmet l’arrière-pays de Sirnak est une à la guérilla, l’armée turque a dé­ a tout perdu. Sa situation reste terre de guérilla. Le PKK, qui opère truit plus de 4 000 villages kurdes Ank! ra TURQUIE pourtant enviable : elle est instal­ dans les montagnes alentour, a su dans les années 1990. Leurs habi­ lée dans une maison en dur. A la li­ accroître son influence dans la Sirnak tants, comme Murat, ont été dé­ sière du village, plusieurs dizaines ville, au sein d’une population lar­ placés vers les nouveaux quar­ de familles moins fortunées ont gement acquise. Le mouvement tiers des centres administratifs été contraintes de survivre dans kurde en contrôlait la municipa­ voisins. «Nous avions reconstruit un vaste terrain vague. Certaines lité par l’intermédiaire d’un parti une vie à Sirnak. Vingt-cinq ans IRAK ont obtenu des tentes de la muni­ servant d’émanation légale, y ré­ plus tard, on n’a plus rien. » cipalité. D’autres ont bâti des ca­ solvait les discordes et les problè­ Mer Méd. hutes à l’aide de branchages, de mes quotidiens de la population. Incertitude et violence planches irrégulières et de bâches Pourtant, pour Murat les choix « La communauté est brisée » turcs par le PKK en représailles a en plastique. Aucune aide huma­ stratégiques du PKK ne sont pas Tout à la fois bastion du PKK et entraîné une reprise des bombar­ nitaire n’était alors parvenue d’An­ critiquables. Question d’honneur! avant-pôste de l’Etat turc dans une dements sur les bases du PKK dans kara ou d’ONG turques. Ici la pré­ Comme nombre d’habitants de région rebelle, la ville de Simak a le nord de l’Irak. Dans les semaines sence de l’Etat se résume au vrom­ Simak, il compte dans sa famille bissement des hélicoptères mili­ vu la guerre passer des maquis qui qui ont suivi, plusieurs villes et plusieurs «martyrs» de la cause taires et aux points de contrôle l’entourent aux rues de ses quar­ quartiers - dont Simak - acquis au kurde. Sa nièce, combattante du fortifiés qui jalonnent les routes. tiers, à l’été 2015. Le 20 juillet, une mouvement kurde dans le sud-est PKK, a été abattue en 2011 dans un Murat (son prénom a aussi été trentaine de militants, prokurdes de la Turquie étaient investis par bombardement turc. Deux de ses étaient tués dans une explosion à modifié) est un habitant de ce neveux sont tombés au combat les combattants du PKK. camp informel de déplacés, qui a Suruç, ville kurde de Turquie fron­ Plus d’un an plus tard, Sirnak, contre l’EI en Syrie, au sein des for­ talière de Kobané, en Syrie.'L’atten- été, depuis, démantelé par les ces kurdes locales encadrées par le vidée de ses habitants et pilonnée autorités turques qui ont rem­ tat-suicide a été attribué à l’organi- par l’artillerie turque, est toujours PKK et comptant en leur sein de sation Etat islamique, mais pour le interdite d’accès. La riposte vio­ placé ses occupants. Sa vie se nombreux Kurdes de Turquie. Son mouvement kurde, le responsable lente des forces de sécurité s’est confond avec l’histoire du conflit frère combat encore. Il ignore où. se trouvait à Ankara, en la per­ traduite par la destruction par­ kurde et ses récurrences. A 45 ans, Murat et ceux qui, comme lui, sonne du président Recep Tayyip tielle de la ville et la mort ou l’ar­ il est chassé de chez lui pour la vivent dans les cabanes de fortune Erdogan. L’assassinat de policiers restation de tous les combattants deuxième fois. «En 1992, notre vil- voisines, n’arrivent pas à se résou­

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dre à quitter les environs de Simak. eux, la vie s’est figée dans l’incer­ venger les femmes yézidies rédui­ 6 et 8 ans jouent en silence avec Dans l’attente d'une hypothétique titude et la violence. Bloqués aux tes en esclavage ». On lui a rap­ une balle en caoutchouc. Leurs yeux sont vides, leurs joues noir­ autorisation à récupérer les ruines périphéries de leur propre ville, ils porté son corps sans vie à la fin de cies de terre battue. Quand on leur de leurs maisons. voient les jours se succéder sans la bataille. Les soldats n’ont pas demande ce que pourra être l’ave­ La défaite du PKK dans la ville ne perspectivé, regrettant leur vie autorisé de funérailles. Elle l’a en­ nir de ces enfants, Fatma et ses pa­ signifie pas la fin de la guerre. détruite, leurs voisins éparpillés, terré à la lisière du village. Entou­ rentes répondent d’une seule Dans les collines environnantes, leurs jeunes morts dans les com­ rée d’un groupe de femmes de sa l’organisation armée kurde a re­ bats de rue. famille, trois générations réunies voix : «Ils prendront les armes ! » m pris ses actions de guérilla contre Fatma (dont le prénom a aussi au seuil d’une petite maison de ci­ ALLAN KAVAL les forces de sécurité turques, et été modifié) a laissé son fils der­ ment brut, le visage figé, elle fait les accrochages sont fréquents, rière elle au début du siège. A disparaître une larme unique parfois tout près des lieux habités 20 ans, il avait décidé de rejoindre avec le coin de son voile fleuri. par les déplacés de Sirnak. Pour le PKK « pour le Kurdistan et pour A proximité, deux garçons de

Telttonde VENDREDI 11 NOVEMBRE 2016 En prenant Bachika, les Kurdes d’Irak tracent leur frontière La ville en « territoire contesté » a été libérée de l’organisation Etat islamique par les peshmergas en marge de la bataille de Mossoul REPORTAGE ruent en un attroupement fié­ en grande partie aux mains des BACHIKA (IRAK) - envoyé spécial «Je vais nettoyer vreux autour du véhicule. djihadistes à Tété 2014, ils ont été ne épaisse fumée noire Voilà, l’ennemi si souvent invisi­ cette colline reconquis depuis par les Kurdes s’élève au-dessus de Ba­ ble. Vivant, tangible et vaincu. et inviter le avec le soutien de la coalition in­ chika, à 5 kilomètres à C’est un adolescent de 15 ou 16 ans, ternationale. Bachika est la der­ U l’est. La colonne de véhiculesbarbe blin­ naissante, tignasse bouclée. président Barzani nière prise de guerre des Kurdes. dés kurdes avance à l’aube, ralen­ Alors qu’une femme d’une cin­ à y faire un « Une fois Bachika libérée, la fron­ tie par la présence d'engins explo­ quantaine d'années vêtue d’un tière du Kurdistan sera tracée », an­ sifs improvisés au bord de la treillis militaire, la tête couverte discours quand nonce le général kurde Aziz Weysi. route. L’offensive des combat­ d’un voile noir, lui délivre les pre­ ce sera term iné!» Dans l’après-midi, les forces kur­ tants kurdes a commencé le miers soins dans une ambulance, des ont pu planter leurs drapeaux 20 octobre. Au terme d’opérations une dispute commence. On repro­ LE GÉNÉRAL HAZAR sur des bâtiments officiels. De re­ laborieuses, en marge de la ba­ che à celui qui a arrêté le jeune dji- un des officiers commandant tour sur la route principale, l’un taille de Mossoul, en Irak, les pes­ hadiste de ne pas l’avoir exécuté l’offensive de Bachika des officiers commandant l’offen­ hmergas ont pu encercler la ville. sur-le-champ. « C’est un enfant et il sive, le général Hazar, petit Située à moins de 15 kilomètres s'est rendu !», se défend-il. dans les quartiers », estime un pes- homme aux cheveux en brosse de Mossoul, Bachika, contrôlée A l’ouest de Bachika, un groupe hmerga. Bientôt, une épaisse fu­ teints en noir, est averti qu’une depuis l’été 2014 par l’organisa­ de Kurdes syriens intégrés aux mée noire s’élève au nord. Un dji- conversation par talkie-walkie en­ tion Etat islamique (El), était peu­ peshmergas tient une position hadiste a mis le feu à un tas de tre djihadistes a été interceptée. Il y plée en majorité de yézidis. Autre­ derrière un talus de terre. Tirs pneus ou à du pétrole, espérant a un risque d’attaque depuis une fois connue pour sa production nourris en provenance de la ville. compliquer la tâche des avions de éminence toute proche que les d’arak et ses débits de boisson, la Les balles sifflent. Des blindés kur­ chasse de la coalition. peshmergas ont laissée de côté. ville, où un dernier carré de djiha- des progressent dans les envi­ Equipé d’une tablette numéri­ Le général Hazar réunit ses hom­ distes attend l'assaut final kurdë, rons. La colonne blindée partie le que et d’un GPS, un combattant mes. «Je vais nettoyer cette colline est vide lundi matin 7 novembre. matin a fqit le tour de la ville et ap­ kurde chargé de la liaison avec les et inviter le président Barzani à y Les rafales de mitrailleuses, les paraît maintenant sur la route Occidentaux prévient ses interlo­ faire un discours quand ce sera ter­ tirs d’armes automatiques et les principale, venant de l’est. cuteurs par téléphone : «Le pilote miné!», déclare-t-il. Il ordonne à explosions se font plus intenses à Les trois carcasses de voitures va repérer sa position et l’abattre. » une colonne blindée de donner mesure que les blindés des pesh­ abandonnées par les djihadistes L’air est traversé par le bruit d’un l’assaut. Après quelques minutes d’une progression lente, une déto­ mergas pénètrent plus avant qui en interdisaient l’accès sont moteur à réaction suivi d’une nation retentit. Un engin explosif. dans les zones encore tenues par écartées au bulldozer. La jonction puissante détonation. Lorsqu’on «Est-ce que vous allez bien ? Est-ce les djihadistes. Les combats se est désormais faite. On s’em­ demande à l’agent de liaison s’il que vous êtes sain et sauf?», de­ poursuivent dans le vrombisse­ brasse. Les combattants kurdes est usuel de commander une mande par radio le général aux oc­ ment constant des hélicoptères fouillent les véhicules, récupèrent frappe aérienne pour un seul cupants du véhicule touché. de combat américains, en alti­ ce qu’ils peuvent : gants tactiques, homme, il répond en souriant: Au bout de longues secondes de tude, qui facilitent grâce à leur porte-chargeurs, nourriture, vête­ «Ils viendraient même pour une silence, une voix répond : « Oui, puissance de feu la progression ments. Tout est bon à prendre. moitié de djihadiste ! » Mardi, en fin grâce à Dieu. » Le général a au sol des forces kurdes. L’un d’entre eux a mis la main sur d’après-midi, les peshmergas con­ le drapeau noir de TEI qu’il déploie. sidèrent la ville sous contrôle. changé d’avis. La colonne blindée fait demi-tour. Bachika est sous Tirs de joie Rafales d’armes automatiques. Bachika fait partie des «territoi­ contrôle kurde, cette colline peut Les peshmergas sont entrés dans Cette fois, ce sont des tirs de joie. res disputés», revendiqués par le attendre, ■ Bachika. Bientôt deux blindés re­ Pourtant, le lendemain matin, Kurdistan irakien autonome et ALLAN KAVAL viennent du front. Dans l’un d’en­ Bachika n’est toujours pas sous son président, Massoud Barzani, tre eux, un prisonnier. Blessé. Les contrôle. «Il y a encore des grou­ mais relevant officiellement de combattants restés à l’arrière se pes de djihadistes qui se cachent l’autorité de l’Etat irakien. Tombés

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| le n o u v e l Observateur L’OBS/N°2714-10/11/2016

PASSÉ/PRÉSENT

Pour tâcher de la brosser sommairement, il faut se projeter trois millénaires en arrière, pour se De l’antique Ninive retrouver dans cette même ville, qui porte son pre­ mier nom : Ninive. Nous sommes alors vers la fin de la civilisation mésopotamienne - du grec meso à Mossoul libérée? potam os, entre les deux fleuves, le Tigre et l’Eu­ phrate - aux alentours des xe-vm e siècles avant notre ère, à l’apogée de la domination assyrienne. La libération de la deuxième ville d'Irak Comme leur nom l’indique, les Assyriens viennent d’Assur (également au nord de l’Irak actuel), mais est en cours. Mais la partie s'annonce ont établi leur capitale dans cette riche cité de la rive droite du Tigre. Grâce à leur redoutable cavalerie - compliquée car la cité assyrienne, encore une nouveauté - ils réussissent à étendre leur empire jusqu’à l’Egypte, vassalisant au passage le petit sous l’emprise de Daeeh, a traversé trois royaume de Juda, où vivent les Hébreux. Ce qui explique pourquoi l’endroit est si souvent cité dans mille ans d'une histoire pour le moins agitée... la Bible, et rarement en bien : le prophète Jonas lui- même n’est-il pas chargé par Dieu d’aller annoncer Par FRANÇOIS REYNAERT à la méchante ville son imminente destruction? Le malheureux finit par y mourir lui-même. Jusqu’au plastiquage de l’édifice par Daech, on trouvait à Mos­ ne devinette. Citez un lieu qui réunit soul son tombeau, sous la mosquée qui porte son le tombeau d’un prophète biblique, nom arabe, Yunus. une toile célèbre de Delacroix, le nom Le plus grand, et le dernier, des empereurs assy­ d’une étoffe fort prisée de la haute riens est Assurbanipal (règne de 669 à 626 av. J.-C.). couture et les angoisses d’actualité de On sait au moins de lui qu’il était fort cultivé : son laU moitié des états-majors du monde. Vous séchez ? palais ninivite contient plus de 20 000 tablettes. Les La réponse est pourtant dans les journaux tous les Grecs, qui détestent les Orientaux, le campent bien jours : Mossoul. Rares sont les Occidentaux qui en plus tard en despote lascif et efféminé. C’est ainsi ont conscience. Il est peu d’endroits sur la planète que, sous son nom hellénisé de Sardanapale, le mal­ qui réunissent un tel concentré d’histoire. heureux arrive jusqu’à notre époque romantique,

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Novembre 2016 A quelques kilomètres au sud de Mossoul, l’ancienne capitale des Assyriens, les forces armées irakiennes progressent vers cette importante place forte du «califat», pour la reprendre,

qui n’aime rien tant que les décadents enturbannés : toire compliquée - déclin du califat abbasside, petits LA d’où une pièce de Byron, et une fameuse toile de Etats turcs et autres invasions mongoles - et sautons MÉSOPOTAMIE Delacroix (« la M ort de Sardanapale », 1827). directement au xvie siècle, quand la région est Laissons passer une paire de nouveaux maîtres qui conquise par Soliman le Magnifique, sultan ottoman. EXPOSÉE enterrent peu à peu la glorieuse Mésopotamie Mossoul, Bagdad et Bassorah deviennent alors de On l'a presque oubliée et antique - invasion par les Perses de Cyrus le Grand calmes chefs-lieux de province. La mosaïque ethni- c ’est impardonnable: on lui (539 av. J.-C.); conquêtes par Alexandre le Grand (331 co-religieuse n’y est pas simple : aux juifs et aux chré­ doit tant, Dès les premiers av. J.-C.), puis par les Parthes, puis les Romains et de tiens se sont ajoutées évidemment les deux branches temps de cette immense nouveau d’autres Perses. Nous voilà vers les de l’islam, les sunnites et les chiites, auxquels il faut civilisation, lors de la ive-ve siècles de notre ère, quand le christianisme, adjoindre les Kurdes, peuple musulman mais non période de Sumer devenu religion officielle de Rome, parfait son dogme arabe. Comme Rome avant lui, l’Empire ottoman sait, (IVe millénaire avant notre lors de grands conciles où l’on discute des graves pendant des siècles, gérer la diversité. Avec son ère), apparaissent les questions du moment : Marie est-elle mère de Dieu déclin, au xixe siècle, les crispations se font sentir. premières cités-Etats et ou mère du Christ (concile d’Ephèse, 431) ? Le Christ Avec son effondrement, elles explosent. l’écriture, Hammourabi est-il seulement dieu, ou homme et dieu à la fois Pariant sur la défaite des Turcs, dès 1916, Fran­ (règne 1792-1750) nous (Chalcédoine, 451) ? Chaque fois, après de violentes çais et Anglais s’étaient partagé leurs provinces laisse un premier code disputes, les minoritaires claquent la porte et consti­ arabes : ce sont les fameux accords Sykes-Picot. de loi. Et le système tuent leurs propres Eglises, qui forment la mosaïque Selon ceux-ci, Mossoul revenait aux Français. A la sexagésimal que nous de ce que l’on nomme « les chrétiens d’Orient ». La fin de la guerre, les soldats anglais y sont présents utilisons toujours pour plupart de celles sur lesquelles viennent de s’achar­ et les chancelleries s’arrangent : elle va aux Anglais. compter les heures et les ner les fanatiques du « califat » sont issues de cette Après Bagdad et Bassorah, elle devient le troisième minutes nous vient de ses histoire, tout en étant liées à la précédente : la plupart morceau d’un pays que le Foreign Office crée de astronomes. Tous ceux qui des chrétiens d’Irak se font appeler « Assyriens » et toutes pièces : l’Irak. Il a consisté à mettre ensemble rêvent de mieux connaître disent leur liturgie en syriaque, fils de l’araméen, la quelques puits de pétrole et des tas de gens qui la Mésopotamie antique grande langue sémitique de l’Antiquité. n’avaient guère plus envie de vivre ensemble, des et d’admirer ses trésors vne siècle. Nouvelle rupture. Les conquêtes arabes. Arabes, des Kurdes, des chrétiens, des juifs, des se rendront au Louvre- Ninive prend son nom arabe d’Al-Mawsil, Mossoul. chiites et des sunnites, pour en faire un royaume Lens.qui lui consacre une Elle est fort bien placée sur les routes commerciales qu’on donnerait en cadeau à leur ex-allié, un type magnifique exposition, et doit sa prospérité à l’industrie d’un tissu précieux venu d’ailleurs, Fayçal, fils du chérif de La Mecque « L'histoire com m ence en que l’on vend jusqu’en Occident : lamousseline. Epar­ et ami de Lawrence d’Arabie. Quelques diplomates M és opotam ie ». Louvre-Lens. gnons au lecteur les nouveaux soubresauts d’une his­ supputaient déjà que c’était risqué. ■ Jusqu'au 2 3 janvier 2017.

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W endroit, à une dizaine son classement des “intellectuels J d’heures de vol de la Sa tête est mise à prix, ses livres publics m ondiaux”, est devenu Turquie, ressemble à sont détruits et des mannequins l’ennemi numéro un de la Turquie l’antithèse d’Aksaray, d’Erdogan. Au point, dit-il, de le palais blanc à son effigie sont pendus sur la craindre que l’on vienne l’assassiner place publique. Exilé aux États- chez lui. LI aux 1200 pièces que Recep Tayyip Erdogan, le président turc, Unis, Fethullah Gülen, prédicateur Les deux hommes étaient pourtant, a récemment fait construire à à la tête d’une puissante confrérie il y a quelques années encore, Ankara. Saylorsburg, Pennsylvanie, religieuse, est devenu l'ennemi les meilleurs amis du monde. est une bourgade tranquille et En juin 2012, Recep Tayyip anonyme de 1000 habitants, public numéro un dans son pays, la Erdogan, alors Premier ministre, située en pleine nature, dans les Turquie. Son ancien allié, le président faisait ainsi l’éloge de Fethullah montagnes Poconos, à moins de Recep Tayyip Erdogan, l’accuse d’être Gülen dans un stade rempli de deux heures de New York. La 50 000 personnes, à Istanbul. A région est essentiellement réputée à l’origine du coup d’Etat manqué du l’occasion des olympiades de la pour ses forêts et ses stations de ski. 15 juillet 2016. Le dernier épisode langue turque, une grande kermesse C’est là, dans le Golden Generation güléniste, il avait été longuement Worship and Retreat Center, un d’une lutte de pouvoir fratricide qui acclamé après avoir appelé l’exilé ancien camp d’été reconverti n’en finit plus de plonger la Turquie de Pennsylvanie à rentrer au en résidence, que vit Fethullah bercail: “L’exil est une souffrance, Gülen, en exil depuis 1999. Le dans les ténèbres. personne ne doit endurer cela.” prédicateur, toujours vêtu d’un Une vingtaine d’années après leur costum e som bre, y passe ses première rencontre, leur alliance pour conquérir le pouvoir était une journées monacales à lire et prier. Protégé, néanmoins, par quelques immense réussite, dans un style gagnant-gagnant. Grâce à la confrérie gardes armés, des caméras de surveillance et des portes blindées. Le Gülen, Erdogan avait trouvé des cadres bien formés pour tenir son signe que le tumulte du monde extérieur est finalement arrivé jusqu’à administration et venir à bout des résistances de l’ancien régime son compound. C’était l’été dernier, après le coup d’Etat du 15 juillet kémaliste au sein de l’appareil d’État. Grâce à Erdogan, Gülen, lui, qui faillit, un temps, pousser Erdogan hors du pouvoir. Remis en selle avait pu étendre son influence et la diffuser dans les institutions les au bout de quelques heures, ce dernier s’est empressé de pointer du plus sensibles: la police, le renseignement, la justice, et même l’armée. doigt Gülen comme commanditaire du soulèvement, réclamant à L’infiltration massive de ses membres a commencé dès le milieu des Washington son extradition. Quatre mois plus tard, l’Amérique n’a années 80, détaille le journaliste Rusen Cakir, auteur de nombreuses toujours pas répondu à l’appel. Mais les disciples de Gülen, qui se enquêtes sur la confrérie. L’armée était l’une des cibles principales, comptent en millions en Turquie, sont devenus la cible d’une vaste ce que confirme un jeune ingénieur, employé dans un centre de purge lancée dans toutes les institutions. La chasse aux “gülénistes” est recherche à Istanbul, qui témoigne de manière anonyme, par crainte sans merci. Traqués, limogés de l’administration, voire jetés en prison, d’être démasqué. Ce sympathisant du mouvement Gülen, éduqué les membres supposés de cette confrérie formeraient, selon le pouvoir, dans leurs écoles, a obtenu un poste prestigieux et forme à son tour un “État parallèle”, une pieuvre infiltrée dans l’appareil étatique. Bref, de jeunes lycéens aux concours d’entrée des meilleurs établissements. une “organisation terroriste”. À 75 ans, le vieux prédicateur, que la Les institutions militaires, dont les cadets ont pris part au putsch le revue américaine Foreign Policy avait placé en 2008 en tête de liste de

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cachée. Sa collaboration avec l’AKP s’est encore renforcée au tournant de 2007, après les élections législatives remportées par le parti d’Erdogan, avec 47% des voix. Les deux alliés ont fait face, ensemble, aux militaires et aux kémalistes qui cherchaient à leur barrer la route. Les bastions qui résistaient -l’armée, la présidence de la république et les cours de justice- sont affaiblis. Le moment est venu de porter l’estocade. “La décision a été prise de créer une division chargée du renseignement au sein de la police. Ce sont les membres de la confrérie de Fethullah Gülen qui ont été désignés pour la diriger”, raconte aujourd’hui Dengir Mir Mehmet Firat, qui était le numéro deux de l’AKP jusqu’en 2008, avant qu’il ne soit progressivement mis 15 juillet dernier, étaient particulièrement visées, dit-il. En poussant les sur la touche par Erdogan. “Je me souviens avoir dit à Erdogan que jeunes diplômés de ses écoles à intégrer l’armée, le mouvement Gülen donner autant de pouvoir à une communauté n’était peut-être pas une a patiemment noyauté la hiérarchie militaire pendant 30 ans. très bonne idée. Mais il m’a répondu: ‘Rien de néfaste ne peut venir de la part de quelqu’un qui prie comme nous dans la direction de Mariage, football et alliance La Mecque’”, se souvient cet élu, aujourd’hui député du parti prokurde HDP. C’est donc en totale coopération avec le Premier ministre que les Les premiers contacts entre Recep Tayyip Erdogan et Fethullah proches de Fethullah Gülen se mettent au travail. Gülen datent des années 90. À cette époque, le premier est maire d’Istanbul et le second vit encore sur les rives du Bosphore. L’une L’ère des coups d’État, pense-t-on à l’époque, est révolue en Turquie. de leurs premières rencontres a lieu lors du mariage du footballeur Les réformes pro-européennes ont poussé l’armée à rentrer dans star Hakan Sükür, en 1995. L’union de celui qui fut désigné en 2004 le rang. C’est désormais dans les prétoires que les comptes vont “meilleur joueur turc des 50 dernières années” par l’UEFA est se régler. La découverte d’une cache d’armes dans un bidonville célébrée par Erdogan. Gülen, dont le joueur est un adepte, est le d’Istanbul, en 2007, va lancer une retentissante affaire de complot: témoin. L’imam Fethullah Gülen est alors connu pour être le chef le dossier “Ergenekon”. La justice turque fait arrêter des militants d’une petite communauté de fidèles, née à Izmir dans les années 70, et ultranationalistes, des personnalités encombrantes, au casier judiciaire inspirée de Saïd Nursi, un penseur musulman du début du XXe siècle. long comme le bras. On les accuse de former une organisation Le moftvement Gülen affirme vouloir ouvrir “des écoles plutôt que clandestine, baptisée Ergenekon, qui agirait au sein des institutions des mosquées”, et ses établissements scolaires, centrés sur la science turques pour affaiblir le gouvernement. Le coup de filet s’étend et plutôt que sur la religion, connaissent une réussite immédiate. envoie derrière les barreaux plusieurs dizaines d’officiers, journalistes, En Turquie, puis bientôt dans le monde entier, puisque les écoles avocats, etc. L’enquête est confiée à des magistrats spéciaux, à la tête Gülen s’implantent dans plus de 120 pays, sur les cinq continents. d’équipes de policiers dédiés. C’est le procureur Zekeriya Oz, dont la Gülen entretient des relations cordiales avec certains dirigeants turcs proximité avec Fethullah Gülen apparaîtra plus tard au grand jour, de l’époque, noue des relations avec des chefs d’Etat, rencontre le qui chapeaute le dossier. Le procès s’ouvre en 2008 dans l’immense pape Jean-Paul IL On l’écoute. On s’en méfie, aussi. L’armée et le camp centre pénitentiaire de Silivri, dans la banlieue d’Istanbul. Les suspects “laïc” voient l’influence grandissante de cet imam comme une menace restent détenus pendant plus de quatre ans, avant d’être remis en plus dangereuse encore que celle d’Erdogan. Mais il faut vraiment liberté et, finalement, blanchis. À l’époque, la mise hors d’état de patienter jusqu’en 2001 pour que Gülen et Erdogan, qui va bientôt nuire de cette cellule nationaliste est perçue comme une avancée fonder l’AKP, forment une véritable alliance. L’un et l’autre ont été les démocratique. Ni les démocrates turcs ni l’Union européenne ne victimes du coup d’État du 28 février 1997. Le maire d’Istanbul, déchu trouvent quoi que ce soit à redire à l’arrestation de ces kémalistes de son mandat, a passé quatre mois en prison. Le prédicateur, de son radicaux. L’analyste Gareth Jenkins sera le premier à souligner les côté, s’est exilé aux États-Unis. Erdogan va conquérir le pouvoir par les approximations de la justice dans cette affaire: l’acte d’accusation urnes, en misant sur un programme libéral et réformateur, et en faisant prenait de sérieuses libertés avec la légalité et reposait sur des de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne un objectif. Depuis écoutes téléphoniques sauvages. De sérieux doutes entouraient même Saylorsburg, en Pennsylvanie, Gülen va soutenir de tout son poids certaines pièces à conviction. L’un des documents joints au dossier, le nouveau leader réformiste. Un choix judicieux: avec la victoire de censé apporter la preuve d’un plan de coup d’État en 2003, avait par l’AKP aux législatives de 2002, il va s’en trouver récompensé. exemple été réalisé avec une version du logiciel datant de 2007... Il faudra plusieurs années de procédure pour que la manipulation soit Les activités de la confrérie Gülen connaissent un boom spectaculaire découverte. “Assez vite, grâce à des enquêtes journalistiques, on s’est au cours des années 2000. Des centaines d’écoles et de fondations de aperçu que de fausses preuves avaient été fabriquées, que des détentions dialogue inter-religieux sont ouvertes. Mais dans son orbite, à cette avaient été réclamées de manière abusive”, note Yasar Yakis, qui était époque, se trouvent aussi des hôpitaux, une banque, une organisation député du parti au pouvoir à l’époque des faits. humanitaire, des chaînes de télévision et des journaux, dont le célèbre Zam an, premier quotidien du pays... Très actifs dans le lobbying et le Divorce en deux temps réseautage intellectuel, les gülénistes se font beaucoup plus visibles. Le réseau comprend aussi plusieurs milliers de petits entrepreneurs Un matin de mars 2011, le journaliste d’investigation Ahmet Sik est et industriels turcs, qui financent les bourses pour les étudiants et interpellé à son domicile. “Qui s’y frotte, s’y brûle!” lance-t-il à ses les activités hors de la Turquie. C’est leur association patronale, la confrères, avant d’être emmené menotté. Le journaliste s’apprête Tüskon, qui organise tous les voyages à l’étranger du Premier ministre alors à publier un livre d’enquête sur les activités de la confrérie, et Erdogan et du président Abdullah Gül, régulièrement accompagnés de notamment son entrisme au sein de la police. Mis aux arrêts avant dizaines d’hommes d’affaires. Dans chaque pays visité, les programmes même la publication de son ouvrage, dont le manuscrit est saisi, il est officiels comprennent systématiquement une visite d’une école Gülen. accusé d’appartenir à un obscur groupe terroriste. “Des policiers “À l’époque, il était très bien vu de faire partie du mouvement Gülen. gülénistes sont venus m ’arrêter pour me présenter à un procureur Ses sympathisants étaient présents à tous les étages de l’administration. güléniste, qui m’a ensuite déféré devant un juge güléniste. Et tout cela À tel point qu’il n’y avait quasiment aucune différence avec les autres était couvert par des journaux et des télés gülénistes”, témoigne-t-il membres de l’AKP”, fait remarquer Yasar Yakis, ancien ministre des aujourd’hui. Il restera plus d’un an en prison avec un autre journaliste, Affaires étrangères et député du parti au pouvoir jusqu’en 2011. Nedim Sener, qui enquêtait lui aussi sur les réseaux Gülen. Leur Mais le mouvement Gülen, ouvert sur l’extérieur, possède une face cas montre que lorsqu’elle est attaquée, la confrérie Gülen emploie

18 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti les mêmes méthodes que ceux qu’elle combat. D’ailleurs, les deux manœuvre. Cette fois, contre les proches du Premier ministre, en journalistes n’en démordent pas. Selon eux, la confrérie aurait déclenchant une vaste affaire de corruption et de blanchiment. entièrement orchestré les grands procès contre les militaires. Les révélations font l’effet d’une bombe. Des boîtes à chaussures remplies de plusieurs millions de dollars sont retrouvées au cours L’alliance entre Erdogan et Gülen culmine en 2010, lorsque l’imam de perquisitions chez les suspects. Déstabilisé, Erdogan sent la de Pennsylvanie appelle ses adeptes à soutenir le projet de réformt menace se rapprocher. Huit jours après la première salve, une constitutionnelle sur lequel les Turcs sont invités deuxième vague d’arrestations est ordonnée. Dans la liste, figure à se prononcer par référendum . “Nous l’avons cette fois Bilal, le fils cadet du “raïs”. L’ordre n’est pas exécuté soutenu jusqu’en 2011 parce que nous avions et les fonctionnaires sont l’espoir d’une nouvelle Constitution, mais il n’a dessaisis du dossier. L’affaire pas été capable de réformer l’Etat. Un parti qui a “À une époque, il était qui risquait de remonter frustré et humilié les Turcs ne peut plus avoir notre très bien vu de faire jusqu’à la famille d’Erdogan est soutien”, déclarait récem m ent M ustafa Yesil, étouffée. Le pouvoir dénonce président en exil de la Fondation des journalistes partie dp mouvement immédiatement un complot de et des écrivains (GYV), qui faisait office de Gülen. À tel point qu'il n’y l’“É tat parallèle” güléniste. Et il porte-parole du réseau en Turquie. Une fois leur contre-attaque. ennemi commun éliminé du jeu politique, les avait quasiment aucune Dans les semaines qui suivent deux partenaires au pouvoir se retrouvent face à différence avec les autres ces affaires de corruption face. L’influence du mouvement Gülen, que ses présumées, les couteaux sont de sympathisants appellent Hizmet, le “Service”, membres de l’AKP” sortie. “Celui que vous appelez commence à devenir encombrante pour Recep le hodja (le maître, ndlr) et ceux Yasar Yakis, Tayyip Erdogan. La confrérie donne son avis sur que vous nommez ‘les grands ancien ministre des Affaires étrangères tout. Et les sujets de désaccord se multiplient. frères’ sont clairement en train “Le premier accroc s’est produit en 2010, avec de vous trahir et de trahir leur l’incident du Mavi M arm ara. Gülen a désapprouvé la m anœuvre pays”, vocifère le Premier d’Erdogan qui a envoyé un navire d’aide humanitaire vers Gaza”, ass ministre Erdogan, qui entame de un proche, Ihsan Yilmaz, professeur de sciences politiques, qui vit vastes purges dans l’administration. Deux mois après les révélations désormais en exil. L’assaut donné par l’armée israélienne avait fait sur la corruption, déjà plus de 6000 officiers de police ont été dix morts et fortement endommagé les relations entre les deux pai limoges. Gülen lui répond par un prêche dans lequel il promet que Une erreur majeure pour Gülen, attaché à l’alliance de la Turquie £ “le feu du Très-Haut brûlera la maison des corrompus”. Huit députés l’Occident et Israël, et très hostile au régime iranien. de l’AKP, considérés comme proches de Gülen, démissionnent. “Malheureusement, l’AKP est désormais sali. Erdogan est devenu Le quotidien Zam an qui est, en 2007, le porte-voix du Premier l’architecte d’un processus dans lequel les affaires de corruption sont ministre, se met à critiquer ce dernier de plus en plus ouvertemen étouffées, les voleurs sont protégés et l’illégal devient la loi”, se justifie Les puissants relais d’opinion de la confrérie prennent leurs dista: Muhammed Cetin, en claquant la porte de l’Assemblée nationale. avec la dérive autoritaire du pouvoir et déplorent l’abandon du pr d’adhésion à l’Union européenne. Puis l’affaire commence à tourn Le divorce est consommé. Tous les coups sont désormais permis et la bataille se poursuit sur Internet. Début 2014, une série de au vinaigre lorsque “en 2012, Erdogan décide de fermer autoritairei tous les établissements de soutien scolaire, documents sonores, publiés anonymement sur YouTube, viennent encore renforcer les soupçons de corruption dans l’entourage dershane, véritable industrie dans laquelle d’Erdogan. Le feuilleton dure des semaines, pendant lesquelles les mouvement Gülen est solidement implantt Turcs sont suspendus aux réseaux sociaux. Certaines de ces écoutes faisant cela, il a coupé une partie des vivre la confrérie”, poursuit Ihsan Yilmaz. La h clandestines indiquent que le téléphone du Premier ministre a été hacké. La panique s’empare d’Ankara. Une autre “gorge profonde” de pouvoir est engagée. Pour contrebalan fait son apparition sur Twitter. Le dénommé Fuat Avni y rapporte le poids des gülénistes au sein des forces pendant des mois et avec foison de détails ce qu’il présente comme sécurité, Erdogan renforce les prérogativ les “petits secrets du palais”. De quoi rendre fou Erdogan, qui des services turcs de renseignement, le IV ordonne à ses services de faire la chasse aux micros. Son chef espion, Hakan Fidan, devient la de Turc de la confrérie. A tel point qu’en Le coup d’État du 15 juillet 2016 se situe dans la continuité de cette il est convoqué pour être entendu par un guerre de l’ombre. Dès le lendemain matin, alors qu’il venait de juge, pour son rôle dans les négociations secrètes entamées avec les représentants mettre en échec les putschistes, Recep Tayyip Erdogan a incriminé “la structure parallèle” de Fethullah Gülen. Après avoir utilisé la PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan' la guérilla kurde. Gülen est opposé à un police, la justice, les médias, une partie de la confrérie Gülen aurait- marchandage. Erdogan est furieux. L’affr elle mobilisé ses forces tapies au sein de l’armée pour tenter de du magistrat doit être puni sur le champ. renverser le président? C’est une certitude pour le pouvoir qui, en quatre mois, a redoublé d’efforts pour “nettoyer” l’armée et l’appareil C’est un premier avertissement. d’Etat de toute présence güléniste. Mais c’est faire abstraction de Le deuxième sera plus sérieux. Un soir de décembre 2013, la justii la grande diversité d’idées et d’ambitions qui existe au sein d’une lance une série d’arrestations spectaculaires. Défilent au siège de confrérie aux contours très lâches. Plus de 30 000 personnes ont été la police d’Istanbul, où ils sont mis en garde à vue, des hommes arrêtées, 100000 licenciées, des centaines de fondations, d’écoles, d’affaires, des élus et les fils de quatre ministres du gouvernement d’universités et d’entreprises privées ont été saisies... Le journal AKP, tous proches de Recep Tayyip Erdogan. Le procureur Oz, Zam an a finalement été nationalisé par la force. Plusieurs de ses celui qui avait mis les militaires sous les verrous, est à nouveau à 1 journalistes ont été arrêtés. Cette purge massive, qui vise aussi “Celui que vous en train de vous trahir les familles, a déjà poussé plusieurs milliers de Turcs à l’exil. “La communauté va se disséminer et se protéger dans le secret, comme appelez ‘le maître’ et de trahir leur pays” par le passé”, prédit Ihsan Yilmaz. Pour mieux ressortir? Erdogan en et CeUX que VOUS Erdogan en 2I03, est persuadé, la bataille n’est pas terminée. • t o u s p r o p o s r e c u e il l is par nommez ‘les grands à propos de son ancien allié GP, SAUF INDIQUÉ frères’ sont clairement

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£ t M m Û t DIMANCHE 13 - LUNDI 14 NOVEMBRE 2016 Eutelsat accusé de bloquer des télévisions kurdes A la requête de la Turquie, l'opérateur français de satellites a demandé la suspension de quatre chaînes

epuis plus d'un mois, n’est pas dans ses attributions, Eu­ la France se trouve telsat a demandé aux sociétés dif­ mêlée à l’offensive fusant ces chaînes de les suspen­ sans précédent de la dre provisoirement, le temps D Turquie d’Erdogan contrequ’un les mé­ régulateur européen exa­ Protes­ dias. A la demande d’Ankara, mine leur nature et se prononce. tation En prenant cette mesure de pré­ l’opérateur français de satellites contre Eutelsat a fait suspendre la diffu­ caution, l’opérateur ne veut pas le blocage sion de deux chaînes de télévi­ risquer d’être accusé, éventuelle­ de Med sion Med Nuçe TV et Newroz TV. ment, de complicité avec une <5r- Nuçe TV, Ces chaînes kurdes ont alors saisi ganisation terroriste. Il s'appuie devant en référé le tribunal de commérce sur un jugement de la cour d’ap­ le siège de Paris. Les audiences sè sont dé­ pel de Paris de 2012, lui donnant d’Eutelsat, raison d’avoir suspendu la roulées les 27 octobre et 2 novem­ à Paris, le bre. L’ordonnance est attendue chaîne kurde Roj TV diffusée de­ 6 octobre. puis le Danemark. lundi 14 novembre. Mais, ce n’est CHRISTOPHE • Le 3 octobre, lé distributeur que le début d’un long processus. ARCHAMBAULT/ belge Belgium Satellite services Avec cette affaire, la liberté d’ex­ AFP pression en Turquie se retrouve (BSS) a obtempéré et coupé la dif­ la diffusion de chaînes turques. empêtrée dans un invraisembla­ fusion de Med Nuçe TV et de d’Eutelsat est vivement critiquée, «C'est inexcusable dans le con­ ble imbroglio juridique européen. Newroz TV. En revanche, le Slo­ l'attitude de la France aussi, l’Etat texte actuel, où depuis juillet, 131 Tout commence le 22 septembre vène STN, qui diffuse Ronahi TV détenant 26,4 % du capital de organes de presse ont été interdits, quand Eutelsat reçoit une lettre et Sterk TV, ne l’a pas toujours pas cette société privée par le biais de 2000 journalistes mis au chô­ du RTÜK. L’autorité administra­ fait. Eutelsat n’a aucun moyen la banque publique d’investisse­ d’intervenir, car les sociétés dif­ mage et 133 incarcérés. » Cette stra­ tive indépendante chargée de ré­ ment Bpifrarice. fusent de nombreuses chaînes tégie est d’autant plus risquée glementer la radio et la télévision « C’est une des nombreuses ma­ sur un même canal à partir de « que les Turcs possèdent leur pro­ en Turquie lui demande une sus­ noeuvres d’Erdogan pour museler son satellite Hot Bird. En blo­ pre satellite Turksat. Ils peuvent pension immédiate de Med Nuçe les voix kurdes à l’étranger et lui quant l’un d’entre eux, il empê­ TV. Le motif avancé : cette chaîne laisser les mains libres pour les ex­ s’ils le souhaitent se retirer à tout cherait la diffusion de nombreu­ d’information serait soutenue terminer, s’indigne l’écrivain Pa­ moment». ses autres télévisions. par le Parti des travailleurs du trice Franceschi, engagé de lon­ De son point de vue, l'interdic­ Kurdistan (PKK), un mouvement Reste à attendre la décision du gue date aux côtés des Kurdes sy­ tion de Med Nuçe TV’ est incom­ inscrit sur la liste des organisa­ régulateur européen. Et c’est là riens, tout en insistant sur la con­ préhensible. Les informations, les tions terroristes de l’Union euro­ que le bât blesse. Selon la CETT, comitance de cette demande avec reportages et la parole donnée péenne. Quelques jours plus tard, l’instance compétente est celle du l’invasion de la Syrie par les Turcs. aux intellectuels contribuaient à la diversité. Le ton y était bien plus le 5 octobre, un autre courrier in­ pays dans lequel la chaîne opère. A la fin, il ne restera que des chaî­ time, pour les mêmes motifs, la Med Nuçe TV, dont le siège est nes islamiques proturques ou pro- modéré que certaines autres dans suspension de trois autres télévi­ en Italie et ses locaux à Dender- Etat islamique. » la région. «Dans ce Cas, il faut in­ terdire toutes les télévisions dans sions, Newroz TV à destination leeuw, une commune située en des Kurdes d’Iran, Ronahi TV et Belgique, dépend du régulateur « Un mauvais message » le Golfe», dit-il. SterkTV. de ce pays. Or Bruxelles n’a pas si­ Pour lui «l’enjeu, c’est la liberté Surtout M. Nezan y voit «un mauvais message» envoyé par la En tant que membre du Conseil gné la Convention européenne d’information face à un tyran. » de l’Europe et adhérent à la Con­ sur la télévision transfrontalière... D’ailleurs, « un pays n’a pas à céder France dans cette partie du Moyen-Orient où il ne reste que vention européenne sur la télévi­ C’est donc au bon vouloir du régu­ au diktat d’un autre», d’autant deux pays francophiles parta­ sion transfrontière (CETT), la Tur­ lateur flamand, le Vlaamse Regu­ que cette position est en contra­ geant ses valeurs de liberté et de quie demande l’application de lator voor de Media (VRM). diction avec la politique française. l’article 10 de la Convention euro­ Dans un courrier en date du «La main gauche ignore ce que fait démocratie : une partie du Liban péenne des droits de l’homme et 24 octobre avec copie au régula­ la main droite», ajoute-t-il, rappe­ et le Kurdistan. «Si on ne peut pas favoriser l’expression démocrati­ l’article 7 de la CETT. Il est stipulé teur wallon, le directeur général lant que le président François que, ilfaut au moins ne pas contri­ que « tous les éléments des services d’Eutelsat, Rodolphe Belmer, lui Hollande a reçu les Kurdes en fé­ vrier 2015 pour leur apporter son buer à la 'censure», insiste-t-il de programmes (...) doivent res­ demande de se prononcer sur ce soutien. Nul doute, « des lobbys in­ «Quelles que soient les justifica­ pecter la dignité de la personne hu­ dossier. dustriels et commerciaux turcs ont tions d’Eutelsat, la France risque maine et les droits fondamentaux En cas de réponse négative, il d’être perçue localement par une d'autrui», en particulier «ils ne faudra trouver une autre autorité. pesé sur la décision car, si ces télé­ partie de la population comme doivent pas mettre en valeurla vio­ La CETT prévoit que ce sera celle visions étaient financées par le étant l’auxiliaire du pouvoir turc lence ni être susceptibles d’inciter à du pays où est installé l’opérateur PKK, elles auraient été suspendues pour censurer les médias kurdes», la haine raciale ». de satellites. Dans ce cas, Eutelsat depuis longtemps ». ayant son siège en France, le dos­ Kendal Nezan, président de regrette-t-il. Le mal est fait et «c’est Une décision vivement critiquée sier serait confié au Conseil supé­ l’Institut Kurde de Paris, dénonce dévastateur en termes d’image ». ■ Sans se prononcer, ni connaître le rieur de l’audiovisuel (CSA). «la logique commerciale à court DOMINIQUE GALLOIS contenu des programmes, ce qui Depuis un mois, la décision terme d’Eutelsat» pour conserver

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Courrier Courrier international — n° 1358 du 10 au 16 novembre 2016 Turquie. Pourquoi personne ne s’oppose à Erdogan Avec l’arrestation le 4 novembre de neuf députés d’opposition du Parti démocratique des peuples, le président durcit sa politique de répression. Pourtant, la société civile est incapable de réagir, estime cette chroniqueuse.

