Miliciens et miliciennes en sortie de guerre : jugements et représentations d’un groupe collaborateur (1943-1951) Léa Vandenhelsken
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Léa Vandenhelsken. Miliciens et miliciennes en sortie de guerre : jugements et représentations d’un groupe collaborateur (1943-1951). Histoire. 2020. dumas-02927332
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Année 2019-2020
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ec le d hi i e de la S b nne
Cen e d hi i e ciale de m nde c n em ain
Miliciens et miliciennes en sortie de guerre : jugements et e e a d g e c ab a e (1943-1951)
Mémoire de Master 2 préparé sous la direction de Fabien Théofilakis
Session de soutenance : JUILLET 2020
Léa VANDENHELSKEN
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ec le d hi i e de la S b nne
Cen e d hi i e ciale de m nde c n em ain
Miliciens et miliciennes en sortie de guerre : jugements et e e a d g e c ab a e (1943-1951)
Mémoire de Master 2 préparé sous la direction de Fabien Théofilakis
Session de soutenance : JUIN 2020
Source : Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine, 72/AJ/2116, archives du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, fonds Gérard Silvain (collection de document sur la Seconde Guerre mondiale).
Remerciements
Je ien d ab d eme cie Fabien Th filaki a i acce de i e cette recherche et pour son engagement dans sa réalisation. Au cours de ces deux années, ses n mb e c n eil m n e mi de g ide e d en ichi m n a ail.
Mes remerciements vont également à Pascal Raimbault, archiviste aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. Son aide pour la communication des notices donnant accès a d ie indi id el de acc m a e memen précieuse.
Je eme cie ma famille e me ami i m n en , épaulé et écouté au cours de ces deux années. Nos nombreu e di c i n e c n eil m n d ne g ande aide.
Je souhaite remercier plus particulièrement Katia pour ces nombreux conseils ; et un g and me ci ma m e, C cile, i a e la a ience d a e la elec e de ce a ail.
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Sommaire
Introduction
Partie 1. Discours et représentations sur les miliciens et les miliciennes : exclusion et g a d g e c ab a e
Chapitre 1. Miliciens et miliciennes dans la presse : discours sur une collaboration haïe et condamnée
A. La presse de la Libération
B. Après la Libération, quelle mémoire de la Milice et des miliciens ?
C. La Milice, « un passé qui ne passe pas » ?
Chapitre 2. La collaboration au féminin : la milicienne dans un milieu masculin
A. Un engagement en marge des adhésions et des représentations ?
B. L indigni e la e en a i n de la c llab a i n : miliciens et miliciennes, des traîtres à la nation
Partie 2. Des réponses légales à la collaboration milicienne : les rouages de la justice épuration face aux attentes de la société française
Chapitre 3. Place e f nc i nnemen de la j ice d a i n : entre transition et exception
A. « La c ndi i n indi en able la c a i n d ne itable unanimité nationale » ?
B. La j ice d a i n : de la c nce i n d ne j ice an i i nnelle la mi e en place des cours de justice
Chapitre 4. Un appareil judiciaire adapté au crime milicien ?
A. Juger la collaboration milicienne, un crime au c de l a i n
B. L a a enance la Milice : un crime sans preuve ?
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C. Entre les procédures et les procès, un acteur de premier rang : la prise de parole des témoins
Partie 3. Des engagements aux jugements : de c a e d g e de a a ce
Chapitre 5. T ajec i e ciale e e ience d engagemen : les miliciens et miliciennes forment-ils un groupe hétérogène aux récits pluriels ?
A. De ajec i e di e e c dan l engagemen
B. Situations sociales et engagement milicien
C. De l engagemen a ega d l engagemen , le milicien e milicienne face le crimes
Chapitre 6. Des procès de miliciens et miliciennes en cour de justice : la collaboration en jugement
A. A c de c d e , en e n me e e ce i n
B. En comparution, des sentences avant tout conjoncturelles ?
C. Quel bilan pour la Milice au regard de 113 miliciens et miliciennes ?
Conclusion
Etat des sources et bibliographie
Annexes
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Introduction
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28 août 1944. Chacun a son histoire de milicien ou de milicienne. Il y a la septuagénaire à mitraillette qui a déclaré au Sénat : « Vous pouvez me tuer, je suis satisfaite : j en ai descendu dix ! » Il y a l octogénaire franciste qui encourageait cinq miliciens à l Observatoire. Et le milicien qui tirait d un toit, appuyé sur une cheminée : une rafale de mitrailleuse abat la cheminée et découvre une jeune femme qui tient un bébé d une main et passe les cartouches à son homme de l autre 1
Ce m bli dan le ci d Occ a i n de Jean Gal ie -Boissière illustrent la place occupée par les miliciens et miliciennes dans la France en Libération. Les membres de l gani a i n c llab a ice c i alli en l imaginaire de la collaboration et sont connus et reconnus de tous, qui subissent la violence de leurs actions. Pascal Ory a lui aussi étudié cette place occupée par la Milice, dont le nom même renvoie à « une bonne part de la mythologie noire de la collaboration »2. Ces affirmations mettent en e e g e la ne mb e de l hi i e de la France dans la Seconde Guerre mondiale que la Milice française occupe. Son chef fficie , J e h Da nand a m me fai cemmen l bje d ne bande de in e m n an n parcours, en tant que « bourreau français », allant de la Grande Guerre au régime de Vichy a ec l id e de m n e n e nnage ble, mb e, d n le a c j la Milice suscite de nombreuses interrogations3. Ce e id e d ne l gende n i e de la c llab a i n est représentative des images de la Milice française plus souvent désignée sous le terme Milice véhiculées dan la F ance de l Occ a i n, de la Libération e de l a i n4. Cette « Gestapo française » que représente la Milice est assimilée aux acteurs nazis dans les discours comme dans son action concrète à travers sa collaboration directe et active avec les services allemands. A ce titre, au regard de cette mythologie sombre de la collaboration et plus spécifiquement de la Milice elle-même, étudier sa place concrète dans cette période de tranistion i hme la ie li i e e ciale f an ai e de l 1944 a d b de l ann e 1951 ff e n f midable angle d a che c m end e la ie de g e e f an ai e.5
1 GALTIER-BOISSIERE, Jean, Mon journal pendant l Occupation, Libella, Paris, 2016, p. 256. 2 ORY, Pascal, Les collaborateurs. 1940-1945, Paris, Editions du Seuil, 1976, p. 257. 3 PERNA, Patrice, BEDOUEL, Fabien, Darnand. Le bourreau français, Paris, Rue de Sèvres, deux tomes, 2018 4 CHAUVY, Gérard, Histoire sombre de la Milice, Bruxelles, Ixelles, 2012, 351 p. 5 FLATEAU, Cosima, « Les sorties de guerre. Une introduction », Les Cahiers Sirice, n° 17, 2016, p. 5-14.
