La Présidence De Georges Pompidou : Essai Sur Le Régime Présidentialiste
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PRINCIPALES ABREVIA TIONS A.J.D.A Actualité Juridique. Droit Administratif. A.N Assemblée Nationale. C.C. Conseil Constitutionnel. C.E. Conseil d'Etat. D Recueil Dalloz. G.A .J.A Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative. J. C.P. Juris-Classeur Périodique. J.O. Journal Officiel. Rev. adm ........ Revue Administrative. R.D.P. Revue du Droit public et de la Science Politique. Rec Recueil Lebon. R.F.S.P. ......... Revue Française de Science Politique. R.I.D.C. Revue Internationale de Droit Comparé. R.P.P .......... Revue Politique et Parlementaire. S .............. Recueil Sirey. © Ed. ECONOMICA, 1979 Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution réservés pour tous pays. L'ouvrage de Françoise Decaumont, consacré à la présidence de Georges Pompidou, que l'on a le plaisir de présenter a le mérite essentiel d'être d'abord et avant tout une thèse, en un moment où ce genre universitaire se détourne, pour une part, de sa conception originaire. Qu' au surplus, la démarche ait été couronnée de succès, ne saurait laisser indifférent. Assurément, l'étude de cette période, largement délaissée à ce jour, repré- sente un tournant décisif de la Vème République. Le consulat s'efface, en effet, à partir de 1969, au bénéfice du principat. Au final, le régime s'institutionnalise et, sous la réserve de l'alternance, s'enracine. Dans ces conditions, ce dernier peut désormais retrouver une place au sein de la typologie des régimes occi- dentaux. Mais, par une ironie du sort, depuis l'instant où son fondateur l'a dé- tourné de son lit constitutionnel, la République actuelle semble réfractaire aux classifications reçues. Dans cette perspective s'inscrit une réponse, véritable provocation pour d'aucuns : le présidentialisme promu, en la circonstance, à la cohérence, alors que jusque-là on l'assimilait tout au plus à une excroissance des systèmes parlementaire et présidentiel. Accepté par les uns, récusé par les autres, le présidentialisme revêt depuis peu, en Doctrine, un aspect de bataille d'Hernani, qu 'il s'agisse de sa dénomina- tion ou de sa définition. Adopté récemment par le langage politique, du Chef de l'Etat à celui de l'opposition entre autres, le terme mérite d'être utilisé sans détour de préféren- ce aux délicats euphémismes proposés : régime mi-parlementaire, mi-présiden- tiel ou régime semi-présidentiel à la réminiscence ferroviaire. Il est malaisé d'imaginer, de ce point de vue, qu 'un régime tout en prétendant à l'unité, puisse être pour partie authentique et pour partie hérétique ! La puissance d'égare- ment d'une telle vision est digne de celle produite par les sirènes. Dans ces con- ditions, on se prend à songer à une autre comparaison instructive. La décou- verte de l'okapi au début du siècle sur le continent africain, après un instant d'étonnement, a opéré, à bon droit, un reclassement en zoologie. Pourquoi, en d'autres termes, la famille politique refuserait-elle de reconnaître l'existence de l'un de ses membres ? Le précédent du gouvernement d'assemblée indique clai- rement que les préoccupations éthiques ne doivent, en aucune façon, obscur- sir la pensée du constitutionnaliste. Qui plus est, le régime présidentialiste peut se prévaloir, tout à la fois, de la légitimité démocratique et de l'autorité qui en découle. La remarquable stabili- té de la Vème République n 'y est pas étrangère. L'élu de la Nation tout entiè- re, au moyen du relais incomparable de la majorité parlementaire élue à son appel et sur ses options, qui ne se souvient, à ce propos, du slogan de mars 1973 une majorité pour le Président ?, étend son contrôle à l'ensemble de l'es- pace politique, ou peu s'en faut. Bref, tel un monarque électif, il concentre entre ses mains le pouvoir décisionnel. Mais à tout prendre, le régime parlementaire majoritaire britannique ou ger- manique ne parvient-il pas au même résultat ? Pour diverses considérations, la France a opté initialement pour une démarche institutionnelle au lieu et place d'une démarche partisane, afin de mieux ensuite les combiner harmonieuse- ment. Ultime avancée de l'Exécutif, le présidentialisme demeure, à ce titre, re- présentatif de la logique pluraliste, si, à l'évidence, on laisse dans l'ombre ici sa variante tiers-mondiste. Dans une vision anticipatrice, M. Jean Rivero affirmait jadis que la Consti- tution de 1958 était grosse de plusieurs régimes. La monarchie républicaine de Georges Pompidou illustre parfaitement cette dynamique institutionnelle. Tou- tefois, l'ère nouvelle ouverte en mai 1974 débouche depuis peu sur une altéra- tion de ses mécanismes. Ce qui renforce, sans aucun doute, l'intérêt du présent ouvrage. En définitive, il y a fort à parier que ce dernier, dont on appréciera en outre la richesse de la documentation et la finesse de la rédaction, dérangera