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XI - DÉJÀ PUISSANCE INDUSTRIELLE (1740-1830)

Dès le début du XIXe siècle, la Belgique occu­ tion a plus que doublé et il y eut un réservoir pait la deuxième place, immédiatement après non négligeable et de main-d'œuvre et de le Royaume Uni, berceau de la 'Révolution consommateurs. Mais cette robuste démo­ industrielle', dans la hiérarchie des Etats graphie n'était pas le fait du hasard; elle classés par niveau de développement indus­ était en partie la conséquence d'une agri­ triel. Cette force exceptionnelle qui était la culture suffisamment prospère pour éliminer sienne, le pays la devait à la houille, au fer et progressivement les grandes chertés généra­ aux machines à vapeur qui étaient presque trices d'hécatombes humaines. Il importe exclusivement concentrés dans les provinces donc de prendre en considération le facteur wallonnes. agricole que nombre d'historiens et d'écono­ Il appert dès lors que le grand bond en avant mistes sont enclins à privilégier dans le de l'industrialisation s'est opéré antérieure­ processus de déclenchement de la 'Révolu­ ment au XIXe siècle et non vers 1830 comme tion industrielle' dans la mesure notamment on l'a longtemps affirmé. Mais ce n'est point où une agriculture de haute productivité tout de porter un diagnostic, encore faut-il libère une fraction de plus en plus importante expliquer l'événement et déterminer ses cau­ de la population au profit des activités ses. industrielles. Phénomène complexe, fait tout à la fois d'accélération des rythmes de croissance, d'adoption de machines nouvelles, mais qui est également affaire de mentalité - esprit AGRICULTURE: LE TEMPS DU d'entreprise et goût du risque -,la 'Révo­ CHANGEMENT lution industrielle' fut bien une réalité dans la Wallonie des confins du XVIIIe et du Au lendemain de la disette de 1740, notre XIXe siècle. Pourquoi ce démarrage précoce? agriculture éprouva quelque mal à panser Cette question conduit à en poser une autre ses plaies; il est vrai que survint immédiate­ relative aux conditions préalables du déve­ ment la guerre de Succession d'Autriche. loppement industriel, ou si l'on préfère aux Certes l'intendance s'était améliorée et le étàpes nécessaires de l'industrialisation. comportement des troupes fut moins brutal, Il est évident que l'essor démographique qui mais il n'en reste pas moins vrai que les a caractérisé nos régions entre les premières travaux des champs furent encore fréquem­ années du XVIIIe siècle et les premières ment interrompus car les réquisitions de décennies du XIXe siècle n'a pas été étranger main-d'œuvre restèrent nombreuses. Mani­ à notre réussite industrielle, même s'il en est festement, le climat n'était guère propice aux partiellement une conséquence: la popula- innovations et quand s'annonça la seconde

313 moitié du XVIIIe siècle, si l'on excepte le des grains en passant par les prames arti­ pays de Herve et le Hainaut occidental, ficielles, les engrais, les instruments de labou­ c'était une agriculture de type traditionnel rage, la préparation des terres et des semen­ qui dominait en Wallonie. ces, et la récolte des grains. Les écrits en Après 1750, s'ouvrit une ère d'intense pu­ langue française se multiplièrent et leur blicité en faveur d'innovations en agriculture. diffusion dans la Principauté de Liège et les La France en fut la principale propagandiste Pays-Bas favorisa dans les provinces wallon­ à défaut d'avoir été souvent créatrice. La nes l'introduction de méthodes novatrices littérature agricole abonda et on peut parler que n'avaient pas réussi à promouvoir le de frénésie champêtre dans le royaume de voisinage de la Flandre ou une longue co­ Louis XV. Voltaire lui-même n'y fut pas habitation avec elle sous une même domi­ insensible même s'il ne se fit point faute d'en nation. railler les extravagances. C'est alors que la France, et à sa suite le reste Le recul de la jachère, même s'il fut d'inégale de l'Europe, découvrit les mérites des agri­ importance selon les régions, fut indéniable cultures anglaise et flamande. Deux courants après la paix d'Aix-la-Chapelle (1748). Sans de pensée relativement parents s'y déve­ doute fut-il à peu près nul en Ardenne et en loppèrent et essaimèrent allégrement au-delà Condroz, et cela jusque vers 1830, mais des frontières. Le premier était animé par des l'agronome avisé qu'était l'abbé Mann, économistes -les Physiocrates - qui tinrent Anglais d'origine mais 'Belge' d'adoption le haut du pavé pendant un quart de siècle. assurait que dans le comté de Hainaut la L'agriculture, estimaient-ils, à l'exclusion de situation avait considérablement évolué après tout autre secteur de l'économie, était la seule le conflit. 'Depuis ce temps-là, écrivait-il en source de richesses, aussi requérait-elle par 1783, ces ( ... ) terres ne reposent jamais' alors priorité l'attention des gouvernants. Mélange que 'jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, de conceptions politiques d'essence autori­ le paysan ne travaillait que par tiers et taire et de visions parfois extrêmement neu­ laissait reposer sa terre'. Cette opinion fort ves des circuits économiques, les théories de optimiste mérite certainement d'être nuancée, la 'secte' conduite par Quesnay contaminè­ mais il semble bien qu'à la fin de l'Ancien rent rapidement l'Europe 'éclairée' mais Régime, tant dans la majeure partie du pénétrèrent toutefois nos provinces moins Hainaut, qu'en Brabant wallon, la jachère profondément qu'ailleurs. Le second courant n'occupait pas plus d'un cinquième des terres de pensée, davantage centré sur la pratique et dans les cas les plus défavorables. En 1764, la technologie, émanait d'agronomes et fut les Etats du comté de Namur incitèrent le autrement fécond pour l'évolution des tech­ gouvernement à poursuivre la politique de niques agricoles que les spéculations souvent réformes entamée avec l'édit de 1730 qui per­ peu réalistes des disciples de Quesnay. mettait d'ensemencer deux bonniers sur dix Duhamel du Monceau fut l'inspirateur de des terres en jachère; finalement le 1e avril ce mouvement agronomique. Son Traité de 1767, la liberté fut accordée à tout proprié­ la culture des terres publié à Paris en six taire, fermier et cultivateur 'de cultiver ses volumes de 1750 à 1758 constitua un tour­ fonds de la manière qu'il croira la plus nant. Parfaitement documenté sur les tech­ profitable ( ... ) et de faire fructifier ses terres niques anglaises, le savant français dégagea soit de saison ou en jachère de la manière progressivement les lignes de force de ce qu'il trouvera convenir'; on interdisait en qu'on appela bientôt l' 'agriculture nouvelle'. outre le pacage du bétail sur les terres en­ Il en traça un ample panorama, depuis la semencées. Bref, quiconque le désirait réelle­ rotation la plus raffinée des cultures en vue ment, avait la possibilité de rompre avec les d'éliminer la jachère jusqu'à la conservation habitudes, mais on connaît le poids de celles-

314 ci et ce ne fut que bien avant dans le XIXe pâturage des grains croissants et à sauve­ siècle que l'assolement triennal disparut to­ garder les intérêts des agriculteurs qui dé­ talement des campagnes namuroises. En Hes­ robaient des trèfles ou des navets à la jachère. baye liégeoise où l'on pratiquait déjà parfois En 1770 la clôture des terres fut autorisée l'assolement sexennal - la terre ne se repo­ dans le Luxembourg, mais cette ordonnance sant qu'une année sur six ce qui diminuait n'eut guère de conséquences, semble-t-il. De donc de moitié la perte de superficie en­ toute façon, le fait de renfermer les biens courue - on nota une nette régression de fonds n'impliquait pas nécessairement la dis­ la jachère à l'extrême fin du XVIIIe siècle, parition de la vaine pâture. Ainsi dans la mais les changements furent moins consi­ principauté de Liège, il n'était pas rare qu'un dérables en Fagne et en Famenne. propriétaire fît clore ou 'déclore' ses terres Mais les possibilités qui s'offraient de suppri­ selon les exigences de la banalité. mer la technique ancestrale de la jachère ne En fait, cet élément essentiel de la vaine pâture se révéleraient fructueuses qu'à la condition qu'était l'accès libre au bétail des terrains qu'on s'attaquât aux contraintes collectives destinés au repos après deux récoltes de céré­ qui, telle une chappe, étouffaient les velléités ales, resta solidement ancré dans les menta­ de renouveau. lités jusqu'à la veille de la Révolution, et bri­ da sans aucun doute dans leur élan les adep­ La vaine pâture était au banc des accusés. En tes d'une agriculture plus intensive fondée sur vertu de ce droit, les habitants d'une localité une meilleure rotation des cultures. Voyons pouvaient mener paître leurs bêtes non seule­ en quels termes s'exprimait en 1786 l'auteur ment sur les jachères, mais aussi sur toutes d'un mémoire qui, avec beaucoup de lucidité, les terres cultivables et les prairies respecti­ analysait les causes de la stagnation de l'agri­ vement lorsque les récoltes avaient été ra­ culture dans le duché de Luxembourg. 'On massées et lorsque la fenaison était terminée. n'est maître de son champ qu'en le faisant Ses plus chauds partisans se recrutaient par­ enclore de haies, écrivait-il. Ces enclos sont mi le peuple des démunis, les artisans et les frayeux et ne sont pas toujours respectés par journaliers, auxquels cette coutume permet­ les pillards; ils ne sont d'ailleurs pas tou­ tait d'élever quelques moutons et chèvres, jours praticables; les servitudes des commu­ voire une ou deux vaches. nications d'un champ à l'autre s'y opposent; Si au pays de Herve, l'une des régions les plus souvent les champs n'ont pas assez d'étendue prospères, le droit de vaine pâture était ou sont trop isolés au milieu de différentes largement en désuétude car depuis le début possessions pour qu'on puisse songer à les de l'époque moderne, la plantation de haies enclore; de là arrive que si un laboureur vives et l'érection de clôtures en vue de pré­ industrieux pouvant donner de l'engrais à munir ses terres contre le passage du bétail son champ veut le cultiver, tandis que ceux étranger étaient entrées dans les mœurs, il en des voisins sont en jachère, s'il veut faire des allait tout autrement ailleurs. Partout ce­ prairies artificielles ou plus d'une récolte pendant dans la seconde moitié du XVIIIe la même année, il est forcé d'y renoncer et siècle, on tenta de restreindre ce droit en de suivre le torrent, son champ bien cultivé dépit des oppositions parfois tenaces des se trouvant au milieu des autres sur lesquels communautés rurales. Dès 1767, les autori­ s'exercerait la pâture tolérée par la loi; il tés namuroises se décidèrent à protéger les serait ravagé; le travail et la dépense seraient champs emblavés de trèfle. Les princes évê­ en pure perte'. ques de Liège ne restèrent pas indifférents à la question et successivement en 1724, 1734, La politique de défrichements qui s'inscrivait 1737 et surtout en 1773, ils développèrent dans la lutte menée par des gouvernants ré­ la réglementation visant à mettre fin au formistes en faveur du faire valoir direct

315 et de la propriété individuelle porta toutefois été partagées, ce qui représente un accroisse­ un coup plus rude au droit de vaine pâture. ment de la superficie cultivable d'environ En effet, celui-ci s'appliquait également aux 2000 ha. marais, aux bruyères, bref aux terres incul­ La politique de défrichement fut moins sys­ tes, les 'communes'. Beaucoup d'efforts tématique ailleurs, mais en Luxembourg, le furent déployés dans les comtés de Hainaut gouvernement accorda toujours aux commu­ et de Namur. Entre 1755 et 1757, les Etats de nautés rurales qui en faisaient la demande la Hainaut prirent les dispositions nécessaires permission de 'partager héréditairement les en vue de procéder au partage des deux tiers terres dites communes à la réserve des bois'. de terres incultes de la province, soit environ Réalisée depuis le XVIle siècle au pays de 3350 hectares; le tiers restant demeurerait en Herve, l'appropriation de communaux par friche; de la sorte étaient rencontrés les vœux des particuliers fut en revanche inexistante des couches les plus défavorisées de la popu­ dans la principauté de Liège au XVIIIe lation puisqu'on maintenait la vaine pâture. siècle. Il y eut bien une tentative de défriche­ Les parcelles furent louées au plus offrant et ment de bruyères dans le marquisat de dernier enchérisseur. On jugera de l'impor­ Franchimont, mais elle avorta : la décision tance qui fut accordée à l'entreprise quand on d'adjuger ces terres avait été prise sans saura que les autorités provinciales distri­ consultation et elle mécontenta à ce point buèrent des brochures aux cultivateurs en vue les villageois que le prince évêque dut se de leur imposer des méthodes scientifiques résoudre à ajourner l'opération. de défrichement. Le bilan de l'opération peut être considéré comme favorable: de 1757 Le travail agricole s'améliora. Les baux à 1783, environ 1650 ha de terres en friche énumérèrent d'ailleurs plus en détail les furent mises en culture, soit approximative­ obligations qui incombaient au preneur quant ment la moitié de ce que prévoyaient les à l'entretien des terres. L'accent fut mis sur projets initiaux. les fumures. Le recours aux engrais miné­ En namurois, après un premier échec entre raux fut plus fréquent : si en Hesbaye, on 1765 et 1767 imputable à un autoritarisme pratiquait essentiellement le marnage, dans excessif, une nouvelle ordonnance, qui s'ins­ les autres contrées l'usage de la chaux se pirait davantage des principes de la justice généralisa et s'intensifia. En Hainaut, en distributive, fut promulguée en 1773 à l'ini­ Brabant wallon et en namurois, les cendres de tiative du grand bailli de Namur, le vicomte bois et les cendres de tourbes amenées par Pierre-Benoît Desandrouin de Villers-sur­ bateau de Hollande furent très recherchées. Lesse. Aux termes du décret, les 'communes' On ne négligea pas non plus les engrais furent partagées en autant de lots qu'il y verts. Les conseils en la matière de même avait de chefs de famille; les portions ainsi qu'en ce qui concernait la préparation des concédées gratuitement ne pouvaient pas semences - le chaulage des grains - proli­ excéder un bonnier, à peu près l'équivalent féraient dans les almanachs répandus dans d'un hectare; quand le nombre de bonniers de les campagnes, tel ce Calendrier ou Almanach communaux susceptibles de culture était physico-économique publié à Bouillon à la fin supérieur à celui des chefs de famille, le de l'Ancien Régime. surplus était rendu à la vaine pâture tout en constituant une réserve pour les futurs arri­ L'outillage - partout le métal supplanta vants. Les gens de loi des villages furent étroi­ le bois - ne subit guère de transformations tement associés à la division des 'commu­ dans le courant du XVIIIe siècle, mais il naux' qui se poursuivit sans grand problème n'était pas pour autant moins efficace que de 1773 à 1779. On peut évaluer que près celui qui était employé à la même époque de 50 % des 'communes' non boisées ont dans la plupart des pays d'Europe occidentale

316 PAGE DE TITRE DU 'CALENDRIER OU ALMA­ NACH PHYSICO-ÉCONOMIQUE' PUBLIÉ À BOUILLON EN 1777 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert fer, Imprimés) .

