Dossier UN LIEU POUR L'art
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Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N° 031 Dossier UN LIEU POUR L’ART UN LIEU DANS L'ART LA COMMÉMORATION PICTURALE DU DOSSIER CINQUANTENAIRE DE L'INDÉPENDANCE BELGE WERNER ADRIAENSSENS CONSERVATEUR COLLECTIONS XXe SIÈCLE, MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE THOMAS DEPREZ HISTORIEN DE L'ART Détail de la peinture Cinquantième anniversaire de l’indépendance belge par C. Van Camp, 1890, Palais de la Nation (huile sur toile) (© KIK-IRPA, Brussels). Bien qu’à la fin du XIXe siècle, la photographie était déjà parfaitement en mesure de représenter des manifestations de masse, les grandes célébrations étaient encore toujours immortalisées par des artistes peintres. Werner Adriaenssens et Thomas Deprez se sont plongés dans les sources iconographiques de la cérémonie du cinquantième anniversaire de NOTE DE LA RÉDACTION l’indépendance belge et la concurrence que se livrèrent quelques peintres pour s’attirer une commande officielle de l’État pour une représentation monumentale de ce moment hors du commun. Le Palais de la Nation, siège du évoque les célébrations patrio- aménagé pour l’exposition, a attiré Parlement fédéral, abrite une toile tiques du 16 août 1880. À l’époque, les foules en ce jour d’été, dans une monumentale, le Cinquantième une exposition nationale a été orga- chaleur torride. Van Camp s’en est anniversaire de l’indépendance nisée pour fêter les 50 ans de l’in- servi comme décor pour immorta- belge, que nous devons au peintre dépendance de la Belgique. Le parc liser la fête. Camille Van Camp (fig. 1). L’œuvre du Cinquantenaire, spécialement Un lieu pour l’Art N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 SEPTEMBRE - SPÉCIAL NUMÉRO - N°031 Fig. 1 C. Van Camp, Cinquantième anniversaire de l’indépendance belge, 1890 (huile sur toile, 303 x 480 cm), Palais de la Nation (© KIK-IRPA, Brussels, cliché X003442). BRUXELLES PATRIMOINES 043 UN Lieu DanS L'arT saires, et avec l’arrêté royal du 20 août 1879, l’Exposition nationale entrait dans le concret. Inaugurée le 16 juin 1880, la manifestation a officiellement refermé ses portes le 1er octobre (fig. 2 et 3). Au total, l’ex- position a attiré 1.498.251 visiteurs. Un véritable succès2. LE PARC DU CINQUANTENAIRE Pour accueillir l’Exposition natio- nale de 1880, les autorités ont choisi l’ancien terrain d’exercice militaire de la plaine de Linthout. Dès 1874, l’État belge et la Ville de Bruxelles Fig. 2 signent une convention prévoyant Cérémonie d’inauguration de l’Exposition nationale, 16 juin 1880 (extrait de The Illustrated l’aménagement d’un nouveau London News, 10 juillet 1880, p. 28). champ de manœuvres. L’ancien terrain sera transformé en parc et accueillera un monument. « Dans la pensée des parties contractantes, le monument devait être un édi- fice consacré à un Musée des arts décoratifs. »3 Les préparatifs de l’Exposition nationale accélèrent le projet. L’architecte Gédéon Bordiau se voit confier la conception du monu- ment. Il dessine un palais à deux ailes reliées par une colonnade en hémicycle flanquant un imposant arc de triomphe. C’est seulement en mai 1879 que le chantier com- mence. Faute de temps, seuls les pavillons d’angle reçoivent leur Fig. 3 forme définitive pour l’ouverture A. Heins, cérémonie d’inauguration de l’Exposition nationale, 16 juin 1880 (extrait de l’Exposition nationale. À l’inau- de Exposition Nationale 1830 1880. Album commémoratif, Bruxelles, Cie de Publicité et d’Émission, 1882, s.p.). guration, la colonnade et l’arcade n’ont pas encore dépassé le niveau une exposition universelle, a été inférieur. Ces constructions ina- L’E X P O SI T I O N abandonné. Au lieu de cela, propo- chevées sont ornées de sculp- NATIONALE DE 1880 sition fut faite de mettre sur pied un tures temporaires. Néanmoins, événement concentrant l’attention l’ensemble est réalisé « […] avec L’idée d’organiser une exposition sur la production nationale dans les une rapidité encore inconnue en nationale à l’occasion du cinquan- domaines de l’art, de l’industrie et Belgique »4. Comme le parc fut tième anniversaire de l’indépen- de l’agriculture-horticulture1. aménagé à l’occasion de l’Expo- dance belge date du début de 1878. sition nationale commémorant le C’est en partie pour des raisons Le 4 août 1879, Léopold II signait cinquantième anniversaire de l’in- budgétaires que le projet initial, la loi dégageant les crédits néces- dépendance belge, le site sera, par 044 LA FÊTE PATRIOTIQUE La principale célébration fut sans aucun doute la « Fête patriotique » du lundi 16 août 1880 (fig. 4), mar- quant officiellement le cinquante- naire de la Belgique. Dans la presse quotidienne, l’intérêt à l’égard du grandiose événement était tangible plusieurs jours à l’avance. Des