X Ou Le Divin Dans La Poésie De Victor Hugo À Partir De L'exil
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CNRS LITTÉRATURE CNRS LITTÉRATURE Déjà parus : Marc ALLÉGRET, Carnets du Congo. Voyage avec André Gide, 1982 Ernest RENAN, Dialogues philosophiques, édition critique par Laudyce Retat, 1992 Michel CONTAT, Michel RYBALKA, Sartre. Bibliographie 1980-1992, 1993 Jean-Marie PRIVAT, Bovary, Charivari. Essai d'ethnocritique, 1994 Gérard LAMBIN, Homère le compagnon, 1995 Carole REYNAUD-PALIGOT, Parcours politique des surréalistes (1919-1969), 1995 Yves PEYRÉ, La Voix des mythes dans la tragédie élisabéthaine, 1996 Colette CAMELIN, Éclat des contraires. La poétique de Saint-John Perse, 1998 Christophe CUSSET, La Muse dans la Bibliothèque. Réécriture et intertex- tualité dans la poésie alexandrine, 1999 Margaret LLASERA, Représentations scientifiques et images poétiques en Angle- terre au XVIII siècle. À la recherche de l'invisible, CNRS ÉDITIONS/ENS ÉDITIONS Fontenay/Saint-Cloud, 1999 En couverture : Victor Hugo à Jersey, photographié par Charles Hugo, été 1853, musée d'Orsay, © RMN, et détail d'un dessin de Victor Hugo (carnet de 1856, n. a. fr. 13 447, f° 1 v°) © BnF. © CNRS ÉDITIONS, Paris, 1999 ISBN : 2-271-05706-X ISSN : 1167-5187 CLAUDE RÉTAT CNRS EDITIONS Pyrrhon (« Je te lâche, ô Dieu, ton étoile au visage ») Carnet de 1856 (© Bibliothèque nationale de France, n. a. fr. 13 447). Table des abréviations I. TITRES ABRÉGÉS AGP L'Art d'être grand-père AP I, II, III Actes et Paroles, I 2 3 vol. AT L'Année terrible Ch. Châtiments Cont. Les Contemplations CRB Les Chansons des rues et des bois DJC Le Dernier Jour d'un condamné FA Les Feuilles d'automne FM La Forêt mouillée FS La Fin de Satan HR L'Homme qui rit LPh. Littérature et philosophie mêlées LSI, II, III La Légende des siècles, I série, nouvelle série, série complémentaire Mis. Les Misérables Nap. Napoléon-le-Petit NDP Notre-Dame de Paris Ph. Philosophie. Commencement d'un livre PS Promontorium Somnii QVE Les Quatre Vents de l'esprit RO Les Rayons et les Ombres RR Religions et religion Th. lib. Théâtre en liberté TM Les Travailleurs de la mer WS William Shakespeare II. RÉFÉRENCES ABRÉGÉES - Mon édition courante de référence est l'édition du Club français du livre, sous la direction de Jean Massin : toutes les indications de tome et de page, du type : XI, 281, y renvoient (qu'il s'agisse du texte de Hugo, ou de l'appareil critique qui l'accompagne). Par commodité, j'ai désigné le I volume du tome XV-XVI comme le tome XV, et le deuxième volume du tome XV-XVI comme le tome XVI. - L'indication Dieu fr., I, II, ou III désigne l'édition par R. Joumet et G. Robert de Dieu (fragments) en 3 volumes. - Pour La Fin de Satan, la seule mention d'un numéro de vers fait référence à l'édition de R. Joumet et G. Robert (Contribution aux études sur Victor Hugo, II). - I.N. : édition de l'Imprimerie nationale. III. ABRÈGEMENT Ce travail concentre une thèse soutenue le 6 décembre 1996 (Université de la Sorbonne-Paris IV), sous le titre Le Divin dans la poésie de Victor Hugo à par- tir de l'exil. Il n'est ni un extrait, ni la réplique miniaturisée de ce texte. Introduction Je prends Hugo à son entrée dans l'exil (le 11 décembre 1851), soit à partir du moment où il habite ailleurs. D'une certaine manière il ne rentre pas, reste et se dit l'homme exilé, est propriétaire ailleurs Nous ne le quitterons donc pas à son retour à Paris (le 5 septembre 1870), et le suivrons jusqu'en ses dernières œuvres. La situation d'écart de l'exilé lui a ouvert, matériellement, un lieu para- doxal : un centre ou un « fond », un lieu sous les lieux, presque abstrait, où s'originent la Nature et le Principe. Il habite le divin. Mon projet n'était pas de m'enfermer dans la partie de l'œuvre qui met Dieu à l'affiche, qui impose le label métaphysique. L'entreprise a d'abord consisté dans un exercice du regard et de la lecture, par lequel pût arriver à per- ception un élément comme trop traversable de l'œuvre : un Dieu soluble, et dilué, et non fracassant, qui circule dans le texte comme y circule l'adjectif « divin », élimé jusqu'à en être invisible, bois divin, printemps divin, vin divin, enfant divin... Qu'on regarde, on verra qu'on commence par ne pas voir. Ce n'est pas une cheville, mais un mot qui fait tissu, qui est du fond, essentiel au point de ressembler à l'insignifiance. Le dictionnaire en montre l'usure : « divin » dit les plaisirs du goût (« le tabac est divin »), les conventions