— Hürriyet Daily News Istanbul le problème kurde”. Cela ne peut qu’aggra­ institutions démocratiques et une opinion ver les problèmes et mettre en danger les publique. Néanmoins, c’est également parce on pays semble avoir perdu le cap perspectives de paix sociale et de compro­ que la Turquie a jusqu’à présent été totale­ comme jamais auparavant. Les mis politique. ment autoritaire, avec une société bourgeoise Mcrises que nous connaissons tirent Le pays est en état d’urgence depuis le modérée, que ceux qui s’opposent à la voie leur origine de la fin non déclarée de l’an­ coup d’État [manqué] du 15 juillet, et des actuelle se retrouvent incapables de réagir cien régime républicain et de l’avènement décrets durs ayant force de loi tombent tous à l’intensification de la pression politique. non déclaré de la “nouvelle république”. les jours pour renforcer l’emprise du gou­ Loin d’être critiquable, il est heureux que De fait, nous, les démocrates penchant vernement actuel. La Turquie est un sys­ les gens ne descendent pas facilement dans vers la gauche, rêvions aussi tème présidentiel de facto aux la rue pour protester et manifester, puisqu’il d’une nouvelle république, nous caractéristiques particulières, et n’est plus possible d’exprimer son désac­ dénoncions l’attitude autoritaire seul compte le pouvoir du prési­ cord sans risquer sa vie et se faire arrêter. du statu quo ante et brûlions dent Recep Tayyip Erdogan. La La divergence démocratique ne peut réagir d’un régime plus démocratique. nouvelle république n’est rien de à la pression politique que de façon démo­ L’ancien régime n’a pas pu sur­ plus qu’un régime défini par le cratique, et une société raisonnable et res­ vivre aux nouvelles exigences culte de la personnalité du pré­ pectueuse des lois se doit de ne pas céder à émanant d’une partie consi­ sident Erdogan. Pour ses parti­ la provocation et ni recourir à des méthodes dérable de la société, à savoir les conserva­ sans, ce dernier incarne non seulement la qui risqueraient de mener à la guerre civile. teurs et les Kurdes. Le projet d’État-nation volonté nationale mais aussi une mission Il est paradoxal que les démocrates ne kémaliste, qui reposait sur une concep­ historique et religieuse. C’est donc l’accep­ puissent se défendre dans une atmosphère tion rigide de la laïcité et de l’unité natio­ tation ou le refus de sa volonté qui définit politique non démocratique et qu’une dis­ nale, était voué à échouer à un moment ou l’ami ou l’ennemi de la nation. Il n’est plus sidence saine et raisonnable ne puisse faire un autre. Le défi était de le remplacer par question d’indépendance de la justice ni de face à l’extrémisme politique. De même, notre une république plus démocratique, mais séparation des pouvoirs, puisque les lois société bourgeoise veille à ne pas risquer sa ce rêve a échoué aussi, car la disparition sont appliquées selon cette nouvelle défi­ vie et sa sécurité au nom de l’opposition poli­ du statu quo ante a laissé un vide qui a été nition du crime et du châtiment. tique, mais l’absence d’opposition détermi­ comblé par la force montante du nationa­ Il est vrai qu’il n’existe pas d’opposition née conduit inévitablement à une menace lisme de droite et de l’islamisme, ou plutôt démocratique forte susceptible de frei­ contre la vie et la sécurité de tout le pays. d’un nationalisme islamiste. ner cette tendance autoritaire, et que l’an­ —NuixtyMert La nouvelle république repose sur un cien régime n’a pas réussi à instaurer des Publié le 7 novembre autoritarisme conservateur et sur le natio­ nalisme turc, mais la transition vers l’ordre nouveau est loin de se faire en douceur et dans le consensus. La semaine dernière [le 31 octobre], les journalistes et les rédacteurs du quotidien Cumhuriyet (La république) - l’un des derniers bastions de l’opposition - ont été interpellés, et neuf d’entre eux arrêtés pour soutien au terrorisme güléniste et kurde. Dans le même temps, plusieurs personnalités politiques kurdes, parmi lesquelles le chef du Parti démocratique du peuple, le principal parti kurde, et le maire de Diyarbakir [la “capitale” kurde du sud- est de la Turquie], ont été démises de leurs fonctions et arrê- tées. C’est le pire moyen pour “régler

21 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti Courrier international - n° 1358 du 10 au 16 novembre 2016 Courrierinternational Syrie -Irak. Deux batailles décisives contre Daech ^ 1 ^ x fim p A Raqqa comme à Mossoul, une offensive est lancée ( ^ ) contre l’État islamique, menée par des coalitions lancée par le biais des FDS. Pour Dlawer Ala’Aldeen, il est hétéroclites qui comptent toutes des Américains. possible qu’après la pression des États-Unis la Turquie ait accepté de Une guerre aux résultats imprévisibles. rester en retrait, avec en échange la garantie d’une nouvelle limitation,

Situation au 8 novembre 2076 “voire d’une inversion de l’expansion TURQUIE kurde”. “Pour la Turquie, Jarablous avec Washington, puis écarté de et Al-Bab [dans le nord de la Syrie] Kobané la bataille de Mossoul, Ankara sont stratégiquement plus impor­ acceptera-t-il de ne pas avoir un tantes que Raqqa, car sa priorité est rôle déterminant à jouer dans la d’empêcher la connexion entre Afrin bataille la plus importante contre [bourgade kurde syrienne] et le reste l’EI en Syrie ? “Le fa it que les Turcs du Rojava (Kurdistan syrien). Ils ne soient apparemment pas associés à savent aussi que la bataille de Raqqa l’offensive sur Raqqa aurait normale­ sera imprévisible et potentiellement m ent dû susciter chez eux une colère très coûteuse avec pas grand-chose à et une frustration”, estime Bayram la clé”, estime le chercheur kurde. Balci, expert franco-turc de l’Insti­ tut français d’études anatoliennes Série de victoires. Les FDS d’Istanbul. Or, pour l’heure, ces mèneront donc pour l’instant à derniers seraient restés silencieux, elles seules la bataille permettant précise-t-il. d’encercler Raqqa. Fortes de 30 000 “Les participations des armées hommes et femmes, ces unités ont pour isoler Raqqa, tombée aux turque et kurde sont désormais deve­ remporté une série de victoires X c iq q a : mains des djihadistes en 2013. nues exclusives l’une de l’autre. Les contre l’EI au cours des douze der­ Comme lors de la bataille de deux parties ne se font pas confiance niers mois. “Les Américains et les lareuanche Mossoul, commencée le 17 octobre et rejettent toute forme de coopération FDS semblent confiants sur le fait dernier, la première phase de directe”, rappelle de son côté Dlawer que leur coopération suffira pour kurde l’offensive menée par les FDS Ala’Aldeen, président du Middle reprendre la vüle des mains de l’EI”, consistera à libérer la province East Research Institute (Meri) et abonde Dlawer Ala’Aldeen. Le fait Partis seuls à la conquête de Raqqa, pour encercler la ville. ancien ministre de l’Éducation du que ces forces soient issues des de la capitale de Daech, Mais contrairement à Mossoul, Kurdistan irakien (2009-2012). “Les populations présentes en Syrie vient les Kurdes s’affirment où les peshmergas [kurdes] ont États-Unis ont leurs propres raisons conforter l’idée que “la Turquie n’a collaboré avec Bagdad et d’autres de pousser pour la bataille de Raqqa, ainsi comme les pas d’autre option que d’accepter qu’il milices durant la première phase, car ib veulent acculer l’EI, alors que s’agisse d’une affaire qui concerne les principaux alliés les FDS seront les seules à partici­ des progrès sont réalisés à Mossoul”, Syriens, dont les Kurdes fo n t partie”, de Washington. per à cette opération sur le terrain. affirme l’expert kurde. Les des­ explique Bayram Balci. Toutes les forces extérieures ayant sous de la rencontre entre le chef Les autres acteurs sur le ter­ été, a priori, exclues, à savoir les d’état-major interarmées américain rain syrien sont restés silencieux Russes, les Iraniens et surtout les Joseph Dunford et son homologue malgré l’annonce du lancement — L’Orient-Le Jour Turcs, qui avaient pourtant clai­ turc à Ankara, le 6 novembre, n’ont des opérations. Pourtant, ni les Beyrouth rement expliqué que la bataille ne pas filtré, mais l’émissaire améri­ Russes ni les Iraniens, et encore se ferait pas sans eux. cain auprès de la coalition inter­ moins le régime syrien, ne voient aqqa en même temps nationale anti-EI, Brett McGurk, d’un bon œil une nouvelle vic­ que Mossoul. C’est le Silence turc. Les Américains a déclaré en soirée, à Amman, que toire, et non des moindres, de cette R pari risqué qu’ont fait les semblent cependant avoir fait leur les États-Unis étaient en “contact alliance arabo-kurde. “Le gouver­ Américains malgré le contexte choix en soutenant les Kurdes, au étroit” avec la Turquie pour coor­ nement syrien aurait aimé conqué­ chaotique du terrain syrien. Le détriment des Turcs, leurs alliés au donner l’offensive sur Raqqa [pour rir Raqqa avant les Kurdes, mais il lancement de l’opération, baptisée sein de l’Otan. Ces derniers avaient ne pas envenimer les rapports avec n’en a pas les moyens. L’Iran et la Colère de l’Euphrate, a été annoncé pourtant réussi à reconquérir plu­ Ankara]. “Après avoir été tellement Russie ne peuvent pas s’opposer à ce par les forces arabo-kurdes (FDS) sieurs territoires aux mains de l’EI, marginalisés du fait de leur non-par­ que les FDS prennent Raqqa pour le [une coalition majoritairement notamment la ville de Dabiq [le ticipation à la bataille de Mossoul, les moment, mais dans l’avenir ils vou­ formée par des Kurdes où l’on 16 octobre, une bourgade du nord Turcs ne veulent pas perdre la face dront voir comment ces gains seront trouve des combattants arabes et de la Syrie], en s’appuyant sur des et être humiliés une fois déplus, d’où utûiséspolitiquementpar les Kurdes”, turkmènes], alors que Washington, forces rebelles modérées. Échaudé leur silence”, estime Bayram Balci. conclut Dlawer Ala’Aldeen. qui dirige la coalition internatio­ par la victoire des Kurdes après la Les Américains auraient donc fait — Caroline Hayek nale antidjihadistes, a de son côté reprise de Manbij en août dernier, pression en sous-main sur Ankara Publié le 7 novembre confirmé le début des opérations qui avait mis à mal ses relations pour mener à bien leur entreprise

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Solidaires des élus kurdes Guy DELCOURT, député du Pas-de-Calais; Michel DELEBARRE, sénateur du Nord; poursuivis, arrêtés, Karima DELLI, députée européenne; , sénateur de Paris; Félix DES­ PLAN, sénateur de la Guadeloupe; Françoise détenus en Turquie, DUBOIS, députée de la Sarthe; Cécile DUFLOT, députée de Paris; Pascal nous les parrainons DURAND, député européen; Anne EMERY- DUMAS, sénatrice de la Nièvre; Christian FAVIER, sénateur du Val-de-Marne; Remi FERAUD, maire du Xe arrondissement de orsque la Turquie a fait face à un Si notre pays considère la Turquie comme Paris; André GATTOLIN, sénateur des Hauts- coup d’Etat militaire, nous avons un partenaire, ce lien créé également des de-; Catherine GENISSON, sénatrice du Ltous dénoncé avec force, condamné devoirs. Le devoir de lui dire qu’en jetant Pas-de-Calais; Dominique GILLOT, sénatrice avec clarté, cette tentative contre l’expres­ én prison des journalistes, des magistrats, du Val-d’Oise; Joël GIRAUD, député des sion de la souveraineté populaire. des avocats, des intellectuels, des syndica­ Hautes-Alpes; Gaëtan GORCE, sénateur de la Mais aujourd’hui, nous sommes extrême­ listes, des élus, la Turquie s’éloigne des va­ Nièvre; Yannick JADOT, député européen; ment préoccupés et alarmés par les récentes leurs européennes de l’Union européenne, Eric JEANSANNETAS, sénateur de la arrestations à la faveur de l’état d’urgence à savoir le respect de la dignité humaine, Creuse; Eva JOLY, députée européenne; Joël décrété le 20 juillet dans le pays. la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de LABBE, sénateur du Morbihan; François- Le 30 octobre, deux maires de Diyarbakir droit, le respect des droits de l’homme, Michel LAMBERT, député des Bouches-du- (1,8 million d’habitants), Mme Gultan Kisanak y compris des droits des personnes appar­ Rhône; Thierry LAZARO, député du Nord; et M. Firat Anli, ont été arrêtés et placés en dé­ tenant à des minorités. C’est pour ses Jean-Yves LECONTE, sénateur des Français établis hors de France; , tention. Plus de 30 maires démocratiquement valeurs, pour ses principes que nous sénatrice des Français établis hors de France; élus sont aujourd’hui détenus. demandons leur libération et exprimons Annick LEPETIT, députée de Paris; Martine Le 4 novembre, Selahattin Demirtas et notre solidarité, en parrainant avec beau­ LIGNIERES-CASSOU, députée des Figen Yuksekdag, les coprésidents du parti coup de fierté, les députés et les maires Pyrénées-Atlantique; Audrey LINKENHELD, HDP [parti de gauche issu du mouvement membres du HDP, menacés, arrêtés, déte­ député du Nord; Lionnel LUCA, député des politique kurde, ndlr], de même que nus injustement en Turquie. ♦ Alpes-Maritimes; , sénateur de 9 autres députés ont été arrêtés. Dix parle­ Paris; Noël MAMERE, député de Gironde; mentaires sont aujourd’hui placés en Didier MARIE, sénateur de la Seine- détention en Turquie. PARMI LES SIGNATAIRES : Maritime; Jean-René MARS AC, député Ils sont tous membres du parti démocra­ , sénatrice du Val-de- d'Ille-et-Vilaine; Jean-Pierre MASSERET, tique des peuples (HDP), parti qui a réussi Marne; Sergio CORONADO, député des sénateur de la Moselle; Martine MARTINEL, par deux fois à franchir le seuil national Français établis hors de France; Laurence députée de la Haute-Garonne; Rachel de 10 % perm ettant d’envoyer, le 1er no­ ABEILLE, députée du Val-de-Marne; Éric MAZUIR, sénateur de l’Ain; Michel vembre, 59 députés au Parlement. ALAUZET, député du Doubs; Brigitte MENARD, député de la Loire-Atlantique; Troisième force politique du Parlement ALLAIN, députée de la Dordogne; Michel Michelle MEUNIER, sénatrice de la Loire- turc avec 6 millions de voix aux dernières AMIEL, sénateur des Bouches-du-Rhônes; Atlantique; Gérard MIQUEL, sénateur du élections législatives, le HDP, dont le parti Pouria AMIRSHAHI, député des Français Lot; Paul MOL AC, député du Morbihan; Vert est un des constituants, est membre établis hors de France; , séna­ Alain NERI, sénateur du Puy-de-Dôme; Philippe NOGUES, député du Morbihan; de l’Internationale socialiste et également teur de la Gironde; François ASENSI, député de Seine-Saint-Denis; Isabelle ATTARD, Monique ORPHE, députée de la Réunion; membre assodé du Parti socialiste euro­ députée du Calvados; Danielle AUROI, Eric PIOLLE, maire de Grenoble; François péen. Il milite pour une Turquie ouverte, députée du Puy-de-Dôme; Dominique BAIL­ PUPPONI, député du Val-d’Oise; Jean-Luc pro-européenne, représente la société tur­ LY, sénateur du Nord; Patrice BESSAC, maire RE1TZER, député du Haut-Rhin; Michèle que dans sa diversité. de Montreuil; Marie-Christine BLANDIN, RIVASI, députée européenne; Sylvie Avec l’instauration de l’état d’urgertce qui sénatrice du Nord; Michèle BONNETON, ROBERT, sénatrice d'Ille-et-Vilaine; Jean- a permis l’interdiction de 102 médias, la députée de l’Isère; Eric BOCQUET, sénateur Louis ROUMEGAS, député de l'Hérault; suspension jusqu’à une chaîne de télé poiir du Nord; Corinne BOUCHOUX,sénatrice de Stéphane SAINT-AND RE, député du Pas-de- enfants, un régime qui porte la durée Maine-et-Loire; , séna­ Calais; Eva SAS, députée de l’Essonne; Pierre maximum de garde à vue à trente jours, teur du Doubs; José BOVE, député européen; SERNE, conseiller régional d'Ile-de-France; dont l’organisation Human Rights Watch Isabelle BRUNEAU, députée de l'Indre; Patricia SCHILLINGER, sénatrice du Haut- expose dans un rapport récent les tortures Vincent BURRO NI, député des Bouches-du- Rhin; Jean-Pierre SUEUR, sénateur du Loiret; et les sévices en détention, nous devons Rhône; Henri CABANEL, sénateur de , sénatrice des Yvelines; réagir. l’Hérault; Pierre CAMANI, sénateur de Lot- Nelly TOCQUEVILLE, sénatrice de la Seine- Ce n’est pas la première fois que des dépu­ et-Garonne; , sénateur de la Maritime; Jean-Louis TOURENNE, sénateur tés sont jetés en prison en Turquie pour Dordogne; Pascal CHERKI, député de Paris; d’Ille-et-Vilaine; Cécile UNTERMAIER, leurs idées. En 1994, Leyla Zana et trois Pierre-Yves COLLOMBAT, sénateur du Var; députée de Saône-et-Loire; René autres députés kurdes avaient été arrêtés , sénateur de l’Aude; VANDIERENDONCK, sénateur du Nord; après la levée de leur immunité. Ils ont Karine DANIEL, députée de la Loire- Maurice VINCENT, sénateur de la Loire; passé dix ans en prison, et Leyla Zana s’est Atlantique; François DE RUGY, député de la Evelyne YONNET-SALVATOR, sénatrice de vue attribuer le prix Sakharov du P aie­ Loire-Atlantique; Bernard DEBRE, député de Seine-Saint-Denis; , sénateur ment européen en 1995. Paris; Jean-Pierre DECOOL, député du Nord; des Français établis hors de France.

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International^rtujlork Simes No v e m b e r 19-20,2016 Free press in Turkey withers under pressure of Erdogan

ISTANBUL

More than 100 journalists have been jailed since a failed coup in July

BY ROD NORDLAND A prominent columnist wrote recently that President Recep Tayyip Erdogan of Turkey hates cigarettes so much that he confiscates packs from his followers, lecturing them on the evils of smoking. The columnist, Kadri Gursel, then urged his readers to protest the presi­ dent’s anti-democratic ways by lighting a cigarette and not putting it out. For that, Mr. Gursel was arrested on terrorism charges and is being held in pretrial detention, one of 120 journalists who have been jailed in Turkey’s crack­ down on the news media since a failed coup attempt in July. There, he has the company of 10 colleagues from his news­ In addition to the jailings here, some paper,' Cumhuriyet, the country’s last 150 news outlets have been shuttered, major independent publication. Among ranging from TV stations to online en­ them are its editor and the paper’s chief terprises, according to Erol Onderoglu, executive, arrested as he stepped off a the Turkish representative for Report­ flight to Istanbul last Friday. ers Without Borders. But probably the Ttirkey now has outstripped China as most corrosive long-term effect of the the world’s biggest jailer of journalists, crackdown has been a highly effective according to figures compiled by the government push for businessmen who Committee to Protect Journalists. are loyal to it to take over ownership of The jailings are the most obvious ex­ many of the remaining outlets, turning ample of an effort to muzzle not just the them into avid cheerleaders for Mr. Er­ dogan and his policies. free press, but free speech generally. VASILY FEDOSENKO/REUTERS More than 3,000 Turks have faced President Recep Tayyip Erdogan was “What’s left, they are all basically charges of insulting the president, in­ granted sweeping emergency powers. Pravda,” said Gulsin Harman, who left cluding a former Miss Ttirkey, Merve her job as a foreign editor at Milliyet, a Buyuksarac, who posted on Instagram a once independent newspaper that is satirical rewording of the country’s na­ viewed as support for the outlawed now owned by an Erdogan crony. tional anthem as if Mr. Erdogan were Kurdish nationalist party, the PKK. “There is no more critical journalism. singing: Some have been attacked for calling Ninety percent of the free press is de­ I am like a wild flood, I smash over the members of the group “militants,” stroyed directly or indirectly,” Mr. On­ law and beyond rather than “terrorists.” Others are in deroglu said. “Investigative journalism I follow state bids, take my bribe and jail for advocating a resumption of the is considered treason. Journalism has live. collapsed peace process with the Kurd­ been stolen by the government.” She was sentenced to 14 months in ish guerrillas — although few here dare Asked for comment, a senior govern­ prison, suspended on the condition that use the word “guerrilla.” ment official, who spoke on condition of she not repeat any offensive remarks. Failing to mention how many people anonymity in line with official policy, The government and its supporters were killed in the attempted coup, in any maintained that the journalists in jail in are behind a wave of demands to Twitter article about it, is also considered proof Ttirkey were there for criminal and ter­ to remove offending posts, more than all of terrorist sympathies. rorist offenses, not for their journalism. other countries in the world put togeth­ Others have been convicted of terror­ He also said there remained many publi­ er, according to Twitter’s Transparency ism charges for reporting on a 2015 scan­ cations in Ttirkey that were critical of Report. (Of 20,000 Twitter accounts af­ dal in which Mr. Erdogan’s government the government. fected worldwide this year, 15,000 were was accused of supplying weapons to There have been press crackdowns in Turkish.) the Islamic State, which it is now fight­ Ttirkey before, especially during peri­ Several journalists — including Mr. ing in Syria. One of those is ods of military rule, and even Mr. Erdo­ Gursel, whose column was published Cumhuriyet’s former editor in chief, Can gan and his government have used three days before the coup attempt — Dundar, who was free on appeal when press laws and intimidation against have been retroactively accused of “sub­ he announced in August that he was not journalists on a large scale since 2012. liminal” messaging in support of the returning from a trip to Germany, say­ But the sweeping emergency powers July uprising. ing he could not expect a fair trial in the granted to Mr. Erdogan after the failed Even more risky now is anything wake of the coup attempt. military coup against him, by support-

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tial employee, but made no apologies for ers of the exiled Muslim cleric Fethullah saying, ‘Why did you run that picture of me? I don’t like the way it looks,’ ” she advocating the jailing of journalists he Gulen, have greatly accelerated the views as “traitors” and supporters of crackdown. said. terrorists. “Never has there been such a dark pe­ Some of the most virulent attacks on independent-minded journalists have There have been efforts at solidarity riod as this,” said Ayse Yildirim, a come from journalists in the pro-Erdo- among some journalists. When the Cumhuriyet columnist, who found out gan press who are known by their col­ Kurdish daily Ozgur Gundem was under by accident that criminal charges had leagues as "hit men.” First they attack attack, prominent journalists from been lodged against her for reporting on the target by name, then personally many other publications took turns a Kurdish baby killed by a police bullet lobby with intimidated media owners or guest editing it, one each day. A hundred at a protest. the government to have the person fired did so, and 50 of them were hit with In addition to Mr. Dundar and the 11 or jailed. criminal charges, accused of various Cumhuriyet staff members in jail, the The most notorious — and effective — terrorism offenses for what the paper paper’s employees are fending off an es­ of such hit men is a television commen­ published the next day. timated 100 other criminal cases against tator and social media activist named Mr. Kucuk said it would not be neces­ them on a variety of charges, such as of­ sary for Turkey’s remaining big news­ fending Turkishness, the president or lo­ Cem Kucuk, a nationalist who many papers to be shut down, as so many cal officials; terrorism; and member­ journalists say is really a government other outlets have been, because they ship in the PKK. operative. When a New York Times jour­ had been brought to heel. The founda­ “Now even publishing a not-nice pic­ nalist telephoned to arrange an inter­ tion that owns Cumhuriyet, he pre­ ture of Erdogan would be trouble,” said view with him, his colleagues said he dicted, would soon be taken over by a one prominent journalist, who spoke could more easily be reached at the group of hard-liners more friendly to the only on condition of anonymity because president’s office. president. she feared she would be arrested, as Mr. Kucuk laughed about that com­ “I can foresee things,” he said. “In the many of her colleagues have been. “Now ment, saying, “No, no, I’m very close to last three years, I am the only journalist we even have ministers calling us and Erdogan.” He denied he was a presiden­ whose writings became the truth.”

REUTERS Turkish police detain veteran Kurdish politician in southeast NOVEMBER 21,2016 I REUTERST government accuses the HDP and other Kurdish politicians of links to TURKISH POLICE on Monday detained a veteran Kurdish politician the PKK militant group, deemed a and a in the southeastern province of Mardin, security sources terrorist organization by the said, the latest Kurds to be held as part of a wider crackdown on European Union and United States. government opponents since a failed coup in July. Thousands of officials from the Ahmet Turk, 74, who was first elected in 1973 to represent Mardin in the national HDP, parliament's second biggest parliament and served as a lawmaker until 2015, was detained at home in what the opposition party, have been detai­ state-run Anadolu agency said was part of an "ongoing terror investigation". ned in recent months. The authorities also detained Emin Irmak, the co-mayor of a district within The PKK launched an insurgency Mardin. Both were stripped of office last week by the government in a crackdown against the state in 1984 in which which has seen at least 34 elected mayors removed from municipalities in the lar­ more than 40,000 people have been killed. The HDP and other Kurdish parties gely Kurdish southeast over suspected militant links. deny direct ties with the group and say they are working for a peaceful resolution of the conflict. Sources said seven other local administration officials in the region were also detained. The crackdown on pro-Kurdish politicians has run parallel with a purge of people The leaders of the main pro-Kurdish opposition Peoples' Democratic Party (HDP) accused of ties to U.S.-based cleric Fethullah Gulen, accused by Turkish authori­ ties of masterminding July's coup attempt. Gulen denies involvement. were arrested two weeks ago, drawing strong international condemnation of a widening crackdown on dissent under President Tayyip Erdogan. More than 110,000 people have been sacked or suspended in the military, civil ser­ Turkey has been fighting an armed Kurdish insurgency in the southeast and the vice, judiciary and elsewhere, while 36,000 people have been jailed pending trial as part of the investigation into the failed putsch. •

NEWS 22 November 2016 Turkey seeks arrest of Syrian Kurdish political leader

22 November 2016 //www..com people died. Both groups have rejected claims that they had any urkey has issued an arrest warrant for a involvement in the February attack. Syrian Kurdish leader over a deadly bombing The US has also cast doubt on the Turkish allegation, T and a dispute over the two groups' role in Syria has in Ankara. strained relations between Washington and Ankara. Salili Muslim's PYD is affiliated with YPG The warrant named Salih Muslim of the Syrian Kurdish fighters, who battle Islamic State Kurdish Democratic Union Party (PYD) and nearly 50 Turkey has long insisted that Syrian Kurdish militants militants in Syria other people. are an extension of the outlawed Kurdistan Workers' Party (PKK), which has carried out an insurgency in The PYD is affiliated with YPG Kurdish militias, who the south-east of Turkey for decades. are backed by the US in the fight against jihadist out the 17 February attack. The Syrian Kurds reject the claim. group Islamic State (IS) in Syria. The TAK was once linked with the PKK. The two Turkey has blamed the PYD and the YPG for the A Turkey-based Kurdish militant group - the groups are classified as terrorist organisations by bombing of a military convoy in Ankara in which 28 Kurdistan Freedom Hawks (TAK) - has said it carried Turkey and the US. ♦

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n° 3522 HatcH du 17 au 23 novembre 2016

Des hackeurs yézidis traquent sur le Net les annonces ignobles des djihadistes qui mettent sur le marché des jeunes filles enfevées LA BOURSE AUX ESCLAVES OE OAECH

PAR PHILIPPE FLANDRIN

ahuk, Kurdistan d’Irak, cette belle esclave, 12 ans. Si tu l’achètes, attaché à ses traditions et à ses croyances W 19 heures. A la terrasse de je te promets bien du plaisir ! » Une gri­ ancestrales, héritage de l’antique civilisa­ \ Chez Frank, une cafétéria mace de dégoût se lit sur le visage des tion de la Mésopotamie, qu’on appelle 1 bondée du centre-ville, hackeurs. C’est Mirza qui surmonte sa les Yézidis. Un million d’êtres humains i siègent les as du poker et répugnance pour jouer le client : «Ton que lesTorquemada de Daech ont décidé / les virtuoses du backgam­ esclave, c’est une Yézidie ? d’éliminer pour imposer, au cœur du mon. Un trio de trentenaires -Bien sûr,une authentique adoratrice de Moyen-Orient, un régime génocidaire. Cpianotent sur les miroirs deSatan, leurs capturée dans les monts Sinjar ! Capturées en août 2014 lors de Smartphone dernier cri. Ils se nomment - Pourquoi la vends-tu ? l’attaque du mont Sinjar, les malheu­ Mirza, Khuto, Haydar. Ils sont informati­ - Elle vaut son pesant d’or ! reuses ont été triées dans la localité voi­ cien ou prof d ’anglais. E t surtout yézidis. -C om bien? sine de Tal Afar puis transportées à la Dehors, les enseignes lumineuses -1 2 500 dollars, à prendre ou à laisser. A prison de Badoush, l’un des grands abat­ balisent le boulevard; pourtant, impos­ ce prix, tu pourras en faire ce que tu vou­ toirs de Mossoul. Le sol était encore sible d’oublier que la guerre est à deux dras. La battre, la pénétrer. Elle sera ta humide du sang des 650 chiites extermi­ pas : un hélicoptère Apache survole la servante, elle fera le ménage, la cuisine. nés un mois plus tôt, lorsqu’elles ont été cité. Daech, retranché dans Mossoul avec Et tu peux la tuer si elle se révolte ou jetées dans des cachots obscurs et sur­ ses otages, n’est qu’à vingt minutes de vol. tente de s’évader. Regarde ces images ! » peuplés. Là, elles seront battues, insultées, Nos voyageurs du Web ont eux aussi Arrivent d’autres photos: la jeune laissées sans nourriture, avec pour seul l’impression de combattre. Ils livrent une fille est allongée sur un canapé de velours conseil de leurs tortionnaires, hilares, de guerre moderne où les portails et les rouge, jambes découvertes. Le décor est s’adresser à leur «propre dieu» pour ponts-levis ressemblent à des formules celui d’un bordel. Derrière la mine ave­ avoir de l’eau... Enfin, les chefs, imams mathématiques ; ils viennent de casser le nante, provocatrice même, le regard de et émirs se sont réservé le premier choix. code qui protège l’accès d’une des forte­ l’adolescente dit son désespoir. Humiliée, Sur un coup d’œil, un bref signe de la tête, resses les mieux défendues de Daech. avilie, elle est traitée tel un quartier de les plus jeunes, les plus jolies ont entamé L’infâme place publique où se vendent viande à l’étal d’un boucher. le voyage au bout de l'enfer qui continue et s’achètent les esclaves yézidis. Elles seraient près de 3000 en sur le Web où, aujourd’hui, elles sont Sur l’écran, apparaît la photo d’une danger de mort à Mossoul et Raqqa, der­ mises à l’encan. jeune fille au regard perdu, mais outra­ niers bastions de l’organisation terroriste Mirza entame la négociation. geusement maquillée. Le monstre qui en Irak et en Syrie. Ce sont des adoles­ «Est-elle encore vierge ? la propose en fait l’article: «Salam centes ou de toutes jeunes mères, par­ - Bien sûr que non, elle ne l’est plus ! aleykoum. Je suis à Mossoul, capitale du fois des petites filles. Elles appartiennent Mais je suis le seul à m'en être servi. califat et de l’Etat islamique. Regarde à ce peuple d’agriculteurs et de bergers, - L’as-tu maltraitée ?

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- Seulement battue. De temps en temps elle est punie, telle est la volonté dAIlah. Mais dans l’ensemble elle est en bon état. Si elle ne te plaît pas, j’en ai une autre, vierge celle-là. Mais c’est plus cher, évidemment.» Mirza n’en peut plus. Il interrompt la transaction alors qu’on sert le thé. Pause. Nos trois hackeurs voudraient penser à autre chose. Impossible. Eux sont à l’abri, ils vivaient loin des monts Sinjar quand le drame est arrivé ; mais ils ont perdu des parents, des amis, parfois des frères ou des petites sœurs. Le Smartphone est là, sur la table, tel un œil qui les observe. Ils ne résistent pas longtemps. C’est plus fort qu’eux, comme s’ils n’arrivaient pas à y croire, comme s’ils espéraient encore que ce soit un cauchemar. Mirza pianote, fébrile, angoissé. Retour sur le Web, face à un nouveau vendeur. Une affaire à ne pas rater : une petite fille de 9 ans à 10000 dollars. Photo: une enfant contrainte de Abou Bakr Al-Baghdadi, lui-même pro­ Tal Afar, qui s’offrent des enfants dont poser un doigt sur ses lèvres entrouvertes. priétaire d’esclaves, dont deux Yézidies, ils peuvent abuser en toute impunité. De l’index baissé, elle pointe le creux de et assassin de Kayla Mueller, l’infirmière Mais ce sont en majorité des Irakiens ses jambes. Une occasion ! américaine qu’il a violée, épousée de sunnites, souvent d’anciens voisins, voire La roue tourne à la Bourse de Daech. force et battue à mort. Un homme étouffe des amis des Yézidis dont ils se sont La cote reste stable, en dépit des un cri. C’est un père de 40 ans, dont les approprié les femmes et les enfants, les revers essuyés par les mar­ terres et tous les biens, après chands d’esclaves. Celle des UNE AFFAIRE À NE PAS RATER: avoir massacré les frères et petits garçons va de 4000 à B |pf3 les maris. 5 000 dollars ; celle des filles UNE PETITE FILLE Pour leur gouverne, le entre 9 et 15 ans, de 8000 à comité charia de l’Etat isla­ 15000 dollars et plus si elles UE 9 ANS À 19009 UULLARS mique a, le 29 janvier 2015, sont vierges. Les femmes de par sa fatwa n° 64, élaboré une plus de 18 ans valent de 6000 à 8000 dol­ enfants ont été capturés il y a deux ans. réglementation qui dépasse les bornes de lars. On peut s’acheter une famille entière Il vient de reconnaître l’une de ses filles l’absurde. Il y est écrit : « L’une des grâces entre 7000 et 10000 dollars, selon le et réclame l’anonymat, de peur que ses conférées par Allah à l’Etat islamique du nombre d’enfants. geôliers ne la mettent à mort si son iden­ califat est la conquête de vastes terri­ Arrêtez ! Haydar fond en larmes. tité est révélée. La peur rôde ici. Ces toires, et l’une des conséquences du dji- «Merde ! Les Yézidis sont foutus ! femmes, ces filles, ces enfants, ces familles had est que les enfants et les femmes des - Calme-toi, Haydar ! sont aussi des otages. En parler revient à infidèles sont capturés par les musul­ - Non ! Je ne me calme pas ! Si ça conti­ les exposer aux pires représailles. mans. En conséquence, il est nécessaire nue, je deviendrai un monstre comme Qui sont ces musulmans à qui l’on de clarifier certaines règles applicables Daech pour que le monde qui se fout de fait gober dans les mosquées de Mossoul aux prisonnières, afin d’éviter tout excès nous finisse par se bouger ! » et de Raqqa qu’ils sont les messagers du dans leur traitement.» Suit une série de Quelques jours plus tard, nos véritable islam, que leurs crimes seraient prescriptions : interdiction des rapports hackeurs nous reçoivent dans leur quar­ autant d’actes de bravoure et de foi qui sexuels pendant les menstruations ou la tier général, dans le bourg à majorité leur vaudraient Jannah, le paradis où grossesse. Si le propriétaire a des rapports yézidie de G., au cœur d’une vallée dont attendent les vierges, les «houris»? Ce avec la fille, il ne saurait en avoir avec la la moitié est submergée par un océan de sont parfois des étrangers, venus mère et vice versa. Sans oublier cette pro­ tentes : un camp de réfugiés des monts dAfrique du Nord, du Moyen-Orient, du hibition «de l’avortement en cas de Sinjar. Mirza accepte de briser le mur du Caucase, d’Europe et dAmérique, grossesse». silence et de la honte élevé par les mar­ autant de criminels à qui l’Etat isla­ Quel sort les bourreaux de Daech chands d’esclaves. Pour ne pas obéir à la mique, tout en prélevant un cinquième réserveront-ils à leurs victimes lorsqu’ils loi de Daech, il nous autorise à prendre du butin matériel et humain au titre de auront fini d’en faire commerce? Mirza des photos. l’impôt («khom»), a donné le droit de n’en doute pas. Alors que nous sortons, il Dans son bureau, passent les familles. faire le commerce des esclaves. Ce sont nous glisse : « Il y aura, au mieux, 10 % de Il leur montre les photos, récupérées sur aussi des hommes d’affaires, des bouti­ survivantes. Monsieur, nous sommes le Web, des prisonnières du «calife» quiers, pères de famille à Mossoul ou à absolument perdus.» ■

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DIMANCHE 13 - LUNDI 14 NOVEMBRE 2016

de Lafarge. Alors que d'autres étaient partis, nous étions restés,' par solidarité avec nos Le jeu dangereux clients et nos employés », ajoute ce Norvégien que Le Monde a rencontré à Oslo. Mais, de son aveu même, Lafarge est « peut-être ailé trop loin » pour maintenir l’usine en activité dans de Lafarge en Syrie un pays en guerre. Le Monde avait révélé le 22 juin que Lafarge avait financé indirecte­ ment l’EI en achetant du pétrole et des mine­ De 2011 à septembre 2014 en pleine guerre civile, rais à des intermédiaires payant des taxes à l’organisation. La société française aurait éga­ la cimenterie de Jalabiya a fonctionné au prix d’arrangements lement réglé des droits de passage pour em­ avec des groupes armés, dont des djihadistes ployés. Le témoignage de Jacob Wærness, qui a publié cet été en Norvège un livre de témoi­ Ligne de production gnage, permet de reconstituer le récit d’une de ciment dans dérive incontrôlée. l’usine Lafarge « Nous remplissions un rôle très important en de Jalabiya, Syrie, en tant quémployeur qui faisait vivre des dans le nord-est centaines de familles, mais aussi enfoumissant de la Syrie, en 2012. 25 % du ciment nécessaire aux besoins du pays, M.A. justifie une porte-parole de LafargeHolcim (La­ farge a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015, devenant le numéro un mondial du ciment) interrogée par Le Monde. Nous ne pouvions pas prendre la décision de fermer à la légère. »

RÉUfJlONS DE CRISE QUOTIDIENNES L’usine gérée par Lafarge en Syrie se situe « au milieu de nulle part », c’est ainsi que Jacob Wær­ ness décrit l’environnement de la cimenterie. Lorsque la situation s’aggrave à Damas, celle autour de l’usine reste inchangée. «A part quel­ ques checkpoints additionnels, ici ou là, tout était normal », assure l’ancien responsable, dont le travail consistait notamment à faire état de la situation sécuritaire à son référent di­ rect à Paris, Jean-Claude Veillard, directeur sû­ reté du groupe Lafarge, -et à son responsable basé à Damas, puis au Caire à partir de 2012, Bruno Pescheux, PDG de Lafarge Cement Syria. Au printemps 2012, l’instabilité gagne le nord du pays et commence à perturber les ac­ tivités de Lafarge. « Au début, nous recensions à puis 2005, ferme son usine à Damas. D’autres peine plus d’un incident par mois. Puis c’était sociétés étrangères, comme le groupe français DOROTHÉE MYRIAta KELLOU une ou deux fois par semaine. Un camion de ci­ Air Liquide, qui avait une usine à Adra, au ment avait été arrêté par quelqu’un, quelque nord-est de la capitale syrienne, cessent leurs part. Nous ne savions pas ce qu’ils voulaient. n mars 2011, pendant que la Syrie activités. Parfois ils volaient le ciment, parfois ils pous­ se soulève contre Bachar Al-As- Mais pour la cimenterie Lafarge, rien ne saient le client à payer pour que le chauffeur soit sad, la cimenterie de Lafarge Ce­ change, L’usine avait été acquise par le groupe libéré et pour qu’il puisse récupérer la marchan­ ment Syria (LCS), filiale du groupe français eh 2007, en même temps qu’était ra­ dise et le camion », raconte Jacob Wæmess. français de matériaux de cons­ cheté l’égyptien Orascom, en partenariat avec A l’été 2012, Alep, à 150 km à l’ouest de l’usine truction Lafarge, continue de l’homme d’affaires syrien Piras Tlass. L’usine tourner à plein régime à Jalabiya, dans lerénovée, nord- plus gros investissement étranger en et à un peu plus de deux heures de route, est E au cœur d’une bataille décisive entre les for­ est du pays. Pendant des mois, rien ne change, Syrie hors du secteur pétrolier, estimé à malgré la violente répression qui s'abat sur la 600 millions d’euros, était entrée en activité ces de Bachar Al-Assad et les rebelles de lÂr- plupart des grandes villes du pays, parcourues en 2010. Elle ne cessera de fonctionner que le mée syrienne libre (ÂSL). Sur la route entre de manifestations contre le régime. A partir de 19 septembre 20i4, lorsque l’organisation Alep et l’usine, des employés se font tirer des­ l’automne 2011, en réaction, le mouvement de l’Etat islamique (El) s’empare du site de pro­ sus à plusieurs reprises. La direction leur de­ contestation s’est transformé en rébellion ar­ duction. Pourquoi avoir tant tardé ? Pourquoi mande de se rapprocher de leur lieu de travail mée. Les combats gagnent peu à peu le pays. Le avoir continué de fonctionner dans un envi­ et de s’installer à Manbij, à 65 km à l'ouest, où développement du conflit et l’instabilité crois­ ronnement aussi hostile et risqué que la la plupart des employés sont hébergés par La­ sante poussent les entreprises étrangères, guerre civile en Syrie, quitte à exposer salariés farge et conduits chaque jour en bus sur le site dont les investissements avoisinaient 2,6 mil­ et sous-traitants à des risques inconsidérés et à de Jalabiya. Mais, à Manbij également, la si­ liards de dollars en 2009, à quitter la Syrie. devoir traiter avec des groupes armés de tou­ tuation se complique. La ville passe sous le Dès décembre 2011, Total, le géant français' tes obédiences ? contrôle de plusieurs groupes de l’ASL. « Ils se du pétrole et du gaz, cesse toute activité et ra­ « Lafarge souhaitait garder l'usine en fonc­ battaient entre eux pour diriger la ville », se patrie son personnel pour se conformer aux tionnement, c’était le meilleur moyen de proté­ souvient Jacob Wæmess. La route reliant sanctions européennes interdisant notam­ ger notre site », explique Jacob Wæmess, 38 Manbij à l’usine devient de plus en plus ris­ ment l’achat de brut syrien. En juillet 2012, l’in­ ans, gestionnaire de risques pour Lafarge en quée. Des baraquements sont aménagés dans dustriel français Bel, troisième producteur Syrie de septembre 2011 à octobre 2013. « Nous l’usine pour les employés. Les étrangers, en mondial de fromages, implanté en Syrie de­ tenions également à donner une bonne image majorité chinois et égyptiens, sont évacués