INTÉRIEUR DE MOULIN. Aquarelle de Léonard De/rance. 1735-1805 (Liège, Musées des Beaux-Arts, Cabinet des dessins. Photo, A.C.L.).

317 et en particulier la France. Rien de plus panifiables : le froment cultivé surtout en commun dans nos provinces que le spectacle Brabant wallon, en Hainaut et en Hesbaye, de chevaux traînant la herse et le rouleau ou le seigle, et enfin l'épeautre qui accaparait tirant une charrue munie d'un avant-train et souvent la majeure partie des terres au sud riche d'un soc, d'un coutre et d'un tourne­ du sillon Sambre-et-Meuse. oreille. Certes cette charrue n'était pas aussi D'après les chiffres dont on dispose, on peut perfectionnée que la lourde charrue dite établir comme suit à la fin du XVIIIe siècle brabançonne mise au point au début du les rendements dans la principauté de Liège XVIIIe siècle: dépourvue d'avant-train et à qui, au total, n'était guère favorisée par les oreille fixe, cette 'araire à pied' remuait plus conditions naturelles : profondément la terre; très répandue en Flandre, elle ne se rencontra en Wallonie qu'à l'aube du XIXe siècle au voisinage du EN HECTOLITRES PAR HECTARES Brabant, mais il n'en reste pas moins vrai que la charrue à avant-train qui caractérisa nos principautés à la fin de l'Ancien Régime Famenne, représentait un progrès indéniable en com­ Céréales Hesbaye Condroz Fagne paraison avec le simple soc qui constituait Ardenne tout l'attirail de maints laboureurs d'Occi­ dent. Qu'on n'imagine d'ailleurs pas que nos contrées vécurent en marge du mouve­ froment 18 ment technologique. Ainsi, à Namur, les seigle 19,5 15 12-13 députés aux Etats de la Noblesse et du Clergé épeautre 27 24 acquirent un semoir mécanique dont Du­ hamel du Monceau était le promoteur et ils exposèrent l'appareil en vue de permettre aux avoine 30 27 20 cultivateurs de se familiariser avec son fonc­ tionnement. Bref, tout au long des dernières décennies de l'Ancien Régime, la sollicitude des pouvoirs En 1795, pour le Brabant wallon et le Hainaut publics à l'égard de l'agriculture ne se dé­ septentrional, l'abbé Mann avançait un mentit point; je citerai encore la stricte rendement à la semence de 12,5/1 pour le réglementation du droit de chasse dès 1749 froment, ce qui équivalait à au moins 30 hl afin de restreindre les dégâts occasionnés ha, soit une progression par rapport aux aux cultures, la multiplication des ordon­ 22 à 26 hl/ha que l'intendant français Voysin nances rappelant les nécessités de l'éche­ signalait en 1697 comme étant la norme dans nillage, et, çà et là, la décision d'enfermer les la région athoise et à . pigeons à l'époque des semailles et des ré­ Enfin, d'après un rapport de l'an X, les coltes. rendements dans le département de Sambre­ De la conjugaison de l'amenuisement des et-Meuse oscillaient de 17 à 31 hl/ha pour jachères et de la mise en culture de nouvelles le seigle, de 34 à 48 hl/ha pour l'épeautre. terres résulta inévitablement un accroisse­ Sans doute dans l'ensemble les rendements ment du volume des quantités produites. Mais 'wallons' étaient-ils inférieurs à ceux de il y eut plus important : le rendement à Flandre, mais ils étaient très honorables pour l'hectare a crû considérablement après 1750 l'époque: vers 1840, 90 %des départements pour atteindre à partir de la décennie 1770- français n'atteignaient pas ces chiffres! 1780 des niveaux jamais atteints auparavant Mais il est un autre élément qui force à et cela concernait au premier chef les céréales l'optimisme: l'accroissement de la produc-

318 tion se fit au détriment des céréales les plus sante au pays de Liège et en Hainaut en dépit pauvres, par conséquent les moins chères des obstacles à l'exportation qui surgirent; tout en étant les plus productives. D'un autre grande importatrice jusqu'au début du siècle, côté, les autres produits de l'agriculture des­ l'Angleterre avait, en effet, imposé à l'entrée tinés à l'alimentation des hommes ou du des houblons étrangers des droits de douane bétail furent également plus abondants. Le prohibitifs; la raison en était simple : après coup de semonce de 1740 fut entendu et vers 1706, pendant la guerre de succession d'Es­ 1760 il n'était plus un jardin des provinces pagne, les troupes de Malborough avaient wallonnes où l'on ne cultivât point la pomme occupé la Flandre et le Hainaut, et les sujets de terre qui fit désormais partie du menu du roi Guillaume s'étaient emparés de plants quotidien. Les carottes, les navets, le trèfle qu'ils s'étaient empressés d'acclimater dans gagnèrent également du terrain, preuve leur pays. supplémentaire qu'on veillait à mieux ex­ Que l'agriculture fût plus riche, plus pro­ ploiter les potentialités de la terre; ainsi en ductive, les propriétaires ne s'y trompèrent Hesbaye, la même année on récoltait des point. navets après la moisson du seigle; on avait également pris l'habitude de semer du trèfle Le prix des fermages grimpa allégrement. Les dans l'avoine; en Hainaut et en Brabant, on baux de trois grandes fermes sises à Châte• le semait 'le long du froment et du seigle' lineau, non loin de , furent majorés selon le dire de Mann. respectivement de 75 % en 1780 pour la première, de 125 % en 1779 pour la deuxième Quant à la culture des plantes industrielles, elle et de 116 % pour la troisième entre 1762 continua à prospérer. Assurément, ce n'était et 1780; dans la seigneurie de La Hestre et point là l'attitude d'une population cam­ de Haine-Saint-Pierre, les fermages dou­ pagnarde tenaillée par la hantise de la faim et blèrent entre 1728 et 1783; en 1775, le bail de obnubiée par la production de grain. Le colza, la cense du château d'Argenteau subit une déjà connu en Tournaisis, en Hainaut et en augmentation de 40 %; partout, que ce fût Brabant, le fut vers 1770 dans le comté de en Hesbaye ou dans les terres les moins fer­ Namur et vers 1780 dans les campagnes tiles de la principauté, la tendance fut à liégeoises. Les besoins sans cesse croissants la hausse dans la seconde moitié du XVIIIe de l'industrie houillère en cordage favorisè­ siècle. rent la culture du chanvre dans le comté de Hainaut (Enghien), dans la région de Charle­ Sous le regime français, la productivité de roi, à Biesmerée, à Mettet et furent à l'ex­ l'agriculture poursuivit sur sa lancée. La trême fin du XVIIIe siècle à l'origine de sa vente des biens nationaux à partir de 1796 propagation en Hesbaye et dans quelques qui apparaît dans nos régions essentiellement cantons ardennais de l'est pour la consom­ comme la vente des biens du clergé, la no­ mation du bassin liégeois. La culture du blesse n'ayant pas ou peu émigré, n'y fut tabac qui avait fait son apparition dans les certainement pas étrangère. Des milliers campagnes athoises dès la seconde moitié du d'hectares- plus de 60 000 ha rien que pour XVIIe siècle, s'implanta dans la vallée de la les départements de et de l'Our­ Semois non loin de Bohan. Sauf en Hainaut the -furent vendus à des acheteurs qui dans et en Brabant, le lin fut à peu près ignoré. leur écrasante majorité appartenaient à une En fait c'est au houblon que revenait la pal­ bourgeoisie triomphante, plus âpre au gain me dans nos contrées où ne se comptaient et plus décidée que les religieux à retirer un plus les brasseries; on le rencontrait partout maximum de profits de leurs propriétés. y compris dans le Luxembourg (Marche, Mais surtout, il n'est pas douteux que la Virton), mais sa culture était surtout floris- suppression de la dîme et l'abolition des pré-

319 NOTES PAGE DE TITRE DU MÉMOIRE DE J.-B. MONDEZ (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Imprimés). ~UR L'ABOLITION DES JACHÈRES ET LES AVANTAGES DE LA CULTURE

l?LAMANDE 1 PllÉsl!m:ÊES à-Messieurs les Président et Membres ,composant la Sociêté pour l'encouragement dé l'Agriculture et de l1ndustrie du déîlllrtement de Jemmape;

Par J.-B.TE M _o .Ir DEZ ,

M'eire-, Cul~vttcur-Propriétaire, ·à FuaPC& 1 et Ftttm:et de Cbitcau

-~-·.. ~--.._...~--- La ~~~ fft· WU: bontH mirf!• .Donnc-z.,ùd .tm habit fÛ t.~Ji/4;; a1t.f, ett Jtllt1Jé à prO}JO$ t e.tl~ VOIU rntdra un l~abit . tk f.oit.

FERME DE LA NEUVE-COUR (Dernière moitié du XVIIIe siècle) À LILLOIS - WITTERZEE.

A l\ION s,

FEMMES BUVANT LE CAFÉ. Tolle de Léonard 1763 (Liège, Musée d'Ansembourg. Photo

320 lèvements féodaux, même si ceux-ci s'étaient de . L'indigo, indispensable en tein­ beaucoup plus fortement érodés dans nos turerie, faisait-il défaut? On ordonna de principautés qu'en France au XVIIIe siècle, cultiver le pastel. Enfin, comme le coton contribuèrent à donner plus de cœur à n'arrivait plus, la culture du lin fut partout l'ouvrage à la paysannerie. poussée. Pour leur part, les autorités de la République, Longtemps confinée dans les potagers, la puis celles de l'Empire n'hésitèrent jamais à pomme de terre envahit progressivement les encourager les initiatives susceptibles de champs au début du XIXe siècle pour dé­ relever le niveau de l'agriculture dans une trôner les pois et les vesces sous le régime France qui, perpétuellement en conflit avec hollandais. l'Angleterre, s'intéressait encore davantage que par le passé aux techniques en usage dans Vitesse de croisière. On retiendra surtout ses nouveaux départements septentrionaux. de cette période de quinze ans qui précéda Le hennuyer Jean-Baptiste Mondez (1747- les événements de 1830, qu'elle vit les pre­ 1823), né à Maffies, maire de Frasnes-lez­ miers grands investissements en matériel Gosselies sous l'Empire, fut indiscutablement dans quelques rares exploitations agricoles. une figure de proue. Ce passionné d'agri­ L'exemple le plus impressionnant nous vient culture avait accompli peu après 1770 des sans conteste de Lessines. Disposant de prodiges en namurois dans les domaines du plusieurs machines à vapeur, distillant du baron de Neverlée, seigneur de Baulet; genièvre et des graines grasses, les frères Mondez resta constamment à la pointe du Dooms récupéraient les détritus pour l'éle­ progrès et ce fervent de l' 'agriculture nou­ vage de plusieurs centaines de bœufs qu'ils velle' rendit compte de ses résultats dans son exportaient vers la France. Mais pareille Tableau et compte annuel de la culture fia­ exploitation, faut-il le préciser, constituait mande imprimé à Paris en l'an XI. Ses succès une exception. En fait, avec l'écroulement lui valurent une renommée telle que la société du système continental, la chute de Napoléon d'agriculture de la Seine lui décerna en 1812 et l'arrivée de nouveaux maîtres, les motiva­ une médaille d'or 'pour avoir donné l'exem­ tions avaient changé. Les questions agricoles ple de l'abolition des jachères et de l'intro­ ne figurèrent pas au premier plan des préoc­ duction de la culture flamande'. cupations hollandaises et des secteurs de Le Blocus continental (1806-1813) qui ré­ notre agriculture s'en ressentirent. La culture sultait de la volonté de Napoléon de couper de la betterave à sucre fut négligée car les l'Angleterre du reste de l'Europe et de lui plantations des Indes orientales fournissaient enlever un débouché essentiel pour ses pro­ abondamment le royaume des Pays-Bas en duits industriels et coloniaux, obligea à sucre de canne; l'industrie sucrière qui avait diversifier davantage encore les productions enregistré un coup de fouet en 1812 péri­ agricoles; c'était le prix de l'autarcie. clita et les fabriques de sucre de betterave qui Il fallait se libérer des importations de sucre avaient notamment été érigées à Liège et à de canne? La culture de la betterave sucrière Charleroi à la fin de l'empire durent fermer dont on venait de reconnaître les qualités fut leurs portes. imposée dans l'Empire par décret du 25 mars Conséquence de la rivalité franco-hollan­ 1811; en 1812, on en cultivait environ 1000 daise, Guillaume 1er voulut s'affranchir en hectares dans nos départements. Le café, dont 1823 des importations de vins français. Du les milieux populaires de chez nous faisaient coup, des vignobles apparurent dans les en­ grand cas depuis quelques décennies, attei­ virons de Wavre et à Rochefort alors qu'ils gnait-il des prix exorbitants? On généralisa avaient été concentrés jusque-là sur les dans l'Empire la culture de la chicorée intro­ coteaux mosans (Huy, Tilleur, Sclessin), mais duite en Hainaut vers 1776 par des médecins ces tentatives ne connurent guère de succès,