certaines commodités intellectuelles. Cependant, il sera malaisé, à l'avenir, d'en ignorer la contribution. Sous ce rapport, félicitons son auteur d'avoir osé braver les interdits consti- tutionnels et engagé de la sorte une belle querelle. Puisse cet exemple être mé- dité ! Saint-Denis-de-la-Réunion, le 24 mai 1979. Jean Gicquel Professeur aux Universités de Paris L'auteur tient à remercier les personnes qui ont bien voulu lui accorder un entretien et tout particulièrement MM. Edouard Balladur, René Brouillet, Etienne Burin des Roziers, Yves Cannac, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Delors, Jean Donnedieu de Vabres, Mme Anne-Marie Dupuy, MM. Michel Jobert, Pierre Messmer et Simon Nora. INTRODUCTION «Il se trouve, en effet, que, comme Athè- nes, nous nous sommes donné, je cite ici Périclès, un régime politique qui ne se pro- pose pas pour modèles les lois d'autrui». Georges POMPIDOU (Discours à l'occasion du centenaire de l'Ecole libre des sciences politiques, 8 dé- cembre 1972). «Je n'ai pas de prédécesseur», aimait à répéter le Général de Gaulle. A-t-il eu un successeur ? Le problème de l'avenir du régime se pose dès sa création en raison du charisme exceptionnel dont jouit son fondateur. La Constitution de 1958 devait alors apparaître comme une «enveloppe», bref un habit trop étroit que le Général de Gaulle taille à sa mesure. Alliant sa légitimité historique aux circonstances politiques de son arrivée au pouvoir, il s'évade du cadre constitu- tionnel pour parvenir à une pratique des pouvoirs étendus dont il nous décrit tous les mécanismes dans sa fameuse conférence de presse du 31 janvier 1964. Une interprétation du texte, si extensive soit-elle, ne peut, en tout état de cau- se, rendre compte de la réalité politique. Certes, la personnalité du Général de Gaulle dominant les institutions, la ré- partition incertaine des compétences au sein de l'Exécutif, le règlement du con- flit algérien, en un mot, «le rang» qu'il entend restituer à la France, donnent naissance à l'exercice de la conduite du peuple par son Guide. Le Chef de l'Etat n'exerce plus une fonction mais une mission, à la dimension de son mandat his- torique, qui l'entraîne à sortir des institutions, invoquant au besoin le texte pour plier la lettre rebelle. Ce système peut être qualifié, pour une part essen- tielle, d'«aconstitutionnel». La Constitution n'est pas, en l'occurrence, bafouée, mais écartée du fait des circonstances de crise qui entourent la venue au pou- voir du Général de Gaulle. Les accords d'Evian posent inévitablement, en avril 1962, la question de la normalisation du régime. Doit-on persévérer dans la pratique inaugurée en 1958 ou ressusciter la conception initiale de l'arbitrage actif ? Le Chef de l'Etat esti- mait, pour sa part, que son mode personnel de gouvernement utilisé dans une situation exceptionnelle valait désormais pour les jours ordinaires. De son côté, la classe politique pensait que la parenthèse ouverte en 1958 devait se clore et que le Président de la République devait rentrer dans le rang, d'où le moyen imaginé par le Général de Gaulle, pour renforcer «l'équation personnelle» de ses successeurs, de faire élire le Président de la République directement par le peuple. Car enfin, «le présent n'assure pas l'avenir. Un édifice dont la solidité dépend de la présence d'un homme est nécessairement fragile» (1). La révision de l'automne 1962 consiste donc moins à bouleverser la Constitution qu'à con- forter les assises du régime, ceci afin d'éviter tout retour déguisé à la IVème République. Assurément, le collège électoral, même élargi, se révèle un support trop étroit pour un futur Président. Dans cette perspective, l'élection du Chef de l'Etat au suffrage universel direct «relève moins de la volonté d'un homme, qu'elle n'obéit à la logique constitutionnelle» (2). Donnant tout son plein sens à la Constitution de Bayeux considérée, à bien des égards, comme le «brouil- lon», selon Pierre Viansson-Ponté, de la Constitution de 1958, la réforme fonde la «République nouvelle» dès lors que l'on ne revient jamais sur une conquête du suffrage universel. «En l'an de grâce 1962, fleurit le renouveau de la Fran- ce» (3). Le système est inauguré en décembre 1965, mais quelque peu faussé. Le Gé- néral de Gaulle, candidat hors du commun, écrase de tout son poids historique l'institution. Il s'agit plutôt d'une confirmation par le corps électoral d'une lé- gitimité personnelle que d'une véritable élection. Il faut attendre 1969 pour que le contexte politique se normalise. En effet, c'est la première élection prési- dentielle où tous les candidats sont sur le même plan. Elle allait se révéler «un véritable test pour nos institutions» (4) et conduire à l'enracinement du régi- me. Dorénavant, celles-ci vont fonctionner avec un Président ordinaire, au sens descriptif du terme, élu du peuple, alors qu'on les croyait, jusqu'à présent, liées à leur fondateur.