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en septembre 2012. Des Syriens prennent le relais aux postes laissés vacants. Au nord de l’usine, sur la route reliant Ko- bané à Jalabiya, les checkpoints des Unités de protection du peuple (YPG) kurdes, la branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD), apparaissent en août 2012. La route me­ nant les employés à l’usine continue néan­ moins d’être accessible. « Il était clair que les Kurdes voulaient que l’usine continue à fonc­ tionner. Cela venait conforter leur rêve d'indé- pendanCe politique », souligne Jacob Wæmess. « Il s’agissait presque d’un exercice de relations publiques », commente un autre employé con­ tacté par Le Monde. « Ils tenaient à ce qu’une grande entreprise française comme Lafarge puisse exister dans une région dont ils avaient maintenant le contrôle », ajoute-t-il. Les réunions de gestion de crise, qui se te- . naient chaque semaine depuis décembre 2011 entre les responsables de Lafarge Syrie et du groupe à Paris, deviennent quotidiennes. Le groupe souhaite garder l’usine en fonctionne­ A droite : des de la cimenterie ment pour la protéger. L’usine risque sinon combattants à l’organisation groupes armés qui ont le pouvoir dans la ré­ d’être attaquée et dépecée. La limite : ne com­ kurdes du YPG Etat islamique, gion. La division des tâches est également très promettre en rien la vie des employés. célébrant le 15 avril 2015. r.s. claire. Jacob Wæmess intervient sur le terrain, la reprise et Firas Tlass, depuis Dubaï, facilite les con­ SÉCURISER L’USINE ET LES ROUTES tacts avec les rebelles. Mais Lafarge doit aussi La direction de Lafarge est bien çoïisciente des «JE PENSAIS prendre en considération une autre réalité convoitises que suscite l'usine dans la région. complexe sur le terrain. Firas Tlass ne peut à la « A l’été 2012, des employés nous ont rapporté AU DÉBUT QU’IL fois se concilier les Kurdes, alliés de circons­ qu’ils avaient été arrêtés près deManbij. (...) Des tance du régime syrien, et les rebelles opposés rebelles leur ont demandé si la cimenterie était ÉTAIT TOUT À FAIT à Bachar Al-Assad, en qui Firas Tlass a placé ses la propriété de Kami Makhlouf», raconte Jacob ACCEPTABLE espoirs de changement. « C’est MAS Invest [la Wæmess. En réalité, ce n’est pas à Rami holding dont Tlass est l'actionnaire principal, Makhlouf, première fortune privée de Syrie et D’AVOIR DES mais dont les avoirs ont été gelés en 2012 et cousin germain de Bachar Al-Assad, que La­ dont il sera exproprié par l’Etat en 2014] qui farge s’est associé localement pour racheter RELATIONS s’occupait des relations avec les Kurdes », pré­ l’usine. Son partenaire local est Firas Tlass, ri­ AVEC L’EIIL ET cise Jacob Wæmess. Une version démentie che homme d’affaires sunnite proche du ré­ par M. Tlass, joint par Le Monde, qui explique gime, fondateur et propriétaire de MAS (Min D’AUTRES GROUPES qu’il entretenait « de très bonnes relations Ajl Suriyya, soit « Pour la Syrie »), fils de l’an­ avec les Kurdes ». cien ministre de la défense Moustafa Tlass; ISLAMISTES Un bureau est créé par Firas Tlass à Manbij « Les entreprises françaises s’associent à des RADICAUX» pour faciliter la résolutioii des problèmes qui hommes de pouvoir en Syrie qui agissent peuvent survenir. « Si, par exemple, des em­ comme intermédiaires. Ce qui compte est da­ JACOB WÆRNESS ployés étaient arrêtés par des groupes comme vantage le réseau qu’ils peuvent apporter que ex-gestionnaire AhrarAl-Cham [puissante milice salaflste sy­ leur capital. D’ailleurs, les parts de Firas Tlass de risques pour Lafarge rienne, soutenue par l’Arabie Saoudite et la ont été réduites, de 20 % en 2007 à 1,33 % en Syrie Turquie], ouïe Front Al-Nosra, j’appelais le bu­ en 200g », explique Jihad Yazigi, économiste et reau à Manbij, qui se chargeait de régler le pro­ auteur pour le site Syria Report. notre volonté claire de rester indépendants. blème avec un responsable du groupe. Bien sûr, Le frère de Firas Tlass, Manaf, général au sein Alors, à la fin, nous avons fini par accepter de les groupes rebelles demandaient de l’argent ou de la garde républicaine, une unité d’élite, est rentrer en contact avec eux », raconte-t-il. tel avantage, mais c’était Firas Tlass qui considéré comme un intime de Bachar Al-As- La porte-parole de LafargeHolcim le con­ payait », insiste-t-il. « M. Tlass, qui a quitté le sad, avec qui il a fait ses classes à lAcadémie firme implicitement : « Il n’est pas improbable conseil d’administration [de LCS] et cessé d’être militaire de Homs. Mais au fur et à jmesure que notre personnel ait été confronté à diffé­ actionnaire début 2014, a rendu des services que la répression se durcit, les Tlass, sunnites rents groupes armés, qui changent très rapide­ dans un environnement rendu difficile par la et originaires de la province de , pren­ ment d’allégeance. Mais nos règles sont claires guerre, déclare pour sa part une porte-parole nent leurs distances avec le régime. Ils finis­ concernant les groupes terroristes. » Lafarge de la compagnie. Il a été payé pour ce travail. sent par partir en exil en 2012 - Manaf à Paris met en avant son code de conduite, qui « in­ S’il a financé des groupes terroristes, ce serait et Firas à Dubaï - et se déclarent solidaires de la terdit de traiter avec des groupes classés contraire à notre code de conduite. » révolution. Firas Tlass annonce même son in­ comme terroristes ». En fait, le « code de con­ « Firas Tlass avait une liste d’une vingtaine de tention de financer des groupes rebelles de duite des affaires », disponible sur le site de La­ groupés auxquels il versait une contribution l’ASL. C’est sur lui que Lafarge se serait appuyé farge, ne mentionne pas spécifiquement une mensuelle. La liste changeait en fonction du pour passer des accords avec les groupes ar­ telle obligation, mais se contente d’appeler au comportement de chaque groupe », révèle Ja­ més et ainsi sécuriser l’usine et les routes em­ respect des lois en vigueur, en particulier cob Wæmess. Les critères ne sont pas idéolo­ pruntées par les employés et les acheteurs. américaines. « Nous menons actuellement une giques. « Tlass versait de l’argent si le groupe se Au départ, la direction de Lafarge refuse que revue interne de ce qui s’est passé en Syrie. Nous montrait coopératif, précise-t-il. Les tâches Jacob Wærness entre en contact avec les grou­ verrons si nos consignes ont été respectées », étaient diverses. Ils pouvaient nous aider à pro­ pes armés. Mais très vite, la situation sur le ter­ ajoute la porte-parole, téger les employés sur leur chemin de travail, rain en décide autrement, « Je vivais dans escorter les employés chinois quand nous l’usine. Des combattants kurdes venaient sou­ « UNE LISTE D’UNE VINGTAINE DE GROUPES» avons dû les évacuer, ou même m’accompa­ vent nous demander diverses choses. Ils consi­ La stratégie de Lafarge devient la suivante : se gner là où j'avais besoin d’aller », ajoute Jacob déraient un peu que l’usine était la leur, malgré tenir bien informé et être en relation avec les Wæmess. Ce dernier, « avait ses propres gardes

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du corps, des membres de groupes rebelles, dans ses décisions, mais le PDG de Lafarge Syrie soient ouvertes pour ses employés comme bien armés », témoigne un ancien employé [Bruno Pescheux] avait des contacts quasi quo­ pour sa marchandise ? Est-ce que Firas Tlass a joint par Le Monde. tidiens avec Paris », précise Jacob Wæmess. inclus l’EI dans sa liste des groupes armés à fi­ Sur la liste des groupes que Firas Tlass rétri­ « Les conférences par Skype entre le groupe à nancer sur une base mensuelle en contrepar­ buait sur une base mensuelle figurait le Front Paris et Lafarge Syrie étaient régulières, et y par­ tie d’une garantie de stabilité ? Jacob Wæmess Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, de­ ticipaient notamment le directeur de la sûreté, répond par l’affirmative, tout en soulignant puis rebaptisé Fatah Al-Cham. Le groupe terro­ et parfois même le directeur des ressources hu­ qu’il s’agissait à l’époque de l’EIIL. Firas Tlass, riste, qui figure sur la liste des sanctions éta­ maines [Eric Olsen, devenu factuel PDG de La- lui, dément : « Lafarge a toujours dit de ne pas blie par le Comité du Conseil de sécurité créé farge-Holcim] », ajoute-t-il. travailler avec Daech. » par la résolution 1267 de 1999, complétée Que se passe-t-il quand les djihadistes d’Al- Jacob Wæmess assure ne pas avoir eu de con en 2011 et 2015, n’était jamais mentionné sous Nosra perdent du terrain au profit de l’Etat is­ tacts directs avec l’EI à la demande de sa direc­ son nom. « Le Front Al-Nosra était “le groupe à lamique en Irak (EU), qui étend son influence tion. Il quitte la Syrie en octobre 2013. A l'épo­ Ràkka" », révèle Jacob Wæmess. Or, à cette épo­ en Syrie à partir de 2013 ? L’EU, qui est inscrit que, explique-t-il, « j’étais recherché à lafois par que, Nosra contrôlait Rakka ». Firas Tlass dé­ sur la liste des organisations terroristes des le régime, qui m’accusait de collusion avec les ment : « Nosra n’a jamais été important à Man- Etats-Unis, lanCe une OPA sur le Front Al- "terroristes" [les groupes rebelles] et par bij. je n’ai pas travaillé avec eux. » Nosra en Syrie et se proclame Etat islamique l’EIIL ». Plusieurs e-mails et documents que Le L'homme d’affaires explique que « le bureau en Irak et au Levant (EIIL) en avril 2013. En Monde a pu consulter donnent des indices de de Manbij n’était pas une structure formelle ». mars 2014, c’est au tour de Manbij, où la plu­ discussions directes entre Lafarge et l’EI. Un « Il y avait 17 groupes à Manbij, mais nous ne part des employés, de Lafarge sont hébergés, laissez-passer estampillé du tampon de l’EI et traitions qu'avec les 13 qui faisaient partie du de passer sous le contrôle de l’EIIL. Trois mois visé par le directeur des finances de la wilaya conseil militaire de la ville, ajoute-t-il. Nous re­ plus tard, l’EIIL, qui vient de s’emparer de Mos- (région) d’Alep de l’EI, daté du 11 septembre versions des droits de passages à ce conseil, à soul en Irak, annonce le rétablissement du ca­ 2014, atteste d’accords passés pour permettre l’exception d’Ahrar Al-Cham, du Front Al-Nosra lifat et change son appellation pour l’Etat isla­ la libre circulation des matériaux de Lafarge et de Daech [acronyme arabe de l’EI]. Daech ne mique tout court (El), dont la « capitale » sy­ sur les routes contrôlées par l’organisation dji- voulait travailler avec personne, ils ont mis en rienne est Rakka, à moins de 90 km de l’usine. hadiste. A-t-il été négocié par le bureau de place leur propre système de taxation à Rakka. » « Je pensais au début qu’il était tout à fait ac­ Manbij ? Comme le révèlent plusieurs échan­ « Lafarge était au courant des sommes ver­ ceptable d’avoir des relations avec l’EIIL et ges avec le siège, que Le Monde a pu consulter, sées et des récipiendaires », précise Jacob Wær- d’autres groupes islamistes radicaux, car il nous Ahmad Jaloudi, le successeur de Jacob Wær­ ness. La direction du groupe était informée ré­ fallait être en relation avec les groupes en situa­ ness, a tenu des discussions directes avec l’EI, gulièrement et en détail des développements tion de pouvoir. C’est ensuite qu’ils ont montré notamment pour obtenir des laissez-passer, à Lafarge Cement Syria. « La direction de La­ leur vrai visage et ont été placés sur la liste des pour les employés aux checkpoints,. Contacté farge étant préoccupée avant tout par la sécu­ organisations terroristes », se défend Jacob par Le Monde, Ahmad Jaloudi n’a pas répondu. rité des employés, elle était, pour cette raison, Wærness. Ce dernier justifie cette fuite en Quant à Lafarge, sa porte-parole a déclaré au informée », confirme la porte-parole. L’exis­ avant par la dynamique de la relation qui. Monde -, « Il existe un document présenté tence du bureau de Manbij est connue au som­ s’était instaurée entre Bruno Pescheux, son su­ comme un laissez-passer de l’EI. Nous ne confir­ met de l’entreprise : Jean-Claude Veillard, périeur, et lui : deux personnalités « volontai­ mons pas son authenticité. Notré enquête in­ terne déterminera la nature de ce document.et chargé de la sécurité du groupe, le mentionne res » et compétitives, presque téméraires, comment il a émergé. » a dans un mail. Il y mentionne « l’équipe » et cherchant toujours à repousser les limites. « nos employés » du bureau de Manbij. Alors que l'EI étend sa présence dans la ré­ gion, Lafarge continue donc de faire fonction­ LE TAMPON DE L’EI SUR UN LAISSEZ-PASSER ner son usine. Le groupe français garde-t-il le « Lafarge Syrie était relativement autonome même système pour garantir que les routes

Hurriyet November 6, 2016 Daily News.1 PKK splinter group claims responsibility for Diyarbakir bomb attack DIYARBAKIR / November/06/2016 the organization. http://www.hurriyetdailynews.com Visiting the site of the attack on Nov. 6, Diyarbakir Governor Hiiseyin Aksoy said the he Kurdistan Freedom Falcons (TAK), a attack in the province primarily targeted civilians. splinter group from the outlawed Kurdistan T Aksoy also added that damage assessment Workers’ Party (PKK), claimed responsibility on works had begun with 22 different teams. Ten Nov. 6 for a bomb attack that occurred in the sou­ families, whose houses were damaged after the theastern province of Diyarbakir early on Nov. 4, attack, were accommodated in hotels. which killed 11 people and wounded hundreds. Eleven people, two of whom were police According to a report by the Firat News officers, were killed and more than 100 were Agency (ANF), a militant identified as Kemal wounded when a bomb-laden vehicle was deto­ Hakkari staged the deadly bomb attack. nated near an anti-riot police station in the Baglar On Nov. 5, Reuters reported that the Islamic district of Diyarbakir. State of Iraq and the Levant (ISIL) was behind The death toll in the bomb attack rose to 11 the bomb attack, quoting the jihadist group’s sta­ front nine on Nov. 5 when two other wounded tement on Arnaq News Agency. civilians succumbed to their injuries in hospital. However, the Diyarbakir Governor’s Office The attack came hours after Peoples’ later announced that the PKK staged the attack Democratic Party (HDP) deputies, including co­ with a three-ton bomb-laden vehicle in two sepa­ Smoke rises from a street folloiving a chairs Selahattin Demirta§ and Figen Yiiksekdag rate statements. blast in Diyarbakir, Turkey, November 4, were detained early on Nov. 4 over their alleged In the latest statement, the governor’s office 2016. Ihlas Neivs Agency via REUTERS links to the PKK. noted that three separate radio communications Nine HDP deputies, including Demirta§ and of the militants pointed to PKK’s hand in the Yiiksekdag, were later arrested. ♦ attack and that other reports only aimed to protect

30 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti ieTIÏoïide MERCREDI 16 NOVEMBRE 2016

M ARIE JÉGO

ISTANBUL - correspondante

e 29 octobre restera un jour noir pour Erdem G., la cinquantaine, professeur dans une université d’Etat à Istanbul. « J’ai appris parles réseaux sociaux que j'étais licencié. Mon nomfigurait sur un décret pu­ Lblié au Journal officiel. Je suis accusé de soute­ nir des organisations terroristes. Mes diplômes ont été confisqués, mon adresse mail a été effa­ cée, l’accès à mon bureau m’est interdit. » Après vingt ans de carrière à l’université, Er­ dem se retrouve sans emploi, sans assurance sociale, sans passeport. Sa femme et ses en­ fants n’ont plus de passeport non plus. En Tur­ quie, les universitaires et leurs familles ont droit à des passeports de service, un privilège que l’Etat se réserve le droit de leur retirer. Quelque 74562 passeports ont ainsi été annu­ lés dans les trois semaines qui ont suivi le coup d’Etat raté du 15 juillet, selon un bilan an­ noncé alors par le ministère de l’intérieur. Ces confiscations n’ayant pas fait l’objet A d’Erdogan d’une décision de justice, les passeports annu­ l’école lés sont répertoriés comme « perdus » par l’ad­ ministration. Adopté dans le cadre de l’état Depuis le coup d'Etat raté du 15 juillet, plus de d’urgence imposé au pays cinq jours après le putsch avorté, le décret ne peut être contesté. 30 000 enseignants turcs ont été suspendus ou «Mon nom est marqué en lettres rouges sur le portail Internet du gouvernement, je ne pourrai limogés. Mais la reprise en main de l'éducation plus travailler dans ce pays, ni dans le public ni dans le privé», murmure Erdem. par le parti présidentiel islamo-conservateur L’enseignant a fixé rendez-vous dans un parc d’Istanbul, à l’abri des oreilles indiscrètes. a commencé bien avant. Avec comme objectif Comme la plupart des interlocuteurs rencon­ trés pour cette enquête, il ne veut pas que son avoué de former une « génération pieuse » identité soit révélée : « Je ne suis pas le seul dans ce cas, tout le monde a peur. » rités. C’est le cas de Murat D., la trentaine, qui «A MORT LES PUTSCHISTES!» enseignait la philosophie dans une université «TOUT EST BON Les menaces de mort qu’il reçoit quotidienne­ d’Istanbul jusqu’à ce jour de septembre où il a POUR IMPOSER ment par les réseaux sociaux ne sont pas fai­ appris que son nom venait d’être publié au tes pour le rassurer. Qü’a-t-il bien pu faire pour Journal officiel sur une liste qui fait de lui un LEUR IDÉOLOGIE, mériter un tel traitement? «Je ne comprends «suppôt du terrorisme». Depuis, il est sans tra­ pas, je me pose des questions, dit-iL Sans jamais vail et ne peut pas sortir du pays. Son épouse Y COMPRIS LES avoir été affilié à un parti, je suis de sensibilité et leurs deux enfants en bas âge sont dans le MURS DU LYCÉE, socialiste. J’ai une activité syndicale, j ’ai tou­ même cas, leurs passeports sont caducs. «Ce jours participé aux grèves et aux manifesta­ que nous vivons est kafkaïen », dit-il. OÙ DES AFFICHES tions, mais ça ne fait pas de moi un terroriste. » Même si la paternité du coup d’Etat a été at­ Son crime, suppose le professeur, est tribuée à Fethullah Gülen - prédicateur exilé D’INSPIRATION d’avoir apposé sa signature au bas d'une péti­ aux Etats-Unis dont la Cemaat, la puissante tion. En janvier, plus de 2000 chercheurs et communauté secrète, a longtemps été la RELIGIEUSE ONT ÉTÉ universitaires ont signé, comme lui, un appel meilleure alliée de 1AKP, le parti islamo-con­ ACCROCHÉES» pour la paix dans le sud-est du pays, rede­ servateur au pouvoir depuis 2002 -, une fois venu un théâtre d’affrontements entre les l’état d’urgence décrété, une répression impla­ MUSTAFA TURGUT forces turques et les rebelles armés du Parti cable s’est abattue sur tous les corps de métier : représentant du syndicat des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les re­ fonctionnaires, militaires, magistrats, pilotes, laïque Egitim Sen présailles n’ont pas tardé: exclusions, sanc­ médecins, hommes d’affaires, gouverneurs, tions disciplinaires, non-renouvellement des journalistes. Au début, seuls les supposés contrats... Quatre universitaires ont été em­ adeptes de Gülen étaient visés. Détenir un que d’assécher leurs sources de financement. prisonnés quelques semaines, puis relâchés compte à la banque Asya, l’institution finan­ «A mort les putschistes », scandaient des foules dans l’attente de leur procès. cière de la Cemaat en Turquie, suffisait pour déchaînées, rassemblées chaque soir sur les Après la tentative de renversement du prési­ être mentionné sur une liste de suspects. places des grandes villes dans les semaines qui dent Recep Tayyip Erdogan par une partie de La soif de purger était grande, et le président suivirent la tentative de coup d’Etat. On exalta l’armée, dans la nuit du vendredi 15 au samedi Erdogan promit d’éradiquer les entreprises, les «martyrs» (246 morts côté loyaliste, la 16 juillet, les signataires de cette pétition se associations caritatives et écoles liées au ré­ trentaine de morts du côté putschiste n’en fai­ sont retrouvés dans la ligne de mire des auto­ seau Gülen - des «nids de terroristes» -, ainsi sant pas partie). Leurs photographies, en for­

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mat géant, sont encore exposées dans certai­ dent, qui dirige la fondation Türgev, active d’élèves et syndicalistes se retrouvent réguliè­ nes stations du métro d’Istanbul. dans le domaine de l’éducation. rement à la terrasse d’un café, non loin du ly­ Très vite, la purge a fait tache d’huile. Mili­ cée Cagaloglu Anadolu, poùr faire le point. tants de gauche, défenseurs de la cause kurde, COURS SUR «LES MIRACLES DE DIËU» L’humeur est morose. Mustafa Turgut, repré­ syndicalistes, kémalistes aussi, se retrouvent Soucieux du respect de la liberté religieuse, le sentant du syndicat Egitim Sen (gauche laïque, aujourd'hui pris dans la nasse. Nul ne peut président Erdogan a amendé, ces dernières an­ minoritaire), raconte : «Les pressions ont com­ dire où la folle machine va s’arrêter. Accusées nées, les règles de la laïcité instaurées en 1923, mencé avec l’arrivée du nouveau directeur, ily a de soutenir le terrorisme, 37000 personnes à l’avènement de la République. Son gouver­ deux ans. Bilan: 99% des professeurs ont été ont été mises en prison ou en garde à vue de­ nement a ainsi successivement autorisé le mutés. Tout est bon pour imposer leur idéolo­ puis le 15 juillet, tandis que 110 000 salariés ont port du voile islamique pour les femmes dans gie, y compris les murs du lycée, où des affiches été suspendus ou limogés, dont plus de les universités, dans la fonction publique puis d’inspiration religieuse ont été accrochées. » 30000 enseignants. Remplacer ces derniers dans les lycées et les écoles secondaires, et tout Nilay, dont la fille étudie au lycée de Vefa, n'a pas été difficile : des dizaines de milliers de récemment dans l’armée et la police, suscitant dans la partie européenne d’Istanbul, se dit jeunes enseignants diplômés, jusqu’ici sans à chaque fois les critiques du camp laïque. consternée par le cours sur «les miracles de affectation, en ont désormais une. En 2014, le syndicat Egitim Bir Sen (pro-AKP, Dieu» dispensé par le nouveau professeur L’université a été mise au pas. Depuis le majoritaire) a tenté d'introduire l’idée d’une d’histoire. Meral, une mère d’élève du lycée Ka­ 29 octobre, les recteurs sont nommés par le séparation des sexes à l’école, dans le souci de dikôy Anadolu, situé sur la rive asiatique, a re­ président de la République et non plus élus par «minimiser les problèmes de sécurité dus à l’at­ marqué que les enseignants nommés dans le leurs pairs puis adoubés par Ankara, comme tirance pour le sexe opposé». La proposition cadre de la réforme, «partagent tous l’idéolo­ c’était le cas depuis 1992. Gülay Barbarosoglu, n’a pas été retenue. Elle est revenue en force ré­ gie de l’AKP», ce qui n’est pas si grave «quand la rectrice de l’université du Bosphore, vient cemment, lorsque le, directeur du collège pu­ ils enseignent les mathématiques» mais l’in­ d’en faire les frais. Réélue en juillet avec 86% blic Ileri, dans la région de Mersin (sud du quiète davantage «dès lors qu’il est question de des suffrages, elle a été remplacée le 12 no­ pays), a décidé de l’appliquer sans plus tarder. philosophie et de littérature ». vembre par Mehmed Ôzkan, un universitaire Le 28 octobre, il a demandé aux professeurs de A nouveau directeur, nouveau règlement. proche de l’AKP, choisi par le président. séparer les filles des garçons. Une semaine Au lycée Cagaloglu Anadolu, les jeunes filles Le coup d’Etat raté - « un don de Dieu », selon plus tard, le ministère le suspendait de ses ne sont plus autorisées à mettre de jupes. Le le président Erdogan - n’a fait qu’accélérer le fonctions. Son zèle militant était allé trop loin. port du short est interdit pendant les cours de processus de refonte du système éducatif qui La mise au pas des derniers bastions laïques gym. Les pantalons collants sont bannis, ils avait été mis sur les rails bien avant la nuit du nécessite du doigté. En 2014, une réforme a été doivent être larges pour ne pas dévoiler les for­ 15 au 16 juillet. Plus qu’une turbulence, la engagée dans 155 lycées classés jusqu’ici mes. Zerha, mère d’une élève, est ulcérée: purge marque une étape supplémentaire vers comme les meilleurs de Turquie. Les presti­ «Quand l’AKP était dans l’opposition, jadis, ses la réalisation de la «révolution culturelle» gieux établissements publics d’Istanbul, où militants criaient à la discrimination parce que voulue par le numéro un turc. l’élite laïque «en col blanc» a été formée, ont le port du voile était interdit à l’école et à l’uni­ Le 1er février 2012, il s’était lancé dans un plai­ vu leurs équipes pédagogiques démantelées, versité. Et que font-ils, une fois au pouvoir? Ils doyer en faveur des écoles «imam hatip» (qui leurs méthodes d’enseignement mises au pla­ interdisent la jupe!» forment les imams, et où lui-même a été card. Les activités culturelles ont ainsi été dé­ Une revanche de l’islam politique sur le formé), vantant leurs bienfaits pour le sys­ laissées au profit de cours optionnels axés sur camp laïque? «Il y a de ça», estime Cayan tème éducatif. «Notre but est déformer une gé­ l’étude du Coran et de la vie de Mahomet. Calik, représentant du syndicat Egitim Sen à nération pieuse», avait-il proclamé. Une véri­ En juin, les lycéens se sont mobilisés contre Kadikôy qui dénonce le paternalisme autori­ table idée fixe, réitérée en avril, lors d’une ren­ cette réforme: ils voulaient une «éducation taire d’Erdogan. Mustafa Turgut déplore quant contre avec l’association Ônder, qui regroupe moderne». A Istanbul, on vit les jeunes du ly­ à lui le «changement de mode de vie» imposé les anciens élèves des imam-hatip : «L'espoir cée Kadikôy Anadolu tourner le dos à leur di­ de force aux milieux laïques et républicains. du monde musulman, c’est la Turquie, et l’es­ recteur et ceux de Galatasaray, le prestigieux Les islamistes au pouvoir, prédit-il, « ne se can­ poir de la Turquie, c’est vous. » lycée francophone, s’ériger contre «l’asservis­ tonneront pas à l’éducation, ils veulent trans­ Résultat, on ne compte plus les écoles publi­ sement au sultan». Le mécontentement former la société». Il en est sûr, «ça prendra du ques laïques transformées en imam hatip, y gronda dans 370 établissements à travers temps, mais ils finiront par y arriver», m compris à Istanbul et à Ankara. Lorsque l’AKP toute la Turquie. Leurs voix se sont ensuite est arrivée au pouvoir en 2002,65 000 élèves y perdues dans le tumulte du putsch. étaient scolarisés. Ils sont désormais 1,2 mil­ Au cœur du quartier historique de Fatih, lion, selon Bilal Erdogan, le fils cadet du prési­ dans la partie européenne d’Istanbul, parents

*FP Turquie: un attentat à la voiture piégée fait 2 morts, 33 blessés 24 novembre 2016 - AFP

AU MOINS DEUX personnes ont été tuées et 33 blessées jeudi par une attaque à la voiture piégée dans le sud de la Turquie, pays frappé par une vague d’attentats depuis le début de l’année. La déflagration s’est produite sur le parking du gouvernorat d’Adana à proximité La Turquie a été secouée cette année par une vague d’attentats, liés à la rébellion de l’entrée protocolaire, a indiqué le gouverneur local, Mahmut Demirtas, qui a kurde ou à des jihadistes, qui ont fait des dizaines de tués. évoqué l"’explosion d’une voiture déclenchée à 08h05" (05H05 GMT). Adana n’est pas située dans la région à majorité kurde de la Turquie, ensanglan­ Les premiers éléments laissent penser que l’attaque a été "perpétrée par une tée par la reprise des combats entre les forces de sécurité turques et les sépara­ femme", a-t-il ajouté, cité par l’agence de presse progouvernementale Anadolu. tistes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Deux personnes ont été tuées et 33 blessées, dont une grièvement, a indiqué le Le ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu a indiqué mercredi que 258 atten­ ministre de l’Energie Berat Albayrak. Un précédent bilan faisait état de deux tués tats avaient été déjoués depuis le début de l’année: 214 liés au PKK, 34 à l’EI et et 16 blessés. 10 à r ’extrême gauche". •

32 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti L E F IG A R O . 15 novembre 2016 À Mossoul, l’âpre percée des forces spéciales irakiennes

Adrien Jaulmes ajaulmes(â>leflgaro,fr

Envoyé spécial à Gogjali (faubourgs Est de Mossoul)

L e long de la route numéro 2, large ave­ nue qui traverse en ligne droite les fau­ bourgs de Mossoul en direction du cen­ tre-ville, beaucoup des bâtiments ont été écrasés par des bombes comme avec un marteau géant. Aucun être vivant n ’est visible et les rues réssemblent à celles d’une ville fantôme, alignement interminable de commerces et d’entrepôts, de maisons d’habita­ tion et d’immeubles bas. De temps en temps, des obus d’artillerie traversent le ciel avec un bruissement mé­ tallique avant d’aller exploser un,peu plus loin. Par­ fois, un camion militaire irakien recouvert de plaques de blindage fonce en direction des combats, chargé de En colonne derrière un véhicule blindé, des soldats des forces spéciales irakiennes tentent de soldats ou de cartons de ravitaillement, ou bien une poursuivre leur avancée dans Mossoul malgré la résistance des combattants de l’État Islamique. ambulance revient toutes sirènes hurlantes de la ba­ OD.D AN D ER SEN /AFP taille. À d’autres endroits, comme des spectres, appa­ raissent les silhouettes d’habitants en fuite, qui se ras­ Derrière ces troupes de choc, les unités de la police semblent le long d’un immeuble, ne sachant où aller. Un mois après le début fédérale investissent les quartiers repris à l’ennemi, Un mois après le début de l’offensive contre Mos­ capturent ou tuent les combattants djihadistes isolés, soul, les combats sont loin d’être terminés. Us se sont de l’offensive contre et reprennent le contrôle des zones libérées. Cette d’abord livrés dans les vülages de la plaine de Ninive, méthode a jusqu’à présent bien fonctionné dans la fortifiés par l’État islamique, avant d’atteindre la pé­ Daech, les combats bataüle de. Mossoul. Malgré la forte résistance ren­ riphérie de la vüle. La résistance des djihadistes a été contrée, les colonnes irakiennes se sont enfoncées acharnée. Sur le bord de la chaussée, on voit un peu sont loin d’être terminés. comme des fers de lance dans les faubourgs sud-est partout des merlons et des levées de terre préparés et est de la grande viUe. Des quartiers entiers ont été pour un combat retardateur. Le réseau de tunnels Ils se sont d’abord livrés repris, et les forces spéciales irakiennes n’étaient souterrains construit par les djihadistes pour défen­ plus hier qu’à trois kilomètres du Tigre, le grand dre leur capitale est encore plus vaste qu’en surface,. dans les villages fleuve qui traverse JaviUe du nord vers le sud. et on voit un peu partout des galeries sinistres qui Mais les notions de distance n’ont guère de sens s’enfoncent sous terre, leur entrée dissimulée par de la plaine de Ninive, dans cet imfhense champ de bataUle urbain, sans dou­ des tôles, permettant d’échapper aux reconnais­ te le plus grand depuis la Seconde Guerre mondiale. La sances et aux bombardements aériens. fortifiés par l’État taüle de cqtte agglomération, la deuxième d’Irak, qui Un immense champ de bataille urbain islamique, avant s’étend sur les deux rives d’un fleuve, occupant une dizaine de kilomètres carrés, et le nombre de combat­ Malgré cette résistance, les forces irakiennes sont d’atteindre la périphérie tants djihadistes engagés, estimé à au moins parvenues à briser ces défenses extérieures. La tac­ 5000 hommes, ont changé complètement l’écheUe de tique utilisée a été ceUe qu’ont développée l’armée de Mossoul. Les forces la bataUle. Les forces spéciales irakiennes qui s’enfon­ irakienne et ses çonseUlers américains après les cui­ cent dans ce tissu urbain sont séparées par des inter- santes défaites de 2014 et la conquête d’un tiers de irakiennes sont désormais vaües dans lesquels l’ennemi tente de manoeuvrer, et l’Irak par les djihadistes. EUe a été utilisée avec suc­ se retrouvent au fur et à mesure de leur progression au cès pour reconquérir Tikrit, Ramadi et Faloudja, re­ à trois kilomètres bout de lignes de ravitaiUement de plus en plus lon­ prises à l’État islamique après de durs combats en gues. Les unités régulières et la police chargées de 2015 et en 2016. EUe consiste à envoyer à l’attaque de du Tigre, le grand fleuve nettoyer les arrières ne parviennent qu’à maintenir puissantes colonnes des forces spéciales irakiennes, ouverts ces axes, et craignent des infiltrations de pe­ (Iraqi Special Operations Forces, ou Isof). Entraînées qui traverse la ville tits groupes de djihadistes dans les quartiers repris. et équipées par les Américains, ces unités presque Les opérations sont aussi compliquées par la pré­ autonomes disposent de véhicules blindés qui les du nord vers le sud. sence de centaine de milliers de civils à l’intérieur de mettent à l’abri des tirs de petit calibre. EUes sont Mossoul, qui réduisent considérablement les possi­ précédées de btdldozers cuirassés chargés de déga­ bilités de recours à T aviation face aux points de résis­ ger les barrages et les mines placées sur leur chemin, tance de l’État islamique. Les autorités irakiennes et de lever des talus de terre pour arrêter les voitures ont demandé aux habitants de rester chez eux, afin suicides, utilisées comme des missües terrestres par l’État islamique. Quelques chars les accompagnent pour tirer au canon contre les tireurs embusqués ou 2 0 % des habitants de la ville étaient soit les véhicules suicides. Mais surtout, un entraînement efficace des Irakiens aux méthodes de guidage aérien ^ membres, soit complices deTEI. La proportion (et la présence de quelques observateurs avancés oc­ cidentaux) permet de faire appel à l’aviation améri­ augmente dans les villages des alentours f caine et des alliés européens (dont la France), dès que la résistance devient trop forte. MOHAMMED KHAYZER, lieu ten a n t d a n s l e s f o r c é s Antiterroristes

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de ne pas déclencher un exode, mais dans les quar­ pations, ce sont les bombes humaines, que l’Etat isla­ immeubles. H va être difficile de les chasser, dit le vieux tiers où se déroülent les combats, les habitants sont mique envoie au milieu des réfugiés, parfois des fem­ soldat. Us ont commis des choses atroces. Les pires sont parfois contraints à la fuite. mes avec des ceintures d’explosifs qui attendent le les gens des villages arabes des environs de Mossoul. Ils Dans le quartier de Gogjali, l’un des premiers fau­ moment propice pour se faire exploser. » vont dire que l’Etat islamique les a occupés, mais, ce bourgs reconquis de Mossoul, voilà deux semaines, n’est pas vrai, ils sont avec eux. On ne peut pas leur faire une poignée de soldats irakiens se sont déployés le « Droit à la vengeance » confiance. Ne faites confiance àpersonne. » Pour Fakri long de l’avenue principale. Des camions sont garés «D’un autre côté, nous recevons aussi beaucoup de Abdulrahint, les actes de vengeance sont non seule­ en attendant d’emmener des civils déplacés en de­ renseignements, dit Mohammed Khayzer. Des gens ment inévitables, mais légitimes. «C’est un droit des hors de la ville. Des groupes de réfugiés attendent, prennent de grands risques en nous appelant depuis victimes. Mais il est important de ne pas se tromper, et assis le long des murs. « Cinq ou six terroristes se sont Mossoul pour nous désigner des positions de l’État is­ de ne pas s’en prendre à des gens qui n’ont rien fait. » glissés dans ce secteur il y a deux nuits, en passant par lamique, les endroits où sont garées les voitures pié­ Au milieu de l’après-midi, des camions viennent le cimetière voisin, dit le lieutenant Mohammed gées et des caches d’armes, ou pour dénoncer des gens chercher Abdulrahim et les autres familles pour les Khayzer, officier des forces antiterroristes. On les a qui travaillent avec eux. » emmener vers l’arrière. Us vont rejoindre le vaste tués, mais la situation n’est pas encore très sûre. » Sa L’État islamique a mené une campagne brutale de camp de tentes instaUé par les Nations unies à Kha- principale mission est de recueillir les civils. «J’ef­ chasse aux informateurs, réels ou potentiels, pour li­ zer, à la limite entre l’Irak et les provinces kurdes, fectue un premier contrôle de leurs papiers, avant de miter cet espionnage. Les habitants jugés peu fiables pour y attendre la fin des combats, et la possibilité de les évacuer en camion vers l’arrière, où l’on vérifiera sont tués ou chassés. Assis sur une poutrelle métal­ rentrer un jour dans ce qui restera de chez eux. De­ leur identité», dit-il. Une famille chargée de bagages lique au-dessus d’un égout à ciel ouvert, Fakri Ab­ puis le début de la bataille, 50000 personnes dépla­ et d’enfants avance vers l’officier en tendant des dulrahim a allongé sa jambe raide et posé sa béquille cées ont été recueillies par les autorités irakiennes, cartes d’identité jaunies avec des sourires un peu in­ au sol. Ce Turkmène, habitant du quartier d’Hayal- dont 11000 au cours de la semaine dernière. quiets. «Nous venons d’al-Shiha, disent-ils. On n’a mayila êt invalide de la guerre Iran-Irak des années Il reste encore dans Mossoul plusieurs centaines de jamais eu de contacts avec Daech. Dans notre quartier 1980, a le tort d’être chiite, confession honnie par les milliers d’habitants. Certains attendent l’arrivée des il n’y avait que des combattants étrangers. » sunnites radicaux. «Ils ont tué mon neveu, dit-il en forces irakiennes. D’autres redoutent le retour d’une «Évidemment ils ont peur, et ils ne disent pas tout ce touchant son menton avec son pouce, signe servant à armée envoyée par un gouvernement central domi­ qu’ils savent, dit le lieutenant Khayzer. On estime désignet l’État islamique sans prononcer son nom. né par les chiites, et dont les soldats ont laissé un Puis ils nous ont chassés de chez nous. Un de leurs émirs, qu’environ 80% des habitants de la ville ne tra­ mauvais souvenir dans cette grande vüle fortement un homme méchant, nommé Amar Oueidi, nous a dit vaillaient pas avec l’État islamique, même si certains sunnite. Le convoi de réfugiés croise des véhicules qu’on avait jusqu’à trois heures de l’après-midi pour ont pu avoir des sympathies, au moins au début. Mais il militaires irakiens qui foncent vers la vüle. Les en­ partir. '“Après, on vous brûle vivants”, a-t-il dit. » en reste 20 % qui étaient soit membres, soit complices gins arborent, en plus du drapeau national irakien-, Alors Fakri Abdulrahim est parti avec sa sœur jumelle, de cette organisation. Cette proportion augmente dans des étendards brodés d’or portant les portraits des sous les tirs, sur ses béquilles, en traînant sa jambe rai­ les villages des alentours. L’une de nos autres préoccu­ martyrs chiites, Hussein et Abbas. ■ de. «Ils tiennent tout mon quartier. Hyena en haut des

STARS^STRIPES. No v e m b e r 24,201e Turkish warplanes meanwhile struck IS positions in al-Bab and other northern Syrian Turkey says 3 troops killed in towns, destroying a building reportedly used as an IS headquarters and seven defensive positions, Anadolu reported, citing unnamed Turkish military officials. Syrian government airstrike Elsewhere in Syria, U.S. officials said Thursday that an American service member By CINAFt KIPER I Associated Press I were wounded in the attack, with one in critical died from wounds suffered in a blast from an November 24, 2016 //www.stripes.com/ condition. improvised explosive device. If the attack is confirmed to be a Syrian A statement released Thursday by the public ISTANBUL — Three Turkish soldiers were killed government airstrike, it would escalate tensions affairs office of Combined Joint Task Force- in northern Syria in what the Turkish military with Turkey, which is a leading supporter of the Operation Inherent Resolve said the explosion said was a pre-dawn Syrian airstrike on rebels fighting to topple President Bashar Assad. took place in the vicinity of Ayn Issa in northern Thursday, an account disputed by Syrian acti­ T urkey sent ground troops into northern Syria Syria. No other information about the explosion vists, who said the soldiers were killed by an in August to help Syrian opposition fighters or the victim was released. U.S. troops are part Islamic State suicide attack the day before. battle both IS and U.S.-backed Syrian Kurdish of a multinational effort to fight the Islamic State The Turkish military said in a statement on forces, which Ankara sees as an extension of the group in the region. its website that the attack took place at 3:30 Kurdish insurgency in southeastern Turkey. M eanwhile, senior U.N. official said his team a m , but did not provide an exact location. The Turkish troops are not fighting Syrian has received written approval from Syrian Turkey's state-run Anadolu news agency said government forces, and have not been attacked rebels in the besieged parts of the northern city the airstrike took place near the town of al-Bab, by them, though Damascus has strongly objec­ of Aleppo to allow aid in and evacuate the woun­ which Turkish-backed Syrian opposition forces ted to the military intervention. ded. are trying to take back from the Islamic State "It is clear that there are some who are not Jan Egeland told reporters in Geneva that group. pleased with Turkey's fight against Daesh," the U.N. also has "verbal support" from Russia, However, a Syrian monitoring group that Turkish Prime Minister Binali Yildirim said, refer­ a close ally of the Syrian government, for a four- tracks the conflict through a network of activists ring to the Arabic acronym for IS. "But of course point plan reached earlier this month on Aleppo, on the ground said the Turkish soldiers were kil­ these attacks will be responded to in kind." the epicenter of the civil war. led by an IS suicide attack on Wednesday. Turkey's main opposition party leader urged Egeland said the team is still waiting for Rami Abdurrahman, who runs the Britain- the government to act "with common sense" and approval from the Syrian government, adding based Syrian Observatory for Human Rights, not escalate tensions. that trucks carrying aid could start entering east said the suicide attack occurred outside al-Bab, Aleppo within hours. East Aleppo is home to "This (issue) could drag Turkey toward a near a village called Waqqah. He dismissed some 275,000 people and has been besieged by very dangerous process," Kemal Kilicdaroglu reports that it was an airstrike. government forces since July. said. The conflicting accounts could not be imme­ The U.N. official said there are currently Citing national security considerations, diately reconciled. There was no comment from more than 900,000 people in besieged areas Turkish authorities imposed a temporary media Damascus, but the IS-run Aamaq news agency around Syria, more "than at any time I can ban on coverage of the attack, barring media reported a suicide attack against Turkish troops remember in this war." The conflict began in outlets from reports that "foster fear, panic and in a village near al-Bab on Wednesday. 2011 with an Arab Spring-inspired uprising chaos," and contain images of the deceased or against Assad. ■ The Turkish military said 10 other soldiers the wounded, or exaggerated accounts.

