Ubu Roi : Ubu Falstaff Et La Machine À Traduire 110
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SOCIÉTÉ DES AMIS D'ALfreD JArrRy uCentenaireвu d' ROI et. * Communications du Colloque International Hôtel de Massa, Société des Gens de Lettres, 6 décembre 1996 Université Paris III, Sorbonne Nouvelle, 7 décembre 1996 Réunies par Paul Edwards Publiées avec le concours du Centre National des Lettres + Dialogue intégral de la 5e Revue de l'OuTraPo L'ETOILE-ABSINTHE B.M. LAVAL ADULTE Tournées 77-78 1998 SOCIÉTÉ DES AMIS D'ALFRED JARRY L' Étoile-Absinthe Tournées 77-78 1998 Société des Amis d'Alfred Jany Association Loi 1901 Siège social : rue du Château 81140 Penne-du-Tarn Secrétariat : Paul Edwards 8, rue Dareau 75014 Paris U La correspondance concernant la revue peut parvenir à : M. Michel Décaudin 60, rue Fécamp 75012 Paris Phynance annuelle donnant droit à 4 numéros de L'Étoile-Absinthe : 150 F À verser par chèque banquaire ou postal [ C.C.P. 2836 31 L Toulouse ] à l'ordre de la Sté des A A.J. et à adresser au secrétaire. L'Étoile-Absinthe est publiée avec le concours du Centre national du livre. —La ûinofjravure est de Pascate Jïémery - © Société des Amis dAlfred Jarry, 1998 TABLE DES MATIÈRES Préface par Michel Décaiidin 4 Patrick BESNIER : "S'il me plaît" : Sur deux critiques théâtrales de Jarry à L'Art littéraire 5 JillFELL: La roue de Ste Catherine : Jarry, Breton et la méthode paranoiaque-critique 15 Stéphane UGARTE & Daniel GROJNOWSKI : La Chandelle verte: 1) Logique de la chronique 26 2) Les lumières du délire 35 # Spectacle de COuTra^o 54 # Habit %onde sur [es mises en scènes dllou Avec Guénolé AZERTHIOPE, Richard DEMARCY, Paul EDWARDS et Guilhem PELLEGRIN 75 J.-L. CORNILLE : Le Secret de Polichinelle 97 Paul EDWARDS : Traduire Ubu Roi : Ubu Falstaff et la machine à traduire 110 Riewert EHRICH : Les Ubus de Miré 128 Helga FINTER : Rire d'Ubu : Sur la descendance d'Ubu comme type comique 143 Philippe CATHÉ : Le Théâtre des Pantins : D'un avatar d'Ubu Roi aux prolégomènes de Pantagruel 158 Brunella ERULI : Ubu et les anges 185 Linda STILLMAN : Ubu a cent ans, Jarry est de la revue 197 Préface UBU A CENT ANS, JARRY EST DE LA REVUE Les cent ans d'Ubu Roi n'ont pas mobilisé les populations, ni inquiété les autorités, probablement plus motivées, comme on dit, par la mort de Verlaine et la naissance de Breton, sans d'ailleurs en relever la portée symbolique. De cette absence apparente, envers au noir de son omni-présence, nous avions nous-mêmes voulu tirer en bonne logique pataphysique le thème d'une célébration inexistante en organisant un colloque où l'on aurait parlé ni de la pièce ni de l'affreux bonhomme. D'où l'ouverture préconisée sur les activités de Jarry chroniqueur et journaliste. Mais chassez le Père Ubu, il revient au galop, aussi vite que s'il avait à ses trousses une armée de Polonais. Alfred, tu seras toujours de la revue! Un prompt renfort nous est venu de l'OuTraPo, qui prépara pour nous un Ubu centenaire. S'y est greffée une table ronde organisée par Milie von Bariter avec des interprètes et metteurs en scène d'Ubu Roi, Guénolé Azerthiope, Richard Demarcy, Paul Edwards et Guilhem Pellegrin. Quant aux communications, il suffit de voir la table des matières pour constater que quatre interventions concernent les revues, six Ubu, la dernière, celle de Linda Stillman glissant dans une clausule non préméditée de l'un à l'autre sujet. Ce colloque s'est déroulé sans le secours d'aucune phynance extérieure et s'est tenu dans des salles mises gracieusement à notre disposition par la Société des Gens de Lettres de France et par l'Université de la Sorbonne nouvelle. Ce volume d'Actes, qui constitue les tournées 77-78 de L'Étoile-Absinthe, est publié avec l'aide du Centre national des Lettres. Michel Décaudin "S'IL ME PLAÎT" SUR DEUX CRITIQUES THÉÂTRALES DE JARRY Patrick Besnier Les premiers textes critiques publiés par Jarry n'ont guère retenu l'attention, l'auteur lui-même les ayant laissés dans les pages de L'Art littéraire, dont il fit sortir en revanche la "Berceuse pour endormir le mort" et 1' "Acte unique" de César-Antéchrist. Ces textes sont pourtant à plus d'un titre remarquables en ce qu'ils montrent Jarry expérimentant déjà quelques procédés, un mode de pensée plus tard développés dans La Chandelle verte et les écrits critiques de sa maturité. Il s'agit essentiellement de la place occupée par le critique vis-à-vis de l'œuvre, de son autonomie. Jarry semble constamment poser la question: qu'est-ce qu'un critique? quelle est la position du lecteur ou du spectateur par rapport à l'œuvre dont il parle? J'ai retenu ici les deux critiques théâtrales parues dans les numéros de la nouvelle série de L'Art littéraire. Elles