Les « affaires secrètes » de Paul Barril au

Benoît Collombat France Inter, 19 janvier 2014

L’ex-super gendarme de l’Ely- téresser aux affaires secrètes de Paul sée, Paul Barril, s’exprime pour Barril au Rwanda et aux coulisses de la la première fois, sur France In- politique africaine de la France. Alors il ter. Il est dans le collimateur de y a bientôt vingt ans, le génocide rwan- la justice pour son rôle pendant le dais faisait 800 000 morts, des , génocide au Rwanda, durant l’été mais aussi des Hutu modérés, massa- 1994. crés par les extrémistes hutu, un géno- L’ex-super gendarme de l’Elysée, cide qui a débuté le 6 avril 1994 après Paul Barril, s’exprime pour la première l’attentat contre l’avion du président fois, sur France Inter. Il est dans le rwandais Habyarimana. collimateur de la justice pour son rôle La France, Benoît, a été mise en pendant le génocide au Rwanda, du- cause pour son soutien au régime de rant l’été 1994. et aujourd’hui d’autres acteurs Il y a bientôt vingt ans, le géno- de cette histoire trouble sont rattrapés cide rwandais faisait 800 000 morts. La par la justice, comme l’ancien super- France a été mise en cause pour son gendarme Paul Barril. soutien au régime de Kigali, malgré les Benoît Collombat : Oui, Paul Bar- massacres. Et aujourd’hui, d’autres ac- ril, ancien membre du GIGN et de la teurs de cette histoire trouble sont rat- « cellule anti-terroriste » de l’Elysée trapés par la justice, comme l’ancien dans les années 80. Il se reconvertit membre du GIGN et de la « cellule dans le privé et la lutte anti-terroriste, anti-terroriste » de l’Élysée, Paul Bar- la protection et la surveillance des chefs ril, visé par une plainte pour « compli- d’États étrangers, notamment les chefs cité de génocide ». endabstract d’État africains. Le nom de sa so- [La voix étouffée de Paul Barril :] ciété résume parfaitement le person- « C’est pas une mission Paul Barril, nage. Elle s’appelle SECRETS. Paul c’est une mission de la France, c’est la Barril, 67 ans aujourd’hui, conseiller France qui a engagé au Rwanda. » auprès de l’émir du Qatar, est désor- Frédéric Barreyre : Bonjour, c’est la mais visé par une plainte pour « com- voix rare de Paul Barril que vous venez plicité de génocide au Rwanda ». Une d’entendre. Bonjour Benoît Collombat. enquête est ouverte depuis juillet 2013 Benoît Collombat : Bonjour. à la suite de la plainte de plusieurs Frédéric Barreyre : Alors vous nous ONG, la FIDH, la LDH, la Ligue fran- offrez un scoop aujourd’hui avec cette caise des Droits de l’homme, et l’as- interview de Paul Barril pour nous in- sociation Survie. Ce sont les juges du

