LE BOURBONNAIS

LES PROVINCES FRANÇAISES 3 AUGUSTIN BERNARD . CAMILLE GAGNON LE BOURBONNAIS

COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE PATRONAGE DU MUSÉE NATIONAL DES ARTS ET TRADITIONS POPULAIRES DIRIGÉE PAR ARMAND LUNEL ET FRANÇOIS AGOSTINI

GALLIMARD LE PRÉSENT VOLUME EST PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris la Russie. Copyright by Librairie Gallimard, 1954. I LE PAYS

DÉFINITION, LIMITES ET ÉTENDUE DU BOURBONNAIS Le Bourbonnais ne représente pas, comme la Normandie, la Bretagne ou la , un territoire compact et homo- gène. C'est une formation artificielle constituée aux dépens des trois cités ou diocèses de Bourges, de Clermont et d'Autun, une création des sires et des ducs de Bourbon, qui, peu à peu, par des acquisitions, des mariages, des échanges, l'ont créée et organisée. En ce sens, on a pu dire que le Bourbonnais est le symbole de l'unité française, qui s'est faite de la même manière. L'emploi du nom de Bourbonnais ne date que de Robert de Clermont (1288) et ne se généralise qu'à l'époque de l'érection de la seigneurie en duché-pairie (1327). Ce nom s'ap- pliquait à la fin de l'ancien régime à deux objets distincts : le duché et le gouvernement militaire; c'est au gouvernement militaire qu'on fait généralement allusion quand on parle de la province du Bourbonnais. Ses limites étaient incertaines. Il y avait dans l'ancienne des circonscriptions qui chevauchaient les unes sur les autres et dont aucune n'avait de limites fixes et bien connues. « Le royaume, écrivait Thouret en 1789 dans son rapport à l'Assemblée constituante sur la division de la France en départements, est partagé en autant de divisions différentes qu'il y a d'espèces de pouvoirs : en diocèses sous le rapport ecclésiastique, en gouvernements sous le rapport militaire, en bailliages sous le rapport judiciaire. » Il y avait dans le Bourbonnais des enclaves intérieures : Saint-Pourçain, Cus- set, Ébreuil étaient d'; d'autre part, on rattachait au Bourbonnais certaines paroisses du et de l'Au- vergne. Enfin, il y avait des paroisses mi-parties : Montaiguët

était moitié en , moitié en Bourbonnais; Puy-Guillaume, moitié en Bourbonnais, moitié en Auvergne. La province n'était nullement la base de la vie adminis- trative sous la monarchie, qui s'en défiait parce qu'elle y voyait un foyer de particularisme. Le véritable ressort de l'administration était l'intendance. C'est l'intendant qui était le personnage le plus important de la province et le vrai représentant du roi. La généralité de Moulins, ressort de l'intendant, était beau- coup plus étendue que la province. Elle comprenait sept élections, dont trois, celles de Moulins, de Gannat et de Montluçon, correspondaient au Bourbonnais traditionnel, celles de Nevers et de Château-Chinon au Nivernais, celles de Guéret et d'Évaux à la Marche. Au-dessous de l'intendant étaient les subdélégués dans les châtellenies, les baillis à ressorts indéterminés ou mal déter- minés. Les châtellenies étaient des circonscriptions à la fois administratives, judiciaires et fiscales. Leur nombre a varié; certaines ont été aliénées par donation et constitution d'apa- nages, d'autres ont été réunies à des châtellenies voisines plus importantes. D'après Nicolay, qui écrivait au xvie siècle, le Bourbonnais comptait 17 châtellenies : Moulins 1, , Belleperche, Bourbon 2, Ainay, La Bruyère-l'Aubépin, Héris- son 3, Montluçon, Murât4, Verneuil, Chantelle, Ussel, Gannat, , Billy, Chavroches et Germigny, les deux dernières aliénées. En 1789, les convocations aux états généraux de la sénéchaussée de Moulins ne mentionnent plus Belleperche, qui a été détruit; La Bruyère-l'Aubépin a été remplacé par Cérilly; il y a une châtellenie des Basses-Marches, correspon- dant au canton de Marcillat. Les lettres patentes du 4 mars 1790 qui partageaient la France en 83 départements prévoyaient en général plusieurs départements pour une seule province. Le Bourbonnais, peu étendu, est une des provinces, assez peu nombreuses, qui n'ont fourni qu'un seul département. Les nouvelles circons- criptions furent tracées et délimitées avec beaucoup de soin, comme en témoignent les travaux du Comité de Division. Dans l', 7 districts furent créés : Cérilly, Cusset, Le Donjon, Gannat, Montluçon, Montmarault et Moulins; le chef-lieu fut fixé à Moulins, malgré les objections de Montlu- çon. En l'an VIII les circonscriptions furent ramenées à