321 pas plus d'ailleurs que les essais en vue de cul­ prédisposait-il la Wallonie à un démarrage tiver des mûriers et d'élever du ver à soie, en industriel précoce? particulier ceux du chevalier de Beramendi Les avis concordaient. Considérée globale­ à Meslin-l'Evêque. Pour l'essentiel, notre ment, la production céréalière des Pays-Bas agriculture vécut sur son acquis. autrichiens dépassait les besoins de la con­ sommation (pain, bière, genièvre, semences) Au total, le bilan des quatre-vingt-dix années dans les dernières décennies de l'Ancien qui se sont écoulées depuis la cherté de 1740- Régime; vers 1770, on estimait déjà que 41 est réjouissant. En dépit de la montée 7 % de la récolte pouvaient être réservés à considérable du nombre des hommes, la cour­ l'exportation. Si l'on envisage séparément nos be du prix des grains fut moins tourmentée. régions, les conclusions doivent être plus Certes on peut déceler de temps à autre des nuancées. Les contrées situées au nord du poussées de fièvre - 1770-74, 1789-90, 1794- sillon Sambre-et-Meuse avaient une pro­ 96, 1801, 1804-05, 1812, 1817- mais dans duction largement excédentaire bien qu'elles leur ensemble, elles furent moins des crises fussent les plus peuplées et malgré l'ab­ de sous-production que la résultante d' 'un sorption massive de grains par les brasseries complexe de phénomènes d'ordre naturel, et les genièvreries. Cela se confirmait dans le économique, politique, fiscal et surtout psy­ département de Jemappes en 1804: la pro­ chologique'. Sauf en 1794-96 on fut loin des duction excédait les besoins alors d'un cin­ contractions violentes des siècles antérieurs. quième, soit 350 000 hectolitres. Si la Hes­ La pomme de terre accomplissait en outre baye liégeoise ne consommait que les deux son œuvre bienfaitrice et ces crises céréalières tiers de sa production, il semble en revanche furent nettement moins dramatiques pour la qu'on enregistrait des déficits dans maints population. Il y eut bien sûr l'exception à la endroits de la principauté; peut-être exis­ règle, la période 1794-96 qui rappela les tait-il cependant, pour l'ensemble du terri­ années les plus sombres du XVIIe siècle. toire, un relatif équilibre entre l'offre et la Alors que la moisson avait été bonne, tout se demande. Dans le sud du comté de Namur, ligua pour faire des années 1794-96 les plus longtemps la production n'a pu suffire à chères du siècle. Aux opérations militaires l'alimentation de tous les habitants; c'était des années 1792, 1793 et 1794 succédèrent certainement le cas du duché de Luxembourg les réquisitions forcenées imposées par les vers 1760 mais cela paraît avoir déjà été Français à la suite de la deuxième conquête : beaucoup moins vrai un quart de siècle plus grains, bétail, chariots, chevaux dont l'éle­ tard si l'on en croit l'auteur du mémoire de vage était considérable dans l'est des Pays­ 1786, pourtant dépourvu d'optimisme, au­ Bas. Ces exactions compromirent la récolte quel référence a déjà été faite. Ensuite il con­ suivante. Habités par la crainte d'être pillés, vient de ne pas ignorer que le problème de la les paysans désertèrent les marchés et ven­ faim pouvait trouver sa solution avec les dirent leurs grains clandestinement contre du aliments de substitution - au premier chef numéraire, préféré aux assignats qui ne ces­ la pomme de terre - qui s'étaient imposés saient de se déprécier: en été 1795, ils avaient sur toutes les tables. quinze fois moins de valeur que l'année pré­ Il appert que, si l'agriculture de nos contrées cédente à la même époque. Si l'on ajoute à n'a pas accompli de miracles dans la seconde ces événements le froid exceptionnel qui sévit moitié du XVIIIe siècle, sa capacité produc­ au début de 1795, on s'expliquera comment, tive a néanmoins sérieusement crû; et selon en deux ans, le prix des grains avait presque toute vraisemblance, le gain de productivité triplé! fut plus faible dans les régions qui jouissaient Mais j'en reviens à la question initiale: l'état au départ d'une situation meilleure. En dépit de son agriculture à la fin du XVIIIe siècle de sa relative bonne santé, l'agriculture

322 'wallonne' ne peut certainement pas justifier public faisait défaut, furent attentifs à ce à elle seule le caractère précoce de la révolu­ facteur déterminant du développement éco­ tion industrielle dans nos régions, mais il est nomique, que l'industrie wallonne put s'en­ aussi une certitude: elle n'a pu constituer un voler vers des sommets car seules de bonnes obstacle à l'épanouissement de l'industriali­ routes, des rivières navigables et des canaux sation dans l'espace wallon. ne ravalent pas les régions industrielles au De toute façon, nos régions n'avaient rien rang des ghettos étouffés par leurs produc­ d'un îlot perdu, éloigné de tout. A défaut tions. d'avoir été un pays de cocagne, nos contrées Au XVIIIe siècle, ce fut surtout aux règnes riches en minerais et en ressources énergé­ de Marie-Thérèse et de Joseph II que revint tiques, bénéficiaient d'avantages considé­ le mérite de la réalisation de chaussées (che­ rables: ceux de vivre au voisinage d'une mins pavés) ou de levées (chemins empierrés). Flandre qui regorgeait de grains et d'avoir Avant 1740, quelques rares chaussées rayon­ la possibilité de drainer à elles, si le besoin naient à partir de Bruxelles en direction de s'en faisait sentir, les blés du Nord. Or juste­ , de Charleroi, de Namur par Genap­ ment, vers 1770, dans les Pays-Bas autri­ pes, et de Liège. Si on leur ajoute la 'trans­ chiens, les barrières douanières qui morce­ versale' --Mons- et le tron­ laient le territoire en vingt et un départements çon Arlon-Luxembourg, on aura dressé un douaniers se firent nettement moins étanches. bilan presque exhaustif du réseau routier Le gouvernement de Bruxelles renonça à un wallon alors que s'éteignait l'empereur Char­ protectionnisme rigide; il édicta moins de les VI. Bref, l'espace situé au sud de la Haine, mesures de caractère général et tint davan­ de la Sambre et de la Meuse était totalement tage compte des particularités locales. La dépourvu de chemins acceptables. législation annonaire fut beaucoup plus Mais les nécessités de l'économie incitèrent souple et la circulation des grains s'en trouva les pouvoirs publics à étoffer le réseau. Ce facilitée, tant entre régions flamandes et fut particulièrement vrai dans le comté de wallonnes, qu'au sein de ces dernières qui Hainaut. Ainsi il est évident que le but d'ailleurs vécurent de plus en plus en véri­ premier des routes construites par les Etats table osmose avec la principauté de Liège. de la province (Mons-Valenciennes, Saint­ Le volume de la production put donc se Ghislain-Barry, Le Rœulx-) fut le répartir beaucoup plus harmonieusement et commerce du charbon. Ces chaussées consti­ équitablement sur l'espace wallon. Le marché tuèrent autant de véritables troncs de vie fut d'autant mieux régularisé qu'un effort sur lesquels vinrent se greffer des embranche­ considérable fut consenti au profit des voies ments établis soit par des villages, soit par des de communication. Il aurait également des sociétés charbonnières comme à Baisieux, répercussions directes sur l'industrie. , Elouges, par exemple. Dans le pays de Charleroi, ce fut pour des motivations iden­ tiques que des bras de chaussée se soudèrent au pavé Charleroi-Bruxelles à Lodelinsart et DES POLES DE CROISSANCE BIEN à Jumet à l'initiative de patrons charbon­ IRRIGUÉS niers particulièrement ambitieux, respective­ ment Jean-Jacques Desandrouin et les frères Il n'est point de prospérité industrielle sans Puissant. Le même incitant-trouver des dé­ une infrastructure routière et navigable bouchés aux charbonnages liégeois-eut des convenable. Et ce fut sans aucun doute répercussions similaires dans les environs parce que tantôt les gouvernements provin­ de la capitale de la principauté. ciaux, tantôt les villes et même les villages, A la fin de l'Ancien Régime, force est de tantôt l'initiative privée quand le secteur constater qu'en plus de la ville de Namur qui

323 Vers BARY et TOURNAI

Vers \ LES EMBRANCHEMENTS D'UNE CHAUSSÉE • MAUBEUGE DES CHARBONNAGES À LA FIN DU XVIIIe Vers Frameries SIÈCLE (Carte dressée d'après celle parue dans Léopold VALENCIENNES Génicot, 'Histoire des routes belges depuis 1704', Collec­ ~évrain \ tion Nationale, Be série, n° 89, Bruxelles, 1948, p. 30) . Baisie!'x Elouges ROUTES DE LA PARTIE ORIENTALE DE LA ( PRINCIPAUTÉ DE LIÈGE AU XVIIIe SIÈCLE. (Carte dressée d'après celle parue dans E. Fairon, 'La chaussée de Liège à Aix-la Chapelle', Bulletin de la société verviétoise d'archéologie et d'histoire, 1912, tome XII) .

Principauté

de

Liège

Stavelot

Luxembourg St-Vi. ' 324 LES CHAUSSÉES DU PAYS DE CHARLE­ ROI AU XVIIIe SIÈ­ CLE (Carte dressée d'après celle publiée par Hervé Hasquin, dans 'Une mutation: le Pays de Charleroi aux XVIIe et XVIJie siècles. Aux origines de la révolution industrielle en Bel­ gique', Bruxelles 1971).

Limites des principautés Namur Liège Brabant Chaussées [[[Ill] C=:J ~ Hainaut ~

MÉDAILLE PAR BRENET ET ANDRIEU FRAPPÉE À L'OCCASION DU CREUSEMENT DU CANAL DE MONS À CONDÉ, 1813 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Cabinet des Médailles).

n'avait pas trop à se plaindre, trois régions Pays-Bas que la principauté de Liège coupait étaient abondamment nervurées par des en deux; cette présence justifia d'ailleurs son chemins modernes, outre qu'elles étaient à étrange tracé. Il fallut, en effet, recourir à de proximité de cours d'eau navigables : le savants détours : cette chaussée passait par Borinage, le pays de Charleroi et la région Bouvignes, Onhaye et Hastière en vue d'évi­ Liège-Verviers, c'est-à-dire, les trois piliers le territoire liégeois. L'Entre-Sambre-et­ qui assureraient dans les décennies à venir Meuse fut un peu mieux loti. Ainsi la route la suprématie industrielle de la Wallonie sur venant de Liège et qui avait été arrêtée dans bien d'autres contrées du continent euro­ la première moitié du siècle à Fraineux, fut péen. Indiscutablement, si le développement continuée jusqu'à Terwagne, puis après une du réseau routier fut au départ le fruit d'un interruption de près de trente ans, vers 1780, regain d'activité économique, il va bien jusqu'à Ciney, Dinant et Givet; cette levée vite à son tour amplifier celle-ci et devenir ne fut partiellement poursuivie qu'à partir lui-même une cause d'essor. d'Olloy vers Couvin et Rocroi. Quant au Une grande province resta toutefois dés­ cours de la Meuse entre Namur et Liège, il héritée et vécut un peu en recluse : le Luxem­ ne fut jamais doublé au XVIIIe siècle par bourg; la chaussée Namur-Luxembourg ou­ une voie carrossable sur la totalité de son verte au trafic seulement en 1772 fut la seule parcours: le pavé Liège-Huy resta inachevé route qui relia cette région au reste des tandis que la chaussée en provenance de

325 Namur dépassait à peine Andenne. oubliée. Le rétablissement des péages avait Bien que resultant d'efforts souvent peu conféré à nouveau une plus grande liberté concertés, notre réseau routier offrait néan­ d'action aux provinces et aux municipalités moins l'aspect d'un ensemble relativement et le volume du kilométrage de chaussées s'en cohérent à la fin du siècle. Les dernières ressentit favorablement, d'autant plus que décennies du régime autrichien avaient mar­ l'Etat se chargea des grandes routes et de qué un extraordinaire progrès par rapport leurs embranchements. Les initiatives s'orien­ aux siècles antérieurs, niais il subsistait bien tèrent dans deux sens. Tout d'abord, on des lacunes dont bon nombre seraient surtout s'astreignit à corriger ce que pouvaient avoir comblées sous le régime hollandais. d'aberrants certains tracés conçus sous l'An­ En effet, faute de moyens financiers, les pou­ cien Régime en vue de contourner telle ou telle voirs publics construisirent très peu de routes domination; ainsi la rectification intervenue pendant le régime français et se contentèrent sur la chaussée Namur-Luxembourg permit de remettre en état les chaussées héritées de un raccourcissement de 13 à 14 kilomètres. l'Ancien Régime. Privés à partir de 1796 de la Ensuite les intérêts régionaux furent davantage possibilité de prélever des péages -les droits pris en considération; des transversales re­ de barrière-, faveur dont avaient bénéficié liant les principaux axes et par la même les magistrats urbains et les Etats provinciaux occasion des villes de second plan, furent en vue de rembourser les emprunts contrac­ établies notamment en Brabant wallon, en tés et d'assurer l'entretien des routes dont ils pays liégeois et dans l'Entre-Sambre-et­ étaient concessionnaires, les départements Meuse (Beaumont-Philippeville-Dinant). et les communes firent preuve de peu d'en­ L'action fut tout aussi efficace en matière de thousiasme pour les travaux publics alors que navigation : ouverture en 1827 du canal leurs prédécesseurs avaient assuré l'édifica­ Pomerœul- qui, se greffant sur celui tion de 91 % des chaussées autrichiennes. de Mons-Condé, permettait aux bateaux de Les réalisations furent donc plutôt minces charbon hennuyer destiné à la Flandre et à dans les départements wallons, mis à part la Hollande de ne plus transiter par le terri­ deux ou trois bouts de chaussée, Binche­ toire français; canalisation de la Sambre Charleroi, Malmédy-Amée et la prolonga­ (1825-1829); commencement de la jonction tion jusqu'à Martelange de la route Arlon­ Meuse-Moselle par l' et la Sûre et en­ Attert. A la fin du régime napoléonien le fin début des travaux en 1826 pour le canal Luxembourg était toujours aussi dépourvu Charleroi-Bruxelles. de bonnes routes qu'en 1794. Cette carence De 1748 à 1830, le réseau routier belge.s'était jointe aux mutations intervenues en sidérur­ gonflé de 2995,7 km de chaussées, soit 1729,7 gie grâce au charbon précipita le déclin km sous le régime autrichien, 221 km dans la industriel de l'Ardenne. principauté de Liège, 231,5 km lors de la En revanche, dans la mesure où cela contri­ réunion à la France et 813,5 km pendant le buait à faciliter l'approvisionnement des dé­ régime hollandais. A la veille de l'Indépen­ partements français en combustible, le gou­ dance, le pays disposait de 3886 km de bon­ vernement impérial fut davantage entre­ nes routes. Bien que le sort de la Campine prenant. On lui est redevable du creusement n'eût rien d'enviable, le réseau était déjà du canal Mons-Condé, latéral à l'Haine. inégalement réparti entre la Flandre et la Comp1encé en 1807, ce canal fut achevé et Wallonie; la densité des voies carrossables inauguré en novembre 1814, peu après le était, en effet, moindre dans cette dernière départ des troupes françaises. région. Néanmoins, avant que ne s'épanouis­ Proportionnellement, ce fut pendant l'an­ se la dernière phase de la Révolution in­ nexion à la Hollande que l'on construisit le dustrielle - celle du coke, des voies ferrées plus, et cette fois, l'Ardenne ne fut pas et de l'acier -, un nombre appréciable de

