L'idéologie De L'action Française F
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Document generated on 10/01/2021 1:25 a.m. Cahiers d'histoire « Devant l’Étranger menaçant, il n’y a plus de partis, il y a la Patrie » : l’idéologie de l’Action française face au défi de l’Union sacrée (1914-1918) Kevin Audet-Vallée De Gênes à Fukushima : perceptions et gestions du risque Article abstract Volume 33, Number 1, Winter 2014 L’Action française was a significant ideological and intellectual movement in the French Third Republic’s political history. With its nationalist and URI: https://id.erudit.org/iderudit/1029359ar antirepublican rhetoric, it advocated the idea of the restoration of the French DOI: https://doi.org/10.7202/1029359ar monarchy to replace the democratic government, which it considered deleterious. However, it put its royalist agenda on hold during the Great War See table of contents and refocused on its patriotism. Though significant, this turnaround has nonetheless received little attention in the movement’s historiography. This article aims to examine L’Action française’s political journey and ideological evolution based on an analysis of politically-flavored columns published in its Publisher(s) daily newspaper between 1914 and 1918. Despite adhering in principle to the Cahiers d'histoire political truce brought by the Union Sacrée, it never gave up on its ideological criticism of the republican regime and the promotion of its royalist agenda. ISSN 0712-2330 (print) 1929-610X (digital) Explore this journal Cite this article Audet-Vallée, K. (2014). « Devant l’Étranger menaçant, il n’y a plus de partis, il y a la Patrie » : l’idéologie de l’Action française face au défi de l’Union sacrée (1914-1918). Cahiers d'histoire, 33(1), 15–34. https://doi.org/10.7202/1029359ar Tous droits réservés © Cahiers d'histoire, 2015 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Cahiers d’Histoire, VOLUME XXXIII, N°1 - HIVER 2014 « Devant l’Étranger menaçant, il n’y a plus de partis, il y a la Patrie » : l’idéologie de l’Action française face au déf de l’Union sacrée (1914-1918) Kevin Audet-Vallée Candidat à la maîtrise en histoire Département d’histoire Université de Montréal RÉSUMÉ L’Action française fut un mouvement idéologique et intel- lectuel marquant de l’histoire politique de la Troisième République. Elle défendait, au moyen d’une rhétorique nationaliste et antiré- publicaine, l’idée d’une restauration de la monarchie en France sur les ruines d’une démocratie qu’elle estimait viciée et délétère. Durant la Grande Guerre, elle mit cependant en veilleuse son combat royaliste et se recentra sur son patriotisme. Cette volte- face n’a cependant été que très peu abordée de front dans l’his- toriographie du mouvement. Le présent article vise à y remédier par l’examen du parcours politique de l’Action française à partir de l’analyse des chroniques à saveur politique publiées dans son quotidien entre 1914 et 1918. Malgré son adhésion de principe à la trêve politique que fut l’Union sacrée, l’Action française ne délaissa pas pour autant son procès idéologique du régime répu- blicain et la valorisation de son projet royaliste. ABSTRACT L’Action française was a significant ideological and intellectual movement in the French Tird Republic’s polit- ical history. With its nationalist and antirepublican rhetoric, it advocated the idea of the restoration of the French monarchy to replace the democratic government, which it considered dele- terious. However, it put its royalist agenda on hold during the 16 Cahiers d’Histoire, VOLUME XXXIII, N°1 - HIVER 2014 Great War and refocused on its patriotism. Tough signifcant, this turnaround has nonetheless received little attention in the movement’s historiography. Tis article aims to examine L’Action française’s political journey and ideological evolution based on an analysis of politically-favored columns published in its daily newspaper between 1914 and 1918. Despite adhering in principle to the political truce brought by the Union Sacrée, it never gave up on its ideological criticism of the republican regime and the promotion of its royalist agenda. À la signature de l’armistice qui mit fn à la Première Guerre mondiale le 11 novembre 1918, la France, pour la première fois en plus de cent ans, concluait un confit armé s’étant déroulé sur son territoire sous le même régime politique qu’à son déclenchement1. La subversion de l’ordre étatique républicain n’avait donc pas été à l’ordre du jour dans un contexte de guerre totale où tous les éléments de la société avaient été mis à contribution pour mener la défense nationale. Le monde politique avait ainsi presque unanimement adhéré à la trêve qu’on a baptisée « Union sacrée ». Point de passage obligé pour qui s’intéresse à l’histoire politique de la Troisième République2, le cas du mouvement l’Action française symbolise bien cette détente dans les combats politiques en France entre 1914 et 1918. En tant que principal porte-étendard d’une restauration de la monarchie durant la Belle époque à compter de sa formation dans les suites de l’afaire Dreyfus3, cet ensemble idéologique, 1. Fabienne Bock, Un parlementarisme de guerre. 