I. Voir planche II. 2. Voir planche III. 3. Voir planche IV. 4. Voir planche 1.

4 arrondissements : Moulins, Gannat, Lapalisse et Montluçon. Gannat fut supprimé en 1926 et Lapalisse transféré à Vichy en 1941. Le département de l'Allier ne correspond pas exactement à l'ancien Bourbonnais, qui s'étendait plus au nord que le département actuel et comprenait des paroisses qui font aujourd'hui partie de la Nièvre; au sud de Gannat, le Bour- bonnais englobait un territoire qui appartient actuellement au Puy-de-Dôme. La région de Saint-Amand, bien qu'aliénée au duc de Nivernais, a toujours été considérée comme fai- sant partie du Bourbonnais. Si on attribue à l'ancien Bourbon- nais 788.991 hectares, cette superficie a fourni au départe- ment de l'Allier 580.997 hectares sur les 730.837 hectares qu'il renferme, à celui du 21.800 hectares, à celui de la Creuse 57.306 hectares, à celui du Puy-de-Dôme 128.988 hec- tares. La division départementale s'est maintenue pendant un siècle et demi. Si le cadre départemental ne répond plus aux conditions actuelles et appelle des retouches, c'est que les moyens de communication, le chemin de fer, l'automobile, le télégraphe, le téléphone, en réduisant considérablement les distances, ont fait du département une unité administrative de trop faible étendue. De là différents projets récents de création de régions économiques. On a pensé constituer un groupement comprenant les départements de l'Allier, de la Nièvre, de Saône-et-Loire, du Cher, de l'Auvergne et de la Creuse; ou bien rattacher le Bourbonnais à l'Auvergne, vers laquelle est orientée la partie méridionale du département, tandis que la partie septentrionale regarde le nord; ou enfin faire du Bourbonnais une province distincte, solution qui paraît avoir la préférence des habitants et en faveur de laquelle on peut invoquer de bons arguments. Au point de vue où nous nous plaçons, la question des limites de l'ancien Bourbonnais, du département de l'Allier et de la future province est relativement secondaire. La vie en commun sous ses ducs et dans l'organisation départemen- tale a soudé entre eux les pays très divers qui composent le Bourbonnais, leur donnant une âme commune, une person- nalité distincte. Nous appelons Bourbonnais le territoire dont les habitants se sentent et se disent Bourbonnais.

TRAITS GÉNÉRAUX Le Bourbonnais est placé à la rencontre du Nord et du Midi; il appartient à la fois au Bassin parisien et au Massif central. Les chaînes du Forez, les monts d'Auvergne et les monts de la Marche se continuent en Bourbonnais sous forme de plateaux ondulés. Le Bourbonnais s'incline du sud- est au nord-ouest. Des régions montagneuses adossées au Massif central on descend vers les plaines, tantôt fertiles commebourbonnaise. la vallée de l'Allier, tantôt stériles comme la Sologne Le Bourbonnais est à la limite de la langue d'oïl et de la langue d'oc. Sur les pentes septentrionales du Massif central, les parlers du Midi et les parlers du Nord se rencontrent, et aussi la toponymie française et la toponymie provençale. La nomenclature géographique témoigne du changement. Il ne faut d'ailleurs pas exagérer la séparation entre les deux idiomes. « D'un bout à l'autre du sol national, dit Gaston Paris, nos parlers populaires étendent une vaste tapisserie dont les couleurs variées se fondent sur tous les points en nuances insensiblement dégradées. » « Les dialectes, dit aussi Meillet, n'ont pas de limites définies et il n'y a de limites exactes que de chaque fait linguistique particulier. »

GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Toute la partie méridionale du Bourbonnais, dans les régions de Lapalisse, du Montet, de Montluçon, est formée de gneiss, de micaschistes, de granites et de granulites qui sont la continuation des terrains primitifs de l'Auvergne. A ces formations s'adossent des grès permiens, les arkoses, qu'on a appelées des granites recomposés et qui résultent en effet de l'érosion des terrains anciens. Le terrain houiller s'est déposé dans deux plis synclinaux séparés par une chaîne granitique; ce sont d'une part le bassin de Villefranche et de Commentry, de l'autre celui de Montmarault, Fins, Noyant, Souvigny; les schistes et les débris de végétaux remplissent une longue dépression rectiligne qui traverse tout le Massif central. A l'époque secondaire, les mers triasique et liasique pénétrèrent dans la partie septentrionale du Bourbonnais, y déposant des grès et des marnes. Pendant l'époque tertiaire, trois dépressions parallèles se creusèrent, fosses d'effondre- ment produites par les mouvements alpins; à l'époque oligo- cène, bordées de failles, de vastes lagunes s'établirent dans les parties déprimées, telles que la Limagne d'Allier; des marnes, des calcaires et en dernier lieu des sables s'y dépo- sèrent. Le drainage de la contrée s'effectua d'abord vers le Sud, en liaison avec la Méditerranée, puis s'orienta au Nord vers les mers qui recouvraient le centre du Bassin parisien. Lorsque le Massif central, presque réduit par l'usure des âges à l'état de pénéplaine, commença à se relever, des roches éruptives et des sources thermales trouvèrent issue par les fractures. En même temps, toutes les forces de l'érosion se ranimèrent; les débris de la destruction, entraînés vers le Nord et l'Ouest, formèrent de larges nappes détritiques, comprenant des sables quartzeux à particules granitiques associés à des graviers et à des argiles, qui correspondent à la Sologne bourbonnaise. La Loire, qui jusque-là se confondait avec la Seine, conduisit désormais directement à l'Océan ses eaux et celles de ses affluents. Le climat du Bourbonnais résulte de sa situation par rap- port à la mer et au Massif central. Il n'est pas complètement fermé aux influences maritimes, mais le voisinage de l'Au- vergne occasionne en hiver des froids rigoureux et des neiges abondantes. Les gelées de printemps sont fréquentes et désas- treuses, plus désastreuses même qu'en Auvergne, parce que la végétation est plus avancée. L'été, souvent brûlant, est accompagné de violents orages et de chutes de grêle. L'au- tomne est en général ensoleillé et charmant. Les écarts de température d'une saison à l'autre, d'un jour à l'autre, sont très sensibles. Les sécheresses prolongées sont assez fré- quentes. La luminosité du ciel, d'un bleu léger et un peu lai- teux, a été vantée par Émile Mâle. Le Bourbonnais est traversé du sud au nord par trois importants cours d'eau : la Loire, qui reçoit la Besbre, l'Allier grossi du Sichon et de la Sioule, le Cher où se jette l'Aumance. Les lits majeurs de l'Allier et de la Loire sont larges, avec des bancs de sable qui émergent aux basses eaux; leurs crues sont courtes et violentes; ils conservent très peu d'eau à l'étiage. Leurs affluents, au contraire, notamment la Sioule, coulent fréquemment dans des gorges et dans des méandres encaissés entre des murailles abruptes; il en est de même de la vallée du Cher en amont de Montluçon. Comme dans tout le Massif central, les vallées sauvages contrastent avec les hauteurs monotones. Surtout dans la région de Gannat, il y a eu de nombreux changements de cours des rivières, qu'on peut reconstituer grâce aux terrasses alluviales; l'Allier notam- ment s'est déplacé à diverses reprises. Dans la Sologne bour- bonnaise et dans la région de Tronçais, on rencontre de nom- breux étangs. Les bois et les forêts, auxquels les sols siliceux et imper- méables sont particulièrement favorables, occupent en Bour- bonnais 80.000 hectares, dont 26.000 appartiennent à l'État. Les forêts étaient autrefois plus étendues qu'aujourd'hui et formaient une ligne continue qui séparait au nord le Bourbon- nais du Berry. Les principales essences sont le chêne, le hêtre, le charme et le pin sylvestre, ces derniers surtout dans la Montagne bourbonnaise. La futaie domine dans les forêts domaniales. La grande forêt de Tronçais (plus de 10.000 hec- tares) est une des plus belles de France; elle est composée de chênes (55 %) et de hêtres (33 %), Grosbois, Bagnolet, Dreuille, Civrais ont plus de 1.000 hectares.

