Déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir de l’aiguille du Goûter

Étude pluridisciplinaire sur la voie classique d’ascension du

Jacques Mourey Pascal Lacroix, Pierre-Allain Duvillard, Guilhem Marsy, Marco Marser, Emmanuel Malet, Ludovic Ravanel, Olivier Moret

Juin 2020 © Matt Charland La traversée du Couloir du Goûter, en juillet 2019.

Jacques Mourey1, Pascal Lacroix2, Pierre-Allain Duvillard1, Guilhem Marsy1, 3, 4 , Marco Marser5 , Emmanuel Malet1, Ludovic Ravanel1, Olivier Moret6 1 Université Grenoble Alpes, université Savoie Mont-Blanc, CNRS, EDYTEM, 73000 Chambéry, France, [email protected] 2 ISTerre, IRD-CNRS-OSUG, université Grenoble Alpes, 38400 Saint-Martin-d’Hères, France. 3 Université Grenoble Alpes, université Savoie Mont-Blanc, LISTIC Polytech Annecy-Chambéry, France. 4 TENEVIA, 38240 Meylan, France. 5 Université Grenoble Alpes, Institut de Géographie Alpine, CNRS, PACTE, 38041 Grenoble, France. 6 Fondation Petzl, ZI Crolles, 38920 Crolles.

Relecture : Brigitte Luttiau Maquette :Stéphane Lozac’hmeur et Jacques Mourey

Photo de couverture : le Grand Couloir du Goûter (au centre) et l’aiguille du Goûter © Olivier Moret Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Sommaire

Introduction...... 4 1. Un suivi multiparamètre...... 5 1.1. Suivi en continu des déstabilisations rocheusesvia des capteurs sismiques...... 6 1.2. Suivi photographique de l’enneigement du Grand Couloir...... 8 1.3. Caractérisation et modélisation de l’état thermique du permafrost...... 9 1.4. Mesures en continu de la fréquentation...... 9

2. Caractéristiques des déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir du Goûter. 10 2.1. Échelle saisonnière...... 10 • Nombre d’événements...... 10 • Taille des événements...... 11 2.2. Échelle journalière...... 12 • Nombre d’événements...... 12 • Taille des événements...... 13

3. Facteurs conditionnant l’occurrence des déstabilisations rocheuses...... 14 3.1. Des déstabilisations rocheuses conditionnées par la quantité d’eau dans le sol...... 14 Action des cycles gel-dégel ...... 15 3.2. Rôle de la neige dans le déclenchement des déstabilisations rocheuses...... 17 3.3. Le rôle des cycles gel-dégel dans le déclenchement des déstabilisations rocheuses...... 17 • Échelle saisonnière...... 17 • Échelle journalière...... 18 3.4. Variations du schéma journalier entre les Périodes 1, 2 et 3...... 19 Ce qu’il faut retenir...... 20 3.5. Un contexte topographique et géologique favorable à des déstabilisations rocheuses...... 21 3.6. La dégradation du permafrost, responsable des événements de grande taille en fin de saison... 21

4. Fréquentation, déstabilisations rocheuses et accidentologie...... 24 • Échelle saisonnière...... 24 • Échelle journalière...... 26 Retour d’expérience pour la saison 2017...... 28

Conclusion...... 29 À retenir...... 30 Remerciements...... 31 Références...... 31

3 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Introduction

Cette étude s’inscrit dans la continuité des travaux scientifiques menés parle laboratoire EDYTEM (Université Savoie Mont-Blanc/CNRS) sur les effets du changement climatique sur les conditions de pratique de l’alpinisme (Mourey et al., 2019). Son objectif est de mieux comprendre les caractéristiques des déstabilisations rocheuses qui se produisent dans le Grand Couloir du Goûter ainsi que leur origine.

Les risques liés aux déstabilisations rocheuses Le terme de déstabilisation rocheuse sera utilisé sont particulièrement marqués au niveau de sur l’ensemble de ce document comme un terme la traversée du Grand Couloir et de l’arête du générique englobant l’ensemble des événements Goûter, sur la voie classique d’ascension du mont qui se produisent dans le couloir. Les termes de Blanc (4 809 m). Cet itinéraire est probablement chutes de pierres (Volume < 10 m3), éboule- le plus accidentogène des Alpes avec 3,7 accidents ments (10 à 100 m3) et écroulements rocheux mortels et 8,5 blessés en moyenne par saison (> 100 m3) seront utilisés pour distinguer plus estivale depuis 1990. Les déstabilisations précisément les déstabilisations rocheuses en rocheuses expliquent directement au moins fonction des volumes qu’elles mobilisent. 29 % des accidents et sont impliquées pour partie dans les dévissages à l’origine de 50 % des La finalité de ce rapport est avant tout opération- accidents. Cette accidentologie a fait l’objet d’une nelle. En mettant de nouvelles connaissances à étude détaillée menée en collaboration avec la disposition des acteurs politiques, profession- la Fondation Petzl à partir des procès-verbaux nels, fédéraux et plus largement à la commu- d’accidents rédigés par le PGHM, (https://www. nauté montagnarde, nous souhaitons aider à la petzl.com/fondation/projets/accidents-couloir- décision afin de mettre en place des mesures de gouter?language=fr, Mourey et al., 2018). gestion de l’itinéraire.

Malgré l’ampleur des processus géomorpho- La présente étude est à l’initiative du laboratoire logiques à l’œuvre et de la vulnérabilité des EDYTEM. Elle est le fruit de collaborations alpinistes, peu d’études scientifiques ont été entre une dizaine de chercheurs issus de réalisées sur ce secteur. Pour pallier ce manque, quatre laboratoires (EDYTEM, ISTerre, LISTIC, nous avons mis en place une étude pluridiscipli- PACTE). Mise en œuvre dans le cadre du projet naire dès l’été 2016 avec pour objectif principal EUALCOTRA AdaPT Mont-Blanc (Adaptation de de mettre en évidence les facteurs géomorpho- la planification territoriale aux changements logiques, nivologiques et météo-climatiques qui climatiques dans l’Espace Mont-Blanc) et Prevrisk conditionnent l’occurrence des déstabilisations Haute Montagne (Risques naturels émergents en rocheuses. Les risques pour les alpinistes dans ce haute montagne), elle a été finalisée grâce au secteur en seront d’autant mieux compris. soutien financier de la Fondation Petzl.

4 © DR Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

1. Un suivi multiparamètre

Les facteurs contrôlant l’occurrence des déstabi- alpinistes, ainsi que l’horaire et le sens de ces lisations rocheuses en parallèle de la fréquenta- passages, lors de la traversée du Grand Couloir ; tion de l’itinéraire ont été étudiés et quantifiés - des mesures topographiques à haute résolu- à travers un système de suivi multiparamètre et tion par balayage laser terrestre afin de préciser multiméthodes composé de (Figure 1) : la topographie du couloir, localiser les points - capteurs sismiques pour détecter les déstabili- de départ des déstabilisations, et mesurer les sations et estimer leur taille ; volumes déstabilisés ; - un appareil photo numérique automatique pour - deux stations météorologiques mesurant la suivre l’évolution de l’enneigement du couloir ; température de l’air à proximité du glacier de - trois capteurs de température de subsurface Tête Rousse (station IRSTEA) et du refuge du placés à 10 centimètres de profondeur dans la Goûter (station REQUEA) ; roche en vue d’analyser la présence et le régime - un pluviomètre, positionné au pied du couloir thermique du permafrost présent dans la face (3 270 m) mesurant les précipitations liquides. ouest de l’aiguille du Goûter ; Dans cette partie 1, les principales méthodes - un capteur de fréquentation pyroélectrique utilisées sont présentées afin de préciser leurs pour documenter le nombre de passages des portées et leurs limites.

3 228 m

Glacier de Tête Rousse

Refuge de Arête Payot Tête Rousse (3 187 m)

Glacier de Taconnaz

Refuge du Goûter (3 830 m) Aiguille du Goûter (3 863 m)

Vers le mont Blanc Glacier de Bionnassay (4 809 m)

Capteur de température du sol (2016-17-18-19) Refuge Capteur sismique (2018-19) Voie classique d’ascension du mont Blanc Capteur de fréquentation (2017-18-19) Grand Couloir du Goûter Appareil photo automatique (2016-17-18-19) Trajectoire principale des déstabilisations Station météorologique rocheuses N Pluviomètre 200 m

Figure 1. Suivi multiméthode du Grand Couloir du Goûter. Les années indiquées correspondent à la présence des différents capteurs.