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Bloomberg | November 24, 2016 EU Parliament Urges Suspension of Turkey’s Membership Talks

Jonathan Stearns - November 24, 2016 www.bloomberg.com

T he European Parliament called for a halt to Ell member­ ship talks with Turkey in a non-binding move that high­ lights the depth of concern in Europe over Turkish autho­ rities’ heightened crackdown on political opponents. In a resolution sponsored by all its main political groups, the European Union assembly urged EU governments “to initiate a temporary freeze of the ongoing accession negotiations with Turkey.” The 28-nation body endorsed the motion on Thursday in , France. European parties ranging from Christian Democrats to ex-communists have demanded the EU show Turkey a red card for arresting around 150 journalists, detaining more than 2,300 judges and prosecutors, and sus­ pending or dismissing almost 130,000 public employees in response to a The suspension call is also directed at the European Commission, the EU’s failed coup in July against President Recep Tayyip Erdogan. Anger in Brussels-based executive arm, which along with national governments is Europe boiled over earlier this month when Turkish authorities extended seeking continued Turkish cooperation in upholding a March agreement to the crackdown by detaining Kurdish lawmakers. stem the flow of Mideast refugees into Europe. On Tuesday, the commis­ The EU Parliament said in its resolution that Turkish “repressive measures” sion’s top diplomat, Federica Mogherini, argued against a halt to member­ taken under a state of emergency imposed after the bungled coup attempt ship talks. violate basic democratic values. In demanding the freezing of Turkey’s 11- “The best way to strengthening Turkey’s democracy, the most effective year-long EU accession negotiations, the 751-seat assembly said it “com­ way, is by engaging with Turkey, by keeping channels open,” Mogherini told mits to reviewing its position when the disproportionate measures under the EU Parliament. “The accession process has achieved important results the state of emergency in Turkey are lifted.” in many fields.” •

Hurriyet t p & F November 25, 2016 DallyjjewSjJt ' » Turkey will ‘open up border gates’ if EU goes further : Erdogan

ISTANBUL November / 25 / 2016 some people. We can’t applaud cruelty in http://www.hurriyetdailynews.com order to look nice to someone,” he also said. During his speech, Erdogan stressed that urkey will open up its border gates Turkey would not “collapse because of sanc­ and let refugees stream toward tions .” Europe “if the EU goes further,” “Are the ones who have been keeping the President Recep Tayyip Erdogan has doors of the EU closed for 53 years imposing threatened in the wake of a European sanctions? What if they do? Are we finished; Parliament vote on Nov. 24 to tempora­ will we collapse? These sanctions won’t cause rily freeze accession talks with Ankara. us to collapse. We will stand straight and “Some 30-40 votes for ‘no’ and 400-500 continue on our way. Don’t forget, the West votesT for ‘yes.’ What would happen if all of needs Turkey,” he added. you voted ‘yes?’ You never treated humanity Noting that Turkey was sheltering millions alleged backing for the coup, in what the honestly and you did not look after people of refugees, Erdogan said: “Turkey didn’t opposition, some rights groups and some fairly. You did not pick up babies when they think about whether it would receive money Western allies say is an attempt to crush all washed ashore on the Mediterranean. We are from EU while doing that. The amount that dissent. the ones who are feeding around 3.5 million came from the U.N. is 500 million dollars. The Members of the European Parliament refugees in this country,” Erdogan said. number is 700 when it comes to the EU. How voted 479 to 37 in favor of the non-binding “You did not keep your promises. When much did we spend? Fifteen billion dollars. motion urging the European Commission and 50,000 refugees turned up at the Kapikule There are lots of crises that threaten humanity. national governments to implement what law­ [border gate] you cried out and began to say I will stress one point. If there wasn’t a refu­ makers acknowledge would be a largely sym­ ‘What will we do when Turkey opens the bor­ gee crisis, believe me, the humanitarian plights bolic freeze in negotiations that have been der gates?’ Look, if you go further, those bor­ in those countries would go nearly unnoticed.” going on for 11 years but have long been stal­ der gates will be opened. You should know EU lawmakers on Nov. 24 called for a led. that,” he said. temporary halt to Turkey’s accession talks Under a deal clinched in March, Turkey Noting that threats against people would because of what they called Ankara’s “dispro­ agreed to take back illegal migrants and refu­ not work, Erdogan invoked his oft-repeated portionate” reaction to July’s failed coup that gees leaving its shores for Greece in return for refrain that the “world is bigger than five,” has included a massive crackdown on the aid and visa-free travel for Turks in Europe. referring to the U.N. Security Council’s per­ country’s opposition. The deal has slashed the number of migrants manent members. Turkish authorities have detained or dis­ reaching the EU, but the visa-free deal has not “The world is bigger than five. We need to missed tens of thousands of people over their been implemented due to Turkey’s anti-terror defend that, but we shouldn’t be afraid of law. ■

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ÏÏÉJERUSALEM POST November 23,201 S Why Kurdistan will be the next state in the Middle Eas By AKIL MARCEAU — 11/23/2016 - http://www.jpost.com Let us walk through this door holding each other by the hand.

f j ’his year has been one of great surprises on the international scene. KURDISH SUPPORTERS of the PDK party from Rojava in Syria sew­ First the Brexit vote and then the results of the presidential elections in ing in a peshmerga unit in The Kurdistan Regional Government of Iraq. the United States, both with an impact extending far beyond the countries The YPG in Syria doesn't allow PDK units to operate there, one of many where these two major events occurred. examples of how divided politics exists in the shadow of support for inde­ Many uncertainties and equally important surprises await us in the pendence. (photo credit:SETH J. FRANTZM AN) Middle East. Great upheavals are under way: borders are disappearing, states are collapsing and the hot spots are multiplying. the Tigris and the Euphrates, Kurdistan is also sitting on a sea of oil and natu­ The world's major powers are militarily involved in eradicating Islamic ral gas. Political maturity and extensive natural resources are the structural State [ISIS] - a terrorist organization that poses a threat to the entire world. factors guaranteeing the establishment of institutions that can evolve toward state structures. This is taking place. In this struggle of the free world against barbarous, cross-border terro­ rism the Kurds play a key role, both in Iraq and Syria. On this Middle East M any oil giants and major international companies are now established in chessboard with its complexity of conflicts where religious, ethnic and hydro­ Iraqi Kurdistan. In the few years following the fall of Saddam Hussein petroleum factors are intertwined, the Kurds play a decisive role. Iraqi Kurdistan has rebuilt, developed and imposed itself as a major economic player in the region. The Kurds are not pawns but knights, with their own kingly ambitions. Is it necessary to recall that the Kurdish nation, divided between Turkey, Not only does the central position of the Kurdish region invite them to play Iran, Iraq and Syria, and numbering over 40 million people, is the largest this role, lying exactly on the fault line which separates the Shi’ite and Sunni nation in the world without a state? Given the oppression endured by the worlds, but also the fact that they have proved to be the most effective and Kurdish people and in the name of the free world facing terrorism, it is today credible option open to the West in its efforts to fight this barbarism. a moral imperative for the international community to support the Kurdish S everal factors argue for support a Kurdish state: This is a tolerant society, people’s desire for independence. where different religions and denominations coexist peacefully, and where The great English historian Eric Hobsbawm wrote brilliantly about the women are not relegated to the background but both fight on the front line most decisive, influential and pivotal periods of history. He would certainly and are political leaders. Religious minorities, murdered and persecuted have written about this transition from the 20th to the 21st century as the age elsewhere, have found refuge in Kurdistan. Aramaic, a biblical language that of possibilities. This emerging state - Kurdistan - is one such possibility. Let enjoys official status, is taught in schools. us collectively make all the other possibilities in this highly strategic and his­ Battle-hardened by their tragic history and marked by the numerous torically rich region positive. revolts against repressive states that have been trampling their rights, the Kurds have proven to be formidable warriors. They are inflicting setbacks on We are entering this century by a narrow door, with too much suffering and defeating the terrorists, playing a leading role in the battles to retake and sacrifice. Let us walk through this door holding each other by the hand. • Mosul in Iraq and Raqa in Syria. The author is a researcher and former director of the Representation of the Known as the region's breadbasket because of its fertile lands watered by Regional Government of Iraqi Kurdistan in Paris.

t h e DAILY STAR November 21, 2016 Turkish-backed rebels and Kurds battle over Syria's al Bab

By Suleiman Al-Khalidi — Nov. 21,2016 — Forces (SDF), a coalition of Kurdish and Arab tribal Reuters fighters, led by the Syrian Kurdish militia YPG, erupted in the village of Sheikh Nasser. The village and others that were captured by the • Turkey backed rebels clash with Turkish- backed operation were until recently in the Kurds supported by U.S. hands of Islamic State and part of the militants' last A Syrian Democratic Forces (SDF) fighter • Sides competing for territory vacated enclave near the Syrian-Turkish border. ivalks in Tal Samin village, north of Raqqa by Islamic State "We clashed with the Kurdish YPG and we took over the city, Syria November 19,2016. • Turkey views Kurdish militia as hos­ village," said Abu Assad Dabeq, a commander in the REUTERSIRodi Said Turkish-backed Operation Euphrates Shield. The ope­ tile force ration was launched in August when Ankara sent war­ Manbij, where Kurdish-led forces drove out Islamic planes, tanks and artillery into Syria in support of State, and the militants' de facto Syrian capital of Raqqa. AMMAN, Nov 21 (Reuters) - Syrian rebels mostly Arab and Turkmen rebels. Ankara views the YPG militia as a hostile force with backed by Turkey who are trying to drive The SDF could not be immediately reached for com­ deep links to Kurdish militants Islamic State from the city of al Bab said on ment and there was no way of independently verifying if who have fought a three-decade insurgency on Turkish Monday they clashed with U.S.-backed Kurdish the rebels did have control of the village. soil. Ankara has also said YPG fighters should not be forces as both groups seek to dislodge the mili­ involved in the planned Raqqa offensive. tants to expand their own territory. Turkish President Tayyip Erdogan has said last week seizing control of al Bab, around 30 km (19 miles) south So far, the rival sides have had minimal direct confron­ The rebels said the fighting with the Syria Democratic of the border, is a goal of the operation before targeting tation as they compete to grab territory from the retrea­

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ting Islande State who once dominated swathes of ter­ the mainly Arab Sunni rebels from where the Syrian aerial raids of both the militants in Qabasin, located on ritory from the Turkish border further south towards army was positioned further south, he added. a strategic ground that overlooks al Bab, and the SDF Aleppo city. "The YPG are trying to advance to the areas Capturing al Bab would be a significant victory for in their newly gained villages in an attempt to halt their we are advancing to," said Abu Assad Dabeq, adding Ankara, which is seeking to establish a de facto safe advance. his troops were already only a few kilometers away zone and thwart Kurdish hopes of establishing a corri­ "The Turkish air force is helping to push back the YPG from al Bab and were fortifying their positions to hold dor between areas east and west of the Euphrates. militias who have been exploiting our gains from back any advance by Kurdish-led forces. The is also nearly 12 km south of the city. Islamic State to step into villages vacated by the mili­ "They are competing with us to reach al Bab. They are Damascus has said it would not allow Turkey's allies to tants," Abu Anas said referring to four villages west of working on cutting all roads either from Aleppo or in take the city. Manbij that SDF-afBliated forces captured, including the direction of al Bab," he added. the contested Sheikh Nasser. • A fighter in Failaq al Sham said the Turkish army had The SDF had effectively created a belt that separated since Saturday stepped up its artillery shelling and

TTMF November 27, 2016 Thousands in Aleppo Have Been Displaced by Syrian and Kurdish Army Movements

Philip Issa / AP / Nov. 27,2016 government’s bombardment of eastern Aleppo over past 13 days, according to the Observatory. B EIRUT (AP) — Simultaneous advances by Locals reported thousands more were moving Syrian government and Kurdish-led forces within the eastern neighborhoods, away from the into eastern Aleppo on Sunday set off a tide of front lines, but staying inside areas of opposition displacement inside the divided city, with thou­ control. sands of residents evacuating their premises, and “The conditions are terrifying” said 28-year-old threatened to cleave the opposition’s enclave. Modar Sakho, a nurse in eastern Aleppo. Rebel defenses collapsed as government forces Wissam Zarqa, an English teacher in eastern pushed into the city’s Sakhour neighborhood, Aleppo and outspoken government opponent, said coming within one kilometer (0.6 miles) of com­ some families would stay put in the face of advan­ manding a corridor in eastern Aleppo for the first cing government forces. time since rebels swept into the city in 2012, accor­ yrian state media reported government forces ding to Syrian state media and the Syrian S Syrian pro-government forces inspect an area Observatory for Human Rights monitoring group. had seized the Jabal Badro neighborhood and entered Sakhour Sunday after it took control of the on Sunday in the Masaken Hanano district in Kurdish-led forces operating autonomously of Masaken Hanano neighborhood Saturday. eastern Aleppo, a day after they captured it the rebels and the government meanwhile seized the Syrian state TV broadcast a video Saturday sho­ from rebel fighters. al-Basha neighborhood, allowing thousands wing a teary reunion between a soldier and his of civilians to flee the decimated district to the pre­ family after nearly five years apart, according to the dominantly Kurdish Sheikh Maqsoud, in the city’s “Children are being killed and injured, too report. It said the family had been trapped in north, according to Ahmad Hiso Araj, an official afraid to go to school or even play, surviving with Masaken Hanano. with the Syrian Democratic Forces. little food and hardly any medicine,” said UNICEF The Lebanese Al-Manar TV channel reported The government’s push, backed by thousands Executive Director Anthony Lake. “This is no way from the neighborhood Sunday morning, showing to live — and too many are dying.” of Shiite militia fighters from Lebanon, Iraq, and workers and soldiers clearing debris against a back­ Iran, and under the occasional cover of the Russian Activists also reported Sunday tens of civilian drop of bombed-out buildings on both sides of a air force, has laid waste to Aleppo’s eastern neigh­ casualties from a presumed government or Russian wide thoroughfare. Al-Manar is operated by borhoods. airstrike on a village outside Aleppo. Hezbollah, the Lebanese militant group aligned An estimated quarter-million people are trap­ with the Syrian government. T heLocal Coordination Committees activist net­ work in Syria reported 15 civilians killed in a ped in wretched conditions in the city’s rebel-held The Kurdish-led Syrian Democratic Forces’ eastern districts since the government sealed its Russian airstrike on the village of Anjara, controlled advance into Bustan al-Basha dealt the opposition a by the opposition in the western Aleppo country­ siege of the enclave in late August. Food supplies further blow. are mnning perilously low, the U.N. warned side, and tens of others wounded. Activists usually Thursday, and a relentless air assault by government Rebels and opposition figures have long accu­ identify planes by their silhouettes and home base. forces has damaged or destroyed every hospital in sed the SDF and its predecessor groups of conspi­ The Observatory said the strike was accompa­ the area. ring with the government to quash a nationwide nied by raids on other opposition-held villages in revolt. R esidents in east Aleppo said in distressed mes­ the Aleppo countryside. sages on social media that thousands of people Araj denied there was any coordination bet­ Meanwhile, Anadolu also reported Sunday that were fleeing to the city’s government-controlled ween government and Kurdish-led forces. the Islamic State group had used chemical weapons western neighborhoods, away from the govern­ “We were responding to calls from residents in against Turkish-backed Syrian opposition fighters ment’s merciless assault, or deeper into opposition- Bustan al-Basha to secure the neighborhood,” he in northern Syria, wounding 22. The report cited a held eastern Aleppo. said. He added the SDF had entered the area handily statement by the chief of general staff’s office. The “The situation in besieged Aleppo [is] very very as rebel militants fled. report could not be immediately verified indepen­ bad, thousands of eastern residents are moving to A leppo used to be Syria’s largest city and com­ dently. the western side of the city,” said Khaled Khatib, a merce capital before its neighborhoods were Later Sunday, Turkey’s emergency relief direc­ photographer for the Syrian Civil Defense search- devastated by the country’s more than five-year­ torate, which investigated the claim, said it found no and-rescue group, also known as the White long civil war. trace of chemical warfare. The military was not Helmets. The U.N.’s child agency warned Sunday that available for further comment. “Aleppo is going to die,” he posted on Twitter. nearly 500,000 children were now living under Elsewhere in Syria, Israeli aircraft struck a The Britain-based Observatory, which monitors siege in Syria, cut off from food and medical aid, machine gun-mounted vehicle inside the country the conflict through a network of local contacts, said mostly in areas under government control. That Sunday, killing four Islamic State-affiliated mili­ around 1,700 civilians had escaped to government- figure has doubled in less than a year. tants on board after they opened fire on a military controlled areas and another 2,500 to Kurdish Many are now spending their days under­ patrol on the Israeli side of the Golan Heights, authorities. ground, as hospitals, schools and homes remain vul­ according to the Israeli military. ■ More than 250 civilians have been killed in the nerable to aerial bombardment.

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L E F IG A R O lundi 21 novembre 2016 Comment Erdogan a fait main basse sur le pouvoir

bien au-delà des milieux accusés blique de 1923, que l’ex-enfant du peu­ d’avoir fomenté le putsch. Ainsi, des ple, issu des masses musulmanes Delphine Minoui professeurs se trouvent à nouveau dans pieuses, n’a jamais cessé de défier. (a>DelphineMinoui le collimateur du pouvoir pour avoir si­ « Mais Erdogan est également un vérita­ ^ Correspondante a Istanbul gné, l’année dernière, un appel à la paix ble animal politique, prêt à tous les cal­ Ê dénonçant l’usage disproportionné de culs pour renforcer son pouvoir », estime la force dans le conflit qui oppose, dans Nicolas Cheviron, coauteur d'Erdogan. PROCHE-ORIENT « Un don de le Sud-Est, les forces de sécurité aux Nouveau père de la Turquie ? (Éditions Dieu. » C’est en ces termes que le pré­ rebelles kurdes du PKK (Parti des tra­ François Bourin). D’où cette nouvelle sident islamo-conservateur Recep vailleurs du Kurdistan). Limogeage, alliance contre-nature avec les ultrana­ Tayyip Erdogan s’est empressé de passeport annulé, campagne de déni­ tionalistes du Parti MHP. Un mariage de qualifier le putsch raté au lendemain grement sur les réseaux sociaux... La circonstance visant à consolider encore de la tentative de coup d’État du pression est multiforme. Profitant de plus son pouvoir en soumettant à réfé­ 15 juillet dernier. Le soulèvement mili­ l’état d’urgence, le président Erdogan rendum son projet de régime prési­ taire, imputé à son ex-allié, le pré­ gouverne par décrets ayant force de loi. dentiel. Or, pour convoquer les élec­ dicateur en exil Fethullah Gülen, lui a En vertu de ces mesures d’exception, teurs aux urnes, il lui manque des voix effectivement donné les coudées fran­ c ’est lui qui nomme dorénavant les au Parlement. Pour séduire les députés ches pour nettoyer en profondeur l’ar­ recteurs d’université. « Un signe, parmi du MHP, il multiplie les coups d’éclat mée et l’appareil étatique. Pire : il lui a tant d’autres, d’une volonté de resserrer qui vont dans le sens de leurs idéaux : servi de prétexte idéal pour museler l’étau sur toutes les voix dissidentes », traque renforcée contre le HDP, accusé toute voix critique et décimer l’oppo­ souffle un professeur remercié. Dans d’être le bras politique dü PKK ; projet sition. En quatre mois, au moins cette épuration inédite, les médias ne de rétablissement de la Reine de mort 110 000 personnes ont été suspendues, sont pas en reste. Au total, 170 organes (abolie en 2004). Au risque de faire licenciées ou arrêtées. Faut-il pour de presse ont été réduits au silence et voler en éclats le fragile processus autant y voir une volonté, comme le 150 journalistes placés en détention d’adhésion à l’Union européenne. craignent ses opposants laïcs, d’im­ selon l’Association des journalistes de poser un régime islamique et de réa­ Turquie. L’opposition est également ERDOGAN EST-IL liser son vieux rêve néo-ottoman ? Ou ciblée. Une dizaine de responsables et IEN TRAIN DE TOURNER plutôt la soif de pouvoir du nouveau de députés de la mouvance de gauche DÉFINITIVEMENT maître de la Turquie, prêt à toutes les prokurde HDP (dont les deux coleaders LE DOS L’EUROPE ? manœuvres politiques pour régner du parti) sont actuellement sous les A d’une main de fer sur son pays ? verrous. La dérive autoritaire de la Turquie n’a fait que refroidir encore plus les rela­ QUI SONT LES TURCS QUEL EST L’OBJECTIF tions avec Bruxelles. Elles étaient déjà DE CETTE SPIRALE au plus mal, notamment en raison du I TOUCHÉS I refus de l’Europe de lever les visas pour PAR LA RÉPRESSION ? PUNITIVE? les Turcs en échange de l’application de La purge vise avant tout les milieux De toute évidence, le président turc a l’accord négocié sur les migrants. Erdo­ gülenistes ou présupposés proches du eu peur, cette fameuse nuit du 15 au gan menace désormais d’organiser un prédicateur exilé aux États-Unis et ac­ 16 juillet. Peur pour sa vie. Peur, aussi, référendum en 2017 sur la poursuite ou cusé d’être l’instigateur du coup d’État. de perdre ce pouvoir conquis au fil des non des négociations concernant l’ad­ Dès les premières semaines qui ont années, de la mairie d’Istanbul en 1994 hésion du pays à l’UE qui ont officielle­ suivi la tentative de putsch, un grand à la présidence, en 2014, en passant par ment commencé il y a douze ans. Alors nettoyage s’est opéré au sein de l’ar­ la création de l’AKP (le Parti de la justi- qu’il boude l’Ouest, le nouveau maître mée, de la fonction publique, de la po­ , ce et du développement) et le poste de de la Turquie se tourne vers l’Est : il se lice et du système judiciaire. Selon un premier ministre. Certains observa­ réconcilie avec la Russie, attire les in­ rapport parlementaire présenté fin teurs évoquent même la hantise du vestisseurs saoudiens, envoie ses septembre par une députée d’opposi­ syndrome Morsi. En 2013, le coup troupes dans le nord de la Syrie. Pour la tion CHP, le Parti républicain du peu­ d’État militaire contre le président première fois cette année, la Turquie ple, le nombre de personnes arrêtées a égyptien issu des Frères musulmans, et n’est pas passée à l’heure d’hiver - et dépassé 50 000, rien qu’entre le 17 août élu démocratiquement, a été vécu s’est donc rapprochée un peu plus de et le 17 septembre. Plus de 12800 poli­ comme un traumatisme. « Pour Erdo­ ses nouveaux amis. « L’histoire de la ciers ont été mis à pied et plus de 4 500 gan, son sort est lié à celui de Morsi. H est Turquie est en train de devenir la saga militaires limogés, y compris des hauts persuadé que s ’il faiblit, il subira le même déchirante d’une démocratie musulmane gradés (près de la moitié des généraux destin », remarquait récemment le po­ naissante qui tourne le dos à sa chance et amiraux turcs ont été écartés). Les litologue Bayram Balci. D’où cette vo­ historique d’aller vers le progrès pour se écoles militaires ont été fermées. Au lonté de revanche. Contre son ex-allié, contenter d’un modèle familier de despo­ moins 3390 magistrats ont été démis de Fethullah Gülen, dont il laissa sciem­ tisme au Moyen-Orient, succombant à leurs fonctions. Des milliers d’ensei­ ment les fidèles infiltrer les rouages de un culte rétrograde de la personnalité », ; gnants ont été mis au pas. Des associa­ l’État pour se débarrasser de la vieille s’inquiète la chercheuse et journaliste i tions démantelées. Des hommes d’af­ garde militaire - avant qu’il ne se turque Asli Aydintasbàs dans une tri­ faires suspectés d’être liés à Fethullah retourne contre lui. Contre les journa­ bune publiée dans le Washington Post. Gülen ont été arrêtés. Quelque 500 en­ listes, accusés d’ « insulte au président » Pour autant, Ankara et Bruxelles ont treprises ont vu leurs biens confisqués. dès qu’ils s’avèrent trop critiques. trop de dossiers en commun pour se Mais cette épuration affecte des cercles Contre l’élite laïque, héritière des va­ tourner complètement le dos. La Tur­ de plus en plus larges de la population, leurs d’Atatürk, le « père » de la Répu­ quie, qui reste un membre historique de

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POtan, joue un rôle important dans la avec le Parti des travailleurs du Kurdis­ Turquie ressemble à un gros camion qui lutte contre l’organisation de l’État tan, forces de sécurité et rebelles du a perdu ses freins. Espérons qu’Erdogan islamique. À ce jour, elle héberge près PKK s’y livrent une guerre féroce. se ravise, avant qu’il ne soit trop tard », de 3 millions de réfugiés (essentielle­ Éprise de revanche face aux tanks et souffle le directeur d’une ONG. ■ ment des Syriens) et s’est engagée à les aux canons, la guérilla kurde, autrefois garder sur son sol pour qu’ils ne rejoi­ cantonnée aux montagnes, démultiplie gnent plus les côtes grecques. Quant au les attentats en zone urbaine - y com­ Au total processus de réunification avec Chypre, pris dans les grandes villes. À cela, dont elle occupe le nord depuis 1974, il s’ajoute la menace djihadiste qui pèse est toujours en cours. aujourd’hui sur la Turquie. Longtemps accusé de collusion avec certains CETTE STRATÉGIE groupes, Ankara participe activement DE LA TENSION, aux frappes de la coalition internatio­ I nale contre l’organisation de l’État isla­ EN INTERNE COMME mique. Fin août, l’armée turque est en­ EN EXTERNE, N’EST- trée de plain-pied dans la guerre ELLE PAS RISQUÉE ? syrienne en lançant, au Nord, l’opéra­ tion « Boucher de l’Euphrate », en col­ Tandis que l’espace politique se rétrécit laboration avec la rébellion syrienne de plus en plus, laissant place au dis­ modérée et l’appuie de la coalition. De cours omniprésent de l’AKP, la Turquie quoi l’exposer encore plus aux ripostes d’Erdogân est également embarquée de Daech. Depuis l’attentat de juin der­ dans un conflit meurtrier qui fait rage nier contre l’aéroport d’Atatürk (im­ dans le sud-est du pays. Depuis la rup­ puté à Daech), le tourisme a chuté et les ture, en 2015, des négociations de paix investissements sont en berne. « La

Attribués ou revendiqués par l'État islamique ijjr Attribués ou revendiqués par les militants kurdes ~ç-r" ■Ire* Nombre de tués 150 km Tbilissi ® Mer Noire

Istanbul Erevan ® ® Bakou Ankara s-f m Mer o Van Caspienne D iyarbakir*; Mydiat Sendinli ■Tabriz r . c*izre ? TURQUIE Adana Gazlant| | ^ S u ru ç ^ Ç in f r #

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Un Parlement acquis à Erdogan Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) Parti républicain du peuple (CHP, social- démocrate kémaliste) Parti de l'action nationaliste Parti (MHP, extrême droite) démocratique des peuples (HDR gauche MHP 4 0 prokurde)

39 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti L E F IG A R O lundi 21 novembre 2016 Gérard Chaliand : « La libération de Mossoul ne mettra pas un terme au djihadisme»

qui est i’êpicentre stratégique du pays PROPOS RECUEILLIS PAR L’EI pourrait-il reconnaître sa défaite ? avec son chapelet de villes majeures MARIE-LAETITIA BONAVITA Certainement pas. Son objectif que sont pour l’essentiel Alep, (Smlbo est de tenir au maximum à Mossoul Damas, Homs et Hama. Les Etats-Unis et de transformer se sont engagés mollement bien sa défaite finale que l’initiative LE FIGARO.- Vous revenez en victoire des environs de Mossoul. du président héroïque, ce qui Quel est l’état des différentes forces ? Obama préserverait l’aura de parvenir Gérard CHALIAND. - Je reviens, du mouvement. en effet, de la pointe avancée des forces à un accord avec La bataille va durer kurdes qui nettoient les derniers l’Iran leur réduits où les combattants de l’État plusieurs mois. Les civils vont permettra islamique (El) sont retranchés. sans doute souffrir davantage de jouer les arbitres entre chiites et sunnites. Les Kurdes enregistrent des pertes que la majorité des combattants Sur ce point, la nouvelle présidence relativement élevées, dues entre autres dont le nombre, du côté de PEI, fie Donald Trump favorisera plutôt aux mines antipersonnel et aux tireurs s’élèverait à 5 000 hommes. Lorsque d’élites embusqués. Mais les Kurdes Raqqa sera tombée à son tour, le camp sunnite et Israël. La Turquie d’Erdogan reste un électron libre ne participent pas aux combats l’emprise de l’EI sur un vaste territoire aux initiatives intempestives mais proprement urbains car Mossoul n’est cessera. Contrairement à ce que pas un territoire kurde. C’est la mission la plupart des journaux ont annoncé, dont la seule logique est d’écraser de l’armée irakienne chiite, qui connaît jamais Daech n’a contrôlé en Syrie les Kurdes ou de leur nuire, qu’il s’agisse du Parti des travailleurs des pertes très lourdes. Les islamistes un territoire grand comme sont bien organisés et disposent la Grande-Bretagne. En outre, du Kurdistan (PKK) en Irak d’un système élaboré de tunnels les deux tiers du pays sont désertiques ou du Parti de l’unioh démocratique (PYD) en Syrie. permettant de prendre l’adversaire et la population dépendant de Daech à revers par surprise. L’EI n ’est pas n’a sans doute jamais atteint un million une simple organisation terroriste de personnes. Pour autant, depuis deux Qùel avenir pour les Kurdes ? Contrairement à leur situation de propagande en phase avec ans, l’EI n’est pas la seule organisation durant la Première Guerre mondiale, les nouvelles technologies djihadiste en Syrie. L’éclipse de Daech les Kurdes sont aujourd’hui de communication, de théâtralisation - dirigé par des sunnites irakiens largement connus et demeurent de l’horreur. C’est aussi une et composé, depuis la prise de Mossoul, les acteurs de leur histoire. Toutefois, organisation révolutionnaire, de nouvelles recrues venant de divers bien structurée techniquement, pays musulmans et ne parlant pas ils en payent le poids. Contrairement aux Persans ou aux Turcs, ils n’ont pas qui use de méthodes à la fois de guérilla l’arabe syro-libanais - profite de tradition étatique. Us vivent et de bataille classique. Enfin, l’EI, à al-Qaida. Jabhat al-Nosra était sur un territoire divisé, sans accès qui contrôle la population sa branche syrienne. Ce mouvement, à la mer et enclavé entre des pays et l’administre avec un minimum qui prétend aujourd’hui ne plus être viscéralement hostiles. Malgré leurs de services sociaux, exerce affilié à al-Qaida, s’appelle désormais constantes révoltes au cours du dernier une emprise très forte sur les jeunes Fatah al-Sham. C’est lui qui dirige siècle, ils continuent à être réprimés. écoliers-combattants (13 ans) le combat pour Alep et coiffe à l’heure Cela dit, ils n ’ont jamais intériorisé de'demain. actuelle toutes les autres organisations y compris celles directement soutenues leur défaite. La démographie aidant, par les Américains. Il existe aussi les voilà qui reprennent le combat. d’autres mouvements djihadistes L’avenir semble davantage appartenir aidés par l’Arabie Saoudite, le Qatar au Kurdistan d’Irak - qui ne dérange et la Turquie et que les journaux, ni les États-Unis ni la Turquie particulièrement anglo-saxons, - qu’au PKK et aux Kurdes de Syrie appellent «forces de l’opposition » qui ont intérêt à terme à chercher ajoutant ainsi un peu plus de confusion la protection de l’Iran. Quant à un dossier complexe dans lequel à la perspective de l’indépendance les alliés se montrent tout aussi dans l’une des quelconques zones ambigus. kurdes, elle reste un objectif mobilisateur, mais nullement Peut-on envisager réalisable dans les circonstances des perspectives de paix ? présentes.

Franchement, elles restent éloignées. Peut-on miser à terme sur la fin Chacun des camps, à tort ou à raison, de l’idéologie djihadiste ? pense pouvoir améliorer davantage Une idéologie ne disparaît pas sa situation en poursuivant la guerre aisément. Après l’effondrement plutôt que par des négociations. des nationalismes panarabes Les djihadistes, forts de leurs et des socialismes, l’Arabie Saoudite ENTRETIEN différents appuis, se disent a fait pendant trois ou quatre décennies Le géopoliticien, spécialiste des conflits*, que le temps travaille en leur faveur. un travail de sape. Celui-ci a été souligne que l'affaiblissement de l'État islamique Le régime syrien, même s’il a perdu réactivé par l’arrivée au pouvoir profitera, en Syrie, à al Qaida. des soldats âlaouites, contrôle toujours, (Je Khomeyni et l’exacerbation avec l’aide russe, la région côtière de l’antagonisme entre sunnites

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et chiites qui date de la succession la création de l’EI d’Irak et de Syrie. encore beaucoup. Si cette dynamique du prophète. La dynamique djihadiste, qui a essaimé produit une perturbation importante, Succédant aux événements en Syrie côtière, au Sinaï, au Yémen, elle ne représente toutefois pas une du 11 septembre et à la guerre dans la province du Nangarhar menace existentielle pour le statu quo en , l’insurrection en Syrie en Afghanistan, est encore loin mondial. ■ a été une aubaine. Elle a permis, d’avoir épuisé sa trajectoire. *Auteur de : « Pourquoi perd-on avec l’aide logistique de la Turquie Les islamistes du monde arabe la guerre ? Un nouvel art occidental » dont les frontières sont ouvertes ont fait perdre beaucoup de temps (Éd. Odile Jacob, mars 2016). aux combattants et aux trafics, à leurs sociétés et vont en fane perdre

GULF - NEWS I November 24 2016 Kurds and Shi’ite forces to coordinate in push to encircle Mosul

By Isabel Coles, Saif Hameed and man for the U.S.-led coalition, refer­ Ulf Laessing | ERBIL/BAGHDAD, ring to Islamic State. "They have Iraq / Nov 24, 2016 abeady lost the effective ability to move in large numbers, but now this K urdish and Shi'ite forces near has been made more difficult for Mosul have agreed to coordinate them." their operations in support of a U.S- Mosul is already ringed to the backed offensive seeking to encircle north, south and east by baqi and capture Islamic State's last major government forces and Kurdish pesh­ urban stronghold in Iraq, U.S. and merga forces, baq's U.S.-trained Iraqi officials said on Thursday. Counter Terrorism Service breached The agreement will restrict the Islamic State defences in east Mosul movement of the jihadists in and out at the end of October and is battling of Mosul and aid the attempts of the to expand its foothold in the city. forces ranged against them to com­ THOUSANDS FLEE plete the encirclement of the city The offensive to take Mosul star­ from the western side, according to Men push a cart in front of a building destroyed during clashes the officials. ted on Oct. 17 with air and ground support from a U.S.-led coalition. It betxveen Iraqi forces and Islamic State fighters in Mosul, Iraq It came after Iraqi Kurdish and is turning into the most complex November 24, 2016. REUTERS/Goran Tomasevic Shi'ite fighters linked up near the campaign in Iraq since the 2003 inva­ Islamic State-held town of Tal Afar, sion that toppled Saddam Hussein. west of Mosul, on Wednesday in an town, which is mostly populated by Shaghati, told reporters in Bartella, advance that cut the militant group's The baqi military estimates there ethnic Turkmen. one of the first villages taken from supply route from the rest of the ter­ are 5,000 to 6,000 insurgents in Islamic State in the offensive. "One Mosul facing a 100,000-strong coali­ The exodus is worrying humani­ ritory it holds in western Iraq and tarian organisations as some of the of the challenges we face ... is the Syria. tion of baqi government units, presence of civilians." Kurdish peshmerga and Shi'ite mili­ civilians are heading into insurgent Islamic State retaliated with a tias. territory, where aid cannot be sent to Nearly 69,000 people are registe­ massive truck bomb in Hilla, hun­ them, provincial officials said on red as displaced by the fighting, dreds of kilometres from the front Islamic State leader Abu Bakr al- Wednesday. moving from villages and towns lines, which are in Iraq's far north. Baghdadi, believed to have with­ around the city to government-held drawn to a remote area near the Those fleeing Tal Afar are Sunni The attack on Thursday killed about Muslims, who are in a majority in areas, according to U.N. estimates. 100 people, most of them banian pil­ Syrian border, has told his fighters there can be no retreat. Nineveh province in and around The figure does not include the grims returning from the Shi'ite holy Mosul but a minority in Shi'ite-majo- thousands of people rounded up in city of Kerbala, according to police A prominent Popular rity baq. Tal Afar also had a Shi'ite villages around Mosul and forced to and medical sources. Mobilisation leader, Abu Mahdi al- community, which fled in 2014 when accompany Islamic State fighters to The agreement between the baqi Mohandes, said on Wednesday his Islamic State, an ultra-hardline Sunni cover their retreat towards the city as Kurds and Shi'ite groups was reached forces had reached a junction where group, swept through the region. human shields. It also does not at meeting between commanders of Kurdish peshmerga forces were include the 3,000 families which have deployed in Sinjar, close to Syria. Abadi tried to allay fears of eth­ Kurdish peshmerga forces deployed nic and sectarian killings in Tal Afar, fled Tal Afar. in Sinjar, west of Mosul, and Hadi But Islamic State remains in saying any force sent to recapture it Earlier this month, the bodies of al-Amiri, the leader of the banian- control of the 60 km (40 mile) road would reflect the city's diversity. at least 20 people killed by Islamic backed Badr Organisation. between Mosul and Tal Afar, which MOSUL TUNNELS State were hung up across Mosul- is hindering the forces battling the five crucified at a traffic junction - to Badr is the biggest component of Islamic State fighters in Mosul jihadists from completing the encir­ warn residents against cooperating a coalition of Shi'ite forces known as are dug in among more than a mil­ Popular Mobilisation who are assis­ clement of Mosul from the west. with the baqi military. lion civilians as a tactic to hamper air ting the U.S. backed offensive seeking Mohandes said Popular "Mosul's residents are part of the Mobilisation units would next try to strikes. They are moving around the Mosul's capture - regarded as a major city through tunnels, driving suicide security forces. They are cooperating step in dismantling Islamic State's separate Mosul from Tal Afar, which with us," said Counter Terrorism lies on the route between Mosul and car bombs into advancing troops and self-styled "caliphate". hitting them with sniper and mortar Service commander Shaghati. "They Raqqa, the jihadists' main city in "The joining of these forces fire. give us information." ♦ greatly reduces the freedom of move­ Syria. Thousands of civilians fled Tal "We are controlling large parts of ment of ISIL insurgents in and out of the eastern side," the commander of Mosul," said Air Force Col. John Afar this week as Popular the Counter Terrorism Service, Talib Dorrian, a Baghdad-based spokes­ Mobilisation forces close in on the

41 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti L E F IG A R O lundi 21 novembre 2016 Opération « Eagle Strike » contre Daech

Alain Barluet (â>abarluet

Envoyé spécial à al-Udeid (Qatar)

S ur la base d’al-Udeid, au Qatar, un bâ­ timent trapu aux allures de bunker abrite le système nerveux des opéra­ tions aériennes de la coalition contre Daech en Irak et en Syrie. Vingt-qua­ tre heures sur vingt-quatre, sept jours v y - dP » sur sept, le' Centre des opérations aé­ p . riennes interalliées (Combined Air and Space Ope­ rations Center, ou CAOC) planifie et conduit au ni­ veau tactique l’activité des avions et des drones qui Le centre des opérations aériennes interalliées surveillent et frappent les combattants de l’État is­ situé sur la base d’al-Udeid, au Qatar. lamique (El), notamment à Mossoul et à Raqqa. Avec 36 Rafale, la France est actuellement À l’extérieur, sous un ciel chauffé à blanc, la tem­ le deuxième pays contributeur de la coalition pérature peut atteindre 57 degrés au plus chaud de l’année. Dans les bureaux climatisés et sans fenêtres du CAOC s’activent près de 1400 militaires, dont 1100 Américains. Les membres de la coalition Toutes les opérations (64 pays, l’Otan et l’Union européenne) y ont des représentants, surtout la dizaine de nations qui aériennes de la coalition Avec la bataille de Mossoul - dont le nom de code fournissent des avions (Grande-Bretagne, Belgique, est « Eagle Strike » - et celle de Raqqa, ce sont au Pays-Bas, , Australie, Nouvelle-Zélande, contre Daech total plus d’ùne dizaine d’opérations qui sont me­ Allemagne, Danemark, Italie, Jordanie...). La Fran­ nées simultanément au, Levant, pour frapper Daech ce est actuellement le deuxième pays contributeur dans la bataille de dans la profondeur, limiter* sa liberté de de la coalition avec 36 Rafale (*), six en Jordanie, six manœuvre, détruire ses sources de financement, aux Émirats arabes unis et 24 embarqués sur le Mossoul - dont le nom ses flux logistiques, ses usines et ses stocks d’engins Çharles-de-Gaulle en Méditerranée, ainsi qu’un explosifs improvisés (IED)... Chacune de ces mis­ avion de surveillance Atlantique 2. Le détachement de code est « Frappe sions aériennes est programmée et conduite au français à al-Udeid comprend une trentaine de mi­ CAOC. Celui-ci agit en lien direct avec le comman­ litaires, essentiellement de l’armée de l’air. de l’aigle » - et sur dement interarmées interalliés (CJTF-HQ), basé à La salle des opérations est le cœur du CAOC. Cet­ Koweït. C’est à ce niveau, appelé « opératif », que te « war room » ultrasécurisée à laquelle Le Figaro a l’ensemble de l’Irak sont fixées les priorités, répartis les moyens et exceptionnellement eu accès ressemble à une vaste qu’est dirigée la manœuvre d’ensemble de l’opéra­ cuve, occupée par des dizaines d’opérateurs et ta­ et de la Syrie sont tion « Inherent Resolve » (OIR) au Levant - avec pissée de cinq écrans géants. Ces derniers retrans­ ses trois composantes (air, terre, forces spéciales). mettent en temps réel les images des drones et indi­ dirigées depuis le centre L’opération « Chammal » en est le volet français. quent la position de tous les aéronefs (chasseurs, L’arme aérienne a joué un rôle majeur dans l’ar­ ravitailleurs, drones...) en vol au Levant mais aussi de commandement rêt de l’expansion de Daech et son affaiblissement dans le golfe Persique et en Afghanistan. Le CAOC, progressif. Ces derniers mois, c’est largement grâce structure permanente, est en effet le « bras armé » interalliés de la base aux frappes aériennes que l’EI a dû céder 40 % du du commandement de l’US Air Force pour la région territoire sur lequel il fondait la légitimité de son « Centre » (AFCENT), qui s’étend de l’Égypte au d’al-Udeid, au Qatar, «califat». Doté au départ des institutions d’un Pakistan... Toutefois, « l’Irak et la Syrie ont pris une proto-État et de capacités militaires quasi conven­ importance croissante depuis deux ans, parce que que « Le Figaro » a été tionnelles, Daech a été Contraint de changer de vi­ c’est là que nous déployons une activité offensive, sage pour redevenir un acteur terroriste asymétri­ avec pour objectif la protection et la stabilisation du que, comme en témoigne l’évolution récente de ses Moyen-Orient », explique le directeur du CAOC, le exceptionnellement modes d’action - attentats kamikazes, véhicules brigadier général canadien Alain Pelletier. piégés (VBIED), snipers, tirs indirects de mortier... autorisé à visiter. « Notre présence permanente dans les airs donne Drones et avions de chasse la liberté d’action aux forces terrestres irakiennes et Sur les écrans, la concentration des points de cou­ kurdes et nous détruisons tous les points de résistance leurs au niveau de Mossoul et de Raqqa témoigne de qu’elles rencontrent », relève le colonel Michel, qui la depsité du trafic aérien et des priorités opéra­ commande la composante aérienne française de tionnelles. Les chiffres sont impressionnants. Une l’opération «Chammal/OIR». «L ’ennemi est sous douzaine d’aéronefs (drones armés, et avions de une pression constante depuis les airs. Nous le sur­ chasse) tournent en permanence au-dessus de la veillons en permanence et il subit nos frappes dès qu’il deuxième ville d’Irak, prêts à frapper Daech et à se montre », ajoute l’officier supérieur français. soutenir les troupes iraldennes à l’offensive. Cha­ Depuis août 2014, la coalition a effectué que jour, 60 à70 aéronefs, dont une dizaine de dro­ 16 000 frappes, dont un millier par la France (6 %), nes armés, une dizaine d’avions de surveillance et ce qui représente plus de 2 000 bombes et missiles. de reconnaissance, à l’image de l’Awacs français Depuis deux ans, le rythme des frappes françaises déployé le mois dernier, environ 30 avions de - au nombre de 289, le 13 novembre 2015 - s’est ac­ chasse et 20 ravitailleurs en vol décollent pour céléré encore après cette date pour atteindre Mossoul depuis les bases aériennes de la coalition 1000 frappes fin novembre, plaçant la France à au Proche-Orient, à Chypre, en Turquie ou des presque 10 % environ du total sur l’année écoulée. porte-avions français et américain en Méditerra­ Début novembre, 63 % des missions aériennes en née et dans le Golfe. Au total, en Irak et en Syrie, la Irak étaient menées par les États-Unis, 15 % par la lutte contre Daech mobilise quotidiennement France et 9 % par les Britanniques. « La France ap­ 150 aéronefs dont 20 à 30 drones armés, 60 à porte à la coalition des capacités importantes, son 70 avions de chasse, 30 à 40 ravitailleurs en vol. expertise et son professionnalisme », se félicite le

42 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti feu vert au déclenchement d’une frappe française. ceux de la coalition jusqu’en Irak fait l’objet d’une général Pelletier. Au CAOC, on constate que l’acti­ Assisté en permanence d’un conseiller juridique attention particulière. Une frappe « délibérée » est vité aérienne ne faiblit pas. En revanche, le nombre (Legad), il exerce le contrôle national sur les prévue pour l’après-midi : un hôpital en construc­ de frappes a diminué dernièrem ent, du fait.de l’at- frappes françaises en veillant à ce qu’elles respec­ tion utilisé comme dépôts de munitions par Daech trition de Daech et de la raréfaction des cibles. La tent les directives nationales et le droit des conflits à al-Qaim, sur la frontière irako-syrienne. Un dos­ physionomie des opérations dans les abords de armés. Il s’agit en particulier d’éviter les risques de sier d’objectif a été constitué durant des semaines, Mossoul à forte densité de population contribue dommages collatéraux. Si le risque de victimes grâce à de multiples capteurs (drones, avions de également à réduire le nombre de frappes. civiles est jugé trop élevé, l’officier français n ’auto­ chasse...) et des spécialistes (renseignement, cibla­ Au total, toutefois, les frappes destinées à ap­ risera pas la destruction d’une cible par des avions ge, munitions...). Quatre F18 américains et deux puyer les troupes au sol (« close air support ») res­ français. Dans les situations d’urgence, la décision Rafale sont prévus pour cette mission. La cible sera tent majoritaires par rapport aux frappes planifiées peut être prise en boucle très courte, une dizaine de détruite par des bombes d’une tonne. sur des objectifs (appelées frappes délibérées ou minutes entre la demande d’appui et le déclenche­ Sous la pression de la coalition, Daech tente de « Air Interdiction » (AI). Lorsque les troupes au ment de la frappe, voire de façon immédiate, par faire diversion avec des actions de rezzous (« hit contact réclament un appui aérien, elles appellent exemple dans le cas d’un véhicule piégé se and run », dit-on aujourd’hui), comme à Kirkouk, une « cellule de frappe » (« strike cell ») - l’une dirigeant vers des imités amies. Côté français, on le mois dernier. Dans les faubourgs est de Mossoul, d’entre elles est située à Erbil - , qui envoie un dro­ est particulièrement vigilant. «Nous cherchons ses combattants profitent de l’environnement ur­ ne et décide d’autres moyens à engager au profit systématiquement à éviter les pertes civiles car cela des combattants au sol. Les avions de chasse qui as­ bain pour s’infiltrer entre les unités des forces ira­ fait partie de notre éthique et parce que c’est confor­ kiennes qui tentent de faire leur jonction. « Nous surent une présence permanente dans le secteur me au droit des conflits armés qui l’interdit », allons continuer à mener des frappes contre Daech peuvent être sollicités. À défaut, en quinze minu­ souligne-t-on. Récemment, l’autorisation n’a pas dans la ville», assure le général Alain Pelletier. tes, une patrouille peut « basculer » de Raqqa à été donnée pour une frappe contre un VBIED Mossoul, à peine plus longtemps si elle doit se ren­ Pour le directeur du CAOC, la « coalition dispose stationnant à proximité d’une mosquée un vendre­ d’une arme aérienne suffisamment précise pour at­ dre dans la haute vallée de l’Euphrate. La « cellule di, jour d’affluence. de frappe » sert d’interface entre le terrain et le teindre seulement ses cibles et minimiser les risques CAOC qui autorise l’engagement du feu. Briefing matinal de dommages collatéraux». Selon les plans de la À al-Udeid, le colonel Michel est investi d’une Le détachement français est réuni en briefing mati­ coalition, le contrôle de la partie orientale de la ville redoutable responsabilité. Il est « red card hol­ nal autour du colonel Michel : point de situation sur devrait prendre encore plusieurs semaines. ■ der », c’est-à-dire en capacité de brandir un les différents « théâtres », missions du jour... L’ac­ (*) Le Rafale est fabriqué par le Groupe Dassault, « carton rouge », ou au contraire de donner son tivité des avions russes qui viennent «flairer» propriétaire du Figaro