RÉGIONS NATURELLES Dans notre France si aimable, si harmonieuse, si bien équi- librée, le Bourbonnais est particulièrement aimable, harmo- nieux, bien équilibré. Le manque d'homogénéité qu'on lui reproche parfois se traduit par une extrême variété de pay- sages. Le noyau du Bourbonnais, son centre de cristallisation, ce sont les plaines ondulées qui s'étendent entre Moulins, Sou- vigny et Bourbon-l'Archambault. C'est autour de ce noyau que la politique patiente des ducs a groupé l'ensemble des terres qui constituent le Bourbonnais. Il se compose d'un certain nombre de « pays », qui ont chacun leur physionomie distincte. Le canton de Bourbon est un bocage, avec ses prairies peuplées d'arbres, bordées de haies vives où paissent les grands bœufs blancs. Entre quatre collines, à la pointe de l'une des trois cornes d'un étang d'où sort la Burge, se blottit Bourbon-l'Archambault, petite ville au grand nom; les ruines du puissant château construit au XIIe siècle dominent encore l'antique station thermale. Un plateau calcaire s'étend entre Saint-Menoux et Souvigny, cité déchue qui a conservé une belle basilique abbatiale, le Saint-Denis des ducs de Bourbon qui y avaient leur sépulture. De la dépression de Bourbon- l'Archambault à la vallée du Cher, le sol est ombragé de vastes forêts. Au sud-ouest du Bourbonnais affluent les terrains carbo- nifères qui jalonnent le pourtour du Massif central. Le groupe des bassins houillers s'échelonne de Moulins à Montluçon. L'usine s'est superposée à la mine et Commentry au xixe siècle a deux fois décuplé sa population. En suivant la vallée de l'Amaron, aux sommets chauves, aux versants rapides, on débouche brusquement dans la plaine du Cher : là s'élève Montluçon. C'était pendant la guerre de Cent ans une forte- resse qui couvrait de ce côté l'Auvergne et le Bourbonnais.