5 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

1.1. Suivi en continu des déstabilisations rocheuses via des capteurs sismiques

Au cours de l’été 2011, une première étude sur les déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir avait été menée par la Fondation Petzl (https://www.petzl.com/fondation/projets/accidents-couloir- gouter?language=fr, Alpes-Ingé, 2012). Des comptages avaient été réalisés par un opérateur présent pendant 41 jours, de 8 heures à 18 heures, entre fin juin et mi-septembre. Cette étude avait permis de mettre en évidence certaines tendances, en général confirmées dans ce rapport.

La présente recherche, réalisée au cours des petites, à des blocs qui glissent dans le couloir étés 2018 et 2019, a permis un gain de précision sans impacts avec le sol, ou à des pierres/blocs et une durée de suivi supérieurs. L’occurrence amorties par la présence de neige, ne sont pas des déstabilisations a été mesurée en continu enregistrées. par des capteurs sismiques qui enregistrent les Par exemple, d’après les contres-comptages ondes sismiques que produisent les impacts réalisés sur le terrain, une pluie d’une centaine de des pierres/blocs, et qui se propagent dans le petites pierres de la taille du poing, potentielle- sol jusqu'aux capteurs. Ils permettent ainsi de ment fatale pour un alpiniste, est enregistrée si le détecter les signaux sismiques des déstabilisa- couloir est déneigé. À l’inverse, une unique pierre tions et donc de mesurer leur fréquence et leur de la taille du poing qui chute dans le couloir ne durée. Les données permettent également d’ob- sera très probablement pas mesurée, surtout si tenir une estimation des volumes mobilisés. elle glisse dans le couloir ou qu’elle est régulière- ment amortie par la neige dans sa chute. Dans les configurations de terrain où les capteurs sont très proches des zones d’impacts (< 200 m), Aussi, il ne nous est pas possible de les volumes minimaux détectés peuvent connaître exactement la part des événe- aller jusqu’à 0,05 m3 (soit 50 litres ou encore ments détectés par rapport au nombre réel 135 kilos de gneiss qui composent la face ouest d’événement. Les résultats présentés dans de l’aiguille du Goûter ; Dietze et al., 2017). Dans les sections suivantes sous-estiment donc la la configuration réalisée au couloir du Goûter, quantité de déstabilisations rocheuses. les sismomètres se trouvent encore plus proches des zones d’impacts (< 100 m) et sont alors en mesure de détecter des volumes plus petits L’évaluation des volumes étant particulièrement que 0,05 m3, mais pas forcément de manière difficile, au stade actuel de l’étude, il n'a pas été exhaustive. Les déstabilisations rocheuses avec encore possible de chiffrer le volume mobilisé des impacts trop faibles, liées à des pierres trop lors de chaque déstabilisation. Dans ce rapport, aucun chiffrage de volume ne sera présenté et l’intensité des déstabilisations rocheuses sera évaluée à travers l’énergie maximale (en joules) calculée à partir des signaux sismiques de chaque événement. Cette énergie est principale- ment reliée à la vitesse des blocs, au volume de roche en mouvement, mais également à d’autres paramètres comme la présence de neige dans le couloir ou la distance entre les capteurs et les impacts. Les impacts retenus ayant tous lieu dans le couloir, il faut retenir que l’énergie enregistrée Voir la vidéo sur Youtube: Grand Couloir (Mont Blanc) Rock falling 11/08/2015 https://www.youtube.com/watch?v=_LHwYupe_WE © DR fournit une estimation de la taille de l’événement.

6 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

L’intérêt majeur de cette méthode d’acquisition En 2018, année-test pour le dispositif, seuls trois de données est sa capacité à détecter en continu, sismomètres avaient été installés en rive droite du à toute heure (même la nuit) et par tout temps couloir (Figure 2.A). Ils ont opéré entre le 2 juillet les déstabilisations rocheuses. Les périodes où et le 8 septembre. Toutefois, suite à des difficultés elles sont les plus fréquentes et/ou les plus volu- de fonctionnement du matériel, des données véri- mineuses peuvent alors être identifiées. Une fois tablement exploitables n’ont été acquises qu’entre ces dernières détectées, il est possible en croisant le 16 juillet et le 10 août. De plus, tous les capteurs les données sismiques des différents capteurs de étant situés du même côté du couloir, il ne nous localiser les impacts et donc de ne garder que les a pas été possible de localiser l’origine exacte des événements qui se propagent dans le couloir. déstabilisations. On estime qu’environ 10 % des événements enregistrés ne se sont pas produits Pour cette étude, la détection/localisation servira uniquement dans le couloir, mais plus largement à étudier à l’échelle journalière et saisonnière les dans la face ouest de l’aiguille du Goûter. périodes les plus favorables aux déstabilisations Aussi, en 2019, les trois capteurs de la rive droite rocheuses pour en chercher ensuite l’origine. En ont été réinstallés et complétés par deux capteurs croisant l’inventaire des déstabilisations avec en rive gauche (Figure 2.B). L’installation a fonc- d’autres paramètres tels que l’enneigement, la tionné en continu du 28 juin au 16 septembre. La température de la roche, etc., les facteurs de présence de capteurs sur les deux rives du couloir déclenchement pourront être mieux compris a permis d’isoler strictement les événements qui pour les saisons estivales 2018 et 2019. s’y produisent.

A B Photos © Jacques Mourey © Jacques Photos

Figure 2. Matériels utilisés pour le suivi sismique. A. : Station sismique utilisée en 2018. B. Capteurs autonomes installés en 2019.

Le traitement des signaux sismiques issus Le traitement des signaux permet d'obtenir in des capteurs a été réalisé en utilisant une fine un inventaire des déstabilisations rocheuses méthode développée précédemment sur le dans le couloir, précisément localisées dans le couloir d’éboulis du mouvement de terrain de temps et dans l’espace, et assortis de leur durée Séchilienne en Isère (Lacroix et Helmstetter, 2011). et d’une énergie (indicatifs de leur volume).

7 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

1.2. Suivi photographique de l’enneigement du Grand Couloir

L’évolution du manteau neigeux dans le À l’inverse, l’eau peut dégrader les joints de Grand Couloir est un facteur important pour glace et entrainer des déstabilisations rocheuses comprendre l’occurrence des déstabilisations (Krautblatter et al., 2013). rocheuses. En effet, la présence d’un manteau Afin d’étudier l’évolution du manteau neigeux, neigeux tend à souder les blocs superficiels au un appareil photo automatique visant le couloir a versant tandis qu’il peut freiner voire stopper été installé en juin 2016 (Figure 3). Il prend quatre une pierre en mouvement dans le couloir. photos par jour sur l’ensemble de la période À l’inverse, lors de sa fonte, non seulement le estivale. Les photos ont fait l’objet d’un traitement manteau neigeux libère mécaniquement les en trois étapes : blocs instables, mais une quantité d’eau poten- 1) sélection des images propices à l’étude de la tiellement importante peut s’infiltrer dans les neige (absence de nuages, de buée, ou d’ombre) ; terrains, favorisant ainsi les déstabilisations 2) sur chaque photo, les pixels associés à la neige rocheuses par augmentation des pressions sont détectés et isolés (Fedorov et al., 2016 ; hydrauliques (D’Amato et al., 2016) et l’action Figure 3) ; des cycles gel-dégel. De plus, dans un contexte 3) ces mêmes pixels sont convertis en une surface de gel en permanence de la roche ­– ou perma- en mètres carrés par une technique de monoplo- frost –, le manteau neigeux peut ralentir consi- ting qui consiste à plaquer une photo en 2D sur dérablement les échanges thermiques avec la un Modèle numérique de terrain (MNT) en 3D – subsurface (Magnin et al., 2017b). acquis en 2016 par balayage laser terrestre.

Appareil Modèle 3D photo acquis par TLS. automatique.

Étape 1 : sélection des photos. Étape 2 : détection de la neige. Étape 3 : conversion des pixels en surfaces. Figure 3. Traitement des données issues de l’appareil photo automatique en vue de retracer l’évolution des surfaces enneigées dans le couloir.

Cette méthode permet de retracer l’évolution des surface enneigée dans le couloir peut apparaître surfaces enneigées sur l’ensemble de la saison très rapidement élevée alors qu’il ne s’agit que estivale et d’identifier précisément les périodes d’un « saupoudrage ». Une qualification visuelle de fonte. En revanche, la qualité et la quantité des caractéristiques du manteau neigeux (esti- de neige (et donc de l’eau liquide qui sera dispo- mation de l’épaisseur, type de neige, etc.) est nible) ne sont pas renseignées. Par exemple, souvent nécessaire, en complément de l’analyse après une chute de neige même réduite, la des surfaces.