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Travailler sur la reconstruction d une nation au prisme de zones sombres de son histoire
Travailler sur la période chronologique des sorties de guerre en France a été ma première réflexion dans le ch i d n je de eche che, afin d die la mani e d n n Etat vaincu et occupé, à la situation aussi particulière que celle de la France en 1944, gérait et organisait sa sortie du conflit et sa reconstruction. Ce i m in e ai alors n ai a an les combats de la Libération que, la situation de la population française après ces évènements e le m en mi en e ec n i e e c ncilie la communauté nationale. En e, a c de ma i i me ann e de licence d hi i e, g ce ne i i e a A chi e nationales (Pierrefitte-sur-Seine), j ai c n l e le a chi e j diciai e ela i e l a i n e me familia i e a ec ce je e ce e i de hi i e.
J en i ageai également de travailler sur un groupe social défini, afin de réaliser une étude en histoire sociale6. Je me suis intéressée alors aux différentes formes de collaboration e la mani e d n le c llab a e aien e dan l e ace blic a e ce e em ali de la ie de g e e f an ai e. Le ini n l enc n e de c llaborateurs pouvaient désormais se faire entendre et être entendus sans crainte de représailles. Dans le contexte de l 1944, se mettent en place des procédures épuratoires visant à punir les collaborateurs et collaboratrices à faire acte de j ice. C est pourquoi mon sujet concernait m in l a i n di e n angle j diciai e e a de a che li i e e ciale, a elle e galemen g e i emen aj e ne a che c l elle. En m in e an a ai emen d ne gani a i n c llaborationniste dans la sortie de guerre française et dans le cad e l gal e j diciai e de n j gemen , j ai retenu les membres de la Milice française. En effe , j ai a idemen ema leur importance, en termes quantitatifs, dans les jugements de l uration, notamment car ils étaient considérés comme les principaux responsables de la fa ci a i n de l E a f an ai a i de 1943, ann e de a c a i n e ann e i ma e n eje ma if de l ini n i -à-vis du gouvernement de Vichy7. Ce rejet se renf ce d a an plus en 1944 lorsque les ultras de collaboration intègrent le gouvernement de Vichy à des e minemmen im an : J e h Da nand a main ien de l O d e e Philippe Henriot à l Inf ma i n e la P agande, de milicien , deux collaborateurs convaincus8.
6 PROST, Antoine, « L hi i e ciale », Douze leçons sur l histoire, Paris, Seuil, 1996, p. 213-236. 7 LABORIE, Pierre, L opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 1990, 405 p. 8 Da nand e n mm le 1e jan ie e Hen i le 6 jan ie 1944 ce e de ec ai e d E a , e i n des Allemands, appuyée par Pierre Laval
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Dans les représentations collectives e d el e l id e e la Milice e l image même de la collaboration, et les miliciens sont des mauvais Français, car leur combat est celui de l cc an na i. A cela aj e le fai que le terme « milicien » finit par désigner « tout collaborateur en armes, appartenant ou non à la Milice »9. Ces représentations sont alimentées par la radicalisation des actions de la Milice dans la France des années 1943 - 1944, allant de pair avec des violences commises sur le territoire français de plus en plus répressives, par les miliciens et les occupants nazis. Analyser comment ces représentations participent à la sortie de guerre et quelle place elles occupent dans la reconstruction de la France j en 1951 e enai anal e c mmen Vich e l Occ a i n de enaien n h i age, n a e n passif dans la reconstruction à travers le jugement de celles et ceux alors perçus et considérés comme des traîtres à la nation. Dans la définition de mon objet de recherche, je cherchais à allier une histoire sociale, politique et culturelle afin de rendre compte de la situa i n d n groupe défait et jugé, des imaginaires et représentations qui lui sont associés dans ce contexte e l a i n. Q el seraient alors les liens entre mécanismes sociaux de reconnaissance d n g e de c llab a e a ci s l id e d « ma ai F an ai e a ail d ne justice de sortie de guerre ? La question, complexe, revêt des enjeux nationaux de ec n c i n d n a e de c ncilia i n d ne la i n a ec le ale blicaine baf e endan l Occ a i n.
Enfin, une raison presque fantasmatique e l igine d choix de ce sujet. La Milice c mme l a i n en F ance n en e d imaginai e e de m m i e mb e , i le donnent donc un aspect attrayant10. Ainsi, anal e l adh i n n g e c llab a i nniste l id l gie a i mb e e a i e mi e e celle de la Milice f an ai e m n e bien la d c i n e e l de hi i e de ce ne perçues comme mystérieuses de l hi i e. La m m i e de la Milice a fai l bje d n eje d fai de la i lence elle a e e c c n e des Français. Travailler sur cette histoire de la collaboration amène à considérer la violence de ac e e l n die. Le ega d e l n e ce ac e el e alors d n important travail à effectuer, afin de se positionner entre le jugement de valeur et la banali a i n. Effec e ce a ail m in e ai bea c e cela a j n le im an dan le choix de mon sujet de recherche.
9 ARNAUD, Patrice, THEOFILAKIS, Fabien (dir.), Gestapo et polices allemandes. France, Europe de l Ouest. 1939-1945, Paris, Editions du CNRS, p. 61. 10 LACOSTE, Charlotte, Séductions du bourreau. Négation des victimes, Paris, PUF, 2010, 479 p.
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Miliciens et miliciennes : un groupe social collaborationniste
Mon choix de je e g e i emen d fini en e la an a c de l de le miliciens entendus comme groupe social collaborationniste, leur situation et devenir à la fin de la Sec nde G e e m ndiale. L de de ce g e cial a le ec e de a d fai e et du jugement de ses actions, son idéologie et sa trahison nationale, prend place en France à partir de l 1944. L bjec if e al de punir celles et ceux qui ont trahi la France pendant les a e ann e de l Occ a i n, de m if allan de la dénonciation à la collaboration politique, en passant notamment par le marché noir et la collaboration économique. L a i n el e d ne j ice ing li e, em ein e de c i e m a , a ec l bjec if de purifier la nation française. Les membres du groupe social des miliciennes et miliciens se définissent comme les individus qui ont adhéré à la Milice entre sa création, le 30 janvier 1943, et sa dissolution sous ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le 9 juin 194411. La Milice in c i c mme le cce e d Se ice d O d e L gi nnai e (SOL), d n le f nc i nnemen e l id l gie n e emblan a ec ce de la Milice ca elle n e e la an f ma i n d SOL12. La Milice à sa création se conçoit comme « une association de Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la France »13. Cette dite « a cia i n e di ig e a le chef d g e nemen , Pie e La al, mai dan le fai c e son secrétaire général, Joseph Darnand14, qui la dirige. Darnand est un ancien combattant de la P emi e g e e m ndiale, che de P ain i l i a a ib a m daille mili ai e l i e de la Grande Guerre. Sous la Seconde Guerre mondiale, il se rallie P ain e engage dan la collaboration. Il est responsable de la Légion française des combattants (LFC)15 dans le département des Alpes-Maritimes, où il fonde en août 1941, le SOL, par la suite étendu à l en emble d e i i e. L id l gie de J e h Da nand e celle d n l a de la collaboration : engagé dans la Cagoule16, c e n na i nali e, e de c , n na i nal-
11 GPRF, Ordonnance relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, 9 juin 1944. 12 BUTON, Philippe, La joie douloureuse : la libération de la France, Bruxelles, Editions Complexe, 2004, p. 35. 13 Loi du 30 janvier 1943, Statuts de la « Milice française » 14 GORDON, Be am, Un lda d fa ci me : l l i n li i e de J e h Da nand , Revue d histoire de la Deuxième guerre mondiale, n° 108, 1977, p. 43-70 ; VIEL, Hugues, Darnand : la mort en chantant, Paris, Jean Picollec, 1995, 429 p. 15 COINTET, Jean-Paul, La légion française des combattants : la tentation du fascisme, Paris, Albin Michel, 1995, 458 p. 16 Organisation politique et militaire clandestine, proche du fascisme, active dans les années 1930. BOURDREL, Philippe, Les Cagoulards dans la guerre, Paris, Albin Michel, 2009, 282 p.
