Fernand Léger & André Mare © Patrimoine Normand
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ARts i FERNAND LÉGER & ANDRÉ MARE ARts FERNAND LÉGER & ANDRÉ MARE Texte : Michaël Herbulot ma mère (1905) ou Le Portrait Rousseau, les romanciers et de mon oncle (1905), restent poètes Max Jacob, Guillaume © Michaël Herbulot très influencées par l’impres- Apollinaire et Blaise Cendrars. sionnisme et par son enfance Au Salon d’automne de 1907, à Argentan. qui met en avant des artistes En 1903, André Mare entame novateurs, Fernand Léger dé- ses études de décorateur à couvre la peinture de Paul l’école des Arts décoratifs. Il Cézanne, à l'occasion d'une retrouve à Paris son ami Fer- rétrospective consacrée à l'ar- nand Léger et suit, à son tour, tiste disparu un an plus tôt. des cours à l’académie Julian. La peinture de Cézanne, qui Ils louent alors ensemble un fait prévaloir la géométrie des petit atelier au fond d’une formes et l'intensité des cou- impasse pavée du quartier leurs, le subjugue et influen- Montparnasse. Ils y partagent cera durablement son travail. leur vision du monde, leurs Au même instant, sur la butte techniques, ils confrontent Montmartre, Pablo Picasso Le collège Mézeray (au- leurs créations et se nourrissent invente le cubisme avec Les jourd'hui lycée Mézeray) à Ar- les débuts gentan, où Fernand Léger et à paris ainsi l'un de l'autre. Ils font Demoiselles d'Avignon (1907). André Mare se sont liés d'ami- évoluer ensemble leur langage Mais Fernand Léger reste éloi- tié autour du dessin et de la Fernand Léger part s’installer artistique et, peu à peu, se gné du travail de Picasso, de peinture (© Michaël Herbulot). à Paris en 1900, où il a dé- détachent de leurs premières Georges Braque et des autres croché un travail dans un ca- influences impressionnistes. artistes du Bateau-Lavoir qui élèves. Certains de ses dessins, binet d'architecte. En réalité, font émerger le cubisme. Il jugés licencieux, choquent la c'est pour lui l'occasion de l'influence est tout à ses recherches pour pudibonderie de ses profes- gagner la capitale des arts. Il cézannienne tenter de dépasser l'influence seurs. Renvoyé une nouvelle intègre l’école des Arts déco- cézannienne. Pourtant, son fois de l'école, il s'en retourne ratifs, mais sans grand en- Fernand Léger s'installe à par- travail se rapproche incontes- ture, ils forment ce qu'ils à Argentan subir les foudres thousiasme. Il suit également tir de 1908 à « La Ruche », tablement du leur. Fernand Léger s'amusent à appeler « l’École de sa mère et de son oncle des cours, à son goût trop près de Montparnasse, dé- La Couseuse (1910) et Nus d’Argentan ». Les deux artistes pour qui le dessin est « une académiques, à l’école des nommée ainsi parce que la dans la forêt (1911), quoique et André Mare en herbe dessinent tout le occupation de foutriquet qui Beaux-Arts. Le jeune peintre créativité y bourdonne. Le marqués encore par l'influence temps, partout. Ils s'essaient ne [le] mènera à rien ». Ce décide donc de se tourner lieu accueille une centaine de de Cézanne, inaugurent ce deux artistes argentanais même à la peinture impres- dernier consent néanmoins à vers un enseignement plus jeunes artistes sans le sou, basculement de Fernand Léger sionniste, alors considérée ce que son neveu, à 16 ans, progressiste et rejoint l’Aca- dans des ateliers exigus mais vers le cubisme. La première À Argentan, le musée consacré à Fernand Léger, pionnier de la peinture comme avant-gardiste. Mais entre comme apprenti chez démie Julian, où l’efferves- aux loyers modestes. Fernand toile représente la mère de cubiste, et à André Mare, figure majeure de l'Art déco, vient d'ouvrir ses cette passion pour l'art mûrit un architecte de Caen, une cence règne autour de ceux Léger y côtoie l'avant-garde l'artiste en train de coudre. au détriment de leur scola- manière un peu plus sérieuse que l'on qualifiera bientôt artistique et littéraire de Mais, sans soucis de réalisme, portes. Portraits croisés de ces deux artistes argentanais qui connaîtront rité. e de manier un crayon. d'avant-gardistes. Les pre- l'époque : les peintres Robert il l'a composée géométrique- une renommée internationale dans la première moitié du XX siècle. Fernand Léger finit par être La scolarité d'André Mare est mières toiles importantes de Delaunay, Marc Chagall, ment. La seconde représente exclu du collège Mézeray et un peu moins chaotique. Ses Fernand Léger, Le Jardin de Amedeo Modigliani et Henri des corps, des bras, des jambes, e r n a n d gentan. Fernand Léger a 11 encourage, mais s'intéressent placé en internat dans un éta- professeurs le décrivent malgré Léger naît ans et André Mare 7 ans. Ils beaucoup moins aux autres blissement religieux de Tin- tout comme un « élève man- à Argentan en se découvrent une