326 routes de qualité sillonnaient non seulement A moins que l'engin fonctionnât mal, ce qui les terrains houillers, siège bientôt exclusif arrivait parfois en ces temps héroïques du de la sidérurgie, qui s'étiraient du Borinage début du machinisme, l'établissement d'une à Liège, mais aussi le bassin verviétois, re­ machine à feu impliquait tout à la fois une fuge de la grande industrie textile. économie de main-d'œuvre et de chevaux et un accroissement des capacités productives. Peu nombreuses encore vers 1740 - tout au plus y en avait-il trois ou quatre pour l'en­ PERFECTIONNEMENTS TECHNIQUES semble du bassin houiller alors qu'on en ET MACHINISME dénombrait déjà quatre dans les seules mines de plomb à Vedrin-, les machines à feu se Disposant d'une main-d'œuvre qualifiée et multiplièrent par la suite jusqu'à la fin de forte d'une tradition industrielle qui en faisait l'Ancien Régime en région liégeoise et caro­ déjà au XVIe siècle, grâce à la sidérurgie et lorégienne, et surtout dans le Borinage. Cette au charbon, l'une des régions clés du conti­ contrée apparaîtrait d'autant plus comme nent, la Wallonie était préparée au même une terre d'élection de la machine à feu que titre que l'Angleterre à accueillir la révolu­ la description, fortuite, dans l'Encyclopédie tion industrielle. de Diderot et d'Alembert (t.VI, 1756) de la Le progrès technique fut fait tantôt d'une machine installée par la société du Bois-de­ série d'aménagements parfois à peine per­ , près de Dour, allait donner à celle-ci ceptibles, tantôt d'invention et d'adoption un lustre extraordinaire qui rejaillirait sur de machines nouvelles qui transformèrent tout le Couchant de Mons; cette réputation très profondément l'industrie. de la pompe à feu du Bois-de-Boussu était pourtant injustifiée car celle-ci n'était pas La pompe à feu de l'Anglais Newcomen (1706) une réalisation exceptionnelle pour le temps. est au nombre de ces découvertes décisives, Vers 1800, l'exhaure occupait dans les char­ génératrices de progrès économique: l'eau bonnages wallons une quarantaine de machi­ et le vent avait cessé d'être les seules forces nes à feu et à vapeur dont plus de la moitié motrices. Elle fut aussi la première à recevoir dans le Borinage. En 1810, 46 pompes at­ une véritable application industrielle; ce fut mosphériques et à vapeur épuisaient les l'industrie houillère qui en bénéficia, ainsi nappes aquifères des houillères du départe­ que les industries d'extraction. Alimentée au ment de Jemappes, mais seulement dix charbon de terre, desservie seulement par étaient en activité au pays de Liège. deux ou trois hommes, la machine à feu, qui Entre-temps, Watt améliora sa machine à perfectionnée plus tard par Watt deviendrait vapeur qui trouva de nouvelles applications la machine à vapeur classique, allait, en effet, dans les houillères en particulier : l'extraction jouer un rôle capital dans les mines. Beau­ du charbon. Grâce aux machines à rotation, coup plus puissante que les pompes 'à bras' la capacité d'extraction des puits fut consi­ ou actionnées par des chevaux, elle facilitait dérablement accrue et à moindres frais. Une grandement le démergement des fosses et la première machine à rotation fut introduite conséquence en était des plus importantes : en 1803 par la société du Rieu du Cœur à ainsi les sociétés carolorégiennes pouvaient Quaregnon; la société Bonnefin à Liège en poursuivre leurs travaux plus profondément, mit une en activité en 1813. A la fin du régime à des niveaux deux à trois fois supérieurs à hollandais, le nombre de machines à rotation ceux que l'outillage et les techniques tradi­ était impressionnant: en 1828, 65 machines tionnelles permettaient d'atteindre, soit au de ce type fonctionnaient dans le seul premier moins deux cents mètres contre une moyenne district des mines qui comprenait le Borinage de soixante-quinze mètres, précédemment. et une partie du bassin du Centre; le gain de

327 productivité y fut énorme: 'en 1820, l'ex­ A partir de 1816, la vapeur remplaça les traction de 1000 quintaux métriques exigeait coups d'eau comme force motrice dans les pendant 24 heures le travail de 92 hommes et filatures de laine des principaux fabricants de 19 chevaux, tandis qu'en 1828, la même verviétois. En quelques années, la progres­ quantité de houille n'a exigé dans un même sion fut des plus spectaculaires, surtout entre temps que le travail de 40 hommes et de 3 1825 et 1829: en 1823, elles étaient au nombre chevaux'! de 10 à Verviers et de 19 pour tout l'arron­ Enfin, en 1829, la vapeur servit à l'aérage des dissement; en 1829, ces chiffres étaient res­ mines : la première 'machine pneumatique' pectivement devenus 22 et 47! fut placée sur une fosse à Wasmes. Après 1800, les machines à vapeur ne furent Les mécaniques. Arrivé en octobre 1799 à plus seulement utilisées dans les mines de Verviers au terme de pérégrinations qui houille et de plomb. En 1812, on comptait l'avaient conduit en Russie, en Suède et en treize de ces engins dans les carrières du dé­ Allemagne, l'Anglais William Cockerill se partement de Jemappes. Plus tard, on en mit lia par contrat aux manufacturiers Simonis en service pour l'exploitation des mines de et Biolley pour la fourniture d'assortiments fer. Maître des forges de Pernelle à Couvin, cardage-filature dernier cri. S'engageant à Hannonet-Gendarme monta des machines à livrer à la firme verviétoise l'exclusivité de sa vapeur sur ses minières de Couvin et de production, ce technicien se mit immédiate­ Jamioulx; le baron de Cartier fit de même à ment au travail avec deux de ses fils; à partir Morialmé. Mais la grande innovation fut de 1800, il livra ses premières machines à leur intervention dans les entreprises mé­ carder et à filer: le temps du rouet avait vécu, tallurgiques et textiles. c'était le début de la mécanisation de l'in­ La machine à vapeur permettait d'action­ dustrie lainière. Les machines de Cockerill ner les souffleries et les marteaux. La Fonde­ connurent un succès foudroyant. En 1803, rie impériale de canons créée à Liège (1802) et son fils William et son gendre James Hodson destinée à approvisionner la Marine au mo­ se lancèrent à leur tour dans la construction ment où Napoléon transformait Anvers en de mécaniques, ce qui permit de tourner le grande place d'armes, fut la première usine contrat d'exclusivité et de vendre des machi­ métallurgique belge équipée de machines à nes aux concurrents de Simonis et de Biolley. vapeur: c'était en 1804: les quatre machines Bientôt, tandis que la famille Cockerill se avaient été coulées dans les célèbres ateliers retirait à Liège, Hodson devint le fournisseur de Chaillot, propriété des frères Périer. Il des principaux fabricants de draps à Ver­ fallut attendre une quinzaine d'années avant viers, Hodimont, Ensival et Dison, bien que des industriels entreprenants n'emboî• qu'entre-temps d'autres fabricants de mé­ tassent le pas, mais alors les évènements se caniques soient apparus sur le marché. précipitèrent. Recoururent successivement à La décennie 1800-1810 fut marquée par la vapeur François-Isidore Dupont (1780- d'autres changements notoires dans les tra­ 1838) pour son usine à fer de Fayt (1820-21), vaux d'apprêts. Le lainage, qui après le fou­ Paul Huart-Chape! pour ses établissements lage, dotait le drap d'un duvet- des ouvriers des Hauchis à Marcinelle (1822) et John laineurs frottaient les draps avec des brosses Cockerill à Seraing (1825-1826); ce dernier garnies de chardons -, et le tondage de ce ne lésina pas et mit en service une machine duvet à l'aide de grands ciseaux (forces) aux hauts fourneaux, une deuxième aux la­ étaient restés des opérations exclusivement minoirs et deux autres enfin pour les mar­ manuelles - mais en 1806, la machine à teaux. Ces pionniers firent rapidement école lainer du Verviétois F. Faux - invention parmi les sidérurgistes liégeois et carolo­ qu'on lui disputa au profit de l'Anglais Dou­ régiens. glas établi à Paris - se répandit rapidement.

328 Presque au même moment, des ouvriers ré­ (fonderies, platineries) et dans la clouterie; gionaux mirent au point des ciseaux mécani­ depuis la fin du XVIIe siècle, bon nom­ sés qui effectuaient le travail de plusieurs bre de nos sidérurgistes alimentaient au tondeurs et dont l'usage se généralisa à partir charbon de terre les feux de chaufferie où de 1807. En 1821, de véritables machines à l'on réchauffait pour forgeage les loupes tondre firent leur apparition dans cette in­ recueillies après l'affinage. Mais vers le dustrie textile où le remplacement du bois par milieu du XVIIIe siècle, les opérations de le fer dans les machines et l'adoption de la fabrication du fer - réduction du minerai et machine à vapeur quelques années auparavant affinage de la fonte - requéraient toujours avaient encore précipité la métamorphose. dans nos régions l'usage exclusif du charbon Si Verviers avait été le premier centre belge de bois. Il fallait éviter, en effet, que le minerai de mécanisation de l'industrie lainière, Gand n'entrât en contact avec la houille car celle-ci avait pu revendiquer cet honneur dans l'in­ communiquait lors de sa combustion ses dustrie cotonnière : en 1798, Liévin Bauwens éléments impurs - le soufre - au métal et y avait établi une filature moderne. L'hom­ l'altérait; il en résultait une fonte impure me d'affaires gantois était, en effet, parvenu à et cassante. Grâce à Abraham Darby (1709), faire sortir d'Angleterre des exemplaires de les Anglais étaient parvenus à désulfurer le la mule-jenny inventée par Crampton (1775). charbon de terre et à faire fonctionner les Cette machine à cylindres cannelés et à hauts fourneaux au coke, mais ils furent chariot mobile était pourvue de plusieurs longtemps les seuls. centaines de broches; comme un seul homme Dans nos contrées, comme partout en Euro­ pouvait en diriger deux, un ouvrier était donc pe occidentale, le bois renchérit; les prix à même de remplir les tâches dévolues jusque­ augmentèrent à une allure de plus en plus là à plusieurs centaines de fileurs et de fi­ rapide, même dans nos provinces où pour­ leuses! tant la houille intervenait pour une part con­ Des filatures de coton avaient certes vu le sidérable à des fins domestiques. Grands jour en Wallonie au XVIIIe siècle, notam­ consommateurs, les hauts fourneaux rava­ ment sous l'impulsion de Philippe-Joseph geaient les forêts et il fallait aller chercher à Vernier à Tournai en 1782 et de Guillaume des distances de plus en plus longues un Chapel, associé à l'Anglais John Walker à bois qui de toute façon se raréfiait. Ainsi au Charleroi en 1790, mais elles étaient moins fourneau de Montauban (hameau de Buze­ perfectionnées, et de toute façon, ces essais nol), propriété de la famille de Goër de Her­ avaient assez rapidement échoué. Bref, ce ne ve, le combustible constituait plus de 50% fut qu'après 1800 que la mule -jenny fut intro­ du prix de revient de la fonte, et son prix duite dans les provinces wallonnes. Dès haussa de 36% entre 1766 et 1780. La crise 1803, on recensait deux filatures équipées de de l'énergie qui menaçait, se répercutait donc mules dans les départements de l'Ourthe sur les prix du combustible et on comprend (Liège-Malmédy) et de Sambre-et-Meuse; en dès lors que nos sidérurgistes aient tenté de 1808, on dénombrait dans le département de substituer au plus tôt la houille au bois, Jemappes quinze établissements qui témoi­ même si la situation ne fut jamais aussi gnaient ainsi de la vitalité, hélas très éphé­ dramatique qu'en France où les déboise­ mère dans nos provinces, de ce secteur indus­ ments étaient très préoccupants. En tenant triel. compte de la rotation des coupes - tous les vingt ans - et dans la mesure où il fallait un hectare de bois pour quatre tonnes de Le coke. Depuis des dizaines d'années fonte, un seul fourneau devait disposer d'une déjà, la houille était couramment utilisée forêt de 3.500 hectares à raison d'une pro­ dans les usines de transformation du fer duction annuelle moyenne de 700 tonnes.

329 L'Ardenne était d'ailleurs nettement moins de fabrication du fer. boisée à la fin de l'Ancien Régime qu'elle ne Peu après 1790- on s'était déjà engagé dans l'est aujourd'hui. cette voie en Angleterre vers 1761 - on En 1768, au retour d'un voyage aux con­ augmenta la puissance des souffleries en fins du Palatinat et de la Franconie où il remplaçant les soufflets en cuir ou en bois avait été envoyé par le prince évêque Charles par des soufflets à pistons construits en fonte. d'Oultremont afin de s'informer des tech­ L'industriel français Nicolas Rambourg, lo­ niques de fabrication du coke utilisées par cataire des usines Saint-Roch à Couvin de­ l'industriel Roederer pour les besoins de son puis 1783, et Paul de Maibe, propriétaire des fourneau de Sulzbach, le médecin Jean­ fourneaux de Falemprise à Silenrieux, furent Philippe de Limbourg, maître de forges à les promoteurs de ces réformes, adoptées Theux, fut le premier à tenter d'implanter par beaucoup industriels avant 1800. On put ces nouveaux modes de traitements du mi­ donc construire des hauts fourneaux plus nerai de fer dans nos régions. Dès l'année imposants. suivante, il fut imité par deux autres maîtres Après cette longue maturation qui avait de forges liégeois; Antoine Nicolas Posson débuté en 1768, on réalisa enfin la première (1719-1777) propriétaire des fourneaux des coulée de fonte au coke - en 1822-23, Vennes à Liège et Michel Le Rond, proprié­ l'Anglais David Mushett édifia à Seraing taire du fourneau de Grivegnée. En dépit de pour les frères Cockerill, John et Charles­ leurs efforts, ces sidérurgistes ne parvinrent James, un haut fourneau au coke. Quant au pas à surmonter tous les obstacles et la fonte haut fourneau érigé par Huart-Chapel aux produite demeura peu malléable. Jean-Marie Hauchis entre 1824 et 1826, il devint opéra­ Stanislas Desandrouin, propriétaire de char­ tionnel en 1827. Dès lors les hauts fourneaux bonnages à Lodelinsart et dans le nord de la au coke allaient surgir un peu partout en France, ainsi que de fourneaux, forges et Hainaut : la société de Hourpes () fonderies à Couvin, Walcourt et Charleroi alluma le sien en 1828 ; la société constituée n'eut guère plus de succès, semble-t-il. Il par Fontaine-Spitaels en mit deux en acti­ paraît néanmoins certain que Desandrouin vité à Couillet, respectivement en 1829 et en et d'autres maîtres de forges commencèrent 1830; à cette date, quatre ou cinq autres à utiliser un mélange de houille et de charbon étaient prêts à être mis à feu dans la province. de bois, remplacé vers 1780 par un mélange de charbon de bois et de charbon épuré dont Le puddlage. La fonte au coke avait été la fabrication avait atteint le stade industriel. précédée de quelques mois en Wallonie par Les techniques d'épurement s'étaient, en l'adoption du puddlage, inventé par l'Anglais effet, considérablement améliorées. Un cer­ Cort en 1784. Le problème de la conversion tain Burat, de nationalité française, in­ de la fonte en fer malléable par la houille stallé à Châtelet, petite ville de la princi­ avait donc été résolu alors que précédem­ pauté, à une lieue de Charleroi, en fit com­ ment le soufre s'introduisait dans le fer au merce à partir de 1782. L'un de ses clients cours de l'affinage et y engendrait un défaut n'était autre que le propriétaire des hauts -le défaut rouverin- qui l'amputait d'une fourneaux des Vennes et de Grivegnée, ra­ grande partie de sa force de résistance. Le cheté à Le Rond, Pierre Lambert Posson procédé de décarburation mis au point par (1755-1800). A la même époque, des char­ Cort consistait en ceci: l'oxydation de la bonnages borains pratiquaient la cokéfac­ fonte liquide était obtenue par brassage avec tion. En tout cas, sous le régime français, des scories ferrugineuses (puddlage) dans des l'utilisation croissante de la houille est at­ fours à réverbère. testée même si le charbon de bois resta le Ce système fut introduit dans nos régions en combustible par excellence dans le processus 1822 presque simultanément par Joseph-

330 JEAN-PHILIPPE DE LIM­ BOURG. 1726-1811. {Portrait publié dans 'La Vie wallonne', 6e année, n° 7, Liège, 15 mars 1926, p. 297).