18 socialiste convaincu. Au sein du g e nemen de l E a f an ai , Da nand e affi m comme un personnage majeur, d ab d di ige la Milice f an ai e i en an e ec ai e d E a a main ien de l d e a i d 1e jan ie 1944 e de secrétaire d E a l In ie a i d 14 j in. Ain i, Pie e La al ai -il en lui « un émule des hommes a ai fait naitre le national-socialisme »17. La Milice se définit plus spécifiquement comme ne in i i n de l E a f an ai , ne lice l i e e n m emen li i e, d n le inci al bjec if e d e n in men d main ien de l d e. Elle agi dans différents ec e de la c llab a i n e dan l ac i n na i nale e i e men e a l E a f an ai .
La Milice possède une branche paramilitaire armée, la franc-garde, créée le 2 juin 1943. Cette branche est composée uniquement d h mme , l n aires, ayant entre 18 et 45 ans. Les francs-gardes sont armés et constituent le « fer de lance »18 de la Milice. En juin 1944, les rangs de la franc-garde sont c m d en i n 5000 memb e 19. A celle-ci aj e, l a an -garde, structure entièrement destinée à accueillir les jeunes. Les avant- gardistes sont des membres âgés de moins de 18 ans. La Milice ne se déploie à sa création en ne n n- cc e ; ce n e n an a , en jan ie 1944, elle b ien l a i a i n de l Allemagne de in alle dans la zone nord20. La Milice n a a c n i le m emen de ma e a el elle in en ai . Ain i, dan l en emble de de ne , le effectifs ne dépassent pas 15 000 miliciens actifs21. Sur le plan idéologique, l gani a i n de Darnand se définit comme an ib lch i e e an i mi e. S n id l gie e i e a c de l e me d i e c mme n e le li e dan le i i me c le de n h mne fficiel, le Chant des cohortes : « Miliciens, faisons la France pure : Bolcheviks, francs-maçons ennemis, Israël, ign ble i e, c e la F ance mi »22. Cela illustre on ne peut plus clai emen l id l gie e cl i e, i e a i e, a c de l gani a i n e la mani e dont elle se conçoit et se présente elle-m me. Elle di e galemen d n hebd madaire, Combats23, qui présente chaque vendredi, à compter de mai 1943, les actualités concernant la Milice e la i a i n l g n ale en E e c mme dan le m nde. C e a i n ec e de son idéologie et de ses principes.
17 BRINON (de), Fernand, Mémoires, Paris, Déterna, 2001 (1ère édition : LLC, 1949), p. 171. 18 AZEMA, Jean-Pierre, « La Milice », Vingtième Siècle, revue d'histoire, 1990, n°28, p. 90. 19 ORY, Pascal, Les collaborateurs , op.cit., p. 251. 20 Décision « imposée » au Militärbefehlshaber in Frankreich (MBF), hostile à la Milice. Voir ARNAUD, Patrice, THEOFILAKIS, Fabien, op. cit., Paris, CNRS éditions, 2017, p. 36. 21 GIOLITTO, Pierre, Histoire de la Milice, Paris, Perrin, 1997, p. 157. 22 FUVAL, Pierre (paroles), BAILLY, Georges, PROUS (de), Pierre (musique), Le Chant des cohortes. Il agi ai a d a d chan d SOL, e i c mme h mne fficiel a la Milice. 23 Le journal a été fondé le 8 mai 1943 et son rédacteur en chef est Henry Charbonneau (neveu par alliance de Joseph Darnand).
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En cour de justice, la collaboration jugée
Dans le contexte de sortie de guerre où les comportements haineux et violents des milicien e milicienne n c ndamn dan le ini n , l anal e de e en a i n reflète également le déroulement des procès de l a i n. C e l en emble de la ci française qui, sous l Occupation, a fai l bje de menace e in i e par les activités de la Milice, d l e la e i n e d cie a ec n a memen e n in alla i n l en emble d e i i e f an ai 24. Dan l ini n, l ac i n de la Milice ne e diff enciai a de celle des occupants, ses membres étaient considérés comme « supplétifs des forces ennemies »25. En effet, travaillant aux côtés de la Sicherheitsdienst (ab g l ac n me SD), ils ne faisaien a f i l n a ec ce de nie 26. Joseph Darnand ayant été gradé Sturmbannfûhrer au sein de la (SS) en août 194327, le rapprochement miliciens-Allemands apparaissaient dès lors comme une évidence. Son histoire est associée à des imaginaires sombres et souvent violents, renvoyant notamment aux cours martiales instituées avec la loi du 20 janvier 1944 qui c n ib en d nne la Milice ce e image d ne gani a i n e e d ne i lence e me28.
En amont de la mise en place des juridictions légales, a c de l a i n di e « extra-légale », les miliciens sont particulièrement visés par la « revanche patriotique »29 qui gani e le e i i e na i nal. A ein de cours martiales et tribunaux militaires, certains miliciens et miliciennes sont condamnés. Ces condamnations sont perçues comme une forme de reconnaissance de la souffrance que ces soupçonnés collaborateurs ont infligée à la F ance endan le ann e de l Occ a i n. La mi e en lace d n cad e j diciai e a ensuite permis de répondre à une volonté politique d d e30, afin de mettre fin aux formes de justice dites extra-légales, qui laissent davantage cours à des formes de revanche.