1 II

MOULINS : LE JACQUEMART (xve-xvne siècle). Lithographie de Durand et Tridot. (L'Ancien Bourbonnais.) Le bon duc Louis II en fit sa résidence de prédilection. C'est pour Montluçon une période de prospérité qui cessa au xve siècle lorsque les ducs abandonnèrent Montluçon pour Moulins. C'est seulement au milieu du xixe siècle que sonna pour Montluçon l'heure de la résurrection. La proximité de la houille et du minerai de fer détermina alors sur ce point l'installation de forges et de hauts fourneaux. Placé au sud de Montluçon, Néris attire par ses eaux chaudes une clientèle de baigneurs. Sur la rive gauche du Cher, des chemins creux conduisent à de frais et riants villages qui s'abritent derrière des châtaigniers séculaires. A mi-côte s'étagent des vignobles; plus haut, les brandes conservent encore en plusieurs points leurs pyramides de genêts et leur mer de bruyères. Le plateau qui se développe des rives du Cher à celles de l'Allier n'est que l'épanouissement des collines de Combrailles, qui se bifurquent pour envelopper le lit de la Bouble. Sur la rive droite de cette rivière, le massif de la Bosse porte la grande forêt des Collettes, où se rencontrent des exploitations de kaolin qui alimentent en matière plastique les porcelaine- ries du et du Berry. Sur sa rive gauche, de gros bourgs au nom significatif, Montaigut, Montmarault, , habitations rudes que bat un vent éternel, s'espacent sur le faîte des collines. Sur ce dos de pays où le seigle, la céréale des terres froides et pauvres, disputait jadis avec peine le sol aux genêts et aux bruyères ondulent aujourd'hui de riches moissons. Par un contraste saisissant, c'est à côté d'un pays âpre et déshérité que s'épanouit la plantureuse Limagne. Largement ouverte sur l'Auvergne, elle s'enfonce comme un coin entre les plateaux du Bourbonnais; vers Gannat, la plaine mesure plus de vingt kilomètres. Sans égaler la fertilité de la Limagne d'Auvergne, ces plaines comptent parmi les plus riches de la France centrale. La terre est ici divisée à l'infini et cultivée à la bêche. De Chantelle à Saint-Pourçain elle est parsemée de vergers avec des noyers dans les terres sèches et des vignobles sur les pentes. Les vins de Saint-Pourçain, jadis réservés à la table des rois de France, ont comme ceux de Chantelle une réputation fort ancienne. Sur la rive droite, 'le canton de Varennes constitue la région agricole connue sous le nom de Forterre. Lorsqu'il absorbe la Sioule, l'Allier ne coule plus en terre de Limagne; des terrasses constituent la bordure de la vallée; entre les deux lignes de coteaux s'étendent de riches terres alluviales, les chambonnages : parmi les prairies et les cultures maraîchères, le grand lit des inondations étale son manteau de graviers où l'Allier serpente capricieusement, déplaçant constamment ses rives et ses îles sablonneuses. Le paysage se déroule dans un horizon aux lignes molles et indécises 1. Les villages, fuyant la rivière, ont reculé jusqu'à la crête des terrasses qui la bordent. La capitale du Bourbonnais est la seule ville qui ait osé s'asseoir près de l'Allier; encore a-t-elle cru devoir se protéger de ses fureurs soudaines par une gigan- tesque levée. Simple rendez-vous de chasse des sires de Bour- bon, Moulins a grandi en même temps que la merveilleuse fortune de ses princes. La ville, longtemps groupée autour du somptueux palais ducal, commençait au XVIIe siècle à débor- der par-dessus son enceinte, elle était déjà ce qu'elle est aujourd'hui encore « une petite ville avec de grands faubourgs ». Les terrains primitifs, qui s'étendent entre Moulins et Dom- pierre, de l'Allier à la Besbre, ont été recouverts d'argiles et de sables improductifs : c'est la Sologne bourbonnaise. Entre- coupées de bois et de maigres cultures où le seigle poussait sans vigueur, ces landes monotones étaient encore, il y a un siècle, aussi malsaines que stériles. On a desséché les étangs, mêlé la chaux aux terres froides; cultures et habita- tions se sont transformées. Au sud-est du Bourbonnais se dresse le Puy de Montoncel, limite commune du Bourbonnais, de l'Auvergne et du Forez, qui s'élève à 1.292 mètres et domine toute la région. Autour de lui s'arrondissent les dômes dont la réunion constitue le massif des Bois-Noirs. Une dépression les sépare d'un autre massif, les monts de la Madeleine, qui se maintiennent à une hauteur moyenne de 1.000 mètres, dominant le plateau mou- vementé que projettent au nord les Bois-Noirs, dont les dis- joint l'entaille profonde que la Besbre a creusée dans les granites et les porphyres. Ces deux lignes de hauteurs paral- lèles constituent la Montagne bourbonnaise, pays âpre et tourmenté, couvert de neige pendant six mois de l'année, ruisselant de sources innombrables, avec de frais ruisseaux qu'habitent les truites et les écrevisses. Cette contrée res- semble déjà à l'Auvergne, avec quelque chose de moins âpre et de moins rude. Le bourg de Châtelmontagne, que décore une des plus belles églises romanes de la France, fut longtemps le centre de la Montagne bourbonnaise; les populations