HAUT FOURNEAU ET FORGE À 'MAKA' DE L'AB­ BAYE DE MOULINS (WAR­ NANT) SUR LA ROUTE DE NAMUR À BOUVIGNES. Dessin de Vitzthumb. 1790 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Cabinet des Estam­ pes). NICOLAS SPIRLET, DER­ NIER ABBÉ DE SAINT-HU­ BERT. 1714-1794. Portrait at­ tribué à Renrard, de Dinant. XVIIIe siècle (Wibrin, Presby­ tère. Photo A.C.L.).

331 Michel Orban (1752-1833) et son fils Henri premier laminoir de ce type (1812) à Gau­ Joseph (1 779-1846) fondateurs de l'usine de thier-Puissant, maire-adjoint de Charleroi. Grivegnée (1821), par Cockerill à Seraing, Hannonet-Gendarme à Couvin et Huart­ Des techniciens qualifiés. Toutes les grandes Chape! à Couillet. La réussite de ce dernier inventions vinrent d'Angleterre et le rôle des couronnait trente ans d'efforts dans la fa­ techniciens venus des îles fut immense en mille : en 1792, son beau-père Daniel­ Wallonie, comme partout ailleurs en Europe François Chape! avait déjà établi un four à occidentale : Georges Sanders monta des réverbère à Charleroi. machines à feu à Vedrin et dans la région de En fait les premiers fours à réverbère, ali­ Charleroi; l'impact des Cockerill et de mentés à la houille avaient été utilisés dans Mushett avait déjà été mis en lumière dans nos contrées peu après le milieu du XVIIIe la métallurgie liégeoise; dans le textile ver­ siècle; le combustible et le métal n'étaient viétois, c'est encore les Cockerill que l'on pas en contact car la chaleur était réverbérée rencontre de même qu'un autre membre de sur le métal par la voûte du four. Ces fours la famille James Hodson; Thomas Bonnehil offraient donc l'immense avantage d'écono­ arriva au pays de Charleroi en 1824 et dirigea miser le charbon de bois; jusqu'à la décou­ la construction d'usines à fer et de laminoirs; verte du puddlage, ils servirent essentielle­ à Andenne, Yates monta en 1829 une fabri­ ment à la fonte des fers usagés et à la refusion que d'impressions de toiles; on pourrait de la fonte. Progressivement les industriels encore en citer d'autres. en renom les utilisèrent, tels les frères Posson Moins inventifs certes que ces ressortissants à Liège, tel Desandrouin à Couvin pour anglais, nos mécaniciens n'en étaient pas couler des canons, ou encore l'abbé de moins aptes à assimiler parfaitement les Saint-Hubert, Nicolas Spirlet maître du, leçons. La destinée de quelques 'machinistes' fourneau Saint-Michel, érigé Ën 1771, pour qui avaient travaillé sous les ordres de San­ 'fondre les cloches'. ders à Vedrin est particulièrement révélatrice. Le Liégeois Lambert Rorive (1720-1791) Le laminage. Bientôt imités par leurs prin­ monta et dirigea à son tour des pompes à cipaux rivaux, les Orban construisirent éga­ feu, dont celle du Bois-de-Boussu; il s'in­ lement en 1822 le premier laminoir, dont la stalla au Borinage et la famille, en trois fenderie était l'ancêtre, pour l'étirage des générations, donna à la région vingt 'ma­ fers en barres immédiatement après l'affina­ chinistes'! Originaires de la région de Na­ ge; cela avait d'ailleurs constitué l'un des mur, les frères Dorzée accomplirent égale­ aspects les plus novateurs de la découverte de ment de brillantes carrières de machinistes Cort en 1784 : il était possible de produire en Hainaut; à la fin du siècle, certains de plus et beaucoup plus vite et la fastidieuse leurs descendants furent fréquemment appe­ opération du martelage était abrégée. lés à titre d'experts par les administrateurs Quant au laminoir à tôles, il était plus an­ de la compagnie des mines d'Aniche dans cien. Selon toute vraisemblance, il fit son le nord de la France. apparition en 1793 dans la vallée de la Pour s'adapter aux besoins du marché, nos Hoegne à Chaudfontaine. Dès lors, on industriels continuèrent à affiner leurs tech­ assista à sa prolifération en pays liégeois et niques sidérurgiques. Un cylindre de 'fer nombreux furent les maîtres de forges qui coulé' d'environ 3 mètres de haut sur un peu convertirent leurs fenderies en laminoirs à plus de 80 centimètres de diamètre consti­ tôles sous le régime français; il en fut ainsi tuait la pièce essentielle de la machine à feu. dans la vallée de l'Ourthe à Sauheid (an Il importait que ce cylindre, soumis à de XIII), à Tilff (1802) et à Colonster sous brusques changements de température, fût l'Empire. Le Hainaut fut redevable de son d'une qualité exceptionnelle. Longtemps la

332 CHARBONNAGE DESANDROUIN, À LODELIN­ SART, À LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE. Toile de P. Blocq, datée de 1786, qui a appartenu à M .L. Bastin de Lodelinsart. Document publié dans 'L'Association char­ bonnière et l'industrie houillère des bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre'. Couillet, 1931, p . 295. (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Imprimés).

JEAN-MARIE STANISLAS DESANDROUIN. 1738- 1821. Portrait publié dans G. Dansaert, 'Faire son chemin, .. .', op. cit..

PIERRE MATHIEU. 1704-1778. Portrait publié dans 'L'Association charbonnière .. .', op. cit., p. 297.

333 sidérurgie anglaise fut seule en mesure d'en ment dépassé nos frontières. En 1757, le fournir à nos sociétés charbonnières. Mais marquis de Solages embaucha dans le Na­ progressivement postérieurement à 1760, murois des mécaniciens pour conduire les plusieurs maîtres de forges- Antoine Nico­ machines hydrauliques qu'il avait fait con­ las Posson à Liège, la demoiselle Renson à struire en Languedoc sur ses mines de Car­ Wépion, J.M. Stanislas Desandrouin à Cou­ maux (Tarn). En 1762, à la demande de vin, le propriétaire du fourneau du Ferot Vienne, le machiniste Pierre-François Mi­ et un industriel du pays de - furent sonne, de Lodelinsart encore, s'en fut en capables d'usiner des pompes avec tous les Brisgau accomplir des travaux hydrauliques. accessoires. Aux confins des XVIIIe et XIXe Peu après 1780, à l'invitation du gouverne­ siècles, des ateliers spécialisés de construc­ ment de Bruxelles, des houilleurs hennuyers tions de machines à feu virent le jour à firent des sondages dans le Luxembourg et Liège - atelier Wasseige -, mais aussi en en Allemagne. Haina:ut, et on retrouva notamment à leur A la fin de l'Ancien Régime et au début du tête des Dorzée- à Boussu et à Hornu- qui XIXe siècle, les efforts tendirent surtout à s'étaient donc hissés au rang de fabricants. améliorer les méthodes de déhouillement, et Après 1810, la construction de machines à à cet égard l'apport des ingénieurs français vapeur prit son élan à son tour; on en con­ sous l'Empire fut des plus bénéfiques dans le struisit à Liège, à Jemappes, à Couvin par sens de la rationalisation des entreprises, exemple. avec pour objectifs l'exploitation intégrale Mais il est indéniable que nos techniciens du sous-sol et la rentabilité. Mais l'attention excellaient surtout dans les méthodes d'ex­ se porta aussi sur la réduction des coûts de ploitation houillère. Ce fut entouré de spécia­ transport à la surface pour l'acheminement listes des techniques d'exhaure - dont Jac­ du combustible vers les magasins. Des fem­ ques Mathieu - et de mineurs natifs de sa mes poussant des brouettes sur un chemin seigneurie de Lodelinsart et des environs de de planches, telle fut la vision des charbon­ Charleroi que Jean-Jacques Desandrouin, nages wallons que durent conserver bien des fondateur de la plus puissante compagnie voyageurs, car ce fut longtemps la seule minière du XVIIIe siècle - Anzin -, dé­ façon d'acheminer la houille sur le carreau couvrit et exploita le charbon de terre dans de la mine. Si le chemin de fer est explicite­ le nord de la France (Fresnes, 1724). Le ment attesté pour la première fois en région fils aîné de Jacques Mathieu, Pierre trouva liégeoise à la Fonderie des canons au quai la houille en 1734 à Anzin et devint plus tard Saint-Léonard (1807), on est en droit de directeur de la Compagnie. Quant au cadet, penser que dès les environs de 1785, des Christophe (1712-1783), né également à wagonnets circulaient sur rail à la houillère Lodelinsart, il poursuivit une brillante car­ de Kessales à Jemeppe-sur-Meuse. En 1810, rière en France; il passa successivement par J.M. Orban (Société Bonnefin) fit construire le port de Gravelines (épuisement des eaux), un chemin à ornière de fer pour le transport puis travailla en Basse Normandie (décou­ souterrain. En 1817, toujours en pays lié­ verte de houille, direction de machines à geois, la société de Beaujonc plaça des rails feu, y compris dans des mines de plomb); il dans les galeries de démergement pour le découvrit enfin en 1751 du charbon à transport intérieur avec l'appoint de chevaux. Montrelais en Bas Anjou (Loire-Inférieure) Lentement mais sûrement le rail effectuait sa avan't de s'installer dans le Bourbonnais percée. En 1820, un système analogue à (1759) où il donna une impulsion décisive celui de la société Bonnefin fut introduit à au développement du bassin charbonnier de Dour en Hainaut. En 1829, on peut saluer la Queune (Allier). La renommée de nos au Grand Hornu, propriété d'Henri De hommes de métier avait en tout cas large- Gorge-Legrand, l'installation d'un chemin

334 de fer de surface d'une longueur de 1800 regiOn liégeoise des applications à des fins mètres, reliant le puits d'extraction au rivage privées et publiques. Sa première utilisation d'embarquement. en Hainaut remonta à 1814. Enfin les graves problèmes de sécurité que posait l'emploi de la bougie pour l'éclairage, Fabriques et concentration industrielle. La allaient progressivement se trouver résolus fabrique préexista à la Révolution industriel­ par l'adoption de la lampe de Davy (1815), le, mais celle-ci donna une impulsion nou­ munie d'un treillis métallique. La première velle à ce mode de production. lampe fut utilisée au charbonnage de l' Agrap­ Au milieu du XVIIIe siècle, la plupart des pe à Frameries (1816). L'année suivante la industries étaient déjà organisées sur le société Bonnefin en importa d'Angleterre, modèle d'ateliers où s'effectuait la fabrica­ mais les autorités éprouvèrent bien des diffi­ tion et dans lesquels l'outillage était entre­ cultés à imposer cette lampe de sécurité dans posé. Il en était ainsi notamment pour le les autres entreprises du bassin liégeois. tabac et le cuir, mais c'était particulière­ Au terme de ce rapide survol des principales ment vrai en verrerie où il n'était pas rare innovations qui contribuèrent à bouleverser qu'une cinquantaine d'ouvriers fussent réu­ les données économiques en Wallonie entre nis dans un même bâtiment. Progressivement le milieu du XVIIIe siècle et la fin du régime aussi en sidérurgie, fourneaux, forges, fen­ hollandais, il faut rendre justice à quatre deries, 'makas', platineries cessèrent d'être inventions liégeoises de la première decennie des établissements isolés et des ensembles du XIXe siècle. plus grands se constituèrent. Diverses tentatives de produire de l'acier Même le textile connaissait le régime de la avortèrent sous l'Ancien Régime à Rance fabrique, généralement installée dans la rési­ (1753-1757) et à Jumet (1767). En 1802, dence du patron. Dans la draperie vervié­ grâce aux frères Poncelet, les provinces wal­ toise, les principaux fabricants, J.-J. Simonis, lonnes et avec elles l'Empire français, possé­ P.-H. Dethier et J. Franquinet pour n'en dèrent enfin une fabrique d'acier fondu. citer que quelques-uns, avaient pris l'initia­ Jusqu'à la veille des événements révolution­ tive dans le courant du siècle de rassembler naires de 1830, elle resta la seule de son sous un seul toit l'ensemble des activités du espèce dans nos régions; une aciérie créée à travail de la laine, à l'exception du filage et Binche en 1806 parut n'avoir qu'une exis­ du tissage. Ces fabriques étaient certes la tence éphémère. plupart du temps de dimension restreinte, En 1806, un ancien chanoine de la collégiale mais si dans les centres textiles marginaux de Saint-Pierre à Liège, Jean-Jacques Paul comme Charleroi ou Châtelet, on ne comp­ Dony trouva un procédé permettant l'ex­ tait guère plus de vingt à trente ouvriers par traction à échelle industrielle du zinc de la manufacture, on pouvait néanmoins trouver calamine; ce procédé 'liégeois' se propagea à Verviers jusqu'à cent ouvriers abrités dans tant en Belgique qu'à l'étranger. un même local. Pourtant l'industrie à domi­ La même année, la ferblanterie prit son cile prévalait toujours dans ce secteur indus­ véritable départ grâce à la fabrique installée triel; sur quatre cents personnes qu'occu­ par Nicolas Delloye à Huy. pait un manufacturier, les trois quarts au Enfin, en 1810, un gendre des Poncelet, moins travaillaient à domicile: les fileurs et Ryss, obtint du gaz d'éclairage par la distil­ les fileuses - l'écrasante majorité - à la lation de la houille. Cette découverte favorisa campagne; les tisserands, en ville, chez eux, l'accroissement de la production par l'aug­ sur des métiers qui leur appartenaient. Aussi mentation du nombre d'heures de travail. l'avènement du machinisme modifia-t-il l'or­ Dès l'hiver 1810, l'aciérie des Poncelet fut ganisation du travail dans le textile plus que éclairée au gaz, qui trouva rapidement en dans tout autre secteur. En effet, la mécani-

335 JEAN - JACQUES DONY. 1759- 1819. Portrait publié en frontispice dans Octave Dony - H énault et Claude Decroly, 'Recherches théo­ riques et expérimentales sur la mé­ tallurgie thermique du zinc', 1931- 1938, Liège, 1938 (Bruxelles, Bi­ bliothèque Royale Albert 1er, lm­ primés).

