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INEDIT Maison des Cultures du Monde

Arménie BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Musiciens traditionnels du Tavush

Armenia BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Traditional musicians from Tavush

W 260106 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • fax 01 45 44 76 60 • www.mcm.asso.fr Benik Abovian, • Zaven Azibekian, , sring, zurna Kamo Nazarian, duduk & zurna (dam) • Albert Harutyunian, Pavel Zalinian, zurna & Martik Amirkhanian, dhol (n°13 & 17)

11. Cinq mélodies & danses / Five tunes & dances (zurna/dam/dhol) 12. Suite de trois mélodies / Suite of three tunes (duduk/dam/dhol) 13. B’lbuli Hit (sring/dam duduk) 14. Guyovn yev Par (zurna/dhol) 15. Hey, kanatsh sarer (sring solo) 16. Vorskan akhper (duduk/dam) 17. Zurny trenguy (duduk/dam/dhol) 18. Tsaghik asem – Shoror (zurna/dam/dhol) 19. Tagh Khorhurd (sring solo) 10. Matshkales, Hayots aghjikner, Trabisontsineri Par (sring/dam duduk/dhol) 11. Me Khosk Unim (duduk/dam) 12. Arandz Yari (duduk/dam) 13. Duel de zurna / Zurna duel (2 zurna/dhol) 14. Tagh Havik (sring solo) 15. Vardani Mor Vorbe (duduk/dam) 16. Gyumrva Par (duduk/dam/dhol) 17. Cinq mélodies & danses / Five tunes & dances (zurna/dam/dhol)

Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre Bois Enregistrements réalisés le 9 août 2001 à Kirants et le 10 août 2001 à Noyemberian par Nicolas Berger. Notice, sélection des plages, Antoine Chaudagne avec le concours d’Artashes Hovhannisyan. Traduction anglaise, Frank Kane. Photos, Antoine Chaudagne. Prémastérisation, Frédéric Marin (Cinram - Alcyon Musique). Réalisation, Pierre Bois. © et Op 2002 Maison des Cultures du Monde.

INEDIT est une marque déposée de la Maison des Cultures du Monde (dir. Chérif Khaznadar). Arménie BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Musiciens traditionnels du Tavush

De par la situation géographique de l’Arménie légié des grands rassemblements populaires : et l’histoire cosmopolite du Caucase, la mariages, fêtes, enterrements… musique populaire arménienne fait partie des Les musiciens populaires arméniens revendi- musiques moyen-orientales. Elle s’est toute- quent aujourd’hui cet héritage multiple, qui fois constitué une identité très caractéristique, s’est considérablement enrichi au cours des fruit de l’histoire atypique de ce peuple. XIXe et XXe siècles. Du fait des bouleverse- Tout au long de son histoire, la musique armé- ments contemporains, notamment le géno- nienne s’est nourrie des traditions rurales et cide de 1915 qui a particulièrement affecté le pastorales, des monodies religieuses médiéva- tissu social arménien, mais aussi la politique les et de l’art citadin des bardes, les gusan. Il d’urbanisation de l’Arménie Soviétique, la en est résulté une musique généreuse, diverse musique populaire qu’elle soit rurale ou cita- et pleine de tempérament qui constitue dine est aujourd’hui perpétuée par les musi- encore aujourd’hui l’accompagnement privi- ciens villageois.

L’apport des prêtres savants du Haut Moyen-Âge

La transformation politique et culturelle autres, l'invention en 404 de l’alphabet majeure qu’a connu l’Arménie lors de l’a- arménien qui allait servir de socle littéraire à doption du christianisme au IVe siècle, a eu la langue vernaculaire, l’ashkharapar. Mesrop des effets spectaculaires sur la musique armé- Mashtots pose les bases de la musique litur- nienne. De grands auteurs médiévaux, à la gique arménienne en composant les pre- fois prêtres, philosophes, poètes, musiciens miers chants monodiques, dont le “chant de mais aussi théoriciens, ont apporté aux repentance”. La personnalité la plus fasci- monodies spirituelles, les tagh, et aux chants nante de cette époque reste le mystique Gri- religieux, les sharakan, un niveau de lyrisme gor Narekatsi (951-1003), prêtre au et de dramaturgie inégalé. Le fondateur de monastère de Narek près du lac de Van. Son cette lignée de grands intellectuels est sans Livre des chants tragiques, œuvre visionnaire doute Mesrop Mashtots, à qui l'on doit, entre et violente, constituera le point culminant

–3– de la créativité musicale religieuse en même en un recueil appelé Sharaknots. Si on lui doit temps qu’un tournant important dans l’his- une classification des différents genres musi- toire et la philosophie arméniennes. Nare- caux de l’époque, tagh, gandz, hordarak, katsi a largement contribué à fixer les règles meghedi ou srbasatsutyun, Nerces Shenorhali modales des tagh. Le tournant du millénaire fut surtout le premier à intégrer aux chants voit aussi prospérer les manrusumn, mélodies monodiques des motifs populaires d’origine composées sur les huit modes traditionnels païenne empruntés aux traditions orales. grégoriens. À partir de cette époque, les théoriciens et Le Catholicos Nerces IV (1112-1173), plus musiciens vont reconsidérer à juste titre l’ex- connu sous le nom de Nerces Shenorhali le traordinaire patrimoine musical rural, prêtant “Gracieux”, a considérablement enrichi les une attention particulière aux compositions sharakan, chantés au cours de chaque fête reli- satiriques, les srish, ainsi qu’aux chants gieuse, dont le corpus intégral a été rassemblé épiques des troubadours caucasiens.

L’art des troubadours : les gusan et les ashugh

De la fin du Moyen-Âge jusqu’au XVIIIe siècle, provisation, tant musicale que chantée, et la musique populaire est profondément mar- signaient généralement leur poème en men- quée par la tradition des gusan, ces fameux tionnant leur nom à la fin du dernier couplet. troubadours caucasiens dont la figure princi- Les plus grands furent souvent musiciens de pale est Harutiun Sayatian, dit Sayat Nova cour attachés aux différents royaumes du (1712 ?-1795). Tous les musiciens arméniens Caucase. Sayat Nova, qui passa une grande considèrent les gusan comme leurs maîtres à partie de sa vie à Tiflis (aujourd’hui Tbilissi), penser, et tout musicien qui se respecte le grand centre intellectuel du Caucase, conserve chez lui un portrait peint ou sculpté chantait la fraternité des peuples du Caucase de Sayat Nova. et composait ses poèmes chantés en armé- Les gusan œuvrèrent au développement de la nien, en géorgien, en perse et en turc. À cet musique citadine, explorant les espaces délais- égard, l’art des gusan est fortement empreint sés par la religion : l’amour romantique, la du cosmopolitisme caucasien, ce qui se philosophie, l’épopée et la poésie lyrique. caractérise notamment par une forte Dans la tradition des bardes médiévaux, l’art influence orientale depuis les XIIe-XIIIe siècles. des gusan se transmettait de maître à élève par Et si le système modal arménien s’inscrit à un enseignement oral long et individuel. Les l’évidence dans l’espace musical persan, c’est gusan excellaient particulièrement dans l’im- surtout dans la ligne mélodique et le style