Au cours de la Libération, l épuration était extrêmement attendue et espérée afin de réprimer l ac i n des miliciens et leur i lence, d en fai e de ind i able e de le j ge
24 GIOLITTO, Pierre, Histoire de la Milice, op. cit., p. 241. 25 LAURENS, And , Le h n m ne milicien en A i ge e l l i n de e e en a i n dan l ini n , Revue d histoire de la Deuxi me guerre mondiale et des conflits contemporains, n° 131, juillet 1983, p. 3-23 26 CLEMENT, Pie e, La Milice f an ai e, n a iliai e de la lice de c i allemande. L e em le d département du Rhône », ARNAUD, Patrice, THEOFILAKIS, Fabien (dir.), op.cit., p. 61-72. 27 ARNAUD, Patrice, THEOFILAKIS, Fabien (dir.), op. cit., p. 63. 28 SANSICO, Virginie, La justice du pire : les cours martiales sous Vichy, Paris, Payot, 2003, 258 p. 29 ROUQUET, François, VIRGILI, Fabrice, « La revanche patriotique », Les Françaises , op. cit., p. 98-143. 30 LABORIE, Pie e, L ini n e l ation », Lendemains de libération dans le Midi : actes du colloque de Montpellier, M n ellie , Cen e d hi i e mili ai e, 1997, . 47-51.
20 comme tel. L a i n j diciai e a e imen e en Af i e d N d, l 1943 la i e de l d nnance d C mi f an ai de Lib a i n na i nale (CFLN) d 18 a ût 1943 qui in i e, ne d e de i m i , ne c mmi i n d a i n. Il faudra cependant un ce ain em a an la c a i n de j idic i n d e ce i n, en raison de la compromission de la magi a e i ai dan ne g ande maj i alliée au régime de Vichy et qui devait préalablement être épurée31. T i e de j idic i n n mi e en lace afin d encad e l a i n l gale. Le c de j ice sont c e a l d nnance d 26 j in 1944 a ec n magistrat et quatre jurés. A ces cours sont rattachées des chambres civiques, créées cifi emen j ge de l indigni na i nale32. A côté de ces deux juridictions, la Haute cour de justice est créée pour juger les membres du gouvernement de Vichy33.
Les cours de justice créées par ordonnance du Gouvernement Provisoire de la R bli e f an ai e (GPRF) n le f ndemen l gal de l a i n men e le e i i e f an ai . Ce c aien c m e d n magi a fe i nnel e de a e j , i a d a ne li e préalablement définie de résistants qui devaient incarner la souveraineté populaire. En bref, ces jurés devaient avoir fait « la preuve de leurs sentiments nationaux »34. Ce sont donc des résistants, venant principalement du Parti Communiste (PCF), mais aussi des gaullistes. Le enje de la j ice d a i n ele aien de l im ance d a er une réponse fondée sur des principes juridiques légaux à ces évènements nationaux, tout en assurant une fonction de gestion du dissensus. Comme le dit Mark Osiel, « les procès criminels peuvent contribuer de façon significative à faire émerger une forme trop sous-estimée de solidarité sociale »35. L a i n ai im gn e d bjec if pacificateurs. Ce endan , ce je n a a en i emen i e la m m i e i en est retenue, par les contemporains, directement pendant et après sa réalisation est bien plus mitigée.
En effet, cette m m i e e ime da an age la f me de eje . A m men m me ce c e d len , il n l in de fai e l nanimi et sont fortement critiqués, que ce soit pour la trop grande sévérité des sanctions retenues ou, au contraire, pour la trop g ande cl mence. Diff en in de e aff n en , endan emble-t-il impossible un c n en . La m lga i n de l i d amni tie a contribué à alimenter des considérations
31 A cia i n f an ai e l hi i e de la j ice, L épuration de la magistrature de la Révolution à la Libération : 150 ans d histoire judiciaire, Paris, Loysel, 1994, 165 p. 32 Le chamb e ci i e n c e a l d nnance d 28 a 1944. 33 La Ha e C de j ice e c e a l d nnance d 18 n emb e 1944. 34 ROUSSO, Henry, Vichy : l év nement, la mémoire, l histoire, Paris, Gallimard, 2001, p. 35 OSIEL, Mark, Juger les crimes de masse. La mémoire collective et le droit, Paris, Seuil, 2006 (édit. originale : 1997 ; trad. Jean-Luc Fidel), p. 23.
21 négatives36. Ce endan , ce e i i n a de i fai l bje de i i n dan l hi i g a hie l a i n, et la justice de sortie de guerre a effectué un travail de jugement très dense et des lourdes peines ont été attribuées aux collaborateurs et collaboratrices.
Ancrage et délimitations
L de d j gemen de milicien e milicienne a ein de c de j ice e i e dans le département de la Seine. En effet, le inci al c d a chi e retenu est celui de la cour de justice de la Seine qui fonctionna du 17 octobre 1944 au 31 janvier 1951. La majorité des affaires jugées par la cour de justice de ce département concerne des faits qui se sont déroulés dans cette zone. Ce endan , i il agi d n d a emen cen al en e me de ge i n admini a i e, de affai e c n id e c mme d im ance na i nale n également été jugées. Par le jeu des renvois de dossiers, les jugements prononcés par la cour de justice du département de la Seine peuvent concerner des affaires dépassant ce cadre37. Il faut donc distinguer le cadre spatial du corpus centré sur le département de la Seine de celui des actes commis qui peuvent être beaucoup plus larges. De fait, les miliciens ont régulièrement ét en dan d a e gi n , ca la Milice di ai d ne la ge a i e le territoire français. Certains miliciens ont également fait le choix de poursuivre le combat hors de France, en Suisse, en Allemagne et en Italie principalement, au moment où le territoire était libéré. Ce départ a eu pour conséquence un retard dans les procédures enc e c n e ce ain milicien . A emen di , l e ace c nce n e a cel i d g e di d n le ac i n enden dan l en emble d e i i e na i nal à partir du mois de janvier 1944, voire au-delà lorsque ses membres ont fait le choix de continuer le combat à l ange l 1944. Ce n e a le lie de le ac i n i d e mine d nc le j gemen devant la cour de justice de la Seine. Ce qui importe ce sont les trajectoires des personnes jugées par la cour de justice de la Seine pour appartenance à la Milice française. La cour de justice de la Seine ayant instruit environ 6 000 dossiers durant la totalité de son fonctionnement, l anc age e en e me d die un corpus très riche et très dense, couvrant le cadre national.