8 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

1.3. Caractérisation et modélisation de l’état thermique du permafrost

L’état thermique du permafrost et notamment Le suivi de la température de la subsurface du sol son réchauffement (ou dégradation) est l’un des s’effectue au moyen de capteurs/enregistreurs facteurs majeurs influençant les déstabilisations autonomes (Geoprecision PT1000 ; Figure 4). rocheuses en haute montagne (Ravanel et al., Les capteurs sont placés à l’abri du rayonnement 2017). Dans le cas du couloir du Goûter, situé solaire, à 10 centimètres de profondeur dans la entre 3 300 et 3 800 m d’altitude, trois capteurs roche. Pour s’assurer qu’il n’y a pas d’influence de température ont été installés dans la roche en de la température de l’air, un joint de silicone juillet 2016. assure l’absence de circulation d’air entre l’exté- rieur et le trou dans lequel le capteur est installé (Ravanel et al., 2017). Les données acquises permettent d’analyser le régime thermique annuel de la subsurface et d’attester de la présence/absence de - perma frost. Ces données constituent également une des informations permettant de modéliser l’état thermique du permafrost dans le secteur d’étude (cartographie) et d’en retracer l’évolution à partir de la température de l’air sur les modèles de

© Pierre-Allain Duvillard Magnin et al., 2015a et 2017a, respectivement. Figure 4. Le capteur C1 à 3 345 m

1.4. Mesures en continu de la fréquentation

La fréquentation de l’itinéraire par les alpinistes technologie infrarouge passive à une lentille a été mesurée en continu par un capteur haute précision permettant à la fois de détecter la pyroélectrique (Figure 5 ; Mourey et Ravanel, chaleur émise par le corps (mesure du nombre de 2017) installé sur le bord du « sentier » avant la passages) et de déterminer le sens des passages traversée du couloir du 29 juin au 15 septembre avec l’avantage fondamental de ne pas être 2017, 2018 et 2019. Ce capteur combine une influencé par les conditions météorologiques. Ainsi, le nombre et le sens des passages devant le capteur sont enregistrés en continu avec une valeur chaque 15 minutes. Cela signifie que le nombre et le sens des passages sont connus pour chaque quart d’heure. La marge d’erreur du capteur a été quantifiée en réalisant un minimum de trois séances de contre-comptage manuel sur le terrain par saison estivale. Il est important de préciser que le capteur renseigne sur un nombre de passages et non sur © Jacques Mourey © Jacques un nombre de candidats au mont Blanc : un alpi- Figure 5. Le capteur pyroélectrique niste réalisant le mont Blanc en aller-retour va camouflé et scellé dans une anfractuosité, sur le bord du « sentier ». être comptabilisé deux fois par le capteur.

9 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

2. Caractéristiques des déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir du Goûter L’occurrence et l’énergie des déstabilisations de l’étude de 2011 (Alpes-Ingé, 2012), réalisée rocheuses dans le couloir ont été caractérisées sur 41 jours entre le 23 juin et le 17 septembre. du 16/07 au 10/08/2018 (26 jours) et du 29/06 Les résultats sont présentés à l’échelle saison- au 04/09/2019 (68 jours). La période d’acquisi- nière puis journalière qui sont les deux échelles tion est deux fois plus courte en 2018 en raison temporelles les plus pertinentes et utiles à un de problèmes techniques. Les données acquises alpiniste ou un gestionnaire de site ou de refuge. en 2018 ne seront donc pas directement utili- Les interprétations relatives aux facteurs – sées pour des analyses à l’échelle saisonnière en géomorphologiques, nivologiques et météo- raison de la faible durée d’acquisition. climatiques – qui interviennent dans le Les données notamment à l’échelle journalière déclenchement des déstabilisations rocheuses peuvent en revanche être comparées à celles seront présentées dans la partie 3.

2.1. Échelle saisonnière

• Nombre d’événements

En 2018, 747 événements ont été mesurés, Pour 2019, on remarque également et de manière pour une période d’acquisition de 26 jours, soit contre-intuitive que le nombre d’événements est 28 événements par jour. plus faible en seconde partie de saison. En 2019, 2662 événements ont été mesurés, Cette tendance avait été relevée en 2011 et se pour 68 jours d’acquisitions soit 39 événements retrouve aussi en 2018, bien que la période d’ac- par jour. Une déstabilisation rocheuse est alors quisition des données soit beaucoup plus courte mesurée en moyenne toutes les 50 minutes en et qu’une tendance saisonnière soit dès lors diffi- 2018 et toutes les 37 minutes en 2019. cile à identifier. Ainsi, en 2011, pour un même En 2011, où les déstabilisations étaient obser- nombre de jours d’observation en juillet et en vées uniquement pendant la journée et par une août (14), 66 % des événements recensés se sont opératrice capable de prendre en compte même produits en juillet. En 2019, la situation est simi- les événements les plus petits, une déstabili- laire avec 72 % des événements enregistrés en sation se produisait en moyenne toutes les 28 juillet. Aussi, en moyenne sur ces deux années, minutes. Dans la suite du rapport, nous parlerons 68 % des événements se sont produits en juillet, de pourcentage de déstabilisations rocheuses, contre 32 % en août. par saison, par jour et par heure, plus commodes pour donner des tendances et comparer diffé- Le nombre de déstabilisations rocheuses rentes périodes. est donc deux fois plus important en juillet qu’en août. À l’échelle d’une saison estivale, les variations du nombre d’événements sont très importantes (Figure 6), avec des pics d’activité qui peuvent être suivis par des périodes au nombre d’événe- ments très réduit, voire nul.

10 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

2018 12

8 (%/j.) 4

2019 Déstabilisations rocheuses 0 5 16/07 11/08

4

3

(%/j.) 2

1 Déstabilisations rocheuses 0 Juin Juillet Août Sept.

Figure 6. Pourcentage d’événements « déstabilisations rocheuses » par heure, par rapport au total des événements mesurés par saison estivale en 2018 et 2019.

On remarque par ailleurs quelques périodes volumes peuvent s’être produites et/ou la neige au cours desquelles aucune déstabilisation a pu atténuer/masquer les impacts. Cependant rocheuse n’est mesurée. Cela ne signifie toute- ces périodes marquent clairement des moments fois pas nécessairement qu’aucun événement de plus faible activité. ne s’est produit ; des chutes de pierres de petits

• Taille des événements

L’estimation du volume des événements reste À l’inverse, le nombre d’événements de grande très délicate. On peut toutefois formuler l’hy- taille (énergie maximale dépassant 4 mégajoules pothèse que plus l’énergie maximale (cf. § 1.1.) soit une énergie au moins 25 fois supérieure à dégagée lors d’un impact est importante, plus la moyenne ; Figure 7), probablement de type la déstabilisation rocheuse correspondante est écroulements (V > 100 m3), est relativement faible volumineuse. par rapport au nombre total de déstabilisations rocheuses : 0,7 % en 2019 (soit 19 événements). L’énergie maximale moyenne des événements calculée pour 2019 est de 0,16 mégajoule. 88 % Cependant, le fait que 19 événements des événements recensés ont une énergie maxi- de grande taille se soient produits dans male inférieure à la moyenne, qu’on peut alors le couloir est un marqueur d’une activité qualifier de « petits événements »(Figure 7). gravitaire extrême. Ce constat est aussi vrai pour 2018 et il est confirmé par l’étude de 2011 selon laquelle 85 % des événements sont de petite taille, mais déjà potentiellement mortels pour un alpiniste.

11 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

À l’échelle saisonnière, les déstabilisations En 2019, à l’exception du 29 juin, la totalité des rocheuses sont moins nombreuses sur la événements de grande taille s’est produite après deuxième partie de la saison, mais durent en le 27 juillet (Figure 7). Cette tendance se retrouve moyenne 10 secondes de plus (durée médiane en 2018, avec cinq des six événements de grande de 66 secondes en août 2019 contre 56 secondes taille qui se sont produits après le 2 août, même en juillet). En outre, c’est durant cette seconde si la période d’acquisition a été beaucoup plus partie de saison estivale que se produisent les courte. événements les plus volumineux.

40

30

20

10 nergie (en mégajoules) É nergie

0 Juin Juillet Août Sept. 2 500

2 000

1 500

1 000 Durée (s) Durée

500

0 Juin Juillet Août Sept.

Figure 7. Énergie maximale et durée de chaque déstabilisation rocheuse en 2019.

2.2. Échelle journalière

• Nombre d’événements

En moyenne à l’échelle de la journée, sur l’ensemble des données de 2018 et 2019, les D’après ces observations, il est aussi déstabilisations rocheuses s’organisent de la dangereux de traverser le couloir manière suivante (Figure 8) : la période de plus à 13 heures qu’à 22 heures. faible activité se situe le matin entre 2 h et 12 h, avec un minimum d’activité horaire entre 9 h et 10 h (2 % des événements journaliers). Ensuite, Il est important de préciser que ce schéma l’activité augmente nettement entre 12 h et est globalement le même sur l’ensemble des 20 h avec une fréquence maximale autour de périodes de mesure, mais il présente toutefois 19 h. 7,5 % des déstabilisations sont concentrées des variations en fonction de l’enneigement et entre 19 h et 20 h, soit un évènement toutes des conditions météorologiques (cf. : § 3.4.). les 24 minutes. Ensuite, la fréquence diminue progressivement, jusqu’à 9 h du matin.