–4– vocal que l’on trouvera la marque d’une spé- privilégiait la poésie à la musique et était cificité arménienne. beaucoup plus extraverti que celui des gusan. Si Sayat Nova reste la référence obligée, deux Enfin, l’instrumentarium se limitait aux gusan plus récents peuvent être considérés instruments à cordes, saz et târ, alors que les comme les pères du chant populaire arménien gusan utilisaient aussi des instruments à vent. contemporain : Sheram (1857-1938) et Dji- Le mot gusan, typiquement arménien, désigna vani (1846-1909). Leurs compositions sont dès le début de l’ère chrétienne les bardes qui aujourd’hui jouées dans la plupart des fêtes chantaient les légendes arméniennes, notam- arméniennes, en particulier lors des mariages. ment celle de Mouranée (mère des Arméniens) Ashugh ou gusan ? Cette question divise les et de son fils Gisane, dont le mot gusan est experts. Au XVIIe et XVIIIe siècles, le mot gusan dérivé. Le mot ashugh vient de l’arabe ‘ashiq que fut remplacé par celui d’ashugh, même s’ils l’on peut traduire par “amant” ou “passionné” recouvrent sensiblement la même réalité. et qui recouvre un sens mystique très fort. Ce Selon Robert Atayan 1, l’art oriental des ashugh terme désigne également les bardes turcs.

Les évolutions contemporaines

La musique populaire dite “urbaine” a inspiré effectué un immense travail de recensement une vague de compositeurs contemporains des mélodies et chants arméniens, comparable comme Vatshe Hovsepian (1925-1978), Artem à celui mené par Béla Bartók sur le patrimoine Mejinian (1916-1999), Tsovak Hambardzu- hongrois. Il a permis de sauver de l’oubli de mian (1923-2001), également réputé pour ses nombreuses traditions musicales rurales, œuvres chorégraphiques, ou Nicol Galande- parmi lesquelles les horhovel, chants de rian (1881-1944), qui composa des chansons labours, ou les chants pastoraux du Shora- sur les poèmes de grands écrivains comme H. guial, région de Kars et Igdir (aujourd’hui en Tumanian ou V. Terian. Turquie orientale) ; sillonnant en particulier Mais dans le domaine de l’exploration et de les gouvernorats (vilayet) arméniens de l’em- l’exploitation des traditions, Komitas (de son pire ottoman, il put également travailler sur le vrai nom Soghomon Soghomonian, 1869- spectre entier des musiques rurales et autres 1935) reste une figure essentielle de la traditions orales : aussi bien les chants de musique arménienne. Archimandrite, compo- mariage, d’enterrement et autres rituels, que siteur, folkloriste et musicologue, Komitas a les oror, berceuses populaires, ou les pandoukht,

1. Cf. "" in The New Grove Dictionary of Music vol. 19 pp. 334-348, Londres, 1980.

–5– chants nostalgiques des émigrants de la Après une première période de fédération diaspora arménienne 2. autoritaire de tous les peuples autour d’une Lui-même rescapé du génocide qui démarre conception commune de la vie, intégrant en avril 1915, Komitas lègue de nombreuses les aspects culturels, l’URSS est rapidement compositions en souvenir des massacres, des rattrapée par la réalité des nationalismes et survivants et des sans-abris. Deux recueils de développe dans chaque région une poli- chants folkloriques dont il composa les arran- tique de mise en valeur des spécificités et gements sont devenus des classiques de la folklores nationaux. La dimension idéolo- musique arménienne : les chants Antouni gique de la politique folkloriste soviétique (“Sans patrie”) et Pandoukhti erguer (“Chan- vise à institutionnaliser la musique armé- sons de l’étranger”). nienne : l’Ashughakan Skola, Ecole d’État L’intégration de l’Arménie à l’URSS va profon- des ashugh d’Erevan, délivre un diplôme dément modifier la nature des influences pour les compositeurs populaires tradition- extérieures : l’Arménie se ferme au monde nels, et un concours consacre chaque moyen-oriental et s’ouvre au monde russe. année les meilleurs représentants du fol- Musicalement, ce changement concorde avec klore national. Des maisons de la culture l’apparition de nouveaux instruments comme sont créées dans la quasi-totalité des la clarinette, l’accordéon ou le violon. villages arméniens.

La fonction des musiciens traditionnels

Les musiciens traditionnels arméniens parti- est joué pour accompagner la découpe du cipent à tous les rassemblements populaires, bœuf par le père du marié, avant la prépara- en particulier les mariages et enterrements. tion des trois plats nuptiaux : les khorovat On les retrouve d’une façon générale autour (viande grillée), le quyufta (boules de viande des grandes tablées de la tradition cauca- servies avec une louche de beurre chaud) et le sienne, intervenant alors sur injonction du khash (bœuf boulli au sel et à l’ail). Le jour de tamada, le maître de cérémonie. la cérémonie, dès l'aube, les joueurs de zurna Les musiciens sont fortement sollicités à cha- tournent dans le village en rejouant Sahari et cune des étapes du mariage. Le Mugham Sahari des danses rapides comme Tarakiami ou

2. La tradition diasporique arménienne n’est pas née du génocide : elle remonte à la fin du Moyen-Âge avec l’ap- parition des fortes communautés de Venise, de Lvov (aujourd’hui en Ukraine) ou de la Nouvelle Djulfa (près d'Ispahan).

–6– Baghdaduri. Les préparatifs de la mariée sont lamentent autour du défunt, jouant ainsi le accompagnés de mélodies lentes comme rôle des pleureuses traditionnelles, les lalikner. Djanguyulumner ou Tsaghik Asem. Plus tard, au À l’époque des lalikner, il n’y avait jamais de cours de la cérémonie du mariage, les musi- musique aux enterrements. Aujourd’hui ciens jouent Kokh, “la lutte”, qui met en scène exceptionnellement, il arrive que les funé- un combat entre les parents du marié, tou- railles soient aussi accompagnées de hautbois jours gagné par la mère qui met son mari à zurna, comme dans le nord du Tavush où terre. Aux enterrements, les hautbois duduk se habitent Benik et Zaven.