36 Loi du 5 janvier 1951 et du 6 août 1953 portant amnistie. 37 Le département de la Seine, supprimé en 1968, est constitué des départements actuels de Paris, les Hauts-de- Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
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Le choix du cadre chronologique relève quant à lui de réflexions autour du regard l bje de eche che. Puisque ce dernier se concentre à la fois sur les représentations des miliciens et miliciennes et sur leurs j gemen de an le j idic i n de l a i n, il m a embl n ce ai e de in e e a g e cial di , d l ann e de la c a i n de la Milice française, en 1943. Le choix de cette date ouvre une e ec i e d anal e de opinions et représentations plus large, en prenant en compte les représentations sur la Milice développées par les miliciens eux-mêmes. La ch n l gie e en e en e l ann e de la création de la Milice, 1943, e l ann e de fin de jugements, 1951, amène à couvrir un temps long de l ac i i d g e cial di e de n c 38. Dans cette chronologie, le terme de j gemen e en end e selon une perception normative intégrant ce qui est considéré comme acceptable ou pas. Ces d fini i n e me en d la gi l anal e de l bje de eche che en in g an l de de e en a i n c n i e le milicien . La da e extrême retenue correspond au moment où la cour de justice de la Seine cesse de fonctionner, le 31 janvier 1951. Les affai e e en e in c i en dan ce e em ali , an a an la couvrir entièrement.
Une histoire des sorties de guerre et de la collaboration
L de de milicien e de milicienne en sortie de guerre in c i la c i e de diff en d maine de eche che . T d ab d, c e ne hi i e li i e de la c llab a i n, e l cifi emen de la Milice f an ai e. C e ne hi i e a ic li e de la collaboration car la Milice ne se définit pas selon un seul type de collaboration. Elle agit à la f i dan le main ien de l d e, dan la l e a m e, dan l id l gie, dan la f ma i n li i e. E die l hi i e de ce gane d E a i a j n le f ndamen al dan la fascisation de celui-ci entre 1943 et 1944 permet de mieux analyser la place de la Milice f an ai e dan la i de de l a i n e a c n en , le j gemen de ce e c llab a i n. Ce g e fai galemen l bje d ne de d hi i e ciale dan la elle l in e e sur les trajectoires des individus entendus devant la cour de justice de la Seine pour appartenance à la Milice. Afin de comprendre la place de ce groupe en sortie de guerre, les adh en la Milice d i en e di a i me de ajec i e j le comparution en justice. La collaboration se comprend à la fois du point de vue de ceux qui y participent et
38 MONTERGNOLE, Bernard, La presse grenobloise de la Libération : 1944-1952, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1974, 255 p.
23 de ceux qui la perçoivent et la jugent symboliquement. Ces représentations sur la Milice et sur e memb e j en n le e en iel dan le cad e de l a i n, e cette imbrication des opinions et de la justice c n i e le c de m n de.
En i e, m n je in c i dan ne hi i e de ie de g e e. En effe , l n de enjeux fondamentaux est de rendre compte du contexte transitoire dans lequel les évènements in c i en . Il agi d ne i de e j ent la reconstruction de la Nation et la c ncilia i n de F an ai , en i i n a ec le ann e d Occ a i n39. Cette histoire e me de ai e de la em ali , mai a i d in i e le c nce de an i i n avec, dans ce ca ci , l id e de a e d ne i de d Occ a i n la Lib a i n d e i i e national, mais surtout à la reconstruction de la nation républicaine et au rétablissement de la légalité républicaine. Dans ce contexte de sortie de guerre, l bjec if est, passant par une justice transitionnelle, « de sortir de manière pacifique, durable, « juste en mme, d ne situation conflictuelle »40.
L de a e le i me d gen e e galemen n enje de m n m m i e. La lace de femme dan la Milice n a fai l bje d a c ne de cifi e. Bien e ce ain ouvrages mentionnent leur présence, celle-ci ne fai a l bje d ne anal e selon une perspective de genre. La place des femmes dans la Milice se questionne notamment autour de l id l gie i ile e ma c line d n la agande milicienne e le efle . Ce endan , 15% de adh en l gani a i n de Da nand aien de femme . Leur place dans les représentations et devant la justice épuratoire sera interrogée dans ce mémoire, au même titre que celle des hommes, en questionnant le poids de la variable du genre dans les représentations de la collaboration et dans les jugements de l a a enance la Milice, mai galemen dan le propres discours sur leur engagement en faveur de la collaboration politique.
L hi i e de l a i n, bien elle in c i e dan l hi i e de ie de g e e, en d ache en ai n de n caractère exceptionnel. A a e le cad e l gal de l a i n, la ec n c i n na i nale in c i en a all le d ch imen de a e . La na i n d i e a en m dical, h lac i e, d e me de ce i l a aien l chemen ill e. Au sein de ce e hi i e de l a i n, se trouve également une histoire de la justice. Comprendre à la f i c mmen f nc i nne la j ice de l a i n, a e le a ail e la c m i i n de cours de justice et étudier le sens juridique de tout ce processus singulier qui se sert du droit
39 S l id e de fai e j ice a ai e le h ili e e me e la c ncilia i n, i LEFRANC, Sand ine (dir.), Après le conflit, la réconciliation ?, Paris, Michel Houdiard, 2006, 344 p. 40 CABANES, Bruno (dir.), Une histoire de la guerre. Du XIXè siècle à nos jours, Paris, Seuil, 2018, p. 625.
24 dan n c n e e de ed e emen na i nal ff en n en ellemen de l anal e de l a i n, en a ie e mi a l e e de a chi e j diciai e . Afin d die e d anal e le a chi e j diciai e , il a fallu me familiariser avec cette historiographie. Ainsi, j ai amen e c n l e de f ence d hi ien e hi ienne (hi i e d d i , de la j ice) mai a i de j i e a an ai de e i n de la j ice de l a i n enc e de la justice transitionnelle. Ces deux vecteurs permettent de comprendre les notions proprement juridiques, mais aussi de lire les archives au regard de leur fonctionnement tel il e en dan le e e l gi la if . En e, ce e hi i e de la j ice, du droit, aborde des questions plus « techniques » sur les ressorts et le fonctionnement des juridictions exceptionnelles prop e l a i n41.
Enfin, le dernier domaine de recherche retenu est une histoire des représentations, inscrite dans le cadre l g n al de l histoire culturelle42. Ce regard permet de décentrer l anal e, en ne e f cali an n n a ni emen le e an li ic -juridique de l a i n, afin de comprendre la place que le groupe des miliciens et miliciennes avaient dans la ci , mai a i le e en a i n dan l e ace cial de ce collaborateurs. Au ein de ce e en a i n , de enje li la d n ncia i n d ne c llab a i n ing li e e retrouvent. Ces représentations marquent également l i i n en e les personnes accusées de collaboration en raison de leur supposée appartenance à la Milice française et le peuple français, héroïque et résistant, a n m d el la j ice e end e. L de de e en a i n e de ini n end lace dan le cad e d une histoire culturelle du politique permettant de dépasser les enjeux judiciaires pour comprendre la construction et la diffusion de e en a i n c nce nan n g e d ac e an c m mis dans la collaboration.