EXTRAIT DU MÉMOIRE DE MAXIME RYSS - PONCELET. Procès-verbal de la séance publique de la Société d'émulation établie à Liège, Liège 1811; pp. 70-87 (Bru­ xelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, Imprimés).

sation du filage porta un coup mortel au travail du plat pays. Alors que jusque-là MÉMOIRE les opérations de filature étaient restées dis­ persées dans les campagnes, l'introduction 'Sur l'appareil de distillation , propre à t!clairer des mécaniques provoqua l'assimilation du les ateliers • appart&mens , etc. ·avec le gas filage par les fabriques ; elle adjoignit aux hy drogène extrait de la houille , par Maxime teinturiers, tondeurs, laineurs, ourdisseurs, .RYss-PoNC.EL1J:1', Secrétaire du Comité des. · etc,, des ouvriers chargés de diriger les mé­ .litt.~. t t JJ!Iàn.ufattures de. la Sociêté d'Ému­ caniques qui accomplissaient désormais, sous lation de Liege. la surveillance du patron, le travail de plu­ sieurs centaines de fileurs paysans. Certes Lu à la ~éanct de ct cr;milé,le 17 juin 1th t.(*) il y eut parfois pendant la période considérée des tisserands à l'œuvre dans les locaux pa­ >" De fortes préComptions en mveur de Mr. P. Lebon .. tronaux, et la volonté de mainmise des in­ ingénieur des ponts & chnuflèes , lniffent entrevoir dustriels sur les moyens de production inten­ que la France s•eft occupée la première du moyen dtem ­ sifia cette tendance, mais leur regroupement ployer le gaz hydrogène pour réclairage des apparte- généralisé ne s'opéra qu'ultérieurement en mens & aceHers. · raison de l'invention plus tardive du métier , Nous ne connailfons je .çrois que deux mémoires fur mécanique. ' l'emploi & l'économie de ce genre d'éclairage , encore En fait le travail à domicile ne subsista vrai­ les devons-nous à deux phyficiens anglais. · ment que dans la clouterie qui était restée en ,, Celui de lVlr. Murdoch préfente, uvee beaucoup de dehors du courant d'innovations : le fer tra­ précifion 1 les obfervations intéreffimces tecueillies l'hiver vaillé par les cloutiers dans les 'forgettes' de 1 8o8 dans la filature de MM. Philip & Lée de l\'I:;m~ attenantes à leur maison, restait la propriété de marchands cloutiers; ces derniers payaient chetl:er, où ils avaient conftruit les appareils. leurs ouvriers proportionnellement aux quan­ , Celui de Mr.yVindfor rraité feulement de l'économie tités fabriquées. que préfeme fes fourneaux propres t l'édnir;tge des villes. L'invasion des techniques nouvelles précipita ~'Ces deux ouvrages ne font point mention des cher· l'emprise de quelques grands capitalistes molampes de Mr. Le-bon; cependant cet ingénieur fran- sur l'industrie; il faut une forte personnalité

("') V oye!: les N °. 84, 97 & 105 des Annales des Arts & 336 Manu aélur~ s , ainfi que le Bull~ tin No • 6.J d.e 11 So.:iété d'En. çouragemen;,

INTÉRIEUR D'UNE FONDERIE. Peinture sur bois par Léonard Defrance (1735-1805) (Liège, Musée d 'Art Wallon, Catalogue 90). LE CHARBONNAGE DE BEAUJONC À ANS (LEZ-LIÈGE) EN 1812. Extrait de la légende: 'Cette vue représente les mineurs de Beaujonc rendus à la vie le 4 mars 1812. Ces malheureux ouvriers, après avoir éprouvé pendant cinq jours toute l'horreur d'une agonie mortelle, privés d'aliments, de lumière, exténués enfin et tous prêts à rendre le dernier soupir sortirent de leur tombeau le 4 mars vers l'heure de midi.. .'. Eau-forte coloriée anonyme, d'après Dubois, d'après Pierre-Joseph Lion fils (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert fer, Cabinet des Estampes).

JACQUES - JOSEPH SIMONIS. 1717- JEAN - IGNACE FRANQUINET. 1745- PIERRE - HENRY DETHIER. 1736- 1789. Portrait à l'huile, appartenant au 1818. Portrait peint en 1804, par Joseph 1817. Portrait à l'huile, appartenant à Mme baron Willy Simonis, d'Heusy (Verviers), en Rhénasteine, appartenant à Mme Léon Jules Godin d'Ensival. dépôt chez Mme Armand Simonis, à Pol­ Sauvage- Zurstrassen d'Ensival. leur. Extraits des 'Portraits Verviétois' dans 'Archives Vervié­ toises', tome Ill, Verviers, 1946, planches 78 et 90, tome li, Verviers, 1944, planche 68 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert fer, 1mprimés).

337 pour se soustraire aux tentacules de la rou­ Charleroi depuis 1767 - réalisèrent un tine; en outre il n'était pas à la portée de tous exemple parfait de concentration verticale. d'engager un pari sur l'avenir et de consentir A la fin de l'Ancien Régime, ils étaient loca­ des investissements onéreux. taires ou propriétaires en Luxembourg de L'évolution vers la concentration fut parti­ sept fourneaux et de sept forges sis à Attert, culièrement sensible dans l'industrie char­ Habay-la-Neuve, Lacuisine, Jamoigne et bonnière où le besoin de rationalisation se Halma; ils possédaient un four à réverbère faisait particulièrement sentir. Souvent acca­ et une fenderie à Charleroi et tenaient à blées de procès en raison de conflits de bor­ bail dans cette ville depuis 1789 les usines nage, incapables de s'équiper valablement Desandrouin (fenderie, 'maka', pla tin erie); pour faire face à la concurrence, endettées, ils étaient en outre à la tête d'un gigantesque les petites associations de 'comparçonniers' commerce de clouterie. Bref, ils contrôlaient qui exploitaient une veine de charbon à la toutes les étapes de la fabrication et de la fois disparurent peu à peu à la suite de transformation du fer. fusions et d'absorptions par des sociétés Déjà au XVIIIe siècle, de nombreux sidé­ voisines plus puissantes. Au sein même des rurgistes avaient investi dans l'industrie nouvelles sociétés, on assista à une concen­ charbonnière. Cette volonté de concentration tration d'un autre type : les petits action­ horizontale eut évidemment des motifs sup­ naires durent s'effacer au profit de plus for­ plémentaires de s'intensifier au XIXe siècle tunés car ils ne pouvaient supporter les qui vit la sidérurgie se libérer totalement de mises de fonds qu' impliquait la modernisa­ la sujétion des cours d'eau et des forêts. Ce tion des entreprises. De véritables sociétés fut l'époque de la fondation d'usines com­ capitalistes 'travaillant' six et sept veines plètement intégrées. A cet égard, la réa­ furent même créées de toutes pièces. Cette lisation la plus brillante fut à mettre intrusion du grand capitalisme dans l'indus­ à l'actif des Cockerill. En 1816, John trie charbonnière bouleversa au cours du Cockerill et son frère Charles-James se lan­ XVIIIe siècle les méthodes de gestion : une cèrent dans la construction de machines à administration structurée, avec directeurs, vapeur; après avoir acheté le château de receveurs - on commença à tenir des comp­ Seraing (1817), ils y établirent successivement tabilités - et 'maîtres ouvriers' fut mise en un atelier de construction mécanique (1819), place. une fonderie, une 'fabrique de fer' (1820-22) En sidérurgie, l'accumulation d'usines géo~ et un haut fourneau au coke (1822-1823); graphiquement dispersées, résultat d'achats dans le même temps les frères Cockerill parti­ ou de locations, fut dans un premier temps cipèrent, seuls ou en association avec d'autres le signe le plus évident de la concentration. capitalistes tel Y. Suermondt, directeur de la Cette dispersion était inévitable car les monnaie d'Utrecht, à sept entreprises houil­ usines de fabrication du fer exigeaient essen­ lères dont celles de Wandre, du Val-Benoît, tiellement du bois alors que sa transformation d'Ougrée et du Sacré-français à Dampremy­ pouvait être obtenue en usant de houille; il Lodelinsart. importait donc de localiser les fenderies, les Le charbon et la vapeur avaient sonné le martinets et les platineries non loin des glas du Luxembourg et de l'Entre-Sambre-et­ bassins houillers tout en maintenant les Meuse; ces régions ne seraient jamais le fourneaux et les forges à portée des gise­ centre d'une industrie sidérurgique d'enver­ ments de minerai dans des régions suffisam­ gure en dépit des efforts déployés par Hanna­ ment boisées; il fallait au surplus la proximi­ net-Gendarme et quelques autres. Les usines té de cours d'eau. Les frères Chapel, natifs devraient toutes se replier progressivement de Bruxelles - Jacques-Joseph, né en 1740 sur les bassins charbonniers à proximité et Daniel-François (1750-1806) installé à des voies de communication aisées.

338 Financement En dépit des apparences, l'ab­ On assista à un lent, mais progressif, dé­ sence d'instruments de crédits adéquats avait trônement du charbon anglais dans la partie longtemps handicapé nos industriels dans septentrionale des Pays-Bas. Débarquée à leurs efforts de modernisation, si fortunés Ostende, à Nieuport, à Anvers après avoir et entreprenants fussent-ils. transité par les Provinces-Unies, favorisée Créée par Guillaume 1er en 1822, la Société depuis 1680 par l'existence de droits de Générale des Pays-Bas pour favoriser le déve­ douane insignifiants à l'entrée des Pays-Bas, loppement de l'industrie nationale, pallia cette la houille anglaise posséda longtemps la grande lacune. La Société Générale fut dès lors maîtrise du marché en Flandre et à Bruxel­ le moteur de la politique de crédit, à court les. Elle s'y vendait, en effet, à meilleur prix terme essentiellement. En Wallonie, elle eut que le charbon hennuyer, en particulier des succursales à Tournai, Mons et Liège. borain, qui ne semblait d'ailleurs pas tou­ Les patrons charbonniers hennuyers utili­ jours être en mesure de répondre à la deman­ sèrent intensément les possibilités de crédits de des manufacturiers des villes flamandes; que leur offrait la Banque, qui assura ainsi au surplus, on justifiait parfois dans le nord à leurs sociétés de précieux fonds de roule­ la préférence pour le charbon de Newcastle ment; ces faits contribuèrent à asseoir l'énor­ en excipant de la mauvaise qualité de la me supériorité technique des sociétés hen­ houille des Pays-Bas. De toute façon, le nuyères sur celles des autres bassins. périple, échelonné de nombreux péages, qui Ce ne fut point tout. Le gouvernement leur était imposé, n'avantageait guère les autrichien et le régime napoléonien, surtout charbons du Borinage: ils étaient embarqués ce dernier, avaient déjà parfois pris l'initiative à Mons sur des bateaux qui descendaient la d'encourager l'industrie par des subsides et Haine jusqu'à Condé; portés par l', des prêts. Mais cette politique fut systéma­ ceux-ci atteignaient Tournai, puis la Flandre. tisée par Guillaume 1er et déboucha en 1823 Il y avait donc un marché à conquérir. Les sur la constitution du Fonds de l'Industrie. patrons charbonniers de Charleroi s'y atte­ Le souverain décida d'aider les industriels lèrent. Aidés entre 1756 et 1768 par la con­ méritants, soucieux de moderniser leurs struction de trois chaussées reliées au pavé entreprises, et ce fut dans ces circonstances Charleroi-Bruxelles, ils ne renâclèrent pas que Cockerill, Hannonet-Gendarme, Huart­ devant les investissements : dans le périmètre Chape! et Dupont notamment, bénéficièrent Charleroi-Dampremy-Jumet-Lodelinsart, le des largesses de l'État à un moment décisif nombre de machines à feu passa de 3 anté­ du développement de leurs usines. rieurement à 1750 à 10 en 1770. Enfin décon­ gestionnées, les houillères furent capables de répondre aux pressants besoins de combusti­ ble. La pénétration du charbon du pays de UNE CROISSANCE EN DENTS Charleroi, déjà solide dans le Namurois et DE SCIE le nord de la France - il remontait la Meuse et la Sambre - s'affermit à Bruxelles Le renversement de la conjoncture. Succé­ et dans le nord du Brabant. La production dant à une période de stagnation qui avait fit un bond en avant fantastique pendant la surtout terni la fin du règne de Louis XIV, période de 1760-1775, d'autant qu'à partir la seconde moitié du XVIIIe siècle fut une de 1761 des restrictions furent apportées aux période de haute conjoncture en Europe importations de charbon anglais malgré les occidentale. Notre économie participa à cette récriminations des villes et des manufactu­ ère de prospérité, en particulier l'industrie riers des provinces septentrionales des Pays­ qui bénéficia des soins jaloux du gouverne­ Bas. Témoin de cette expansion : les revenus ment de Bruxelles. des droits de barrières perçus au profit de la