Les instruments

Les sonorités de la musique populaire armé- L’instrument de plein-air par excellence est le nienne sont intimement liées aux instru- zurna, un hautbois à perce conique et à huit ments traditionnels. Les quatre instruments à trous de jeu dont la sonorité est particulière- vent les plus caractéristiques sont les hautbois ment puissante et stridente. Il s’agit d’un duduk et zurna, et les flûtes sring et sh’vi. instrument très ancien (mentionné déjà dans Komitas considérait le sring comme le plus la grande épopée arménienne David de Sassoun) “arménien” des instruments traditionnels. et répandu dans nombreux pays du Moyen- Instrument par excellence des bergers, il s’agit Orient ; le zurna d’Arménie est toutefois moins d’une flûte à bloc construite en abricotier ou large à sa base que le zurna turc ou ceux d’Asie parfois en roseau voire même en métal (son centrale et le style de jeu arménien, très mélis- timbre est alors plus sec). Le sh’vi est également matique, est un des plus raffinés que l’on une flûte à bloc tournée dans du bois de noyer. connaisse sur ce type de hautbois. Le duduk a acquis désormais une réputation Ces instruments à vent sont généralement hors des frontières de l’Arménie, probable- accompagnés par un instrument de la même ment grâce à ses sonorités plaintives qui tra- famille qui tient la tonique en bourdon (dam) duisent si bien les malheurs et les nostalgies du et, dans les pièces rythmées, d’un petit tambour peuple arménien. Ce hautbois tourné dans du à deux faces : le dhol, ou . L’une des deux bois d’abricotier est en effet capable, du fait de faces de la percussion est recouverte d’une peau sa perce cylindrique, de produire une grande plus fine que l’autre (généralement en peau de variété de timbres allant du nasal au caractère chèvre). Le musicien joue à mains nues en uti- déchirant jusqu’à la rondeur solide. Le duduk lisant deux types de frappe : une frappe sèche existe en trois dimensions, couvrant les regis- (jglun ou tokmak) sur la peau la plus fine, et une tres aigu, medium et bas medium (bamb). frappe plus légère sur l’autre face.

–7– Les interprètes

Sahak Abovian (né en 1932), plus connu sous d’État Komitas. Zaven participe en parallèle à le nom de scène de Benik, est un des derniers l’Ensemble de musique traditionnelle Tkzar. Cet ashugh du nord de l’Arménie. Ses composi- apprentissage complet et solide lui donne l’oc- tions y sont particulièrement réputées, notam- casion de tenir le hautbois dans l’Orchestre de ment sa chanson patriotique sur Erebuni la Radio nationale d’Arménie. Zaven travaille (l’ancienne Erevan). Parallèlement à ses com- désormais à Noyemberian et accompagne Benik positions, Benik est également réputé comme dans les fêtes du Tavush. zurniste. Improvisateur hors pair, il réexplore Benik et Zaven pratiquent la technique ances- sans complexe les mélodies traditionnelles trale du dam, c’est-à-dire la tonique tenue en pastorales, gutanerg et horhovel en particulier. bourdon. Le mot dam a une origine persane Issu d’une famille de musiciens, Benik a com- qui signifie “le son durant”. Le damkiash mencé à jouer des instruments très tôt. Son (celui qui tient le dam) conserve la tonique oncle et son grand-père étaient des dholistes tout au long du morceau grâce à la technique et chanteurs assez célèbres dans la région du de respiration circulaire. En donnant ainsi au Tavush. Benik a commencé enfant à jouer du soliste une référence tonale permanente, il lui (sorte de petit duduk) en faisant le tour des permet d’exploiter au mieux toutes ses res- villages pendant la guerre pour récolter sources d’improvisateur. Associé à Benik, le quelques sous qu’on lui glissait sous sa cas- dam accentue le jeu jubilatoire du zurna. Asso- quette. Depuis le début des années 50, lors- cié à Zaven, il donne une profondeur aux qu’il fut démobilisé de l’Armée Rouge, Benik plaintes du duduk. est devenu l’un des musiciens les plus sollici- Benik et Zaven sont donc accompagnés d’un tés pour animer les mariages et grandes fêtes damkiash, Kamo Nazarian, et d’un joueur de de la région. dhol, Albert Harutyunian. Né en 1963 à Kot'i, Benik s’est associé à un musicien exceptionnel : Kamo a été formé par Zaven aux différents Zaven Azibekian. Né en 1952 en République instruments à vent arméniens. S’il excelle de Russie, Zaven a suivi en Arménie une forma- notamment dans la tenue du dam au duduk et tion académique aux différents instruments à au zurna, il accompagne aussi régulièrement le vent, notamment ceux de la tradition armé- groupe en tant que clarinettiste. Albert Haru- nienne : duduk, sring, sh’vi, pku, zurna. De 1975 tyunian (né en 1957 près de Noyemberian) est à 1990, Zaven travaille à Erevan en tant que le dholiste du groupe. Il a appris très tôt les per- joueur de hautbois, d’abord au Collège musical cussions auprès de son frère aîné qui reste le de Romanos Melikian, puis au Conservatoire dholiste attitré de Kokhp, leur village natal.

–8– La région du Tavush

Les musiciens vivent dans la région sensible du Azerbaïdjan). En 1919, l’Arménie et la Géorgie Tavush, limitrophe de l’Azerbaïdjan. Le Tavush s’affrontèrent pour délimiter la frontière du garde les traces du conflit meurtrier de 1992- Tavush et de la vallée d’Alaverdi. Pour sa part, 1993 et plusieurs villages détruits jalonnent la frontière avec l’Azerbaïdjan fut dictée par la encore la région. Noyemberian, où vivent géographie et l’appartenance ethnique des Zaven et Albert, conserve aujourd’hui sa posi- populations : les Arméniens héritèrent des tion stratégique et militaire, au croisement de montagnes et des collines, les Azéris des val- l’Arménie, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan. lées et des rivières. Chaque bras de rivière Pendant une longue période, le Tavush fut remontant à l’intérieur des montagnes donna alternativement sous domination géorgienne alors lieu à des enclaves ! et arménienne. Avant la courte indépendance Benik et Kamo vivent précisément dans une arménienne de 1918-1920, le Tavush était de ces enclaves : le petit village de Kot’i, que administré par Elizabetpol (ville importante seule une route encore peu sûre relie à de la Russie tsariste, aujourd’hui Guyandja, en Noyemberian.

Les pièces

Les enregistrements ont été en grande partie 1. Cinq mélodies et danses : Sahari, Kokh, effectués le 10 août 2001 à l’Ecole de Hars em gnum, Zanguezur, Ververie musique de Noyemberian, avec Benik Abo- Zurna (Benik) et dam (Kamo) – dhol (Albert) vian, Zaven Azibekian, Kamo Nazarian et Sahari est une mélodie traditionnellement Albert Harutyunian. jouée par les zurnistes lorsqu’ils traversent au Deux enregistrements (n°13 & 17) ont été petit matin le village pour annoncer qu’un réalisés lors d’un pique-nique en plein air, près mariage aura lieu le soir. Cette mélodie laisse du hameau de Kirants, à la frontière azerbaï- libre cours à de larges improvisations (cf. aussi djanaise. Autour de cette tablée qui rassem- plage 17). blait une trentaine d’hommes et femmes du Kokh est une danse, souvent improvisée, au village de Kot’i, Benik Abovian est accompa- cours de laquelle deux hommes simulent un gné d’un deuxième zurniste, Pavèl Zalinian, et combat. Lors des mariages elle est également d’un joueur de dhol, Martik Amirkhanian. dansée par les parents du marié.