Une historiographie dense mais incomplète : entre rejets et débats
La i de de l a i n constitue un objet de recherche prisé par les historiens. La première grande synthèse sur le sujet est celle de Robert Aron en trois tomes, publiés entre 1967 et 1975, retenant un temps long p ai e de l a i n, allan de 1942 195343. Ces age ne c n i en l de f ndamen a a j d h i, dan la me e il n da
41 « Juger sous Vichy, juger Vichy », Histoire de la justice, n° 29, 2019 ; SANSICO, Virginie, La justice , op. cit. ; SIMONIN, Anne, Le déshonneur dans la République : une histoire de l indignité, 1791-1958, Paris, Bernard Grasset, 2008, 758 p. 42 POIRRIER, Philippe, Les enjeux de l histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004, 435 p. 43 ARON, Robert, Histoire de l Epuration, Paris, Fayard, 1967-1975.
25 e n en el a de n elle anal e ili an d a e ce e m h de l pertinentes. Les travaux de Robert Aron sur le régime de Vichy et son positionnement minimi an c n id ablemen le le de l E a f an ai dan la d a i n e la c llab a i n ne sont donc plus retenus comme fiables. Le manque de fiabilité propre à ces études historiques alimente le ca ac e d histoire inachevée » Henry Rousso porte à l a i n, en ai n de bl me de calc l an i a if li a bilan de l a i n44.
De nombreux débats au sein de la communauté historienne entourent la thématique de l ration, notamment concernant la transition entre la période extra-judiciaire et judiciaire, mais également sur les chiffres, que ce soit ceux des exécutions sommaires, difficiles à évaluer, mais aussi des procès (condamnations à mort, exécutés). Il y a également des di c i n le ch i de m e le in e a i n i n im an l e l n ai e de l a i n. Le ch imen l enc n e de ce i n trahi la France pendant ces a e ann e d cc a i n, d an le elle le j gements des collaborateurs étaient extrêmement attendus, a paradoxalement laissé place à des formes de rejet, au moment même du déroulement des procès, mai a i l i e de la période. Les impressions des populations l nemen ne e aien d l ab lument pas concordantes avec la manière dont l a i n a ai en i ag e, la c ncilia i n na i nale. Ce eje e e li e a les images de vengeance populaire, que ce soit du fait des violences commises par les Forces f an ai e de l in ie (FFI) dan la i de d a n emb e 1944 de e de bombes entre novembre 1944 et mai 1945, demandant des jugements plus sévères45. Ces faits sont repris et contribuent à véhiculer une image négative a posteriori. Au sein des milieux communistes principalement, les critiques se portent sur la trop forte clémence accordée aux collaborateurs46. L hi i g a hie a j n le dan la diff i n de ce id e l a i n puisque les études de la seconde moitié du XXe siècle faisaient la part belle à une épuration « sauvage »47, autour de bilans statistiques déformés. Cette historiographie est grandement e en e dan le d ba hi i g a hi e a l age de Phili e B d el in i l L épuration sauvage. Bien que son ouvrage ait e mi d die cifi emen l a i n n alifie a d e a-légal et extra-judiciaire et non de « sauvage », son analyse est f emen emi e en ca e. Ce age c n ib a d nne la i de de l a i n n
44 ROUSSO, Hen i, L a i n en F ance : ne hi i e inache e , Vichy , op. cit, p. 78-105. 45 SANCLIVIER, Jacqueline, BOUGEARD, Christian (dir.), La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1995, p. 356. 46 GRENARD, Fab ice, La R i ance en acc a i n. De c d ancien FFI e FTP en F ance dan le ann e d a -guerre », Vingtième siècle, revue d histoire, n° 130, 2016, p. 121-136. 47 BOURDREL, Philippe, L Epuration sauvage, 1944-1945, Paris, Perrin, 1988, 569 p.
26 caractère populaire non contrôlé et non encadré, et un cadre de violences extrêmes passant par les cours martiales, les exécutions sans instruction, le phénomène des tondues. Cependant, ce e hi i g a hie al e le chiff e de l a i n e a-légale48 d ab d a ec le chiff e des 100 000 e c endan ce e i de a anc a le mini e de l In ie d GPRF, puis celui de 30 000 à 40 000 d fend a R be A n. Le chiff e de l en e men e a le C mi d hi i e de la de i me g e e m ndiale (CHGM) n an e bien plus fiable e e me en d al e ce e c i n n chiff e c m i en e 8 000 e 9 000. Le qualificatif « sauvage » ne convient pas, d a an l que les jugements ne se font pas sans cadrage, ni dans un bain de sang fait uniquement de condamnations à morts expéditives. Cette anal e n en i ageai a le nemen dan le c n in i hi i e, li e l a gmen a i n e l agg a a i n de aff n emen en F ance en 1944, inci alemen d fai de ac i n de la Milice. Ain i, l age de B d el a laissé en suspens de nombreuses problématiques, mais a soulevé de nombreux débats autour du traitement historiographique de l a i n.
J a ann e 1980, le age hi i e l a i n a a en en de é de n h i e i n ab dent pas suffisamment les enjeux divers de la période, et i l anal aient en histoire politique partant du haut pour décrire les évènements. C e n ammen le ca de l de ali e a l hi ien am icain, Peter Novick dans l age in i lé L épuration française. 1944-1949, publié en 1968 et traduit en français en 1985. Ce age a l ng em c n i l age de f ence. A j d h i le hi ien i che chen da an age la gi le cham de eche che e c n ac e l de d une a i n i n e a ni emen e c mme li i e, f en d nc m in . D an la d cennie 1980 en F ance, le je a i d a an l d im ance il anc ai dan la période des procès tardifs de collaborateurs, tel que celui du milicien Paul Touvier en 199449.
Les études plus récentes étudient d a e an de l hi i e de l a i n. En effet, sans abandonner la dimension politique, ce de hi i e in e gen da an age le enjeux sociaux et culturels de la période. Ain i, c mme le me l hi ien f an ai Ma c Be g e : n e a en de d cennie d ne hi i e de l a i n en F ance ne
48 S l en emble de chiff e i i en , i ROUSSO, Hen , L a i n en F ance , op. cit., p. 497- 503. 49 GOLSAN, Richard J., « Que reste-t-il de l'affaire Touvier ? Mémoire, Histoire et justice », The French Review, n° 1, 1998, p. 102 112. 27 histoire de la France "en épuration" »50. Dès la fin du XXe siècle et de plus en plus à partir des années 2000, les é de hi i e ai an de l a i n i n le j in c i en en e a ec ce aine d i cle c den e n en n de men i nne . A la lace d de globalisantes, ce qui domine dans un premier temps, ce sont les études adoptant un regard micro ou local. Ces travaux in e gean sur un groupe social particulier, une région géographique spécifique51 ou encore un groupe de métiers52, ont étudié l a i n c mme n h n m ne cial d ne am le c n id able, en lien avec la temporalité de sortie de guerre. Ces phénomènes sociaux avaient été sous-estimés a fi d ne hi i e a an d ha percevant le bas la société comme dominé par des pratiques sauvages. En outre, les anal e l cen e in e gen da an age la lace de femme a c de l a i n et sur le jugement de leur collaboration, à travers la figure de la tondue, mais également dans une moindre mesure à travers les collaboratrices politiques. Cependant, ces études sur l a i n c nce nen rarement l anal e d n g e c llab a i nni e cifi e. Si m n étude s in c i dan la c n in i d ne hi i g a hie di e mic de l a i n, en étudiant le groupe social des miliciens et miliciennes, les enjeux de ce travail de recherche n n a encore été réellement envisagés et exploités.