articles répertoriaient les déléga- tions et les personnalités attendues ou non, décrivant l’habillage et la décoration du palais de l’Exposi- tion nationale. Pour l’occasion, la colonnade en hémicycle entourant l’arcade de part et d’autre fut amé- nagée en théâtre, avec des tribunes Fig. 4 pour 800 invités. La pelouse du A. Heins, La Fête patriotique du 16 août 1880 (extrait de Exposition Nationale 1830-1880. parc, accessible à tous, pouvait Album commémoratif, Bruxelles, Cie de Publicité et d’Émission, 1882, s.p.). accueillir non moins de 100.000 visiteurs. L’espace entre les deux pavillons d’angle servait de scène pour la cérémonie proprement dite. C’est aussi là que prenaient place l’orchestre et le chœur. L’accès à la scène empruntait un passage de 15 m de large partant du rond- point dans le parc. C’est par là que Léopold II et sa suite gagneront la Un lieu pour l’Art loge royale sous l’arcade, et que les personnalités ou groupements vien- dront présenter leurs hommages au souverain pendant la cérémonie5 (fig. 5). Le programme complet, publié quelques jours auparavant dans le Moniteur belge, était avidement reproduit par les journaux. Dans les jours suivant la fête, l’« historique » 16 août 1880 était largement évoqué Fig. 5 Vue du palais du Cinquantenaire avec tribunes, 1880 (extrait de Exposition Nationale 1830- dans la presse nationale et interna- 2019 SEPTEMBRE - SPÉCIAL NUMÉRO - N°031 1880. Album commémoratif, Bruxelles, Cie de Publicité et d’Émission, 1882, s.p.). tionale. Tout était méticuleusement organisé, dans le strict respect du la suite, appelé Cinquantenaire, en fut le théâtre de défilés militaires et protocole. La veille de l’événement, néerlandais Jubelpark. vit parader différentes divisions de à 20 heures, une salve de 21 coups la garde civile. La capitale accueillit de canon retentit, tandis que son- Divers événements et manifestations aussi un festival de musique avec naient toutes les cloches de la ville. furent organisés en marge de l’Ex- concours, un concours de chant, un Le 16 août, à partir de 8 heures du position nationale. À partir de l’ou- cortège historique national et bien matin jusqu’à la fin de la cérémo- verture et jusqu’au 19 août, Bruxelles d’autres festivités. nie, les salves d’artillerie se suc- BRUXELLES PATRIMOINES 045 UN Lieu DanS L'arT Fig. 6 Fig. 7 La Fête patriotique du 16 août 1880 (extrait de L’Illustration La Fête patriotique du 16 août 1880 (© AVB, F-2735). Européenne, 5 septembre 1880, p. 4-5). cédèrent sans interruption, tirées août 1880 en garderont un souvenir tout pour faire de La revue des écoles tour à tour par l’armée et la garde impérissable » commentait un quo- en 1878 un « hit ». civile. À partir de 10 heures, les tidien français6 (fig. 6 et 7). diverses délégations (armée, garde Les ingrédients du succès ont été civile, anciens combattants de 1830, bien analysés dans le quotidien représentants communaux, guildes, L’EXEMPLE DE LA REVUE L’Indépendance belge, qui considérait provinces, gouverneurs, magistrats DES ÉCOLES EN 1878 la toile comme « […] la quintessence et autres invités officiels) se ras- DE JAN VERHAS de la modernité »8. Quand le tableau semblèrent au parc de Bruxelles et fut exposé pour la première fois à la dans les environs pour se rendre au Durant la période de « Cinquante- lumière du cinquantenaire de l’indé- parc du Cinquantenaire par la rue naire-mania », la toile monumentale pendance, la parade des écoles de de la Loi, un périple de deux heures. La revue des écoles en 1878 du peintre 1878 apparaissait encore comme Toutes les délégations installées Jan Verhas a recueilli un vif intérêt une des cérémonies les plus réus- dans les tribunes, la famille royale (fig. 8). Le 22 août 1878, à l’occasion sies des dernières années. Sans fit son entrée. Elle fut accueillie par des noces d’argent du roi Léopold II oublier que le thème était d’une les présidents de la Chambre et du et de la reine Marie-Henriette, actualité brûlante en raison de la Sénat, les ministres, le président de quelque 23.000 élèves des écoles guerre scolaire. la Cour de cassation et le procureur bruxelloises ont défilé devant le général de cette instance. Suivirent couple royal place des Palais. Jan Le décor est très identifiable. Verhas une série d’allocutions en l’honneur Verhas, libéral et franc-maçon a peint la place des Palais avec vue du roi. apprécié dans les salons bourgeois, sur le Palais royal. Dans le public, on a représenté la parade des filles de aperçoit des personnalités comme les Le point culminant de la cérémonie l’enseignement officiel. Achevée hommes politiques Jules Anspach, fut le moment où les bourgmestres, en 1880 et présentée dans le cadre Charles Buls et les membres du les échevins et les représentants de l’Exposition historique de l’art conseil communal bruxellois.