–9– Hars em gnum est jouée à tous les mariages lors du célèbre écrivain Avetik Isahakian. Ce texte de la préparation de la mariée : ce rituel est dédié à Shushanik, qui incarna pour lui un marque notamment pour la mariée le début amour impossible et devint la femme du pro- d’une nouvelle vie, la création d’un nouveau fesseur Hovhannes Ter-Mirakian. Cette tragé- foyer et la séparation de ses parents. die amoureuse inspira à Avetik Isahakian une La quatrième mélodie est une danse tradition- série de poèmes désespérés, dont Sev munt nelle du Zanguezur, région montagneuse du amper. sud de l’Arménie devenue symbolique pour Zaven ne joue que la ligne mélodique de Kele les Arméniens car elle est étranglée entre le Sato (Bouge, Sato !), chanson et danse rurale. Nakhitchevan 3 et l’Azerbaïdjan. Le Zanguezur La chanson illustre les hésitations d’une fille fut le point de jonction avec le Haut-Karabagh devant les avances insistantes d’un jeune gar- lors du conflit arméno-azéri. çon. Lors des mariages, cette danse est parfois Ververie est une danse de mariage tradition- jouée sur un tempo vif par des instruments nellement jouée dans la région de T’alin, au modernes comme la clarinette et l’accordéon. pied de l’Aragats, le plus haut sommet d’Ar- Djur em berel Bingyol saren (J'ai rapporté de ménie (4090 m). l'eau de la montagne Bingyol) est une danse rurale des anciens gouvernorats d’Igdir et 2. Suite de trois mélodies : Sev munt amper, Kars. Elle est le plus souvent jouée au cours Kele Sato, Djur em berel Bingyol saren des mariages, poussant au dialogue et au rap- Duduk (Zaven) et dam (Kamo) – dhol (Albert) prochement jeunes gens et jeunes filles. Les suites de mélodies ou de danses sont parti- culièrement appréciées dans la tradition 3. B’lbuli Hit rurale. Elles offrent le plus souvent une pro- Sring (Zaven) et duduk (Kamo) gression rythmique et mélodique, garantissant Cette mélodie dont le titre signifie “Avec elle” à coup sûr d’entraîner une tablée entière à la a été écrite par Sayat Nova en témoignage de danse. Les trois mélodies que joue ici Zaven au son amour pour Anna, la sœur du roi de Géor- duduk suivent un enchaînement classique en gie. Cet amour tragique provoqua la rupture Arménie, partant de sonorités rondes et tristes avec le roi et la disgrâce de Sayat Nova. pour aller progressivement vers une ambiance plus claire et plus rythmée. 4. Guyovn yev Par Sev munt amper (Nuages noirs et sombres) a été Zurna (Benik) et dam (Kamo) – dhol (Albert) composée sur les paroles autobiographiques Guyovn yev Par (Guyovn et danse) est une

3. Territoire azéri enclavé entre l’Arménie, la Turquie et l’Iran.

–10– danse de mariage en deux parties : une mélo- autrefois dans les districts caucasiens et les die lente suivie d’une danse énergique. anciens gouvernorats arméniens de l’Empire Guyovn est la ronde traditionnelle sur laquelle Ottoman. Zurny trenguy (trenguy de Zurna) se terminent tous les mariages arméniens. désigne un trenguy rapide qui, en dépit de son nom, n'est pas nécessairement joué au zurna, 5. Hey, kanatsh sarer le duduk pouvant être au contraire privilégié Sring (Zaven) pour sa sonorité légère et feutrée. Il en existe Cette horhovel intitulée “Ô vertes montagnes” de nombreuses variantes dont chaque inter- est jouée par les paysans à la saison des prète compose généralement ses propres labours. Elle vient de la région de Shoraguial, arrangements. proche de la ville de Kars. 8. Tsaghik asem – Shoror 6. Vorskan akhper Zurna (Zaven) et dam (Kamo) – dhol (Albert) Duduk (Zaven) et dam (Kamo) Tsaghik asem (Que je dise "fleur") est chantée Vorskan Akhper (Frère chasseur) est une pièce par les jeunes filles lorsqu’elles jouent à tirer de funérailles composée sur des paroles d'Ave- au sort le prénom de leur futur fiancé, en tik Isahakian. Le duduk et le dam donnent à arrachant un à un les pétales d’une fleur. La l’œuvre une force et un déchirement très mélodie est aujourd’hui jouée lors des appréciés en Arménie. mariages, sous la forme d’une danse assez L’histoire raconte le sort d’une femme qui, ne lente à 6 temps. voyant pas son fils revenir, s’affole et part sur Shoror (Roulis) est une danse de mariage origi- les chemins à sa recherche. Croisant un chas- naire de Javakhketi en Géorgie. Son origina- seur qui revient au village, elle lui demande : lité réside dans sa structure rythmique où “Avez-vous vu mon fils ? — Dans les montagnes, dominent deux rythmes irréguliers : à 9 temps là-haut, je l’ai vu mort”. (2+2+2+3) et à 5 temps (2+3). La mélodie de Vorskan Akhper a été utilisée par Aram Khatchaturian dans sa deuxième 9. Tagh Khorhurd symphonie, en hommage aux victimes de la Sring solo (Zaven) seconde Guerre Mondiale. Tagh Khorhurd (Conseil divin) est une mélodie écrite au tournant du XIIIe siècle par le poète 7. Zurny trenguy musicien Taronetsi. Cette œuvre liturgique, Duduk (Zaven) et dam (Kamo) – dhol (Albert) parfois intitulée aussi Zguestavormân Shara- Les trenguy sont des danses de mariage prati- kan, était jouée en ouverture de certaines fêtes quées dans presque toute l'Arménie, comme religieuses.