en avaient fait leur grenier; là venaient les produits du pays, là montaient les froments de la plaine. L'absence d'homogénéité du Bourbonnais se marque, encore dans le fait d'avoir trois capitales, ou tout au moins trois centres, de population à peu près équivalente, Moulins, Mont- luçon et Vichy. Moulins, c'est la capitale du passé, une ville l . Voir planche V. d'art et d'histoire, c'est aussi un grand marché agricole; un peu somnolente et silencieuse en temps ordinaire, elle s'anime les jours de foire et de marché. Montluçon est surtout un centre industriel et métallurgique1, plus vivant, plus moderne que Moulins. Enfin, Vichy est une capitale saisonnière et inter- mittente. Pendant la saison thermale, elle est très animée, et les malades y affluent du monde entier; Le gouvernement de la France s'y est transporté en 1940, après la débâcle. Le folklore comme le paysage et le langage porte la trace d'origines disparates. Si depuis de longs siècles les frontières qui séparaient les Eduens, les Arvernes et les Bituriges ont disparu, elles continuent à délimiter aujourd'hui encore des façons différentes de sentir et de s'exprimer. Au sud-ouest, par la vallée du Cher, pénètrent les us et façons du Berry. En Combrailles, les traditions venues de la Marche et du Limou- sin se sont infiltrées. Dans la Sologne bourbonnaise on perçoit quelques échos bourguignons. En Limagne, l'esprit s'amollit au contact des champs et des vignobles plantureux. On le retrouve dans toute sa rude saveur dans la Montagne bourbonnaise avec ses grands bois sombres, son économie frugale, ses coutumes spéciales, ses clans comme les Pions et les Charguerauds. Cependant, si les coutumes et les tradi- tions présentent des nuances, elles offrent aussi de remar- quables ressemblances dans toute la province. AGRICULTURE ET INDUSTRIE « Le pays et duché de Bourbonnais, écrivait Nicolay, au XVIe siècle, est situé en climat doux et gracieux, lequel étant diversifié de riches coteaux et montagnes est très délectable et fertile, car il abonde en quantité très grande de tout gros et menu bétail, comme bœufs, vaches et taureaux, ânes, juments et chevaux, et pareillement en pourceaux, moutons, brebis, chèvres et agneaux et autre espèce de bétail. Les vallées ne sont pas moins plaisantes à l'œil qu'abondantes en foins, pacages et claires fontaines. Le bas pays est copieux en grains de froment, seigle, orge et avoine, en pois, fèves, safran, chanvre, lin et huile de noix et toutes sortes d'excel- lents fruits. Puis les coteaux où sont les vignobles produisent quantité merveilleuse de bons vins vermeils, clairets et blancs. » Le Bourbonnais est un pays essentiellement agricole. On y trouve des terres légères, mais aussi des terres compactes 1 . Voir planche VI. et argileuses. Le caractère commun des sols est leur pauvreté en chaux et en acide phosphorique. Les progrès de l'agricul- ture y ont été assez tardifs et Arthur Yung, en 1789, décla- rait qu'il devait être rangé parmi les plus pauvres provinces du royaume. Les progrès accomplis dans la seconde moitié du xixe siècle ont été considérables. L'emploi de la chaux et de la marne, puis celui des engrais chimiques, le drainage des terres humides, ont transformé les régions pauvres comme la Sologne bourbonnaise. La distinction entre les bons et les mauvais pays devient moins tranchée. A partir de 1860, la production des céréales passe au second plan et, avec l'intro- duction de la race charolaise, l'élevage des bestiaux devient en Bourbonnais la base de l'exploitation; celui des chevaux tend à se développer. L'élevage a l'avantage de nécessiter moins de main-d'œuvre; or, elle est devenue rare en raison de la dénatalité et de l'exode vers les villes. Une conséquence de la disparition des bruyères et des jachères a été la diminution du nombre des moutons. Le froment a remplacé le seigle et son rendement s'est accru. La pomme de terre, qui a une grande importance dans l'alimentation du paysan bourbon- nais, est cultivée sur une assez grande échelle. Le domaine de la vigne s'est réduit depuis un siècle. La grande industrie n'a pas beaucoup d'importance en Bourbonnais, sauf à Montluçon. Elle y est cependant fort ancienne, en raison de l'étendue des forêts à l'époque où les hauts fourneaux se chauffaient au bois et de l'existence de quelques petits bassins houillers. A la fin du XVIIIe siècle les mines du Montet et de Noyant figuraient parmi les plus importantes de France. Puis ce fut le tour du bassin de Com- mentry; en 1873, l'Allier produisait un million de tonnes de houille, le sixième de la production totale de la France. Le déclin fut rapide; Commentry étant épuisé en 1936, il ne restait en exploitation que Ferrières et Noyant avec cent trente mille tonnes. A côté de la production de la fonte, des fers et des aciers à Montluçon, on peut mentionner la verrerie à Souvigny, la céramique, les scieries, les tanneries. Mais le Bourbonnais n'a guère l'état d'esprit industriel; au travail de la mine et de l'usine il préfère la vie rude mais saine de la campagne. II L'HOMME

