
LE BOURBONNAIS LES PROVINCES FRANÇAISES 3 AUGUSTIN BERNARD . CAMILLE GAGNON LE BOURBONNAIS COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE PATRONAGE DU MUSÉE NATIONAL DES ARTS ET TRADITIONS POPULAIRES DIRIGÉE PAR ARMAND LUNEL ET FRANÇOIS AGOSTINI GALLIMARD LE PRÉSENT VOLUME EST PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris la Russie. Copyright by Librairie Gallimard, 1954. I LE PAYS DÉFINITION, LIMITES ET ÉTENDUE DU BOURBONNAIS Le Bourbonnais ne représente pas, comme la Normandie, la Bretagne ou la Provence, un territoire compact et homo- gène. C'est une formation artificielle constituée aux dépens des trois cités ou diocèses de Bourges, de Clermont et d'Autun, une création des sires et des ducs de Bourbon, qui, peu à peu, par des acquisitions, des mariages, des échanges, l'ont créée et organisée. En ce sens, on a pu dire que le Bourbonnais est le symbole de l'unité française, qui s'est faite de la même manière. L'emploi du nom de Bourbonnais ne date que de Robert de Clermont (1288) et ne se généralise qu'à l'époque de l'érection de la seigneurie en duché-pairie (1327). Ce nom s'ap- pliquait à la fin de l'ancien régime à deux objets distincts : le duché et le gouvernement militaire; c'est au gouvernement militaire qu'on fait généralement allusion quand on parle de la province du Bourbonnais. Ses limites étaient incertaines. Il y avait dans l'ancienne France des circonscriptions qui chevauchaient les unes sur les autres et dont aucune n'avait de limites fixes et bien connues. « Le royaume, écrivait Thouret en 1789 dans son rapport à l'Assemblée constituante sur la division de la France en départements, est partagé en autant de divisions différentes qu'il y a d'espèces de pouvoirs : en diocèses sous le rapport ecclésiastique, en gouvernements sous le rapport militaire, en bailliages sous le rapport judiciaire. » Il y avait dans le Bourbonnais des enclaves intérieures : Saint-Pourçain, Cus- set, Ébreuil étaient d'Auvergne; d'autre part, on rattachait au Bourbonnais certaines paroisses du Nivernais et de l'Au- vergne. Enfin, il y avait des paroisses mi-parties : Montaiguët était moitié en Forez, moitié en Bourbonnais; Puy-Guillaume, moitié en Bourbonnais, moitié en Auvergne. La province n'était nullement la base de la vie adminis- trative sous la monarchie, qui s'en défiait parce qu'elle y voyait un foyer de particularisme. Le véritable ressort de l'administration était l'intendance. C'est l'intendant qui était le personnage le plus important de la province et le vrai représentant du roi. La généralité de Moulins, ressort de l'intendant, était beau- coup plus étendue que la province. Elle comprenait sept élections, dont trois, celles de Moulins, de Gannat et de Montluçon, correspondaient au Bourbonnais traditionnel, celles de Nevers et de Château-Chinon au Nivernais, celles de Guéret et d'Évaux à la Marche. Au-dessous de l'intendant étaient les subdélégués dans les châtellenies, les baillis à ressorts indéterminés ou mal déter- minés. Les châtellenies étaient des circonscriptions à la fois administratives, judiciaires et fiscales. Leur nombre a varié; certaines ont été aliénées par donation et constitution d'apa- nages, d'autres ont été réunies à des châtellenies voisines plus importantes. D'après Nicolay, qui écrivait au xvie siècle, le Bourbonnais comptait 17 châtellenies : Moulins 1, Souvigny, Belleperche, Bourbon 2, Ainay, La Bruyère-l'Aubépin, Héris- son 3, Montluçon, Murât4, Verneuil, Chantelle, Ussel, Gannat, Vichy, Billy, Chavroches et Germigny, les deux dernières aliénées. En 1789, les convocations aux états généraux de la sénéchaussée de Moulins ne mentionnent plus Belleperche, qui a été détruit; La Bruyère-l'Aubépin a été remplacé par Cérilly; il y a une châtellenie des Basses-Marches, correspon- dant au canton de Marcillat. Les lettres patentes du 4 mars 1790 qui partageaient la France en 83 départements prévoyaient en général plusieurs départements pour une seule province. Le Bourbonnais, peu étendu, est une des provinces, assez peu nombreuses, qui n'ont fourni qu'un seul département. Les nouvelles circons- criptions furent tracées et délimitées avec beaucoup de soin, comme en témoignent les travaux du Comité de Division. Dans l'Allier, 7 districts furent créés : Cérilly, Cusset, Le Donjon, Gannat, Montluçon, Montmarault et Moulins; le chef-lieu fut fixé à Moulins, malgré les objections de Montlu- çon. En l'an VIII les circonscriptions furent ramenées à I. Voir planche II. 2. Voir planche III. 3. Voir planche IV. 4. Voir planche 1. 