–11– 10. Matshkales, Hayots aghjikner, 13. Duel de zurna Trabisontsineri Par Zurna (Benik Abovian et Pavel Zalinian) – dhol Sring (Zaven) – dam au duduk (Kamo) – dhol (Martik Amirkhanian) (Albert) Les duels de zurna sont exécutés lors des Matshkales est une chanson du Shirak (nord- grandes fêtes et rassemblements populaires ouest de l’Arménie) écrite sur un texte d'Ave- arméniens. Ils reposent sur la tradition séculaire tik Isahakian qui évoque l’amour passionné de compétition artistique qui remonte notam- d’une femme pour son mari. ment aux anciennes joutes verbales des gusan. Hayots aghjikner (Des filles arméniennes) est une chanson citadine qui rend hommage aux 14. Tagh Havik jeunes Arméniennes. Cette mélodie gracieuse Sring solo (Zaven) prend parfois la forme d’une danse lente aux Tagh Havik est une mélodie à la gloire du Christ cours des mariages ou autres fêtes. composée par Grigor Narekatsi (951-1003). Trabisontsineri Par (Danse des Trébizondiens) a été composée récemment par Tsovak Ham- 15. Vardani Mor Vorbe bardzumian, en souvenir des traditions armé- Duduk (Zaven) et dam (Kamo) niennes de Trébizonde, ville d’Asie Mineure “Le pleur de la mère de Vardan” est une vieille sur les bords de la Mer Noire. Par sa forme et sa chanson populaire en l’honneur du héros ligne mélodique, elle est pourtant considérée national Vardan Mamikonian qui mourut face par beaucoup comme une danse traditionnelle aux Perses lors de la bataille d’Avarayr (451). Les et fréquemment jouée lors des banquets. paroles de la chanson sont celles de la mère de Vardan qui pleure le martyre de son fils mort 11. Me Khosk Unim pour l’indépendance arménienne. Cette mélo- Duduk (Zaven) et dam (Kamo) die est désormais jouée aux enterrements. Cette pièce intitulée “J'ai une parole à te dire” est une des œuvres d’amour galant composées 16. Gyumrva Par par Sayat Nova. Duduk (Zaven) et dam (Kamo) – dhol (Albert) Cette danse traditionnelle, provenant comme 12. Arandz Yari son nom l’indique de la ville de Guymri, est Duduk (Zaven) et dam (Kamo) construite en deux parties rythmiquement La mélodie de cette chanson traditionnelle contrastées. Guymri, ex-Leninakan, est la (Sans mon amoureuse), qui fait le deuil de deuxième ville arménienne ; située au nord l’amour, est souvent jouée lors des enter- ouest du pays, elle fut particulièrement touchée rements. par le grand tremblement de terre de 1988.

–12– 17. Cinq mélodies et danses (version II) : cinq pièces, indiquant d’un coup de tête au Sahari, Kokh, Hars em gnum, Zanguezur, damkiash et au joueur de dhol les transi- Ververie tions à effectuer et les changements de Zurna (Benik) et dam (Pavel Zalinian) – dhol tonique. Le jeu de Benik est très physique (Martik Amirkhanian) et très mobile : le zurna étant un instru- Dans cette seconde version (cf. plage 1) ment très directionnel, l’enregistrement enregistrée en plein air, Benik se lance dans permet de visualiser les tournoiements de une improvisation très libre à partir de ces Benik.

Benik Abovian au zurna / playing zurna Zaven Azibekian au zurna / playing zurna Zaven Azibekian au sring / playing sring

et au duduk / and playing duduk Kamo Nazarian au duduk / playing duduk

Albert Harutyunian au dhol / playing dhol Armenia BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Traditional musicians from Tavush

Given Armenia's geographical location and ality that is still the preferred accompaniment the cosmopolitan history of the Caucasus, for large popular gatherings such as weddings, Armenian folk music can be considered with- celebrations, funerals, etc. in the sphere of Middle Eastern music. It has Today's Armenian folk musicians lay claim to a very particular identity however, which this multiple heritage, which was consider- reflects the atypical history of the Armenian ably enriched during the 19th and 20th cen- people. turies. Due to the upheavals of this period, Throughout its history, Armenian music has particularly the genocide of 1915 which great- been nourished by rural and pastoral tradi- ly affected the Armenian social fabric, but also tions, medieval religious monodies and the Soviet Armenia's policy of urbanisation, folk urban art of the bards or gusan. The result is a music – whether rural or urban – is now per- rich and diverse music with plenty of person- petuated by village musicians.

The contribution of the scholarly priests of the High Middle Ages

The major political and cultural transforma- which became the base for the vernacular lan- tion which occurred in Armenia with the guage, ashkharapar. Mesrop Mashtots estab- adoption of Christianity in the 4th century lished the bases for Armenian liturgical music had a dramatic effect on Armenian music. by composing the first monodic chants, The great medieval authors, who were priests, including the "chant of repentance". The philosophers, poets, musicians but also theo- most fascinating figure of this period was the reticians at the same time, brought an unpar- mystic Grigor Narekatsi (951-1003), a priest at alleled level of lyricism and dramatic art to the Narek Monastery near Lake Van. His Book spiritual monodies, tagh, and religious chants, of tragic chants, a violent and visionary work, sharakan. was the culminating point in religious musi- The founder of this lineage of great intellectu- cal creativity and also an important turning als was probably Mesrop Mashtots, who point in Armenian history and philosophy. invented the Armenian alphabet in 404i Narekatsi made a major contribution to deter-

–17– mining the modal rules of the tagh. The new who classified the various musical genres of millennium brought development of the the period, tagh, gandz, hordarak, meghedi and manrusumn, melodies composed in the eight srbasatsutyun, he was also the first to include traditional Gregorian modes. folk motifs of pagan origin borrowed from oral Catholicos Nerces IV (1112-1173), better traditions in the vocal monodies. known by the name of Nerces Shenorhali the As of this period, theoreticians and musicians "Gracious", considerably enriched the began a deserved reconsideration of the extraor- sharakan sung during each religious ceremony, dinary rural musical heritage, paying special which were assembled in a collection called attention to satirical compositions, or srish, and Sharaknots. While it was Nerces Shenorhali to the epic songs of Caucasian minstrels.

The art of the minstrels: the gusan and the ashugh

From the end of the Middle Ages until the 18th The greatest were often court musicians of the century, folk music was profoundly influ- various kingdoms of the Caucasus. Sayat enced by the tradition of the gusan, the Nova, who spent much of his life in Tiflis famous Caucasian troubadours among whom (now called Tbilisi), the great intellectual cen- the main figure is Harutiun Sayatian, also tre of the Caucasus, sung of the brotherhood known as Sayat Nova (1712 ?-1795). All of the peoples of the Caucasus and composed Armenian musicians consider the gusan as his sung poems in Armenian, Georgian, their intellectual guides and all self-respecting Persian and Turkish. The art of the gusan is musicians have a painting or sculpture of strongly marked by Caucasian cosmopoli- Sayat Nova in their homes. tanism, characterised particularly by a strong The gusan developed urban music, exploring Oriental influence. The Armenian modal sys- the topics which did not concern the religion: tem is clearly within the Persian musical romantic love, philosophy, epics and lyric sphere while the melodic lines and the vocal poetry. In the tradition of the medieval bards, style give Armenian music its specificity. the art of the gusan was transmitted from While Sayat Nova is the unavoidable refer- master to pupil through a long and individu- ence figure, two more recent gusan can be alised oral learning process. The gusan considered the fathers of contemporary excelled in improvisation, both instrumental Armenian folk songs: Sheram (1857-1938) and sung, and generally signed their poems and Djivani (1846-1909). Their compositions by mentioning their names at the end of the are now played at most Armenian celebra- last verse. tions, especially weddings.