POPULATION Dans quelle mesure y a-t-il un type bourbonnais? En quoi consiste-t-il? En quoi diffère-t-il des types des provinces voisines? Ce sont là des questions auxquelles il n'est pas facile de répondre d'une manière précise. Parmi les éléments primitifs qui ont composé les popula- tions du Centre de la France figurent les Ligures, les Ibères et les Celtes. Mais les anciens ont ignoré les appellations d'ordre purement ethnique; leurs noms de peuples sont de nature politique, linguistique ou géographique. Le type des hommes au crâne rond (brachycéphales), de petite taille, aux cheveux et aux yeux bruns, au teint mat, qui est le type auvergnat, paraît dominer dans le sud du Bourbonnais, tan- dis que les hommes au crâne allongé (dolichocéphales), assez grands et fortement charpentés, aux cheveux blonds, aux yeux clairs, au teint coloré, se rencontrent plutôt dans le nord. Mais on ne saurait assigner à chacun d'eux un domaine distinct, ils sont partout mélangés. Même dans la Montagne bourbonnaise, on trouve des blonds chez les Pions au milieu des populations brunes. Dans son type physique comme dans son caractère et ses traditions, le Bourbonnais marque la transition entre Auvergnats, Berrichons, Marchois et Bour- guignons. L'homme a été témoin des dernières éruptions des volcans du Massif central et son existence dans les plaines qui l'avoi- sinent est fort ancienne. Il fuyait les mauvais pays comme les Solognes ainsi que les régions forestières et s'établissait de préférence dans les pays découverts et au bord des cours d'eau. Les traces de l'homme quaternaire se retrouvent abondam- ment en Bourbonnais. Tous les âges préhistoriques y ont été reconnus depuis l'époque paléolithique jusqu'à l'âge du bronze. Les vallées de l'Allier et de la Loire sont très riches en silex taillés. Les monuments mégalithiques, dolmens, menhirs, cromlechs, sont assez rares en Bourbonnais; certains rochers granitiques regardés comme tels n'ont d'ailleurs pas été éri- gés par la main de l'homme et on a parfois aussi pris pour des tumulus des buttes de l'époque féodale. HISTOIRE Les Bituriges Cubi, qui ont donné leur nom au Berry, ont longtemps exercé l'hégémonie de la Celtique. Ils l'ont de bonne heure emporté en civilisation et en richesse sur des voisins moins fortunés. Mais ils furent supplantés par les Éduens et les Arvernes lorsque ceux-ci atteignirent le même degré de civilisation. Dans la lutte contre César, les Bitu- riges, descendus au rang d'alliés des Éduens, laissèrent aux Arvernes la tâche de grouper en un faisceau unique les tribus de la Celtique. Le Bourbonnais n'a pas joué à l'époque romaine un rôle comparable à celui du Berry. Cependant de riches cités, de nombreuses villas, des temples vénérés s'y élevèrent. De larges voies favorisaient les relations avec le reste de la Gaule. Les Romains, grands amateurs de bains chauds, fréquen- tèrent les thermes de Vichy (Aquœ calidæ), de Bourbon (Aquœ Bormonis) et surtout de Néris (Nériomagus) qui devint un centre important. La région bourbonnaise continua à suivre le sort des trois grands peuples voisins; la répartition des populations entre les trois cités des Éduens, des Arvernes et des Bituriges se retrouve dans la division ecclésiastique. Jusqu'en 1789, le Bourbonnais se partageait entre les trois diocèses d'Autun, de Clermont et de Bourges. L'évêché de Moulins, projeté en 1788, ne fut créé qu'en 1823. C'est au milieu du 111e siècle que le christianisme commença à être publiquement prêché entre les Cévennes et l'Océan. Des traditions plus ou moins fabuleuses parlent de saint Prin- cipin, décapité près d'Hérisson et qui porta sa tête dans ses mains comme saint Denis. Mais les premières prédications authentiques en Bourbonnais furent celles de saint Antonin de Gannat. C'est seulement au IVe siècle, avec saint Martin, que le christianisme pénétra dans les campagnes. Au ve siècle, les Barbares envahissent la Gaule et la domi- nation romaine disparaît du Centre de la France après une longue agonie. Les Wisigoths, les Burgondes, puis les Francs s'installent au sud de la Loire. Néris et Châtel-de-Neuvre dis- paraissent, Cusset succède à Vichy et Moulins à Yzeure. Les plus anciens monastères du Bourbonnais remontent au ve siècle; ils se multiplient au VIe siècle et adoptent la règle de saint Benoît. Saint Pourçain (f 529), esclave et gar- dien de pourceaux, donne son nom au monastère élevé sur les bords de la Sioule. Saint Patrocle (f 576), ermite à Néris, fonde lui aussi un monastère. Au xe siècle apparaît le monas- tère le plus célèbre du Bourbonnais : Souvigny. En 920, Aymard, chevalier très illustre, fait donation à l'abbaye de Cluny du lieu dit Souvigny. Ce prieuré ne tarda pas à briller d'un vif éclat; des abbés de Cluny, saint Mayeul en 994, saint Odilon en 1049 y moururent et l'on vint y vénérer leurs reliques. Le xie siècle est la plus brillante époque du monastère : le pape Urbain II s'y arrêta en 1095 en allant à Clermont prêcher la croisade et Pascal II en 1100 confirma ses privilèges d'exemption. Il y eut aussi des abbayes béné- dictines à Ëbreuil, à Cusset, à Charenton-sur-Cher, à Saint- Menoux, des prieurés à La Chapelle-Aude, à Saint-Pourçain, au Montet, à Yzeure. Au XIIe siècle, d'autres couvents sont créés : Septfons, Noirlac, Neufontaines, fondé par saint Gil- bert, Aubeterre. Au XIe et XIIe siècles, il y a en Bourbonnais un magnifique épanouissement de l'architecture et de la sculpture romanes, dans lesquelles on retrouve des influences auvergnates et bourguignonnes. Les saints bourbonnais jouent un grand rôle dans le fol- klore de la région. Les prénoms de Mayeul, de Patrocle, de Gilbert, de Pourçain, de Procule, qui subit le martyre à Gan- nat, sont fréquemment donnés aux enfants. Dès l'établissement du régime féodal, la région qui a formé le Bourbonnais se dérobe à l'influence des comtes d'Autun, de Bourges, de Clermont et reconnaît l'autorité