Le Point 24 NOVEMBRE 2016 Ankara met en cause Damas après la mort de 3 soldats turcs en Syrie

AFP le 24/11/2016 www.lepoint.fr affirmé qu'elle s'était produite dans la région de la ville syrienne d'al-Bab contrôlée par l'EI. risquait d'entraîner la Turquie "dans un proces­ L'Observatoire syrien des droits l'Homme, sus extrêmement dangereux". L a Turquie a pour la première fois mis Autrefois prompts à dénoncer les bombarde­ en cause le régime du président une ONG qui dispose d'un réseau de sources sur le terrain, a pour sa part fait état d'un nombre ments contre les civils en Syrie, les dirigeants Bachar al-Assad après la mort jeudi de turcs ont protesté du bout des lèvres contre le trois soldats participant à l'opération indéterminé de soldats turcs tués dans une attaque de l'EI "mercredi après-midi" à l'est de la pilonnage des quartiers rebelles d'Alep (nord) menée par l'armée turque dans le nord de ville d'al-Bab. par l'armée syrienne, avec le soutien de Moscou. la Syrie. Ankara a lancé, le 24 août, une intervention L'opération turque, lancée en août, vise à Mais le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a affirmé en début de soirée que le sans précédent dans le nord de la Syrie pour repousser les jihadistes de l'organisation Etat appuyer des rebelles syriens contre le groupe El islamique (El) et les milices kurdes vers le sud. com m uniqué de l'arm ée turque m ettant en cause le régime syrien restait "valable" et promis que et les milices kurdes YPG. Le gouvernement turc soutient activement Quinze soldats turcs ont été tués depuis le l'opposition syrienne qui tente de renverser le cette attaque serait suivie de "représailles", sans autre détail. lancement dans le nord de la Syrie de l'opéra­ président Assad, que le chef de l'Etat turc Recep tion, baptisée "Bouclier de l'Euphrate", selon un Tayyip Erdogan qualifie régulièrement de - 'PROCESSUS EXTRÊMEMENT DANGEREUX' décompte de l'AFP. "monstre aux mains recouvertes de sang". Le président Erdogan a déclaré mardi que Mais Ankara a quelque peu modéré sa rhéto­ Le bombardement imputé au régime syrien illustre les risques de débordement liés à la par­ les rebelles syriens soutenus par Ankara étaient rique anti-Assad depuis le réchauffement de ses "aux portes d'Al-Bab", ville aux mains de l'EI. relations avec Moscou, un temps mises à mal par ticipation -directe ou indirecte- de plusieurs puissances étrangères dans le conflit en Syrie, Une fois cette ville prise, "nous irons à Minbej", la destruction d'un bombardier russe par l'avia­ a-t-il ajouté, en référence à une ville tenue parles tion turque il y a tout juste un an. Ankara a devenue le terrain d'une lutte d'influence entre plusieurs acteurs régionaux. milices kurdes. depuis intensifié sa lutte contre les jihadistes et Les Etats-Unis appuient, au grand dam les milices kurdes en Syrie. La nouvelle de la mort des soldats turcs a plongé Ankara en état d'alerte, selon les médias d'Ankara, ces milices kurdes qu'ils considèrent "Trois frères d'armes héroïques sont tombés locaux. M. Yildirim s'est entretenu avec le minis­ comme une force locale efficace pour combattre en martyrs et 10 (...) ont été blessés dans une tre de la Défense et le chef d'état-major. l'EI. attaque aérienne dont nous estimons qu'elle a La Turquie a également menacé à plusieurs été menée par les forces du régime syrien", a Le président Erdogan a prononcé jeudi un long discours, mais n'a pas évoqué les soldats reprises d'intervenir dans le nord de l'Irak pour indiqué l'état-major turc dans un communiqué empêcher les rebelles séparatistes kurdes de publié sur son site. tués en Syrie. Les autorités turques ont imposé une inter­ Turquie (PKK) de prendre pied dans la région de Cette attaque s'est produite à 03H 30 locales diction de diffuser des images relatives à cet inci­ Sinjar. (00H 30 GMT), a précisé l'armée turque, ajou­ dent. Le gouvernem ent irakien a lancé le mois der­ tant que les soldats blessés avaient été "prompte­ nier une offensive majeure pour chasser l'EI de ment évacués de la zone pour être soignés". Le chef du principal parti d'opposition turc, Kemal Kiliçdaroglu, a exhorté le gouvernement Mossoul, son fief dans le nord de l'Irak, que des L'armée n'a pas précisé dans quel secteur turc à agir avec "bon sens", ajoutant que l'affaire milices chiites ont isolé mercredi en coupant cette attaque a eu lieu mais les médias turcs ont l'axe qui le reliait à Raqa, en Syrie. •

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le îT lo n d e MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016 La méfiance grandit entre lM iance atlantique et la Turquie Plusieurs Etats membres s’inquiètent du rapprochement entre Erdogan et Poutine et des interventions contre les Kurdes en Syrie

ANALYSE « Ce que disent quement liés au PKK en lutte ar­ mée contre Ankara depuis 1984. LE CONTEXTE R ien ne va plus entre la ou font les Vingt- La Turquie avait proposé de parti­ Turquie et l’OTAN, où les Huit n’a guère ciper à l’offensive contre la place interrogations sur la fia­ forte syrienne de l’ôrganisation bilité de ce pilier du d’effet sur Ankara, Etat islamique (El) à condition que UN PILIER DE L’OTAN flanc sud-est de l’Alliance devien­ qui n’a plus les FDS n’en soient pas.- La Turquie a adhéré à l’OTAN nent de plus en plus palpables. Si «Je ne crois pas que la nouvelle en 1952, en même temps que la l’assemblée parlementaire de l’or­ d’illusion administration américaine voudra Grèce. Son armée de quelque ganisation, qui s’est tenue les 20 et sur le processus mettre les Kurdes hors jeu del’équa- 550000 hommes est, en effectif, 21 novembre à Istanbul, a donné tion syrienne comme le voudrait la seconde de l’Alliance, après l’occasion d’afficher une solidarité d’adhésion à l’UE» Ankara», note Soli Ôzel, éditoria­ celle des Etats-unis, mais Ankara de façade avec un allié crucial, la liste et professeur de relations in­ ne contribue qu’à 4% des pro­ AHMET INSEL méfiance ne fait que croître de ternationales. D’où la tentation de grammes financés en commun politologue part et d’autre. L’intervention de la Turquie de continuer à faire ca­ et envoie environ 200 officiers l’armée turque dans le nord de la valier seul en Syrie. Sans Moscou, dans les structures de comman­ Syrie et les tensions avec les com­ elle n’aurait pas pu lancer son opé­ dement. Plusieurs crises ont battants kurdes soutenus par plicité » des Occidentaux et en ration contre l’EI, mais surtout ébranlé les relations entre Washington suscitent une irrita­ premier lieu de Washington avec contre les Kurdes syriens afin l’OTAN et la Turquie, notamment tion croissante parmi nombre Fethullah Gülen, l’imam réfugié d’éviter qu’ils prennent le contrôle lors de l’invasion, en 1974, dù d’Etats membres, inquiets du rap­ en Pennsylvanie depuis 1999, qu’il de la plus grande partie des quel­ nord de Chypre par l’armée tur­ prochement amorcé depuis août accuse d’être le maître d’oèuvre du que 800 kilomètres de frontière. que. Le refus d’Ankara, en 2003, entre le président turc, Recep coup d’Etat raté. de laisser passer les forces amé­ Tayyip Erdogan, et son homolo­ L’élection de Donald Trump à la Moyens de pression ricaines pour l’invasion de l’Irak gue russe, Vladimir Poutine. L’an­ Maison Blanche va probablement «Les Etats-Unis sont théorique­ a entamé la relation de con­ nonce, le 18 novembre, par le mi­ changer la donne, au moins dans ment un allié, ce qui implique un fiance avec les Etats-Unis. nistre de la défense turc, de discus­ l’immédiat. Pressenti pour deve­ lien de confiance qui, avec l’admi­ Pilier du flanc sud-est de l’Al­ sions avec Moscou pour la possi­ nir son conseiller à la sécurité na­ nistration Obama, n’existe plus; liance, la Turquie héberge, sur la ble acquisition d’un système de tionale, l’ex-général Michael Flynn avec la Russie, les relations se si­ grande base d’Incirlik, des bom­ défense antimissile S 400 ne con­ ne cesse de répéter que la Turquie tuent sur un tout autre plan, sur la bes nucléaires américaines. tribue pas à apaiser les esprits. «est une source de stabilité dans la base des seuls intérêts récipro­ région », « vitale» pour les intérêts ques», résume Ufuk Ulutas, direc­ « Bon vieux temps » américains. Il n’hésite pas à com­ teur du think tank Seta très in­ à même de maintenir l’ancrage oc­ L’ampleur de la répression - y parer Fethullah Gülen à l’ayatollah fluent sur la politique moyen- cidental de la Turquie alors que le compris dans les rangs de l’ar­ Khomeyni et évoque son expul­ orientale de 1AKP, le parti islamo- processus d’adhésion à l’UE se mée - menée depuis le coup d’Etat sion. Le vice-président élu, Mike conservateur au pouvoir à Ankara. trouve bien mal en point. raté du 15 juillet suscite un malaise Pence, assure quant à lui que «les Il enfonce le clou: «Nous misons, «Ce que disent ou font les Vingt- croissant au sein d’une Alliance relations avec Ankara vont revenir comme les Russes, sur une stratégie Huit h’a guère d’effet sur Ankara, qui se veut aussi fondée «sur une à ce qu’elles étaient au bon vieux du fait accompli sur le terrain. » qui n’a plus aucune illusion sur communauté de valeurs». ««La temps ». Mais la lune de miel pour­ Mais l’année turque, la deuxième l’avenir de ce processus; en revan­ poursuite des putschistes ne dis­ rait tourner court. Les contentieux de l’OTAN, est ébranlée par les pur­ che, l'OTAN dispose de réels moyens pense pas la Turquie de respecter les avec Washington sont nombreux. ges. Les résultats de l’opération de pression en étant la seule vraie règles de l'Etat de droit», souligne Peu après le putsch raté, certains «Bouclier de l’Euphrate», lancée garantie de sécurité pour la Tur­ uhvdiplomate, alors que le secré­ experts américains posaient fin août, sont mitigés malgré les quie», relève Ahmet Insel, univer­ taire général Jens Stoltenberg re­ ouvertement la question de la sé­ moyens engagés. sitaire et auteur, notamment, connaît que « des officiers turcs tra­ curité des dizaines d’armes nu­ Une fois de plüs, l’OTAN, dont la de La Nouvelle Turquie d’Erdogan vaillant dans les structures de com­ cléaires américaine sur la grande Turquie est membre depuis 1952, (La Découverte, 2015). Cela est vrai mandement de l’OTAN ont de­ base d’Incirlik, dans le sud de la est devenue la caisse de résonance par rapport aux: pays voisins ; vrai mandé l'asile dans les pays dans Turquie, qui pourraient tomber des hauts et des bas de la relation aussi quant aux conflits internes lesquels ils travaillent». entre les mains de «forces hostiles avec Washington. Cela avait été le et aux risques d’un durcissement Accepter ces requêtes signifie­ ou terroristes». Mais, surtout, la cas en 2003, après le refus de l’AKP du combat avec la rébellion kurde. rait, pour les capitales concernées, stratégie arhéricaine en Syrie, en d’autoriser les forces américaines Les capitales occidentales sont res­ reconnaître que ces militaires ne tout premier lieu celle du Penta­ à utiliser son territoire pour l’inva­ tées muettes, à l’hiver 2015-2016, peuvent attendre aucune justice gone, mise à fond - notamment sion de l’Irak de Saddam Hussein, face aux opérations des forces de équitable dans leur pays. La ten­ pour la reconquête de Rakka - sur ou en 2011, lors de l’intervention sécurité contre les insurrections sion reste feutrée mais s’avère bien les Forces démocratiques syrien­ en Libye à laquelle la Turquie était urbaines lancées par le PKK dans réelle, d’autant que le président nes (FDS) hégémonisées par les ouvertement hostile. L’OTAN n’en plusieurs villes du sud-est. ■ turc ne cesse de dénoncer la « com- Kurdes syriens du PYD, organi­ reste pas moins un levier essentiel, MARC SEMO

44 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti jCelïlondc Turquie : le Parlement européen pour DI 24 NOVEMBRE 2016 1le « gel I » des J négociations/ *1* d IJ adhesion T» ✓ • Les eurodéputés dénoncent, dans une résolution consultative soumise au vote jeudi, la dérive autoritaire du président Erdogan

St r a s b o u r g - envoyée spéciale tés « risque de jeter de l'huile sur le du groupe du Parti populaire geants refusent de le reconnaître feu», redoutent quelques sources européen (PPE, droite) du Parle­ ou de romDre en bonne et due près des mois de relatif A parlementaires, tandis que ment européen, présent à Stras­ forme les tractations. Certains re­ silence, l’Union euro­ d’autres estiment qu’il n’est plus bourg, mardi, « chaque semaine, il doutent que M. Erdogap ne répli­ péenne (UE) va peut-être possible de ne pas dénoncer offi­ se passe des choses terribles en Tur­ que en n'appliquant plus l’accord enfin commencer à tirer les con­ ciellement les purges qui ont suivi quie, nous ne pouvons pas conti­ sur les migrants signé en mars, clusions des dérives autoritaires le coup d’Etat et qui n’ont pas cessé nuer les négociations, nous devons pour laisser de nouveau passer les du président turc, Recep Tayyip depuis, s’étendant aux journalis­ envoyer un signal clair, il faut qu’el­ réfugiés vers la Grèce et l’UE. Erdogan. Les élus du Parlement les soient gelées ». D’autres chefs d’Etat et de gou­ européen ont débattu, mardi tes et aux députés prokurdes, alors que le président turc semble vou­ «Nous ne pouvons pas dire d’un vernement craignent qu’en arrê­ 22 novembre, d’une résolution ap­ loir tourner le dos à l’UE et à ses va­ côté que nos valeurs sont d'une im­ tant les négociations d’adhésion, pelant au «gel» des négociations leurs démocratiques. portance cruciale et de l’autre sim­ l’UE n’accélère la dérive du pays d’adhésion entre l’UE et la Turquie. M. Erdogan a d’ailleurs évoqué, plement continuer de négocier vers un régime dictatorial. En Le vote devrait avoir lieu jeudi et la il y a quelques jours, la tenue d’un avec Ankara », a souligné pour sa donnant de la voix à leur place, le résolution, soutenue par les prin­ part Guy Verhofstadt, le patron Parlement de Strasbourg va-t-il cipaux groupes politiques de l’hé­ référendum sur le processus d’ad­ hésion si aucune décision n’était des libéraux à Strasbourg. les pousser à sortir du bois ? Rien micycle strasbourgeois, a de bon­ prise par Bruxelles d’ici à « la fin de Plus prudent, le chef de file des n’est moins sûr: selon plusieurs nes chances d’être adoptée. sociaux-démocrates, Gianni Pit- diplomates bruxellois, le Conseil Cette prise de position n’a l’année» sur la suite des négocia­ tions. Il a suggéré, pendant le tella, a exprimé son souci que l’Eu­ européen, à l’exception notable aucune valeur légale : pour que les rope «ne ferme pas la porte» à la de lÂutriche, veut éviter à tout négociations soient officiellement week-end des 19 et 20 novembre, que son pays devrait cesser de Turquie : «Le gel des négociations prix d’être rendu responsable de suspendues, c’est au Conseil euro­ doit être provisoire, beaucoup de la rupture du processus d’adhé­ péen de statuer. Mais le signal poli­ s’obstiner et se tourner plutôt vers l’Asie et l’Organisation de coopéra­ Turcs continuent de se tourner vers sion. Le président turc a réagi tique est important, à un moment tion de Shanghaï, regroupant la l’Europe, il ne faut pas les trahir. » mercredi 23 novembre, assurant où les relations entre Bruxelles et Chine, la Russie et les ex-Républi- Le gel des négociations officiali­ que le vote annoncé du Parlement Ankara se sont fortement dégra­ ques soviétiques dAsie centrale. serait une situation de fait: le sur le «gel» «n’avait aucune dées, après le putsch avorté contre processus d’adhésion, démarré valeur» à ses yeux. ■ M. Erdogan, le 15 juillet. en 2005, n’avance pratiquement CÉCILE DUCOURTIEUX La mise en sommeil des négocia­ «Envoyer un signal clair» Pour Manfred Weber, le président plus depuis 2013. Il a certes été re­ tions réclamée par les eurodépu­ lancé en décembre 2015, à la suite Mandat d’arrêt contre un chef kurde syrien d’un premier accord entre Ankara et Bruxelles destiné à endiguer La justice turque a émis, mardi 22 novembre, un mandat d’arrêt l’afflux de migrants transitant par contre le responsable kurde syrien Saléh Muslim, dont les forces la Turquie vers la Grèce, Mais combattent l’organisation Etat islamique en Syrie avec l’appui depuis, rien n’a bougé. des Etats-Unis. Il est accusé avec 48 autres personnes, dont les A Bruxelles, Berlin et Paris, plus leaders du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebelles kur­ personne ne croit à une Turquie des turcs), d’être impliqué dans un attentat contre un convoi mi­ européenne dans un avenir prévi­ litaire commis à Ankara en février. «Personne ne va prendre cette sible. Mais, pour l’instant, les diri­ décision au sérieux», a réagi Saleh Muslim.

X t M r n â t MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016 Les forces spéciales progressent lentement à l’est

Plus d’un mois après le déclen­ gulières ont libéré de nombreux chement de leur offensive sur villages et continuent de progres­ Mossoul, le 17 octobre, les forces ser en direction des faubourgs spéciales irakiennes continuent avec l’aéroport en ligne de mire. de progresser lentement dans Au nord-est, les peshmergas l’est de la ville dont elles contrôle­ (combattants kurdes) sont posi­ raient un tiers des quartiers, se­ tionnés à une dizaine de kilomè­ lon le Pentagone. Une progres­ tres de la cité. A 60 km à l’ouest, sion lente due à la nécessité de les milices essentiellement chiites consolider leurs positions pour se de la'Mobilisation populaire sont protéger des méthodes de harcè­ arrivées aux portes de Tal Afar lement des combattants de l’Etat avec pour objectif de couper les islamique, essentiellement des voies d’approvisionnement de voitures piégées et des kamika­ Mossoul et empêcher l’EI de dé- zes, et sécuriser les habitations placer seS combattants entre la dans ces zones très peuplées. Syrie et l’Irak. Au sud de Mossoul, les forces ré­

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International^CcUi JJork Situes Fr i d a y , N o v e m b e r 25, 2016 Fleeing Mosul’s front lines

QAYYARA, IRAQ

Campaign to reclaim city has displaced 70,000, with thousands more at risk

BY SERGEY PONOMAREV AND TIM ARANGO Each day, dozens of families pick their way out, some carrying white flags even as they come under mortar or sniper fire from the Islamic State. Billowing black clouds from oil wells set on fire by mili­ tants provide a dystopian background to the scenes of flight; it is so bad south of Mosul that the sheep there have begun turning black. The military campaign to retake Mo­ sul, Iraq’s second-largest city, is in its Residents of Mosul leaving the city last week. Each day dozens of families flee, some sixth week and bogged down in a gru­ carrying white flags, even as they come under fire from Islamic State fighters. eling fight. Seeking to escape the fight­ ing, more civilians than ever are taking loved ones who had stayed behind. some camps and building more to ac­ the risk of evacuation, hoping to find A few weeks ago, Zakea Muhsin, 55, commodate perhaps hundreds of thou­ help if they can make it past the mili­ from the village of Topzawa near Mosul, sands more displaced civilians. tants’ gun range. saw her husband for the first time in Some fear that the increasing number The numbers tell one story: Almost more than two years. She hadn’t even of refugees, and theif vulnerability, 70,000 people have been displaced so been able to talk with him over those could bring another wave of sectarian far, roughly half of them children, ac­ months, as the Islamic State had banned revenge in a country rife with it. cording to the United Nations. But the communication with the outside world. Sunni extremists who would later exodus is really only getting started. “They told us, ‘If we find a cellphone identify with the Islamic State forged There could be a million more people on you, we will behead you,’ ” she said. their identity with the widespread still in Mosul, most clustered on the west But just as often, there is more sepa­ killing of Shiites during Iraq’s sectarian of the Tigris River, where the fighting ration, families cut off from one another civil war last decade, and again when has not reached. amid the chaos of battle. Last week, the militant group blitzed across Iraq in For those able to reach the aid camps Awad Abdullah, 47, who had left an area 2014, when Mosul and other cities were miles outside the city, there has been an south of Mosul and lives in a camp near seized. But the group’s sectarian focus initial glimpse of hope and relief. Some, Erbil, was grief-stricken because he did not keep it from oppressing Sunni ci­ like the displaced Iraqis at the Khazer could not find his parents. “I have not vilians under its rule. Now hundreds of camp outside Mosul, find that aid work­ heard from them,” he said. “I am always thousands of them are refugees, flowing ers and soldiers are quick to offer food, crying.” into areas like Iraqi Kurdistan, where handing out cookies or Iraq’s traditional As he spoke, an older woman ap­ they are met with suspicion and where diamond-shaped bread. proached with a sad story of a lost memories of abuses under Saddam But it is a particularly hazardous jour­ daughter. “Nobody knows where she is,” Hussein’s Sunni Arab oligarchy are still ney for military-age men. Fearing that she said. fresh. Islamic State fighters will try to escape When the battle began, everyone Today, the fighting drags on, and each by posing as civilians, the Iraqi forces hoped the Islamic State would abandon day there are more families trickling out are separating men from their families the city, as it had in Falluja. Instead, it of the battleground in a new Iraqi ritual for questioning. In past offensives, the dug in for a last stand. of coming and going. process proved ripe for abuse : The word With the fighting becoming ever more . When the Mosul offensive began in of an unnamed informant can be enough brutal and drawn out, humanitarian mid-October, some American officials to send a man to prison, leaving count­ workers are concerned that Iraqi forces quietly expressed hope that it might be less families wondering what happened will adopt more aggressive tactics, wrapped Up by the end of President to their husbands and sons. putting civilians at greater risk. Obama’s term. But most public esti­ As thè war against the Islamic State When the fight started, Iraqi officers mates envisioned a fight extending over has intensified, more than three million worried the Islamic State would destroy months, and that appears to be coming Iraqis — mostly Sunnis — are now the bridges over the Tigris that connect true. Many Iraqi officials now predict thought to be displaced. With most of east and west Mosul, cutting off trapped the fight could stretch into the spring, them still unable to return to their civilians. Now coalition warplanes are most likely making the battle, and its ef­ homes, even in cities reclaimed from the knocking the bridges out themselves to fect on Iraqi society, part of President­ Islamic State, like Falluja and Ramadi, prevent the Islamic State from bringing elect Donald J. Trump’s inheritance. • aid camps have had to serve as home. supplies and car bombs into the battle- Amid the worries, there are still scarred east. touching scenes of reunions at the Already, there is talk of an Aleppo- camps, as family members who had left style siege of the city center. And the two years ago are brought together with United Nations is busily expanding

46 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti LIvu\ November 28, 2016 Iranian Kurds fighting IS in Iraq put on alert Iran appears increasingly alarmed about the Iranian Kurdish separatists who are fighting the Islamic State alongside Iraqi Kurdish peshmerga.

AM Hashem November 28, 2016 www.al-monitor.com

O n one front, opposing sides have joined forces to fight the Islamic State (IS). The enormous differences among the de facto allies reflect how much each sees IS as an existential threat, and the importance they attribute to Iraq. While US warplanes carpet bomb positions of the group in Mosul and its surroundings, Iraqi security forces, Iran-backed Popular Mobilization Units and Iraqi Kurdish peshmerga all advance.

Iranian military commanders from the Islamic Revolutionary Guard Corps (IRGC), though outside the spotlight, lead the Popular Mobilization Units and are keen to achieve a victory that could be built upon in the broader regional strife. Yet, they aren’t the only Iranians on the Iraqi front. A group of Iranian Kurdish separatists opposed to the Iranian government is report­ ed to be fighting alongside the Iraqi Kurdish peshmerga, the armed forces Iranian-Kurdish female fighters operate a iveapon during a battle of the Kurdistan Regional Government (KRG), which is also an ally of Iran. with Islamic State militants in Bashiqa, near Mosul, Iraq, Nov. 3, The Iranian Kurdish group is made up of several movements, including the 2016. (photo by REUTERS/Ahmed Jadallah) Kurdistan Freedom Party (PAK) and the Democratic Party of Iranian Kurdistan (KDPI). saying, "The Iraqi Kurds should be mindful that if they enter political games against Iran, then they should not expect any more help from Tehran.” “A special forces team from our peshmerga forces, tasked with clearing land mines and other explosives, has been deployed to the front line A KRG statement dismissed the Iranian claims and warned that they could against IS outside Mosul,” said KDPI spokesman Loughman Ahmadi in an damage bilateral ties. The statement read, “We declare here loud and interview with Al-Monitor. In his telling, “It is a national duty to defend all clear that all the remarks by Yahya Rahim Safavi are incorrect and base­ parts of Kurdistan, and IS is currently posing a threat to [Iraqi] Kurdistan.” less.” It stated that the KRG hopes that Safavi's words do not reflect the He added, “Our peshmerga forces have more than 70 years of military official position of the Iranian government, with which Erbil has a joint experience. We have not received any military training by anyone except security committee in which issues of concern should first be discussed. our own instructors. We are not under any ‘umbrella.’ Our special forces The statement went on that the KRG was surprised by Safavi’s comments, are helping the peshmerga forces of the KRG.” as no such issues had been discussed in the joint committee.

A Sept. 8 report by the Associated Press quoted Hussein Yazdanpanah, a E ven though Safavi is known for his controversial stances, it’s important commander of the military wing of the PAK, as saying that his group has to understand the reasons behind the Iranian concern over the activi­ received military training and support from the United States as part of the ties of Kurdish separatist groups on the other side of the border. The international program to back Kurds in the war against IS in Iraq. Islamic Republic fears that these groups could be exploited by its enemies Yazdanpanah added that the fight against IS "was never an alternative to to create a nightmare on its borders and even within the country. An their struggle" against the Iranian government. The KDPI spokesman Iranian military source told Al-Monitor on condition of anonymity, “Iran is added in his interview with Al-Monitor, “Iran sees us as one of its main ene­ right now facing several threats, one from [IS] and the other from the sepa­ mies and would take every opportunity presented to attack us. The IRGC's ratist groups, and unfortunately these threats are coming mainly from the ground force commander stated previously that Iran will attack members western borders. Therefore, Iran will do whatever possible on the ground of our party and our peshmerga forces wherever and in whatever country to prevent the destabilization of its national security. But [our] friends are they can.” also expected to play a positive role and not give our enemies the chance to hit us in the back.” A senior Iranian official who spoke on condition of anonymity told Al- Monitor that Tehran has voiced its concern in a message to KRG The history of Kurdish separatism efforts is putting those concerned about President Massoud Barzani, without giving further details. Another Iranian Iranian national security on high alert. Indeed, it is not only Iran that is con­ official who asked not to be identified revealed that the Iranian message cerned, but also Turkey — and this is one of the main reasons that the two was direct and pointed: “Tehran won’t tolerate any threat to its border or nations have come together in the last few months. The memory of the any attempt to infiltrate our territories. The KRG will be held responsible for “Simko Shikak” revolt between 1918 and 1922 and later 1926, the 1946 any threat from their side, and this will have dire consequences on our establishment of the Republic of Mahabad in western Iran and separatism relations.” The Iranian official emphasized that Iran wants to maintain good in the aftermath of the 1979 Islamic Revolution all point to similar dynam­ relations with its Kurdish neighbors, but added, “We are looking forward to ics: Separatism flares when there are international or regional shake-ups, seeing the same eagerness from their side. It’s not acceptable to see ter­ or when the country is going through transitions. These years in the Middle rorist groups at large and even taking part in the war on terror when they East are a time of change and it might be that the momentum gained by themselves are terrorists.” the Syrian Kurds as they grew closer to announcing their regional govern­ ment in Rojava before the Turkish intervention produced such a chance.♦ On Nov. 7, a top military adviser to Iranian Supreme Leader Ayatollah Ali Khamenei was quoted as having warned the KRG against cooperating Ali Hashem is a journalist with a focus on Iran. He is the former Tehran bureau with a Saudi agenda of arming Kurdish separatists fighting the Iranian gov­ chief for the Arab news network Al Mayadeen, and a former reporter for Al Jazeera and the BBC. He writes extensively on Iran for Al-Monitor and Al Mayadeen and his ernment. Rahim Yahya Safavi, who previously served as the commander articles have appeared in . The Sunday Times, the Huffington Post, of Iran’s IRGC, said, “We warn the Barzanis against allowing the Saudi The National and Tokyo's Facta, among others. On Twitter: @aiihashem_tv consulate to supply arms to anti-Iranian [groups] in Northern Iraq.” He added that the Barzani family should not forget “they are indebted to Iran,"

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Æ tlX lfN là t 29 NOVEMBRE 2016 Percée décisive de l’armée syrienne à Alep-Est Des milliers d’habitants ont fui les quartiers nord-est de la ville, où les rebelles subissent défaite sur défaite militaires. Be y r o u t h - correspondance A Alep, les zones tenues par (à 9 heures) De nombreux résidents de [ J Forces pro-Bachar Al-Assad : Q ] Forces I I Forces E n quelques heures, la ba­ armees syrienne, russe, rebelles kurdes l'ouest d’Alep sont des déplacés taille d’Alep s’est accélér Hezbollah libanais venus de l’est, dont le départ s’est rée, et pour les partisans fait, pour beaucoup, autour .de du régime syrien, c’est 2013-2014. Au cours des dernières CH El KH- semaines, l’armée syrienne a une certitude : la chute des quar­ FORCES MAKSOUD HADARIYA tiers rebelles, dans cette ville où REBELLES multiplié les largages de flyers sur BOUSTANE l’issue des affrontements pour­ HANANU les quartiers orientaux, sommant AL-BACHA les civils de partir et les rebelles de rait changer le cours de la guerre, FORCES SAKHOUR JABAL se rendre. Elle a accusé les insur­ se rapproche. GOUVERNEMENTALES BADRO Portant un dur coup aux com­ BAB AL-HAID gés d’utiliser les habitants VIEILLE VILLE battants anti-Assad, les forces Université. , , . comme boucliers humains. Hotel de ville La série d’avancées des forces prorégime ont repris, lundi * Citadelle • • prorégime, depuis samedi, est la 28 novembre, quasiment tout le Grande nord de la partie rebelle, selon la Mosquée plus importante depuis la mi-no­ SALAHEDDINE télévision d’Etat et l’Observatoire vembre. Elle pourrait, si elle se FORCES poursuit, marquer un tournant syrien des droits de l’homme Aéroport REBELLES (OSDH). C’est l’objectif qu’elles dans la bataille. s’étaient fixé depuis le lance­ Reprendre Alep-Est, pour le pou­ ment de leur nouvelle offensive voir de Bachar Al-Assad, est une contre l’est d’Alep à la mi-novem­ priorité, ies ultimes progres­ sions, dans la ville, se doublent bre, violente : on dénombre plus SOURCES : AFP : http; "syria.liveuam ap.com ; Le Monde de 200 morts. aussi de gains territoriaux et de pilonnages dans la zone située à dimanche. Ils ont affirmé, sans affirme Rami Abdel Rahmane, di­ l’ouest d’Alep, où les rebelles «Exode» recteur dé l’OSDH. plus de détails, que les habitants avaient tenté, il y a quelques se­ L’armée et les milices pro-ira- Des militants de l’opposition qui avaient rejoint le quartier maines, une contre-offensive. niennes qui combattent à ses cô­ rapportent pour leur part, depuis d’Hananu étaient dirigés par les Selon un combattant du Hez- tés se sont emparées de plusieurs Alep, d’importants mouvements militaires vers « des lieux sûrs». bôllah rencontré à Beyrouth, et quartiers: celui d’Hananu, sa­ de civils à l’intérieur de la zone as­ qui vient de rentrer de ce front, les medi, puis de faubourgs voisins - siégée. Ces derniers, par centai­ opérations du camp prorégime dont Jabal Badro et Bab Al-Haid -, nes, tentent de trouver refuge sont «plus fructueuses, car il y a et enfin de Sakhour et d’Hadariya « Je n’ai pas dans les quartiers qui semblent enfin une meilleure coordination. lundi, isolant davantage les forces pouvoir être moins exposés aux de m ots Jusqu'ici, il y avait trop de “boss” - anti-Assad. bombardements du régime, no­ les Russes, les Syriens, les Iraniens, Cette série d’importants gains pour raconter tamment ceux proches de la ligne le Hezbollah - dans la bataille territoriaux a aussi une dimen­ le niveau de de démarcation qui divise Alep. sion symbolique, puisque Ha- « Je n’ai pas de mots pour raconter d’Alep, et cela a créé du chaos ». nanu reste comme le premier destruction, les le niveau de destruction, les bom­ Des milliers de combattants fi­ nancés par Téhéran ont été dépê­ quartier qui est passé, en 2012, bombardements, bardements, le manque de nourri­ sous le contrôle des rebelles, lors­ ture et de quoi se chauffer», témoi­ chés aux côtés des renforts de l’ar­ que l’ancienne capitale économi­ le manque de gne Monzer Etaki, un activiste. mée, appuyée aussi par les forces que du pays a, à son tour, basculé Depuis juillet, date à laquelle les russes. Pour les rebelles, Alep est nourriture... » la dernière grande ville - hormis dans la guerre. Depuis, la grande forces prorégime ont resserré leur bastion d’ - où ils sont ville du nord de la Syrie a été divi­ MONZER ETAKI l’étau autour de la zone rebelle, sée en deux, entre l’ouest tenu activiste syrien seule une poignée de civils déployés, et avec laquelle ils peu­ vent escompter peser encore par l’armée et l’est contrôlé par avaient quitté la ville, soit en rej oi­ les insurgés, cible d’innombra­ Al-Manar, la chaîne du Hezbol­ gnant les régions contrôlées par le dans la guerre. bles pilonnages par les aviations lah libanais, la milice pro-ira- régime, soit en sortant, au cours syrienne puis russe. nienne la plus puissante à se bat­ de l’été, par le corridor que les in­ « Apathie » du monde Mais les insurgés d’Alep, domi­ Ajoutant au revers essuyé par tre du côté du régime, montrait surgés étaient parvenus à ouvrir, les rebelles, les forces kurdes ont pour sa part dimanche des dizai­ au sud dAlep. nés par des groupes islamistes, sont de plus en plus acculés. pris plusieurs zones du quartier nes d’habitants - de vieux infir­ Les corridors dits «humanitai­ de Boustane Al-Bacha, dont une mes, des femmes tenant leurs en­ res », que Moscou et Damas ont Après avoir réussi à assiéger les partie est déjà aux mains des mi­ fants à la main, des hommes por­ affirmé mettre en place à plu­ quartiers rebelles, en juillet puis en septembre, les forces loyalis­ litaires. Le site prorégimè Al-Mas- tant de maigres bagages - en train sieurs reprises, ne permettaient dar News évoque une coopéra­ de quitter la zone de Jabal Badro pas une sortie sécurisée des ci­ tes ont progressivement gri­ gnoté du terrain aux périphéries. tion entre l’armée et les mili­ sous l’escorte de soldats, tandis vils. En octobre, un secouriste en ciens kurdes. que le bruit des canons rappelait zone rebelle affirmait connaître Les faubourgs ont été, fin sep­ tembre, la cible de bombarde­ Ces avancées, dans une ville au- la proximité des combats. de nombreux habitants désireux dessus de laqüelle s'élevaient di: Selon l’Observatoire syrien des d’échapper à l’enfer des bombar­ ments d'une violence inouïe par les avions de chasse russes et sy­ manche dès colonnes de fumée, droits de l’homme, près de 10 000 dements de l’est d’Alep, mais in­ ont provoqué la fuite ou le dépla­ personnes ont fui depuis samedi quiets de l’absence de garanties riens. La contre-offensive lancée cement interne de milliers de ci­ vers les zones gouvernementales du régime. Les civils des quar­ par les combattants anti-Assad, vils. Les médias d’Etat syriens ont ou vers le quartier kurde de tiers insurgés savent qu’ils se­ parmi lesquels ceux du Front Fa­ filmé des enfants évacués par des Cheikh-Maksoud. «C'est le pre­ ront soumis à un interrogatoire tah Al-Charn (l’ex-Front Al-Nosra, soldats, dans la nuit de samedi à mier exode de ce genre d’Alep-Est », des services de renseignement qui était affilié à Al-Qaida) sont

48 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti minoritaires mais puissants, a distribution de nourriture a n’avait pas reçu le feu vert de bien des façons, le plan B, c’est que tourné court. tourné à l’émeute. Et dans nom­ Moscou et de Damas - pas plus les gens mourront de faim». Avec Et les souffrances des civils - bre de quartiers, les vivres sont qué les demandes d’évacuations l’accélération des combats, les dé­ quelque 250000 selon l’ONU - inaccessibles à des habitants qui médicales. «Il n’y a plus de ra­ parts d’habitants, soumis aux pri­ dans les quartiers rebelles étran­ restent cloîtrés chez eux, de peur tions de l’ONU à Alep-Est. Tous les vations, pourraient se poursuivre glés par le régime n’ont cessé de des bombardements. hôpitaux ont été bombardés et depuis l’est d’Alep qui n’est plus, s’aggraver. Selon Raed Al-Saleh, le Les pilonnages ont aussi détruit touchés. Les besoins ne pour­ en bien des endroits, qu’un chef des casques blancs (des sau­ de nombreuses infrastructures raient pas être plus grands», dé­ champ de ruines. ■ veteurs en zone insurgée), si dans cette zone immense. clarait jeudi Jan Egeland, con­ LAURE STEPHAN aucune aide ne parvient d’ici dé­ Depuis les faubourgs rebelles, seiller pour les affaires humani­ but décembre dans l’est d’Alep, la les militants de l’opposition dé­ taires de l’émissaire de l’ONU famine s’installera. Les denrées noncent «l’apathie» et «l’inac­ pour la Syrie. se sont amenuisées, leur prix est tion » du monde face au martyre Sans l’aval de Damas et Moscou devenu vertigineux. Selon d’Alep. L’ONU avait annoncé, pour le plan humanitaire de l’agence Reuters, les rationne­ jeudi, qu’un convoi était prêt à re­ l’ONU pour Alep, accepté par les ments sont tels qu’une récente joindre l’est de la ville, mais qu’il rebelles, il s’inquiétait que, «par

L E F IG A R O le FIGARO samedi 26 - dimanche 27 novembre 2016 Erdogan menace l’UE de laisser passer les migrants Le président turc affirme qu’il ouvrira ses frontières si Bruxelles gèle les négociations d’adhésion d’Ankara à l’Union européenne.

