Les Enceintes Médiévales De Paris Hélène Noizet
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Les enceintes médiévales de Paris Hélène Noizet To cite this version: Hélène Noizet. Les enceintes médiévales de Paris. Boris Bove, Claude Gauvard. Le Paris du Moyen Âge, Belin, pp.97-116, 2014, 978-2-7011-8327-5. halshs-03217591 HAL Id: halshs-03217591 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03217591 Submitted on 4 May 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. 1 Hélène Noizet Maître de conférences en histoire médiévale, université Paris-1 Panthéon-Sorbonne Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LAMOP, UMR 8589) Noizet, Hélène, « Les enceintes médiévales de Paris », dans Boris Bove, Claude Gauvard (dir.), Le Paris du Moyen Âge, Paris, Belin, 2014, p. 97-116. Fichier auteur : la pagination de la publication est indiquée entre crochets, et les cartes sont celles fabriquées par l’auteur, dont seul le design graphique a été modifié par l’éditeur dans la publication. LES ENCEINTES MEDIEVALES DE PARIS Si le centre politique et ecclésiastique de Paris, l’île de la Cité, a été protégé par une enceinte dès la fin du IIIe siècle, il faut attendre le Moyen Âge pour que les rives de part et d’autre de la Seine le soient également. Entre le Xe siècle et le XIVe siècle, trois grands systèmes défensifs urbains furent successivement édifiés. La première enceinte médiévale, attestée au plus tard au Xe siècle, n’enserre que la rive droite, tandis que la fortification de Philippe-Auguste, à la fin du XIIe siècle, et celle de Charles V, dans la seconde moitié du XIVe siècle, occupent les deux rives. Cependant, ces dernières privilégient également la rive droite, révélant par là le basculement urbain de la rive gauche à la rive droite entre l’Antiquité tardive et le Moyen Âge central. Même si les superficies encloses ne sont connues que de manière approximative (la mobilité du trait de rive n’étant pas précisément documentée), leur évolution montre sans ambiguïté le tropisme médiéval de la rive droite : enceinte gallo-romaine : une petite dizaine d’hectares sur l’île de la Cité ; enceinte du Xe s : une quarantaine d’hectares en rive droite ; enceinte de Philippe-Auguste : environ 120 ha en rive droite, et 90 ha en rive gauche ; enceinte de Charles V : environ 315 ha en rive droite ; pas d’agrandissement en rive gauche. Ces chiffres permettent aussi de mesurer l’extension progressive des espaces protégés, avec un saut quantitatif particulièrement sensible à la fin du XIIe siècle : la multiplication des surfaces est supérieure à 5 entre le Xe siècle et XIIe siècle, contre 4 entre le IIIe et le Xe siècle et 1,5 entre le XIIe et le XIVe siècle. 1 2 (1) Les trois enceintes médiévales de Paris (Xe-XIVe s.) Plusieurs documents – de type textuel, archéologique, iconographique et planimétrique (parcellaires des XIXe-XXe siècles) – renseignent le tracé, la matérialité, et les finalités défensive et politique de ces différents ouvrages, que nous présenterons suivant l’ordre chronologique. L’enceinte du Xe siècle Les sources archéologiques, qui prouvent l’existence de cette enceinte, et qui balayent définitivement les doutes qui avaient pu être exprimés par certains historiens quant à l’unicité d’une telle structure, correspondent à deux fouilles préventives récentes : l’une, 15 rue du Temple, réalisée par l’AFAN en 1996-1997, sous la responsabilité d’Arnaud Prié ; l’autre, 144 rue de Rivoli, faite par l’INRAP en 2009 sous la direction de Xavier Peixoto. Elles permettent d’appréhender le modelé de l’enceinte, constitué principalement de matériaux périssables (terre et bois). Il s’agissait d’une levée de terre précédée d’un fossé sec puisqu’aucun dépôt hydromorphe n’a été repéré. Rue du Temple, si le creusement initial est très évasé et se présente comme un U très ouvert, le recreusement donne ensuite un profil en V ; rue de Rivoli, on trouve ce profil en V dès le premier creusement, avec une pente très marquée, à 45°, côté ville, suivant la logique du vallum romain, qui présentait la pente la plus verticale face à l’ennemi. L’altitude du fossé (entre 29 et 32 m par rapport au nivellement de la ville de Paris) et ses dimensions étaient identiques d’un site à l’autre : il mesurait entre 2,5 m et 3,2 m de profondeur, pour une largeur à l’ouverture de 11 ou 12 m au total. La terre provenant du creusement du fossé a servi à construire la levée : d’après le volume de terre extrait, on peut supposer qu’un remblai d’environ 2 m de haut, avec un sommet plan de 