339 ville de Charleroi sur la chaussée en direction part cet exemple, les appels à la houille de Bruxelles : alimentés essentiellement par étrangère résultaient de situations géographi­ le commerce de la houille, ces revenus sex­ ques particulières : le sud du Luxembourg tuplèrent pendant la période de quinze ans était plus facilement accessible au charbon considérée. lorrain tandis que la houille extraite en Au Borinage, la croissance fut beaucoup pouvait aisément se déverser dans le sud­ moins spectaculaire car des dérogations de ouest de cette province et le pays de Herve. plus en plus nombreuses avaient été accor­ Cette introduction de charbon étranger garda dées à des industriels du comté de Flandre toutefois un caractère marginal qui ne mit pour l'importation de charbon anglais qui jamais en péril la production charbonnière ne fut que partiellement soumis au surhausse­ de nos régions, dont on peut estimer, sans ment des droits de douane imposé en 1761. témérité aucune, qu'elle doubla dans le Aussi le grignotage des positions anglaises courant du XVIIIe siècle. fut-il malaisé. Les réticences flamandes ne La sidérurgie fut évidemment un autre point commencèrent réellement à être vaincues que fort de notre économie. Le Luxembourg et dans les années soixante-dix. Divers éléments l'Entre-Sambre-et-Meuse, 'terre bénie de concoururent à ce revirement : les efforts l'extraction du fer', fournissaient du fer en consentis par les sociétés boraines pour livrer barres tandis que sa transformation s'effec­ du charbon de meilleure qualité, le soin tuait essentiellement dans la région de Liège apporté par le gouvernement en vue de (armurerie, clouterie) et de Charleroi-Gosse­ raboter les charges qui pesaient sur le trans­ lies-Fontaine l'Evêque (clouterie). port du charbon hennuyer et enfin, et ce La production de fer était largement sHpé­ n'était pas un aspect négligeable du dossier, rieure aux capacités d'absorption du marché l'application intégrale à partir de 1774 de national en dépit d'un fort accroissement de l'ordonnance de 1761. la demande pour l'agriculture et l'outillage Tandis que Jes charbons du Centre, encore minier. Notre sidérurgie était donc largement peu nombreux sur le marché, jouissaient tributaire de l'étranger pour l'écoulement de d'une diffusion limitée au Hainaut, au sud­ sa production. Souvent en butte à la concur­ ouest de la Flandre et au sud du Brabant, le rence du fer en barres suédois, notamment en bassin liégeois en revanche, fut un grand Flandre, les industriels des Pays-Bas firent exportateur au même titre que le Borinage davantage travailler le fer sur place dans la et le bassin de Charleroi. La houille liégeoise seconde moitié du XVIIIe siècle, et comme se vendait en Hesbaye, en Condroz, en c'était déjà le cas à Liège, les clous devinrent Limbourg, en Gueldre autrichienne, mais pour les provinces autrichiennes une branche aussi dans les Provinces-Unies où elle fut essentielle de leurs exportations. Intense fut concurrencée par le charbon carolorégien la rivalité qui opposa les marchands cloutiers après 1760. carolorégiens et liégeois. Ces derniers con­ L'importance de la production indigène servèrent longtemps le quasi-monopole des n'empêchait pourtant pas les charbons étran­ ventes aux Provinces-Unies pour les besoins gers de trouver des débouchés dans les pro­ de la Compagnie des Indes (clous de marine). vinces wallonnes. Si une bonne part de la Mais en 1764, un industriel particulièrement production du Couchant de Mons s'écoulait dynamique de Charleroi, Adrien-Joseph dans le nord de la France au détriment de la Drion (1723-1800) se rendit dans les Provin­ Compagnie d'Anzin, celle-ci entrait vala­ ces-Unies et parvint à convaincre les négo­ blement en compétition avec le charbon ciants hollandais de l'excellence de ses pro­ hennuyer dans le Tournaisis : ses houilles duits. Dès lors, les clous fabriqués dans la maigres avaient la préférence des proprié­ région de Charleroi trouvèrent preneur chez taires des nombreux fours à chaux. Mis à nos voisins du Nord au grand émoi des

340 marchands liégeois et l'essor de la clouterie faulx); les pierres à rasoir étaient vendues carolorégienne fut extraordinaire; les expor­ dans le monde entier, principalement dans tations de clous des Pays-Bas autrichiens le bassin méditerranéen. triplèrent entre 1760-64 et 1780-84. Les mar­ Les fours à chaux -la calcination s'opérait chands liégeois firent front et décidèrent de à la houille - se comptaient par centaines; mettre fin aux rivalités ruineuses qu'ils se les plus fortes concentrations se rencontraient livraient entre eux et qui avaient engendré en Tournaisis, à Flémalle-Haute, Sprimont, de nombreux conflits sociaux; en 1770, ils Esneux. Les poteries de Bouffioulx et de constituèrent une nouvelle 'Société de mar­ Châtelet connurent un nouvel essor après chands' - une première tentative s'était 1760. La faïence s'implanta à Tournai (1751), soldée par un échec quelques années aupara­ Liège (1767), Saint-Servais (1780), Arlon vant. L'âge d'or de la clouterie était toutefois (1781), Andenne (1783), Nimy (1789). Fon­ révolu pour la grande banlieue liégeoise qui dée avec l'appui financier de la ville et du s'étendait entre Liège et Verviers; certes cette gouvernement, la Manufacture impériale et industrie ne déclina pas entre 1770 et 1795, royale de porcelaine de Tournai, propriété de mais la concurrence des clouteries de Char­ Fr. Jas. Peterinck occupait plus de 400 per­ leroi et de Charleville en France ne lui permit sonnes à la fin de l'Ancien Régime; ses plus de renforcer ses positions sur le marché faïences et ses porcelaines se débitaient en international où les principaux clients de la Hollande, en Espagne, en Allemagne, en clouterie wallonne étaient les Provinces­ Russie, en France et dans ses colonies. Unies, la France, l'Espagne, l'Allemagne, la L'expansion de l'industrie verrière se pour­ Suède et même les Etats-Unis après leur suivit; on enregistra de nouvelles créations indépendance. de verreries à Ghlin (1750), Namur (1753 - Les matériaux pierreux abondaient dans le cristallerie de Sébastien Zou de), Chênée sous-sol de Wallonie. En rapport avec le (1754 et 1755), (1764), Sart-Moulin développement du réseau routier, le XVIIIe (1766), mais la région de Charleroi garda siècle fut une période d'efflorescence pour les leur prédilection: le nombre d'établissements carrières de grès (Esneux, Comblain-au­ crût encore de quatre unités, 13 en 1785 Pont) de porphyre (Lessines, Quenast); contre 9 en 1750. l'exportation de pavés fut importante à desti­ Pendant la même période, on assista égale­ nation de la France et surtout de la Hollande ment aux débuts, timides, de l'industrie (renforcement des digues). Il y avait des car­ chimique dans les Pays-Bas: à Eupen (1759), rières de marbre principalement dans la Remagne près de Saint-Hubert (1779-80) et région Beaumont-Chimay (Rance, Barben­ Hodimont (1782) pour l'eau-forte et le vi­ çon), mais aussi à Rochefort, à Hamoir, triol, à Waudrez (1764-65) et à Jemappes Bomal et Nandrin. On trouvait des pierres (1774) pour le sel ammoniac. de taille à Feluy, à Arquennes et en Namu­ Dans ce climat à la croissance où la grosse rois (Sclayn, Namèche). Celles-ci étaient très industrie prenait définitivement le pas sur demandées en Hollande (construction de les petites industries restées aux mains de bâtiments) et en Angleterre (construction de corporations rétrogrades, épuisées par les mausolées). Utilisée dans le bâtiment, la procès et pour tout dire moribondes, deux 'pierre bleue de Tournai' affleurait entre villes émergeaient : Verviers et Charleroi. Tournai et Antoing. On exploitait du 'petit Centres dynamiquesqui échappaient d'ailleurs granit' ou pierre bleue à Ecaussinnes et à tous deux aux contraintes corporatives, ces Soignies, des ardoisières à Chimay, Herbeu­ villes exercèrent un ascendant croissant sur mont et Vielsalm. Cette dernière localité pos­ les localités qui les entouraient. sédait d'ailleurs l'exclusivité des carrières de Foyer d'une draperie de renommée inter­ coticule (pierres à aiguiser les rasoirs, les nationale qui exportait en Allemagne, aux

341 EXPLOITATION D'UNE MARBRIÈRE. Tableau de UNE TANNERIE. Tableau de Léonard De/rance. Léonard De/rance. 1791 (Paris, Musée Marmottan. Photo (Paris, Musée Marmottan. Photo Rou thier, Paris). Routhier, Paris). Provinces-Unies, en Pologne, en Russie, en Cette interpénétration économique, on la Espagne, en Italie, et par Ostende, Bruges retrouvait au pays de Charleroi en dépit de et Amsterdam vers le Levant, mais aussi vers la complexité de sa géographie politique, Porto-Rico et les Etats-Unis, Verviers (prin­ mais cette fois, elle se manifestait en sens cipauté de Liège) dominait l'industrie dra­ inverse, des Pays-Bas sur la principauté. pière des environs, y compris dans la partie Dotée de privilèges fiscaux et douaniers ap­ wallonne du duché de Limbourg. Ainsi Hodi­ préciables, Charleroi exerça son hégémonie mont n'était, en fait, qu'une ville-succursale sur les localités hennuyères, namuroises, de Verviers dont les fabricants pratiquaient brabançonnes et liégeoises des environs. Pôle d'attraction de grands capitalistes des industries charbonnière, sidérurgique et ver­ rière, la ville attira également à elle d'autres industries : le nombre de manufactures de tabac passa de 2 à 12 entre 1741 et 1769, celui des poêles à raffiner le sel de 1 en 1760 FRANÇOIS - JOSEPH PETE­ RINCK. 1719-1799. Portrait publié à 16 en 1789. en frontispice dans Chevalier Soit de D'une façon générale, l'industrie du tabac et Moriamé, L. De/place - de Forma­ noir. 'La Manufacture Impériale et le raffinage du sel se développèrent dans le Royale de Porcelaine de Tournay', courant du XVIIIe siècle, de même que les Tournai - Paris, 1937 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert fer, Im­ tanneries et aussi les papeteries qui étaient primés) . nombreuses dans la vallée du Hoyoux; l'in­ dustrie du papier intéressa d'ailleurs les établissements monastiques : les abbayes de Bonne-Espérance (à Estinnes-au-Mont), de Waulsort (à Hastière), de Moulins et de Malmédy exploitèrent avec succès des 'mou­ lins à papier'. La guerre d'Indépendance des Etats-Unis (1776-1783) apporta un surcroît de prospé­ rité. Le conflit maritime qui mit aux prises à cette occasion l'Angleterre d'une part, la France, l'Espagne, les Provinces-Unies d'au­ tre part, élimina, en effet, temporairement la concurrence anglaise du marché hollandais, et en grande partie de Flandre. Ce fut une aubaine pour les industries wallonnes; les houillères furent parmi les grands bénéfi­ le dédoublement de fabriques. Ces industriels ciaires, mais aussi la sidérurgie, car la de­ possédaient, en effet, des établissements des mande fut énorme en clous de navires et en deux côtés de la frontière; ils évitaient ainsi canons. les conséquences fâcheuses (barrières doua­ nières) qu'impliquait la présence de deux Les bienfaits du blocus continental. Bien dominations; ils en tiraient même parti; qu'encadré par deux crises, le régime français chacun des centres contenaient 'les produits fut indubitablement un moment privilégié destinés à telles ou telles contrées suivant dans le développement économique de la que dans celles-ci, les tarifs étaient favorables Wallonie. aux fabricants de Hodimont ou à ceux de Tout avait pourtant fort mal débuté. Un Verviers'. malaise général avait engourdi l'économie

343 LES 'GRANDS' DU

LES ENFANTS DE JACQUES-JOSEPH SIMONIS MARIE - ANNE SIMONIS. JOSEPH - ANTOINE SIMO­ JEAN - FRANÇOIS DIEU­ 1758-1831- EPOUSA JEAN­ NIS. 1767-1827. Portrait à DONNÉ, DIT IWAN SIMO­ FRANÇOIS BIOLLEY; ELLE l'huile, peint par Joseph Rhé­ NIS. 1769-1829. Portrait peint PARTICIPA ACTIVEMENT nasteine, appartenant au baron à l'huile, appartenant au baron À LA DIRECTION DES Willy Simonis d'Heusy-lez- Ver­ Willy Simonis d'Heusy (Ver­ ÉTABLISSEMENTS DE SON viers. viers), en dépôt chez Mme MARI. Portrait à l'huile peint Armand Simonis, à Polleur. par Laurent Olivier, en 1831, appartenant au vicomte André Simonis, de Bruxelles.

Extraits des 'Portraits Verviétois' dans 'Archives Vervié­ toises', tome 11, Verviers, 1944, planche 17, tome Ill, Ver­ viers, 1946, planches 80 et 81; tome Il, Verviers, 1944, planches 16 et 17 (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Imprimés). dans les dernières années de l'Ancien Régime; bannis les produits anglais. Les conquêtes les événements politiques qui ébranlèrent napoléoniennes et l'entrée en vigueur du nos régions à partir de 1789 précipitèrent un Blocus continental renforcèrent ces avanta­ fléchissement qui atteignit sa plus grande ges. intensité en l'an III (1794-95) avec la crise Les fabricants verviétois furent parmi les agricole, la baisse vertigineuse du cours des premiers à réorienter leur commerce et la assignats qui, de juillet 1794 à janvier 1795, venue de ce fantastique débouché fut d'au­ perdirent plus de la moitié de leur valeur, et tant plus providentielle que les mécaniques la pénurie de combustibles et de matières favorisaient une augmentation considérable premières due à l'interruption du commerce de la production. En 1808-1810, celle-ci avait et aux réquisitions de chariots et de chevaux marqué une progression d'environ 85% sur que faisaient pleuvoir les armées de la Répu­ la fin de l'Ancien Régime, qui correspondait blique. Réquisitionnées en décembre 1794 en à un taux moyen annuel de croissance de vue d'accélérer la production des fournitures 7,7%. militaires, la sidérurgie et les mines offrirent Quant à la production charbonnière, elle cependant une stabilité de l'emploi plus atteignit 1.265.000 tonnes en 1810-11, soit grande que les autres secteurs de l'industrie une croissance d'environ 45% depuis 1800. où de 50 à 80% des ouvriers chômèrent. A lui seul, le Borinage produisait plus de Puis l'économie wallonne traversa une phase houille que l'ensemble de la France considé­ de récupération qui se termina aux environs rée dans ses limites actuelles. Le poids de la de 1800. Englobées dans le vaste Etat sidérurgie wallonne fut énorme. Les dépar­ français, nos provinces commencèrent à tements des Forêts, de Sambre-et-Meuse, de ressentir les effets bénéfiques de cet immense l'Ourthe et de Jemappes fournissaient vers marché qui au surplus était réservé aux na­ 1811 un peu moins de 40.000 tonnes de fonte tionaux : grande fut la protection que le - la progression se chiffrait à 40% -, soit gouvernement de Paris accorda à ses indus­ environ le quart du tonnage de fonte coulé tries. La France était donc ouverte aux dans l'Empire. La Fonderie impériale de industriels wallons, une France dont étaient canons (1802) délivrait plus de 500 pièces par