12 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

8

6

4

2 Déstabilisations rocheuses (%) Déstabilisations rocheuses

0 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h

Pourcentage de déstabilisations rocheuses/heure

Figure 8. Évolution au cours d’une journée de la fréquence moyenne des déstabilisations rocheuses pour les étés 2018 et 2019.

• Taille des événements

À l’échelle journalière, les déstabilisations De plus, les 24 événements les plus gros recensés rocheuses les plus volumineuses se produisent en 2018 et 2019 se produisent en général en fin entre 15 h et 22 h, soit au moment où elles sont d’après-midi/soirée. aussi les plus nombreuses (Figure 9). Le moment de la journée où les déstabilisations rocheuses sont les plus petites est de 12 h à 15 h.

0,4

0,3

0,2

0,1 nergie (en mégajoules) É nergie

0 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h

Énergie moyenne/heure

Figure 9. Évolution au cours d’une journée de l’énergie maximale moyenne par heure des déstabilisations rocheuses pour l’été 2019.

13 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

3. Facteurs conditionnant l’occurrence des déstabilisations rocheuses

Dans cette partie, nous discutons des facteurs qui interviennent dans la préparation et le déclen- chement des déstabilisations rocheuses. Pour cela, nous avons croisé les périodes d’occurrence des déstabilisations rocheuses avec la dynamique des autres paramètres étudiés (température de l’air, température du sol, enneigement, fréquentation), afin de mettre en évidence leurs liens éventuels, aux échelles saisonnières et journalières.

À l’échelle saisonnière, nous distinguons bilisations diminue nettement ; elle est la plus trois périodes différentes, en fonction de la faible de la saison. Le couloir est complètement fréquence des déstabilisations rocheuses. déneigé. La période 1 (Figure 10) couvre la première Enfin, la période 3 (21/08 au 04/09/2019) se moitié de la saison (16/07 au 01/08/ 2018 et du caractérise par une légère augmentation de la 29/06 au 30/07/2019). Elle se caractérise par la fréquence des événements. Le couloir est ponc- fréquence de déstabilisations rocheuses la plus tuellement enneigé avant d’être à nouveau importante quand le couloir est encore partielle- complètement déneigé. Dans la suite de cette ment enneigé. section, les facteurs conditionnant les déstabili- Ensuite, la période 2 (02/08 au 10/08/2018 et du sations rocheuses seront discutés en fonction de 31/07 au 20/08/2019) où la fréquence des désta- ces trois périodes.

3.1. Des déstabilisations rocheuses conditionnées par la quantité d’eau dans le sol

À l’échelle saisonnière, le fait que la fréquence des températures de la roche en subsurface des événements est plus importante lors de la (10 cm de profondeur), les températures de première moitié de la saison estivale (Figure 10 – l’air ou encore la fréquentation. En 2019, une période 1) semble contre-intuitive puisque : période relativement froide – entre le 07 et le - de la neige est encore présente dans le couloir 21 juillet – s’est même traduite par un nombre en début de saison, amortissant les pierres/blocs d’événements particulièrement important. En et entrainant une sous-estimation du nombre et revanche, nous avons identifié une corrélation du volume des événements détectés par notre très nette entre la distribution à l’échelle journa- suivi sismique ; lière des déstabilisations rocheuses et l’évolution - le versant est encore froid, ce qui devrait limiter des températures de l’air. le nombre d’événements liés à la dégradation du permafrost, facteur communément associé au A l’échelle saisonnière, le seul facteur corrélé déclenchement de déstabilisations rocheuses en à la fréquence des déstabilisations rocheuses montagne. est l’enneigement du couloir (Figure 10). Pour À l’inverse, plus tard dans la saison, le couloir 2018 comme 2019, les déstabilisations sont étant en général complètement déneigé et la très nombreuses pendant la période de fonte température du versant plus élevée, le nombre du manteau neigeux (Figure 10 – périodes 1). d’événements devrait être plus important. Ensuite, leur fréquence diminue nettement Néanmoins, pour les deux saisons que nous lorsqu’il n’y a presque plus de neige où seul un avons étudiées, aucune corrélation directe n’a petit névé résiduel est encore présent dans la été identifiée entre la distribution à l’échelle partie basse du couloir au niveau de la traversée saisonnière des déstabilisations et l’évolution (Figure 10 – périodes 2).

14 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Dans cette deuxième période, certains pics et ponctuellement de précipitations liquides, d’activité coïncident alors avec les précipitations est la plus importante. Plusieurs processus de liquides (pluie). En 2019, une recrudescence de déclenchement, en lien avec la présence d’eau déstabilisations se produit à partir du 21 août, liquide dans la roche, sont alors possibles : suite à un ré-enneigement du couloir et plusieurs l’alternance de cycles gel-dégel (voir encadré épisodes de pluie (Figure 10 – périodes 3), ce ci-dessous) et l’augmentation de la pression qui confirme le lien entre les déstabilisations interstitielle (l’eau présente dans les fissures de rocheuses, la fonte de la neige et les précipita- la roche implique des pressions qui favorisent la tions liquides. mise en mouvement de blocs, d’autant plus dans On constate donc que les périodes où les un versant raide et fracturé ; Krautblatter et al., déstabilisations rocheuses sont les plus 2013). Nous verrons par la suite que ces deux nombreuses correspondent aux périodes processus sont à l’œuvre dans le Grand Couloir où la quantité d’eau liquide dans le couloir, du Goûter et sont en interaction sur différentes issue principalement de la fonte de la neige échelles de temps.

Action des cycles gel-dégel

L’alternance de cycles gel-dégel est un facteur important dans le déclenchement de déstabilisations rocheuses en montagne. Une phase de gel se caractérise par une expansion volumétrique de l’eau (+9 %). Si l’eau est confinée dans un volume limité, cette augmentation de volume entraîne une augmentation de la pression interstitielle d’environ 15 kg/cm², capable d’ouvrir les fissures et de fracturer la roche ; c’est la gélifraction (ou cryoclastie). Ainsi, la répétition de nombreux cycles gel-dégel va entraîner une fracturation de la roche, un élargissement des fissures et la formation de débris rocheux très anguleux appelés gélifracts. L’efficacité des cycles de gel-dégel dans le déclenchement de déstabilisations est principalement liée à la quantité d’eau dans le sol, la densité de fracturation et la fréquence à laquelle les cycles se produisent.

Lors de la phase de gel, il se produit en général une cimentation de l’ensemble des matériaux gelés, plutôt défavorable au déclenchement de déstabilisations rocheuses. À l’inverse, la phase de dégel se caractérise par la fonte de la glace, donc une perte de volume et un tassement du matériel dégelé, accompagné d’une décimentation et de l’infiltration d’eau liquide dans la roche. Ces processus sont donc favorables à la déstabilisation d’éléments rocheux, en général de petite taille (centimétrique à décimétrique), tels qu’observés dans le couloir. C’est pourquoi, à l’échelle journalière, les déstabilisations rocheuses sont plus fréquentes au moment du dégel.

À l’échelle saisonnière, les cycles gel-dégel sont naturellement plus nombreux aux intersaisons, lorsque la température augmente/diminue progressivement (avril-mai et octobre-novembre), avec des phases de gel et de dégel plus nombreuses. Toutefois, cet impact saisonnier des cycles gel-dégel sur les déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir n’a pas été étudié, la fréquentation étant très faible sur ces périodes de l’année et les capteurs sismiques étant installés trop tard dans la saison. Toutefois, si cet impact saisonnier n’a pas été étudié, nous verrons que le nombre de cycles gel-dégel joue un rôle dans le déclenchement de déstabilisations rocheuses, en lien avec la fonte du manteau neigeux.

