Rapport De Geneviève Fioraso Sur La Filière Spatiale Française
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
1 2 3 En s’engageant d’abord - et c’était indispensable - dans les lanceurs et dans leur nouvelle Préface génération avec Ariane 6, la France a fait un choix clair et efficace. Par l’effet cumulé de la stabilité budgétaire et du retour géographique de l’ESA Le rapport demandé par le Premier Ministre vers notre pays, elle a aussi, de fait, moins investi Manuel Valls en janvier 2016 en lien avec les que ses voisins anglais ou allemands dans la ministères concernés, l’éducation nationale, filière aval des satellites, de leurs applications et enseignement supérieur et recherche, la défense des services associés. Le temps est maintenant et l’économie, porte sur « les enjeux et la venu d’étendre l’action nationale à ce volet. C’est prospective de la stratégie de la France dans le ainsi que le Premier ministre et les ministres secteur spatial au sein de l’Europe et dans un concernés ont souhaité effectuer les efforts contexte mondial ». appropriés pour adresser le marché des satellites en orbite géostationnaire comme des Cette mission intervient à un moment particulier constellations en orbite basse et des de l’histoire du spatial pour la France. En effet, pseudosatellites stratosphériques (ballons, grâce aux décisions engagées à la ministérielle de drones) dans le domaine des télécom- l’ESA à Naples en 2012, confirmées à celle du munications, de l’observation de la terre, de la Luxembourg en décembre 2014, l’engagement surveillance et des services associés. européen vers un nouveau lanceur, Ariane 6, plus modulaire, plus évolutif et plus compétitif, a C’est l’objet de ce rapport, ce qui explique aussi repositionné l’Europe, grâce à l’impulsion et au qu’il n’aborde pas ou peu les domaines de soutien décisifs du gouvernement français, dans l’exploration spatiale ou de la recherche la compétition mondiale. Le lanceur, socle du fondamentale liée à l’espace, même si une spatial, revêt en effet la même importance interaction existe bien entre l’amont de la filière stratégique que les composants électroniques ou les grands projets internationaux pour pour la filière du numérique. Si ce socle n’est plus l’exploration et l’aval. Les propositions de la maîtrisé, l’initiative est perdue sur l’agenda, les mission porteront donc davantage sur l’aval tests et les innovations, donc sur la (downstream selon l’acception utilisée dans le compétitivité : l’enjeu est le même pour le milieu très international du spatial), même si la numérique et le spatial, où l’amont et l’aval sont réalité démontre les interactions bénéfiques d’un indissociablement liés dans une chaîne de valeur système intégré où l’amont bénéficie de l’aval et qui prend sa force et sa pérennité dans son réciproquement. Il s’agit donc pour notre pays, intégration. Cette décision était donc nécessaire tout en continuant d’être vigilant sur la réussite et nous pouvons nous réjouir de l’avoir obtenue, de la réalisation d’Ariane 6, dans les délais et après un travail de persuasion qui a fini par payer. coûts définis, de tirer parti d’un marché Plusieurs enjeux stratégiques expliquent le émergent, appelé à une croissance à deux combat mené par la France pour préserver, grâce chiffres dans les années à venir. Il englobe les au lanceur Ariane 6, l’autonomie de l’accès à applications et les services dans des domaines de l’espace : la souveraineté tout d’abord dans une nature très différente : l’agriculture, la santé, filière plus duale que dans les pays voisins, en l’éducation, les télécoms avec l’accès à internet particulier l’Allemagne, le maintien des emplois pour tous et la contribution à la couverture dans l’industrie, majoritairement implantés dans numérique, la silver economy, les mobilités notre pays et la vitalité du Centre Spatial de durables, la surveillance, la défense, la dissuasion Kourou qui fait l’objet de propositions d’évolution nucléaire, la géolocalisation, l’observation, la dans le rapport. La réalisation du nouveau lanceur régulation des trains mais aussi des flux Ariane 6 est un sujet tellement stratégique, qui financiers. La diversité des sujets dans lesquels le conditionne de fait l’ensemble de la filière, que ce spatial joue un rôle décisif est impressionnante… rapport y a consacré un chapitre entier pour mais ce potentiel reste trop méconnu, en dehors confirmer les conditions de sa réussite. d’un champ assez restreint de spécialistes. Là aussi, le contexte mondial évolue très vite et, de 4 plus en plus, de nouveaux acteurs s’intéressent La conséquence immédiate de cette évolution, aux données issues du spatial et à leurs qui s’est accélérée au cours de ces trois dernières applications. Ils sont principalement issus du années, est, elle aussi, double : la réduction des secteur numérique, à commencer par les GAFA coûts des infrastructures de lancement et des (Google, Apple, Facebook, Amazon… mais aussi satellites mais, surtout, une