ANNEANDLAUER ISTANBUL

TURQUIE À ceux qui accusaient l’Union européenne d’avoir cédé au « chantage » d’Ankara en concluant, en mars, un pacte sur les réfugiés, Recep Tayyip Erdogan vient de leur donner raison, dans un style qui lui est propre. « Vous avez hurlé quand 50 000 réfugiés sont arrivés à Kapikule (poste-frontière turco-bulgare, à deux pas de la Grèce, NDLR). Mais écoutez-moi bien, a lancé le président turc au lende­ main d’un vote du Parlement, européen demandant le gel des négociations de son pays àl’UE. Si vous allez plus loin, ces fron­ tières s ’ouvriront, mettez-vous ça dans la tête ! » La veille, son premier ministre, Binali Yildirim, avait agité la menace en des termes à peine moins abrupts ; « Que Tayyip Erdogan, lors d’une rencontre sur les femmes et la justice, vendredi, à Istanbul. se passera-t-il sans la Turquie ? Les réfu­ giés qui fuient la guerre au Moyen-Orient balayant les avertissements de l’UE, qui relations Turquie-UE à Tuniversité inonderont l’Europe et (les Européens) estime cette décision incompatible avec Kadir Has, considère Pultimatum du auront de gros problèmes. » une adhésion à TUE. président comme un encouragement à En échange; de divers efforts fournis « couper complètement les relations avec par Ankara - contrôle de ses frontières, Une rupture voulue l’UE ». « Erdogan veut cette coupure. Il réadmission de migrants échoués sur les Alors Tayyip Erdogan peut-il, comme il voit l’UE comme une forme de tutelle qui îles grecques... - la Commission et les l’affirme, ouvrir ses frontières et « inon­ l’empêche de réaliser toutes ses politiques États membres avaient promis de relan­ der » l’Europe ? Sinan Ülgen, directeur et il veut s ’en débarrasser, avance le cer les négociations d’adhésion, d’accé­ du Centre d’études sur les affaires écono­ chercheur. Mais il ne veut pas porter la lérer la libéralisation des visas Schengen miques et diplomatiques (Edam), n’y croit responsabilité du divorce car il sait que pour les Turcs, d’accueillir jusqu’à pas. Il soutient, en revanche, que « le deal l’adhésion à VUE reste désirée par une 72 000 Syriens réfugiés en Turquie et est déjà enterré en l’état » et qu’il « doit partie de l’opinion. » d’allouer 6 milliards d’euros à ceux qui être revu d’une manière plus minimaliste ». Le référendum « pour ou contre l’adhé­ restaient dans le pays (près de 3 millions « Après la décision du Parlement européen, sion », évoqué ces dernières semaines par de personnes). Un coup d’État manqué et le refus de la Turquie de modifier ses lois le chef de l’État, «n’aboiitirait pas une série de mesures de répression plus antiterroristes et le manque de volonté du forcément à une victoire du non», souligne tard, Ankara n’a jamais semblé si loin du côté de l’Europe pour la libéralisation des Serhat Güvenç. Sans compter qu’en cas de bloc européen. visas, il faut renégocier les conditions du rupture, les conséquences seraient coû­ Vendredi, le leader turc a même réaf­ deal et voir ce qui peut être réalistement teuses. « Une Turquie coupée de l’Europe firmé qu’il promulguerait le rétablis­ préservé », plaide cet ancien diplomate. serait un pays du tiers monde», prévenait sement de la peine capitale si le Parle­ Plus qu’un appel à secourir un accord récemment Mehmet Simsek, le vice-pre­ ment votait en faveur de cette mesure, en péril, Serhat Güvenç, spécialiste des mier ministre en charge de l’Économie. ■

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le Illon

L’armée syrienne et ses milices tiennent PERDRE ALEP, désormais près d’un tiers de la partie VILLE SYMBOLE, insurgée de l’ancienne SIGNERAIT LA PLUS capitale économique GRAVE DÉFAITE PEUT- de la Syrie. La chute de la ville marquerait ÊTRE DEPUIS LA CHUTE un tournant dans DES PRINCIPAUX le conflit QUARTIERS REBELLES D’HOMS EN 2012

BEYROUTH - correspondance Le pouvoir de Bachar Al-Assad ne s’est, ja­ des revers essuyés depuis samedi, quand les mais résigné à la perte des quartiers de l’est forces prorégime se sont emparées du vaste J amais, sans doute, le désespoir des dAlep, qui comptaient parmi les plus défavo­ quartier d’Hananu ainsi que d’autres fau­ civils n’avait été aussi grand dans risés de la ville. Avant d’être en mesure de lan­ bourgs voisins, des groupes rebelles les quartiers rebelles dAlep. Dans ces cer les offensives d’ampleur qui se sont suc­ - comme Jabha Chamia (« le Front syrien »), faubourgs assiégés, les bombarde­ cédé depuis le début de l’année, grâce au puis­ cité par l’agence Reuters - assurent que la ments menés par les forces du régime sant soutien aérien apporté par Moscou, les bataille s’annonce féroce dans les zones syrien et ses alliés sont dévastateurs, forces loyalistes n’avaient eu de cesse de ci­ qu’ils contrôlent encore, pour l'essentiel depuis leur nouvelle offensive lancée bler, au moyen de bombes barils, la partie dans le sud-est d’Alep. D’autres, en revanche, il y a quinze jours. Depuis samedi 26 novem­ orientale de la ville. Des frappes qui ont en­ insistent sur la pression à laquelle ils sont bre, plusieurs positions rebelles se sont effon­ traîné de vastes destmctions sans réellement soumis. L’offensive du régime est menée par drées sans véritable résistance. Alors que l’ar­ affaiblir, alors, une rébellion bien armée, des milliers de combattants financés par mée syrienne et sés milices tiennent désor­ composée en grande partie de combattants Téhéran - les hommes du Hezbollah libanais mais près d’un tiers de la partie insurgée, et locaux, et divisée en plusieurs groupes sou­ et les miliciens chiites irakiens en tête - aux que le désastre humanitaire s’aggrave, de tenus, selon leur bannière, par des parrains côtés de l’armée syrienne, qui a déployé dans nombreux habitants pressentent que le sort régionaux - Qatar, Arabie Saoudite, Turquie - la région d’Alep ses unités d’élite. de l’est dAlep est scellé. ou internationaux, Etats-Unis en tête. /Le rapport de forces s’était déjà profon­ «Si les bombardements se poursuivent avec «Mais, aujourd’hui, les combattants de l’op­ dément modifié en faveur du régime depuis la même intensité, et que le régime maintienne position sont isolés, estime Elias, Farhat, ana­ que la Russie avait volé au secours de son sa tactique de siège, la chute dAlep va s’accélé­ lyste militaire et ancien porte-parole de l’ar­ « protégé », en septembre 2015. Mais la chute rer», juge Bassam Al-Ahmad, un militant des mée libanaise. Leurs tentatives pour briser le d’Alep pourrait marquer un tournant décisif, droits de l’homme exilé en Turquie, qui re­ siège de l’est d’Alep [imposé en juillet, briève­ car l’opposition armée, qui s’est aussi cense les exactions commises par les acteurs ment levé en août, puis à nouveau en vigueur affaiblie dans les alentours de Damas, per­ du conflit syrien. Ville symbole, ancienne depuis septembre] ont toutes échoué. Chaque drait ainsi le principal champ de bataille qui capitale économique de la Syrie avant que perte humaine est cruciale: leurs effectifs ne lui permettait de peser militairement. Les son activité industrielle soit anéantie par les peuvent plus être reformés, pas plus que leur quelque 8000 rebelles d’Alep risqueraient combats, Alep est aujourd’hui l’épicentre de la stock d’armes ne peut être regarni. » alors de se retrouver cantonnés dans la pro­ guerre. Divisée en deux depuis 2012, entre vince voisine d’Idlib. quartiers loyalistes à l’ouest et faubourgs re­ 1DLIB, «TOMBEAU» DES REBELLES? Celle-ci est devenue un fief de l’Armée de la belles à l’est, séparés par une ligne de démar­ Pour les combattants anti-Assad, perdre Alep conquête, une alliance rebelle dominée par cation qui traverse la vieille ville, la cité revêt signerait une défaite majeure, la plus grave l’ex-Front Al-Nosra affilié à Al-Qaida et le aussi une place à part en raison de l’impor­ peut-être depuis la chute des principaux mouvement salafiste Ahrar Al-Cham, qui s’en tance de sa population: 1,5 million d’habi­ quartiers rebelles d’Homs en 2012, ville que était emparé au printemps 2015. C’est aussi le tants, dont là plupart résident aujourd’hui l’opposition avait surnommée la «capitale de lieu vers lequel ont été conduits les combat­ dans la zone gouvernementale. la révolution». Sans minimiser l’importance tants chassés de plusieurs poches rebelles -

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dans les régions de Damas ou d’Homs - au contre les Kurdes. Ankara a longtemps joué modérés ou radicaux, à une défaite. Au-delà terme d’« accords » locaux négociés avec le ré­ un rôle essentiel dans le conflit syrien, en lais­ des djihadistes, puissants mais minoritaires, gime. Cette province, depuis laquelle des ren­ sant passer à ses frontières les armes desti­ cible affichée des raids aériens russes, Mos­ forts étaient parvenus vers les quartiers in­ nées à la rébellion. cou n’a pas hésité à pilonner les infrastructu­ surgés d’Alep, en août, est aujourd’hui la cible Assiégée, affaiblie parle fiasco de sa contre- res de santé et l’ensemble de la zone rebelle, d’intenses bombardements russes. Des caci­ offensive à l’ouest d’Alep en novembre, divi­ faisant de nombreuses victimes civiles. ques du régime de Damas ont promis qu’Idlib sée par de récents affrontements internes, Avec les succès militaires engrangés par le serait le «tombeau» des rebelles. l’opposition armée a vu sa capacité d’agir di­ régime, le destin des quelque 250000 habi­ « OCCASIONS MANQUÉES » minuer. Pour Elias Farhat, l’isolement des re­ tants d’Alep-Est est en train de se jouer. Plu­ L’accélération de l'offensive à Alep est due, se­ belles d’Alep-Est s’explique aussi par les «oc­ sieurs milliers ont fui vers des zones sous lon plusieurs observateurs, au vide diploma­ casions manquées » par les combattants anti- contrôle gouvernemental ou tenues par les tique international ouvert par la transition Assad. «Ils se sont opposés aux différentes ini­ forces kurdes. De nombreux autres se sont présidentielle en cours aux Etats-Unis. La se­ tiatives : celle de Staffan de Mistura [l'envoyé déplacés à l’intérieur de la poche rebelle, en conde ville de Syrie est devenue, au fil du spécial de l’ONU pour la Syrie] pour obtenir le quête d'un lieu moins exposé aux bombar­ temps, l’un des principaux théâtres de la départ des djihadistes du Front Fatah Al- dements et aux combats de rue. guerre par procuration que se livrent les puis­ Cham [l’ex-Front Al-Nosra], celle de Damas et «Ce sont les civils qui paient le prix le plus sances étrangères en Syrie. de Moscou, qui avaient proposé des couloirs élevé de la bataille, déplore Bassam Al-Ah- Certains analystes, pro ou antirégime, re­ de sortie [pour les civils assiégés], estime l’an­ mad, consultant pour la Fédération interna­ laient aussi la thèse d’un abandon par la Tur­ cien militaire libanais. Les djihadistes ont im­ tionale des droits de l’homme. Ils sont utilisés quie des insoumis d’Alep, en vertu d'une en­ posé une ligne jusqu’au-boutiste. » Les appels comme des instruments. Le régime dit les éva­ tente supposée avec l'Iran et la Russie, en con­ à la reddition ou au départ de certaines fac­ cuer pour leur sécurité, l’opposition dit les pro­ trepartie d’un feu vert donné à ses opérations tions s’apparentaient, aux yeux des rebelles, téger et les Kurdes sont dans le même dis­ cours. » Il estime que le «déplacementforcé» de civils par le régime a déjà commencé. le Illorule MERCREDI 30 NOVEMBRE 2016 Amnesty International s’inquiète du risque de «représailles» qui pèse sur les habitants. L’organisation cite un activiste local, selon le­ Les Kurdes quel des familles vivant dans les quartiers d’Hananu et de Jabal Badro, repris par les for­ ces prorégime, sont terrées «dans leurs mai­ profitent de l’avancée sons et ont peur de se déplacer à cause de la présence partout de soldats du gouvernement syrien ». Les médias d’Etat ont pour leur part du régime de Damas filmé des opérations d’évacuation de civils vers des «lieux sûrs» mais inconnus, et le pouvoir syrien - comme Moscou - a accusé à A la faveur de la débâcle de l’opposition armée de multiples reprises les groupes rebelles de dans Alep-Est, les forces kurdes ont occupé tenir en otage les habitants. Le sort des Àlé- pins de l’est dé la ville est d’autant plus dra­ plusieurs quartiers évacués par les rebelles matique que les stocks de nourriture sont quasi épuisés, et que les moyens des secouris­ D es devantures de maga­ jeu du régime syrien. tes locaux se sont amenuisés. ■ sins éventrées, des murs Depuis trois jours, à la faveur de LAURE STEPHAN d’immeubles criblés l’effondrement de l’opposition d'impacts et des victimes qu’on armée dans Alep-Est, Tes forces évacue tant bien que mal vers un kurdes ont avancé et occupé plu­ habitants aient massivement fui forces qu’ils ont transférées vers le hôpital de fortune. A Alep, les mê­ sieurs quartiers d’Àlep-Est évacués vers leur zone de Cheikh-Maksoud nord-est [de la Syrie] pour partici­ mes scènes se succèdent, même si parles rebelles, dont celui de Bous- [nord d’Alep]», estime ainsi per à l'opération turque [«Bouclier les lieux changent. Lundi 28 no­ tane Al-Bacha, un de leurs anciens Bassam Al-Ahmad, consultant de l’Euphrate »] », rétorque M. Issa, vembre, au moins 6 personnes ont bastions. «Nous avons répondu pour la Fédération internationale qui qualifie ces groupes de milices été tuées et 13 autres blessées dans aux appels de résidents de Bous- des droits de l’homme. Fuyant «islamo-fascistes». un bombardement du quartier tane Al-Bacha pour sécuriser le l’avancée des troupes-dû régime Pour accréditer l’idée de contacts kurde de Cheikh-Maksoud. L’en­ quartier», assurait lundi le com­ syrien, plus de 6 000 habitants des directs entre Kurdes et troupes, du clave, située dans le nord de la ville, mandant militaire des YPG. «Les quartiers rebelles d’Alep-Est se régime, des comptes prorébelliôn est contrôlée depuis trois ans par rebelles ne laissaient pas les gens sont en effet réfugiés dans les zo­ ont diffusé une photo montrant le Parti de l’union démocratique partir, les YPG ont d’abord avancé nes sous contrôle des forces kur­ des drapeaux kurdes et gouverne­ (PYD), le parti dominant dans le pour ouvrir des couloirs de sortie des, qui disent avoir beaucoup de mentaux flotter de concert sur le Rojava, le Kurdistan syrien, et dont aux habitants, Après quelques ac­ mal à les accueillir et demandent toit d’un immeuble de Boustane la branche armée, les Unités de crochages, les groupes qui tenaient un soutien international. Al-Bacha, La bataille des mots et protection du peuple (YPG), est ces quartiers se sont retirés», ren­ Cette version est contestée par des images se poursuit, les roquet­ une émanation du Parti des tra­ chérit Khaled Issa, le représentant plusieurs groupes rebelles. «Les tes continuent de tomber et les ci­ vailleurs du Kurdistan (PKK) turc, du Rojava en France, qui assure factions [rebelles] se sont retirées vils tentent toujours désespéré­ en guerre contre Ankara. que ces forces ont l’intention de des quartiers dans lesquels sont en­ ment de fuir les lignes de front. ■ Les autorités kurdes n’ont pas garder sous leur contrôle ces nou­ trées les unités kurdes à cause de MADJID ZERRQUKY tardé à désigner le responsable : un veaux districts conquis : «Nous al­ l'intensité des bombardements du groupe rebelle arabe syrien de Kafr lons y rester pour organiser le sou­ régime et des Russes», assure le Hamrah, à une dizaine de kilomè­ tien à la population. Pour ce qui porte-parole du groupe salafiste tres au nord-est d’Àlep, qui aurait nous concerne, la population Ahrar Al-Cham à Alep, qui dé­ visé sciemment Cheikh-Maksoud d’Alep, c’est notre population. » nonce une «coordination entre et avec une volée de roquettes Grad. les Kurdes et les forces gouver­ La raison? Des représailles, voire Milices « islamo-fascistes » nementales dans la région». «Ils une vengeance contre les Kurdes, « Les Kurdes vont essayer de capita­ [les rebelles] étaient déjà affaiblis accusés par la rébellion de faire le liser en gain politiquele fait que des après avoir retiré une partie de leurs

51 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti L E F IG A R O mercredi 30 novembre 2016 Les chrétiens de la région de Mossoul s’interrogent sur leur avenir Qu’elles soient yazidies, catholiques ou chrétiennes orthodoxes, les minorités demandent une protection internationale pour leur retour dans les zones reprises à l’État islamique. ^ La situation militain 30 km

THIERRY OBERLÉ jfrcSThierr y Ober lé

IRAK Tandis que le canon tonnait au loin à Mossoul, des représentants des com­ munautés chrétiennes, yazidies et shaba- kes célébraient, voici quelques jours, la libération de Bachiqa. Il y avait parmi eux Dahuk des évêques catholiques et orthodoxes, le Baba Cheikh, le guide spirituel des yazi- dis, adeptes d’une des plus vieilles reli­ gions monothéistes du monde, et des di­ Barrage de Mossoul □ Tall Kaïf gnitaires de cultes ésotériques. Les pechmergas, les forces kurdes, venaient Tail Afar de conquérir le 7 novembre cette ville de Mossoul ® □ Bartalla la plaine de la Ninive, après quarante • Erbil Qaraqosh jours de rudes combats contre les djiha- Baajo distes. La victoire marquait la fin de l’acte ,'oAI-Quwayr I de la bataille de Mossoul. Elle a mis un terme à plus deux ans d’occupation de la Kurdistan autonome irakien région par les partisans de Daech. Qayyaral — Ligne de front le 17 octobre □ Makhmour Réfugiés dans des camps au Kurdistan irakien, ses habitants s’interrogent CONTRÔLE (OU PRÉSENCE) Kirkouki aujourd’hui sur leur avenir. Les maisons. , LE 28 NOVEMBRE 2016 Shàrqat» sont souvent détruites, les églises et les j | ■ Daech temples ravagés et de nombreuses fa­ Hawija milles yazidies sont toujours sans nouvel­ Forces gouvernementales irakiennes les des femmes devenues esclaves des IRA partisans de l’État islamique et de leurs Milices chiites soutenues par l’Iran complices. Forces kurdes Le plan de bataille mis au point à l’issue j (pechmergas et PKK à l'ouest) de longues négociations entre le gouver­ ;— Les régions faiblement peuplées nement du premier ministre irakien, apparaissent en clair sur la carte Haïdar al-Abadi, ét le président du Kur­ Tikrit ■ .''T,- distan irakien, Massoud Barzani, a été bération entre Irakiens et Kurdes, c’est fait voler en éclats la mosaïque confes­ scrupuleusement respecté. L’armée ira­ déjà nous affaiblir. C’est une solution sionnelle de la plaine de la Ninive. Qu’ils kienne et les forces kurdes se partagent le contre notre existence » maugrée Msr Yo- soient chrétiens, yazidis ou kurdes, les contrôle des territoires libérés. Le dra­ hanna Petros Mouché, archevêque syro- autochtones affirment de plus vouloir vi­ peau irakien flotte sur des villes chrétien­ catholique de Mossoul et Qaraqosh. vre avec les Arabes. Un retour à Mossoul nes comme Qaraqosh ou Bartella. Le dra­ La reconstruction s’annonce difficile où vivaient 10 000 chrétiens paraît im­ peau kurde est dressé sur les cités à tant sur le plan matériel que moral. La probable. La faillite de l’État irakien, les majorité yazidie. « Diviser les zonès de li- guerre de nettoyage ethnico-religieux a disputes territoriales entre Bagdad et Er­ bil, la capitale de la région autonome kurde tentée par l’indépendance et les risques de mutation de. Daech en entité terroriste clandestine rendent l’avenir incertain. Quel sera le statut des minori­ tés ? Qui assurera leur sécurité ? Avec quelles garanties ? Ces interrogations étaient vendredi au cœur d’un colloque organisé au Sénat par l’Institut kurde de Paris. De passage en La croix cassée de France où il a été reçu par François Hol­ l’église de Qaraqosh, lande, ainsi que par François Fillon, libérée de l'État Msr Pétros Mouché a réclamé une aide in­ islamique par les ternationale. « Nous avons besoin d’une troupes irakiennes, protection internationale ou du moins d’un le 26 novembre. comité international qui puisse nous assu­ THOMAS COEX/AFP rer la possibilité de vivre en paix et en sécu-

52 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti ri té » dit le prélat. « Nous voulons une ga­ De leur côté, « les Kurdes ont montré du n’a pas prévu, à ce stade, de se transfor­ rantie des pays occidentaux pour que le respect et de la sympathie et ont ouvert lar­ mer en force de protection. pouvoir central irakien assure nos droits et gement le Kurdistan (aux réfugiés NDLR), Les Nations unies se sont, pour leur notre défense. Vu la gravité et l’urgence de mais tous les Kurdes n’ont pas la même at­ part, penchées sur le sort des minorités la situation, nous vous supplions de faire titude. Certains sont gênés par notre pré­ en dénonçant en juin, sur la base des tra­ sence. Il y a unfanatisme chez les incultes », vaux d’une commission d’enquête, le ajoute Petros Mouché. « Notre peuple « génocide des yazidis » par l’État islami­ W Notre peuple n’a pas n’a pas le courage et l’audace de rentrer que. «R y a quelques jours, j ’ai prévenu le courage et l’audace de chez lui et de reconstruire et pense toujours' une mère de la localisation de sa fille escla­ rentrer chez lui et pense ùl’émigration. Et nous ne trouvons pas sage ve sexuelle de Daech à Tall Afar, un bastion et prudent de leur demander de rentrer. » islamiste. Elle m’a demandée laquelle : celle toujours à l'émigration. La question de l’envoi d’un contingent de 17 ans ou de 10 ans ? Je connais le cas Nous ne trouvons pas sage international, maintes fois réclamé par d’une fillette de 9 ans violée régulièrement et prudent de leur les représentants des minorités, n’a pas par des hommes devant sa mère. Le gou­ demander de rentrer jf été suivie pour l’instant d’engagement vernement kurde a dû créer un “bureau de ferme. En France, François Hollande rachat des yazidies’’ vendues comme du MONSEIGNEUR PETROS MOUSHÉ, ARCHEVÊQUE s’est déclaré prêt « à prendre ses bétail. On parle de réconciliation, mais qui SYRO-CATHOLIQUE DE MOSSOUL ET QARAQOSH responsabilités» et à «faire passer des a participé aux massacres et aux viols ? tout votre possible pour trouver une solu­ messages» pour faciliter le retour des Les voisins desyazidis. Comment la victime tion. Nous ne pouvons pas faire confiance à chrétiens. Mais depuis le début de son pourra-1-elle vivre à côté du bourreau ? » un État qui nous a trahis en ouvrant les intervention en Irak en août 2014, la se demande Vian Dakhil, députée yazidie portes de Mossoul aux djihadistes. Il a es­ coalition internationale a cherché à limi­ au Parlement irakien et figüre du sauve­ sayé de réparer sa faute, mais Bagdad est ter son action sur le terrain à un rôle tage des prisonnières de Daech. loin et nous avons un gouvernement fai­ d’appui militaire aux forces kurdes et Dans la région de Mossoul, des tracta­ ble » , explique-t-il. irakiennes contre l’État islamique. Et elle tions entre les émissaires du gouverne- +- Dr Yousif Mirkis:«Les Occidentaux n’ont pas de politique cohérente »

chrétienne irakienne après la guerre saire, mais pas suffisant. L’État islamique PROPOS RECUEILLIS A KIRKOUK PAR de 1991, sur tous les continents. L’ém i­ va disparaître, mais il faut trouver un ADRIEN JAUMES (SAdrienJaulmes gration est partout une souffrance. Elle moyen de sauver l’Irak, qui a tant souf­ contribue aussi à appauvrir spirituelle­ fert et souffre encore, d’abord du natio­ LE DR YOUSIF Thomas Mirkis est arche­ ment et matériellement nos pays. Que lès nalisme sous Saddam, puis des-idéologies vêque chaldéen de Kirkouk et Soulei- riches fuient avec leurs biens est moins religieuses depuis la chute de son régime. maniya. grave que le départ des intelligences. Comment l’Occident peut-il LE FIGARO. - Les chrétiens déplacés Est-il possible d’imaginer aider les chrétiens d’Irak de Mossoul et de sa région vont-ils un Irak sans chrétiens ? Les Occidentaux n’ont pas de politique pouvoir rentrer chez eux ? Je me demande parfois ce qu’il va rester cohérente. Ils acceptent d’accueillir les Dr Yousif Thomas MIRKIS. - C’est une des chrétiens en Irak. Je ne veux pas me réfugiés au nom de la règle du premier question prématurée. D’abord parce que arrivé, qui sont généralement les plus ri­ les combats ne,sont pas terminés, et parce WD y a derrière ches et les plus diplômés, et appauvris­ que beaucoup de maisons ont été dévas­ sent les pays qu’ils quittent. Èt le politi­ tées. Mais aussi parce que l’État islamique Daech des forces quement correct les ,a empêchés de n’est pas venu de nulle part. Beaucoup de puissantes, qui prendre en compte certains faits, comme ses membres sont des gens de Mossoul et se mêlent à des l’ampleur du phénomène qui sous-tend des environs, qui ont tué et pillé leurs' voi­ l’État islamique. Il y a derrière Daech des sins et ont pris leurs maisons. Combien de intérêts de pays étrangers 99 forces puissantes, qui se mêlent à des in­ temps faudra-t-il pour vivre à nouveau DR YOUSIF THOMAS MIRKIS térêts de pays étrangers. Les musulmans avec eux, pour les regarder de nouveau sont les dindons de la farce, en jouant en face ? Si les chrétiens peuvent renon­ dire que tout ira bien. Rien ne changera si avec l’islamisme et le wahhabisme, cer à la vengeance, d’autres, comme les on ne fait pas d’efforts pour reconstruire l’Arabie, les pays du Golfe et la Turquie yazidis, ne l’enténdentpas ainsi. le pays. Et l’on entend beaucoup d’idées sont en train d’entraîner le monde mu­ irréalistes. Celle de construire des ghettos sulman à sa perte. Les chrétiens envisagent-ils d ’ém igrer ? confessionnels, de créer des territoires Beaucoup de chrétiens y pensent. Je leur séparés pour chaque communauté, par La coalition qui se bat contre l’État dis que ce n ’est pas une solution. Le pro­ exemple, ne marchera pas. Tôt ou tard, islamique à Mossoul n’offre-t-elle pas blème avec l’émigration est qu’on n’en ces entités seront avalées par les plus quand même un peu d’espoir ? revient pas. Les chrétiens déplacés qui se puissants. Il y avait 1,2 million de chré­ Daech a eu pour effet de rapprocher tout sont réfugiés ici à Kirkouk ou dans les ré­ tiens en Irak en 2003, soit 3 % de la popu­ le monde, et j’espère que, des cendres de gions kurdes, ou dans d’autres pays du lation, mais 36 % des diplômes de m éde­ ce qui est en train d’être détruit, se lèvera Moyen-Orient, ne sont pas concernés de cine, et 40 % des diplômes d’ingénieur. une nouvelle génération. Je crois qu’un la mêm e façon. Ils sont dans la même Et ils ne vivaient pas dans des ghettos. Il sursaut est possible. Il y a des signaux en­ région linguistique et culturelle. En re­ en reste à peine 400 000, qui vivent pres­ courageants, comme lorsque le peuple vanche, ceux qui émigrent au loin, en que tous dans les régions kurdes. irakien va remettre des croix sur les égli­ Europe, aux Amériques ou en Australie, ses de Qaraqosh, qui donnent un peu prennent une décision irréversible. Que faut-il faire ? d’espoir. Ou plutôt de l’espérance, qui Quand on part loin, on ne rèvient plus. Je cherche à avoir une vision along ter­ est là toute petite vertu dont parle Péguÿ, Dès la deuxième génération, le lien est me. Loger, scolariser, régler les questions et qui dépasse les autres parce qu’elle est rompu. J’ai beaucoup visité la diaspora matérielles et administratives est néces­ la seule vertu qui regarde vers l’avenir. ■

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ment de Bagdad et les chefs de tribus ara­ bes sunnites ont conduit à un accord de Jne mosaïqt inique 30 km principe sur la remise aux autorités ira­ kiennes par les leàders tribaux des colla­ religieuse borateurs de l’État islamique. Mais pour Vian Dakhil, les problèmes de fond né se­ ront pas, pour autant, réglés. « Daech est dans la tête des gens. C’est une mentalité bien ancrée à Mossoul et dans les villages. Elle s’est implantée bien avant l'apparition de Daech avec l’éducation islamique et s ’est renforcée avec l’éducation djiha- diste », insiste la lauréate du prix Anna Dahuk Politkovskaïa. / 6 Rabiha Le futur statut des minorités dans leur région d’origine est également au centre des préoccupations. Chrétiens et yazidis Barrage de Mossoul □ réclament de pouvoir gérer de manière TalIKarf P» autonome les enclaves où ils sont majori­ □ Bachiqa Tall Afar M o s s o u , È taires avec le soutien de leurs propres Sinjar □ ■ ^Bartalla forces d’autodéfense. « Les minorités ont ■ Erbil droit à une certaine autonomie. Nous vou­ . Qaraqosh lons une place pour les chrétiens et les as­ Baaj □ syriens, dit Msr Petros Mouché, non pas □ une place séparée qui serait un ghetto, Al-Quwayr LES MINORITÉS RELIGIEUSES mais des cantons qui seraient reliés aux Qayyarah □ cantons yazidis dans un grand gouvemo- l u Chrétiens (Assyriens. Chaldéens...) □ Makhmour rat autogéré. Cette zone serait associée au Kurdistan ou au gouvernement central. Ce Yazidis, alévis (shabaks) et yarsans Sharqat» Kirkouk ■ serait ensuite au peuple de dire en votant LES MUSULMANS SUNNITES avec qui nous allons vivre ■■ les Irakiens ou les Kurdes. » Arabes La prise en compte des revendications i Hawija Kurdes paraît hypothétique. Chrétiens et yazidis IRAK dépendent du bon vouloir des autorités : Turkmènes irakiennes et kurdes qui ne parviennent déjà pas à s’entendre sur leurs frontières LES MUSULMANS CHIITES o et leurs prérogatives. Pour les autorités Kurdes kurdes, les yazidis sont des Kurdes com­ Source : me les autres alors qu’ils se définissent , S Turkmènes M. izady, Gulf/2000 Project d’abord comme des yazidis. Elles jugent Tikrit . Columbia University, 2014 prioritaire le règlement de leurs conten­ tieux avec Bagdad et sont tentées de ré­ au pouvoir central, il est pris dans l’inex­ cupérer les minorités pour parvenir à tricable conflit qui décline le Moyen- réaliser leurs objectifs : la consolidation Orient, celui de la guerre sans, fin entre de leur entité ou l’indépendance. Quant chiites et sunnites. ■

Bernard Kouchner: « Le droit d'ingérence est passé de mode »

« J’ai été un grand auteur du droit L’ex-French doctor et ancien il a estimé qu’« il est bien que d’ingérence, mais le temps des forces haut représentant de l'ONU de (François) Fillon so it allé à Erbil ». internationales est fini. Les gens n’en l’administration internationale civile « Par rapport aux autres, c'est veulent plus. Je serais à vos côtés pour au Kosovo a ajouté : « Nous nous m ieux » a-t-il dit. « Nous (la France, l’exiger, m ais ce n ’e st plus à la mode sommes portés vers des minorités NDLR) avons aidé dans une to u te dans la population. Malheureusement, malheureuses, nous avons voulu p e tite mesure, m ais il n 'y a pas eu la réalité des pays occidentaux les aider, m ais regardez la leçon : d'aide massive et, il faut le a changé. Et ce que l'on a appelé nous ne som m es plus sûrs de reconnaître, messelgneurs, je préfère péjorativement le droit-de-l’hommlsme n o tre avenir. C’e st un m auvais qu'on aide tous les réfugiés. Si les n ’est plus de mise. » Bernard Kouchner raisonnement, c’est un raisonnement chrétiens sont les plus malheureux, a déconcerté les porte-parole Irakiens que je déteste, mais il a lieu en France, les chrétiens d'abord, m ais il ne fa u t des communautés chrétienne maintenant en particulier... » pas sélectionner ses malheureux », et yazldie lors d'qn colloque sur S'adressant aux évêques irakiens a conclu l'ancien ministre des Affaires l'avenir des minorités en Irak. présents dans là salle du Sénat, étrangères de Nicolas Sarkozy. t.o.

54 ^Histoire le fer de lance du com bat contre contre bat com du lance de fer le guerres, l’histoire de ce peuple se se peuple ce de l’histoire guerres, l’entre-deux- depuis quand que, sait on revanche belle Une aech. D devenus sont ergas, soldats, peshm Ses les Irak. en faits, kurde, les État dans un aujourd’hui, existe Il principautés kurdes s’im posent posent s’im kurdes des principautés lorsque ge, A au oyen M loin, rtant pou Kurdistan plonge du L’origine és. réprim Hïstoi e ir o t ïis iH uc rd rceOrient. Proche-O du ur cœ au ent brutalem ents soulèvem de succession une avec confond Saladin d’un Kurdistan d’un Kobané de des peshmergas des empires Aux confins Magnifique le Naissance Les femmes L’origine eu ePes-rs Rve-ehvk Çp-iit Sap-etod aPes-ai Ôzeti laPrensa-Basin de Stampa-Dentro Çapê-Rivista Review-Berhevoka Presse-Press de Revue

www.lhistoire.fr EHistoire p a r P a p N d i a y e oadTup g 5 Trump Donald AMÉRICAIN POPULISMEDU LESRACINES

/ n / 9 2 4 ° Entretien avec Ham it Bozarslan it Ham avec Entretien Tejel Jordi Par Les femmes de Kobanéde Les femmes Eddé arie Anne-M Par James Boris Par Carte:base Kurdistan la irakien, Cent ans de combats nationalistes combats de ans Cent Lausannede Cartetraité auSèvres de : dutraité Chronologie Lexique Carte:Mongols contre Mamelouks Cartequatrepays : peuple, un empires des lisière la à peuple Un Age. Moyen sans État sans Saladin le Magnifique Saladinle 1920, l’occasion manquée l’occasion 1920, peuple d’un ans Mille e r b m e v o n

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6 1 0 2 DOSSIER

55 56 L’Histoire iPïistoire Mille ans sans État sans ans Mille Aux Aux confins Saladin Les KURDES le Magnifique eu ePes-rs Rve-ehvk Çp-iit Sap-etod aPes-ai Ôzeti laPrensa-Basin de Stampa-Dentro Çapê-Rivista Review-Berhevoka Presse-Press de Revue par Pap Ndiaye nadTu p Trum ald on D AMÉRICAIN POPULISME DU RACINES LES EHistoire Akrad L peuple qui, il y a m ille ans déjà, a su su a déjà, ans d’un ille m a y singulier il cas qui, le dit peuple Il persanes. »,lui, « Kurdistan mot Le siècle. ie-xne x tous les terrain s, parfois m êm e les les e êm m parfois s, sur contestables. plus terrain nation, les leur de tous : reconnaissance clair la objectif un a ans cent de plus puis dressé peuple un t, rien devenu Proche-O qu’est le politique chaos froyable soutien sûr plus le aujourd’hui sont sol, régna près d’un siècle sur l’Égypte et la la et l’Égypte sur siècle d’un près régna avant turcs sultans des service au tion privilé­ fonction une haute et de ie) ontagnes m Mésopotam (les territoire littérature, un une le sorani), (dont le et langues kurmandji des appuyée tradition, une identité sur son reconnaître faire sources les dans esiècle iv x au fixé est au arabes géographes les par dressées o a uis irn as eâh de­ relâche sans livrent le reprend qu’ils êlées bat m es) des com m milieu fem qu’au de Parce corps. (et es m d’hom l’ef­ Dans ! age d’im ent changem Washington. par Quel enée m coalition la de les prem ières m entions d’un d’un entions m ières prem les premier « Pays kurde ». C’était au temps temps au ». C’était kurde « Pays premier de fonder lui-m êm e une dynastie qui qui dynastie une e êm lui-m fonder de né Kurde en Tikrit Saladin, à dont guerre, la giée, iiain u psr lud l’heure à lourd pèsera qui les ticipation t et ren fu déportation la de Kurdes auxiliaires ­ acteurs troupes l’em de des position pire, on­ décom m la Guerre Dans diale. Première la de tragédies vieux en mention. la aussi livre, porte en le français, dont Polo arco M de du carte la dessinent qui principautés aristocratiques des empires, des constituèrent, lisière en Kurdes les elouks, am M Syrie, est la plus éclatante figure. éclatante plus la est Syrie, du génocide des Arm éniens. Une par­ Une éniens. Arm des génocide du Q ue de ch em in p arco u ru depuis depuis ru u arco p in em ch de ue Q L’Empire ottoman les abrita jusqu’aux jusqu’aux abrita les ottoman L’Empire les par esiècle m x au arginalisés M « pays des Kurdes » sur les cartes cartes les » sur Kurdes des « pays M ossoul. Et le m onde entier, entier, onde m le Et de La ossoul. M celle sera rient. bataille re­ prochaine Proche-O aech D au t de len cu adistes djih es sur les com battants, qui, au au qui, battants, com les fixés sur yeux les aura nouveau, de ______t e bil rb E le ita p a C 1137 / , com battant d’excep­ battant com , n / 9 2 4 ° e r b m e v o n Bilad al- Bilad 6 1 0 2

plus plus Mais partagés sont 35 millions de Kurdes millions 35 valoir leurs droits valoir entre quatre pays. quatre entre renoncé renoncé à faire verra alors le jour - et aujourd’hui en­ aujourd’hui et - jour le alors verra ils ils n’ontjamais laquelle la France de Mitterrand joua un un joua Mitterrand de France la laquelle alors Pacha Chérif de algré M d’audace coup nationales. le revendications des noncer à faire valoir leurs droits. leurs valoir faire à noncer n’ont ils Turquie, Iran, en sûr en bien et Syrie, Irak en en ent, ouvertem moins tégé par les arm ées alliées. Vingt-cinq alliées. ées arm les par tégé rôle décisif : elle accordait aux Kurdes Kurdes aux Irak en accordait elle : décisif rôle dans l’ONU par votée 688 résolution la core, de Sèvres de traité le négocie se que L’Histoire cessé d’être réprim és. Sans jam ais re­ ais jam Sans és. réprim d’être cessé ou plus Depuis, pays. quatre entre gés femmes est plus importante qu’à Paris. qu’à importante des plus est part la où femmes diplo­ Parlement un et matique représentation capi­ une une : (Erbil), fait de tale indépendance jouit irakien d’une Kurdistan le tard, plus ans toire des Kurdes. Nous la dédions aux aux dédions la Nous Kurdes. des toire tous pour droit le et culture la liberté, la Ce Et pourtant... propagande. de de usage age l’im dans ergas, que, peshm des ontré m bat com ont le nous récentes 1920 0 0 ’nr u u n l o i­ dom élu France. en ont cile qui eux d’entre 000 200 l’his­ redécouvrir de nous oc­ pour Une casion nôtre. le aussi est l’éducation, à défendre pour Daech, contre coalition en repris combat, un aussi a avant-postes aux femmes ces Une étape a été franchie en en franchie été a étape Une Ne soyons pas naïfs. Les polém iques iques polém Les naïfs. pas soyons Ne , aucun Kurdistan autonom e ne ne e autonom Kurdistan aucun , 35 millions de Kurdes sont parta­ sont Kurdes de millions dfun 40 , DOSSIER depuis

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EHistoire / n ° 4 2 9 / n o v e m b r e 2 0 1 6 DOSSIER M o y e n A g e Un peuple à la lisière des empires C’est auxf-xuf siècle que se dessine un espace kurde. Les Kurdes sont dès cette époque définis comme un peuple de guerriers, habitant les montagnes à la frontière des Empires byzantin, perse, musulman... Combattants, chefs de tribu ou confréries, ils se font une place sur la scène politique. Le plus éclatant exemple en reste Saladin. Par Boris James

Guerriers Ci-dessus : illustration d’un manuscrit du xne siècle trouvé en Égypte représentant une scène de bataille. Ci-contre : citadelle ottomane à Surucek, au Kurdistan irakien, datant

du x v i i '- x v i i i ' siècle.

sur la longue durée rend toute sa banalité au mot. La reconnaissance par Erdogan du rôle des Kurdes était une manière de renouer avec la tra­ dition de l’empire. Déjà, les paroles du souverain ottoman Soliman le Magnifique reproduites dans le Kanunname - ensemble de textes de lois datant du milieu du xvie siècle - annonçaient la vo­ lonté de faire des Kurdes le fer de lance de l’em­ pire dans ses confins orientaux contre l’Empire perse : « Juste comme Dieu, soit-il loué et exalté, accorda à Alexandre le Biscornu [Alexandre le Grand] de construire le mur de Gog, Dieu fit en L orsque, le 16 novembre 2013, à sorte que le Kurdistan agisse en protection de mon Diyarbakir, Recep Tayyip empire comme une barrière solide, comme une Erdogan, alors Premier mi­ forteresse d’airain contre la sédition du démon nistre de la République de Gog de Perse. » Turquie, parla à plusieurs re­ Longtemps perçue comme la préhistoire de la prises de « Kurdistan » au cours question kurde contemporaine, l’institution du d’un meeting opportunément Kurdistan ottoman est en réalité l’aboutissement intitulé « célébrations de l’ouverture », nombre L’AUTEUR d’un processus qui remonte encore plus loin et Chercheur et de commentateurs turcs crièrent au scandale, y se cristallise au xme siècle sous les Mamelouks responsable percevant les prémices de la partition du pays. de l’antenne de d’Égypte et les Ilkhanides d’Iran (1250-1335). D’autres au contraire saluèrent un renversement l’Institut français Un territoire kurde se constitue à l’interstice de radical de l’attitude de la Turquie vis-à-vis de du Proche-Orient deux empires rivaux. sa minorité kurde. à Erbil (Irak), Boris James est En effet, même s’il s’agissait simplement pour Irréductibles Kurdes l’auteur d’une thèse Erdogan d’accueillir avec aménité Massoud encore inédite sur Décrits entre le Xe et le xm e siècle par les pre­ Barzani, le président du Gouvernement régional «LesKurdes dans miers historiens arabes comme un ensemble de du Kurdistan d’Irak, aucun autre président ou l’Orient mamelouk tribus disparates, les Kurdes du Moyen Age sont et mongol de 1250 Premier ministre de Turquie depuis l’avènement connus pour un certain nombre de traits distinc­ à 1340 : entre de la république en 1923 n’avait avant lui osé marginalisation tifs : l’appartenance majoritaire à la mouvance utiliser ce terme. Pourtant, une connaissance de et autonomie ». musulmane sunnite chafiite (l’une des quatre l’histoire de l’espace anatolien et mésopotamien écoles juridiques de l’islam sunnite), leur ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► langue (non arabe, proche des langues Le cœur du « Pays kurde » est iraniennes), leurs qualités guerrières et leur ir­ répressible tendance à la sédition dans un espace une bande montagneuse qui s’étend situé entre plateau iranien, Mésopotamie et dé­ de la chaîne du Zagros (Iran) sert syro-arabe. Le cœur du « Pays kurde » est une bande m on­ jusque dans le Taurus (Turquie) tagneuse qui s’étend à partir du bord occidental de la chaîne du Zagros, jusque dans le Taurus, in­ cluant le mont Ararat, Kandil et d’autres chaînes avant la conquête arabe : l’Empire byzantin, comme les monts Cakmak. A la marge de cette les principautés arméniennes ou le royaume épine dorsale montagneuse, l’espace kurde se d’Arm énie et l’Iran sassanide. prolonge vers l’ouest et au sud par des déserts La conquête musulmane fut marquée au et des steppes, telle la steppe djéziréenne plu­ viie siècle par la prise des citadelles kurdes de l’ar­ tôt plate mais qui offre des lieux d’ancrage sur rière-pays de Mossoul. Jusqu’à la période mame- des tells ou de petites montagnes. C’est dans louke (1250-1516), les populations kurdes majo­ ce paysage montagneux qu’entre le vne siècle ritairement converties à l’islam furent soumises et le xm e siècle sont installées les populations et s’engagèrent auprès des califats* et des sulta­ kurdes, contrairement aux Bédouins arabes et nats* qui dominèrent successivement la région : aux populations chrétiennes, agriculteurs géné­ Omeyyades, Abbassides, Bouyides, Seldjoukides, ralement cantonnés dans les villages de plaine. Zankides et Ayyoubides. Au tournant du xie siècle, Les sources arabes médiévales, cependant, si­ une série de principautés kurdes, vassales de ces gnalent également l’implantation de popula­ grands pouvoirs et occupées principalement à la tion kurde en basse altitude, et même en ville. guerre, y prospérèrent de manière éparse sans Parmi les premiers historiens, Ibn Hawqal (dé­ qu’aucune ne parvînt pour autant à unifier l’en­ but xe siècle) et Al-Masudi (xe siècle) évoquent semble du « Pays kurde ». la présence kurde dans la Djézireh, à Nusaybin Comment et pourquoi cet espace disparate et par exemple. Présentés tout d’abord comme hétérogène à tous points de vue a-t-il pu acquérir pasteurs et guerriers, les Kurdes sont décrits au fil du temps sa propre cohérence pour deve- comme agriculteurs à partir du xiie-xme siècle. Note nir le « Kurdistan » ? Une première piste, essen- Trois pouvoirs se partageaient leur territoire * Cf. lexique, p. 37. tielle pour comprendre l’inscription originale

Des langues et une littérature

L es textes historiogra­ monophysite du xve siècle phiques médiévaux arabes rédigé en alphabet armé­ attestent de la différence i oh- £^L:_jùj t&te. nien. A partir du xvne siècle, v 1 linguistique kurde. L’auteur l’enseignement religieux se du Xe siècle Al-Masudi indique -JM-* fait en langue vernaculaire L.?ü.j,cU')! >*. ILI notamment que les Kurdes au sein du Kurdistan otto­ sont des Arabes qui ont ou­ man. A la fin du xixe siècle, blié leur langue d’origine et JJ*’' Oïhj&U W' -v une presse et une littérature parlent divers dialectes ira­ üi jxu,lu . ' ^ kurdes séculières naissent à n ien s (ajamiyya). N om bre Istanbul, Diyarbakir, Mossoul de notables kurdes de la pé­ jjT{ à.*- , jf -v*5 ? et Souleimaniye. riode médiévale sont décrits ' i l J A i- * , J * U tJJIj ” ’ 7 . Aujourd’hui les Kurdes parlent $ comme maîtrisant mal l’arabe •?*•.. h J W i * J-J'DÔ '*» l-'rf • Ai • et écrivent dans deux langues g •VV' ou le parlant avec un fort ac­ principales, le kurmandji à £ cent. Certains furent néan­ l’ouest et au nord du « Pays j Histoire Première page de la chronique arabe moins de talentueux poètes kurde » (Turquie, Syrie, Irak, d’Al-Khazraji (xme siècle). Elle fait le récit de la dynastie g de langue classique. La langue ayyoubide sous le titre Histoire de la dynastie des Kurdes. Iran), et le sorani à l’est et | kurde ne transparaît alors que au sud (Irak, Iran). Les locu- * dans les noms de personnali­ teurs de l’un ne comprennent ~ tés (Khusru, Khushtarin, Millu, Shirkuh, Mankalan, etc.) ou pas forcément ceux de l’autre. Les langues kurdes appar- s dans quelques poèmes moquant cette manière singulière de tiennent aux langues iraniennes, indo-européennes. Elles g parler des gens du nord de l’Irak. Si la langue existe déjà, elle sont écrites dans les alphabets arabo-persan (modifié pour g ne connaît encore ni codification ni expression écrite. noter les voyelles du sorani) et latin. Le kurde a également \ La première attestation concrète de la langue kurde sep­ été transcrit en cyrillique pour les Kurdes d’URSS dans les s tentrionale (kurmandji) apparaît dans un texte liturgique années 1930. B. J. i

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Mer Noire

ARMENIE Pontw-1 3063 Cakmak Ankara Erzurum AZERBAÏDJAN Mer ANATOLIE Caspienne Kirsehir ~'bacdeVar\

Kayseri Cappadoce Diyarbakir Tabriz Ourmia, d 'O u rm iù ?Qtf2e du C Adana 3 587Kandil Mossoul Mer Méditerranée oSouleîmaniye Teheran Jk \ o J Zone de peuplement Sanandaj Hamadan kurde Homs Plateau • Ville où habite Kermanshaho iranien une importante LIBAN communauté§ kurde / ----- Frontière Damas internationale actuelle Désert de Syrie

Un peuple, quatre pays Le territoire des Kurdes s’étend sur quatre pays, ia Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, dans une zone montagneuse de part et d’autre des monts Taurus et Zagros. On estime la population actuelle dans la région à environ 35 millions, dont la moitié en Turquie.

