Aimer Hors Chant : Réinvention De L'amour Et Invention Du "Roman"
Gingras, Francis, « Aimer hors chant : réinvention de l’amour et invention du "roman" », Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques / Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 4, 2004, p. 18-43. Le regard de Narcisse, tapisserie réalisée en France ou dans le sud des Pays-Bays, vers 1500, Boston, Museum of Fine Arts, dans Michael Camille, The Medieval Art of Love: Objects and Subjects of Desire, New York, Harry N. Abrams, Inc., Publishers, 1998, p. 46. Aimer hors chant : réinvention de l’amour et invention du « roman » F RANCIS GINGRAS 19 ’amour, tel qu’on le conçoit en Occident, peut aisément passer pour une L invention du Moyen Âge. Avec le développement d’une poésie en langue vernaculaire (et non plus en latin), les premiers troubadours ont proposé un nouvel art d’aimer qui est aussi — et peut-être surtout — un nouvel art d’écrire. Cette nouvelle écriture du désir doit s’entendre dans sa double dimension poétique et musicale, sachant que l’essence même de cet art d’aimer est moins de fonder une érotique nouvelle que de renouveler la poétique du désir1. Le désir de la Dame et le désir du chant se ressourcent ainsi l’un à l’autre et la volonté de préserver le désir devient désir de pérenniser le poème. Ni pure émanation mystique, ni femme authentique, la Dame des troubadours est essentiellement une figure de mots. Elle n’a de réalité que dans le discours de l’amant-poète qui vénère en elle sa propre chanson2.
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