de quelques familles puissantes établies à Lapalisse, à Huriel, à Jaligny, à Bourbon. Ce dernier fief, origine du Bourbonnais, paraît être une création de la première moitié du xe siècle. Autour du district démembré de l'ancienne cité des Bituriges, les sires et les ducs de Bourbon, par une politique comparable à celle des rois capétiens, groupent des territoires enlevés au Berry, à la Marche, à l'Auvergne, à la Bourgogne et au Nivernais. Le sire de Bourbon ne fut sans doute originairement qu'un viguier ou lieutenant du comte de Bourges. L'importance et l'étendue du territoire et l'imprenable forteresse qui en était le chef-lieu firent bientôt du vassal l'égal de son suzerain. De gré ou de force, les sires de Bourbon arrivèrent à se faire accepter soit comme suzerains par les petits seigneurs locaux, soit comme seigneurs immédiats par les cultivateurs déten- teurs de la terre à n'importe quel titre. Ce fut là le point de départ, l'œuvre des premiers Bourbons du xe siècle. Moins de cent ans après, avant la fin du XIe siècle, les sires de Bour- bon avaient déjà donné au Bourbonnais l'étendue que con- serva jusqu'à la fin du XVIIIe siècle la sénéchaussée de Moulins. L'oeuvre des premiers seigneurs de Bourbon, les Bourbon- Archambaud et les Bourbon-Dampierre a consisté moins à agrandir leurs fiefs qu'à s'assurer, par leur fidélité à la cou- ronne, l'amitié des rois de France et finalement leur alliance. Le mariage de Béatrix avec Robert de Clermont, sixième fils de Saint Louis, se traduit pour la maison de Bourbon par un accroissement de prestige moral et de puissance territoriale. Désormais son activité n'est plus limitée au cadre d'une pro- vince; elle entre dans l'histoire générale du pays. Louis Ier (1310-1342), fils de Robert et de Béatrix, reçoit le titre de duc et de pair, et jouit d'une très grande faveur à la cour de France. Il restaura le château de Bourbon et y fonda la Sainte-Chapelle sur le modèle de celle de Paris pour recevoir les reliques apportées par Saint Louis. L'aîné de ses enfants lui succéda; le second, Jacques, comte de la Marche, fut la tige de la branche de Bourbon-Vendôme, qui monta sur le trône de France avec Henri IV. Pierre Ier (1342-1356) passa sa vie à la cour de France et n'eut guère de rapports avec ses vassaux du Bourbonnais que par l'intermédiaire de ses baillis et de ses prévôts, chargés de rendre la justice en son nom et de percevoir ses revenus. Louis II (1356-1410), le bon duc Loys des chroniqueurs, délivra ses domaines des bandes de pillards qui le ravageaient et reconquit les places tombées au pouvoir des Anglais. La ville de Moulins était alors une des villes les plus riches de France et la cour de Louis II le disputait en splendeur aux plus brillantes de l'Eu- rope. Sa bonté, dans un siècle qui fut si dur aux faibles et aux petits, le distingue de ses rudes contemporains et lui font une auréole de grandeur. Jean Ier (1410-1434), fait pri- sonnier à la bataille d'Azincourt, resta dix-huit ans captif en Angleterre et y mourut; il ajouta à ses domaines le duché d'Auvergne. Charles Ier (1434-1456), qui avait administré le Bourbonnais pendant la longue captivité de son père, fit sculpter à Souvigny son tombeau et celui de sa femme Agnès de Bourgogne, œuvre admirable de Jacques Morel, destinée à faire pendant dedans l'église abbatiale aux tombeaux de Louis II et d'Anne d'Auvergne. Trois de ses fils furent ducs de Bourbonnais : Jean II (1456-1488), protecteur de Villon, grand amateur de livres et grand constructeur; Charles II, cardinal-archevêque de Lyon, qui abandonna bientôt ses droits à son frère Pierre II (1488-1505). Celui-ci avait épousé la fille de Louis XI, Anne de France, fine femme et déliée s'il en fut, dit Brantôme, vraie image au tout du roi son père : c'est, disait Louis XI, la moins folle femme de France, car de sage il n'y en a point. Sous l'administration de Pierre de Beaujeu et d'Anne de France, grâce au rôle que le duc et la duchesse avaient rempli dans le gouvernement du royaume, à leur étroite parenté avec le roi, à l'étendue de leurs domaines, à la splendeur de leur cour, Moulins fut le théâtre d'une véritable renaissance des lettres et des arts. Nombreux sont les édifices du Bour- bonnais où l'on rencontre les initiales de Pierre et d'Anne. Le peintre le plus remarquable du centre de la France à cette époque est l'inconnu de génie qu'on désigne sous le nom de Maître de Moulins ou de Peintre des Bourbons. Anne, en 1505, maria sa fille Suzanne à son cousin Charles de Bourbon-Montpensier, le fameux connétable (1505-1527). Ardent, brave, généreux, magnifique, il savait être aussi un chef d'armée prévoyant et un administrateur intelligent. Ce dernier des grands vassaux apparaît au seuil des temps mo- dernes comme le représentant attardé de la grande féodalité. La maison de Bourbon était la seule des grandes dynasties provinciales issues de la famille royale qui subsistât encore. Seule elle pouvait porter ombrage à la royauté. A partir de 1516, on blessa à maintes reprises le trop puissant vassal dans son orgueil et dans ses intérêts. Suzanne étant morte sans enfant en 1521, Louise de Savoie, mère de François Ier, revendiqua une partie de son héritage. Poussé aux extrémités, le connétable noua des intelligences avec Charles-Quint et Henri VIII et conclut avec eux un traité en vertu duquel le royaume devait être démembré à son profit. Il passa en Italie et mourut au siège de Rome (1527). Il fut déclaré coupable du crime de félonie et de lèse-majesté. Tous ses biens meubles couronne.et immeubles sont confisqués, et le Bourbonnais passe à la L'histoire de la province du Bourbonnais finit avec la trahison du connétable. Elle ne conserva que ses coutumes et son nom; tout le reste disparut. Après avoir fait partie du douaire des reines de France, elle fut attribuée en 1662 aux princes de Condé, qui en jouirent en qualité d'engagistes, jusqu'à la