La de ni e g ande n h e l a i n a bli e en 2017. Il agi de l age de Fab ice Vi gili e F an i R e : Les Françaises, les Français et l Epuration. Au-del de l im ance de n a a eil critique, les analyses réalisées par les deux historiens ne se cantonnent pas à une histoire politique et envisagent les phénomènes sociaux autour de l a i n, el e le i e e l ill e . Cet ouvrage constitue donc une synthèse renouvelée, riche e c m l e le je de l a i n, fai an fi de e e d a chi e e de n elle de . Enfin, ce in j f che le hi ien l a i n malg le n mb e im an de eche che d j ali e e e e dan la récen e blica i n, en 2019, de l age de n h e de Ma c Be g e L épuration en France53.
50 BERGERE, Marc, L épuration en France, Paris, PUF, 2018, p. 5. 51 BAILLY, Jacques-Augustin, La Libération confisquée : le Languedoc, 1944-1945, Paris, Albin Michel, 1993, 481 p. ; CAPDEVILA, Luc, Les Bretons au lendemain de l Occupation : imaginaires et comportements d une sortie de guerre, 1944-1945, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1999, 449 p. ; LUIRARD, Monique, La région stéphanoise dans la guerre et dans la paix (1936-1951), Saint-E ienne, Cen e d E de f iennes et cen e in e di ci linai e d de e de eche che le c e gi nale , 1980, 1024 . 52 ROUQUET, François, Une épuration ordinaire, 1944-1949 : petits et grands collaborateurs de l administration française, Paris, Editions du CNRS, 2011, 489 p. ; BERLIERE, Jean-Ma c, L a i n de la police française parisienne en 1944-1945 », Vingtième Siècle, n° 49, 1996, p. 63-81. 53 BERGERE, Marc, L épuration en France, op. cit.
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L hi i g a hie de la Milice f an ai e est également dense et diverse. Différents historiens, depuis le livre de Jacques Delperrié de Bayac54, se sont attelés à l hi i e de ce e organisation fascisante d E a . Ce e hi i e a en el e de i e le n h e le l cen e n a j d h i celle de Pie e Gi li 55 d ne a , e de Mich le C in e 56 d a e part. Bien que le id de l hi i e ciale soit présent dans ces études, notamment par le biai d de g a hi e , la lace de la Milice dans les représentations et les discours construits sur elle, reste en retrait. Ce de n h i e al i en da an age l anal e li i e de l organisation, du point de vue de son historique et de ses dirigeants. Divers articles étudiant la Milice et la collaboration à des échelles plus restreintes permettent alors de compléter ces ouvrages57. Dans ces articles, les miliciens et miliciennes sont envisagés dans n cad e g g a hi e, en gi nal d a emen al, afin d die n g e e ein de mani e an i a i e, a ec l a de a i i e n ammen , mai a i de mani e qualitative, en mettant en relation cet échelon avec le statut national de la Milice. Cependant, l a che d hi i e li i e d mine l hi i g a hie de la Milice, e le de d hi i e ciale e c l elle man en l anal e de ce g e c llab a e .
L hi i g a hie de la Milice f an ai e ne lai e ne lace minime l de d devenir de ses membres après la Libération, dans le cadre des procès. Quand cela est en i ag , e l le di igean de l gani a i n n men i nn . Il e ain i ai de e de informations sur le procès de Joseph Darnand en Haute cour de justice, le 3 octobre 1945, mais cela est beaucoup plus difficile pour les procès impliquant des membres de la Milice. L a i n extra-légale est elle aussi davantage mentionnée puisque les miliciens faisaient partie des principales cible e bea c d en e e n c ndamn m . Ce endan , cela ne justifie pas le silence autour du jugement de ces collaborateurs par la justice de l a i n. Cette lacune historiographique, de m me e le age l a i n, pe e li e a la n n-ouverture des archives au moment où ils ont été publiés.
54 DELPERRIE DE BAYAC, Jacques, Histoire de la Milice. 1918-1945, Paris, Fayard, 1969, 684 p. 55 GIOLITTO, Pierre, Histoire de la Milice, op. cit. 56 COINTET, Michèle, La Milice française, Paris, Fayard, 2013, 352 p. 57 CHANAL, Michel, La Milice f an ai e dan l I e (f ie 1943-août 1944) », Revue d histoire de la Deuxième guerre mondiale et des conflits contemporains, n° 127, 1982, p. 1-42 ; GERMAIN, Michel, Histoire de la Milice et les forces du maintien de l ordre : guerre civile en Haute-Savoie, Montmélian, La fontaine de Siloé, 1997, 507 p. ; GUILLON, Jean-Marie, « Les mouvements de collaboration dans le Var », Revue d histoire de la Deuxième guerre mondiale, n°113, 1979, p. 91-110 ; LAURENS, And , Le h n m ne milicien , op. cit.
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Les sources de l épuration : l ouverture d un corpus peu exploité
Le principal corpus de sources di l anal e e constitué des archives de la cour de justice de la Seine. Les cours de justice sont c e dan le cad e de l a i n i e aux ordonnances du 26 juin et du 28 novembre 1944 définissant leurs compétences et mode de fonctionnement. Ainsi, elles ont pour but de « juger les faits commis entre le 16 juin 1940 et la date de la Libération qui constituent des infractions aux lois pénales en vigueur le 16 juin 1940 lorsqu'ils révèlent l'intention de leurs auteurs de favoriser les entreprises de toutes natures de l'ennemi, et cela nonobstant toute législation en vigueur »58. Elles jugent des crimes e d li de c llab a i n le l g a e , le m d le de c d a i e e peuvent prononcer les mêmes peines que ces dernières (peine de mort, travaux forcés, réclusion criminelle, prison). A ces peines aj e une sanction inédite : la dégradation nationale, liée a c ime de l indigni na i nale59. Le c d a chi e d i e par la cour de justice de la Seine est extrêmement dense et apporte des données abondantes sur l en emble de procédures précédant les procès. Sur les procès en eux-mêmes, les sources sont moins riches ca le d ie ne men i nnen e le anc i n a ib e l i e de ce -ci et non leur déroulé ou ce qui a été dit.