offre de nature One Web, Virgin Galactic et toute une différente, avec des applications guidées par les constellation de start-ups). Le spatial est un usages et plus seulement poussées par les secteur qui bouge plus que jamais. Il est essentiel progrès technologiques. C’est l’espace au que la France anticipe ce mouvement mondial, service des citoyens. Cette réduction des coûts irréversible et assume son leadership européen et cette ouverture à des applications diversifiées au service de la démocratisation de l’espace, en ne signifie pas, au contraire, la diminution du faisant la promotion de l’accès à un espace soutien public. Le spatial reste un domaine de durable et utile au plus grand nombre. souveraineté. D’ailleurs, les investissements internationaux ont beaucoup augmenté depuis Ce rapport reflète six mois d’auditions d’acteurs quelques années, qu’ils soient publics ou privés. des secteurs public et privé, dans différents Beaucoup de nos interlocuteurs, à commencer pays d’Europe et d’outre-Atlantique. Il s’agit par l’agence nationale, le CNES, rappellent que d’une contribution à la stratégie nationale dans l’augmentation du budget spatial américain en ce secteur très porteur pour l’avenir, qui conjugue 2016, supérieure à 2 milliards $, correspond à elle enjeux de souveraineté, de science, d’exploration, seule au budget annuel du CNES. de développement économique, de dévelop- pement durable et de services aux citoyens. Ce Les investisseurs privés, majoritairement anglo- caractère transversal, à l’image du numérique, saxons ont, eux aussi, bien perçu la révolution explique le foisonnement et la diversité des numérique en cours : 21 milliardaires ont points de vue et des initiatives dans un secteur récemment investi dans l’espace et plus de 50 en pleine mutation : pas de position dogmatique sociétés d’investissement en capital-risque ont ni de gosplan dans ce rapport, mais une série de injecté 1,8 milliards $ dans cette économie en recommandations, de nature et d’échéances 2015, un montant supérieur à celui des 15 années différentes, à l’image de la diversité des précédentes cumulées. applications et des mutations qui bousculent ce Ce renouveau, communément défini sous le nom secteur et l’invitent à évoluer toujours plus de new space, peut être perçu comme une rapidement dans la période. menace ou une rupture brutale. Ce n’est pas l’avis développé dans ce rapport qui propose Car le spatial vit aujourd’hui une double révolution : d’envisager au contraire cette mutation comme une formidable opportunité de valorisation de - celle du numérique tout d’abord, qui accélère l’expertise nationale, au sein d’une Europe la démocratisation de l’accès à l’espace, avec ses remobilisée. Pour ne pas tomber dans le piège nouveaux acteurs, issus majoritairement de la réducteur d’un new space qui sous-entendrait Silicon Valley, leur culture du risque, de l’abandon d’une forme d’old space dépassé issu l’entrepreneuriat et leur volonté, soutenue par des trente glorieuses, ce rapport défend une des fonds privés et publics, d’investir dans le démarche de transformation moins artificielle et spatial, considéré, avec la santé comme le plus plus profonde vers l’open space, qui s’appuie sur grand pourvoyeur de métadonnées , le « big les expertises acquises pour s’ouvrir à une data » valorisable en « smart data » nouvelle culture. Il considère résolument les - la concurrence des pays émergents qui ont évolutions internationales comme une formidable identifié le spatial comme outil de souveraineté et opportunité. Avec ses compétences et levier de développement économique et sociétal : expertises reconnues dans le secteur spatial, ils ont l’avantage de pouvoir se lancer notre pays peut s’en saisir avec succès, en immédiatement dans ce nouvel éco-système du positionnant la France et l’Europe à la fois spatial. comme partenaires des nouveaux acteurs internationaux et comme promoteurs 5 volontaristes d’innovations et de ruptures ce qui la place en deuxième position mondiale technologiques. après les Etats-Unis pour l’investissement public par habitant. Nos industriels représentent 36 % Car notre pays, il faut le rappeler et s’en féliciter, des emplois liés au spatial en Europe et 54 % du possède de nombreux atouts dont il peut être chiffre d’affaires correspondant. Cette expertise fier. est d’ailleurs reconnue par la majorité des nouveaux acteurs du numérique ainsi que la NASA. Il faut d’abord évoquer, même si ce n’est pas C’est ainsi que la start-up One Web, qui vise à l’objet de ce rapport, les grands projets déployer des centaines de satellites en orbite scientifiques, porteurs du rêve et de la confiance basse, s’appuie sur les compétences de grands dans le progrès, qui poussent la croissance et la groupes et ETI françaises, que Google a engagé compétitivité économique autant qu’ils des partenariats avec le CNES et que les grands contribuent à l’universalité et la projection dans programmes d’exploration de la NASA bénéficient l’avenir.