Anton Webern. L'homme Et Son Œuvre
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ANTON WEBERN par CLAUDE ROSTAND AUTRES OUVRAGES DE CLAUDE ROSTAND L'œuvre de Gabriel Fauré (J.-B. Janin, édit.). La musique française contemporaine (Presses Univ. de France). Les chefs-d'œuvre du piano, préface d'Alfred Cortot (Le Bon plaisir, Plon, édit.). Les chefs-d'œuvre de la musique de chambre, en collaboration avec André Cœuroy (Le Bon plaisir, Plon édit.). Les chefs-d'œuvre de la musique symphonique et religieuse, en collabo- ration avec Jean Chantavoine (Le Bon plaisir, Plon édit.). Entretiens avec Darius Milhaud (Julliard édit.). Entretiens avec Francis Poulenc (Julliard édit.). Entretiens avec Igor Markevitch (Julliard édit.). Olivier Messiaen (Editions Ventadour). Pierre-Octave Ferroud (Durand et Cie édit.). Brahms (2 volumes) (Le Bon plaisir, Plon, édit.). Liszt (Editions du Seuil). La musique allemande (Presses Universitaires de France). La musique des Allemagnes de la mort de Beethoven à nos jours (La- rousse) . Histoire sonore de la musique (2 volumes) (Club français du disque). La musique et les grandes étapes de son histoire (Grolier Inc. New York). L'orgue et les organistes dans la musique occidentale (Editions Laber- gerie). Richard Strauss (Editions Seghers). Hugo Wolf (Editions Seghers). EN PRÉPARATION : Igor Stravinsky (1 volume). Claude Debussy (2 volumes). MUSICIENS DE TOUS LES TEMPS ANTON WEBERN L'homme et son œuvre par CLAUDE ROSTAND Catalogue des œuvres Discographie Illustrations Éditions Seghers Collection dirigée par JEAN ROIRE. La couverture a été dessinée par JEAN FORTIN. TOUS DROITS DE REPRODUCTION, D'ADAPTATION ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS. © 1969, ÉDITIONS SEGHERS, PARIS. A Suzanne Tézenas Présidente fondatrice du « Domaine musical » AVANT-PROPOS Ce petit livre voudrait faciliter à l' « honnête homme » du XX siècle l'accès d'un artiste et d'une œuvre dont les abords peuvent paraître abrupts. Mais cet artiste et cette œuvre sont profondément humains, et la connaissance en est indispensable à qui veut savoir et comprendre ce qui se passe de notre temps. Cet homme simple, modeste, effacé, et que l'éclair aveugle d'un coup de feu dans la nuit a soudainement supprimé, prend aujourd'hui toute sa grandeur personnelle et toute son importance historique. A côté des trois grands génies, Debussy, Schönberg et Stravinsky, sans lesquels le XX siècle n'aurait pas la physio- nomie que nous lui connaissons, après ces trois créateurs qui ont, les premiers, ouvert les portes d'un univers nouveau, Anton Webern est celui qui a entrepris la première explo- étération suivi. lointaine, qui a montré la direction à suivre, et qui a Avec le recul des années, nous voyons quelles responsabili- tés capitales lui reviennent dans les développements auxquels nous assistons maintenant, un petit quart de siècle après sa mort. Nous voyons aussi que c'est à partir de Webern que la musique a commencé de rattraper le retard de vingt-cinq ans, ou plus, qu'elle avait sur les arts plastiques, retard large- ment comblé aujourd'hui. C'est cette aventure dont on veut ici fixer les traits princi- paux, en racontant cette vie presque insignifiante et cependant pathétique, en survolant cette production si particulière en ses aspects extérieurs comme en son contenu. On doit l'essentiel des renseignements biographiques au petit livre de Friedrich Wildgans, mais aussi à des documents directs tels que le journal intime de Webern et ses lettres. On a utilisé largement ces derniers de façon à donner le plus souvent possible la parole à Webern lui-même, tant pour connaître les circonstances de sa vie (chap. I), que l'homme et l'artiste (chap. II), et que l'esprit de l'œuvre ainsi que l'œuvre elle-même (chap. III). La plupart de ces textes authentiques sont ici publiés pour la première fois en langue française. Pour l'étude de l'œuvre, ces pages ne s'adressent pas au musicien professionnel, mais au mélomane éclairé, à l'amateur de concert, au discophile. On ne traite, par conséquent, aucun problème sous l'angle technique, ce qui serait contraire à l'esprit de la présente Collection. Toutefois, dans certains cas exceptionnels et particulièrement significatifs, on a fait un bref détour sur le terrain de la technique de façon à donner un exemple illustratif et facile à comprendre d'un aspect fondamental de l'écriture webernienne — et du style sériel en général — notamment dans les opus 10, 27 et 30 pour lesquels les écrits de Webern nous invitent eux-mêmes à le suivre un instant sur ce terrain. On tient à remercier tout spécialement les Editions Universal de Vienne et leur représentant à Paris qui ont si gracieusement mis le matériel indispensable à la disposition de l'auteur de ces pages. FÉVRIER 1968. Leben heisst eine Form verteidigen (Vivre, c'est défendre une