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Dm français : poème XI du livre IV des Contemplations

Après la mort de sa fille Léopoldine par noyade dans la Seine en 1843, souffre énormément. En 1846, la fille de son amie , Claire Pradier, meurt de la tuberculose et c’est en revenant de son enterrement que Victor Hugo écrit ce poème qu’il publie dans le livre IV de son recueil Les Contemplations. Dans ce livre, Hugo décrit sa souffrance suite à la mort de sa fille, ses interrogations par rapport à celle-ci, sa perte de force de vivre. Le poème « On vit, on parle… » s’inscrit dans ce livre en tant que réflexion sur la mort et la force de vie humaine. Ce poème a une structure plutôt simple car c’est un poème sans strophe. Concernant les vers, ce sont des alexandrins et on remarque des rimes suivies. On peut identifier deux parties dans ce poème : la première est assez longue et relate une vie plutôt classique de jeune homme de sa jeunesse à une vie de famille et une vie chargée de travail tandis que la deuxième (vers13-fin) est relativement courte où il y a une ambiance de doute, la vie n’est pas aussi belle que quand on est jeune, puis la mort arrive dans le paysage et met fin à toute vie. Le fait que cette partie soit petite montre bien que la mort peut frapper de façon brève à tout moment. Cette mort évoquée ici permet à Hugo de montrer que notre existence ne tient qu’à un fil et propose une réflexion pessimiste sur la force de vivre en mettant en avant la proximité entre la vie et la mort. On peut ainsi se poser la question suivante : Dans quelle mesure la force de vivre rencontre- t-elle ses limites face à la perspective de la mort ?

I- Une vie classique exposée par Hugo A) Une vie de jeunesse Dans les 8 premiers vers, Hugo expose ce qu’est la vie quand on est jeune. Durant la jeunesse on ne se soucie de rien on vit sans troubles et sans soucis, comme le montrent ces vers : « on vit, on parle, on a le ciel et les nuages/ sur la tête ; on se plait aux livres des vieux sages / on lit Virgile et Dante ». Ici, on voit bien la vie de jeunesse qui est comme une vie de bohème, totalement détachée de la société. De plus, on remarque l’absence de trouble : « on va joyeusement / en voiture publique, à quelques endroits charmants/ en riant aux éclats de l’auberge et du gite » les jeunes n’ont aucun trouble et ne se posent aucune question sur leur avenir, on ne voit pas de problème de perte de force de vivre, au contraire on remarque que cette jeunesse décrite ici profite de la vie et puise leur force de vivre dans l’insouciance de leur jeunesse et leur vie en marge de la société et des troubles. On peut également remarquer ce bonheur dont les jeunes font preuve : « le regard d’une femme en passant vous agite ;/ on aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois ! ». Ici le bonheur provient de choses simples de la vie comme l’amour qui peut s’apparenter à une force de vivre.

B) Une vie de famille chargée Suite à cet amour naissant décrit précédemment, une vie de famille nait : « le matin on s’éveille, et toute une famille/ vous embrasse, une mère, une sœur, une fille ! ». on voit que le bonheur de l’amour devient maintenant un bonheur de famille et cela se voit par l’exclamation de l’auteur. Cependant cette vie heureuse de famille s’accompagne d’un travail qui peut être conséquent : « Tout le jour/ on mêle à sa pensée espoir, travail, amour », on remarque ici un enjambement qui peut mettre en avant la durée évoquée par « tout le jour ». Toute dans notre vie commence à se mélanger c’est ce que dit Hugo dans cette citation. De plus, le travail prend une place également importante dans notre vie : « on jette sa parole aux sombres assemblées » dans cette citation, il s’agit d’une allusion à l’activité politique. On remarque que Hugo détaille sa propre vie mais utilise le « on » pour inclure plus de personnes dans sa réflexion (détaillé dans le III) et qu’ici il fait référence à son expérience personnelle car d’après la note Hugo était pair de depuis le 13 avril 1845 et siégeait au Sénat quand il a écrit ce poème. Il énonce peut-être ce point car cela montre qu’il était très pris dans son travail et que celui-ci le privait de sa famille et donc du bonheur. D’où les termes utilisés pour qualifier son travail « jette sa parole », « sombres assemblées » qui sont des termes assez pessimistes.

II- Une vie classique pourtant menacée par la mort

A) Des difficultés qui apparaissent lors de la vie Hugo met en avant le fait que contrairement à la jeunesse, lorsqu’on est adulte la vie n’est pas si simple : « la vie arrive avec ses passions troublées ». Les passions peuvent s’apparenter à de l’adultère ou alors des problèmes dans la vie professionnelle. On voit que des doutes apparaissent et qu’on rencontre des difficultés lorsqu’on veut accomplir quelque chose : « devant le but qu’on veut et le sort qui vous prend, / on se sent faible et fort, on est petit et grand, / on est flot dans la foule, âme dans la tempête ». Ici Hugo par une vision binaire les doutes qu’on peut avoir et nos sentiments qui fluctuent au gré de la vie et que c’est difficile de vivre avec cela. On ne finit par ne plus savoir qui on est, ce que veut. On est troublé par la vie et ses épreuves à surmonter.