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Pôle génocide à Paris qui sont désor- ril n’est pas allé plus loin comme le mais chargés de l’enquête. montrent des contrats et des factures Frédéric Barreyre : Et que re- de fournitures d’hommes, d’armes et prochent les juges du Pôle génocide à de munitions entre le gouvernement Paul Barril ? extrémiste hutu et la société de Paul Benoît Collombat : Des contrats Barril et ça, malgré l’embargo sur les de fournitures d’armes et de munitions armes des Nations Unies. Pour l’avocat pendant le génocide, des documents de l’actuel régime de Kigali, Bernard découverts lors de perquisitions au do- Maingain, tout cela montre que Bar- micile de Paul Barril par le juge Tré- ril aurait bien joué un rôle clé entre la vidic qui enquête, lui, sur l’attentat France officielle et les extrémistes du contre l’avion du président Habyari- régime Habyarimana. mana Bernard Maingain : Son rôle va tou- Frédéric Barreyre : Et comment jours être du côté de ceux qui vont réa- Paul Barril arrive au Rwanda, Benoît ? liser le génocide et de ceux qui vont Benoît Collombat : Alors selon tenter de le nier après sa réalisation. Barril c’est François de Grossouvre, Aujourd’hui la question qui se pose l’homme de l’ombre de François Mit- concernant Barril c’est jusqu’à quel terrand à l’Élysée qui lui met le pied point il a été complice d’un régime gé- à l’étrier au Rwanda au service du nocidaire. Imaginer que monsieur Bar- Président Habyarimana. Nous sommes ril soit sans lien et sans soutien à l’in- au début des années 90 et c’est à ce térieur de l’appareil d’Etat français est moment-là que Barril bascule, selon une très grave erreur d’analyse. Ce son ancien chef au GIGN, Christian n’est pas un électron libre. La question Prouteau. est jusqu’où vont ses soutiens et ses Christian Prouteau : Je dis qu’il est appuis, ses coopérations, côté armée, passé du côté obscur, en faisant réfé- côté Élysée et côté services de rensei- rence bien sûr à la grande série de ci- gnement. néma, la guerre des étoiles. Frédéric Barreyre : Juste après Benoît Collombat : Le côté obscur l’attentat contre l’avion du président de la force ? rwandais, Barril joue un rôle assez Christian Prouteau : Le côté obs- trouble en se présentant comme l’en- cur de la force c’est-à-dire que, il a eu quêteur personnel de la veuve du pré- par rapport aux idéaux que nous dé- sident Habyarimana, Agathe Habyari- fendions, nous, il a eu un cheminement mana, elle-même accusée d’avoir des complètement différent. Il est passé sur liens avec le noyau dur des extrémistes la défense de ses propres intérêts à tra- hutu. Aujourd’hui son avocat Philippe vers des moyens qui lui sont person- Meillac prend légèrement ces distances nels. avec Paul Barril. Benoît Collombat : Alors officielle- Philippe Meillac : Je vois pas pour- ment Paul Barril est chargé d’infiltrer quoi elle aurait été au courant des ac- les rebelles du FPR, le Front patrio- tivités de Paul Barril pendant le gé- tique rwandais, en guerre contre le ré- nocide. Paul Barril s’est présenté à elle gime Habyarimana qui, lui, est soutenu dans un moment où elle était effondrée. militairement par la France. Mais la Si ce qu’on dit sur lui dans le cadre justice se demande si le rôle de Bar- des procédures en cours, ce serait évi- 3 demment Paul Barril qui a cherché à plusieurs témoins disent l’avoir vu sur utiliser et pas le le terrain à cette époque y compris par- contraire. fois des militaires comme le colonel De- Frédéric Barreyre : Alors Benoît nis Roux qui a formé la garde présiden- que répond Paul Barril à ces accusa- tielle du Président Habyarimana. Il se tions de trafics d’armes ? souvient avoir croisé Barril lors de son Benoît Collombat : Alors devant le arrivée au Rwanda en août 1991. juge Trévidic il a nié le moindre soutien Denis Roux : Je me souviens l’avoir logistique aux génocidaires, Paul Bar- croisé une seule fois, c’est à mon arri- ril qui s’exprime pour la première fois vée au Rwanda, le jour de mon arri- à notre micro depuis sa mise en cause vée, il était à l’aéroport. On s’est salué, judiciaire. puisque lui devait me connaître comme Paul Barril : Je n’ai jamais vendu moi, moi bien entendu, comme beau- une cartouche ou une arme. Ça se sau- coup, nous le connaissions, et ça en est rait. Tout ça c’est des fantasmes et resté là. la société SECRETS, elle est habilitée Benoît Collombat : Oui, Paul Bar- Défense nationale, on est sous contrôle ril bien renseigné mais apparemmemnt du ministère de la Défense. C’est im- surveillé par les services secrets fran- possible de vendre sans autorisation. çais notamment la DGSE. Et je vous pose la question. Vous me Frédéric Barreyre : Alors vous parlez de contrats d’armes. Je vous dis, l’avez évoqué Benoît, son rôle dans dites-moi les armes, dites-moi la so- l’enquête sur l’attentat contre le pré- ciété qui les a transportées, comment sident Habyarimana est également très c’est arrivé. controversé. Oui Barril désigne le FPR Benoît Collombat : Alors il y a par et , l’actuel président exemple un contrat du 28 mai 1994 qui rwandais, comme l’auteur de l’atten- aurait été signé, contrat de fourniture tat tout comme le juge Bruguière qui d’armes et de munitions avec la four- enquête le premier sur cette affaire. niture d’une vingtaine d’hommes, plus Sauf que l’enquête actuelle du juge de 3 millions de dollars, est-ce que ce Trévidic s’oriente plutôt vers les ex- contrat a été exécuté ? trémistes hutu. Une expertise ballis- Paul Barril : Mais jamais, j’en tique désigne le camp de la garde pré- ai même pas connaissance. Quelles sidentielle comme l’endroit probable armes, quelles munitions ? d’où sont partis les missiles. Paul Bar- Benoît Collombat : Obus de mor- ril dément formellement le moindre tiers, grenades lien avec l’attentat ou avec des merce- Paul Barril : Vous êtes en train de naires. Mais Laurent Curt, l’avocat de me dire, Barril a transporté la tour la veuve du pilote français de l’avion Eiffel. Il y en a qu’une, ça se saurait. abattu, s’interrroge. Pas de munitions, pas d’armements, Laurent Curt : Monsieur Barril a c’est pas mon rôle. Vous croyez que la maintes fois déclaré qu’il ne se trou- France a besoin d’un capitaine Barril. vait pas dans le secteur du Rwanda Je ne suis pas un vendeur. à l’époque de l’attentat or nous avons Benoît Collombat : Paul Barril des éléments au dossier qui permettent nous assure qu’il n’est resté que 5 jours d’affirmer que monsieur Héraut le pi- au Rwanda entre 1990 et 1994, mais lote, le commandant de bord de l’avion 4 l’avait aperçu dans les 8 jours qui ont Benoît Collombat : Donc le 6 avril précédé le 6 avril 94 sur le tarmac de 94 vous dites que vous étiez aux Etats- l’aéroport de Kigali. Ça veut dire que Unis et pas au Rwanda. monsieur Barril avait ses entrées à l’aé- Paul Barril : J’étais aux Etats-Unis roport de Kigali. depuis plus d’une semaine et j’y suis Benoît Collombat : Impossible, je resté encore une semaine après. n’étais pas au Rwanda à l’époque ré- pond Paul Barril. Benoît Collombat : Oui, mais la Paul Barril : J’étais en Amérique justice le soupçonne de disposer à au Qadza ( ? ? ?) Je suis parti en l’époque d’un deuxième passeport qu’il Concorde. J’avais une mission pour la aurait donc pu éventuellement utiliser. GMF. Il y a dix personnes qui sont Le mystère Barril est encore loin d’être témoins que j’ai été en Amérique. Le encore levé. contrôle des passeports en Amérique Frédéric Barreyre : Merci Benoît en fait foi ainsi que je l’ai prouvé au Collombat. L’enquête de la rédaction juge. à retrouver sur franceinter.fr