344 TEXTILE VERVIÉTOIS: LE GROUPE SIMONIS-BIOLLEY Une digestion s'imposait. Cette croissance fiévreuse qui avait déjà marqué un temps d'arrêt en 1806, ne pouvait pas durer éternel­ lement; aussi fut-elle sanctionnée par la crise qui survint à la fin de 1810: il y avait LES FRÈRES BIOLLEY surproduction industrielle eu égard à la FRANÇOIS DE SALES demande, et elle fut aggravée par un raccour­ BIOLLEY. 1751-1826. Portrait cissement du délai des crédits. Tant en à l'huile, peint par Joseph Rhé­ nasteine, appartenant au baron France qu'en Belgique, la crise de 1810-11 Willy Simonis d'Heusy-lez-Ver­ qui se prolongea çà et là jusqu'en 1813 ou viers. même 1814, fut marquée par de nombreuses faillites. Elle s'attaqua surtout au petit négo­ JEAN - FRANÇOIS BIOL­ ce, terrassa quelques spéculateurs, des so­ LEY. 1755-1822. Portrait à ciétés de création récente, d'autres qui l'huile, peint par Louis-Félix Rhénasteine, appartenant à Henri étaient déjà chancelantes bien avant le re­ Simonis d'Heusy-lez-Verviers. tournement de la conjoncture. Mais les forces vives de l'économie wallonne ne furent pas trop profondément entamées et les principaux bastions de l'industrie - le charbon, le fer, le textile, le verre - tinrent an et Liège était pour la fabrication des bon. armes la quatrième ville française après Saint-Etienne, Tulle et Charleville. Dans le La consolidation des secteurs de pointe. département de l'Ourthe, la fabrication de D'une façon générale, la période de 1810- la tôle prit la relève d'une clouterie décli­ 1816 constitua un palier car à la crise de nante : de 1790 à 1815, 25 laminoirs furent 1810-11 succédèrent bien des bouleverse­ créés; l'introduction du machinisme dans le ments politiques : chute du régime napoléo­ textile eut ses répercussions en métallurgie; nien, annexion à la Hollande. Il en résulta les ateliers de construction mécanique fleu­ une nouvelle fois l'obligation d'affronter la rirent: en quelques années s'établirent 10 concurrence anglaise et de s'adapter à un fabriques de cardes et 21 ateliers de con­ autre marché intérieur. Il était une évidence : struction de machines textiles. Il importe les intérêts des habitants des provinces sep­ également de rappeler la naissance de trois tentrionales, proches des côtes anglaises, dif­ industries nouvelles - l'acier (fabriCation de féraient sensiblement de ceux des entreprises cylindres, d'enclumes, de limes à Liège), la wallonnes. Guillaume 1er ne pouvait donc ferblanterie (Huy et Chênée), le zinc (Liège) pas fermer brutalement les frontières aux - ainsi que l'existence de plusieurs ateliers produits anglais dans le seul but de privilégier de construction de machines à feu et à les industries de la partie la plus méridionale vapeur (dép. Jemappes et Ourthe). de son royaume. Concilier ces aspirations D'autres secteurs déjà actifs avant 1789 re­ contradictoires fut, par conséquent, extrê­ prirent quelque vigueur: la coutellerie (Na­ mement malaisé. mur, Gembloux), la batterie de cuivre D'emblée la perturbation du marché fut (Namur, Anthée), le plomb (Vedrin). fatale à l'industrie cotonnière: les cotonnades Une verrerie avait été fondée à Vonêche en anglaises envahirent le royaume et culbu­ 1778, mais l'expérience avait rapidement tour­ tèrent rapidement les manufactures de Mons, né court. L'établissement fut repris en 1802 par Liège et Namur. De même, balayée par les un industriel parisien, Aimé Gabriel d'Artigues fabricants anglais, la moitié des aluneries et occupa bientôt près de 400 ouvriers. - elles étaient une quinzaine en pays liégeois

345 LIVRES

1.500.000 1.500,000

1,400,000 RECETTES 1.400.000 DEPENSES 1.300,000 1,300.000 DEFICIT 1.200,000 BENEFICES 1.200.000

1.100.000 1.100.000

1.000.000 1.000.000

900.000 900.000

800.000 800.000

700.000 700.000

600.000 600.000

500,000 500.000

400,000 400.000

300, 300.000

200.000

100.000

JOHN COCKERILL. 1790-1840. Portrait non signé ni UN EXEMPLE DE RENTABILISATION: LA SOCIÉTÉ DE MA­ daté (Seraing, Société Cockerill). RlEMONT(D'après M. Van denEynde et R. Darquenne, 'Les débuts de la société de Mariemont 1801-1840', Annales du Cercle archéologique et folklorique).

PAUL - FRANÇOIS - JOSEPH HUART DIT PAUL HUART - CHAPEL. 1770-1850. (D'après le portrait de F.-J. Navez appartenant à Emile Lelong. Publié dans Gustave Drèze, 'Le livre d'or de l'exposition de Charleroi en 1911', tome 1/, p. 340).

VUE DES ATELIERS DU CHAR­ BONNAGE ET DE LA CITÉ OUVRIÈRE DU GRAND-HOR­ NU, CONSTRUITS À L'INITIA­ TIVE DE HENRI DE GORGE - LEGRAND. 1774-1832 (Photo Ch. Leva, Bruxelles).

346 vers 1815- disparurent sous le régime hol­ L'industrie charbonnière avait tout à craindre landais. du changement de régime politique. Or, à la En revanche, il faut admirer une fois de plus différence de la forgerie, cet autre secteur la capacité d'adaptation des fabricants de capital de l'économie wallonne fut protégé: draps verviétois. Le débouché hollandais ne les droits de douane à l'entrée du charbon remplaçait pas le débouché français, il s'en anglais furent haussés. D'un autre côté, la fallait de beaucoup : ils trouvèrent des clients pénurie de combustile en France incita cet outre-mer. Ils poursuivirent la mécanisation Etat à ne prélever que des droits modiques de leurs manufactures et l'arrondissement de sur la houille de Wallonie en dépit de la Verviers produisait de 100 000 à 120 000 séparation et de l'existence de compagnies pièces en 1830 contre environ 87 000 une minières dans le département du Nord. Aussi vingtaine d'années auparavant. Cette crois­ les exportations à destination de la France sance fit à nouveau planer le spectre de la et de la Hollande furent-elles encore accélé­ surproduction à partir de 1827-28 et 1830 rées. En 1828-29, on extrayait environ fut une année difficile. 2 365 000 tonnes, dont 1 350 000 tonnes Si la forgerie du Luxembourg et de l'Entre­ - 57% - dans l'arrondissement de Mons. Sambre-et-Meuse avait précédemment vécu La progression était spectaculaire : 87% sans problème dans un marché protégé, à depuis 1810-11. Dominé par les sociétés de l'intérieur duquel elle avait bénéficié d'im­ La Hestre et de Haine Saint-Pierre, du Bois­ portantes commandes en matière d'arme­ du-Luc à Houdeng et de Mariemont, fondée ment, il en fut tout autrement après 1815; la en 1801 à Morlanwelz, le bassin du Centre raréfaction du minerai, l'éloignement de la qui avait fait l'objet d'investissements con­ houille et le maintien de méthodes désuètes sidérables sous le régime français, avait engendrèrent inévitablement une situation gagné en importance. pénible en Luxembourg. Mais après 1820, des modifications de structure intervinrent en A la veille du soulèvement de 1830, la Wal­ sidérurgie qui compensèrent la décadence lonie était pourvue de plusieurs canaux et luxembourgeoise. Elles résultaient de l'in­ d'un excellent réseau routier. Sous la con­ troduction dans la sidérurgie du sillon Sam­ duite de capitaines d'industrie entreprenants bre-et-Meuse de la machine à vapeur, du et avisés, elle s'était dotée de puissantes puddlage et de la fonte au coke grâce aux entreprises souvent modernisées depuis le Cockerill, Orban, Huart-Chapel et autre milieu du XVIIIe siècle. Son sous~sol regor­ Gilles-Antoine Lamarche (178_5-1865) créa­ geait de houille et c'était fondamental car teur de la Fabrique de fer d'Ougrée en 1829. sans ce combustible, il n'était pas de 'Révolu­ Si la clouterie ne progressa plus, la demande tion industrielle' possible. Aussi n'est-il pas en fer- chemins à ornières, ouvrages d'art, étonnant que proportionnellement à sa super­ constructions maritimes, machines à vapeur ficie et à sa population, la Wallonie fût en ce - crût sensiblement à partir de 1825. Au début de XIXe siècle la deuxième région total la production de fonte augmenta d'en­ industrielle du monde après l'Angleterre. viron 10 000 tonnes et tourna autour des hauts fourneaux au coke en activité inter­ 55 000 tonnes vers 1830. Mais le fait impor­ venaient déjà pour 35 % dans la production tant résidait en ceci : s'il restait dans nos de fonte; en outre, sur 190 affineries, 40 dis­ régions 91 hauts fourneaux au bois, les 10 posaient de fours à puddler.

Hervé HASQUIN

347 ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

Ouvrages généraux traitant de la Révolution indus­ tres. Académie royale de Belgique, t.:XXIX, 1943); trielle; vieux et pourtant toujours très précieux: sur le papier : M.A. ARNOULD, Une entreprise monasti­ N. BRIA VOINNE, Sur les inventions et perfectionne­ que au XVIIIe siècle: la papeterie de Bonne-Espérance ments dans l'industrie, depuis la fin du XVIIIe siècle (Études sur le XVIIIe siècle, t.I, Bruxelles, 1974); jusqu'à nos jours, Bruxelles, 1838; H. HASQUIN, Une l'industrie chimique: A. ANDRE-FELIX, Les débuts de mutation. Le 'Pays de Charleroi' aux XVIIe et l'industrie chimique dans les Pays-Bas autrichiens, XVIIIe siècles. Aux origines de la Révolution in­ Bruxelles, 1971; cf. également c. DOUXCHAMPS­ dustrielle en Belgique, Bruxelles, 1971; P. LEBRUN, LEFEVRE, Les premiers essais de fabrication du coke L'industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe dans les charbonnages du Nord de la France et de la siècle et le début du X/Xe siècle. Contribution à l'étude région de Charleroi à la fin du XVIIIe siècle (Revue des origines de la révolution industrielle, Liège 1948; du Nord, t. 50, 1968); sur la pierre: CL. DUJARDIN, L. THOM'ASSIN, Mémoire statistique du département de L'extraction et l'exportation des matériaux pierreux l'Ourthe, Liège, 1879; A. FUNK, L'industrie du dépar­ dans les Pays-Bas autrichiens, Mémoire inédit, Univ. tement des Forêts, Luxembourg, 1929; R. DARQUEN­ libre Bruxelles, 1973. NE, Histoire économique du département de Jemappes, Histoire sociale et portraits d'industriels: R. EVRARD, Mons, 1965; R. DEM'OULIN, Guillaume !er et la trans­ Dom Nicolas Spirlet, Liège, 1952; sur H. DE GORGE­ formation économique des Provinces Belges (1815- LEGRAND: H. WATELET, L'enrichissement d'un homme 1830), Liège, 1938. A consulter également, P. LEBRUN nouveau au début du X/Xe siècle (Histoire sociale. et collaborateurs, La rivoluzione industriale in Belgio Revue canadienne, 1968); M. BRUWIER, Machinistes (Studi storici, t.II, 1961); J. CRAEYBECKX, Les débuts liégeois et namurois dans le Borinage au XVIIIe de la révolution industrielle en Belgique et la statisti­ siècle et au début du X/Xe siècle. Les Rorive, les que de la fin de l'Empire (Mélanges offerts à G. Jac­ Dorzée, les Goffint (Revue belge d'histoire contem­ quemyns, Bruxelles, 1968); R. DEVLEESHOUWER, Le poraine, t.II, 1970). consulat et l'Empire: période de 'take-off' pour l'éco­ Les crises: R. DEVLEESHOUWER, L'arrondissement du nomie belge? (Revue d'histoire moderne et contem­ Brabant sous l'occupation française. 1794-1795, Bru­ poraine, t. XVII, 1970). Plus particulièrement sur le xelles, 1964; H. HASQUIN, L'industrie de l'arrondisse­ charbon: N. CAULIER-M'ATHY, La modernisation des ment de Namur lors de la crise de l'an III (Annales charbonnages liégeois pendant la première moitié du historiques de la Révolution française, t.42, 1970); X/Xe siècle. Techniques d'exploitation, Paris, 1971; M. DEPREZ, La crise industrielle de 1810-1811, (Fédé­ H. HASQUIN, L'industrie charbonnière belge de la fin ration archéologique et historique de Belgique, du régime français à 1830 (Mémoires et publications XXXVIe Congrès-Annales, 1956). de la société des sciences, des arts et des lettres du Sur les routes, cf. les articles de L. GENICOT (Bulletin Hainaut, t.84, 1971-73); sur la sidérurgie: PH. M'ou­ de l'Institut de recherches économiques Université REAUX, La sidérurgie belge et luxembourgeoise d'an­ de Louvain, t.X, XII et XIII) et sur les canaux celui cien régime (Revue d'histoire de la sidérurgie, t.V, d'v. URBAIN (ibidem, t.XI) ainsi que l'ouvrage de 1964); G. HANSOTTE, La comptabilité d'une entreprise J.B. VIFQUAIN, Des voies navigables en Belgique, métallurgique luxembourgeoise au XVIIIe siècle Bruxelles, 1842. (Revue d'histoire des mines et de la métallurgie, L'agriculture. Outre les ouvrages cités par Mme t.II, 1970), et La sidérurgie belge au X/Xe siècle PERISSINO-BILLEN, à consulter plus particulièrement avant l'acier (Revue d'histoire de la sidérurgie, t.VII, A. SPRUNCK, Études sur la vie économique et sociale 1966); sur le textile: P. LEBRUN, Croissance et indus­ dans le Luxembourg au 18e siècle, t.I, Luxembourg, trialisation. L'expérience de l'industrie drapière ver­ 1956 (nombreux documents publiés) et 1. DELATTE, viétoise. 1750-1850. (Première conférence interna­ Les classes rurales dans la principauté de Liège au tionale d'histoire économique, Stockholm, 1960). XVIIIe siècle, Liège-Paris, 1945, ainsi que les nom­ Cfr. également les travaux en cours de Mme A. VAN breuses publications de cet auteur relatives à la vente NECK sur la machine à vapeur. des biens nationaux. Ouvrages traitant plus spécialement de l'économie Sur le progrès des techniques agricoles, cfr. surtout au XVIIIe siècle, H. VAN HOUTTE, Histoire économi­ J. ROLAND, La révolution agricole au XVIIIe siècle, que de la Belgique à /afin de l'Ancien régime, Gand, spécialement dans la province de Namur (Annales de 1920, et de la politique économique : PH. M'OUREAUX, la Fédération archéologique et historique de Belgi­ Les préoccupations statistiques du gouvernement des que, XXXIe Congrès, Namur, 1938) et J. DUPONT, Pays-Bas autrichiens, Bruxelles 1971; cf. également La politique agricole en Hainaut sous Marie-Thérèse les ouvrages cités dans la contribution de G. HAN­ (Miscellanea historica in honorem Leonis van der SOTTE. Essen, Bruxelles, 1947). Ouvrage fondamental sur Sur la porcelaine et la faïence : SOIL de M'ORIAM'E et les communaux: P. RECHT, Les biens communaux du L. DELPLACE DE FORMANOIR, La manufacture impériale Namurois et leur partage à la fin du XVIIIe siècle, et royale de porcelaine de Tournay, Tournai-Paris, Bruxelles, 1950. Sur le prix des grains: L. GENICOT, 1937; sur le zinc : A. DONY, Le procédé 'liégeois' de Les prix du froment à Namur, de 1773 à 1840 (Anna­ fabrication du zinc. Sa genèse et son développement. les de la société archéologique Namur, t.XLIII, Les déboires et la faillite de son inventeur, d'après les 1938-39) et R. ROMANO, Note sur les prix italiens, documents originaux (Bulletin de la Classe des Let- helvétiques et belges dans Le Prix du froment en France au temps de la monnaie stable (1726-1913), Paris, 1970. 348