galantes (« divine princesse »). Hugo le prend avec cet assouplissement que lui donne la langue, non qu'il dévalue le divin dans le commun, mais plutôt il exprime, par le divin, le commun de Dieu. « Divin » se plie à tous les supports, adhère à l'ubiquité de Dieu, de l'insignifiant, ou de ce qui semble tel, au « prodige ». Transparence du divin. Il y a là, dans le langage, une facilité à dire Dieu, presque sans y penser, ou plutôt, à dire un mot qui met de Dieu en tout, et cela compose l'autre pôle de la tension vers l'imprononçable, vers le « vrai nom », toujours en recul, du transcendant, si frappante dans le poème de Dieu : l'usage même de « divin » expérimente en quelque sorte, dans le langage, l'immanence, habite en langage son domaine alors que le regard du poète se braque sur le mot « Dieu », et 1. Il est, depuis le 16 mai 1856, propriétaire d'une maison à Guernesey, achetée grâce aux Contemplations. 2. Je veux parler de la situation d'immanence du poète, et de la pratique poétique qu'elle inspire. Quant à l'« emploi » même « des mots immanent et immanence chez Victor Hugo », voir l'étude d'Y. Gohin, qui montre comment Hugo acclimate ces mots à sa pensée, et appro- fondit par eux sa pensée (à une exception près ils sont réservés à la prose). Y. Gohin retrace le contexte philosophique d'un affrontement entre penseurs de l'immanence et penseurs de la transcendance, et notamment l'évolution de cette notion dans les milieux protestants. se brise contre lui : dans cette épopée des religions où des êtres ailés énoncent l'un après l'autre un stade de la pensée humaine, le hibou le ramène au cri, voire au bruit « Dieu », comme si la voix allait plus vite que la pensée, et même sans elle : « J'ai dit : Dieu... Pourquoi ? » Elle tyrannise une pensée qui échoue à faire dégorger au mot son contenu, s'il en a un, et qui le trouve à la fois trop vide et trop plein. Ce n'est donc pas Dieu que j'étudie chez Hugo, quoique ce ne soit pas non plus d'autre chose que de lui qu'il puisse s'agir : divin, ce qui est de Dieu. L'accès est ouvert par là à une part essentielle de la pensée romantique, à ce qu'on pourrait appeler un Dieu déversé. Mon objet est l'extension de Dieu, Dieu perçu dans son épanchement. J'ai pris pour point de départ Les Chansons des rues et des bois, voulant montrer dans ce recueil, trop souvent tenu pour marginal et superficiel, le recueil le plus exemplaire du divin répandu, d'une expansion et d'une usure, et vou- lant le situer dans la création hugolienne, dans cette veine fondamentale, au plan de la poésie et de la pensée, que représente chez Hugo l'expression du quelconque : « répandu » est à prendre dans tous les sens du terme, et va jus- qu'au vulgaire. À mon point d'arrivée, nous aurons fait le tour, autant que cela se peut, de l'extension divine selon Hugo, en l'envisageant sous son aspect essentiellement actif : le divin n'est pas seulement répandu, mais il se répand en acte, il est une énergie expansive. Le divin n'est partout que dans la mesure où il va partout, où il se définit par un mouvement, une avancée, une conquête : il existe en occupant et dévorant l'espace. C'est pourquoi il n'est pas possible de décrire le divin chez Hugo comme s'il s'agissait d'un objet purement conceptuel (une notion de Dieu). Il serait plutôt dans la perception d'un mouvement, mieux, il est perçu (comme mou- vement) par le mouvement, par l'exercice du mouvement que le sujet trouve en lui-même, par la conscience du poète d'être un « marcheur », quelqu'un qui sème et qui souffle, diffuseur et conquérant dans l'ordre de l'esprit et du verbe. Le dernier chapitre voudrait ainsi montrer comment le poète, qui échoue, c'est vrai, à dire le « Mot » de l'Infini, va cependant son rythme, ce qui est une réus- site dans le mouvement et dans le langage, dans le langage en tant que mou- vement ordonné. J'ai donc voulu, non définir un Dieu que Hugo (conformément à tout le courant du romantisme) refuse, comme il l'écrit, de « finir », et dont le nom reste en noir, qui reste « X » dans toutes les « équations » du monde, mais suivre l'expression de ce divin qui est Dieu répandu et se répandant, et montrer le poète habitant et exerçant cette diffusion. « Le mal vient de la forme des dieux », dit le Satyre : l'intuition du divin purge Dieu de toute forme, met en prise sur une force. Les deux premiers chapitres montrent comment le poète prend place dans le monde : ils décrivent un milieu de l'exil qui est un milieu du divin.