forme). HOLDERLIN. « Webern demeure le seuil de la musique nouvelle... « ... homme indélébile ». PIERRE BOULEZ. LA VIE L'année où le présent volume est publié, Anton Webern aurait célébré son quatre-vingt-sixième anniversaire. Sa vie est sans histoire. Sa mort est une des plus atroces fatalités de l'histoire. Mais si cette existence fut sans histoire, sans fait extérieur bien saillant, elle est cependant l'histoire d'une vie intérieure extraordinairement riche, intense, fervente, de l'une des plus belles aventures de l'esprit humain. C'est la vie d'un petit-bourgeois qu'on va raconter. Et ce petit-bourgeois a changé la face de la musique. Il a été un être rare comme ces pierres banales qui, une fois cassées, révèlent qu'elles enfer- maient les plus miraculeuses cristallisations. Webern était né le 3 décembre 1883 à Vienne, dans un foyer de trois enfants dont il était le second. Seul fils, il avait reçu les prénoms d'Anton et Friedrich. Son véritable patronyme est von Webern. Par son père, il était de vieille souche aristocratique autrichienne, famille carinthienne qui avait eu son château à Salurn, dans le Tyrol méridional, près de Bozen. On a retrouvé, daté de 1705, un décret d'anoblissement conférant le titre à l'un de ses ancê- tres : Weber, Freiherr von Webern. On a retrouvé aussi, écrit de la main même du compositeur, un document reconstituant sa généalogie sur cinq générations, jusqu'en 1778 : c'est à partir de son père, Carl von Webern, que le titre de Freiherr fut abandonné. Le compositeur devait, à son tour, laisser tomber la particule. Carl von Webern (1850-1919) était un ingénieur des Mines, et il atteignit, en cette carrière, un grade assez élevé dans l'administration autrichienne. Il fut même l'un des fondateurs de la Montanistische Hochschule de Leoben, en Styrie, éta- blissement dont les travaux et la réputation ont, paraît-il, largement dépassé les frontières du pays. En 1877, il épousa Amalie Antonia Gehr, fille d'une famille très modeste de Mürzzuschlag, petite ville de Styrie. Bonne pianiste amateur, c'est elle qui mit Anton à l'étude du piano dès l'âge de cinq ans, bien que l'ambiance ne fût pas particulièrement artistique chez Carl von Webern. De cette toute première enfance, on ne sait pas grand-chose. Le père ayant été nommé inspecteur général des Mines à Graz en 1890, c'est là que le jeune garçon ira à l'école pendant quatre ans. Les hasards de la carrière paternelle l'amèneront ensuite au collège de Klagenfurt de 1894 à 1904. Ce n'est guère que pendant cette dernière période qu'il se mettra sérieusement à la musique : il travaille le piano et le violoncelle avec le D Edwin Komauer. Et c'est d'abord vers la profession de violoncelliste qu'il songe à s'orienter pour gagner sa vie. Dès cette époque il jouera parfois dans un orchestre d'amateurs. Mais il n'abandonne pas complètement le piano : il fait beaucoup de déchiffrage à quatre mains avec le D Komauer qui lui enseigne aussi quelques éléments de théorie musicale. Webern a peu parlé ou écrit sur cette première formation, mais il a cependant indiqué qu'il en conservait un bon souvenir, qu'il s'y était incontestablement enrichi, et que, notamment grâce aux séances de déchiffrage, il avait pu très tôt se familiariser avec la musique classique et moderne — pour cette dernière en particulier grâce aux symphonies de Gustav Mahler pour lequel il conservera tou- jours un culte et que plus tard, comme chef d'orchestre, il contribuera grandement à faire connaître. C'est de cette époque que datent les premiers essais de composition de Webern. On en a longtemps ignoré un très grand nombre. Des recherches toutes récentes, effec- tuées depuis la mort du musicien et enregistrées par Hans Moldenhauer, créateur des remarquables Webern Archive (University of Washington, Seattle, U.S.A.), ont mis au jour tout un lot de manuscrits inédits, pour la plupart oubliés ou inconnus auparavant, et qui précèdent le catalogue propre- ment dit des oeuvres de Webern, c'est-à-dire composées entre 1899 et 1907 : il s'agit de près de vingt-cinq lieder, de huit œuvres (ou fragments) de musique de chambre (quatuors à cordes, sonates pour piano, etc.), de deux compositions avec grand orchestre, et d'une esquisse de scène d'opéra sur laquelle nous reviendrons. Parmi ces manuscrits, les premières tentatives de composi- tion remontent donc à 1899. Ce sont d'une part deux pièces pour violoncelle et piano datées de Preglhof, en Carinthie, où le jeune homme passait ses vacances en famille, d'autre part de Lieder sur les poèmes de Ferdinand Avenarius, Richard Dehmel, et Gustav Falke — poètes qui ne nous donnent pas d'indications particulières sur les goûts ni les tendances de ce Webern de seize ans : ce sont des auteurs qui faisaient alors partie d'une bonne culture courante et que les compositeurs de l'époque mettaient volontiers en musique.