Fondements Scientifiques En Vue De La Création D'une Zone De Protection
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Asters - CEN Haute-Savoie 84 route du Viéran PRINGY 74370 ANNECY Tél. 04 50 66 47 51 www.cen-haute-savoie.org Fondements scientifiques En vue de la création d’une zone de protection d’habitat naturel du Mont-Blanc - Site d’exception ● Rédaction Bernard Bal, Olivier Billant, Jean-Baptiste Bosson et Lisa Wirtz 28 avril 2020 ● NOTE RÉALISÉE AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DE de la Haute-Savoie Table des matières Remerciements 4 Préambule : Protéger le toit de l’Europe 4 1. Éléments de contexte 5 1.1. Un concentré de superlatifs 5 1.2. Un massif sous pression à l’Anthropocène 5 1.2.1. Un bouleversement climatique sans précédent dans l’Histoire 5 1.2.2. L’enjeu de la fréquentation 8 2. Analyse topographique de la zone de protection proposée 9 3. Patrimoine géologique et hydrologique 11 3.1. Géologie 11 3.2. Géomorphologie et hydrologie 12 3.2.1. Formes et processus glaciaires 13 3.2.2. Formes et processus périglaciaires et gravitaires 21 3.2.3. Formes et processus torrentiels et lacustres 25 3.3. Richesse, état et enjeux de conservation du patrimoine géologique et hydrologique 27 4. Patrimoine biologique 30 4.1. Habitats 30 4.1.1. Sources de données 30 4.1.2. Liste des habitats / commentaire 31 4.1.3. Cartographie / analyse 32 4.1.4. Etat de conservation /menaces / sensibilité 33 4.2. Flore 36 4.2.1. Sources de données 36 4.2.2. Liste des espèces / commentaires 36 4.2.3. Cartographie / Analyse 37 4.2.4. Etat de conservation / menaces / sensibilité 37 4.3. Faune 39 4.3.1. Sources de données 39 4.3.2. Liste des espèces groupe systématique / commentaires 39 4.3.2.1. Mammifères 39 4.3.2.2. Oiseaux 39 4.3.2.3. Reptiles/Amphibiens 40 4.3.2.4. Invertébrés 40 4.3.3. Cartographie / Analyse 40 4.3.4. Etat de conservation / menaces / sensibilité 41 5. Synthèse sur le patrimoine naturel et enjeux de conservation 43 6. Eléments de Synthèse des habitats naturels éligibles à un APHN du Mont-Blanc 47 Contribution à la réflexion sur le périmètre de la ZPHN 48 Bibliographie indicative 50 Fondements scientifiques en vue de la création d’une ZPHN du Mont-Blanc – site d’exception – 28 avril 2020 2 Fondements scientifiques en vue de la création d’une ZPHN du Mont-Blanc – site d’exception – 28 avril 2020 3 Remerciements Asters-CEN74 remercie les services de l’Etat (et en particulier le Préfet de la Haute-Savoie et la DDT74) pour sa confiance dans cette sollicitation. L’équipe du CREA Mont-Blanc (en particulier Anne Delestrade), le Laboratoire Edytem de l’Université Savoie Mont-Blanc (en particulier Jacques Mourey et Pierre-Allain Duvillard) et le Pôle d’Information Flore-Habitats-Fonge (en particulier Lucile Vahe et Jean-Michel Genis) sont chaleureusement remerciés pour les données et les discussions partagées dans le court délai imparti à la rédaction de ce document. Préambule : Protéger le toit de l’Europe Malgré l’importance du patrimoine naturel et culturel dans le Massif du Mont-Blanc, peu de mesures de protections existent actuellement dans sa partie française comme dans celles voisines de la Suisse et de l’Italie. Sur le versant français, la Réserve Naturelle Nationale des Contamines Montjoie, créée en 1979 pour protéger 55 km2 dans l’extrémité Sud du Massif et gérée par Asters-CEN74, est l’espace protégé le plus contraignant de l’ensemble du massif. À l’inverse, le classement de l’ensemble de sa partie française en 1951 aux Sites et Monuments Naturels et de ses abords comme Sites Pittoresques réglemente les travaux mais ne limite que très peu les activités humaines et les pressions sur les écosystèmes locaux. Dans un contexte où le massif est profondément impacté par le changement climatique contemporain, l’idée de limiter les autres pressions anthropiques sur les écosystèmes et notamment de gérer la fréquentation autour du sommet du Mont-Blanc est ancienne au sein de l’administration publique. Cette idée rejoint des initiatives locales visant à mieux reconnaître et protéger ce site naturel d’exception (création du collectif proMont-Blanc en 1991, projet d’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’UNESCO, etc.). Ainsi, l’État, en accord avec les communes concernées, a proposé début 2020 la création d’une Zone de Protection d’Habitat Naturel (ZPHN) autour du sommet du Mont-Blanc. Ce nouvel outil de protection est établi par la loi sur la création d’arrêtés préfectoraux de protection de la nature (loi n° 2010-788 et le décret n° 2018-1180). Une proposition de périmètre de protection a été partagée début mars 2020 (Fig.4) et, afin d’instruire le dossier de création d’une ZPHN du Mont-Blanc – site d’exception, les services de l’État ont demandé à Asters-CEN74 de réaliser le présent document de diagnostic environnemental présentant des fondements scientifiques caractérisant les différents habitats