–18– Ashugh or gusan? The experts are divided on The word gusan, which is typically Armenian, this issue. In the 17th and 18th centuries, the was used at the beginning of the Christian era word gusan was replaced by ashugh, although to refer to bards who sang Armenian legends, the underlying reality is essentially the same. especially that of Mourane (mother of the According to Robert Atayan 1, the oriental art ) and her son Gisane, from which of the ashugh gave precedence to poetry the word gusan was formed. The word ashugh rather than music and was much more extro- comes from the Arabic ‘ashiq which can be verted than that of the gusan. The ashugh used translated as "lover" or "passionate" and only string instruments, the saz and the târ, which has a strong mystical significance. In while the gusan also used wind instruments. Turkey the bards are also called ashık.

Modern developments

The so-called "urban" folk music inspired a for Hungarian folk music. He helped save wave of contemporary composers such as many rural musical traditions which would Vatshe Hovsepian (1925-1978), Artem Mejinian otherwise have been forgotten, including the (1916-1999), Tsovak Hambardzumian (1923- horhovel, work songs, or the pastoral songs of 2001), also renowned for his ballets and chore- Shoraguial, the region of Kars and Igdir (now ographic works, and Nicol Galanderian (1881- in Eastern Turkey); travelling throughout the 1944), who composed many songs based on Armenian provinces (vilayet) of the Ottoman the poems of great Armenian writers such as H. Empire, he also worked on the entire range of Tumanian or V. Terian. rural music and other oral traditions: wedding In terms of the exploration and use of tradi- songs, funeral songs and other ritual songs, tions however, Komitas (his real name was the oror, folk lullabies, or the pandukht, nos- Soghomon Soghomonian, 1869-1935) talgic songs of the emigrants of the Armenian remains a key figure in Armenian music. diaspora 2. Komitas was an archimandrite, composer, Komitas himself escaped the genocide, which folklorist and musicologist who did a monu- began in April 1915, and left many composi- mental job of collecting Armenian melodies tions in memory of the massacres of the and songs, comparable to that of Béla Bartók beginning of the century, the survivors of the

1. See "Armenia" in The New Grove Dictionary of Music, vol. 19, 334:348, London, 1980. 2. The Armenian diaspora tradition did not begin with the genocide: it goes back to the Middle Ages, with the appearance of large communities in Venice, Lvov (now in Ukraine) and New Julfa (near Isfahan).

–19– genocide and the homeless. Two collections tion of all the peoples around a common con- of folk songs for which he composed the ception of life, including cultural aspects, the arrangements have become classics of USSR was soon faced with the reality of Armenian music: the Antuni songs ("Without nationalism and developed in each region a a homeland") and Pandukhti erguer ("Songs policy of promoting the specificities and folk- from abroad"). lore of each republic. Armenia's annexation by the USSR profound- The ideological dimension of the Soviet ly changed the nature of its external influ- folklore policy aimed to institutionalise ences: Armenia turned away from the Near Armenian music: the Ashughakan Skola, the East and towards Russia. Musically, this State School for ashugh of Erevan, gave diplo- change coincided with the appearance of new mas to traditional folk composers and had an instruments such as the clarinet, accordion annual contest for the best national folklore and the violin. performers. Cultural Centres were also esta- After an initial period of authoritarian federa- blished in almost all Armenian villages.

The role of folk musicians

Armenian folk musicians take part in all large dances such as Tarakiami or Baghdaduri. For gatherings, especially weddings and funerals. the dressing of the bride, they play slow They can usually be found at large Caucasian melodies such as Janguyulumner or Tsaghik meals, playing when called on by the tamada, Asem. Later on, during the wedding ceremo- the master of ceremonies. ny, the musicians play Kokh, “the struggle”, The musicians are called for every stage of which depicts a fight between the parents of weddings. The mugham Sahari is played to the bridegroom, always won by the mother accompany the cutting up of a bull by the who throws her husband to the ground. father of the bridegroom before the prepara- At funerals, the musicians play their duduk tion of three dishes served at all Armenian around the deceased, playing the role of the weddings: khorovat (grilled meat), quyufta traditional mourners, the lalikner. In the days (meatballs served with hot butter) and khash of the lalikner, there was no music at funerals. (boiled beef with salt and garlic). On the day Nowadays funerals may be accompanied by of the wedding, at sunrise, the zurna players the zurna on rare occasions, as in the North of go through the village playing Sahari and fast Tavush where Benik and Zaven live.

–20– The instruments

The sonorities of Armenian folk music are The classic open-air instrument is the zurna, a closely linked to the traditional instruments. conical oboe with eight playing holes with a The four most characteristic wind instru- particularly powerful and strident sonority. It ments are the oboes duduk and zurna, and the is a very ancient instrument (mentioned in sring and sh’vi. the great Armenian epic David of Sassoun) and Komitas considered the sring the most is found in many countries throughout the "Armenian" of the traditional instruments. Middle East; the Armenian zurna is not as This recorder is a typical shepherds' instru- wide at its base as the Turkish zurna or those ment and is generally made from apricot of Central Asia and the Armenian playing wood or sometimes a reed or even metal style, highly melismatic, is one of the most (which gives is a drier timbre). The sh’vi is also refined used for this type of oboe. a recorder made from walnut wood. These wind instruments are generally accom- The duduk has made a name for itself beyond panied by an instrument of the same family the borders of Armenia, probably thanks to its which plays the tonic as a drone (dam) and, in plaintive sonorities, which provide an excel- rhythmic pieces, by a small two-headed lent outlet for Armenians' woes and nostalgia. drum: the dhol, or davul. One of the two sides Because of its cylindrical construction, this of the drum is covered with a skin that is thin- oboe made of apricot wood can produce a ner than the other one (generally kid skin). wide variety of timbres ranging from nasal or The musician plays with his hands using two strident to smooth and solid. The duduk types of strokes: a sharp stroke (jglun or tok- comes in three sizes, covering the high, medi- mak) on the thin skin, and a lighter stroke on um and low medium (bamb) registers. the other side.