sont intéressantes parce que la critique théâtrale est un genre particulièrement codifié et que Jarry traite de représentations importantes à ce moment de l'histoire du théâtre symboliste — alors que très souvent il aimera plutôt discourir sur des œuvres évidemment mineures ou marginales. Ces deux critiques rendent compte de représentations au théâtre de l'Œuvre — là où sera créé Ubu Roi quelques années plus tard. À ce moment où Lugné-Poe entreprend sa révolution théâtrale, les jeunes rédacteurs de L'Art littéraire en mesurent immédiatement l'importance: en septembre 1893, le n°10 annonce les débuts de l'Œuvre, et les deux premiers spectacles, Rotnersholm et Un Ennemi du peuple sont critiqués dans les numéros 12 et 13. Dès juin 1893 (numéro 7), la revue avait consacré un article au Pelléas et Mélisande qui préfigurait la fondation de l'Œuvre. Lorsqu'il se rend au théâtre pour L'Art littéraire1 et manifeste son intérêt pour Hauptmann ou Ibsen, Jarry est donc parfaitement dans la ligne de la revue et se conforme plus généralement, à ce qu'on peut attendre d'un jeune poète de sa génération. Sa liberté de pensée et son originalité sont d'autant plus menacées. '. Un avis paru dans le numéro 8, p. 32, informe qu'on ne rend compte des pièces que sur invitation. Jarry est donc bien envoyé par L'Art littéraire. 5 Est-ce pour cette raison? Les premières lignes de l'article — les premières lignes publiées par Jarry en tant que critique — affirment avec force le caractère irréductiblement singulier du compte-rendu, comme si, enfermé dans sa subjectivité, il défiait quiconque de tirer une conclusion de son article — en contradiction évidente avec la mission traditionnelle de la critique. Toute connaissance étant comme forme d'une matière, l'unité d'une multiplicité, je ne vois pourtant en sa matière qu'une quantité évanouissante, conséquemment nulle s'il me plaît, et cela seul et véritablement réel qu'on oppose au vulgairement dénommé réel (à quoi je laisse ce sens antiphrastique), la Forme ou Idée en son existence indépendante.2 Qu'il soit dû à une distance ironique ou à l'excès de sérieux d'un très jeune homme pris de philosophie, le caractère abstrus de ces lignes ne correspond évidemment pas à l'incipit d'une critique de théâtre "normale". Inaugurant son activité critique, Jarry lui tourne le dos par ce prélude philosophique, et d'autant plus qu'au cœur de ce paragraphe se trouve l'affirmation d'une toute-puissance du moi — seul apte à définir le réel — aux dépens de tout ce qui n'est pas moi, le domaine du "vulgaire", de la foule. Le discours n'est pas très original: c'est l'idéalisme fin-de-siècle que Jarry partage avec la plupart des jeunes poètes de sa génération. Il est plus rare de voir fonder un discours critique sur ces bases mieux faites pour en anéantir la possibilité. Or, tout ce qui chez Jarry relève de la critique partira de cette même affirmation: prééminence du moi, promulgation d'un "s'il me plaît" hérité du royal "tel est mon bon plaisir". La suite de l'article montre combien peu Jarry se conforme aux normes de la critique: il ne fournit aucun résumé de l'intrigue, qui forme à l'époque l'essentiel des critiques de théâtre. Il ne donne pas davantage de précisions quant à la représentation (hormis une rapide allusion aux "tables rouges" du décor de Vuillard). Pas un mot en particulier, n'est consacré aux acteurs ou à la mise en scène de Lugné-Poe. Le texte fourmille en revanche d'allusions cryptées qui nécessitent la connaissance de la pièce pour être comprises.3 En somme, il s'agit davantage d'un essai sur la pièce de Gerhart 2. "Âmes solitaires" in OC I, 1003. 3. J'ai proposé un commentaire des allusions contenues dans ces deux critiques théâtrales dans VEtoile-Absinthe, n°39-40 (1988). 6 Hauptmann que d'un compte-rendu de la représentation.4 La présentation typographique de l'article est sur ce point révélatrice: il se trouve dans la première partie de la revue et non dans la section critique. Le titre, "Âmes solitaires", reprend celui de la pièce, mais sans aucune référence à Hauptmann ni au théâtre de l'Œuvre (qui n'est jamais nommé au long de l'article!). Le lecteur est supposé savoir ce qui se rapporte à la représentation ou, plus simplement, ne pas s'y intéresser. Au dernier paragraphe se manifeste une nouvelle tentative pour échapper au genre de la critique: Jarry introduit une sorte de refrain, une expression inattendue répétée en un lieu où rien ne l'appelle, où rien ne vient justifier la place qu'elle prend soudain. La voie du poème en prose si cher à la fin du siècle s'entrouvre alors comme si c'était la vérité cachée de ce texte, une architecture formelle se dessine, indépendante du développement critique.