et analysant leurs enjeux de conservation. Des fondements seront ensuite discutés en vue d’un examen par le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) et la CDNPS qui donneront leur avis sur le projet d’APHN. Le présent diagnostic environnemental a été réalisé par Jean-Baptiste Bosson (géomorphologue - glaciologue), Bernard Bal (biologiste – entomologiste), Olivier Billant, Lisa Wirtz (biologistes – botanistes) de la cellule expertise d’Asters. Il a nécessité la collection et la synthèse des données existantes à Asters et dans les bases de données en libre accès, la lecture de travaux scientifiques, des discussions avec les collègues du Centre de Recherches sur les Écosystèmes d’Altitude (CREA-Mont-Blanc) et de l’Université Savoie Mont-Blanc (notamment du Laboratoire CNRS Edytem). En plus d’un état des lieux (non exhaustif) de la connaissance sur le patrimoine géologique, hydrologique et biologique, une cartographie des habitats est proposée en lien avec les 156 habitats identifiés dans le territoire métropolitain par l’UMS PatriNat et le CNPN pouvant faire l’objet d’une ZPHN (fixé par l’arrêté du 18 décembre 2018). Après une analyse topographique de la zone de protection proposée, les principales caractéristiques géologiques, hydrologiques et biologiques seront présentées. Une synthèse met en perspective les pressions et les enjeux de conservation de ce patrimoine. Fondements scientifiques en vue de la création d’une ZPHN du Mont-Blanc – site d’exception – 28 avril 2020 4 1. Éléments de contexte 1.1. Un concentré de superlatifs Le Massif du Mont-Blanc abrite un patrimoine naturel d’exception. Hébergeant le plus haut sommet d’Europe occidentale et de nombreux 4000, ce massif s’étend sur 400 km2 entre la France, l’Italie et la Suisse. Il est, avec l’Oberland Bernois et les Hautes Alpes Valaisannes, le secteur le plus englacé des Alpes et contient les plus grands glaciers français. De nombreux habitats et espèces d’intérêt patrimonial y sont présents et notamment les rares et vulnérables espèces inféodées aux écosystèmes froids et les espèces pionnières qui colonisent les secteurs libérés par les glaces. Néanmoins, à l’inverse des connaissances importantes existantes sur la géodiversité dans le massif (des roches aux glaciers), la biodiversité est relativement peu connue, en comparaison notamment avec celle des autres massifs français de haute montagne (Écrins, Vanoise). Le massif du Mont-Blanc est également un site culturel d’importance mondiale, où le tourisme, l’alpinisme (qui vient d’être inscrit au Patrimoine Mondial Immatériel de l’Humanité), la géologie ou la glaciologie ont été en partie inventés et développés. En plus des 100'000 personnes qui habitent directement à sa proximité dans l’Espace Mont-Blanc, des centaines de milliers de touristes et d’alpinistes affluent aujourd’hui chaque année du monde entier vers le massif, générant une fréquentation considérable pour un espace de haute montagne et d’importantes retombées économiques. 1.2. Un massif sous pression à l’Anthropocène 1.2.1. Un bouleversement climatique sans précédent dans l’Histoire Depuis 2.6 millions d’années, les glaciations et les périodes interglaciaires se succèdent sur Terre en raison notamment des variations de l’orbite et de l’inclinaison de notre planète. Dans les Alpes, la dernière glaciation (Würm : -115'000 - -11'000 ans) a connu sa dernière apogée entre -45'000 et -25'000 ans. De grands glaciers formés par des calottes (le Mont-Blanc était probablement plus haut qu’aujourd’hui) s’écoulaient jusqu’aux pieds des Alpes et, par exemple, jusqu’à la région de Lyon. L’épaisseur de glace atteignait alors 1 200 à 1 400m au-dessus de Chamonix et de rares sommets émergeaient de la calotte glaciaire. La température moyenne sur Terre s’est ensuite réchauffée en raison de processus naturels, induisant une période interglaciaire – l’Holocène – depuis 11'000 ans. En raison de ce réchauffement de plusieurs degrés, les surfaces glaciaires ont progressivement diminué et été confinées dans les plus hauts (et plus froids) secteurs alpins. La température moyenne sur Terre a légèrement oscillé (d’environ 2°C) au cours de l’Holocène selon les forçages naturels. Des périodes chaudes (avec des températures pouvant atteindre les valeurs actuelles) et froides se sont ainsi succédées. La pulse froide du Petit Âge Glaciaire (entre 1300 et 1900 dans les Alpes) est la dernière grande oscillation naturelle de l’Holocène. Excellents baromètres climatiques, les glaciers ont alors connu des crues qui leur ont permis d’atteindre certaines vallées alpines comme ce fut le cas pour le glacier des Bossons (voir la Fig.11 sur l’extension des glaciers locaux en 1850). Un réchauffement planétaire, essentiellement lié aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) depuis la Révolution Industrielle, est en cours sur Terre depuis la fin du 19ème siècle (GIEC, 2018).