4 arrondissements : Moulins, Gannat, Lapalisse et Montluçon. Gannat fut supprimé en 1926 et Lapalisse transféré à Vichy en 1941. Le département de l'Allier ne correspond pas exactement à l'ancien Bourbonnais, qui s'étendait plus au nord que le département actuel et comprenait des paroisses qui font aujourd'hui partie de la Nièvre; au sud de Gannat, le Bour- bonnais englobait un territoire qui appartient actuellement au Puy-de-Dôme. La région de Saint-Amand, bien qu'aliénée au duc de Nivernais, a toujours été considérée comme fai- sant partie du Bourbonnais. Si on attribue à l'ancien Bourbon- nais 788.991 hectares, cette superficie a fourni au départe- ment de l'Allier 580.997 hectares sur les 730.837 hectares qu'il renferme, à celui du Cher 21.800 hectares, à celui de la Creuse 57.306 hectares, à celui du Puy-de-Dôme 128.988 hec- tares. La division départementale s'est maintenue pendant un siècle et demi. Si le cadre départemental ne répond plus aux conditions actuelles et appelle des retouches, c'est que les moyens de communication, le chemin de fer, l'automobile, le télégraphe, le téléphone, en réduisant considérablement les distances, ont fait du département une unité administrative de trop faible étendue. De là différents projets récents de création de régions économiques. On a pensé constituer un groupement comprenant les départements de l'Allier, de la Nièvre, de Saône-et-Loire, du Cher, de l'Auvergne et de la Creuse; ou bien rattacher le Bourbonnais à l'Auvergne, vers laquelle est orientée la partie méridionale du département, tandis que la partie septentrionale regarde le nord; ou enfin faire du Bourbonnais une province distincte, solution qui paraît avoir la préférence des habitants et en faveur de laquelle on peut invoquer de bons arguments. Au point de vue où nous nous plaçons, la question des limites de l'ancien Bourbonnais, du département de l'Allier et de la future province est relativement secondaire. La vie en commun sous ses ducs et dans l'organisation départemen- tale a soudé entre eux les pays très divers qui composent le Bourbonnais, leur donnant une âme commune, une person- nalité distincte. Nous appelons Bourbonnais le territoire dont les habitants se sentent et se disent Bourbonnais. TRAITS GÉNÉRAUX Le Bourbonnais est placé à la rencontre du Nord et du Midi; il appartient à la fois au Bassin parisien et au Massif central. Les chaînes du Forez, les monts d'Auvergne et les monts de la Marche se continuent en Bourbonnais sous forme de plateaux ondulés. Le Bourbonnais s'incline du sud- est au nord-ouest. Des régions montagneuses adossées au Massif central on descend vers les plaines, tantôt fertiles commebourbonnaise. la vallée de l'Allier, tantôt stériles comme la Sologne Le Bourbonnais est à la limite de la langue d'oïl et de la langue d'oc. Sur les pentes septentrionales du Massif central, les parlers du Midi et les parlers du Nord se rencontrent, et aussi la toponymie française et la toponymie provençale. La nomenclature géographique témoigne du changement. Il ne faut d'ailleurs pas exagérer la séparation entre les deux idiomes. « D'un bout à l'autre du sol national, dit Gaston Paris, nos parlers populaires étendent une vaste tapisserie dont les couleurs variées se fondent sur tous les points en nuances insensiblement dégradées. » « Les dialectes, dit aussi Meillet, n'ont pas de limites définies et il n'y a de limites exactes que de chaque fait linguistique particulier. » GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Toute la partie méridionale du Bourbonnais, dans les régions de Lapalisse, du Montet, de Montluçon, est formée de gneiss, de micaschistes, de granites et de granulites qui sont la continuation des terrains primitifs de l'Auvergne. A ces formations s'adossent des grès permiens, les arkoses, qu'on a appelées des granites recomposés et qui résultent en effet de l'érosion des terrains anciens. Le terrain houiller s'est déposé dans deux plis synclinaux séparés par une chaîne granitique; ce sont d'une part le bassin de Villefranche et de Commentry, de l'autre celui de Montmarault, Fins, Noyant, Souvigny; les schistes et les débris de végétaux remplissent une longue dépression rectiligne qui traverse tout le Massif central. A l'époque secondaire, les mers triasique et liasique pénétrèrent dans la partie septentrionale du Bourbonnais, y déposant des grès et des marnes. Pendant l'époque tertiaire, trois dépressions parallèles se creusèrent, fosses d'effondre- ment produites par les mouvements alpins; à l'époque oligo- cène, bordées de failles, de vastes lagunes s'établirent dans les parties déprimées, telles que la Limagne d'Allier; des marnes, des calcaires et en dernier lieu des sables s'y dépo- sèrent. Le drainage de la contrée s'effectua d'abord vers le Sud, en liaison avec la Méditerranée, puis s'orienta au Nord vers les mers qui recouvraient le centre du Bassin parisien. Lorsque le Massif central, presque réduit par l'usure des âges à l'état de pénéplaine, commença à se relever, des roches éruptives et des sources thermales trouvèrent issue par les fractures. En même temps, toutes les forces de l'érosion se ranimèrent; les débris de la destruction, entraînés vers le Nord et l'Ouest, formèrent de larges nappes détritiques, comprenant des sables quartzeux à particules granitiques associés à des graviers et à des argiles, qui correspondent à la Sologne bourbonnaise.
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