Marcel Gutwirth, Jean Racine, Un Itinéraire Poétique, Montréal, Presses De L'université, 1970, 179 P
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Document generated on 10/01/2021 12:43 a.m. Études littéraires Marcel Gutwirth, Jean Racine, un itinéraire poétique, Montréal, Presses de l’Université, 1970, 179 p. Maurice Delcroix Orientations de la pensée au XVIe siècle Volume 4, Number 2, août 1971 URI: https://id.erudit.org/iderudit/500184ar DOI: https://doi.org/10.7202/500184ar See table of contents Publisher(s) Département des littératures de l'Université Laval ISSN 0014-214X (print) 1708-9069 (digital) Explore this journal Cite this review Delcroix, M. (1971). Review of [Marcel Gutwirth, Jean Racine, un itinéraire poétique, Montréal, Presses de l’Université, 1970, 179 p.] Études littéraires, 4(2), 221–224. https://doi.org/10.7202/500184ar Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1971 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ COMPTES RENDUS 221 Marcel GUTWIRTH, Jean Racine, de corruption où la pureté ne un itinéraire poétique, Montréal, serait pas salvatrice. Presses de l'Université, 1970, M.G. a choisi le genre de l'essai. 179 p. À une critique thématique qui réduirait à l'unité la cohérence Comme l'annonce l'avant-propos, de Racine1, il oppose l'itinéraire cet itinéraire poétique combine la d'un devenir (p. 161 ) riche en chronologie des pièces et leurs renouvellements. C'est appliquer le apparentements. Témoin les titres genre favori de la « nouvelle » des chapitres : après « Thèbes » critique à une préoccupation de et « la Tentation de l'Orient » l't ancienne ». Leur procès est (Alexandre et Mithridate), chacun a évoqué (p. 160, n. 5), mais le livre sa muse révélatrice, Calliope apparaît comme une réduction de (Andromaque et Iphigénie), Thalie leur différence. Certes, ces (les Plaideurs), Clio (Britannicus, allusions aux nouveaux critiques — Bérénice, Bajazet), Melpomène deux sont morts à cette heure (Phèdre), Polymnie (Esther, — ne peuvent tenir lieu d'examen Athalie). On devine que Racine sera et on peut le regretter : même présenté dans la variété de son sceptique à l'égard de la psycho• évolution et avec une certaine critique ou du Dieu caché, coquetterie de l'expression. Même comment négliger qu'ils avaient la synthèse introductive en inscrit les variations de l'unité témoigne : par exemple, elle montre racinienne, l'une dans l'évolution le lieu racinien, édification de d'une structure psychique, l'autre l'imaginaire, oscillant entre un ici dans une dialectique décidément claustré et un ailleurs. Qu'on ne se historique ? M.G., qui place méprenne pas devant ce voca• Charles Mauron parmi ses bulaire thématique : l'examen des principaux créanciers (p. 173) — aux côtés de Raymond Picard —, œuvres s'attache à leur littéralité. ne le cite que pour le reprendre Lorsque la matière s'y prête, il ne (p. 101), mais il s'essaye lui-même néglige, ni l'insertion historique de à la psychologie des profondeurs Racine, ni ses sources — autre (pp. 32, 38, 44, 67, etc.). D'autre voie d'un itinéraire poétique : la part, il ne renie pas ses propres Thébaide entraîne un regard sur intuitions thématiques : non Euripide et Rotrou, Alexandre sur seulement son itinéraire met Corneille, Andromaque sur Virgile, l'accent sur cette « problématique etc. Quant au contenu, la densité racinienne de l'innocence », déjà du genre ne permet pas qu'on en étudiée dans un article antérieur rende compte de façon complète. (1962), ou rapproche les tragédies La conclusion, qui rétablit la de la légende troyenne et, confor• stricte chronologie des œuvres, mément à un second article 2, celles dégage la signification métaphy• du Grand Vaincu ; mais encore il sique du devenir racinien. Au s'interrompt çà et là pour suivre travers des avatars d'un sacré d'un regard l'évolution du lieu combiné ou réduit au monstrueux, racinien (pp. 104-105), le tantôt assumé par l'amour, tantôt desséché dans le juridisme comique, restauré finalement dans i Barthes, Mauron, Goldmann sont sa cruauté, on aura vu mûrir une nommés pp. 9 et 159-160 avec, sans relation tragique propre à Racine : commentaire, Starobinski, p. 159, n. 1. 