passion disciplines. Avec quelques au- chebray. Là-bas, il passe son quant absolument de sérieux, 1881. Son père est commune pour le dessin et la tres camarades férus de pein- temps à caricaturer les autres meilleur caricaturiste que can- marchand de bœufs, peinture, mais aussi pour le didat au baccalauréat ». Ses Fmais la famille vit surtout des polo à bicyclette et les specta- parents voient d'un très mau- rentes de leurs terres. Le petit cles de cirque, qui les lie très vais œil son enthousiasme Fernand n'a que 3 ans quand vite d'une indéfectible amitié. pour le dessin et la peinture, son père rend l'âme. C'est seul son grand-père comprend donc auprès de sa mère qu'il leur enfance son appétence pour les arts. grandit, sous la tutelle rigou- à argentan Celui-ci parvient à convaincre reuse de son oncle. André ses parents de le laisser entre- Mare voit pour sa part le jour Au collège Mézeray, Fernand prendre des études de déco- en 1885 au sein de la bour- Léger et André Mare suivent rateur, un métier qui devrait geoisie argentanaise bien éta- avec enthousiasme l'enseigne- lui permettre de gagner sa vie blie. Il reçoit l'éducation plutôt ment de leur professeur de tout en dessinant. stricte que l'on réserve aux dessin, qui les conseille et les petits garçons de bonne fa- mille. Le jardin du Musée Fernand- Les deux enfants se rencontrent La maison d'enfance de Fernand Léger – André-Mare, créé Léger, rue de l’Hôtel-de-Ville à d'après le tableau Le Jardin de sur les bancs du collège Mé- Argentan, aujourd'hui musée ma mère (1905) peint à ses zeray, fréquenté à l'époque par Fernand-Léger - André-Mare débuts par Fernand Léger tous les fils de notables d’Ar- (© Rodolphe Corbin). (© Rodolphe Corbin). 22 Patrimoine normand Patrimoine normand 23 ARts i FERNAND LÉGER & ANDRÉ MARE ARts i FERNAND LÉGER & ANDRÉ MARE Façade (a) et intérieur (b) « Art suivante, il expose au Salon Raymond Duchamp-Villon déco » de La Maison cubiste, projet mené par André Mare au d'automne les deux pièces réalise la maquette de l'en- salon d’automne de 1912 d'une maison bourgeoise dont semble de la maison et fa- (© Archives André Mare / IMEC). il a dessiné tous les meubles. brique la façade grandeur na- La table, les chaises, le buffet ture du rez-de-chaussée. André de la salle à manger, le bureau, Mare conçoit la décoration inextricablement entremêlés les fauteuils, la bibliothèque intérieure du salon et de la avec des troncs d'arbres, des du cabinet de travail sont re- chambre, en y intégrant no- feuillages. Fidèle au précepte marqués pour leurs lignes géo- tamment la toile de Fernand de Cézanne : « traiter la nature métriques épurées, dans un Léger Le Passage à niveau par le cylindre, le cône, la style s'inscrivant pleinement (1912). Le projet propose sphère, le tout mis en pers- dans l'Art déco émergeant à une architecture extérieure et pective », il crée une scène l'époque. Ses amis peintres et une décoration intérieure Art comme éclatée en de multiples sculpteurs rencontrés à l’Aca- déco audacieuse, mais aussi volumes géométriques. Les démie Julian lui ont prêté attentive aux traditions des deux toiles exposées en 1911 main-forte : Roger de La Fres- arts décoratifs. Il consacre la font sensation. Un critique naye et Marie Laurencin dé- réputation d'André Mare qui d’art réputé s’exclame alors, corent la cheminée, le nor- ouvre, en 1913, son propre non sans ironie : « Ce Léger mand Raymond Duchamp- atelier de décoration à Paris. n’est pas un cubiste, c’est un Villon réalise une sculpture Les commandes affluent. ''tubiste''' ! ». en terre cuite et Georges Avec Fumées sur les toits a Rouault exécute toutes les une « guerre (1912), Fernand Léger intro- faïences. Des toiles de Fernand cubiste » Léger et desdits amis para- chèvent l'ornementation des La guerre interrompt l'ascen- deux pièces. C'est un prodi- sion des deux artistes. En gieux succès : André Mare y 1914, Fernand Léger est en- gagne la notoriété et trouve voyé sur le front de la Marne acheteur. comme sapeur, puis en 1916 explose les corps sur le champ Une des vitrines du musée Fer- Au Salon d’automne de 1912, comme brancardier dans l'en- de bataille comme le cubisme nand-Léger – André-Mare expo- éclate les formes sur la toile, sant les créations de ce dernier il récidive avec un projet en- fer de Verdun. Il réalise de au sein de la Compagnie des Arts core plus audacieux de « Mai- nombreux dessins sur des cou- et l'épouvantable attente de Français (© Michaël Herbulot). son cubiste ». L’idée est de vercles de boîtes de munitions, la mort qui constitue le quo- présenter pour la première des cartes d’état-major ou au- tidien des soldats, transpa- et qui l’envoie aux quatre fois une architecture qui se tres supports de fortune, raissent dans le Soldat à la points cardinaux ».