Révolution. Cependant, si l'histoire provinciale perd son autonomie à partir du xvie siècle, il ne faudrait pas trop se hâter d'en conclure qu'elle perd tout intérêt. Il semble même que ce soit dans les temps modernes qu'on voit l'indi- vidualitése révéler. du Bourbonnais s'accuser et ses richesses propres La généralité de Moulins, plus étendue que l'ancien Bour- bonnais, fut créée en 1587 par Henri III, désireux de rendre à Moulins une partie de son ancienne importance. Dès le xvie siècle, les sources thermales attirent en Bour- bonnais une population exotique qui contribue à polir et à enrichir les habitants. Mais c'est surtout sous le règne de Louis XIV que ces stations revirent une affluence qu'elles n'avaient pas connue depuis les Romains. La mode était alors surtout favorable à Bourbon-l'Archambault qui reçut d'il- lustres visiteurs, en particulier Mme de Montespan qui y mourut. L'assemblée provinciale du Bourbonnais qui se réunit à Moulins en 1788 se montra animée d'un esprit libéral et réfor- mateur. Mais il était trop tard : ce furent les états généraux de 1789 et la Révolution française qui détruisirent l'ancien régime et donnèrent à la France une organisation nou- velle. Morcelés, déchiquetés par la féodalité et la royauté, les anciens pays de France retrouvèrent en 1790 quelque chose de leur unité originelle par l'institution des départements. La nouvelle division de la France n'eut donc pas le caractère révolutionnaire qu'on lui a parfois prêté et les limites mêmes des départements ne furent pas arbitrairement fixées; on y retrouve des divisions antérieures, historiques et géogra- phiques. La constitution civile du clergé troubla le Bourbonnais beaucoup plus que l'émigration. Pendant la Terreur, Fouché, envoyé en mission dans l'Allier, institua à Moulins un Comité central de surveillance révolutionnaire qui déporta en masse les ecclésiastiques non assermentés. A Lyon, trente-deux habi- tants du Bourbonnais, désignés par le Comité, furent exécutés sans jugement. L'histoire du xixe siècle en Bourbonnais est surtout l'his- toire des transformations économiques. Longtemps la Loire et l'Allier, navigables, d'une façon assez précaire d'ailleurs, la première depuis Roanne, l'Allier depuis Pont-du-Château, étaient les voies de communication les plus fréquentées; des bateaux transportaient les vins et les fruits d'Auvergne, les bois et les charbons du Bourbonnais. Peu à peu le réseau des grandes routes fut achevé, les chemins vicinaux sont améliorés. Cependant au milieu du xixe siècle la seule manière pratique de voyager était de monter à cheval; tout le monde se ser- vait d'une monture, hommes et femmes, bourgeois et ecclé- siastiques. Les dames, pour aller au bal, mettaient des sabots, un serviteur les précédait avec une lanterne et portait leurs chaussures. Venaient-elles d'un peu loin, elles montaient en croupe derrière leur domestique et emportaient leur robe dans un carton. La France moderne a trouvé dans le chemin de fer un ins- LES PROVINCES FRANÇAISES COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE PATRONAGE DU MUSÉE NATIONAL DES ARTS ET TRADITIONS POPULAIRES DIRIGÉE PAR ARMAND LUNEL ET FRANÇOIS AGOSTINI Il est devenu aujourd hui de plus en plus évident qu 'il importe de rassembler au plus tôt, sous une forme systématique, pour en conserver au moins le souvenir tous les vestiges et témoignages des diverses civilisations antérieures à la nôtre. Plus encore que l'ethnographie des peuples primitifs, le folklore intégré métho- diquement à une ethnographie des civilisés éclaire les mécanismes sociaux et leur évolution. C'est sur le terrain familier de notre vie régionale qu'il y a le moins de difficultés et le plus d'avantages à découvrir comment une nature vierge et sau- vage a été peu à peu aménagée sous la main et par le travail des hommes et quel rôle les techniques et l'économie jouèrent dans la formation des liens sociaux et dans le développement des activités spirituelles. La collection LES PROVINCES FRANÇAISES couvrira donc la France entière. Elle sera composée d'ouvrages rédigés par les meilleurs spécialistes du moment, sous le patronage du Musée National des Arts et Traditions Populaires et sous la direction de deux chercheurs, Armand Lunel et François Agostini, qui, à des titres divers, se sont penchés depuis longtemps sur la solution des problèmes proposés. Le lecteur s'y trouvera initié à tout Ce qui intéresse la vie populaire de nos provinces françaises : métiers et outils ; maisons et meubles -, fêtes, danses et chansons; récits qui s'y trans- mettent de génération en génération, cultes qui s'y pratiquent; pour se rendre compte finalement jusqu'à quel point une province ou ses pays constituent encore aujourd'hui, dans l'interpénétration de tous leurs caractères matériels et moraux, un ensemble original. Que les synthèses apportées là soient provisoires, peu importe, l'essentiel est qu'elles soient vivantes et qu'elles servent à d'autres recherches. Nous espérons éga- lement que, grâce à elles, notre connaissance de l'homme et de la société pourra s'élargir et s'approfondir. Notre ambition serait d'apporter ici quelques éléments essentiels et nouveaux à l'humanisme qui se fonde sur les récentes acquisitions de ce qu'on s'accorde désormais à nommer les sciences de l'homme.

Ouvrages parus : L'AUVERGNE ET LE VELAY Lucien Gachon LA PROVENCE ET LE .... Fernand Benoit BOURBONNAIS ...... Augustin Bernard et Gagnon Pour paraître : Charles Parain ET BOULONNAIS Célestine Leroy BERRY Pierre Coutin COMTÉ DE NICE Armand Lunel DAUPHINÉ Jean Margot-Duclot GASCOGNE Gaston Guillaumie ET . Paul Cordonnier ORLÉANAIS P.L. Duchartre PICARDIE ...... Jean de Wailly , Des ouvrages sont en outre en préparation sur les provinces suivantes : , Et , . BÉARN ET PAYS BASQUE, BRESSE, , CORSE, ILE-DE-FRANCE, , LIMOUSIN ET MARCHE, NIVERNAIS, .

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