2 « D'Alexandre le Grand à Mithridate : le monstre victime de l'innocence persistance d'une velléité racinienne ». La qu'il persécute, image d'un univers référence, donnée p. 29, n. 1, n'est pas reprise à la bibliographie. ÉTUDES LITTÉRAIRES/AOÛT 1971 222 développement de la poésie des la chronologie une fois trans• distances (p. 49 à 51 et p. 70), les gressée, aux groupements apparentements dans la série des proposés, on est tenté d'en ajouter personnages (pp. 118-119), et ou d'en opposer d'autres — et autres filières thématiques. Au pourquoi pas celui des tragédies total, la position méthodologique « nautiques » dont M.G. lui-même manque peut-être de netteté, sinon reprend la suggestion à de fondement. Du moins M.G. P. Guégen (p. 41 ), et où il cherche a-t-il choisi que la profondeur de une part importante de la poésie l'œuvre reste liée à sa littéralité : racinienne (cf. par exemple à mon sens, la seule façon de pp. 52-53). Mais que deviendrait connaître la littérature sans un itinéraire traversé d'anachro- la détruire. nismes ? Combinez deux Le projet n'en est que plus perspectives explicatrices, elles ambitieux. De nos jours, les syn• finiront par se nuire. Tout compte thèses de Racine se contentent fait, M.G. a bien mesuré ce danger. d'un aspect, fût-il structural, telle la Son itinéraire poétique, sans cohérence fonctionnelle pour s'égarer dans ses anticipations, Odette de Mourgues, et l'on se aura été plus qu'une chronologie. détourne de l'itinéraire racinien Après trois siècles de critique comme d'un labyrinthe ou d'un racinienne, l'itinéraire devait être de sentier battu. Il est intéressant de reconnaissance plus que de rapprocher M.G. de ses précédents découverte — essai, mais avec les plus proches : Th. Maulnier bibliographie. On ne cherchera dans son Racine et R. Picard dans donc pas trop de nouveautés, se ses introductions de la Pléiade. Le félicitant d'y trouver peu d'erreurs, premier sacrifiait souvent l'itiné• dans une synthèse nouvelle par raire à la synthèse apologétique, son choix et son organisation des sinon la littéralité à la thématique. acquis de la critique, par son M.G. doit beaucoup au second, raccourci et ses trouvailles et le dit (p. 173). On ne le lui d'expression. Son originalité prin• reprochera pas, il pouvait choisir cipale reste dans cette conception un moins bon guide. Mais il de l'innocence meurtrière, clef s'exposait à une comparaison de voûte du tragique racinien, qui dangereuse. Outre sa profondeur, a gagné des proportions mieux l'essai de critique interne avait mesurées à rejoindre la discipline reçu de R. Picard une fonction qui de l'itinéraire. Il en est d'autres : favorisait sa précision et son c'est le critique de l'innocence qui efficacité : strictement appliqué à aura dit le plus clairement la la pièce dont il éclairait la vilenie d'Oreste (pp. 51 et 52) — singularité, il préludait à sa lecture. par contre, tiendrait-il pour rien M.G. choisit en quelque sorte une le commentaire de Péguy sur position intermédiaire : l'itinéraire Iphigénie, moins « oie blanche » de synthèse. Avec ses dangers : qu'on ne nous la présente p. 66 ? comme le fil d'Ariane, on doit le Son cheminement abonde en tenir jusqu'au bout, quelle que soit rapprochements heureux autant que la fatigue du voyage qui ne rapides : par exemple, reconnaître correspond pas toujours aux temps en Jocaste, coexistantes, mais morts de l'œuvre et l'on regrettera séparées, « la lucidité prophétique certains envahissements de résumés de Phèdre, et la lucidité pratique (pp. 54-55, 59-60, 129-136) dont d'Œnone » (p. 18) peut éclairer le Phèdre elle-même est victime. tragique du personnage et l'évo• Avec ses compromis déjà signalés : lution racinienne. Avait-on déjà COMPTES RENDUS 223 décelé ces rapports symboliques différence de nature. Saisir le sens dans Phèdre : celui qui a passé profond du phénomène, c'est sans les sombres bords n'est pas un doute rapprocher ce que l'on intrus dans une tragédie où « tous croyait divers, mais aussi distin• ont franchi les bornes » (p. 114) ; guer ce que l'on croyait semblable. celle qui prétend qu'on ne voit L'altitude de l'essai expose point deux fois le rivage des toujours aux simplifications, voire morts n'en finit pas d'y revenir aux contresens. Faut-il compter (p. 130). Jocaste ou même Etéocle (cf. IV, Au demeurant, on retrouve avec 3) parmi ces êtres sans passé et plaisir, sous leur forme nouvelle, de donc sans poésie de la Thébalde très vieux enseignements : les (pp. 23-24) ? Est-ce Oreste, ou ses grandes rivalités de Racine, sa hommes, qui précipitent l'exécution soumission à un patrimoine culturel de Pyrrhus (p. 57) ? Iphigénie dont il combine et mûrit les veut-elle mourir seulement pour leçons, le détour que sa complai• son père (p. 69) ou parce qu'il ne sance à l'histoire apporte à sa la laisserait vivre que loin d'Achille vocation légendaire, les raisons (V, 1 ) ? Ce n'est pas l'inconstance de son silence, etc. Le labeur de Thésée qui le conduit aux érudit y trouve d'ailleurs son fruit : enfers (pp.