15 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

2018 Période 1. Cycle gel-dégel/j. : 0,5 Période 2. Cycle gel-dégel/j. : 0,5 Temp. moyenne à 3 830 m : 0 °C Temp. moyenne à 3 830 m : 1,7 °C 12

8 (%/j.) 4

Déstabilisations rocheuses 0

30 000 20 20 000 16

03/08 12 Surface enneigée 10 000 8 Pourcentage de déstabili- sations rocheuses/j. 4 Surface enneigée (m²) Précipitations (mm/j.) Précipitations Cumul des précipitations/j. 0 0 16/07 Juillet Août 11/08

2019 Période 1. Cycle gel-dégel/j. : 0,4 Période 2. Cycle gel-dégel/j. : 0,5 Période 3. Cycle gel-dégel/j. : 0,8 Temp. moyenne à 3 830 m : 0,6 °C Temp. moyenne à 3 830 m : -0,7 °C Temp. moyenne à 3 830 m : 0,3 °C 5

4

3

(%/j.) 2

1 Déstabilisations rocheuses 0 35 30 000 30 25 20 000 20

15

10 000 03/07 30/07 16/08 10 Précipitations (mm/jr) Précipitations

Surface enneigée (m²) 5 0 0 Juin Juillet Août Sept.

Figure 10. Comparaison pour 2018 et 2019 du pourcentage de déstabilisations rocheuses par jour (par rapport au total des événements mesurés) avec l’évolution de l’enneigement (m²) et les précipitations (mm/j.).

16 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

3.2. Rôle de la neige dans le déclenchement de déstabilisations rocheuses

La fonte progressive de la neige pendant la Pendant les périodes de fonte du manteau période 1 (Figure 10) apporte une quantité non neigeux, le nombre de déstabilisations est deux négligeable d’eau liquide dans les fissures de la fois plus élevé en 2019 (une fois et demie en 2018) roche. La fonte entraîne une augmentation des que lors des périodes où la neige est absente du pressions hydrauliques interstitielles et favorise couloir. En revanche, le profil horaire des déstabi- en même temps l’action des cycles gel-dégel. Elle lisations reste globalement le même, avec un pic apparait donc comme un facteur important dans d’activité entre 18 h et 19 h (cf. : § 3.2.). le déclenchement de déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir. Par ailleurs, la présence/absence de neige dans le couloir joue un rôle sur la durée des évènements. En outre, la fonte progressive du manteau En l’absence de neige, une pierre ou un bloc va neigeux laisse apparaître des terrains dont l’état plus facilement en déstabiliser d’autres au cours de gel date de l’automne précédent et qui ont de sa chute, ce qui va éventuellement entraîner donc subi des contraintes mécaniques fortes une « pluie » de blocs, particulièrement dange- (cryoclastie notamment), liées au gel saison- reuse pour les alpinistes engagés dans la traversée nier. Aussi, dès que ces terrains ne sont plus du couloir. Ainsi, sur les périodes dépourvues de sous la neige, ils dégèlent rapidement et sont neige (périodes 2 et 3, Figure 10), les événements alors à l’origine de déstabilisations rocheuses, sont en moyenne 17 secondes plus longs (soit une entraînant un phénomène de purge saison- durée 13 % plus longue que la durée moyenne de nière du couloir, au fur et à mesure de la fonte l’ensemble des évènements) qu’en période où le de la neige. couloir est enneigé (période 1).

3.3. Le rôle des cycles gel-dégel dans le déclenchement des déstabilisations rocheuses

Comme présenté dans l’encadré (Action des cycles fréquence est évaluée en fonction du nombre gel-dégel), l’efficacité des cycles de gel-dégel dans moyen de cycles gel-dégel par jour sur une période le déclenchement des déstabilisations est princi- donnée. Par exemple, pour la période 1 (cf. : § 3.), palement liée à la quantité d’eau dans le sol et à la on relève 15 cycles gel-dégel en 32 jours, soit fréquence à laquelle les cycles se produisent. Cette 0,4 cycle par jour en moyenne.

• Échelle saisonnière

Le rôle des cycles gel-dégel dans le déclenchement dégel (mesuré à partir de la température de l’air de déstabilisations rocheuses est beaucoup au sommet du couloir) est très similaire : 0,4 cycle plus difficile à identifier que le rôle de la fonte par jour pour la période 1 contre 0,5 pour la du manteau neigeux. Sur les trois périodes période 2. Pourtant, il y a quatre fois plus de désta- identifiées, il n’y a pas toujours de lien entre le bilisations rocheuses par jour lors de la période 1. nombre moyen de cycles gel-dégel par jour et le Il semble donc qu’entre ces deux périodes, le rôle nombre de déstabilisations rocheuses. de la neige soit prépondérant dans le déclenche- Pour les périodes 1 et 2, le nombre de cycles gel- ment des déstabilisations rocheuses.

17 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

De plus, la période 2 est aussi la plus froide (tempé- plus important lors de la Période 3 (0,8 cycle par rature moyenne de -0,7 °C en haut du couloir) avec jour), soit responsable de l’augmentation du un dégel relativement faible (amplitude moyenne nombre de déstabilisations rocheuses. De plus, des cycles comprise entre -1,7 et 0,7 °c) et court (8 dans cette dernière période, les cycles gel-dégel heures par jour, contre 13 heures pour la Période sont d’autant plus efficaces que la fonte de la 1 et 11 heures pour la période 3) qui limite d’au- neige tombée le 20-21 août apporte de l’eau tant plus l’action des cycles gel-dégel. liquide dans les fissures de la roche (Figure 10). L’amplitude des cycles est aussi plus importante Entre la période 2 et la période 3 pendant (-1,5 à 2,6 °C) et associée à une période de dégel lesquelles le couloir est complètement déneigé, plus longue (11 h/j.). il est probable que le nombre de cycles gel-dégel,

• Échelle journalière

Bien que le nombre de cycles gel-dégel à l’échelle Le nombre de déstabilisations ne commence à saisonnière ne soit pas un élément majeur d’ex- diminuer qu’après 20 h, ce qui correspond en plication du déclenchement des déstabilisations moyenne au moment où la température de l’air rocheuses, le gel nocturne et surtout le dégel en haut du couloir repasse en dessous de 0 °C. des terrains de surface et de la neige pendant la journée jouent un rôle important à l’échelle Il est aussi important de repréciser que les événe- journalière. En effet, sur une journée, le nombre ments les plus volumineux se produisent en d’événements augmente et diminue en fonction général au moment le plus chaud de la journée de la température de l’air (Figure 11). (cf. : § 2.2.). Le fait qu’il n’y ait pas de regel de la La fréquence des déstabilisations est la plus roche à 10 centimètres de profondeur souligne la importante entre 13 h et 22 h avec un maximum faible intensité des cycles gel-dégel et ainsi leur entre 18 h et 20 h. Ce maximum intervient en rôle limité dans le déclenchement d’événements. moyenne 6 heures après le moment le plus Il est probable que le regel nocturne n’ait un chaud (température de l’air) de la journée en impact que sur les premiers centimètres sous la haut du couloir et 3 heures après le moment le surface rocheuse avec une cimentation unique- plus chaud à Tête Rousse (Figure 11). ment des éléments les plus fins, largement Le nombre d’événements commence à insuffisants pour un processus de cryoclastie. En augmenter en moyenne 3 heures après le retour revanche, ce regel même faible est suffisant pour d’une température positive de l’air en haut du stopper la fonte de la neige et favoriser un regel couloir. À l’inverse, le moment de la journée où en surface. il y a le moins d’évènements se situe entre 9 h et Seule l’année 2019 a été détaillée dans cette 11 h, après la période la plus froide qui a lieu entre partie, mais les observations sont similaires pour 23 h et 7 h. Il y a donc un décalage de quelques 2018. heures entre les pics de la température de l’air et le nombre de déstabilisations rocheuses, lié vrai- semblablement à l’inertie thermique de la neige et des terrains rocheux superficiels.

18 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

8 8

6 6

4 4 Température (°C) Température 2 2 Déstabilisations rocheuses (%) Déstabilisations rocheuses

0 0 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h

-2

Pourcentage de déstabilisations rocheuses/heure Température de l’air, station du Goûter (3 817 m) Température de l’air, station de Tête Rousse (3 150 m) Température de la roche en haut du couloir (3 665 m)

Figure 11. Évolution horaire de la fréquence moyenne des déstabilisations rocheuses, de la température moyenne de l’air à Tête Rousse et au Goûter et la température moyenne de la roche à 10 centimètres de profondeur en haut du couloir (C3) pour les saisons 2018 et 2019.