1914-1919, Paris, Éditions Belin, 2002, p. 9. 2. Michel Leymarie, « Introduction » dans Ibid., et Jacques Prévotat, dir., L'Action française : culture, société, politique, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2008, p. 17. 3. Pour plus d’informations sur l’histoire de l’Action française, voir la somme d’Eugen Weber – qui plus de cinquante ans après sa publication fait encore autorité sur le sujet – ou la synthèse récente de Jacques Prévotat. (Eugen Weber, L’Action française, Paris, Stock, 1962, 649 pages; Jacques Prévotat, L’Action fran çaise, Paris, PUF, 2004, 124 pages.) DEVANT L’ÉTRANGER MENAÇANT, IL N’Y A PLUS DE PARTIS… 17 intellectuel et militant4 ne semblait efectivement pas, à première vue, destiné à rallier et à appuyer une trêve politique dont la mesure serait battue par le régime républicain français. Aussi bien l’orthodoxie antirépublicaine des idées que l’Action française défendait à l’aube du confit que la longueur imprévue de ce dernier soulèvent des questions à l’égard du chemin qu’elle suivit dans l’arène idéologique de la France de la Grande Guerre. Jusqu’à maintenant, cet aspect de son histoire n’a toutefois été que très peu abordé de front dans l’historiographie. Pour combler ce vide historiographique, nous avons fait l’étude de tous les numéros du samedi du quotidien publié par le mouvement – également nommé L’Action française – des mois d’août 1914 à novembre 1918. Ses principaux rédacteurs, tels Charles Maurras – idéologue de l’organisation –, Léon Daudet et Jacques Bainville, exemptés de service militaire pour la plupart, ont durant toute cette période continué à commenter et à analyser les événements politiques, tout en contribuant à alimenter la réfexion sur la marche à suivre pour faire en sorte que la France sorte victorieuse de ce qui allait être connu comme étant le premier confit mondial. Il ressort de cet examen que la logique afrmant la primauté des intérêts nationaux sur toute autre considération, qui était le fondement de la doctrine de l’Action française, ne fut pas du tout remise en question par l’état de belligérance du pays. Il n’en demeure pas moins que la peur de contribuer à la perte de la France mena l’Action française à opérer en contrepartie une sorte de « mise en veilleuse » de son programme politique de subversion royaliste. Elle estimait ainsi que l’arrêt intégral des débats politiques et le respect de l’autorité étatique en place par l’ensemble de la société représentaient les principaux aliments de l’unité nationale nécessaire pour repousser l’invasion allemande. 4. En son temps, l’Action française a pris la forme d’une ligue d’action politique éponyme mais également d’organes médiatiques et d’une école de pensée d’extrême droite dont l’infuence difuse se fait encore sentir de nos jours. 18 Cahiers d’Histoire, VOLUME XXXIII, N°1 - HIVER 2014 Or, malgré cela, force est d’admettre que la lecture antirépublicaine et royaliste de l’Action française persista dans les écrits de ses principaux maîtres à penser, que ce soit dans leur perception de la vie sociopolitique de la France ou dans leur interprétation des origines et des causes du premier confit mondial. Ils transgressèrent ainsi en quelque sorte la réserve qu’ils s’étaient eux-mêmes imposés et à laquelle ils jugeaient que le reste du monde politique français devait se soumettre en un seul bloc. Ils s’en défendirent bien, afrmant que cette prise de risque était motivée par les nécessités patriotiques du moment et que la fn justiferait les moyens. Pour bien comprendre cette logique, il convient tout d’abord de revenir sur les fondements idéologiques de l’Action française. I. Le risque d’une disparition de la France comme fondement idéologique L’idée selon laquelle il était nécessaire de tenir la France socialement, politiquement et matériellement prête à une éventuelle « défense nationale » fut l’une des principales motivations de la formation de l’Action française en 1898 et elle fut le guide primordial de son itinéraire idéologique jusqu’au déclenchement de la Grande Guerre5. Pour les principaux animateurs du mouvement, la culture et les pratiques politiques de la Troisième République menaçaient l’unité et la protection du territoire national à un moment de l’histoire où la perspective d’un confit européen ne devait surtout pas, à leur avis, être minimisée.