B) La mort met fin à toute chose Dans les derniers vers du poème Hugo conclut sur le caractère fluctuant de la vie et inattendu car la mort peut survenir à tout moment de la vie sans prévenir : « tout vient et passe ; on est en deuil, on est en fête/ on arrive, on recule, on lutte avec effort…--/ puis, le vaste et profond silence de la mort ! ». On voit dans cet extrait que la mort fait partie de la vie pour Hugo car la mort s’enchaine avec la vie. On peut noter les antithèses : « deuil / fête », « arrive/recule » qui insistent sur l’opposition entre la vie et la mort, ce qui souligne le caractère incertain de la vie ; et le rythme s’accélère et rend compte de la fuite du temps. Ainsi malgré notre lutte notre sort est inévitable : notre seul destin est la mort. De plus cela est mis en avant par la pause marquée par Hugo par l’utilisation d’un tiret et de points de suspension qui marquent une pause entre la lutte qui se termine par la mort. Hugo prend ici conscience de la condition humaine : notre vie est vouée à la mort.

III- Cette évocation de la vie fragile peut amener à réfléchir sur la force de vivre A) Hugo s’adresse à ses lecteurs et les invite à réfléchir sur la condition humaine Hugo utilise un « on » dans tout son poème et cela invite les lecteurs à s’identifier à son récit et ainsi à prendre part à sa réflexion sur la condition humaine. On a 22 répétitions de ce « on » inclusif, cependant même s’il s’adresse a priori à tous ses lecteurs il y a quelques occurrences où il semble s’adresser à des hommes : « le regard d’un femme en passant vous agite ». De plus, Hugo dans ce texte met en avant sa vie personnelle afin d’en faire un exemple pour nourrir sa réflexion et cela facilite l’identification à son texte. De plus la structure simplifiée sans strophe et avec des rimes suivies ainsi que le vocabulaire prosaïque peut permettre de toucher le plus grand public possible à suivre sa réflexion.

B) Une vision très négative sur la vie humaine : une perte de force de vivre ? Suite à sa constatation sur le destin funeste de l’homme, on peut s’interroger sur le message précis que véhicule ici Hugo. On remarque que sa vision est très pessimiste car même si elle commence avec le bonheur de l’insouciance de la jeunesse elle se finit sur une révélation pessimiste car d’après lui « on arrive, on recule, on lutte avec effort… » le sous- entendu est que malgré tous les efforts qu’on puisse faire, notre issue est la mort. Cependant, Hugo le présente comme une fatalité durant tout son poème au lieu de s’en servir comme une force. En effet, on remarque que Hugo est animé d’une perte de force de vivre car pour lui la lutte ne sert finalement à rien pour contrer la mort : « devant le but qu’on veut et le sort qui vous prend ». Il montre en effet que la vie implique toujours une confrontation entre les objectifs qui sont les nôtres et les aléas de la vie qu’on ne peut prévoir.

Pour conclure, d’après Victor Hugo la condition humaine est fixée par un destin funeste qui n’est autre que la mort et pour survivre à cela il ne propose pas de solution car selon lui ce destin apparaît comme une fatalité. Ce poème fait écho au poème « Claire Pradier » dans le livre V (qui est le livre où Hugo sort de son exil et reprend de la force de vivre pour faire son deuil) où Hugo fait l’éloge de cette femme morte à 20 ans presque comme Léopoldine, Hugo l’identifie à sa fille et s’adresse à pour comprendre la mort de cette jeune fille (« à qui mariez-vous, mon Dieu, toutes ces vierges ? ») (Tout comme dans « Trois ans après ». Dans ce poème Hugo oppose également la vie à la mort (du vers 31 à 42) et refuse d’accepter la mort de cette jeune fille (du vers 63 à 70). > très bon rapprochement

Commentaires : une excellente étude, bien menée, et qui tient compte de la façon dont le poème dessine une trajectoire qu’il nous invite à suivre : vous avez montré comment l’existence faisait passer de l’insouciance à la responsabilité, et voyait la mort peu à peu s’insinuer en elle ; et vous avez insisté tout au long de votre étude sur la vanité de l’existence dès lors que la lutte quotidienne menée pour vivre aboutit nécessairement à la mort. Cela rappelle le rôle des vanités en peinture, qui soulignent le caractère éphémère de l’existence. De fait, on peut observer un effet de chute dans le dernier vers qui oppose à toute l’agitation humaine décrite dans le poème la réalité de la mort à laquelle elle aboutit.