3. 4. Variations du schéma journalier entre les périodes 1, 2 et 3

Dans l’ensemble, la répartition moyenne des Le maximum d’activité se produit ensuite entre déstabilisations rocheuses présentée dans la 18 h et 19 h, soit 2 heures après le pic de chaleur figure 11 conserve toujours le même profil, avec qui intervient entre 16 h et 17 h. En août (Figure un pic d’activité en fin d’après-midi, mais elle 12.B.), le profil horaire se décale d’une heure plus est soumise à des variations d’intensité d’une tard avec une nette augmentation du nombre période à une autre. d’événements entre 13 h et 14 h ; ce qui corres- Par exemple, la comparaison entre la période 1 pond à nouveau au moment où le couloir passe (qui couvre l’ensemble du mois de juillet) et les progressivement au soleil, avec des tempéra- périodes 2 et 3 (qui couvrent le mois d’août) tures de l’air qui deviennent positives en haut du montre qu’en juillet il y a une nette augmenta- couloir et atteignent 6 °C en bas. tion de l'activité à partir de 12 h (Figure 12.A.), En revanche, en août, le nombre d’événements quand le couloir est complètement au soleil et sur l’ensemble de la journée est moins impor- pour des températures de l’air dépassant 2 °C en tant qu’en juillet et le nombre de déstabilisations haut du couloir et 6 °C en bas. Cette augmenta- diminue plus vite en début de nuit, en lien avec tion d’activité intervient en moyenne 3 heures des conditions plus sèches dans le couloir et une après un retour des températures positives de baisse plus rapide des températures. l’air au sommet du couloir.

19 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

A : Période 1 (juillet 2019) B : Périodes 2 et 3 (août 2019)

8 8

6 6

4 4

2 2 (°C) Températures

Déstabilisations rocheuses (%) Déstabilisations rocheuses 0 0 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h

-2 Pourcentage de déstabilisations rocheuses/heure Temp. de l’air, station du Goûter (3 817 m) Temp. de la roche en haut du couloir (3 665m) Temp. de l’air, station de Tête Rousse (3 150 m)

Figure 12. Comparaison des profils horaires moyens des déstabilisations rocheuses (par rapport au total des événements mesurés), de la température de l’air à Tête Rousse et au Goûter et de la température de la roche à 10 centimètres de profondeur en haut du couloir (C3) entre juillet et août 2019.

Ce qu’il faut retenir

L’ensemble des observations présentées confirme que les déstabilisations rocheuses sont d’abord contrôlées par la fonte progressive du manteau neigeux. Cette dernière apporte de l’eau liquide qui entraîne une augmentation des pressions hydrauliques interstitielles dans la roche et favorise l’action des cycles gel-dégel. Ces deux mécanismes favorisent le déclenchement de déstabilisations. La fonte de la neige déclenche par ailleurs mécaniquement la déstabilisation de pierres/blocs, qui étaient présents sous le manteau neigeux, ce qui entraîne une purge saisonnière du couloir.

Il en résulte que le nombre de déstabilisations rocheuses est trois fois plus important pendant la fonte du manteau neigeux (période 1) que lorsque le couloir est déneigé (périodes 2 et 3). Plus tard dans la saison, lorsque le couloir est complètement déneigé (périodes 2 et 3), la fréquence des déstabilisations rocheuses est beaucoup plus faible et semble principalement liée au nombre et à l’amplitude des cycles gel-dégel et ponctuellement à des précipitations liquides.

Seule l’année 2019 a été détaillée dans cette partie, mais les observations sont similaires pour 2018.

20 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

3.5. Un contexte topographique et géologique favorable à des déstabilisations rocheuses

L’ensemble des interprétations présentées avec une pente moyenne à 45° (jusqu’à plus ci-avant sont confortées par les caractéristiques de 50° dans la partie haute) sur 700 mètres de topographiques et géologiques du Grand Couloir dénivelé, ce qui favorise un appel au vide et la du Goûter qui est particulièrement favorable au mise en mouvement des pierres/blocs. Aussi, déclenchement de déstabilisations rocheuses. dans ces conditions, la déstabilisation de blocs En effet, le secteur est constitué de gneiss et est largement favorisée dès lors que l’eau est de micaschistes très fracturés et décomprimés présente dans les interstices de la roche. en surface, sur plusieurs mètres d’épaisseur,

3.6. La dégradation du permafrost, responsable des événements de grande taille en fin de saison

La survenue des événements les plus volumineux à l’occurrence d’écroulements en raison de la en fin de saison est très probablement liée à la dégradation du permafrost. De plus, des modé- dégradation du permafrost. Les études - précé lisations de la distribution des températures à demment réalisées sur les écroulements rocheux la surface de la roche sur l’ensemble de la face dans le massif du Mont-Blanc (par exemple : ouest de l’aiguille du Goûter (Figure 13), réali- Ravanel et Deline, 2010 ; Ravanel et al., 2017) sées à partir des mesures des températures ont montré que la dégradation du permafrost de la roche à 10 cm de profondeur (Magnin et entraîne une recrudescence des déstabilisations, al., 2015b ; cf. : § 1.3), montrent que le perma- mobilisant en général des volumes importants, frost est en cours de dégradation (température essentiellement par une modification de résis- moyenne annuelle comprise entre -2 °C et -4 °C) tance des joints de glace. dans la partie haute du couloir (Figure 13). Sur l’ensemble du massif du Mont-Blanc, les La partie basse du couloir est en limite inférieure écroulements (V > 100 m3), favorisés par une frac- du permafrost avec des températures comprises turation importante de la roche, se produisent entre -1 °C et 1 °C, peu favorables au permafrost. en majorité en fin de saison estivale, lorsque la La partie supérieure du couloir est localisée pénétration de l’onde de chaleur dans la roche dans une zone où la dégradation du permafrost est déjà bien avancée (approfondissement de la est favorable aux écroulements. Les mesures in couche « active » du permafrost, c’est-à-dire de situ des capteurs de températures entre 2018 la couche qui dégèle saisonnièrement). et 2019 confirment cette modélisation avec une Ils se produisent essentiellement dans des température annuelle moyenne de la surface de pentes comprises entre 40° et 60°, entre 3 400 et la roche entre à -1,1 °C pour C1, -2,8 °C pour C2 3 500 mètres d’altitude, une tranche altitudinale et -3,4 °C pour C3. où le réchauffement du permafrost conduit à Les caractéristiques altitudinales, topographiques des températures souvent comprises entre -2 °C et thermiques du couloir favorisent donc l’occur- et 0 °C connues pour être les plus favorables aux rence d’écroulements. Avec six événements de déstabilisations rocheuses. très grande taille mesurés en 2018 et 19 en 2019 Le Grand Couloir du Goûter, situé entre 3 200 et dans le seul Grand Couloir du Goûter, le suivi 3 800 m d’altitude, pour une pente moyenne de sismique confirme que ce secteur est instable et 45° à 50° et constituée d’un gneiss très fracturé, propice aux déstabilisations rocheuses associées rassemble de nombreuses conditions favorables à la dégradation du permafrost.

21 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Refuge du Goûter Température moyenne (3 830 m) annuelle du sol à 10 cm de profondeur (°C) C3 -5 Permafrost froid

-4

-3 Permafrost C2 en cours de -2 dégradation

-1 C1 0 Permafrost 1 improbable 2

Refuge de Tête Rousse (3 187 m)

Figure 13. Distribution des températures moyennes annuelles à la surface de la roche dans la face ouest de l’aiguille du Goûter. C1, C2, C3 correspondent à la position des capteurs de température installés dans la roche.

Dans le futur, il est probable que le réchauffement permafrost se réchauffe de 2 °C par décennie dans du versant continuera de favoriser des déstabili- la partie haute du couloir (position C3 Figure; 14). sations rocheuses. D’après une modélisation des C’est de ce secteur que provient une grande partie températures du sol depuis 2007 – extrapolation des déstabilisations actuelles et notamment les des températures du sol mesurées par les capteurs événements les plus volumineux. C1, C2 et C3 entre 2016 et 2019 en utilisant les Aussi, la dégradation du permafrost dans ce données de température de l’air mesurées depuis secteur (Figure 14) favorise des déstabilisa- 2007 à l’ (3 842 m) – la tempéra- tions rocheuses de plus en plus fréquentes et ture en subsurface et donc probablement celle du volumineuses.

10

5

0

- 5

- 10 Température du sol (°C) Température

- 15 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Température mesurée Température mesurée Température mesurée C1 Modélisation C2 Modélisation C3 Modélisation Courbe de tendance Courbe de tendance Courbe de tendance

Figure 14. Modélisation de la température du sol depuis 2007 et températures mesurées depuis 2016 pour les capteurs C1, C2 et C3.

22 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Enfin, on note que les événements les plus majeures dans le déclenchement d’événements volumineux se produisent pendant ou à la suite de grande taille en accélérant la dégradation de précipitations liquides (Figure 15). Il s’agit du permafrost (couloirs de dégel formés par la généralement de périodes au cours desquelles convexion de chaleur ; Hasler et al., 2011), la le volume des déstabilisations est plus important fonte des joints de glace, mais également en que la moyenne. L’infiltration d’eau dans les augmentant les pressions hydrauliques dans les fractures de la roche a des conséquences fissures (Krautblatter et al., 2013).