The musicians

Sahak Abovian (born in 1932), better known lent at improvisation and freely explores the by his stage name of Benik, is one of the last traditional pastoral melodies, especially gutan- ashugh of northern Armenia. His composi- erg and horhovel. tions are well known there, especially his Benik comes from a musical family and start- patriotic song about Erebuni (the ancient ed playing instruments at a very young age. Erevan). Along with his compositions, Benik His uncle and his grandfather were dhol play- is also renowned as a zurna player. He is excel- ers and singers who were quite famous in the

–21– region of Tavush. As a child, Benik played the Benik and Zaven use the ancestral dam tech- pku (a small duduk), going around villages dur- nique, i.e. the tonic is held as a drone. The ing the war and playing for change which word dam is of Persian origin and means "con- people put under his hat. Starting at the tinuing sound". The damkiash (the person beginning of the 1950's, when he left the Red who holds the dam) maintains the tonic Army, Benik became one of the most sought- throughout the piece with circular breathing. after musicians for playing at weddings and With this solid tonal reference, the musician large celebrations in the region. playing the drone allows the soloist to make Benik began to work with an exceptional the best use of his improvising talents. musician: Zaven Azibekian. Zaven was born Together with Benik, the dam accentuates the in 1952 in the Russian Republic. He received jubilatory playing of the zurna. With Zaven, it formal training in Armenia in various wind adds depth to the moan of the duduk. instruments, particularly those of the Benik and Zaven are accompanied by a dam- Armenian tradition: duduk, sring, sh’vi, pku, kiash, Kamo Nazarian, and a dhol player, zurna. From 1975 to 1990, Zaven worked in Albert Harutyunian. Kamo was born in 1963 Erevan as an oboe player, first at the Romanos in Kot’i and was trained by Zaven in various Melikian Music School, then at the Komitas Armenian wind instruments. He is excellent State Conservatory. At the same time, Zaven at playing the dam on the duduk and the played with the Tkzar Folk Music Ensemble. zurna and also accompanies the group as a With this solid training background, he clarinet player. Albert Harutyunian (born in became an oboe player with the Armenian 1957 near Noyemberian) is the group's dhol National Radio Orchestra. Zaven works in player. He began studying percussion very Noyemberian and accompanies Benik at early with his older brother who is the official Tavush celebrations. dhol player of Kokhp, their native village.

The Tavush region

The musicians live in the sensitive Tavush a long period, the Tavush region was succes- region on the border with Azerbaijan. It still sively under Georgian and Armenian domina- shows signs of the bloody conflict of 1992- tion. Before the short period of Armenian inde- 1993, including several ruined villages. pendence of 1918-1920, Tavush was adminis- Noyemberian, where Zaven and Albert live, is tered by Elizavetpol (a large city in Tsarist still a strategic city militarily, located at the Russia, now Guyandja in Azerbaijan). In 1919, border of Armenia, Georgia and Azerbaijan. For Armenia and Georgia had a confrontation to

–22– determine the borders of Tavush and the the Azeris the valleys and rivers. Every arm of Alaverdi valley. On the other hand, the border the river in the mountains thus created with Azerbaijan was determined by geography enclaves! Benik and Kamo live in one of these and by the ethnicity of the populations: the enclaves: the little village of Kot’i, linked by Armenians received the mountains and hills, only one unsafe road to Noyemberian.

The pieces

Most of the recordings were made on 10 is also danced by the parents of the bridegroom. August 2001 at the Noyemberian music Hars em gnum is played at all weddings during school, with Benik Abovian, Zaven Azibekian, the bride's preparations: for the bride, this ritual Kamo Nazarian and Albert Harutyunian. marks the start of a new life, the founding of a Two recordings (n°13 & 17) were made during new family and the separation from her parents. an open air picnic near the village of Kirants The fourth melody is a traditional dance from on the border with Azerbaijan. At this meal for Zanguezur, a mountainous region of southern about thirty men and women from the village Armenia that has become a symbol for of Kot’i, Benik Abovian is accompanied by a Armenians because it is wedged between second zurna player, Pavel Zalinian, and a dhol Nakhitchevan 3 and Azerbaijan. Zanguezur player, Martik Amirkhanian. was the junction point with Nagorno- Karabagh during the Armeno-Azeri conflict. 1. Five tunes and dances : Sahari, Kokh, Ververie is a wedding dance traditionally played Hars em gnum, Zanguezur, Ververie in the region of T’alin, at the foot of Mount Zurna (Benik) and dam (Kamo) – dhol (Albert) Aragats (the highest Armenian peak, 4090 m). Sahari is a melody traditionally played by zurna (See also track 17 for a second version) players when they go through the village early in the morning to announce that there will be 2. Suite of three tunes : Sev munt amper, a wedding that evening. This melody provides Kele Sato, Djur em berel Bingyol saren broad possibilities for improvisation. Duduk (Zaven) and dam (Kamo) – dhol (Albert) Kokh is a dance, often improvised, during Suites of melodies or dances are greatly appre- which two men simulate a fight. At weddings it ciated in the rural tradition. They most often

3. Isolated Azeri territory wedged between Armenia, Turkey and Iran.

–23– have a rhythmic and melodic progression to means “With her” was written by Sayat Nova ensure that everyone at the table will join the and tells of his love for Anna, the sister of the dancing. The three melodies played here by king of Georgia. This tragic love led to Sayat Zaven on the duduk follow a progression which Nova’s break with the king and his disgrace, is typical in Armenia, starting with smooth and forcing him to leave Tiflis (now Tbilisi, the sad sonorities and moving progressively to capital of Georgia). happier melodies and more lively rhythms. Sev munt amper (Dark and sombre clouds) was 4. Guyovn yev Par composed to autobiographical lyrics of the Zurna (Benik) and dam (Kamo) – dhol (Albert) famous writer Avetik Isahakian. This text is Guyovn yev Par (Guyovn and dance) is a wed- dedicated to Shushanik, who represented an ding dance in two parts: a slow melody fol- impossible love for him and who became the lowed by an energetic dance. Guyovn is the wife of Professor Hovhannes Ter-Mirakian. traditional round dance for the end of This love tragedy inspired Avetik Isahakian to Armenian weddings. write a series of despairing poems including Sev munt amper. 5. Hey, kanatsh sarer Zaven plays only the melodic line of Kele Sato, Sring (Zaven) (Move, Sato!) a rural song and dance. The This horhovel entitled “O green mountains” is song illustrates the hesitations of a girl at the played by farmers during the ploughing sea- insistent advances of a young boy. At wed- son. It comes from the region of Shoraguial, dings, this dance is sometimes played with a near the city of Kars. lively tempo on modern instruments such as the clarinet and the accordion. 6. Vorskan akhper Djur em berel Bingyol saren (I brought water Duduk (Zaven) and dam (Kamo) from Mount Bingyol) is a rural dance from the Vorskan Akhper (Brother hunter) is a funeral former provinces of Igdir and Kars (now in piece composed to a text by Avetik Isahakian. Eastern Turkey, near the Armenian border). It The duduk and the dam give this work a force- is most often played during weddings, ful and wrenching effect which is greatly encouraging conversations and contact appreciated in Armenia. The story tells of a between young men and women. woman whose son is missing and who goes to look for him. When she meets a hunter 3. B’lbuli Hit returning to the village, she asks him: "Have Sring (Zaven) and duduk (Kamo) you seen my son? — In the mountains, over there, This instrumental melody, the title of which I saw him dead".