3 m de large a pu être édifié. Sur ce remblai de terre, une palissade a dû être construite. Essentiellement composée de bois, elle comportait 2 3 toutefois quelques parties en pierre, une quinzaine de petits moellons calcaires ayant été retrouvés rue de Rivoli. Le problème de la datation de l’enceinte reste entier car l’absence de mobilier archéologique bien daté rend les fourchettes chronologiques très larges, soit les IXe-Xe siècles pour le début de son fonctionnement, et les XIIe-XIIIe siècles pour la dernière phase d’utilisation et l’abandon. En l’état actuel des connaissances, un texte fournit un terminus ante quem à la toute fin du Xe siècle. Un diplôme concédé par le roi Robert le Pieux (996-1031) en faveur de Saint-Magloire atteste l’existence de l’enceinte vers 997-998 : il cite, parmi la liste des biens de l’abbaye, la chapelle Saint-Georges-et-Saint-Magloire qui est située dans le suburbium de Paris « non loin des fortifications » (menia). Rien n’interdit de supputer que l’enceinte est antérieure au Xe siècle, en liaison par exemple avec le contexte des incursions vikings de la fin du IXe siècle, mais rien n’autorise vraiment non plus à valider cette pure hypothèse. La documentation textuelle évoque deux autres points de repère : situé vers les n° 92-100 de l’actuelle rue Saint-Martin, « l’archet Saint-Merri » était la porte nord de cette enceinte, qui passait, à l’est, par le quartier de la « porte Baudoyer ». Si l’archéologie et les textes donnent une connaissance ponctuelle de l’enceinte, son tracé global ne peut être appréhendé qu’à partir de l’analyse des documents planimétriques, notamment parcellaires. (2) Linéaments des parcellaires ancien et actuel liés à l'enceinte du Xe siècle On peut en effet repérer les contraintes morphologiques exercées par l’enceinte sur le tissu urbain. Par endroits, l’enceinte a influencé les orientations du réseau viaire, du parcellaire et du bâti dès le haut Moyen Âge central, et puis encore bien après : alors que l’enceinte disparaissait en tant que structure matérielle, à partir du XIIe siècle, certaines limites urbaines induites par l’enceinte restaient et conditionnaient à leur tour l’urbanisation postérieure de l’espace environnant. Ainsi, sur les cadastres des XIXe et XXe siècles, on peut sélectionner, à l’intérieur du secteur grossièrement limité par les points de repère précédents, des linéaments parcellaires et bâtis qui constituent des ruptures fortes dues à la présence de l’enceinte. Cette analyse morphologique des parcellaires actuel (en date de 2006) et ancien (reconstitution du plan 3 4 Alpage-Vasserot, 1810-1836), montre qu’un double ruban curviligne se dégage assez nettement au sein du secteur pré-localisé. Si l’on caractérise chacun de ces linéaments en fonction de leur type morphologique (limites bâties, parcellaires, ou viaires), on observe une différence dans la transmission de la forme curviligne de part et d’autre de la rue Saint-Martin. (3) Résilience de l’enceinte du Xe siècle De manière générale, on considère en morphologie urbaine que ces trois types de limites ont une résilience croissante (une parcelle est plus résiliente qu’un bâtiment, et une voie l’est plus qu’une parcelle), la résilience correspondant à la capacité d’une structure à perdurer dans le temps par réappropriation en vue de nouveaux usages. Autrement dit, le rythme de remplacement du bâti est plus rapide que celui des parcelles, et ce dernier plus que celui des voies. Ici, la rue Saint-Martin scinde le tracé de l’enceinte en deux parties de même longueur, mais avec une résilience nettement plus forte à l’ouest qu’à l’est : le secteur occidental est composé d’une majorité de limites viaires (55,4 %), tandis que le secteur oriental comporte une majorité écrasante de limites parcellaires (68,6 %) et bâties (25,3 %). Cela signifie que, à l’ouest, les flux se sont inscrits relativement facilement dans le dispositif viaire hérité de l’enceinte du Xe-XIe siècle, comme si celui-ci avait continué de répondre aux besoins de circulation au moins jusqu’au XIXe siècle, et encore en partie aujourd’hui. Par exemple, au nord- est de Sainte-Opportune, la rue Troussevache, qui forme une rupture viaire remarquable en liaison avec cette enceinte, existe dès 1150 : or son tracé subsiste à l’identique jusqu’au début du XIXe siècle. À l’est, c’est un autre schéma qui a prévalu : la croissance urbaine s’est traduite par une colonisation de la voie par du bâti et une remise en cause plus profonde des systèmes viaires et parcellaires hérités.