40

30

20

10 nergie (en mégajoules) É nergie

0 8

6 5 4

2 Précipitations (mm/h) Précipitations 0 Juin Juillet Août Sept.

Figure 15. Énergie maximale de chaque événement de 2019 et pluviométrie.

23 © Collection Jacques Mourey © Collection Jacques Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

4. Fréquentation, déstabilisations rocheuses et accidentologie

Les données de fréquentation (passage d’alpi- du couloir lors des saisons estivales 2017, 2018 nistes) présentées ci-dessous sont issues du et 2019, du 29 juin au 15 septembre. Dans l’en- capteur pyroélectrique en fonctionnement semble, elles confirment les observations et les quelques dizaines de mètres en aval de la traversée estimations de 2011 (Alpes-Ingé, 2012).

• Échelle saisonnière

À l’échelle d’une saison estivale, il y a en moyenne 500 passages par jour et de mieux répartir la 21 000 passages sur l’itinéraire, dont 45 % à la fréquentation sur l’ensemble de la saison. montée et 55 % à la descente. Une partie des Quand l’itinéraire fut déconseillé par arrêté alpinistes provient d’autres itinéraires, notam- préfectoral pendant la saison 2018 (Figure 16) ment les Trois Mont-Blanc (via le téléphérique à cause d’une période caniculaire entraînant de l’aiguille du Midi et le refuge des Cosmiques), une fréquence élevée de déstabilisations, le le versant italien du mont Blanc, et l’aiguille capteur enregistra une baisse de fréquentation de Bionnassay et emprunte l’arête du Goûter de 50 % durant les deux jours qui suivirent la à la descente. La fréquentation de l’itinéraire publication de l’arrêté (6 et 7 août). Il a ensuite est fortement dépendante de la météorologie. fait mauvais temps pendant trois jours (8-10 Quand la météo se dégrade, la fréquentation août) avec une fréquentation relativement diminue. À l’inverse, il suffit d’un créneau d’un ou faible (env. 150 passages/jour). Toutefois, l’ar- deux jours de beau temps pour que la fréquenta- rêté n’a pas empêché un pic de fréquentation tion augmente à nouveau (Figure 16). à 311 passages le 11 août avec le retour d’un temps ensoleillé. En 2017, bien que la fréquentation ait été plus faible qu’en 2018 ou 2019, celle-ci fut moins À l’échelle saisonnière, il n’y a pas de lien entre homogène et présenta des pics de fréquentation la fréquence des déstabilisations rocheuses et importants (sept jours à plus de 500 passages). la fréquentation. Des déstabilisations rocheuses En comparaison, ce seuil n’a été atteint qu’une fréquentes et/ou volumineuses ou à l’inverse seule fois en 2018 et jamais en 2019. Ce constat très faibles n’entraînent pas de modification de est certainement lié à la météorologie, plus enso- la fréquentation. Par exemple, en 2019, pour un leillée et stable en 2018/2019 qu’en 2017 où cinq même nombre de jours de beau temps, il y a eu périodes de mauvais temps sur plusieurs jours autant de passages en juillet et en août, alors que ont entraîné une concentration de la fréquenta- les chutes de pierres sont 2,6 fois plus fréquentes tion sur les périodes favorables. en juillet. À l’inverse, en 2018 et 2019, les périodes de mauvais temps ont été beaucoup moins longues, Pour mieux comprendre la répartition de la favorisant une répartition plus équilibrée de la fréquentation sur la saison, d’autres facteurs fréquentation. De plus, les mesures de régula- socio-économiques et de gestion de l’itiné- tion de la fréquentation mises en place en 2018 raire tels que le profil socioprofessionnel des – du 15 juillet au 17 août – et sur l’ensemble ascensionnistes, les modalités de réservations, de la saison 2019 ont aussi pu permettre de etc., devraient être pris en compte et étudiés réduire les pics de fréquentation en dessous des spécifiquement.

24 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

2017 2018 2019 Moy. 2017 - 18 - 19

Nbre total de passages 20 130 23 496 20 424 21 350

Moy. journalière 255 291 259 268

Moy. mensuelle (juil. /août) 8 802 9 076 8 058 8 645

Maximum 638 (13 août) 540 (23 août) 497 (14 août) 558

Répartition Montée 45,3 % 47,8 % 41,9 % 45 % des passages Descente 54,7 % 52,2 % 58,1 % 55 %

Incertitude de mesure 10 % 15 % 7,2 % 10,7 % 2017

700

500

300 Nbre de passages/j. 100 0 29/06 09/07 19/07 29/07 08/08 18/08 28/08 07/09 15/09

2018 15/07 au 17/08 06 au 14/08 700 NC

500

300 Nbre de passages/j. 100 0 29/06 09/07 19/07 29/07 08/08 18/08 28/08 07/09 15/09

2019

700

500

300 Nbre de passages/j. 100 0 29/06 09/07 19/07 29/07 08/08 18/08 28/08 07/09 15/09

Période où l’itinéraire est déconseillé en raison de chutes de pierres intenses. Période où la réservation au refuge du Goûter est obligatoire et véri ée par les forces de l’ordre.

Météorologie dominante par jour Journée ensoleillée Journée nuageuse Journée pluvieuse

Figure 16. Chiffres clés et évolution de la fréquentation pour les étés 2017 à 2019.

25 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Au total, 347 interventions des secours pour des Ce constat renforce l’idée que le nombre d’acci- accidents de type traumatique ont été néces- dents est principalement lié au nombre d’ascen- saires entre 1990 et 2017 entre le refuge de Tête sionnistes (très similaire en juillet-août et en Rousse et du Goûter (Mourey et al., 2018). juin-septembre). De plus, si les caractéristiques Le nombre et la date d’occurrence de ces acci- des déstabilisations rocheuses et des facteurs dents sont très variables d’une année à l’autre qui les conditionnent sont très variables entre avec un minimum de cinq interventions des juillet et août, le nombre d’accidents cumulés secours en 2002 et un maximum à 21 en 2015. sur les 27 années est le même : 114 en juillet En revanche, entre 1990 et 2017, il y a eu autant et 113 en août. Il est donc impossible d’affirmer d’interventions en juillet qu’en août (114 et que le couloir serait plus ou moins dangereux 113 respectivement) et autant en juin qu’en au début ou en fin de saison et de préconiser de septembre (54). fréquenter le couloir à une période en particulier.

• Échelle journalière

Sur une journée, la fréquentation s’organise Les premiers alpinistes atteignent le couloir aux selon le profil horaire présenté dans la figure 17. alentours de 10 h. À la descente, on note une Ce profil est globalement le même pour les trois hausse de la fréquentation entre 8 h et 15 h avec années. À la montée, il y a deux premiers pics un pic à 11 h 30, qui correspond à l’ensemble des de fréquentation à 2-3 h et 5-6 h du matin. Ces alpinistes descendant du sommet. derniers correspondent aux deux départs depuis Par conséquent , la grande majorité des alpi- le refuge de Tête Rousse. nistes traversent le Grand Couloir du Goûter Puis, un pic principal s’établit entre 10 h et 15 h entre 9 h et 15 h avec une fréquentation maxi- ; il correspond à l’ensemble des alpinistes prove- male entre 11 h et 12 h. nant du tramway du Mont-Blanc. Le premier En une heure, 11 % du total journalier des alpi- train arrive au Nid d’Aigle au plus tôt à 8 h 30. nistes traversent le couloir. © Matt Charland

26 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

8

6 12

10

4 8

6

2 4 Passages (%) Passages

Déstabilisations rocheuses (%) Déstabilisations rocheuses 2

0 0 h 2 h 4 h 6 h 8 h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h Heure Fréquentation Total Montée Descente

Pourcentage de déstabilisations rocheuses/heure. Pic de déstabilisations rocheuses potentiellement liées aux alpinistes.

Figure 17. Profil horaire moyen de la fréquentation des étés 2017 à 2019 et du pourcentage de déstabilisations rocheuses par heure en 2018 et 2019.