–24– This melody was used by Aram Khachaturian the poet and musician Taronetsi. This liturgi- in his second symphony, in homage to the cal work, sometimes referred to as victims of the Second World War. Zguestavorman Sharakan, was played at the beginning of religious ceremonies. 7. Zurny trenguy Duduk (Zaven) and dam (Kamo) – dhol (Albert) 10. Mashkales, Hayots aghjikner, The trenguy are wedding dances played almost Trabisontsineri Par everywhere in Armenia, in the Caucasian dis- Sring (Zaven) – dam duduk (Kamo) – dhol (Albert) tricts as well as in the former Armenian Matshkales is a song from Shirak (north-west- provinces of the Ottoman Empire. ern Armenia) written to a text by Avetik Zurny trenguy (Zurna trenguy) designates a Isahakian which speaks of the passionate love rapid trenguy which, despite its name, is not of a woman for her husband. necessarily played on the zurna. The duduk Hayots aghjikner (Armenian girls) is a city song can be used instead because of its light and which pays homage to young Armenian covered sound. There are many variants for women. This gracious melody is sometimes which each musician usually composes his played for a slow dance at weddings or other own arrangements. celebrations. Trabisontsineri Par (Dance of the people of 8. Tsaghik asem – Shoror Trabzon) was composed recently by Tsovak Zurna (Zaven) and dam (Kamo) – dhol (Albert) Hambardzumian, in memory of the Tsaghik asem (that I say "flower") is sung by Armenian traditions of Trabzon, a city of Asia young girls when they play at guessing the Minor on the coast of the Black Sea. Many name of their future fiancé by tearing off the people consider it a traditional dance how- petals of a flower. The melody is now played ever because of its form and its melody line. It at weddings as a rather slow dance in 6. is frequently played at Armenian banquets. Shoror (Rolling) is a wedding dance from Javakhketi in Georgia. It is unusual because of 11. Me Khosk Unim its rhythmic structure dominated by two irre- Duduk (Zaven) and dam (Kamo) gular rhythms in 9 (2+2+2+3) and in 5 (2+3). This piece entitled “I have something to say to you” is a love song composed by Sayat Nova. 9. Tagh Khorhurd Sring solo (Zaven) 12. Arandz Yari Tagh Khorhourd (Divine counsel) was com- Duduk (Zaven) and dam (Kamo) posed at the beginning of the 13th century by The melody of this traditional song (Without

–25– my beloved), which tells of lost love, is often 16. Gyumrva Par played at funerals. Duduk (Zaven) and dam (Kamo) – dhol (Albert) As the name indicates, this traditional dance 13. Zurna Duel in two rhythmically contrasted parts comes Zurna (Benik Abovian and Pavel Zalinian) – dhol from the city of Guymri, the second largest (Martik Amirkhanian) city in Armenia formerly known as Zurna duels are held during large Armenian Leninakan, located in the northwest of the celebrations and gatherings. They are based country. It was very badly damaged in the on the secular tradition of artistic competi- great earthquake of 1988. tion which dates back to the ancient oration contests of the gusan. 17. Five tunes and dances (version II): Sahari, Kokh, Hars em gnum, Zanguezur, 14. Tagh Havik Ververie Sring solo (Zaven) Zurna (Benik) and dam (Pavel Zalinian) – dhol Tagh Havik is a melody to the glory of Christ (Martik Amirkhanian) composed by Grigor Narekatsi (951-1003). In this second version (see track 1) recorded in the open air, Benik does very free improvi- 15. Vardani Mor Vorbe sations based on these five pieces. With move- Duduk (Zaven) and dam (Kamo) ments of his head he indicates the transitions “The lament of the mother of Vardan” is an to be made and the tonic changes to the old folk song in honour of the national hero damkiash and the dhol player. Benik's playing Vardan Mamikonian who died fighting the is very physical and mobile: as the zurna is a Persians at the battle of Avarayr (451). The very directional instrument, the recording lets words of the song are those of the mother of us visualise how Benik moves around. Vardan who laments the death of her son for the cause of Armenian independence. This melody is now played at funerals.

–26–

Couverture (1 & 4) 27/06/06 14:58 Page 1

INEDIT Maison des Cultures du Monde

Arménie BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Musiciens traditionnels du Tavush

Armenia BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN Traditional musicians from Tavush

W 260106 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • fax 01 45 44 76 60 • www.mcm.asso.fr

N

ARMÉNIE • ARMENIA I A N I E K

INEDIT D

E BENIK ABOVIAN & ZAVEN AZIBEKIAN I T B Maison des Cultures du Monde musiciens traditionnels du Tavush I W Z traditional musicians from Tavush A 2 6 N 0 E

11. Cinq mélodies & danses / Five tunes & dances (zurna/dam/dhol) ..2’22” 1 V 0 6

A 12. Trois mélodies / Three tunes (duduk/dam/dhol)...... 4’29”

Z 13. B’lbuli Hit (sring/dam duduk)...... 2’53”

& 14. Guyovn yev Par (zurna/dhol) ...... 3’53” A N Collection fondée par 15. Hey, kanatsh sarer (sring solo)...... 2’55” R A M I Series founded by 16. Vorskan akhper (duduk/dam)...... 3’09” V Françoise Gründ É N O 17. Zurny trenguy (duduk/dam/dhol)...... 1’33” I B dirigée par / headed by 18. Tsaghik asem – Shoror (zurna/dam/dhol)...... 2’05” E A Pierre Bois •

K 19. Tagh Khorhurd (sring solo)...... 1’52” I Enregistré au Tavush B

N 10. Matshkales, Hayots aghjikner, E E Recorded in Tavush Trabisontsineri Par (sring/dam duduk/dhol)...... 5’22” N B

par/by Nicolas Berger I 11. Me Khosk Unim (duduk/dam)...... 3’12” K • Août/August 2001 A

E 12. Arandz Yari (duduk/dam)...... 3’14” B I livret / liner notes O N Antoine Chaudagne 13. Duel de zurna / Zurna duel (2 zurna/dhol) ...... 3’20” É Artashes Hovhannisyan 14. Tagh Havik (sring solo) ...... 2’22” V I M A R

15. Vardani Mor Vorbe (duduk/dam)...... 2’08” N

A W 260106 AD 090

16. Gyumrva Par (duduk/dam/dhol)...... 3’03” & distribution NAÏVE-AUVIDIS

17. Cinq mélodies & danses / Five tunes & dances (zurna/dam/dhol) ..8’29” Z A 6 P total : 56’29”

0 2002 O V 1 E

0 INEDIT / MCM Benik Abovian, zurna • Zaven Azibekian, duduk, sring, zurna N 6 Kamo Nazarian, duduk & zurna (dam) • Albert Harutyunian, dhol 2

Made in France A Pavèl Zalinian, zurna & Martik Amirkhanian, dhol (n°13 & 17) Z W I B T I

Catalogue disponible sur demande / Ask for the catalogue E D K

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I tél. +33 (0)1 45 44 72 30 • fax +33 (0)1 45 44 76 60

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