des populations kurdes au Moyen-Orient, réside dans leur rôle politique et militaire à la période mamelouke qui a permis la pérénnisation de Cadi du xe siècle lorsque, à qui peut prendre leur territoire. Chargé de rendre Bagdad, il doit cohabiter la forme de l’ascèse la justice dans une avec un sultan qui prend ou de la transe, dans Au pouvoir en Égypte-Syrie multitude de domaines le commandement le but de se rapprocher (droit de la famille, politique et militaire. de Dieu. Ses adeptes On l’a dit, la présence kurde en dehors du ter­ fiscalité, sanctions Le califat est aboli par se regroupent en ritoire circonscrit de la haute Mésopotamie et pénales), le cadi (juge) Mustafa Kemal en 1924. confréries dont, des contreforts du Zagros est avérée depuis le est un personnage certaines puissantes, xe siècle. Les relations entre Kurdes et califats, ab- au statut éminemment al-insha connaissent un essor basside (à Bagdad) et fatimide (dynastie chiite politique. Le grand cadi Administration de important au xne siècle. établie au Caire), ainsi que sultanats, seldjou- (qadi al-qudat) est la chancellerie chargée Le soufisme a été kide (xie siècle) et zankide (xne siècle), étaient nommé par le sultan de la rédaction des parfois réprouvé pour régulières. Mais c’est surtout le sultanat ayyou- selon sa fidélité actes officiels produits son éloignement des par le sultanat. pratiques musulmanes bide établi sur l’Égypte et la Syrie au début du au souverain et canoniques. xm e siècle qui a renforcé leur présence. sa légitimité auprès des autres juristes et Émir Les Zankides, une dynastie turque régnant sur de la population. Titre militaire instituant Sultan Mossoul dans la première moitié du xne siècle, l’autorité d’un soldat Le titre de sultan fut avaient pris l’habitude de recruter des Kurdes Califat sur d’autres combattants créé sous le règne en masse après avoir conquis l’arrière-pays de De l’arabe « successeur », ou sur un territoire. des Seldjoukides pour Mossoul. Accaparant peu à peu de hautes fonc­ le successeur du justifier la domination tions dans l’élite politique et militaire zankide en Prophète à la tête des Ouléma de cette dynastie turque Syrie-Palestine et en Égypte, les Kurdes furent croyants. Titre universel, (du singulier arabe sur le califat arabe dans d’importants acteurs de la contre-croisade menée il est cependant parfois alim : savant). La classe le Bagdad du xie siècle. des lettrés musulmans Le calife garde toute contre les Francs installés en Syrie. Il n’est donc pas porté par plusieurs souverains à la fois. Le enseignant le Coran, les sa légitimité religieuse étonnant de trouver Shirkuh, le plus puissant offi­ calife détient à l’origine hadiths (récits et faits du alors que le sultan cier kurde, à la tête du contingent zankide lors de les pouvoirs religieux, Prophète), le droit (fiqh). seldjoukide, en tant la conquête de l’Égypte sur les Fatimides en 1169. politique et militaire. que protecteur du calife, Son neveu Yussuf lui succéda et devint en 1171 le Mais son rôle devient Soufisme s’investit du pouvoir grand Saladin, à l’origine de la dynastie ayyoubide surtout religieux à partir Mysticisme musulman temporel, et donc réel. (cf. Anne-Marie Eddé, p. 40). ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► Vers 1189, à l’apogée de son règne, Saladin assurait sa domination sur l’Égypte, le Yémen, la Syrie-Palestine et la haute Mésopotamie. Le rôle militaire des tribus kurdes, bien que non exclusif, fut crucial pour l’assise de son pouvoir. Saladin et ses successeurs contri­ buèrent à leur intégration et à leur ascension au sein des villes de Syrie, de Palestine et d’Égypte, à tel point que les autorités les plus éminentes, religieuses, politiques, administratives et judi­ ciaires, ont pu être kurdes même à la période mamelouke qui suivit. Pour faire face à diverses menaces, un des suc­ cesseurs de Saladin, son petit-neveu Al-Salih, re­ cruta en nombre des esclaves militaires turcs. A partir des années 1230, ces esclaves (mamluk en arabe) ouvrirent une nouvelle phase dans l’his­ toire de la dynastie et du Moyen-Orient. En effet, à la m ort d’Al-Malik, en 1249, les mamelouks du sultan défunt l’emportèrent sur les Francs à Al- Mansoura et massacrèrent le dernier fils du sou­ verain : les esclaves militaires turcs prirent alors Piscine sacrée mongol, mais qui prit son indépendance dans les le pouvoir et ce fut la fin des Ayyoubides d’Égypte. L’ensemble de mosquées années 1260 environ, sous le nom d’Ilkhanat. Le nouveau système politique, dominé par les et madrasas à Urfa, Cet enchaînement de faits historiques, dessi­ Mamelouks, est évoqué dans les sources comme dans le Kurdistan turc. nant un véritable cycle kurde, peut être inter­ une « dynastie turque » ou comme la « dynastie des prété selon la théorie politique d’Ibn Khaldun, Turcs », alors que les Ayyoubides apparaissent ré­ l’historien musulman andalou du xive siècle. trospectivement comme la « dynastie des Kurdes ». Elle postule que des dynasties issues du monde Progressivement marginalisés en Égypte et en bédouin (des confins) et soutenues par une Syrie, les Kurdes retrouvèrent cependant, à partir asabiyya (esprit de corps ou ferme solidarité) de la fin du xme siècle, un rôle politique et mili­ bédouine, qu’elle soit arabe, turque, kurde ou taire dans les zones de peuplement kurde passées encore berbère, arrivent violemment dans le sous domination mongole après les conquêtes de monde sédentaire, vivent, s’affaiblissent et Hülegü (mort en 1265), le petit-fils de Gengis sont remplacées par d’autres, après épuisement Khan. Dans une zone centrée sur l’Azerbaïdjan, de leur asabiyya. s’étendant de l’Iran oriental à l’Anatolie, s’établit Ainsi, l’évidente humiliation politique que alors une entité un temps rattachée à l’Empire constitue la prise militaire des principautés kurdes par la dynastie turque des Zankides abou­ tit paradoxalement à une émergence des Kurdes dans le monde de la sédentarité. Les Ayyoubides présentent eux aussi tous les signes d’une dynas­ tie soutenue par une asabiyya kurde. Jusqu’à ce Islam et hétérodoxie que l’arrivée au pouvoir des Mamelouks, le déclin de l’asabiyya kurde et le retour des Kurdes aux L es Kurdes, à l’origine probablement de confession zoroastrienne (re­ confins du monde civilisé closent le cycle. ligion monothéiste d’Iran reposant sur un dualisme opposant le bien au mal), se convertissent massivement à l’islam après la conquête Marginalisés sous les Mamelouks musulmane entre le vm e et le Xe siècle. La plupart adoptent l’islam cha- L’avènement du pouvoir mamelouk en Égypte fiite comme école juridique (une des quatre écoles juridiques de l’islam en 1250 initia, en effet, un processus de relé­ sunnite). Dès le Moyen Age, des formes musulmanes hétérodoxes ap­ gation des émirs* et des grands personnages paraissent dans les milieux kurdes en raison de l’attrait suscité par les kurdes de l’État à l’extérieur des centres de dé­ rites mystiques confrériques et le chiisme extrémiste. La recrudescence cision. Le favoritisme envers le personnel mili­ des pratiques soufies est attestée à la période mamelouke. Séances de taire d’origine turque mamelouke modifia dura­ dhikr (rappel du nom de Dieu) et visites aux shuyukh (pluriel de shaykh blement la place assignée aux Kurdes au sein de - cheikh -, les maîtres mystiques) faisaient partie intégrante de la vie reli­ l’appareil d’État. Ces derniers souffraient par ail­ gieuse kurde des grandes cités et des campagnes de l’Empire musulman. leurs d’une image militaire dégradée. Par ailleurs, la présence des christianismes arménien et assyro-chaldéen Cependant, la présence kurde se maintint dans fut jusqu’à peu importante au Kurdistan, le judaïsme y tenant une place les sphères civiles de l’État, notamment dans la plus marginale. De nos jours, plusieurs millions de Kurdes adhèrent à des magistrature et les milieux de l’enseignement confessions plus ou moins distinctes de l’islam telles que l’alévisme, le yé- juridique. Les structures de gouvernement et zidisme et le yarsanisme, bien qu’une majorité d’entre eux restent musul­ les stratégies de légitimation du nouveau pou­ mans sunnites chafiites. B. J. voir, qui ne se fixèrent qu’au milieu du règne du

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célèbre sultan Baybars (1260-1277), de manière Dans les grandes villes du Moyen-Orient fortuite et peu organisée, laissèrent aux Kurdes une certaine marge de manœuvre. médiéval se manifeste un fort attrait Par ailleurs, la volonté de Baybars de s’allier pour les pratiques religieuses ésotériques avec les familles de militaires kurdes connues sous les Ayyoubides, avec les Shahrazuriyya, et mystiques, notamment le soufisme un groupe de plusieurs milliers de guerriers kurdes tribaux poussé vers l’ouest par les inva­ sions mongoles, ou avec les émirs kurdes du terri­ toire ilkhanide, ralentit le processus de margina­ en Égypte. A Damas et au Caire, les grandes fa­ lisation de l’ensemble kurde au sein du sultanat. milles kurdes disparurent du devant de la scène. Adoptée par les successeurs du sultan, cette poli­ On ne doit pas nécessairement voir dans ce phé­ tique visait à élargir sa base politique au sein de nomène une discrimination contre les oulémas l’État, mais aussi à lutter efficacement contre les kurdes, mais le résultat de la réforme de la judica­ menaces franques sur le littoral, et contre celles ture mise en place par Baybars en 1265 pour don­ des Ukhanides en Syrie et en haute Mésopotamie. ner une place équivalente à chacune des quatre écoles juridiques sunnites. Réforme qui tendait Le temps des lettrés cependant aussi à renforcer en sous-main l’école Sous les Ayyoubides, les Kurdes avaient en outre hanafite que privilégient les Mamelouks et plus joué un rôle d’intermédiaires entre société civile généralement les Turcs (les Kurdes restant mas­ et société militaire. Ce rôle se perpétua dans les sivement liés au chafiisme). débuts de la période mamelouke. La présence Ce qui caractérise la culture des Kurdes vi­ kurde dans les villes de Syrie et d’Égypte est ainsi vant dans les grandes villes du Moyen-Orient largement attestée au xme siècle : mosquées por­ médiéval est un fort attrait pour les pratiques tant le nom d’émirs et de chefs de tribu kurdes, religieuses ésotériques et mystiques, notam­ cimetières et quartiers kurdes marquaient le ter­ ment le soufisme*. Ces pratiques soufies impli­ ritoire de l’empreinte de cette population. Les quaient aussi bien le petit peuple citadin que les Kurdes étaient nombreux dans les milieux let­ élites lettrées et militaires, dont les émirs mame­ trés, notamment parmi les cadis*. louks. Beaucoup de tariqa, ces confréries soufies Néanmoins, la position des oulémas* kurdes se ou « voies mystiques », sont nées assez loin de dégrada à partir de la fin du xm e siècle. Au début l’Égypte et de la Syrie, en Orient : d’ailleurs, leurs du XIVe, on ne connaît plus de cadi important et représentants dans l’espace mamelouk étaient encore moins de grand cadi kurde, ni en Syrie, ni souvent eux aussi originaires d’Orient,

Constantino Mer Noire |XvLj Zone de peuplement kurde Mer ------Sultanat ayyoubide EMPIRE LATIN les Mongols vassalisent / ÉrôWWl: Caspienne à la mort de Saladin les Seldioukldes x v X v X v X (1193) Anatolie 1 2 3 1 prise de Tabriz L’empire mongol (m ilieu xwe siècle) 1279 Etbistan rrma —► Expédition mongole Glide ^ Victoire mongole Mosso 1258 prise d'Erbil 1 | Empire mongol Antioche 1260 prise d'Alep Le sultanat mamelouk ! LIAIS LAlINSi (milieu siècle) “ ► Expédition mamelouke ée \^BeyrouthQ : ^ Victoire mamelouke Saint-|ean-d'Acre jp 1260 prise de Damas ] Sultanat mamelouk 1260 Aïn Djalout j i l D 1258 prise de Bagdad les Mongols sont stoppés Désert de Syrie Irak j------j Empire et États latins Darpar lestes MamelouksMar ------(m ilie u xme siècle) SULTANNAT MAMELOUK 250 km Caire Mamelouks contre Mongols La dynastie ayyoubide, fondée par Saladin au xue siècle, voit les Kurdes accéder au pouvoir. Ils en sont chassés par les Mamelouks. Au xme-xive siècle, le Kurdistan se trouve à cheval sur deux grands empires, celui des Mamelouks et celui des Mongols (Ukhanides). En perte d’influence auprès des premiers, les Kurdes préservent leur autonomie au sein de l’Ilkhanat ; ils savent user de leur position au carrefour des empires pour s’allier à l’un contre l’autre.

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DOSSIER Les Kurdes Saladin le Magnifique

Il est resté célèbre et populaire tant dans le monde arabe qu'en Occident.

ntre le xe et le xne siècle, on Mésopotamie, de Syrie, du Yémen et supérieure, écrit-il dans son Essai sur les assiste à une m ontée en puis­ d’Égypte, processus achevé en 1186. mœurs et l’esprit des nations, à celle des sance des Kurdes en dehors Mais c’est surtout par ses victoires princes chrétiens. Et il reste l’une des E de leur territoire d’origine : contre les croisés que Saladin entre à la rares personnalités de l’histoire arabo- des dynasties se mettent en place en fois dans l’histoire et dans la légende. musulmane connues en Occident. haute Mésopotamie, en Azerbaïdjan, A la bataille de Hattin (4 juillet 1187), Les historiens européens de la fin du dans le Djibal (Iran central). il fait prisonnier le roi de Jérusalem xixe siècle et du début du xxe soulignent L’ascension de Saladin, fondateur de Guy de Lusignan. Le 2 octobre suivant, souvent la « kurdicité » de Saladin, la dynastie des Ayyoubides, s’inscrit il délivre Jérusalem et cette éclatante mais c’est pour l’opposer, comme René dans cette dynamique. victoire renforce sa légitimité : son en­ Grousset, à la « décadence » des Arabes Né vers 1137 à Tikrit (actuel Irak), tourage le présente en pieux musul­ et à la « sauvagerie » des Turcs. Saladin (Salah al-Din en arabe, c’est- man, bon connaisseur des textes sa­ Au xxe siècle encore, Saladin de­ à-dire « rectitude de la foi ») est en ef­ crés, et le pose désormais en défenseur meure populaire au Proche-Orient. Le fet d’origine kurde. Son père Ayyoub et de l’orthodoxie sunnite et en unificateur monde arabe doit faire face à de nom­ son oncle Shirkuh, des notables, servent des croyants, inspiré par un modèle de breux défis : la présence européenne, d’abord les Shaddadides, une petite dy­ l’impossible union, la création de l’État nastie kurde qui contrôlait une partie de d’Israël, la perte de Jérusalem. Chaque l’Azerbaïdjan et de l’Arménie actuels. Ils fois, Saladin revient comme un mo­ passent ensuite en Irak au service des dèle - ouvertement revendiqué par sultans turcs de la dynastie seldjou- l’Égyptien Nasser, l’Irakien Saddam kide, puis en Syrie au service du Hussein (né lui aussi à Tikrit et Zankide Nur al-Din. Saladin, même dont les biographes officiels al­ s’il parle certainement kurde en lèrent jusqu’à modifier sa date famille comme plus tard avec de naissance, de 1939 à 1937, ses officiers, grandit donc dans sans doute pour qu’elle coïn­ un milieu profondément ara­ cide avec le 800e anniversaire bisé, par la langue et par la de la naissance de Saladin) ou culture. Toute sa vie porte la le Syrien el-Assad, qui double marque kurde et arabe. gardait dans son bureau une Il entame sa carrière militaire, peinture de la bataille de Hattin. au côté de son oncle, dans l’ar­ C’est d’ailleurs en Syrie, à Damas, mée du sultan Nur al-Din contre les que se trouve le mausolée abritant Fatimides d’Égypte, des chiites rivaux des son cénotaphe, près de la mosquée califes sunnites abbassides de Bagdad. des Omeyyades. Victorieux en 1169, son oncle devient Saladin, figure du libérateur et du vizir du calife égyptien et, à sa mort, Souverain Représentation bon souverain, s’impose aussi en sym­ quelques semaines plus tard, Saladin de Saladin assis, dirham de cuivre datant bole du courage et de la résistance : la lui succède grâce à l’appui d’un juriste et de 1190 trouvé à Silvan (Kurdistan turc). voie qui traverse la bande de Gaza du émir kurde, Diya al-Din al-Hakkari. nord au sud est appelée « la route de Saladin ». Il n’est pas seulement popu­ Victoire à Jérusalem souveraineté idéale - ses biographes laire chez les Kurdes. Il l’est aussi chez En 1171, Saladin met fin au califat fa- l’ont souvent comparé à Joseph ou à les Arabes, non seulement parce qu’il timide, s’assurant la reconnaissance du Salomon, figures bibliques très popu­ était de langue et de culture arabes, calife abbasside. Une de ses premières laires dans le monde islamique. Dès le mais parce que son combat visant à mesures consiste à remplacer au Caire xme siècle, en effet, Saladin entre dans unifier le Proche-Orient, à reprendre le grand cadi chiite, juge chargé de faire la légende : la littérature courtoise eu­ Jérusalem et à s’opposer aux visées oc­ appliquer la loi religieuse, par un cha- ropéenne voit en lui la figure parfaite cidentales, a trouvé, depuis le début du fiite kurde. A la mort de Nur al-Din, en du chevalier preux, généreux, magna­ XXe siècle, un écho favorable auprès de mai 1174, il prend le pouvoir en Égypte nime ; de fait, c’est un excellent cava­ populations trop longtemps opprimées au détrim ent du fils de ce dernier : le lier, grand amateur de polo. Dante le ou humiliées. Saladin le Kurde est ainsi voilà sultan de fait. L’année d’après, il place dans les limbes avec Avicenne et devenu un héros arabe. reçoit l’investiture du calife et entre­ Averroès, mais aussi Socrate, Platon Anne-Marie Eddé prend alors d’unifier sous sa domina­ et Aristote. Au siècle des Lumières en­ Professeur à l’université Paris-I tion les territoires musulmans de haute core, Voltaire admire sa tolérance, (Propos recueillis par Huguette Meunier.) L’ HISTOIRE / N°429 / NOVEMBRE 2016

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Le cataclysme mongol passé, les tribus transformait, au fur et à mesure qu’elle s’ame­ nuisait, en une simple capacité de nuisance. Les kurdes, tout à la fois insaisissables et Kurdes, alors que s’éloignait pour eux la perspec­ ancrées dans leur territoire montagneux, tive de jouer un rôle clé au sein de l’État mame­ louk, n’envisageaient plus leur intervention que deviennent des protagonistes politiques sous la forme d’un renversement du régime. C’est finalement en territoire mongol que les militaires de premier plan kurdes retrouvèrent une certaine « dignité » po­ litique, tout en servant de manière indirecte les desseins du sultanat mamelouk. ► ► ► c’est-à-dire de haute Mésopotamie et MOT CLÉ d’Iran. L’historien Louis Pouzet, qui a étudié les Un nouveau rôle chez les Mongols sphères lettrées de Damas au xme siècle, note Kurdistan Dans la zone ilkhanide, la situation n’en était pas ainsi au sujet des milieux mystiques de Damas Ce terme apparaît de moins inconfortable. L’impérialisme mongol ré­ manière tardive dans « l’influence de l’Est» et, surtout, pour ce qui nous duisait quasiment à néant les possibilités d’une des sources persanes relais kurde » concerne, le « important sur le che­ ilkhanides au xive siècle, influence politique des Kurdes. De fait, au centre min de cette émigration. mais l’emploi du mot de l’État ilkhanide, à l’Ordo, la cour itinérante des La seconde moitié du xme siècle vit le renforce­ « Kurdistan » était souverains mongols d’Iran, leur impact fut nul. ment, parmi les autorités mystiques kurdes, dans certainement en vigueur Il ne faudrait pas pour autant négliger les res­ l’espace syro-égyptien aussi bien qu’en haute en Iran, et donc dans sources dont les tribus et les pouvoirs kurdes dis­ Mésopotamie, de la tariqa Adawiyya. Cette as­ l’espace kurde, un posaient en « Pays kurde », aux marges de l’Ilk- sociation mi-confrérie-mi-société secrète ras­ ou deux siècles avant. hanat. Subissant de front l’avancée mongole, semblait de nombreux Kurdes versés dans les Par ailleurs, les les acteurs kurdes locaux firent du fâcheux in­ pratiques mystiques et s’adonnant au culte des expressions arabes convénient de leur faiblesse militaire face à l’ex­ Ard al-Akrad maîtres soufis adawis. Elle s’imposa au sein des pansionnisme mongol un atout pour leur auto­ (terre des Kurdes) réseaux de l’élite lettrée et militaire tout en par­ et Bilad al-Akrad nomisation. Le cataclysme mongol passé, les ticipant activement à la stratégie de l’État ma­ (pays des Kurdes) tribus kurdes, tout à la fois insaisissables et an­ melouk dans sa confrontation aux Francs et aux étaient présentes crées dans leur territoire montagneux, protago­ Mongols ilkhanides. Pour toutes ces raisons, et du dans la géographie et nistes politiques principaux de la région, firent fait de son activisme, l’Adawiyya fut intrinsèque­ la littérature arabes valoir leur « droit » à exercer violence et souve­ ment liée aux Kurdes et agit comme une sorte de dès le xie-xiie siècle. raineté sur leurs terres. Jouant de la nécessité, catalyseur de leur identité. pour les Ilkhanides, de rationaliser la gestion Les atouts militaires, sociaux et politiques étatique du territoire et de la volonté, de la part dont bénéficiaient les Kurdes en Égypte-Syrie des Mamelouks, d’affaiblir l’emprise mongole, les (territoire sous domination mamelouke) ne Kurdes tirèrent leur épingle du jeu. leur ont pourtant pas permis, sous le régime Les sources font le récit d’un lent et incomplet mamelouk, de continuer à jouer le rôle qu’ils processus d’intégration de ces forces politiques exerçaient naguère. Privées de la protection kurdes au sein de l’Ilkhanat. Dans un premier que constituait la dynastie ayyoubide, les forces temps, elles furent en butte aux autorités mon­ kurdes apparaissent de plus en plus comme un goles, qui avaient pour objectif de les soumettre ou groupe en déshérence. de les anéantir. Mais, par la suite, certains ► ► ► A trois reprises au moins, cependant, les condi­ tions furent réunies pour que les Kurdes se sou­ lèvent. La première tentative de coup d’État se À SAVOIR déroula en 1262, quelque temps après la prise de pouvoir de Baybars, lorsqu’un cadi kurde de Puissances du xme siècle Maks, quartier de l’ouest du Caire, tenta de fon­ Mamelouks der une dynastie kurde en s’alliant à des notables Les mamelouks sont des esclaves militaires originaires d’Anatolie, du Caucase civils kurdes, de vieilles familles de l’aristocratie et des steppes russes ou d’Asie centrale. Capturés dans leur enfance, ayyoubide et aux Kurdes Shahrazuriyya. La deu­ ils sont formés au métier des armes et dans la culture arabo-islamique xième eut lieu à l’apogée du règne du sultan*, avant d’intégrer les armées du monde musulman. Achetés et recrutés en masse par les derniers souverains ayyoubides, les Mamelouks s’emparent en 1271. Au faîte de leur puissance, les Kurdes du pouvoir dans la seconde moitié du xme siècle en Égypte et en Syrie. Shahrazuriyya tentèrent d’introniser Al-Malik Le régime qu’ils établissent prend leur nom : le sultanat mamelouk. al-Aziz, un des derniers Ayyoubides de Syrie. La troisième constitua un défi lancé par la confrérie Ilkhanides A la fin du xme siècle, les successeurs de Hülegii, le petit-fils du souverain kurde Adawiyya au pouvoir du jeune souverain mongol Gengis Khan, stabilisent leur pouvoir dans une zone centrée mamelouk Al-Malik al-Nasir Muhammad, dont la sur l’Azerbaïdjan, s’étendant de l’Iran oriental à l’Anatolie et incluant légitimité était loin d’être assurée face à ses pairs, les zones de peuplement kurde. Un temps rattachée à l’Empire mongol au moment de son premier règne. Ces conjura­ dont la capitale se trouve à Karakorum en Asie centrale, cette entité tions furent des échecs cuisants. prend son indépendance et le nom d’Ilkhanat. Les descendants de Hülegü Amoindrie mais bien réelle, l’influence y régnent de manière autonome jusqu’en 13 3 5 . des Kurdes au cœur de l’État mamelouk se

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DOSSIER Les Kurdes

CHRONOLOGIE ► ► ► Kurdes devinrent des affidés de l’État ilk- hanide. D’autres s’alliaient alternativement avec Guerres et révoltes le camp mamelouk et le camp ilkhanide. D’autres encore ne rendaient de comptes à personne. 641 L’incorporation du territoire kurde dans l’Ilkha- Conquête par les armées musulmanes des nat se déroula en plusieurs phases. Tout d’abord, citadelles kurdes au nord de Mossoul. il s’agit pour les Mongols d’assurer la circulation 1171 des troupes entre la haute Mésopotamie, l’Ana­ Après l’ascension de militaires kurdes dans tolie et l’ensemble de l’Ilkhanat. Pour répondre à le califat fatimide du Caire, Saladin prend cette exigence, les Mongols créèrent le corps des le pouvoir et fonde la dynastie ayyoubide. qaragul : ces troupes, souvent recrutées parmi les 1230 Kurdes, étaient chargées de contrôler les routes Les Ayyoubides recrutent en masse de la province. La délégation de pouvoir aux ac­ des esclaves militaires (mamelouks). teurs locaux en territoire kurde était le signe de Ces derniers les renversent en 1250 . l’établissement de canaux de communication 1258 entre un centre politique mongol et une péri­ Prise de Bagdad par le souverain mongol Hülegü. phérie kurde. Dernier élément de l’intégration, Prise d’Erbil. la captation des ressources ne s’opérait plus au moyen de l’exercice ponctuel de la violence, mais 1515 par le biais d’une fiscalité rationnelle, continue, Ralliement des principautés kurdes d'Anatolie solidement établie. de l’Est et de haute Mésopotamie au sultan Paradoxalement, et malgré la contrainte exer­ ottoman Selim Ier et établissement du Kurdistan ottoman contre les Safavides d’Iran. cée par les Mongols, le territoire iranien et la haute Mésopotamie furent le lieu d’épanouisse­ 1840 ment des leaders politiques et militaires kurdes. Début d’un mouvement de centralisation au sein de Le nombre important des émirs en activité dans l’Empire ottoman réduisant les principautés kurdes. ces régions suffit à en donner la preuve : sur 1898 272 émirs kurdes connus entre 1250 et 1340, Constitution du premier cercle kurdiste 147 exerçaient leur pouvoir en territoire ilkha­ autour du journal Kurdistan. nide, c’est-à-dire au cœur du « Pays kurde ». 1915 Génocide arménien auquel participent les Kurdes. De génération en génération, Vattitude 1920 Le traité de Sèvres signé par l’Empire ottoman et des pouvoirs tribaux kurdes et celle des les Alliés prévoit la création de deux États, kurde et arménien. En 1923, le traité de Lausanne États qui leur faisaient face ont fixé pour met fin au projet. Les Kurdes se retrouvent divisés des siècles ce territoire de Ventre-deux entre la Syrie (sous mandat français), la Turquie, l’Irak (sous mandat britannique) et l’Iran. Pendant ce temps, les sultans mamelouks, eux, 1946 continuaient de considérer que la vocation des En Iran, éphémère République soviétique kurde. Kurdes était de faire le djihad contre les Mongols. 1961-1975 Peu importe si la plupart d’entre eux avaient prêté En Irak, guérilla menée par Mustafa Barzani. allégeance à l’Ilkhanat, ils restaient les alliés na­ 1978 turels des Mamelouks. On connaît environ une Fondation du PKK en Turquie. cinquantaine d’émirs kurdes enregistrés dans le 1988 diwan al-insha* (bureau de la chancellerie) ma­ Massacre à l’arme chimique à Halabja, en Irak. melouk et avec lesquels celui-ci entretenait une correspondance régulière. Il s’agissait d’envoi de 1991 manshura (décrets) établissant officiellement un A l’issue de la guerre du Golfe, création émir dans une principauté de la région ou renou­ d’une « zone de protection kurde ». velant le droit de ses descendants à y exercer une En 2005, la Constitution irakienne reconnaît autorité. Cet exercice n’avait que de très superfi­ l’autonomie du Kurdistan irakien. cielles conséquences, puisque les Mamelouks ne 2014 disposaient d’aucun pouvoir direct sur la haute Massacre de Yézidis par les djihadistes de Daech. Mésopotamie. On trouvait cependant dans ce ter­ Bataille de Kobané : les Kurdes syriens [’emportent ritoire kurde sous influence mongole de réels al­ sur Daech en juin 20 15. liés des Mamelouks. 2015 Dans la majorité des cas, la stratégie que les La Turquie met fin au processus de paix Kurdes adoptèrent ne fut pas une tactique (in­ avec le PKK lancé en 20 13. tenable) d’opposition frontale aux Mongols. Ils faisaient montre d’une très grande ambiguïté

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dans leurs rapports à ces derniers. Leur seul re­ Dans la Kurdes). Le terme de Kurdistan, d’origine ira­ cours pour s’assurer une implantation durable montagne nienne, apparaît, lui, un peu plus tard, entre le et fructueuse était de soutirer à chaque partie Ci-dessus, à gauche : xme et le xiv6 siècle, mais c’est l’exact équivalent les ressources dont ils avaient besoin, en s’al­ stèle funéraire sculptée de l’expression arabe Bilad al-Akrad. L’usage de liant timidement aux Mamelouks tout en fai­ de motifs guerriers ces appellations dès le xne siècle a contribué à la au pied de la citadelle sant le maximum pour complaire au pouvoir construction d’un territoire kurde. de Duwin au Kurdistan mongol, sans pour autant lui laisser la possibi­ d’Irak. Le processus d’autochtonisation kurde, à lité de phagocyter la principauté ou d’opposer Ci-dessus, à droite : l’œuvre depuis plusieurs siècles, impliquait, des représailles violentes à ce qu’il aurait consi­ une femme kurde et ses à différentes échelles, les tribus kurdes, les déré comme de l’insubordination. enfants photographiés autres populations de la région, les petites dy­ A moyen terme, cette stratégie jouait surtout au Kurdistan turc par nasties locales, les pouvoirs impériaux et les en faveur des Mamelouks, qui avaient beaucoup Sergeï Prokudin-Gorski groupes de grands nomades traversant cet es­ à faire pour rattraper le niveau d’influence des au début du xxe siècle. pace. L’invasion mongole de 1256 en est une Mongols en territoire kurde et qui ne pouvaient des dernières étapes. La zone d’influence des se confronter directement à la puissance ilkha- tribus/familles princières des Rushakiyya, des nide dans cette région. L’enjeu était pour les Hakkariyya et des Mazanjaniyya se présente Mamelouks de constituer une aristocratie kurde donc au xive siècle comme le noyau dur d’un ter­ prête à les soutenir, préparant ainsi leur infiltra­ ritoire défini par les sources historiographiques tion dans l’Ilkhanat. et les pouvoirs impériaux de la région comme o exclusivement kurde. g Le « pays des Kurdes » L’épuisement de Yasabiyya kurde en territoire S L’élaboration de toutes pièces de pouvoirs aristo- mamelouk ne fut donc pas définitif. Loin de dis­ 2 cratiques kurdes en haute Mésopotamie eut des paraître, elle se recomposa en territoire kurde â conséquences encore plus larges pour la forma- sous influence mongole. Par ailleurs, le retour <3 tion et la continuation d’un territoire propre aux des Kurdes au monde des confins selon la lecture | Kurdes, et donc d’une autochtonie kurde. Alors d’Ibn Khaldun ne doit pas être compris comme 8 que l’État ilkhanide s’ingéniait à reproduire le un retour à des marges inconsistantes, réserves ° modèle impérial seldjoukide (dans lequel l’iden- d’une violence susceptible d’être captée par les è tité kurde s’estomperait), les Mamelouks sou- pouvoirs d’État. Structurée par l’histoire, par 3 tenaient la fondation d’un djibal (montagnes) l’intervention des États et par le va-et-vient des g étendu, rebelle et foncièrement islamique, ex- groupes et des individus kurdes entre zones ur­ | clusivement kurde et théoriquement indépen- baines et territoire tribal, la périphérie kurde est | dant du contrôle mongol. Ce territoire fut dé- déjà en passe, au X I V e siècle, de se constituer en „ sormais désigné comme celui des Kurdes : Bilad un centre politique. Transmises, de génération en | al-Akrad (pays des Kurdes), Djibal al-Akrad génération l’attitude des pouvoirs tribaux kurdes a (montagnes des Kurdes) ou Al-Mamlaka al-Ha- et celle de l’État vis-à-vis d’eux ont fixé pour des 8 sina al-Akradiyya (provinces impénétrables des siècles ce territoire de l’entre-deux. ■ L'HISTOIRE / N°429 / NOVEMBRE 2016

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EHistoire / n°429 / novembre 2016 DOSSIER 1920, l’occasion manquée

A l’issue de la Première Guerre mondiale et avec la défaite de l’Empire ottoman, un Kurdistan indépendant était tout près de voir le jour. Le traité de Lausanne, en 1923, enterre ce projet Que s’est-il passé ?

Par Jordi Tejel

amais plus qu’en 1920 les Kurdes aucune volonté de supprimer les Kurdes en n’ont été sur le point d’obtenir un tant que « groupe » ethnique. Pour le sultan*, État. Trois ans plus tard, cette pers­ il s’agit d’étouffer dans l’œuf toute velléité irré­ pective s’est envolée. Comment ex­ dentiste comme toute émergence d’une autorité pliquer cette issue, alors que le prin­ rivale face au pouvoir central. Ainsi, peu à peu, cipe des nationalités s’impose et que les principautés kurdes sont éliminées par le sul­ le Proche-Orient ottoman est l’objet tan au cours du xixe siècle, tandis que la plupart L’AUTEUR d’un découpage en mandats appelés à desdevenir notables kurdes sont exilés dans d’autres Professeur-chercheur Jde nouveaux États ? Comment comprendre provinces de l’empire ou à l’étranger. La dernière au département l’échec des élites nationalistes kurdes alors que grande campagne de « conquête intérieure » du d ’h isto ire internationale le contexte international, marqué par le dé­ Kurdistan renverse Bedir Khan bey en 1847. d e l’In s titu t d e membrement de l’Empire ottoman et la re­ Le vide de pouvoir laissé par les dynasties hautes études cherche d’alliés locaux de la part des puissances kurdes déchues provoque le chaos à la fin du internationales et occidentales, semble être si favorable ? xixe siècle, ce qui conduit le sultan à s’appuyer d u d é v e lo p p e m e n t à G enève, Si les élites nationalistes kurdes tendent en­ de nouveau sur de larges confédérations tri­ J o rd i Tejel a core aujourd’hui à faire porter l’entière respon­ bales kurdes, mais en échange de la fidélité à récemment publié sabilité de cette occasion manquée sur les puis­ son égard. C’est dans cette optique que le sultan La Question kurde. sances européennes et leurs promesses non Abdulhamid II crée les régiments hamidiye - ré­ Passé et présent tenues, la réalité est bien plus complexe. La prise giments tribaux de cavalerie légère - auxquels (L’Harmattan, 2014). en considération de facteurs à la fois externes il accorde un statut privilégié (armement, exo­ (intérêts divergents des Occidentaux, victoires nération de l’impôt, quasi-immunité judiciaire). militaires de Mustafa Kemal) et internes (di­ Les régiments hamidiye, en retour, doivent pro­ visions au sein des comités kurdes), ainsi que téger l’empire des dangers extérieurs (influence des trajectoires historiques antérieures (géno­ russe sur la frontière nord-orientale) et inté­ cide arménien, scissions tribales et religieuses rieurs (nationalistes arméniens). propres à la société kurde) permet de reconsti­ De leur côté, les vieilles familles de notables tuer ce moment historique unique. du Kurdistan restent proches du pouvoir. Les in­ tellectuels qui en sont issus occupent des postes Dans l'Empire ottoman de cadres dans l’administration ottomane. Sous l’Empire ottoman, l’identité kurde ou plu­ Déracinés du Kurdistan depuis quelques décen­ tôt les identités kurdes ne sont pas directement nies, ils sont plus familiers des élites de la capitale menacées. Certes, Istanbul réprime durement que du reste de la population kurde habitant dans les princes kurdes rebelles et les révoltes dirigées la périphérie de l’empire. Si bien que, en dépit par les cheikhs soufis*. Mais cela ne manifeste de leurs débats autour du principe d’autonomie, S

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ils restent massivement attachés à l’appareil poli­ La carte de Ces derniers, jusqu’au milieu du xixe siècle, tique et social ottoman. Chérif Pacha étaient reconnus comme « gens du Livre » - ayant Le premier cercle kurdiste se constitue autour Représentant du parti eu donc la révélation divine. Mais ces groupes du journal Kurdistan (1898) et de la famille Bedir kurde, le KTC, le général « protégés » (dhimmi) étaient aussi assujettis. Khan. Ce journal bilingue (kurde-ottoman), édité Chérif Pacha présente Tout change avec les réformes administratives à Paris le projet d’un État au Caire par Midhat Bedir Khan, défend l’opposi­ et politiques libérales connues sous le nom des kurde indépendant aux tion jeune-turque contre le despotisme du sultan Alliés en s’appuyant sur Tanzimat (« réorganisation », 1839-1876). Dans en même temps qu’il prône l’éveil des Kurdes face une carte des frontières la perspective de moderniser l’empire afin d’en aux défis posés par la modernité. du Kurdistan (ci-dessus). assurer la survie, ces réformes introduisent des Après la révolution jeune-turque de 1908 Le journal Kurdistan transformations qui remettent en question les qui voit arriver au pouvoir le comité Union et (ci-dessus, à gauche) rapports de domination séculiers entre les com­ Progrès, quelques notables kurdes fondent le est le premier organe munautés. D’une part, elles visent, sur le modèle KTTC (« Comité kurde d’entraide et de progrès ») à défendre la cause occidental, à affirmer l’égalité des individus de­ et se dotent d’un organe de presse. Les objectifs kurde dans l’Empire vant la loi, sans distinction de langue ni de reli­ de l’association sont modérés : appuyer le mou­ ottoman à partir de gion. D’autre part, elles reconnaissent des droits 1898. vement constitutionnel, garantir le progrès et collectifs aux millet non musulmans, s’exprimant l’instruction des Kurdes d’Istanbul, consolider en majorité dans une langue particulière - l’ar­ les bonnes relations avec les autres peuples otto­ ménien, le grec, l’araméen... -, renforçant ainsi mans et, enfin, faire tous les efforts possibles pour leur sentiment d’être des « groupes » à part. sauver l’Empire ottoman. Ces réformes ne sont guère appréciées par les D’une manière générale, durant cette période élites musulmanes sunnites dont les Kurdes font « unioniste » (1908-1918), les intellectuels, no­ partie. Les choses s’aggravent encore avec l’ingé­ tables, chefs tribaux et religieux kurdes d’avant- Notes rence croissante des puissances européennes à * Cf. lexique, p. 37. guerre restent attachés à l’idéal d’une unité otto­ 1. Il y a également la périphérie de l’empire qui envenime les rela­ mane garantie par l’institution du califat*. Cette des Kurdes musulmans tions « de proximité » entre les Arméniens et les fidélité portée au cadre ottoman par les autres chiites ainsi que Kurdes dans l’Anatolie orientale. La « question nationalités de l’empire peut nous étonner au­ des Kurdes yézidis. d’Orient »2, qui se trouve en partie à l’origine des 2. La « question d’Orient > Tanzimat du xixe siècle, est, en bordure de l’em­ jourd’hui, mais s’explique aisément. Elle tient divise les puissances d’abord à un motif religieux : les Kurdes, musul­ européennes qui hésitent pire, une « question arméno-kurde », une ques­ mans sunnites pour la plupart1, appartiennent à entre le démembrement tion agraire : la fin des principautés kurdes a per­ la « communauté dominante » (millet-i hakime), de l’Empire ottoman mis à des notables urbains et des chefs tribaux < au même titre que le sultan-calife, ainsi que la et le maintien de son de s’approprier indûment un grand nombre de et intégrité territoriale afin û majorité des Turcs et des Arabes et à la différence de préserver l’équilibre terres, aux dépens des paysans et petits proprié­ et û des chrétiens et des Juifs. de la région. taires arméniens. ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► Face aux revendications arméniennes En octobre 1918, Varmistice et aux pressions étrangères exprimées lors du congrès de Berlin de 1878, des Kurdes sai­ de Moudros, signé entre les Alliés sissent les occasions qui se présentent pour « ré­ soudre » la question à leur avantage. Durant l’au­ et les Ottomans défaits, tomne 1895, les hamidiye kurdes participent à marque le réveil de Vactivité kurde d’amples massacres anti-arméniens dans les ré­ gions arméno-kurdes3. En 1915, à nouveau, alors qu’Istanbul est en­ progrès, la science et la civilisation. Pas de reven­ tré en guerre au côté de l’Allemagne, des leaders dications indépendantistes encore : la solution kurdes s’allient aux autorités ottomanes, sous proposée à la question kurde est alors le confé- la bannière du « panislamisme », pour mener à MOT CLÉ déralisme au sein de l’Empire ottoman. Bien que bien la déportation et le génocide des Arméniens Millet Hevi réussisse à s’implanter dans les principales (cf. ci-dessous). C’en est fini de la cohabitation de Le terme désigne villes kurdes telles Diyarbakir et Erzurum, les ces deux peuples dans les provinces orientales une communauté activités prometteuses de l’organisation sont in­ de l’empire. religieuse. Dans l’Empire terrompues par la mobilisation de ses dirigeants Parallèlement, cependant, l’identité ottomane ottoman, cohabitent lors de la Grande Guerre. mise en avant par les réformateurs du xixe siècle, la « communauté En octobre 1918, l’armistice de Moudros, signé progressivement abandonnée en faveur du « pa­ dominante » entre les Alliés et les Ottomans défaits, marque (millet-i hakime), nislamisme » sous Abdulhamid, laisse place à une le réveil de l’activité kurde, cette fois à Istanbul. musulmans sunnites idéologie « turquiste » sous l’influence des Jeunes- Un activisme qui se colore d’une dimension na­ (qu’ils soient turcs, Turcs. Le nationalisme gagne du terrain parmi les arabes, kurdes, etc.) et tionaliste, avec la fondation du Comité pour dirigeants unionistes avant d’entraîner, au début les juifs ou chrétiens, le relèvement du Kurdistan (Kurdistan Teali du xxe siècle, les élites arabe, albanaise et kurde. dhimmi, c’est-à-dire Cemiyeti ou KTC), le 17 décem bre 1918. On y En 1912 est légalisée la société kurde secrète protégés mais soumis retrouve des intellectuels qui étaient déjà pré­ Hevi (« Espoir »), considérée comme la pre­ à certaines contraintes sents dans les anciennes organisations kurdes. mière organisation kurde centralisée et structu­ particulières, Son programme se fonde sur le principe wilso- rée. A l’instar des Jeunes-Turcs, les dirigeants de notamment fiscales. nien d’autodétermination pour les nations « do­ Hevi aspirent à conduire le peuple kurde vers le minées ». Il publie le journal Jin (« La Vie »), en

La responsabilité dans le génocide arménien

lors que la plupart des historiens phase du génocide. Il est encore insistaient sur le facteur reli­ malaisé cependant d’évaluer A gieux pour expliquer la partici­ jusqu’à quel point les Kurdes, pation de tribus et notables kurdes au dans leur ensemble, ont pris part génocide arménien, les litiges arméno- aux massacres organisés par le kurdes touchant à la propriété fon­ pouvoir ottoman. Les récits ar­ cière ont été prépondérants, comme méniens ne laissent néanmoins l’a m ontré Hans-Lukas Kieser. Les m as­ pas de doute sur la complicité de sacres de 1895 sont, en ce sens, un pre­ bon nombre d’entre eux dans les mier chapitre précurseur. Cependant, massacres directs, les exactions en 1915, le contexte est différent. commises sur les caravanes de L’Empire ottoman, entré en guerre au déportés arméniens ou encore côté de l’Allemagne, est défait par l’ar­ l’islamisation forcée de milliers mée russe à Sarikamis, ce qui entraîne de fillettes arméniennes. dans les provinces orientales famine, Dans le même temps, les témoi­ épidém ies, et la m ort de m illiers de sol­ gnages de rescapés arméniens dats kurdes. La propagande du régime et le travail sur l’histoire lo­ unioniste impute ce désastre à la traî­ cale mettent en lumière maints trise arménienne. exemples de solidarité kurde Hans-Lukas Kieser a mis en évidence avec des Arméniens. Enfin, in­ la participation de Kurdes aux exac­ tellectuels et politiciens kurdes * tions, dans les villes - Diyarbakir, ont réalisé des avancées impor- ? Van, Kharpout - comme dans les cam­ tantes dans la reconnaissance S pagnes. Seule exception significative : Un précédent Une du supplément des responsabilités kurdes dans | au Dersim, des tribus alévies protègent illustré du Petit Parisien de 1895 montrant ce chapitre inouï de l’histoire du < les Arméniens dans cette première « un massacre d’Arméniens par les Kurdes ». X X e siècle. J. T. *

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------L'Empire ottoman en 1914 Mer Noire Zone de peuplement kurde Le partage de l’Empire ottoman au traité de Sèvres {1920) Ankara I I Projet d’État kurde I 1 Projet d’Arménie indépendante

| | Territoire conservé par la Turquie TURQUIE Mandats de la SDN attribués : I I à ta France | j au Royaume-Uni La contestation du traité par la Glide Turquie kémaliste ÆlLl !-----, Territoire repris

1-----1 par les kémalistes K d’A lexandri Alep Frontière de la Turquie en 1923 □ États après le traité de Lausanne (1923) Chypre des A eaouites (R.-UJA

Grand Liban

Beyrouth État de Damas o Mer Damas Méditerranée États PALESTINE des D ruzes 200 km Du traité de Sèvres au traité de Lausanne Le traité de paix signé par l’Empire ottoman et les Alliés en 1920, à Sèvres, imagine deux États, kurde et arménien. Mais il n’a jamais été appliqué : sur le terrain, les troupes menées par Mustafa Kemal, opposé au démembrement de l’empire, reprennent l’avantage. En 19 2 3 , le traité de Lausanne entérine ces gains ; et il n’est plus question d’État arménien ou kurde.