D’après nos observations de terrain, une part chutes de pierres ou de blocs. Ainsi, ces légères difficile à évaluer des déstabilisations est déclen- augmentations du nombre d’événements -pour chée par les alpinistes eux-mêmes depuis la rive raient être d’origine anthropique. gauche du couloir. En l’état, les données acquises ne permettent Sur la période 1990-2017, l’intervention des pas de mesurer avec précision quelle est la part secours pour un accident est demandée en anthropique dans le déclenchement de désta- moyenne vers 13 h. Cela correspond au moment bilisations rocheuses, notamment parce que les où il y a le plus de monde dans le secteur du événements les plus petits ne sont pas mesurés Grand Couloir, avec un nombre d’évènements qui par l’instrumentation sismique. On remarque a déjà doublé par rapport au milieu de matinée. toutefois qu’il existe deux moments de légère En revanche, quand les déstabilisations sont les suractivité de déstabilisations rocheuses pendant plus fréquentes, c’est-à-dire entre 18 h et 2 0h, la la nuit vers 4 h et 7 h du matin, soit 2 heures après fréquentation est très faible. les premiers pics de fréquentation à 2-3 h et 5-6 h (Figure 17). On peut faire le même constat Ce constat confirme la nécessité pour pour le léger pic d’activité entre 13 h et 14 h : il les alpinistes arrivant du Nid d’Aigle de se produit 2 heures après le pic de fréquentation traverser le couloir le plus tôt possible, si principal de 11-12 heures. possible avant midi quand la face ouest de Ce laps de temps de 2 heures correspond à la durée l’aiguille du Goûter est encore à l’ombre, et nécessaire pour que les alpinistes atteignent la de ne pas attendre la fin d’après-midi ou le partie haute du couloir depuis la traversée, où début de soirée, période de la journée la ils sont les plus susceptibles de déclencher des plus « exposée ».

27 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Retour d’expérience pour la saison 2017

La saison 2017 se caractérise par un nombre d’accidents très importants avec huit blessés et, surtout, onze décès entre les refuges de Tête Rousse et du Goûter. Le début de saison avait été marqué par une période caniculaire au cours de laquelle l’itinéraire avait été déconseillé en raison des très fréquentes déstabilisations rocheuses observées du 21 au 27 juin. Selon de nombreux alpinistes et guides de haute montagne, la saison 2017 a dans l’ensemble été marquée par beaucoup de déstabilisations rocheuses. Concernant la fréquentation, elle a été hétérogène et s’est organisée autour de pics marqués (plus de 600 passages/j.).

En se basant sur les connaissances acquises en 2018 et 2019 grâce aux mesures sismiques, on peut expliquer le régime des déstabilisations en 2017 par un ré-enneigement important du couloir à cinq reprises (contre un en 2019 et zéro en 2018) et par des précipitations liquides plus fréquentes. En revanche, les hautes fréquences de déstabilisations rocheuses de juin sont liées à un épisode caniculaire tôt en saison qui accélère la fonte du manteau neigeux et la dégradation du permafrost. Ce phénomène a été étudié à l’échelle du massif du Mont-Blanc pour les années caniculaires de 2003 et 2015 (Ravanel et al., 2017).

Dans l’ensemble, la saison 2017 cumule donc plusieurs facteurs défavorables à la pratique de l’alpinisme avec : - une canicule de début de saison estivale ; - des précipitations et un enneigement régulier, entraînant des déstabilisations fréquentes ; - une fréquentation qui s’est organisée autour de pics marqués.

28 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Conclusion

Les résultats présentés dans ce rapport amé- surtout des événements volumineux, plutôt en liorent la compréhension de l’occurence, la taille fin de saison estivale le temps que l’onde de et les facteurs de déclenchement géomorpho- chaleur saisonnière pénètre en profondeur dans logiques, météorologiques et climatiques des la roche. déstabilisations rocheuses dans le Grand Cou- loir du Goûter. Ce déclenchement est lié à trois Toutefois, il convient de rappeler que cette étude phénomènes qui agissent à différentes échelles présente deux limites principales : temporelles : - elle ne porte que sur deux saisons estivales - la fonte de la neige qui entraîne des déstabili- (dont une incompléte) ; sations mécaniques et qui apporte de l’eau dans - les déstabilisations les plus petites – sûrement les fissures de la roche, favorisant l’augmentation les plus nombreuses – ne sont pas systématique- de la pression interstitielle et l’action des cycles ment détectées. gel-dégel ; Le nombre de déstabilisations rocheuses dange- - les cycles gel-dégel journaliers qui jouent un reuses pour les alpinistes est donc sous-estimé. rôle lorsque le couloir est déneigé, ponctuelle- En outre, une analyse sur une série temporelle ment favorisés par des précipitations liquides ; plus longue permettrait sûrement de mieux - la dégradation du permafrost également favo- hiérarchiser les facteurs de déclenchement mis risée par les précipitations liquides, qui déclenche en évidence. © Pierre-Allain Duvillard

Alpinistes arrivant au sommet de l’arête du Goûter (3 817 m)

29 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

À retenir

Malgré des limites (cf. Conclusion), cette étude fournit des informations précieuses pour les candidats au mont Blanc :

- le nombre de déstabilisations rocheuses mesuré au cours de cette étude est un marqueur d’une activité gravitaire extrême ;

- en 2019, une déstabilisation rocheuse est mesurée en moyenne toutes les 37 minutes et toutes les 24 minutes lors du pic d’activité entre 19 h et 20 h ;

- la fréquence maximale des déstabilisations rocheuses intervient entre 18 h et 20 h. Elle augmente en moyenne trois heures après le retour de températures positives au sommet du couloir ;

- le passage du couloir au soleil marque le moment où les déstabilisations rocheuses deviennent plus fréquentes et volumineuses ;

- le moment de la journée où les déstabilisations rocheuses sont les moins fréquentes se situe entre 9 h et 10 h du matin ;

- le couloir est aussi dangereux à 15 h qu’à 22 h ;

- les déstabilisations rocheuses sont plus fréquentes en début de saison, favorisées par la fonte de la neige. Ces événements sont en revanche assez peu volumineux, mais déjà dangereux pour les alpinistes ;

- la fréquence des déstabilisations rocheuses est plus faible sur la deuxième moitié de la saison estivale, mais les événements les plus longs (« pluie de blocs ») et les plus volumineux s’y produisent ;

- l’eau liquide présente dans les fractures de la roche semble être le facteur principal pour évaluer le danger de déstabilisations rocheuses. Plus il y a d’eau liquide dans les fissures de la roche (eau de fonte/précipitations), plus les déstabilisations rocheuses sont nombreuses. L’alpiniste se méfiera particulièrement des périodes de fonte ou après un épisode de pluie/orage ;

- la présence de neige dans le couloir n’est pas nécessairement un gage de sécurité, les périodes de fonte de la neige favorisant l’occurrence de déstabilisations rocheuses ;

- une période froide marquée par de fréquents cycles gel-dégel sera favorable à l’occurrence de déstabilisations rocheuses. Seule une période froide sans dégel (rare en été) peut diminuer la fréquence des déstabilisations.

30 Déstabilisations rocheuses - Grand Couloir du Goûter

Remerciements

Les auteurs remercient chaleureusement Didier Hantz et Florence Magnin pour leur aide dans l’analyse des données, Pierre Dubois de l’entreprise REQUEA pour nous avoir donné accès à ces données, Antoine Rabatel (IGE) pour le prêt d’un lidar longue portée et Emmanuel Thibert (INRAE) pour l’accès aux données de la station météorologique de Tête Rousse. Nous remercions également Marc Whatelet, Axel Jung, Sandrine Roussel et Laurent Metral du laboratoire ISTerre pour leur aide sur le terrain et la mise en place des sismomètres et Bertrand Guillet pour nous avoir prêté son matériel de mesure sismique. Merci également à la Mairie de Saint-Gervais, pour son soutien dans la réalisation de ce travail, à la Compagnie du Mont-Blanc pour nous avoir facilité l’accès gracieusement au site via le tramway du Mont-Blanc et à l’ensemble des personnes qui nous on aidés sur le terrain pour porter et mettre en place le matériel. Cette étude a été financée par le projet EU ALCOTRA AdaPT Mont-Blanc et la Fondation Petzl.

Références

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31 Déstabilisations rocheuses dans le Grand Couloir de l’aiguille du Goûter

Étude pluridisciplinaire sur la voie classique d’ascension du mont Blanc

Cette étude s’inscrit dans la continuité des travaux scientifiques menés par le laboratoire EDYTEM (Université Savoie Mont-Blanc/CNRS) sur les effets du changement climatique sur les conditions de pratique de l’alpinisme. Elle est le fruit de collaborations entre une dizaine de chercheurs issus de quatre laboratoires (EDYTEM, ISTerre, LISTIC, PACTE). Son objectif est de mieux comprendre les caractéristiques des déstabilisations rocheuses qui se produisent dans le Grand Couloir du Goûter ainsi que leur origine. Elle a été finalisée grâce au soutien financier de la Fondation Petzl.

La face ouest de l’aiguille du Goûter © Olivier Moret

Contacts : Laboratoire EDYTEM Fondation Petzl

Jacques Mourey Olivier Moret [email protected] Secrétaire général [email protected] Université Savoie Mont Blanc Laboratoire EDYTEM – UMR5204 Cidex 105 A - ZI Crolles Bâtiment « Pôle Montagne » 38 920 Crolles 5 bd de la mer Caspienne F-73376 Le Bourget du Lac cedex