Ces archives sont conservées au sein du site des Archives nationales, à Pierrefitte-sur- Seine. Le f nd a e a A chi e na i nale en 2012. N anm in , a an l a de 2015, rendant ces dossiers accessibles et librement communicables, seules des dérogations pou aien e me e d a i acc ce d ie e memen iche ic n e hai an die la i de de l a i n en F ance60. Le fonds de la cour de justice de la Seine est répertorié dans la sous-série Z/6 qui regroupe l en emble de a chi e de cette cour de justice, à ce jour disponible. Au sein de ces archives, il faut distinguer les dossiers d en e e e e le d ie d affai e j g e . Le premiers sont accessibles sous la forme de cartons comprenant un nombre important de dossiers, souvent plus étoffés du fait d n man e de e e d cla emen a ide de l affai e i c nd i en d nc l aband n de la c d e. A l in e e, le seconds sont bien plus volumineux car ayant conduit à une comparution devant la cour de justice, le contenu de ces dossiers est donc plus riche, en preuves ou en actes de procédure. Au sein de ces dossiers, classés par individus, se trouvent l en emble de l men ela if l a e a i n, l in c i n e a c . Le d c e de
58 GPRF, ordonnance du 26 juin 1940, article premier. 59 SIMONIN, Anne, Le déshonneur , op. cit. 60 Arrêté du 25 décembre 2015.
30 ces archives étant une instance juridique dont la naissance et par conséquent les prérogatives sont de nature spéciales, voire exceptionnelles, il est nécessaire de prendre cela en compte dans leur étude. Le discours employé est de nature juridique et produit dans un contexte intense et doit répondre à des enjeux politiques, des objectifs, liés à la temporalité de sortie de guerre e a abli emen d n g e nemen blicain, ain i la c ncilia i n de la communauté nationale, par les autorités résistantes.
Les archives issues de la sous-série Z/6 ont été complétées avec la consultation d a e ce afin de c i e le ega d . P ce fai e, j ai n ammen c n l de archives gouvernementales, telles que la sous-série F/7 Mini e de l In ie - Police générale 1799-1995 » des Archives nationales. Ces archives donnent des indications concernant davantage les questions organisationnelles sur les procès et la manière dont se d len le i e en cha ge de c ndamn . J ai galemen c n l de a chives dans lesquelles était envisagée la question milicienne61. Celles-ci sont pour certaines également comprises dans la sous-série F/7, mais également dans la sous-série F/60 correspondant aux archives du secrétariat général du gouvernement et services du premier ministre, et dans les archives du fonds 72/AJ du comité français de la Seconde guerre mondiale. Ces différentes ce c n i en de a i l anal e de h n m ne -jacents, mais peuvent galemen a e cen ale dan le e en ations qui y sont construites des collaborateurs.
Les opinions et représentations sur la Milice dans la presse
Le ch i de f me n c d a icle i de la e e c i e e bli endan la i de de ie de g e e el e d ne l n d anal e ne c nf n a i n de in de e, d in i i n e d indi id diff en . En effe , andi e l anal e des dossiers d acc a i n el e da an age d ega d d ne j ice n g e cial c llab a e , la e e, e i i nnan en efle de l ini n, e me de in e ge sur les informations véhiculées sur les membres de la Milice. Pour mener cette analyse, à la fois quantitative et qualitative, trois périodiques ont été retenus : Le Monde, La Croix et Combat. Les articles de presse retenus dans ces périodiques mentionnent le terme « Milice » ou « milicien » et sont compris entre le 21 août 1944 et le 21 décembre 1948. Ensuite, ces articles ont été répertoriés
61 AN, F/60/1675 : secrétariat général du gouvernement et premier ministre, la Milice, organisation, effectifs, activités. Discours et prises de positions politiques, commentaires de presse et informations diverses.
31 a ein d n able E cel, e me an d ne a de le ecen e e d a e a de c nf n e les différentes données62. Ce e anal e e e la lec i n de h me e d ac e , en amont de la c n l a i n de a icle , afin d effec e ne anal e li e a di c e a h ma i e em l dan le a icle in e an l ac i n milicienne e a memb e de l gani a i n. 20 h me e 22 ac e n ch i i afin de ali e ne étude, entre 1944 et 1948, des opinions et représentations développées par la presse63.
Récits et expériences
A ce corpus aj e la consultation de sources écrites. L ili a i n de ce ce e me d en i age ne hi i e d en ible, mai a i d c i e l hi i e en enan en compte la diversité des récits et des points de vue sur les objets étudiés. La consultation d a bi g a hie de li e de m m i e dig a de femme , al elle n da an age in i ibili e dan l hi i e de la i de d Occ a i n e dan la c llab a i n politique, offre la possibilité de prendre en compte le récit de leurs expériences personnelles. Ces sources écrites peuvent être issues des bourreaux eux-m me i n c nn l e ience milicienne. Ces sources ne f n a j l bje d anal es historiques or, elles sont cen ale dan l de de ega d d el a le g e di n e c e n expérience64. Certains miliciens ont publié leur mémoire notamment Henry Charbonneau dans le deuxième tome des Mémoires de Porthos, publié en 196965. Ces mémoires sont celles d n ancien milicien, dac e en chef de Combats et neveu par alliance de Joseph Darnand. Dan ce de i me me, il ai e en a ie de l ac i n de la Milice mai a i de la e i n de l a i n. Le Waffen S.S. Christian de la Mazière a également rédigé ses mémoires. Les récits traitant spécifiquement de l a i n e n ammen le amphlets contre celle-ci, ont été, quant à eux, davantage étudiés. Nous les retrouvons ainsi mentionnés dans les bibli g a hie d age l a i n, n ammen dan celle de F an i R e e Fabrice Virgili, ou dans des études leur étant spécifiquement consacrés66. Consulter ces écrits permet de saisir les points de vue des accusés sur leur vécu dans ces procès, ou encore de
62 Annexe n° 1 : entrées du tableur Excel recensant les articles de presse, p. 238. 63 Annexe n° 2 : ch i de h me e ac e dan la c n i i n d c d a icle de e e, . 239-240. 64 PATIN, Nicolas, « Les écrits intimes des responsables nazis. Une réflexion sur les sources. », Vingtième siècle, revue d histoire, n° 139, 2018, p. 129-141. 65 CHARBONNEAU, Henry, Les Mémoires de Porthos, Tome II, Paris, Librairie française, 1981, 468 p. 66 VIMONT, Jean-Cla de, Le am hle d incarcérés après la Libération », BIARD, Michel (dir.), Combattre, tolérer ou justifier, écrivains et journalistes face à la violence d Etat, XVIe-XXe, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2009, p. 145-174.
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