édition bilingue (kurde-turc), où s’élabore le nationalisme kurde moderne. Devant la possi­ bilité d’accéder à un État ou du moins à une au­ tonomie, les Kurdes se voient confrontés à des interrogations essentielles auxquelles il faut ap­ porter des réponses très rapidement : qui sont les Kurdes ? Combien sont-ils ? Où passent les « frontières » du Kurdistan ? Quels sont les cri­ tères qui déterminent l’identité kurde (langue, religion, appartenance tribale) ? En 1918, tandis que les provinces arabes de l’empire sont occupées par les Alliés, la majeure partie du Kurdistan turc est encore sous la tu­ telle ottomane. Le mouvement kurde naissant se retrouve dépourvu de soutiens extérieurs, contrairement à la dynastie hachémite arabe par exemple qui peut, elle, s’appuyer sur les Britanniques.

Le jeu des puissances européennes Avec la Première Guerre mondiale, les puissances de l’Entente, Grande-Bretagne, France, Russie, ont laissé entrevoir leurs intérêts dans la région moyen-orientale. Pour la Russie, la guerre est la meilleure manière de réaliser ses ambitions, no­ tamment l’accès maritime à la Méditerranée via la mer Noire par le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles. La Grande-Bretagne remet pour sa part en question sa doctrine qui visait à Signature Le délégué turc signant le traité de paix dit « de Sèvres » maintenir l’indépendance et l’intégrité de ► ► ► entre l’Empire ottoman et les Alliés le 10 août 1920.

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► l’Empire ottoman, telles qu’elles avaient été écartée par les agents du Foreign Office déta­ définies au lendemain de la guerre en Égypte en chés sur place. La France, malgré des réticences 1882. Quant à la France, sous le couvert de pro­ initiales, notamment le souci de contrebalan­ téger les chrétiens orientaux, elle n’a jamais caché cer le poids des Britanniques, finit par approu­ ses aspirations de prépondérance au Levant. ver la création d’un État kurde dans une zone Après maintes négociations, la France et la sur laquelle l’accord Sykes-Picot avait reconnu Grande-Bretagne (avec l’aval de la Russie et de sa souveraineté5. l’Italie) signent un accord de principe, dénommé Sykes-Picot4. Les provinces à majorité ou avec une Reculades kurdes forte présence kurde sont divisées de la manière Lorsque les Alliés occupent Istanbul, le 12 no­ suivante : le Nord-Est anatolien doit tomber sous vembre 1918, le Comité pour le relèvement l’administration directe russe ; le Sud-Est anato­ du Kurdistan (KTC) entre en contact avec les lien sous l’administration directe française ; le vi­ Français et les Britanniques afin de défendre les layet (province ottomane) de Mossoul est scindé aspirations de la « nation kurde ». Ses intentions en deux zones sous gestion économique respec­ ne sont toutefois pas forcément claires. La ques­ tivement française (RowanduzetErbil) et britan­ tion de l’indépendance du Kurdistan suscite des nique (KirkouketSouleimaniye). débats houleux au sein de l’association. Les par­ Le retrait de la Russie du conflit mondial après tisans de l’indépendance totale, réunis autour l’armistice de Brest-Litovsk en décembre 1917 d’Emin Ali Bedir Khan, affrontent ceux qui, sous change la donne. D’autant que, depuis avril 1917, la houlette de Seyyid Abdulkadir, préconisent les États-Unis sont aussi entrés dans le jeu. La l’autonomie dans le cadre du nouvel État turc- Russie révolutionnaire dénonce tous les accords ottoman. Ces derniers justifient leur position par secrets passés pendant les opérations militaires, les liens religieux des Kurdes avec les Turcs, ga­ ce qui conduit les Britanniques à réexaminer la rantis par l’institution du califat. Ils s’opposent politique alliée vis-à-vis des Ottomans. Le 8 jan­ violemment à la création d’un État arménien vier 1918, le président des États-Unis Woodrow prévu par les négociations de paix à Paris. Wilson énonce devant le Congrès un programme Prenant tout le monde de court, le général Chérif Pacha, représentant du KTC, signe en 1919 un accord avec l’Arménien Boghos Noubar Beaucoup de Kurdes préfèrent renoncer Pacha, prévoyant la création d’une Arménie et à leur État plutôt que d’admettre d’un Kurdistan indépendants. Alors que les dé­ légations arménienne et kurde avaient présenté la naissance de la Grande Arménie au préalable des revendications sur la totalité des provinces orientales de la Turquie actuelle, prévue par le traité de Sèvres elles acceptent finalement l’une et l’autre un compromis sous la pression des Européens. En en « Quatorze Points », ouvrant une ère nouvelle particulier, Chérif Pacha espère qu’en consen­ pour les relations internationales. Le point 12 tant des « pertes » territoriales au bénéfice des concerne les nationalités sous autorité otto­ Arméniens les chancelleries occidentales armé- mane. Il stipule : « La portion turque du présent nophiles - telle la France - accepteront le prin­ Empire ottoman devrait assurer une souveraineté cipe de la création d’un État kurde. sûre, mais les autres nationalités qui sont mainte­ Cet accord est confirmé par le traité de Sèvres nant sous l’autorité turque devraient se voir assurer du 10 août 1920, traité de paix signé par le gou­ une incontestable sécurité de vie et une opportunité vernement ottoman et les Alliés. Celui-ci prévoit [...] absolue de développement. » dans son article 62 « l’autonomie locale pour les Si les principes wilsoniens de 1918 sont accueil­ régions [de l’Empire ottoman] où domine l’élé­ lis avec satisfaction dans les milieux nationalistes ment kurde », et, dans son article 64, parle d’un kurdes, ils sont fortement contrecarrés par les in­ «État kurde indépendant». Le sort des Kurdes vi­ térêts géostratégiques de la Grande-Bretagne et vant dans le vilayet de Mossoul doit se décider de la France dans la région. Le gouvernement bri­ ultérieurement. tannique, obéissant auxlobbys pétroliers proches Mais le traité de Sèvres ne sera pas appliqué. de la Turkish Petroleum Company (TPC) - avec Entre-temps, bon nombre de tribus kurdes sun­ un capital majoritairement anglais en dépit du nites se sont ralliées aux forces rebelles turques nom -, décide d’occuper le vilayet de Mossoul, menées par Mustafa Kemal au nom de la fra­ censé être riche en pétrole, avant que la capitu­ ternité musulmane : elles refusent le traité de lation du gouvernement ottoman devienne ef­ Sèvres, l’amputation du territoire et la création fective. Mise devant le fait accompli, la France d’une entité arménienne. Les Kurdes participent cède le Nord irakien aux Britanniques, obtenant massivement aux campagnes contre les troupes en contrepartie la promesse d’une participation françaises et les milices arméniennes en Cilicie. française dans la TPC. Le traité de Sèvres est perçu comme une me­ La création d’un État kurde sous influence bri­ nace à d’autres titres. Tout d’abord, dès 1919, tannique n’est pas pour autant complètement divers cadres et fonctionnaires ottomans sont

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déférés devant des cours martiales, accusés de Sur les murs complicité dans l’exécution du génocide armé­ Cette peinture murale nien. Et certains chefs kurdes craignent eux à Souleimaniye au aussi d’être jugés pour leur participation active Kurdistan irakien aux massacres. En outre, la formation d’un État rend hommage aux Bedir Khan, célèbre arménien supposerait sans aucun doute la rétro­ famille kurde engagée cession obligatoire des terres confisquées aux dans le combat pour Arméniens en 1895 et en 1915. Beaucoup pré­ l’autonomie. fèrent donc combattre le traité de Sèvres et re­ noncer à un État kurde plutôt que d’admettre la naissance de la Grande Arménie prévue par le traité. Alors que les négociations entre les Alliés se poursuivent, le KTC se fragilise davantage après le départ des partisans de l’indépendance. Ces derniers se mettent « au service » des puis­ sances occidentales afin de garantir la création des États kurde et arménien6. Des divergences entre les Alliés d’une part et entre les Kurdes d’autre part, ainsi que les vic­ toires des armées nationalistes d’Ankara sur le terrain ouvrent la porte à une renégociation du traité de Sèvres. A l’ouest, l’armée grecque est dé­ faite par les Turcs. A l’est, les soulèvements des Kurdes alévis sont réprimés par les forces loyales à Mustafa Kemal en mars 1921, tandis que les troupes françaises en Cilicie subissent d’impor­ arides. Dès 1921, les autorités britanniques, al­ tants revers face aux soldats turcs et milices léguant des raisons géostratégiques, privilégient kurdes. Le retrait du territoire turc des troupes l’annexion de l’ancien vilayet de Mossoul à l’Irak italiennes, grecques et françaises, entre 1920 et « arabe » sous mandat britannique. Défendant 1921, met la Grande-Bretagne dans une situation des positions non conciliables sur ce point, la critique. Dès 1922, les Britanniques sont prêts à Turquie et la Grande-Bretagne demandent au renégocier les termes de la paix avec le nouveau Conseil de la SDN de régler ce désaccord. gouvernement de Mustafa Kemal. La délégation Le Conseil tranche l’affaire de Mossoul en dé­ turque conclut en juillet 1923 avec les Alliés le cembre 1925, en rattachant le vilayet à l’Irak traité de Lausanne, plus favorable à la nouvelle selon le vœu britannique. Néanmoins, confor­ Turquie et rendant caduc celui de Sèvres. Dans mément aux conclusions de la commission d’en­ Notes le nouvel accord, aucune mention n’est faite d’un quête formée par la SDN, des mesures doivent 3. Cf. « Arméniens. Le premier génocide État kurde ou arménien. être prises en faveur d’une autonomie adminis­ du xxe siècle », dossier, trative et culturelle des Kurdes d’Irak : nomina­ L ’Histoire n° 408, La question de Mossoul tion de fonctionnaires kurdes pour la gouver­ février 2015, pp. 36-85 Le traité de Lausanne laisse cependant ouverte nance de leur territoire, dans la justice, dans 4. Cf. H. Laurens, « 1916- 1920, le grand partage », la question relative au futur statut de l’ancien vi­ l’enseignement, ainsi que l’usage du kurde Les Collections de layet de Mossoul, occupé par les Britanniques dès comme langue officielle dans tous ces services. L ’Histoire n° 69, pp. 44-53. 1918. Cette région, habitée majoritairement par Une fois l’annexion du vilayet de Mossoul à 5. Face aux difficultées les Kurdes, mais avec d’importantes communau­ l’État irakien assurée en 1926, la « carte kurde » militaires rencontrées tés arabes, turkmènes et chrétiennes installées devient moins intéressante pour la Grande- en Syrie, la France a besoin du soutien britannique. dans les plaines, est convoitée et par la Turquie Bretagne. En dépit des promesses britanniques Le président du Conseil et par la Grande-Bretagne. Leurs divergences sur l’autonomie du Kurdistan, le traité anglo-ira­ Clemenceau accepte o d’intérêts lors des négociations à Lausanne se kien de 1929, qui jette les bases de l’indépen­ en décembre 1918 0 reflètent dans un télégramme envoyé par le re- dance formelle de l’Irak, ne prévoit plus de me­ de renégocier les accords 2 présentant d’Ankara Ismet Inonu au Premier de Sykes-Picot dans sures spécifiques pour les provinces kurdes. une lecture favorable < ministre Hussein Rauf bey, dans lequel il af- Ainsi se dessine dans les années 1920 le nou­ aux intérêts de la § firme : « Pour nous Mossoul est une question [de veau statut des Kurdes, partagés entre la Turquie, Grande-Bretagne. g sécurité] nationale ; pour eux [les Britanniques] l’Irak où peine à s’esquisser l’autonomie promise, la 6. CADN, fonds Ankara, Ambassade, g c’est une question de pétrole7. » Syrie sous mandat français où les Kurdes exercent n° 92. Lettre de la Ligue sociale S Au-delà du pétrole (qui sera exploité dès leurs droits sans être reconnus comme une mi­ kurde. Constantinople, 1 1927), le vilayet de Mossoul est également perçu norité, et l’Iran qui, n’étant pas concerné par les le 18 mai 1920. < par Londres comme un rempart physique pou- traités internationaux de Sèvres et de Lausanne, 7. Cf. A. Othman, S vant protéger l’Irak face aux éventuelles attaques cherche à assimiler les Kurdes à la « majorité » per­ « The Kurdish Factor in the Struggle for Vilayet < militaires de la Turquie. Enfin, le Nord irakien, sane, à l’instar de la Turquie. Le projet d’État est Mosul, 1921-1925 », The » riche en eau, est appelé à devenir le grenier d’un enterré. La « question kurde » s’ouvre, et avec elle Journal of Kurdish Studies, ° pays où prédominent le désert et les régions le procès des auteurs de cet échec. H 2001-2002/4, p. 36.

L’HISTOIRE / N°429 / NOVEMBRE 2016 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

LES RACINES ijlistoire DU POPULISME DOSSIER AMÉRICAIN EHistoire / n°429 / novembre 2016

Saladin le Magnifique Aux confins des empires L’origine des peshmergas Cent ans de combats nationalistes

Les Kurdes sont désormais les alliés les plus sûrs de la coalition contre Daech et leurs combattantes sont devenues des icônes. Est-ce enfin la chance de mener à bien un combat national auquel ils n’ont jamais renoncé ?

Entretien avec Hamit Bozarslan

L’H istoire : L’échec du projet de Kurdistan dénouement de la Seconde Guerre mondiale. évoqué dans le traité de Sèvres en 1920 En Iran est fondé un parti regroupant les Kurdes n’a pas mis fin au nationalisme kurde ? irakiens et iraniens, le Parti démocratique du Hamit Bozarslan : Certes non. Ce mouvement Kurdistan (PDK). Ses figures centrales sont national était déjà constitué à la fin du xixe siècle. Qazi Muhammad, un religieux kurde iranien, et Après l’occasion manquée d’un État kurde en Mustafa Barzani. La famille de ce dernier compte 1920 (cf. Jordi Tejel, p. 44), les Kurdes sont parta­ plusieurs cheikhs et a un long passé de lutte contre L’AUTEUR gés entre quatre pays (Turquie, Irak, Iran, Syrie). les Ottomans, puis contre l’Irak (c’est également le Directeur d’études Mais les insurrections se multiplient durant père de l’actuel dirigeant du Kurdistan irakien). à l’EHESS, l’entre-deux-guerres. La première révolte est celle C’est alors qu’éclate en Iran une grande ré­ Hamit Bozarslan a n o ta m m e n t pu b lié du cheikh Saïd qui, en 1925, appelle au soulève­ volte, quand le pays est partiellement sous oc­ Conflit kurde. ment contre l’abolition du califat* par Mustafa cupation soviétique. Une République azérie et Le brasier oublié Kemal. Ses raisons sont autant religieuses que na­ une République kurde se forment. Celle-ci éta­ du Moyen-Orient tionales. Ce sont les intellectuels qui portent alors blit sa capitale à Mahabad. Qazi Muhammad (Autrement, 2009) e t Histoire de un projet d’autonomie. Mais ils restent divisés. en est le président. Mustafa Barzani, qui, avec la Turquie, En 1927 est créé, en Syrie-Liban cette fois, un 10 000 hommes, a rejoint la révolte, en de­ de l’empire parti indépendantiste, Khoybun (ce qui veut dire vient l’un des principaux généraux. Quand les à nos jours « être soi-même »). Certains membres ont appar­ Soviétiques se retirent en décembre 1946, les (Tallandier, 2015). tenu à d’anciennes structures, comme le KTC deux républiques s’effondrent. Pour éviter la (Comité pour le relèvement du Kurdistan), ainsi guerre Qazi Muhammad se rend ; mais il est exé­ deux des frères Bedir Khan, une grande famille cuté en place publique à Mahabad. Barzani s’exile qui porte les aspirations nationales depuis la fin du en URSS. Cette première entité kurde autonome xixe siècle. Des Arméniens en font également par­ aura duré onze mois. Elle demeure une référence tie, comme Vahan Papazian. Ensemble ils veulent pour tous les mouvements kurdes ultérieurs. établir un État kurde dans le Caucase. Mais, fin 1930, l’armée turque écrase leur rébellion qui a Com m ent expliquer ces révoltes mobilisé plusieurs milliers de personnes. incessantes ? Les Kurdes sont-ils Le deuxième moment clé se déroule en systématiquement réprimés ? 1946, avec les bouleversements qu’entraîne le Oui, depuis les années 1920 et jusqu’aux

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Kobané Des réfugiés kurdes devant Kobané, à la frontière turco-syrienne, le 26 octobre 2014. La ville est couverte d’une épaisse fumée due aux combats qui opposent les forces kurdes à Daech.

années 1940, les Kurdes sont partout opprimés, sauf, peut-être, en Syrie sous mandat français : la France protège les minorités, voire s’appuie sur elles. Les réfugiés y sont accueillis. Et la culture kurde est préservée : par exemple, le général Pierre Rondot œuvre pour que la langue soit trans­ crite en alphabet latin. En Turquie, en revanche, la répression des Kurdes est constante. La langue est interdite. Leur territoire est géré selon un système administratif à part : on y envoie des « inspecteurs généraux » dépendant directement du président et détenant les pleins pouvoirs. Beaucoup de lois turques n’y sont pas appliquées. Sur place, le jeu du clientélisme domine autour de structures tri­ bales et de confréries qui restent puissantes. Apartir de 1946-1947, cependant, on peut dire que les choses, en Turquie, se normalisent quelque peu ; le pluralisme politique permet à certains Erbil Un soldat kurde mondiale ou ONU), ce qui a des conséquences acteurs d’entrer dans la compétition électorale. en uniforme traditionnel positives pour l’ensemble de la population. Les S’ouvre pour les Kurdes, dans les quatre pays, une devant le Parlement Kurdes connaissent un progrès de la scolarisa­ période sans révoltes-elle dure jusqu’en 1958. Ce à Erbil en 2003. tion, une amélioration de la santé, une crois­ Il se tient devant le que j’appelle la « période du silence ». On note à la sance démographique. Certes, 75 % d’entre portrait de Mustafa fois un épuisement des militants, la nécessité de eux vivent toujours dans les campagnes et un Barzani et le drapeau certain nomadisme se maintient. Mais, dans les panser ses blessures, une moindre répression - au du Kurdistan irakien. prix souvent de taire son identité kurde -, mais villes, une nouvelle classe d’intellectuels occi­ aussi de meilleures conditions de vie. dentalisés émerge. Les sociétés kurdes ne sont La Turquie et l’Irak se rapprochent des pays plus closes sur elles-mêmes. occidentaux et sont aidés par eux comme par Note Dans les années 1950-1970, la scène cultu­ les grands organismes internationaux (Banque * Cf. lexique, p. 37. relle turque voit éclore de grandes figures ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► d’origine kurde. Yachar Kemal rencontre M O T CLÉ guérilla, « une des plus constantes et mieux orga­ le succès avec son premier roman, Memed le nisées des années 1960 », selon Gérard Chaliand1. Mince, en 1955. Le cinéaste Yilmaz Güney réa­ Peshmerga Barzani devient une des grandes figures du mou­ Les peshmergas sont lise L’Espoir en 1970 et Le Troupeau en 1978 (il vement kurde et sa rébellion, une référence. les forces militaires recevra la Palme d’or à Cannes en 1982 avec Yol) : Les Kurdes se sont politisés. Ils adhèrent main­ du Kurdistan irakien. il dépeint les Kurdes sans jamais les nommer ; son Le mot signifie : « ceux tenant à une idéologie marxiste-léniniste et font œuvre est interdite dans son pays jusqu’en 1995. qui vont au-devant de la preuve d’un fort militantisme : la défense de Car la langue ou la presse kurdes restent inter­ mort ». Ces combattants la cause kurde se mêle à des revendications de dites en Turquie, en Iran et en Syrie ; la censure apparaissent dans gauche. Les femmes y sont impliquées, en parti­ culturelle se poursuit. Yachar Kemal, qui dénonce les années i960 autour culier les chrétiennes. Les intellectuels rejoignent la brutalité du pouvoir à l’égard des Kurdes, puis de Barzani en Irak. Le le mouvement. Ce qui n’empêche pas Barzani, des Arméniens, est condamné à un an et huit même terme est utilisé lui, d’avoir des positions conservatrices en ma­ mois de prison en 1996. En Irak, en revanche, le en Iran. Les hommes tière sociale ou religieuse ; il se prononce contre armés du PKK sont kurde est enseigné. la réforme agraire et ne veut pas entendre parler appelés guérilleros. de lutte des classes ou de révolution universelle. En Syrie, on parle Après la période « du silence », les Kurdes des Unités de protection C’est finalement Barzani lui-même qui, sont de nouveau l’objet d’une répression du peuple (YPG). en 1975, arrête la guérilla pour éviter un mas­ policière. A partir de quand ? sacre ; entre-temps, les États-Unis, Israël et l’Iran, Cela dépend des pays. En Iran, elle reprend qui l’ont soutenu pour des raisons de realpolitik, en 1953, après le renversement du Premier lui retirent leur appui-Téhéran, notamment, aré- ministre progressiste Mossadegh. Les nationa­ glé avec Bagdad ses litiges frontaliers. Nombreux listes kurdes vont alors peu à peu passer dans sont les Kurdes qui attribuent cette défaite à la la clandestinité. trahison des États-Unis et à celle des « féodaux » En Irak, la situation bascule quand la monarchie kurdes, dont, en premier lieu, Barzani. irakienne est renversée, en 1958 : Mustafa Barzani Cet échec n’empêche pas la rébellion de re­ rentre d’exil. Un temps proche du Premier ministre Note prendre quelques mois plus tard et entraîne la irakien Qasim, qui se dit réformiste et sensible à 1. G. Chaliand, radicalisation des nationalistes kurdes, qui se­ Stratégies de la guérilla. la question kurde, Barzani finit par inquiéter le Anthologie historique, ront l’objet d’une féroce répression sous Saddam nouveau pouvoir : les Kurdes sont encore une fois de la Longue Marche à nos Hussein - on se souvient des 5 000 m orts réprimés et Barzani se lance en 1961 dans une jours, Gallimard, 1984. de Halabja, hommes, femmes et enfants

République de Mahabad En Iran, à Mahabad, est fondée, sous l’égide de Mustafa Barzani dans son QG d’Irak l’URSS, une République kurde. Ci-dessus : réunion à Mahabad, en 1945, de membres en 1963. Il a été une des figures de la République du PDK iranien, à l’origine du soulèvement et de cette république. Celle-ci, soutenue de Mahabad. Revenu en Irak, il y lance une guérilla, par l’URSS, ne survit que onze mois. Mais elle marque durablement les mémoires. devenue une référence dans le monde kurde.

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délibérément asphyxiés à l’arme chimique, en «Les revendications, soulèvements 1988, par le dictateur irakien qui profita du cou­ vert de la guerre contre l’Iran pour éradiquer une et combattants passent d’un pays fois pour toutes la contestation kurde. à Vautre, jusqu’à ce quefincdement Dans les années 1970, la lutte reprend aussi en Turquie, avec la fondation du PKK. Les revendi­ la totalité du Kurdistan s’embrase cations et soulèvements passent ainsi d’un pays à l’autre, pour embraser finalement dans les an­ dans les années 1980 » nées 1980 la totalité du Kurdistan.

Quel est le projet du PKK ? responsables ; seule la violence permettra de sor­ Le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan, est tir de cette condition, quitte à se sacrifier pour la créé officiellement en 1978, avec, parm i les cause. Le PKK, prenant le relais de la guérilla ira­ membres fondateurs, Abdullah Ôcalan. Ce parti kienne, se voit comme la nouvelle force dyna­ de gauche radicale est né, d’une part, du choc pro­ mique de la révolution socialiste à l’échelle du voqué en 1975 par la défaite de Barzani en Irak et, Moyen-Orient, un rôle un peu semblable à celui d’autre part, comme réponse au coup d’État mili­ des Palestiniens. Dans ce projet d’émancipation taire en Turquie, en 1971, qui décime la gauche global, la revendication d’un Kurdistan indépen­ révolutionnaire, réprime les intellectuels et pro­ dant finit par devenir secondaire. D’ailleurs, c’est voque le retour de la terreur au Kurdistan. Le PKK plutôt une fédération du Moyen-Orient qui a les est une réaction contre l’ancienne classe politique faveurs, aujourd’hui encore, du parti, une fédéra­ kurde, incarnée par Barzani, et contre les intel­ tion unissant Kurdes, Arabes, Turcs, Arméniens... lectuels qui ont cru possible de promouvoir leur Au PKK résolument « marxiste-léniniste » Cinéma Réalisé par cause dans le cadre constitutionnel. Yilmaz Güney en 1982, régnent le culte de la personnalité en faveur Une nouvelle génération de militants apparaît : Yol prend pour décor le d’Ôcalan, l’omnipotence du parti, un ordre dis­ non plus l’élite intellectuelle ou les chefs tradi­ Kurdistan turc. Il a reçu ciplinaire ; les années 1980 sont celles de purges tionnels des tribus, mais des populations urba­ la Palme d’or à Cannes. sanglantes. Le PKK mène la lutte armée au prix, nisées, jeunes (parfois très jeunes, 15-16 ans), parfois, de massacres. Les premières victimes sont plébéiennes. Le PKK révise l’histoire des Kurdes : les familles de Kurdes travaillant avec Ankara et si ceux-ci sont devenus des esclaves, ils en sont considérés comme des « collaborateurs ». Le PKK a troqué, dans les années 2000, sa doc­ trine marxiste-léniniste pour les thèses de Murray Bookchin (libertaire écologiste américain, qui ins­ pire aussi bien les zapatistes que le mouvement pa­ risien Nuit debout). Abdullah Ôcalan, lui, est en TURQUIE, 1978 prison depuis 1999 (sa condamnation à mort a été commuée en peine à perpétuité après l’abolition de la peine capitale en Turquie). Mais une discipline militaire est maintenue au sein de l’organisation. Le noyau du parti compte actuellement plu­ sieurs milliers de militants. Il est soutenu par une force militaire de 5 000 hommes, qui peut monter, en cas de mobilisation, à 50000 ou 60 000 personnes. Il a des liens forts avec le HDP (Parti démocratique des peuples), parti dont l’électorat est essentiellement kurde, qui a obtenu 13 % des voix aux élections législatives de 2015 et qui rassemble beaucoup de femmes et de jeunes. L’acteur de référence, en Turquie, reste le PKK ; c’est lui seul qui peut faire bouger les choses, mo­ difier les positions.

Que se passe-t-il, pendant ce temps, en Iran, où en 1979 a éclaté la révolution ? Les Kurdes d’Iran sont très actifs dans la révolu­ tion de 1979 qui conduit à la chute du chah. Mais leur souhait d’émancipation nationale se heurte Le Parti des travailleurs du Kurdistan est fondé en Turquie en 1978, vite au programme de l’ayatollah Khomeyni ; notamment en réponse à l’échec de Barzani. Ci-dessus : Abdullah Ôcalan, ils ne veulent pas de « révolution verte » (isla­ chef du PKK, passant en revue ses troupes devant le drapeau du parti (1991, mique), de l’application de la charia. De plus, le vallée de la Bekaa au Liban). pouvoir centralisateur prône l’unité du pays, de l’islam, et refuse à ce titre toute autonomie ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes Les femmes de Kobané Comment expliquer la présence de nombreuses femmes au sein des forces armées kurdes ?

es médias ont beaucoup insisté sur les femmes combattantes dans les rangs kurdes, au sein des YPG, les Unités de protec­ Ltion du peuple, branche armée du PYD. Le phénomène n’est pas nouveau. On trouve déjà des femmes combattantes kurdes dans les années 1930, notam ­ ment dans la région de Dersim au Kurdistan de Turquie. Le cas kurde n’est bien entendu pas unique. Pour ne parler que du monde arabe, pensons aux Palestiniennes dans les années 1960 (Leila Khaled, première pirate de l’air) ou aux Algériennes. Ces femmes y trouvent certainement un moyen de contourner l’ordre social conservateur et d’asseoir leur légitimité. Le phénomène témoigne aussi de l’es­ sor de l’éducation des filles. Comme le montre le film de Hiner SaleemMy Sweet Pepper Land, l’éducation est l’un des biais par lequel les femmes s’émancipent. Il ne faut pas négliger enfin l’instrumentalisa­ tion de ces combattantes par les forces kurdes, bien conscientes de l’effet posi­ tif de ces photos de jeunes femmes sol­ dâtes sur l’opinion occidentale. C’est avec la bataille de Kobané, en 2014, qu’ont commencé à se diffuser massive­ ment ces images. On peut se demander ce qu’il adviendra de ces femmes une fois la guerre terminée. Leur statut privilégié se maintiendra-t-il ? Reste que la participation des femmes à la lutte est réelle. On les retrouve bien présentes sur d’autres terrains, plus politiques. C’est notamment vrai au Kurdistan irakien où, selon la loi, le Parlement doit compter au moins 30 % de femmes. Une féminisation qu’on ob­ serve également dans l’administration de la région. Une majorité de ces femmes ne portent pas le voile. Les filles vont à l’école. De plus, la scène culturelle, très Mort d’une combattante vivace dans les zones kurdes, que ce soit La guérillero kurde des YPG (Unités de protection du peuple) syriennes en Irak, en Iran, en Syrie ou en Turquie, Asia Ramazan Antar, le 10 novembre 20 15, près de la ville de Hole au Kurdistan dans la musique, la littérature, etc., syrien. Elle a été tuée fin août 2016 dans les combats contre Daech. Surnommée est un espace mixte. Être engagé, au­ « (’Angelina jolie kurde », elle faisait partie de ces femmes combattantes dont jourd’hui, pour un Kurde, ce n’est pas for­ l’image médiatisée à l’extrême plaît tant aux opinions publiques européennes. cément politique ; cela peut être culturel. C’est oublier un peu vite que s’engager au sein des YPG constitue, pour beaucoup Les femmes sont un acteur décisif. d’entre elles, un moyen d’échapper à un modèle familial resté patriarcal. H . B . L’HISTOIRE / N°429 / NOVEMBRE 2016

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► ► ► régionale. En 1979-1980, le nouveau ré­ CHIFFRES y sont interdites. Pour la première fois un terri­ gime lance la guerre contre les Kurdes : bombar­ toire kurde n’est plus soumis à la répression du dements, exécutions, massacres... Le conflit fait 35 millions pouvoir. La zone est l’objet, en 1994-1996, d’une 40000 morts au sein des populations kurdes. de Kurdes guerre fratricide entre deux groupes rivaux. Mais Mahmoud Ahmadinejad (l’ancien président ira­ les choses se calment et des élections y sont orga­ nien) est un des responsables de cette hécatombe. nisées, notamment en 2005, ce qui permet une Le combat des Kurdes, qui se retirent alors des 15-17 millions normalisation et la formation d’un gouvernement en Turquie (plus de villes, laisse place à une guérilla classique2. Se dé­ de coalition dans ce qui devient le noyau d’une vé­ 15 % de la population veloppe également un fort pôle de résistance civile du pays) ritable entité fédérale. qui passe notamment par la culture. Dans les an­ En 2014, la zone de protection est élargie à nées 1990-2000, la cause des Kurdes mobilise le 10 millions Kirkouk : l’État irakien, menacé par Daech, s’en théâtre, la musique, le cinéma. Abbas Kiarostami, en Iran (12-13 % de retire. Le Kurdistan irakien a acquis graduel­ sans être kurde lui-même, introduit ce peuple dans la population) lement les pouvoirs d’un État quasiment indé­ ses films (Le vent nous emportera, en 1999, a été pendant : il dispose désormais de son gouverne­ tourné dans un village du Kurdistan). Le réalisa­ 5-6 millions ment, de son Parlement, de son administration, en Irak (plus de teur kurde touche un public in­ de son armée, de son service de douanes et 15 % de la population) ternational avec le très beau Un temps pour l’ivresse de sa capitale, Erbil. Massoud Barzani, fils de des chevaux (2000). 2,2 millions Mustafa, en est le président. en Syrie (10 % de Comment les mouvements la population) Aujourd’hui, les Kurdes incarnent nationalistes dans les différents pays la lutte contre Daech. se coordonnent-ils ? 1,5 million Comment en est-on arrivé là ? Ils s’influencent mutuellement - on l’a vu avec en diaspora dont : En deux étapes : la première est le 19 juillet 2012. Barzani. Actuellement, le PKK pèse sur le mou­ 900000 en Allemagne La veille, Damas a été touché par un attentat qui vement syrien. Les frontières du Moyen-Orient 200000 en France décapite le pouvoir, faisant davantage entrer la 150000 dans l’ex-URSS sont poreuses, les hommes circulent. Des solida­ Syrie dans la guerre civile. Le régime se retire des 150000 en Jordanie et rités humanitaires, financières, voire militaires, régions kurdes : il n’a plus les moyens de défendre au Liban peuvent se bâtir. Cela dit, les Kurdes n’ont ja­ l’ensemble du territoire. En autorisant le PYD mais réussi à créer une structure unifiée entre les (Parti de l’unité démocratique, kurde), qui est un frontières nationales, ou à l’intérieur de ces fron­ « parti frère » du PKK, à prendre le contrôle de cette tières. Dans les années 1980-1990, des violences zone, il veut aussi « punir » la Turquie qui a soutenu interkurdes éclatent même. Aujourd’hui comme l’opposition armée syrienne. Une nouvelle entité hier le monde kurde est traversé par les divisions, autonome kurde se développe ainsi au nord du autant que par les forces unificatrices. pays, dominée par ce parti et sa branche armée, les YPG (Unités de protection du peuple). En 1991 l’arrêt de la guerre froide et Mais l’année décisive est bien sûr 2014 : pro­ la guerre du Golfe semblent changer clamation du califat par Daech en juin ; massacre la donne. Pourquoi ? des Kurdes yézidis (et des chrétiens) de la ville Il s’agit d’un premier moment de rupture. Saddam de Sinjar en août ; enfin, bataille de Kobané. Du Hussein profite de la fin de la guerre du Golfe pour 13 septembre 2014 au 14 juin 2015, les Kurdes écraser les Kurdes, qui fuient en Iran et en Turquie. des YPG y luttent contre les forces djihadistes de Mais les caméras sont là - contrairement à ce qui Daech (soutenues en sous-main par la Turquie se passe dans le Sud, où 100 000 chiites sont exé­ qui les laisse traverser la frontière), et l’emportent cutés, loin de tout regard occidental. Le président finalement. Dans la communauté internationale, français François Mitterrand plaide alors auprès les Kurdes apparaissent dès lors comme le fer de de son homologue américain, George Bush, pour Note lance du combat contre Daech, qu’il s’agisse des que soit créée une « zone de protection » kurde 2. Celle-ci est notamment YPG en Syrie ou des peshmergas en Irak. Sans les en Irak. Une partie du Kurdistan (40 000 km2) de­ menée par le PDKI dont Kurdes, Daech aurait pu s’établir sur un territoire le chef charismatique continu tout au long de la frontière turque. vient ainsi un territoire protégé par les armées al­ Abdulrahman Qassimlu liées. En 1991, par la résolution 688 du Conseil de est assassiné à Vienne par Pour les Kurdes, c’est un bouleversement to­ sécurité de l’ONU, les forces militaires irakiennes les services iraniens. tal : l’ennemi, ce n’est plus un État, ce n’est plus ni Bagdad ni Damas, mais une puissance qu’on ne connaît pas, qui n’a pas de frontières. A partir « Le Kurdistan irakien a acquis de cette date, le mouvement kurde se remilita­ rise. D’autant qu’en Turquie aussi, à l’été 2015, graduellement les pouvoirs le pouvoir reprend la lutte contre les combat­ dfun État quasiment indépendant : tants kurdes. il dispose désormais de son Où en est la question kurde en Turquie aujourd’hui ? gouvernement, de son Parlement, En 2015, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan a de son administration, de son armée » rompu le processus de paix entamé deux ► ► ►

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DOSSIER Les Kurdes

► ► ► ans plus tôt avec le PKK. Au nom, toujours, Kurdistan irakien dirigé par Massoud Barzani et de la défense de la « turcité » et dans une logique le PKK. Le premier est plus pluraliste que le se­ nationaliste ; c’est aussi le résultat du raidisse­ cond. Il cherche à négocier avec la Turquie, d’où ment du président. Le pays manifeste en fait, des conflits avec le PKK, qui ont, jusqu’à mainte­ par là, la fragilité de son identité. Les discours nant, été régulés sans violence. Le PKK, quant à de ses dirigeants expriment la peur que ce soit la lui, s’appuie sur ses partis frères en Syrie (PYD) Turquie tout entière qui disparaisse avec la perte et en Iran (PJAK, Parti pour une vie libre au À SAVOIR des régions kurdes. Précisons que la Turquie n’a Kurdistan) ; il prône la démocratie directe, l’au­ Soleil aucun intérêt économique dans cette région, très tonomie plutôt qu’un État indépendant. pauvre. En 2015-2016, les villes kurdes de l’Est anatolien (autour de Diyarbakir), où le HDP re­ Comment voyez-vous l’avenir cueillait 80-90 % des voix, ont été massivement des Kurdes ? Un Kurdistan unifié et détruites. Aux yeux d’Ankara, les Européens, en indépendant est-il envisageable ? venant en aide aux Kurdes, chercheraient à dé­ Il y a trente ans, dans les années 1980, personne sintégrer le pays, comme ils auraient eu pour n’était sûr que les Kurdes survivraient comme principal objectif, pendant la Première Guerre communauté. Aujourd’hui, on constate un « em­ Le drapeau du Kurdistan mondiale, de dépecer l’Empire ottoman. powerment », une montée en puissance de cette irakien autonome est Profitant de son engagement contre les djiha- société. Nul ne conteste par exemple l’existence le même que celui distes en Syrie, la Turquie bombarde les régions et la légitimité du Kurdistan irakien, soutenu no­ conçu dans l’entre- kurdes de Syrie. Dans le même temps, cependant, tamment par les États-Unis, l’Europe, voire la deux-guerres au sein elle entretient des liens avec le Kurdistan irakien, Russie et la Chine. Reste que cette entité est la des mouvements indépendantistes. tant que celui-ci ne se rapproche pas du PKK. proie de conflits internes (ainsi sur l’attitude à Il reprend les couleurs adopter à l’égard de la Turquie) et de pressions du drapeau iranien, Quelle est la position géopolitique externes (de la Turquie ou de l’Iran). auxquelles s’ajoute des Kurdes à l’heure actuelle ? La situation de l’ensemble des Kurdes de­ un soleil. Elle varie selon les mouvements et les pays. Il meure incertaine, « sur la brèche ». Il est impos­ existe deux acteurs majeurs aujourd’hui : le sible de prévoir l’avenir. Le seul pays solide est

f A Territoire à majorité kurde

1 | Kurdistan irakien (GRK)

TURQUIE g Zone contrôlée par le PYD ( « Rojava » )

Zone d’influence : Diyarbakir I I PKK (en Turquie) 2015 Kurdistan irakien I I Partis kurdes iraniens ^ Massacre contre les Kurdes IRAN Kobané # Bombardement turc Hassëtché contre les Kurdes Q Attentat du PKK (2016) Mossoul IIRANl Allié du Kurdistan irakien

Territoire contrôlé mars 1988 Halabja par Daech (10 oct. 2016) 3 ^ Victoire contre Daech Territoire repris par les peshmergas Damas Ramadi aaa. Front (10 oct. 2016)

q Bataille de Mossoul annoncée (octobre 2016)

Kurdistan irakien : la base Si les frontières qui traversent le territoire kurde sont poreuses, chaque pays possède son organisation politique ou armée propre : le PKK en Turquie et ses deux partis frères, PjAK en Iran, PYD en Syrie (avec sa branche armée, les YPG) ; les peshmergas, forces armées du Kurdistan irakien autonome. Ces derniers ont progressivement gagné du terrain contre Daech et se rapprochent de Mossoul.

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POUR EN SAVOIR PLUS Ouvrages généraux D. R. Bajalan, S. Z. Karimi (dir.), Studies in Kurdish History, Abingdon, Routledge, 2015. H. Bozarslan, Conflit kurde. Le brasier oublié du Moyen-Orient, Autrement, 2009 ; Histoire de la Turquie, de l’empire à nos jours, Tallandier, 2015. F. Georgeon, N. Vatin, G. Veinstein (dir.), Dictionnaire de l’Empire ottoman, Fayard, 2015. S. Jmor, L ’Origine de la question kurde, L’Harmattan, 1995. C. Kutschera, Le D é fi kurde o u Le Rêve fo u de l’indépendance, Bayard, 1997. A. Seida, La Question kurde en Syrie, L’Harmattan, 2005. J. Tejel, Syria ’s K urd s, Abingdon, Routledge, 2008.

Moyen Age A. -M. Eddé, Sa la d in, Flammarion, 2008. B. James, « Saladin et les Kurdes. Perception d’un groupe au temps des croisades », Études kurdes n° 10,2006 ; « Mamluk and Mongol aujourd’hui l’Iran, mais cet équilibre est peut-être M ixité Enfants Peripheral Politics. Asserting Sovereignty in trompeur. L’Irak est fragmenté, avec un État cen­ en uniforme dans the Middle East’s “Kurdish Zone”, 1260-1330 », tral qui n’est ni tout à fait État ni, encore moins, la cour d’une école à B. De Nicola, C. Melville (dir.), The Mongols’ « central ». La Turquie est un bateau ivre qui vit Topzawa, au Kurdistan M idd le Ea st, Leyde, Brill, 2016. une « désinstitutionnalisation » (les institutions irakien en 2009. J. Loiseau, Les Mamelouks, xiif'-xvC siècle, Seuil, 2014. sont vidées de leur fonction), où toute légiti­ Ib n K h a ld u n et les sept vies mité est transférée à Recep Tayyip Erdogan - un G. Martinez-Gros, de l’Islam , Arles, Actes Sud-Sindbad, 2006. président tout-puissant qui lui-même a peur. La Syrie est en totale décomposition, et la guerre y Naissance du nationalisme change constamment de visage. W. Eagleton, L a République kurde, Bruxelles, Complexe, 1991. H. -L. Kieser, « Réformes ottomanes et «Il y a trente ans, personne n’était cohabitation entre chrétiens et Kurdes, 1839- sûr que les Kurdes survivraient 1915 », Études rurales n° 186, 2010, pp. 43-60. J. Tejel, Le Mouvement kurde de Turquie en exil. comme communauté. Aujourd’hui, Continuités et discontinuités du nationalisme kurde sous le mandat français en Syrie et au Liban, on constate son “empowerment”, 19 2 5 -19 4 6 , Berne, Peter Lang, 2007. A. Vali (dir.), Essays on the Origins o f Kurdish sa montée en puissance » Nationalism, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2003.

Il faut absolument conforter les entités kurdes Les Kurdes aujourd'hui irakienne et syrienne, pôles de stabilité dans une O. Bengio (dir.), Kurd ish A w ake nin g. région très instable. Rappelons que, si Daech a si Nation Building in a Fragmented Homeland, bien réussi, c’est qu’il s’imposait dans des socié­ Austin, University of Texas Press, 2014. tés de plus en plus atomisées et désintégrées : en G. Chaliand, S. Mousset, La Question kurde Syrie, en 2013, on comptait 1300 milices ! à l’heure de Daech, Seuil, 2015. Tous les scénarios sont possibles dans le fu­ C. Gunes, W. Zeydanlioglu, The Kurdish Question in Turkey, Abingdon, Routledge, 2013. tur. Le plus sombre : les tensions entre l’Iran, la Turquie, l’Arabie Saoudite s’accentuant, la tota­ M. M. Gunter, M. M. A. Ahm ed (dir.), The Kurdish Spring. Geopolitical Changes and the lité du Moyen-Orient pourrait s’embraser. Le plus K urd s, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2013. optimiste : si la Turquie se pacifie, si elle entame D. Romano, M. Gurses (dir.), Conflict, à nouveau un processus de paix avec les Kurdes, Democratization, and the Kurds in the Middle leur situation en Turquie et en Syrie se stabilise­ Ea s t, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014. rait ; plus avant encore, on peut rêver à l’émer­ J. Tejel, La Question kurde. Passé et présent, gence d’une fédération du Kurdistan, pluraliste, L’Harmattan, 2014. g qui ne chercherait pas à gommer les différences, | considérables, entre les Kurdes, quitte, aussi, à Retrouvez Jordi Tejel le 28 octobre à 9h05 préserver les frontières actuelles, mais des fron­ dans « La Fabrique de l’histoire », l’émission d’Emmanuel Laurentin sur France Culture, lors tières fluides. Le Kurdistan, nouvelle Suisse du de la séquence « La Fabrique mondiale de Moyen-Orient ? On en est encore loin, l’histoire ». En partenariat avec L ’Histoire. o (Propos recueillis par L’Histoire.) L’ HISTOIRE / N°429 / NOVEMBRE 2016

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